Commentaire de l'article 9

De Salve Regina

Loi et principes
Auteur : P. Réginald Héret, O.P.
Source : Extrait du livre La Loi scoute
Date de publication originale : 1922

Difficulté de lecture : ♦ Facile

Le Scout est économe et prend soin du bien d'autrui

LA DÉLICATESSE

L'argent est le prix du travail et des peines de nos parents, il faut le respecter et l'économiser.

De plus, c'est actuellement un devoir national, étant donné les conditions de la vie, de ne rien gaspiller.

Ce n'est pas seulement les choses qui nous appartiennent qu'il faut ménager, mais un Scout prend un soin plus délicat de ce qui n'est pas à lui.

Bien loin de faire ce que font la plupart des garçons, gâcher ou abîmer sans motif ce qui appartient au groupe dont ils font partie, un Scout fera plus attention au mobilier de sa troupe et de sa patrouille qu'à ses propres affaires. Ce souci, puisqu'il est plus désintéressé, montre qu'il a une charité plus grande ?

C'est à la façon dont on sait penser aux autres, s'oublier pour eux, qu'on montre son degré de charité.

N'oublions pas que les biens les plus précieux du prochain, ce n'est pas son argent, mais son temps, sa réputation, ses amitiés. Pour tout cela un Scout doit avoir un très grand respect et souci.

Les enfants sont facilement dépensiers. Ils gaspillent l'argent qu'on leur donne en friandises, en bibelots, en vains objets, inconscients qu'ils sont et de la valeur véritable des choses et de la cherté, si souvent tragique aujourd'hui, de la vie. Et les plus fous sont souvent les plus pauvres.

On attire donc leur attention sur le rôle humain de l'argent. D'où vient-il ? Du travail passé, de l'habileté, de l'application, de la patience, de l'épargne de nos pères. Du moins communément. Nous l'avons trouvé tout prêt et tant que nous sommes enfants, bien loin d'apporter notre part, nous n'y avons touché que pour le dissiper. Où va-t-il ? Il est destiné à servir notre vie. Nous sommes faits pour la richesse, et la parole du Christ: "Bien heureux les pauvres", a besoin d'être expliquée.

La pauvreté n'est pas bonne par elle-même. La richesse n'est pas mauvaise en elle-même. Toute pauvreté, en fait, n'est pas bonne. La richesse, si elle a ses dangers et ses risques, au point de vue chrétien, moral, humain même, a ses avantages aussi. Elle peut être un moyen, elle est utile, elle peut servir à notre progrès.

Nous ne sommes pas faits pour la pauvreté. Le pauvre est réduit au strict nécessaire, tandis que le riche peut trouver des moyens d'action et d'extension qui sont bien agréables, qui font la vie plus belle, comme nous disions. Le riche peut jouir de l'art, des voyages, du confort. Il est sûr du lendemain dans ses appartements luxueux. Mais l'homme qui doit pourvoir, au jour le jour, aux besoins des siens n'est sûr que d'une chose, c'est que demain et toujours il lui faudra trimer comme aujourd'hui. Du repos, de la joie, de l'embellissement, quand donc en mettra-t-il dans sa vie ? Et s'il ne le peut pas, n'est-il pas vrai de dire que pour autant il n'est pas pleinement homme, étant privé de ce qui fait l'agrément et assure le progrès de nos vies humaines ? Non, celui qui ne peut pas dépenser ne peut pas vivre ou du moins ne peut pas bien vivre. C'est être diminué que de n'avoir pas de loisirs pour jouir de la nature, de l'histoire, de l'art, de la société. Et Saint Thomas dit même que celui qui serait totalement misérable ne pourrait être vertueux. La misère aigrit, déprime, décourage, démoralise. Elle réduit en esclavage et expose aux vives des esclaves. Etre mis par la vie, pendant longtemps, comme au pied du mur et demeurer fidèle à l'honneur, c'est de l'héroïsme et les héros sont rares.

Nos Scouts ont donc un double devoir: respecter l'argent à cause de son origine, l'économiser à cause de son utilité.

Ils ont reçu gratuitement. Ils sont des bénéficiaires. Qu'ils ne soient pas des ingrats ! A dissiper sans règle pendant qu'ils sont enfants, ils ne prouvent pas seulement qu'ils sont légers, mais qu'ils n'ont point de cœur et ne pensent point qu'ils gaspillent les veilles et les sueurs de leurs parents.

Puis ils ont à songer à l'avenir. Ils sont jeunes. Toute leur vie est devant eux. Qu'ils n'aillent pas la compromettre comme des écervelés. Qu'au heu de dépenser pour des puérilités, ils préparent leur indépendance matérielle de plus tard. "La négligence est le relâchement d'un souci que nous devrions avoir. C'est donc un péché." Quelle plus grande négligence que de ne pas prévoir, pendant qu'on le peut, sa vie d'homme, que de laisser venir le triste cortège de maux que traîne après elle la pauvreté, faute d'avoir su économiser à temps ? Péché d'omission.

Les garçons ne pensent pas à cela. De telles réflexions ne les convainquent pas. Rire, lutter, manger, voilà leur souci. Ils sont trop jeunes pour songer au lendemain. Ils ne sont guère philosophes. Mais comme c'est le rôle de la loi scoute des les discipliner un peu malgré eux, apprenons-leur, dans l'occasion, le prix des choses ; faisons-leur payer sur leurs propres économies le prix de leur costume et de leurs déplacements; conduisons-les chez des malheureux et affilions-les à des Conférences de Saint Vincent de Paul. De cette façon, nous combattrons une autre tendance qui n'est pas inouïe chez les enfants : celle de l'avarice, car ils ne dépensent que pour leur plaisir. Ils sont plus regardants quand il s'agit de donner sans rien recevoir qu'une vague reconnaissance.

Il est bien judicieux d'avoir songé à leur recommander de soigner le bien d'autrui. Les enfants sont là-dessus d'une négligence extrême. Disons-leur bien que ce n'est seulement d'insouciance qu'il s'agit dans ce cas, mais proprement d'injustice. Les outils, les livres qu'on vous prête, si vous les perdez; l'eau, le bois, le champ qu'on met à votre usage, si vous les gaspillez; tous les menus objets que la charité d'autrui veut bien vous confier, si vous les égarez, qu'en pense votre conscience ? je ne dis pas seulement que vous discréditez tous vos frères Scouts en agissant ainsi, mais je dis que vous êtes positivement obligés de restituer. La justice veut qu'on rende à autrui ce qui est à autrui. Rendons-le comme il convient à un chevalier qui préfère être créancier que débiteur.

Et le matériel de votre Troupe, comment le traitez-vous ? C'est la coutume de n'apporter que peu de soins aux objets communs. Mais justement la vertu est à l'opposé : "N'agissez point, dit la Règle de Saint Augustin, comme des égoïstes, mais faites toutes choses d'un cœur unanime, avec plus de soin, avec plus d'entrain que vous agiriez pour votre avantage personnel. La charité, en effet, dont il est écrit qu'elle ne cherche pas son intérêt, doit être ainsi comprise : faire passer les affaires communes avant les nôtres propres et non pas nos intérêts particuliers avant les intérêts communs. A la mesure donc où vous vous montrerez soucieux des affaires de votre Troupe, fût-ce à votre détriment, à cette mesure-là on jugera vos progrès."

Le bien d'autrui, ce n'est pas seulement les objets dont il est propriétaire, c'est encore son temps, ménagez-le. C'est encore sa réputation, son honneur. Pensez-vous qu'il peut y avoir faute grave à lui dérober ces biens-là ? Saint Thomas nous dit que, "parmi les biens temporels, notre réputation paraît des plus précieux, puisque, quand on l'a perdue, on est empêché d'agir.. Une parole qu'on lance peut être assez grave pour devenir un péché mortel si elle blesse notamment la réputation d'autrui, surtout s'il s'agit de son honneur. On est tenu à restituer la réputation ainsi lésée comme à restituer toute chose qu'on a volée". Le bien d'autrui, c'est encore sa légitime confiance en soi ; évitons de la troubler intérieurement, de la déprécier, de la confondre par la dérision. C'est enfin ses amitiés, ne les détruisons pas, ce serait lui prendre un trésor, s'il est vrai "que rien n'est comparable à un ami fidèle".

Retenons, pour finir, cette parole qui peut s'adresser à tous, aux riches comme aux pauvres, et qui détermine si bien l'esprit dans lequel nous devons utiliser nos diverses ressources : "Dieu donne à certains l'abondance pour qu'ils aient le mérite d'en bien user. Bien peu suffit pour un homme. C'est être vertueusement libéral et mériter la louange que de dépenser davantage pour le bien de nos frères que pour le nôtre. Pourvoyons d'abord à notre bien spirituel; c'est notre affaire où personne ne peut nous remplacer, ne négligeant pas d'ailleurs notre prospérité matérielle qui est importante." Cela fait, donnons, donnons largement de notre superflu.

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