1er concile de Constantinople 381

De Salve Regina

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Histoire de l'Eglise
Auteur : Chanoine Adolphe-Charles Peltier
Source : Dictionnaire universel et complet des conciles
Date de publication originale : 1847

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen
Remarque particulière : Publié dans l'Encyclopédie théologique de l'abbé Jacques-Paul Migne, tomes 13 et 14.

Concile de Constantinople I - 381 - deuxième concile œcuménique

Il y avait plus de quarante ans que l'Église de Constantinople était sous la domination des ariens, lorsque l'empereur Théodose, pour l'en tirer et remédier aux maux de quelques autres Églises d'Orient, résolut d'y assembler un concile. Elle était tombée entre les mains d'Eusèbe, chef de toute la faction arienne, dès l'an 339. Elle tomba depuis en celles de Macédonius, qui y exerça à diverses reprises les cruautés les plus tragiques, et qui, après avoir combattu longtemps la divinité du Fils de Dieu, se fit chef de l'hérésie qui attaque la divinité du Saint-Esprit. Macédonius ayant été déposé par les acaciens en 360, ils lui substituèrent Eudoxe, qui commença les fonctions de son ministère dans cette église par un discours rempli de blasphèmes si horribles, qu'il n'est pas permis de les rapporter. Sa mort, arrivée en 370, fit naître aux catholiques l'espérance de quelque relâche dans leurs maux. Ils élurent pour leur évêque un nommé Evagre ; mais son ordination excita contre les catholiques une nouvelle persécution de la part des ariens. Valens, qui régnait alors, envoya des troupes à Constantinople avec un ordre de bannir Evagre et Eustathe, qui avait procuré son élection. Ce prince fit mettre à la place d'Evagre Démophile, évêque de Bérée en Thrace, qui s'était signalé plus d'une fois dans le parti des ariens. C'est lui que le concile d'Aquilée appelle le cruel chef de la perfidie. En effet, dès son entrée à Constantinople, les ariens exercèrent des cruautés inouïes sur les catholiques. Mais l'empereur Théodose, étant venu à Constantinople au mois de novembre de l'an 380, ordonna à Démophile de quitter les églises, ou d'embrasser la foi de Nicée. Cet évêque, ne se trouvant pas en état de résister, quitta les églises et la ville avec Luce, qui s'y était réfugié après son expulsion d'Alexandrie en 378. Ce Luce était arien et avait usurpé le siège d'Alexandrie en 373 ; mais après qu'il y eut excité une horrible persécution, le peuple de cette ville l'en chassa.

On ne trouva personne plus propre à relever l'Église de Constantinople que saint Grégoire de Nazianze, célèbre partout déjà depuis longtemps, pour sa vertu, son savoir et son éloquence. Mais il fallut lui faire violence pour le tirer de sa solitude. Les catholiques de cette ville et un grand nombre d'évêques l'appelèrent pour prendre soin de cette Église abandonnée ; ses meilleurs amis l'en conjurèrent, nommément Bosphore, évêque de Colonie, et un autre évêque de Cappadoce, appelé Théodore. Cédant aux instances de tant de personnes, il se rendit à Constantinople dans le cours de l'an 379. Comme les ariens occupaient encore alors toutes les églises de la ville, et qu'ils ne permettaient pas que les catholiques s'assemblassent en aucun lieu, saint Grégoire tint ses assemblées dans la maison de l'un de ses parents, qui l'avait reçu à son arrivée. Les catholiques accommodèrent cette maison en église, et on lui donna depuis le nom d'Anastasie ou de Résurrection, à cause que la vraie foi, qui était comme morte dans Constantinople, avait commencé à revivre dans cette maison, et y était comme ressuscitée.

Saint Grégoire ne s'appliqua pas moins à réfuter les hérétiques et à les gagner par sa douceur, qu'à instruire les catholiques des vérités de la foi et de la morale. Mais il eut la douleur de voir ses travaux troublés par l'ordination irrégulière de Maxime le Cynique. C'était un Égyptien, né à Alexandrie, d'une famille qu'il disait avoir été honorée du martyre ; dès sa jeunesse il avait embrassé avec la religion chrétienne la philosophie des cyniques, dont il portait l'habit, qui était blanc, le bâton et les longs cheveux. Cet homme, après avoir couru divers pays, où par sa mauvaise conduite il fut souvent repris en justice, et puni du fouet et de l'exil, vint à Constantinople dans le dessein d'en chasser saint Grégoire et de s'en faire lui-même évêque. Il sut si bien feindre, que saint Grégoire, trompé par les dehors de piété qu'il affectait, le reçut au nombre de ses amis, le logea dans sa maison, et le fit compagnon de sa table, de ses études et de ses desseins avec une entière confiance, lui donnant partout de grands éloges, même dans un discours public qu'il prononça à sa louange, sous le titre d'éloge du philosophe Héron. Maxime, se croyant à temps de faire réussir le dessein qu'il avait formé de supplanter saint Grégoire, s'associa un prêtre de l'Église de Constantinople, qui avait conçu de l'aversion contre le saint évêque, par le mouvement seul de sa jalousie ; et, de concert avec lui, il fit venir d'Égypte sept hommes capables de l'aider dans son dessein et de tout faire pour de l'argent. Ces hommes furent suivis de quelques évêques qui les avaient envoyés, et ils étaient eux-mêmes envoyés par Pierre, évêque d'Alexandrie, qui, après avoir donné ses lettres pour établir saint Grégoire sur le siège de l'Église de Constantinople, s'était déclaré contre lui, on ne sait par quel motif. Maxime gagna aussi par argent quantité de mariniers, pour représenter le peuple et lui prêter main-forte en cas de besoin. On prit pour l'ordination de Maxime le temps de la nuit, et celui que saint Grégoire était malade. Mais le jour les surprit avant que la cérémonie fût achevée : en sorte que leur entreprise, ayant été découverte et publiée dans toute la ville, ils furent contraints de quitter l'église et de se retirer dans une maison particulière, qui appartenait à un joueur de flûte. Ce fut là qu'en présence de quelques personnes de la lie du peuple et de quelques excommuniés, ils achevèrent l'ordination de Maxime. Le clergé et le peuple, indignés de cet attentat, contraignirent ce cynique à sortir de la ville. Saint Grégoire voulut lui-même se retirer ; mais un des orthodoxes lui ayant dit que s'il en sortait, il bannissait avec lui la foi de la sainte Trinité, cette parole le toucha si vivement, qu'il consentit à demeurer.

Cependant Maxime était allé trouver l'empereur, avec les évêques d'Égypte qui l'avaient ordonné. C'était vers le mois d'août de l'an 380. Son but était de s'établir par l'autorité de ce prince sur le trône qu'il avait usurpé ; mais Théodose le rejeta avec exécration, suivant apparemment en cela les avis de saint Ascole et de cinq autres évêques de Macédoine, qui étaient bien informés de ce qui s'était passé dans l'ordination de Maxime. Celui-ci, chassé par l'empereur, se retira à Alexandrie, où, secondé de quelques vagabonds qu'il avait gagnés par argent, il pressa l'évêque Pierre de le faire jouir du siège de Constantinople, le menaçant de s'emparer du sien propre. Mais le préfet d'Égypte, craignant les suites de cette entreprise, fit sortir Maxime de la ville.

Tout cela n'empêcha point que l'ordination de Maxime, tout illégitime qu'elle était, ne causât de l'embarras dans Constantinople, et qu'elle ne fournît aux ennemis de saint Grégoire un prétexte de chicane. Car, quoiqu'il fût chargé du gouvernement de l'Église de cette ville, il n'en avait pas encore été reconnu évêque dans une assemblée solennelle ; et il ne fut établi sur le siège de Constantinople que pendant la tenue du concile que l'empereur y assembla au mois de mai de l'an 381, aussitôt après qu'il eut mis les catholiques en possession des églises de cette ville. Les motifs de la convocation du concile furent de confirmer la foi de Nicée, d'établir un évêque à Constantinople, et de faire des règlements dont l'Église avait besoin pour affermir la paix qu'elle commençait à goûter sous la protection de Théodose. Ce prince, pour rendre l'assemblée nombreuse, ordonna par ses lettres à tous les évêques de son obéissance, c'est-à-dire de l'Orient, de s'y trouver.

Tous y accoururent, excepté ceux d'Égypte et de Macédoine, qui n'y vinrent que quelque temps après l'ouverture du concile. En tout il s'y trouva cent cinquante évêques, selon l'opinion la mieux appuyée, dont les principaux étaient : saint Mélèce d'Antioche, accompagné de deux de ses prêtres, Flavien et Elpidius ; Hellade de Césarée en Cappadoce, qui venait de succéder à saint Basile ; saint Grégoire de Nysse ; saint Pierre de Sébaste, son frère ; saint Amphiloque d'Icone, Optime d'Antioche en Pisidie, Diodore de Tarse, saint Pélage de Laodicée, saint Euloge d'Édesse, Acace de Bérée en Syrie, Isidore de Cyr, saint Cyrille de Jérusalem, et Gélase de Césarée en Palestine, son neveu ; Denys de Diospolis en Palestine, confesseur ; Vitus de Carrhes en Mésopotamie, célèbre par sa piété ; Abraham de Batre en Mésopotamie, confesseur ; Antiochus de Samosate, neveu et successeur de saint Eusèbe ; Bosphore de Colonie en Cappadoce ; Otrée de Mélitine en Arménie, et divers autres cités avec honneur dans les écrits des anciens, et principalement dans les lettres de saint Basile. Mais les autres évêques qui assistèrent à ce concile n'étaient pas d'une réputation égale à ceux que nous venons de nommer. Il paraît même que le plus grand nombre n'était pas celui des saints, puisque saint Grégoire parle souvent de ce concile avec mépris, l'appelant tantôt une assemblée d'oisons et de grues qui se battaient et se déchiraient sans discrétion ; tantôt une troupe de géants et un essaim de guêpes qui sautaient au visage dès qu'on s'opposait à eux.

L'empereur, qui ne désespérait pas de réunir les macédoniens à l'Église, les appela aussi au concile ; et ils y vinrent au nombre de trente-six, la plupart de l'Hellespont, dont les plus connus étaient : Eleusius de Cyzique, célèbre sous le règne de Constance, et Marcien de Lampsaque. On ne voit point que le pape Damase y ait envoyé personne de sa part, ni qu'il y en soit venu de la part des autres Occidentaux : aussi Théodose ne l'avait-il assemblé que de l'Orient. Il fut toutefois reconnu pour le second concile œcuménique, par le consentement que l'Occident donna depuis à ce qu'on y avait décidé touchant la foi.

Saint Mélèce, évêque d'Antioche, présida d'abord au concile ; mais comme il vint à mourir, saint Grégoire de Nazianze, qui avait été établi évêque de Constantinople, tint le premier rang dans l'assemblée ; et ensuite Nectaire, lorsqu'il eut été mis en la place de saint Grégoire : en sorte qu'il y eut successivement dans le concile trois présidents. Quelques-uns y en mettent un quatrième, savoir Timothée d'Alexandrie ; et rien n'empêche de dire qu'il présida entre la démission de saint Grégoire et l'ordination de Nectaire. L'empereur, qui se trouvait alors à Constantinople, fit des honneurs extraordinaires à saint Mélèce. Ce prince se ressouvenait qu'après avoir remporté une grande victoire sur les barbares, il avait vu en songe saint Mélèce qui le revêtait du manteau impérial et lui mettait la couronne sur la tête. Le matin, il raconta ce songe à un de ses amis, qui lui dit qu'il était clair et sans énigme. En effet, peu de jours après, c'est-à-dire, le 19 janvier 379, Gratien lui donna l'empire d'Orient. Lors donc que les évêques, se trouvant en assez grand nombre pour commencer le concile, allèrent au palais saluer l'empereur, il défendit que personne lui montrât Mélèce ; mais il le reconnut sans peine, et laissant tous les autres, il courut à lui, l'embrassa, lui baisa les yeux, la bouche, la poitrine, la main qui l'avait couronné, et raconta la vision qu'il avait eue. Il reçut aussi les autres évêques avec toutes sortes de marques d'amitié, et les pria, comme ses pères, de travailler avec soin aux affaires de l'Église.

Celle qui pressait le plus était de donner un évêque à l'Église de Constantinople. On la commença par l'examen de l'ordination de Maxime le Cynique, dont il fut aisé de montrer l'irrégularité. Les Pères du concile déclarèrent qu'il n'avait été et n'était point évêque ; que ceux qu'il avait ordonnés, en quelque rang du clergé que ce fût, n'y devaient pas être reçus, et que tout ce qu'il avait fait comme évêque était sans effet et illégitime. On fit sur cela un canon, qui est le quatrième. Il ne paraît pas que l'on ait rien ordonné contre les évêques d'Égypte ni contre Pierre d'Alexandrie, qui avaient eu part à l'ordination de Maxime. On ne pensa, après avoir chassé l'usurpateur du siège de Constantinople, qu'à chercher quelqu'un qui fût digne de le remplir. L'empereur, qui admirait la vertu et l'éloquence de saint Grégoire de Nazianze, n'en trouvait point de plus capable que lui pour occuper une place si importante, et il fit tomber saint Mélèce et les autres évêques du concile dans son sentiment. Mais saint Grégoire résista jusqu'aux larmes ; et il ne céda à la violence qu'on lui fit que par l'espérance, dont il se flattait, qu'étant évêque de Constantinople il pourrait plus aisément, dans cette ville, qui était située au milieu de l'Orient et de l'Occident, concilier ces deux parties du monde, divisées depuis longtemps à l'occasion du schisme d'Antioche. Il fut donc établi solennellement évêque de Constantinople par saint Mélèce et par les autres évêques du concile, dont plusieurs prononcèrent divers discours pour honorer cette fête, nommément saint Grégoire de Nysse.

La joie de l'intronisation de saint Grégoire fut bientôt troublée par la mort de saint Mélèce. Tout le monde y fut sensible. Les peuples accoururent en foule à ses funérailles. On appliqua sur son visage des linges que l'on partagea ensuite aux fidèles, qui les gardèrent comme des préservatifs. Les évêques s'empressèrent de raconter dans des discours publics ses vertus et ses combats pour la foi ; et l'on était si persuadé de sa sainteté, que saint Grégoire de Nysse ne craignit point de dire, dans l'oraison funèbre qu'il fit de ce saint : " Il parle à Dieu face à face, et il prie pour nous et pour les ignorances du peuple. " Mais la mort de saint Mélèce, qui aurait dû finir le schisme de l'Église d'Antioche, ne servit qu'à l'augmenter. On était convenu que le survivant de lui ou de Paulin gouvernerait seul cette Église ; et pour rendre cet accord plus stable, on l'avait fait jurer à six des prêtres du parti de saint Mélèce, qui paraissaient devoir prendre le plus de part à l'élection, et nommément à Flavien. Tous avaient promis avec serment, non seulement de ne se point procurer cette place, mais encore de la refuser si elle leur était offerte : en sorte que Paulin devait, selon toutes les apparences, être reconnu sans difficulté pour seul évêque d'Antioche. Il n'y avait plus même d'évêque arien en cette ville ; et le peu qui y restait d'ariens n'étaient conduits que par deux prêtres, Astérius et Crispin. Toutefois, ceux d'entre les évêques assemblés qui étaient ennemis de la paix proposèrent dans le concile d'examiner qui l'on donnerait pour successeur à saint Mélèce ; et cette question souffrit de grands débats de part et d'autre. L'avis de saint Grégoire, qui se trouvait à la tête du concile depuis la mort de saint Mélèce, était de laisser à Paulin seul le gouvernement de l'Église d'Antioche. " Vous ne considérez, disait-il à ceux qui voulaient qu'on donnât un successeur à saint Mélèce, qu'une seule ville, au lieu de regarder l'Église universelle : quand ce seraient deux anges qui contesteraient, il ne serait pas juste que le monde entier fût troublé par leur division. Tant que Mélèce a vécu, on pouvait excuser l'éloignement des Occidentaux et espérer qu'il les gagnerait par sa douceur. Maintenant que Dieu nous a donné la paix, conservons-la ; laissons Paulin dans le siège qu'il occupe : il est vieux, la mort terminera bientôt cette affaire. Il est bon quelquefois de se laisser vaincre ; et afin qu'on ne croie pas que je parle par intérêt, je ne vous demande point d'autre grâce que la liberté de quitter mon siège et de passer le reste de mes jours sans gloire et sans péril. "

Quelque sage que fût cet avis, il ne fut point suivi : les jeunes évêques s'élevèrent avec fureur contre saint Grégoire, et ils entraînèrent les anciens. Ils ne pouvaient souffrir que le sentiment des Occidentaux prévalût, quoiqu'ils n'eussent d'autre raison à leur opposer, sinon que, puisque Jésus-Christ avait voulu paraître en Orient, l'Orient devait l'emporter sur l'Occident. Flavien, prêtre de l'Église d'Antioche, en fut donc élu évêque par les évêques d'Orient, avec le consentement de l'Église d'Antioche, c'est-à-dire, de ceux qui n'étaient point du parti de Paulin. Les amis de saint Grégoire le pressèrent d'approuver ce choix ; mais quelque instance qu'ils lui en fissent, il demeura ferme dans son sentiment, ne voulant point d'amis qui se servissent du pouvoir de l'amitié pour l'engager dans le mal. Voyant donc qu'on ne voulait pas laisser Paulin paisible à Antioche, il songea à quitter Constantinople pour aller se renfermer en Dieu et en lui-même dans la solitude ; et dès lors il commença à ne plus fréquenter les assemblées, où il ne voyait que confusion, prenant pour prétexte ses fréquentes infirmités. Il changea même de maison et quitta celle qui tenait à l'église, c'est-à-dire, la maison épiscopale, où l'on tenait le concile. On ne douta plus, après cette démarche, qu'il ne fût dans le dessein de quitter le siège de Constantinople, comme il l'avait dit dans l'assemblée. Les personnes les plus considérables de la ville, et qui lui étaient le plus affectionnées, le conjurèrent, les larmes aux yeux, de ne point les abandonner. Leurs larmes l'attendrirent, mais ne le fléchirent point, et un nouvel incident le détermina tout à fait à se retirer.

Les évêques d'Égypte et de Macédoine, qu'on n'avait pas encore appelés au concile, furent invités d'y venir, dans l'espérance qu'ils pourraient contribuer à la paix. Ils y vinrent en diligence, les évêques d'Égypte ayant à leur tête Timothée, évêque d'Alexandrie, et ceux de Macédoine, saint Ascole, évêque de Thessalonique. Ils parurent d'abord fort échauffés contre les Orientaux, qui de leur côté n'étaient pas moins animés contre eux. Cette disposition donnait lieu d'espérer que les évêques d'Égypte et de Macédoine s'uniraient avec saint Grégoire, qui avait pris hautement le parti des Occidentaux en prenant celui de Paulin d'Antioche ; mais le contraire arriva. Comme c'étaient les Orientaux qui avaient établi saint Grégoire sur le siège de Constantinople, et que la passion que ces évêques nouvellement venus avaient contre eux leur faisait rechercher tous les moyens de leur faire de la peine, ils se plaignaient que l'on eût violé les canons dans l'intronisation de saint Grégoire, en le faisant passer de l'Église de Nazianze à celle de Constantinople. Ce différend alla loin ; et si l'on en croit Théodoret, les Orientaux en prirent occasion de se séparer de la communion des Égyptiens. Ce qu'il y a de vrai, c'est que saint Grégoire, voyant les Égyptiens murmurer de son élection, saisit avec joie ce moment pour rompre les liens qui l'attachaient à Constantinople. Il entra dans l'assemblée, et dit qu'il n'avait pas de plus grand désir que de contribuer à la paix et à l'union de l'Église. " Si mon élection cause du trouble, ajouta-t-il, je serai Jonas : jetez-moi dans la mer pour apaiser la tempête, quoique je ne l'aie point excitée. Si les autres suivaient mon exemple, tous les troubles de l'Église seraient bientôt apaisés. Je suis assez chargé d'années et de maladies pour me reposer ; je souhaite que mon successeur ait assez de zèle pour bien défendre la foi. " Ensuite il dit adieu aux évêques, les priant de se souvenir de ses travaux, et sortit de l'assemblée. Les évêques parurent un peu surpris de sa proposition, mais ils y consentirent aisément par divers motifs : les uns, parce qu'ils étaient envieux de son éloquence ; les autres, parce qu'ils voyaient leur luxe et leur faste condamnés par la sévérité de ses mœurs ; quelques-uns, et même de ses amis, parce qu'il prêchait la vérité avec plus de liberté qu'eux. Tous néanmoins ne consentirent pas à sa démission ; et il y en eut qui, voyant que l'on prenait la résolution de le laisser aller, se bouchèrent les oreilles et quittèrent le concile et la ville pour ne pas voir un autre évêque mis en sa place. Saint Grégoire obtint aussi son congé de l'empereur, qui ne le lui accorda toutefois qu'avec peine, et à cause de ses infirmités continuelles.

Avant que de quitter la ville de Constantinople, il voulut rendre compte publiquement de la manière dont il s'y était conduit, et fit à ce sujet un long discours en présence des évêques du concile ; mais il eut beaucoup de peine à le prononcer, étant extrêmement faible de corps. Léonce de Bysance, qui en cite un endroit, le qualifie d'adieu. Saint Grégoire y représente d'abord quelle était la situation de l'Église de Constantinople lorsqu'il en prit soin : les fidèles, contraints de s'enfuir et de tout abandonner pendant les persécutions de Julien l'Apostat et de Valens, se trouvaient sans pasteurs, sans pâturages, sans bergerie, errants à l'aventure sur les montagnes, réduits à paître où le hasard les conduisait, trop heureux de pouvoir échapper et d'avoir quelque endroit où se retirer. Ce pauvre troupeau ressemblait à celui que les lions, la tempête, les ténèbres ont dissipé, et qui faisait gémir les prophètes, lorsqu'ils déploraient sous cette figure les malheurs du peuple d'Israël abandonné à la fureur des gentils. " Mais, ajoute-t-il en parlant de l'état où il était près de laisser ce troupeau, Dieu a visité son peuple et l'a sauvé, et s'il n'est pas encore dans sa dernière perfection, j'espère qu'il y parviendra, puisqu'il croît à vue d'œil : il est plus surprenant que de si petits commencements aient eu un succès si prodigieux, que de le voir passer de l'état où il est maintenant, au plus haut point de la gloire. " Il en rend à Dieu l'honneur. " Il me semblait, dit-il, l'entendre parler en ces termes aux anges tutélaires de cette ville, car je ne doute nullement que les églises n'aient leurs gardiens et leurs patrons, comme l'Apocalypse nous l'apprend : Préparez la voie à mon peuple, ôtez les pierres qui sont dans son chemin, afin qu'aucun obstacle ne l'arrête. " Il se fait bonheur d'avoir maintenu la saine doctrine dans cette grande ville, qu'il représente comme l'œil du monde et comme le lien de l'Orient et de l'Occident, et donne pour preuve vivante de ses travaux la vertu que l'on voyait éclater tant dans son clergé que dans son peuple. " Leur foi, continue-t-il, est une marque infaillible de la vérité de ma croyance ; ils adorent la Trinité avec un zèle si pur, qu'ils aimeraient mieux mourir que de rien changer à ce dogme. Tous ont les mêmes sentiments et la même ardeur ; ils sont unis entre eux, avec nous et avec la Trinité. " Il donne l'abrégé de leur croyance, et accorde en passant la difficulté du mot d' hypostase, laissant à chacun la liberté des termes, pourvu que ceux qui admettaient trois hypostases, ou trois personnes, n'entendissent par là que trois différentes notions fondées sur la même nature, et qu'ils ne prétendissent point que ce fussent trois essences ou natures différentes : " Car, dit-il, la sainteté de notre foi consiste plus dans les choses que dans les noms. " Il fait ensuite, à l'exemple de Samuel, une protestation publique de son désintéressement, et prend Dieu a témoin qu'il a conservé son sacerdoce pur et sans tache, protestant que, si on lui procurait d'autres honneurs, il y renoncerait sur-le-champ. Il demande, pour récompense de ses travaux, qu'on lui donne un successeur dont les mains soient pures et la voix éloquente, qui puisse vaquer aux ministères ecclésiastiques ; et prend pour prétexte de se retirer son grand âge, ses maladies, l'épuisement de ses forces, les reproches qu'on lui faisait de sa douceur, les dissensions des Églises, la fureur que l'on faisait paraître à Constantinople pour les spectacles, le luxe et la magnificence des équipages. Entre les reproches qu'il dit qu'on lui faisait, il n'oublie pas celui d'être trop modeste, de ne tenir pas une table propre et magnifique, de ne se servir point d'habits pompeux, de ne paraître pas en public avec un nombreux cortège, de ne pas recevoir d'un air majestueux et plein d'arrogance ceux qui venaient le trouver. " Je n'avais pas compris, dit-il, que je dusse disputer en magnificence avec les consuls, les gouverneurs, les généraux d'armées qui possèdent d'immenses richesses, et qui ne savent à quel usage les employer ; et qu'abusant du bien des pauvres pour contenter mon luxe et me procurer toute sorte de plaisirs, je pusse dissiper en superfluités des choses si nécessaires, et me présenter à l'autel la tête et l'estomac remplis des fumées que cause la bonne chère. Je n'avais pas compris qu'un évêque dût monter un cheval fier et superbe, ou se faire traîner dans un char pompeux avec un faste et une magnificence éclatante, et se faire suivre d'une si grande foule, que sa marche fût aperçue de fort loin ; si je n'ai point suivi cette méthode, et si vous en avez été fâchés (il parlait aux évêques du concile), la faute est faite, et je vous prie de me la pardonner. " Il les prie encore une fois de choisir un autre évêque, et de lui permettre de se retirer dans la solitude. Enfin il prend congé de sa chère Anastasie et des autres églises de la ville, des apôtres qui lui avaient servi de guides dans ses combats, de sa chaire épiscopale, de son clergé, des moines, des vierges, des veuves, des pauvres, des orphelins, de l'empereur et de toute la cour, de la ville, de l'Orient et de l'Occident, des anges tutélaires de son église, et de la sainte Trinité. Il promet que si sa langue se tait, ses mains et sa plume combattront pour la vérité.

Après que saint Grégoire se fut retiré, il fut question dans le concile de lui donner un successeur, L'empereur Théodose recommanda aux évêques de choisir pour un siège si important un homme qui eût la vertu et les autres qualités nécessaires pour le remplir dignement. Il y avait alors à Constantinople un vieillard nommé Nectaire, homme de beaucoup de douceur et d'une mine majestueuse ; il était de Tarse en Cilicie, d'une famille patricienne, et exerçait la charge de préteur à Constantinople. Ses belles qualités, surtout sa douceur, le faisaient aimer de tout le monde ; mais il n'avait pas encore reçu le baptême. Il fut donc enlevé par le peuple, et porté sur le trône de Constantinople par le commun consentement des Pères du concile, en la présence de Théodose et avec le suffrage du clergé et de tout le peuple. Il y eut néanmoins plusieurs évêques du concile qui s'opposèrent d'abord à son élection, et qui n'y consentirent que parce qu'ils n'étaient pas les plus forts. Nectaire se fit instruire des fonctions épiscopales par Cyriaque, évêque d'Adane en Cilicie, qu'il retint auprès de lui quelque temps avec l'agrément de Diodore de Tarse, son métropolitain. Saint Grégoire de Nysse lui laissa aussi Evagre de Pont, parce qu'il était très habile à disputer contre toutes sortes d'hérétiques. L'empereur Théodose, ne croyant pas l'élection de Nectaire bien assurée, parce qu'elle n'avait pas été reconnue de l'Église romaine, envoya des députés de sa cour avec des évêques pour prier le pape d'envoyer, selon la coutume, sa lettre formée, en confirmation de l'élection de Nectaire.

Les Pères du concile de Constantinople travaillèrent ensuite à établir la foi contre diverses hérésies, dont quelques-unes avaient pris naissance depuis peu. Ils ne se contentèrent pas d'approuver ce qui avait été fait à Nicée, ils firent encore un tome qui était une profession de foi assez étendue, dont le symbole que nous disons à la messe faisait partie. Ce symbole commence de même que celui de Nicée, et le comprend tout entier ; mais il est plus étendu en ce qui regarde le mystère de l'incarnation et la divinité du Saint-Esprit ; car, au lieu que le symbole de Nicée disait seulement sur l'incarnation du Verbe : Il est descendu des cieux, s'est incarné et fait homme, a souffert, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, et viendra juger les vivants et les morts ; nous croyons aussi au Saint-Esprit : celui de Constantinople dit : " Il est descendu des cieux et s'est incarné par le Saint-Esprit et de la Vierge Marie, et s'est fait homme ; il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate ; il a souffert et a été enseveli ; et il est ressuscité le troisième jour, suivant les Écritures ; il est monté aux cieux ; il est assis à la droite du Père, et il viendra encore avec gloire juger les vivants et les morts ; son royaume n'aura point de fin. " Et ensuite : " Nous croyons aussi au Saint-Esprit, Seigneur et vivifiant, qui procède du Père, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils ; qui a parlé par les prophètes. " Le symbole de Nicée n'avait rien dit de l'Église ; celui de Constantinople en parle ainsi : " Nous croyons en une seule Église sainte, catholique et apostolique ; nous confessons un baptême pour la rémission des péchés ; nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle futur. Ainsi soit-il. " Les Pères du concile ajoutèrent tous ces articles au symbole de Nicée, non qu'ils le regardassent comme défectueux, mais pour expliquer davantage le mystère de l'incarnation, à cause des erreurs des apollinaristes, et pour établir la puissance et la divinité du Saint-Esprit contre la nouvelle hérésie de Macédonius. Quelques-uns ont fait honneur de ce symbole à saint Grégoire de Nazianze, ou à saint Grégoire de Nysse ; mais il ne parait être ni de l'un ni de l'autre. On le trouve tout entier dans saint Épiphane, mort plusieurs années avant la tenue du concile de Constantinople (D. Ceillier est tombé ici dans une erreur évidente, et même grossière. Saint Épiphane n'est mort qu'en 403), et il y a apparence qu'on aima mieux y employer ce qui était déjà en usage dans l'Église, que de rien faire de nouveau. Seulement le concile retrancha quelques termes qui sont dans saint Épiphane par forme d'explication. Ce Père décrit ce symbole à la suite de celui de Nicée, et remarque qu'il avait été dressé en ces termes à cause des hérésies nées depuis le concile de Nicée jusqu'au règne de Valentinien et de Valens : à quoi il ajoute que l'usage de l'Église était qu'on l'apprît mot à mot aux catéchumènes. Toutefois ce symbole fut rarement cité dans les écrits des Pères, ou dans les actes des conciles. Saint Grégoire de Nazianze, dans la déclaration de foi qu'il fit aussitôt après ce concile, dit qu'il s'attachera toujours à la foi de Nicée, et ne parle pas de celle de Constantinople. Il n'en fut rien dit au concile d'Éphèse, et on y défendit de faire signer d'autre formule que celle de Nicée. On ne voit pas que celle de Constantinople ait été citée avant le concile de Chalcédoine, où il en fut beaucoup parlé.    

Les macédoniens, que l'empereur Théodose avait fait venir à Constantinople, dans l'espérance de les faire rentrer dans la foi et dans l'unité de l'Église, n'eurent aucun égard aux raisons qu'on leur donna pour les engager à signer la foi de Nicée. Ils déclarèrent qu'ils aimaient mieux confesser la doctrine des ariens que d'embrasser la consubstantialité, et se retirèrent de Constantinople. Ensuite ils écrivirent par toutes les villes à ceux de leur parti de ne point recevoir la foi de Nicée. Cette séparation leur mérita les anathèmes du concile, et les fit traiter comme hérétiques déclarés, ainsi qu'on le voit par divers canons du concile.

Ces canons sont au nombre de sept. Le premier déclare que personne ne pourra rejeter la foi de Nicée, mais qu'elle demeurera dans son autorité, et que l'on anathématisera toutes les hérésies, et nommément celles des eunoméens ou anoméens, des ariens ou des eudoxiens, des macédoniens ou ennemis du Saint-Esprit, des sabelliens, des marcelliens, des photiniens, des apollinaristes.

Le second défend aux évêques d'aller aux églises qui sont hors de leur diocèse, de confondre ensemble les églises ; mais que, suivant les canons, l'évêque d'Alexandrie ne gouverne que l'Égypte, les évêques d'Orient ne règlent que l'Orient, gardant à l'Église d'Antioche les privilèges marqués dans les canons de Nicée. Les évêques du diocèse d'Asie ne gouverneront que l'Asie ; ceux du Pont, le Pont seulement ; ceux de Thrace, la Thrace seule. Les évêques ne sortiront point de leur diocèse, sans être appelés pour des élections ou d'autres affaires ecclésiastiques ; mais les affaires de chaque province seront réglées par le concile de la province, suivant les canons de Nicée. Les Églises qui sont chez les nations barbares seront gouvernées suivant la coutume reçue du temps des Pères.

Les canons de Nicée cités dans celui-ci sont le quatrième, le cinquième et particulièrement le sixième, dans lesquels il est ordonné que les élections des évêques de chaque province se fassent par ceux de la province même, et par les évêques voisins que ceux-ci y auront appelés. Dans les temps de persécution, les évêques avaient souvent passé dans les provinces étrangères pour y régler les affaires de l'Église ; mais ce temps n'était plus, et il y avait lieu de craindre que si les évêques eussent continué à se mêler des affaires dans les lieux qui n'étaient pas de leur département, la paix de l'Église n'en eût été troublée : ce fut le motif du second canon de Constantinople. Mais en le faisant, le concile ne prétendit point déroger à celui de Sardique, qui reconnaît les appels à Rome. Il ne régla que la manière dont on devait agir de diocèse à diocèse, sans toucher aux droits des tribunaux supérieurs. On croit que ce qui l'obligea à resserrer dans l'Égypte l'autorité de l'évêque d'Alexandrie, fut l'entreprise de Pierre, évêque de cette ville, qui s'était donné la liberté de faire établir Maxime sur le siège de Constantinople. Par le terme de diocèse, dont il est fait mention dans ce canon, on entendait un grand gouvernement qui comprenait plusieurs provinces, dont chacune avait sa métropole : car ce que nous appelons aujourd'hui un diocèse, c'est-à-dire le territoire d'une cité soumis à un seul évêque, se nommait alors paroisse. Les peuples barbares qu'il confirme dans leurs usages étaient tous ceux qui ne dépendaient point des Romains, comme les Scythes et les Goths, chez qui il n'y avait qu'un évêque.

Le 3e canon donne à l'Église de Constantinople le premier rang d'honneur après celle de Rome, parce que Constantinople était la nouvelle Rome. Il ne s'agit point, dans ce canon, de juridiction, ainsi que quelques écrivains l'ont prétendu, mais seulement de rang et d'honneur. Cependant, à l'occasion de cette prérogative d'honneur, l'évêque de Constantinople fit ensuite ses efforts pour étendre son autorité sur les diocèses du Pont, de la Thrace et de l'Asie, et même sur l'Illyrie orientale, qui dépendait du patriarcat d'Occident. Ces diocèses lui furent enfin soumis par une décision du concile de Calcédoine. Le 3e canon du concile de Constantinople est le plus célèbre de tous ceux de ce concile. Les souverains pontifes protestèrent longtemps contre l'innovation qu'il introduisait ; mais il reçut l'approbation du saint-siège lui-même, l'an 1215, au IVe concile général de Latran. Ce fut ce canon qui détermina le pape saint Damase à donner le titre de son vicaire ou de son légat dans l'Illyrie à saint Ascole de Thessalonique, dont les successeurs furent longtemps honorés du même titre.

Le 4e canon porte que Maxime le Cynique n'a jamais été et n'est point évêque ; que ceux qu'il a ordonnés, en quelque rang du clergé que ce soit, n'y doivent point être comptés ; et que tout ce qui a été fait ou pour lui ou par lui est sans effet.

Le 5e approuve en ces termes la foi de ceux d'Antioche touchant le tome des Occidentaux : " Nous recevons aussi ceux d'Antioche, qui confessent une seule divinité du Père et du Fils et du Saint-Esprit. " On croit que ce tome des Occidentaux était quelque écrit où ils témoignaient recevoir en leur communion tous ceux d'Antioche qui reconnaissaient la divinité des trois personnes, soit qu'ils fussent du parti de Paulin, ou du parti de Mélèce.

Le 6e canon a pour but d'empêcher que toutes sortes de personnes ne soient admises indistinctement à accuser les évêques et les autres ecclésiastiques. " S'il s'agit, dit-il, d'un intérêt particulier et d'une plainte personnelle contre l'évêque, on ne regardera ni la personne de l'accusateur, ni sa religion, parce qu'il faut faire justice à tout le monde. Si c'est une affaire ecclésiastique, un évêque ne pourra être accusé ni par un hérétique ou un schismatique, ni par un laïque excommunié, ou par un clerc déposé. Celui qui est accusé ne pourra accuser un évêque ou un clerc qu'après s'être purgé lui-même. Ceux qui sont sans reproche intenteront leur accusation devant tous les évêques de la province. Si le concile de la province ne suffit pas, ils s'adresseront à un plus grand concile, c'est-à-dire à celui du diocèse ou du département (comme nous l'avons expliqué). L'accusation ne sera reçue qu'après que l'accusateur se sera soumis par écrit à la même peine en cas de calomnie. Celui qui, au mépris de ce décret, osera importuner l'empereur ou les tribunaux séculiers, ou troubler un concile œcuménique, ne sera point recevable en son accusation, mais sera rejeté comme violateur des canons et de l'ordre de l'Église. "

Le septième canon règle la manière dont on doit recevoir les hérétiques qui reviennent à l'Église catholique. " Les ariens, dit-il, les macédoniens, les sabbatiens, les novatiens, qui se nomment eux-mêmes cathares ou aristhères, les quartodécimans et les apollinaristes, sont reçus en donnant un acte d'abjuration, et en renonçant à toute hérésie. On leur donne premièrement le sceau ou l'onction du saint chrême au front, aux yeux, aux narines, à la bouche et aux oreilles ; et en faisant cette onction, on dit : Le sceau du don du Saint-Esprit. Mais pour les eunoméens, qui sont baptisés par une seule immersion, les montanistes ou phrygiens, les sabelliens et les autres hérétiques, principalement ceux qui viennent de Galatie, nous les recevons comme des païens. Le premier jour nous les faisons chrétiens, le second catéchumènes ; le troisième nous les exorcisons, après leur avoir soufflé trois fois sur le visage et sur les oreilles. Ainsi nous les instruisons, nous les tenons longtemps dans l'Église à écouter les Écritures ; et enfin nous les baptisons. "

Les sabbatiens, dont il est parlé dans ce canon, étaient une secte de novatiens qu'un prêtre nommé Sabbace avait divisés des autres pour célébrer la Pâque selon les Juifs. Quant aux hérétiques que le concile ordonne de baptiser, ce sont ceux qui n'avaient point du tout reçu le baptême, ou qui ne l'avaient pas reçu selon la forme de l'Église. Les onctions du saint chrême qu'il prescrit sont les mêmes, et avec les mêmes paroles qu'elles sont ordonnées pour le sacrement de confirmation chez les Grecs.

Les évêques du concile adressèrent ces canons à l'empereur Théodose, par une lettre dans laquelle, après avoir rapporté ce qu'ils y avaient fait par la foi et la discipline, ils ajoutent : " Nous vous prions donc d'autoriser l'ordonnance du concile, afin que, comme vous avez honoré l'Église par les lettres de convocation, vous mettiez aussi la conclusion et le sceau à nos résolutions. " Les sept canons du concile étaient à la suite de cette lettre, puis le symbole. Cent cinquante évêques qui étaient présents y souscrivirent. Nectaire de Constantinople souscrivit le premier ; ensuite Timothée d'Alexandrie et Dorothée d'Oxyrinque, tous deux de la province d'Égypte ; puis saint Cyrille de Jérusalem, avec huit évêques de Palestine. Les autres souscrivirent selon l'ordre des provinces. Parmi les souscriptions des évêques de la province de Syrie, on trouve celle de Mélèce d'Antioche, mort avant que Timothée d'Alexandrie arrivât au concile, ce qui donne lieu de croire que l'on souscrivait les décrets à mesure qu'on les faisait, et que ceux qui vinrent les derniers au concile souscrivirent tout ce qui avait été fait auparavant. Flavien souscrivit en qualité de prêtre de l'Église d'Antioche. On lit à la tête des actes du concile qu'il fut assemblé sous le consulat de Flavius Euchérius et de Flavius Evagrius, le septième des ides de juillet, c'est-à-dire le neuvième du même mois de l'an 381. Quelques jours après, l'empereur Théodose, pour satisfaire au désir du concile, donna une loi, datée du troisième des calendes d'août, c'est-à-dire du trentième de juillet de la même année, à Héraclée, par laquelle il ordonna de livrer incessamment toutes les églises dont les hérétiques étaient encore en possession à ceux qui faisaient profession de la foi de Nicée, reconnaissant une seule Divinité en trois personnes égales, et qui étaient unis de communion dans chaque province avec certains évêques qu'il nommait comme ceux dont la vertu lui était mieux connue, et qui passaient pour gouverner avec plus de sagesse leurs Églises. Ces évêques étaient Nectaire de Constantinople ; Timothée d'Alexandrie, pour l'Égypte ; saint Pélage de Laodicée et Diodore de Tarse, pour l'Orient ; saint Amphiloque d'Icone et Optime d'Antioche en Pisidie, pour le diocèse d'Asie ; Hellade de Césarée, Otrée de Mélitine et saint Grégoire de Nysse, pour celui du Pont ; Térence de Tomes en Scythie, et Martyrius de Marcianople, pour la Thrace. " Ceux, ajoute cette loi, qui communiqueront avec les évêques que nous venons de nommer doivent être mis en possession des Églises ; et ceux qui ne conviennent pas avec eux sur la foi en doivent être chassés comme hérétiques manifestes, sans qu'elles puissent leur être rendues à l'avenir, afin que la foi de Nicée demeure inviolable. " Elle était adressée à Auxonius, proconsul d'Asie, à cause que cette province était la plus infectée par les hérétiques que le concile venait de condamner, particulièrement les macédoniens. Sozomène rapporte cette loi, mais avec quelque différence, notamment en ce qui regarde l'ordre des évêques. Car il met Diodore de Tarse avant saint Pélage de Laodicée, et saint Grégoire de Nysse avant Otrée de Mélitine. Il ne nomme pas, entre les évêques dénommés dans la loi de Théodose, Optime, évêque d'Antioche en Pisidie. Il est remarquable que, quoique Constantinople fût de la Thrace le dernier des cinq grands diocèses soumis au préfet du prétoire d'Orient, son évêque est néanmoins nommé le premier, à cause du rang d'honneur qu'on venait de lui accorder dans le concile. Il est encore à remarquer que tous les noms des évêques que nous lisons dans la loi de Théodose, se trouvent dans les souscriptions du concile. Socrate leur donne à tous le titre de patriarches : ce qui ne s'entend pas seulement de l'autorité nécessaire pour la décision des affaires de leurs diocèses, mais aussi de quelque prééminence, puisque, dans le concile de Constantinople, en 394, saint Grégoire de Nysse est nommé avant plusieurs métropolitains. Ce saint dit lui-même que lui et Hellade de Césarée avaient reçu une même prééminence.

La loi de Théodose que nous venons de rapporter ne nous permet guère de douter que le Concile de Constantinople n'ait duré au moins jusqu'au jour où elle fut expédiée, c'est-à-dire jusqu'au trentième de juillet. Mais nous n'avons aucune preuve qu'il ait duré plus longtemps. On voit par la vie de saint Paul que lorsque l'on rapporta son corps d'Ancyre à Constantinople, dont il avait autrefois été évêque, tous les évêques qui se trouvaient en cette ville avec Nectaire allèrent au-devant de lui beaucoup au delà de Calcédoine, en chantant des psaumes. Socrate met cette translation peu après le concile de Constantinople ; et il n'est pas hors d'apparence que Théodose, qui voulait faire honneur aux reliques de ce saint confesseur, n'ait engagé plusieurs des évêques du concile à demeurer jusqu'à ce qu'il les eût fait enterrer avec grand honneur dans une des plus belles églises de cette ville.

Quoique le concile de Constantinople n'eût été assemblé que de l'Orient, et qu'il n'y eût assisté personne de la part de Damase, ni des autres Occidentaux, cela n'empêcha pas les Orientaux de lui donner le titre de concile œcuménique dès l'année suivante, comme on le voit par la lettre qu'ils écrivirent en commun au pape Damase et aux autres évêques assemblés à Rome, où ils disent que Nectaire avait été établi sur le siège de Constantinople du commun consentement des évêques, assemblés en concile général, en présence du très religieux empereur, à la satisfaction de tout le clergé et de tout le peuple. Mais peut-être ne l'appelaient-ils général que parce qu'il avait été assemblé de tout l'Orient, comme saint Augustin appelle concile plénier celui où tous les évêques d'Afrique se trouvèrent. Quoi qu'il en soit, les évêques d'Occident ne le reçurent pas d'abord comme un concile œcuménique. Assemblés en concile à Aquilée, peu après celui de Constantinople, ils écrivirent à l'empereur Théodose pour lui témoigner leur mécontentement sur ce que l'on inquiétait Paulin dans la possession tranquille où il devait être de son siège depuis la mort de Mélèce, et demandaient à ce prince que l'on tînt à Alexandrie un concile de tous les évêques catholiques pour finir cette affaire. Dans une autre lettre écrite vers le même temps, les Occidentaux disent à Théodose : " Nous avions écrit que les deux évêques d'Antioche, Paulin et Mélèce, que nous estimions catholiques, s'accordassent entre eux, ou du moins que si l'un mourait avant l'autre, on ne mît personne à la place du défunt ; maintenant on nous assure que, Mélèce étant mort, et Paulin encore vivant, qui a toujours été en notre communion, on a substitué, ou plutôt ajouté un évêque en la place de Mélèce, contre tout droit et tout ordre ecclésiastique : et l'on dit que cela s'est fait du consentement et par le conseil de Nectaire, dont nous ne voyons pas que l'ordination soit dans l'ordre. " Ils se plaignent ensuite de ce que les évêques d'Orient, informés que Maxime était venu en Occident pour plaider sa cause dans un concile universel, avaient évité de s'y trouver. Ils demandent à l'empereur que Maxime soit rétabli sur le siège de Constantinople, comme ayant été ordonné le premier ; ou que sa cause soit jugée dans un concile général de l'Orient et de l'Occident. Les Occidentaux n'auraient pas parlé ainsi, s'ils eussent reconnu pour concile œcuménique celui qui venait de se tenir à Constantinople où l'on avait déposé Maxime, ordonné Nectaire, et mis Flavien évêque à Antioche. Mais, dans la suite des temps, tous les évêques d'Occident ayant donné leur consentement à ce qui y avait été décidé touchant la foi, ce concile fut reconnu à cet égard pour le second concile œcuménique ou universel. Photius dit en termes assez clairs, que le pape saint Damase confirma ce qui y avait été fait, et saint Grégoire le Grand dit plus d'une fois qu'il reçoit, comme les quatre Évangiles, les conciles de Nicée, de Constantinople, d'Éphèse et de Calcédoine. Il les regarde comme une pierre à quatre angles, sur laquelle s'élève l'édifice de la foi ; condamnant ce qu'ils ont condamné, recevant ce qu'ils ont reçu, souhaitant à tous ceux qui reçoivent la foi enseignée dans ces conciles, la paix de Dieu le Père par Jésus-Christ son Fils. Il est vrai qu'en un autre endroit ce saint pape dit que l'Église romaine n'a point les canons ni les actes du concile de Constantinople, et que saint Léon soutient que le troisième canon n'a jamais été notifié à Rome. Mais on peut dire qu'en cela saint Grégoire ne se contredit point. Les Orientaux n'avaient envoyé à Rome que la profession de foi qu'ils avaient approuvée dans le concile de Constantinople, et non les canons qu'ils y avaient faits, craignant, peut-être, qu'ils n'y fussent mal reçus, ou ne jugeant pas à propos de les leur envoyer, parce qu'ils regardaient particulièrement la discipline des Églises d'Orient. " Voilà, disent-ils au pape saint Damase, un abrégé de la foi que nous enseignons constamment, dont vous recevrez encore plus de joie, si vous prenez la peine de lire deux écrits, dont l'un a été composé à Antioche, et l'autre le fut l'année dernière à Constantinople, où nous avons expliqué plus au long notre croyance, et souscrit à la condamnation des hérésies qui se sont élevées depuis peu. " Ils ajoutent qu'ils observent fidèlement ce qui est prescrit par les canons de Nicée touchant les ordinations des évêques ; mais ils ne disent pas un mot de ceux qu'ils avaient faits eux-mêmes à Constantinople, tant sur ce point que sur plusieurs autres. Saint Grégoire pouvait donc dire que l'Église romaine ne les avait point, et saint Léon, que le troisième n'avait jamais été notifié à cette Église.

Il est plus difficile d'expliquer comment saint Léon a pu dire que le troisième canon de Constantinople, qui donne à l'évêque de cette ville la préséance sur tous ceux d'Orient, était demeuré sans exécution et sans effet. Car on sait qu'en 394, Nectaire présida à un concile où se trouvaient Théophile d'Alexandrie, Flavien d'Antioche, Hellade de Césarée en Cappadoce, et Paul d'Héraclée ; qu'en 426, Sisinnius, nouvellement élu évêque de Constantinople, présida à un concile où assistait Théodore d'Antioche ; que dans un autre Maximien de Constantinople est nommé avant Juvénal de Jérusalem et avant Arcade et Philippe, légats du pape ; que dans celui de Calcédoine Anatole de Constantinople tint toujours le premier rang après les légats, avant les évêques d'Alexandrie et d'Antioche ; mais le but de saint Léon en cet endroit n'est que de faire voir que l'exécution du troisième canon de Constantinople ne peut avoir lieu, puisque ce canon est contraire à ceux de Nicée, et il conteste moins à l'évêque de Constantinople l'autorité qu'il exerçait sur les autres évêques d'Orient que le droit de l'exercer ; soutenant que la prescription de soixante années ne pouvait les autoriser dans une entreprise de cette nature qui violait le privilège des Églises que le concile de Nicée avait confirmé. Denys le Petit n'a mis dans son Code que les quatre premiers canons du concile de Constantinople, réduits en trois ; et ils se trouvent en la même manière dans l'ancien Code de l'Église romaine donné dans la nouvelle édition des œuvres de saint Léon. Mais on croit avec beaucoup de vraisemblance qu'ils ont été ajoutés à ce Code depuis le pontificat de saint Grégoire, qui, comme nous venons de le remarquer, témoigne que de son temps l'Église romaine n'avait point les canons de ce concile. Les trois autres canons ne se lisent que dans le texte grec et dans les collecteurs grecs des canons, entre autres dans Balsamon, dans Zonare et dans l'ancien Code de l'Église grecque. Le sixième est cité dans la lettre huitième du pape Nicolas à l'empereur Michel. On ne trouve pas le septième dans la Paraphrase arabique, ni dans la Collection des canons par Jean d'Antioche, ni dans quelques autres Grecs. Hist. des aut. sacr. et ecclés.

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