Consultation, témoignage et voeu sur le nouvel ordo

De Salve Regina

La réforme de 1969
Auteur : Un groupe de canonistes
Date de publication originale : 29 septembre 1969

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen
Remarque particulière : A Paris, en la fête de St Michel archange.

CONSULTATION, TÉMOIGNAGE ET VOEU SUR LE NOUVEL ORDO MISSAE

I. ‑ Par sa Constitution MISSALE ROMANUM, datée du 6 avril 1969, S. S. le Pape Paul VI a imposé aux fidèles de l'Église latine un nouveau Missel, substitué à celui que saint Pie V avait promulgué, le 19 juillet 1570, et qui n'avait depuis, subi aucun changement.


II. ‑ Ce Missel de saint Pie V confirmait une Ordonnance de la Messe qui était en usage depuis plusieurs siècles. Les quelques menues retouches qu'il y faisait avaient uniquement pour but d'abolir certaines variétés (secondaires) introduites dans les célébrations.


III. ‑ Le Missel de S. S. Paul VI apporte, au contraire, des transformations considérables. Nous ne mentionnerons que les deux principales :


1) L'ancien " Offertoire» subit un remaniement qui équivaut à sa suppresSion.


2) Au Canon romain (dont Paul VI rappelle, dans sa Constitution, qu'il avait revêtu, depuis les IVe, Ve siècles, une " forme immuable ») sont ajoutés trois nouveaux canons dits " prières eucharistiques », qui n'ont de commun avec l'ancien que les strictes paroles de la consécration (avec, d'ailleurs, l'addition de " ... quod pro vobis tradetur» à: "Hoc est Corpus meum"). Même les phrases qui introduisaient jusqu'ici ces paroles consécratoires sont profondément modifiées.


IV. ‑ Dès qu'il fut publié, le Missel de Paul VI a soulevé, un peu partout, dans le monde catholique, des réserves et même des objections capitales.

Ces réserves et ces objections avaient été présentées déjà par les évêques assemblés au «Synode épiscopal » de 1967, à propos d'une dénommée «Messe normative » qui avait été soumise à leur vote et qui fut rejetée.

Or l'Ordo de 1969 reproduit exactement la substance de cette « messe normative ».


V. ‑ De nombreux fidèles, prêtres et évêques se trouvent aujourd'hui, nous en témoignons ici, devant une redoutable perplexité:

Ou refuser l'Ordo de Paul VI, au risque de paraitre résister à une loi pontificale.

Ou s'y soumettre, et alors se contraindre à fermer les yeux sur des objections assez graves pour que certains aient pu parler d'une messe «polyvalente », une messe apte, par son ambiguïté, évidente et avouée, à être célébrée par des luthériens.


VI. ‑ On pourrait chercher le moyen de résoudre ce cas de conscience en complétant les insuffisances de l'Ordo par le rappel de la doctrine traditionnelle de l'Eglise sur le sacrifice de la Messe et le sacrement d'Eucharistie.

Mais alors :


a) Certains vont s'interroger sur l'opportunité pastorale qu'il y a à substituer un Ordo qui a besoin d'une interprétation, à un Ordo multiséculaire qui n'avait besoin que d'une explication.


b) Entre une théologie « maximaliste » et l'Ordo « minimaliste », qu'est‑ce qui devra l'emporter ?

Faudra‑t‑il majorer l'Ordo par la théologie ou édulcorer la théologie par l'Ordo ?


En ce temps d'anarchie doctrinale, n'est‑il pas à craindre que nombre de prêtres et de fidèles décident leur choix d'après leur sentiment personnel subjectif ~


c) La source facile et naturelle des vérités de la foi n'est‑elle pas, pour l'immensité du peuple fidèle, son missel et "la règle de sa prière n'est‑elle pas la règle de sa foi » ?


Ces doutes prennent une acuité particulière si l'on considère le danger dans deux ou trois générations : quand le relâchement de la vigilance doctrinale, reconnu déjà partout, ne permettra plus les rectifications souhaitées d'un Ordo devenu commun et s'imposant par sa seule lettre.


VII ‑ Les observations que nous venons de faire produisent, chez des prêtres de plus en plus nombreux, une inquiétude qui va jusqu'à l'anxiété. Nous en portons ici, devant Dieu, le témoignage.

Nous pensons aussi aux frères séparés qui pourraient, à la faveur d'une équivoque tolérée, être induits légitimement à penser que l'Eglise romaine a modifié sa doctrine sur l'un des dogmes principaux qui les a jusqu'ici opposés à nous.


VIII. ‑ C'est pourquoi les soussignés osent exprimer le voeu que l'Autorité Souveraine apporte à ces doutes une réponse officielle et publique.

Nous prions ceux qui ont, par leur charge, l'autorité de le faire, de présenter ce voeu au Pontife Romain.


IX. ‑ En attendant, pressés par des fidèles et des prêtres qui nous ont consultés à titre de " docteurs privés » ;

Nous abstenant de porter ici sur le fond du nouvel Ordo Missae une appréciation théologique ou pastorale quelconque ;

Nous bornant à ne considérer que dans sa forme la Constitution Missale Romanum qui promulgue cet Ordo ;

Nous estimons pouvoir déclarer :


1° La Constitution de S. S. Paul VI a, par la volonté manifestée du Souverain Pontife, force et autorité de loi.


2° Mais c'est une doctrine, incontestée, de la Théologie et du Droit ecclésiastique :


a) Que la « Coutume» a aussi force de loi.


b) Qu'une loi nouvelle ne peut abolir une coutume revêtue de certaines qualifications, que si elle le déclare expressément:

C. 1. C., canon 30: «... La loi ne révoque point les coutumes centenaires ou immémoriales, à moins qu'elle n'en ait fait expressément la mention».


3° La Constitution de S. S. Paul VI ne fait aucune mention d'une révocation par elle de l'usage coutumier qui avait précédé le Missel de saint Pie V et de l'usage qui l'a suivi. Les dernières paroles de la Constitution qui portent la clause du «nonobstant », font porter cette clause uniquement sur "les Constitutions, les Ordonnances Apostoliques de Nos Prédécesseurs et toutes autres prescriptions » : ce qui, selon le « style» de pareils documents, ne saurait aff ecter les « Coutumes » proprement dites, lesquelles n'appartiennent pas à la loi écrite.


4° L'on est donc autorisé à penser que, par une volonté implicite mais certaine, S. S. le Pape Paul VI a voulu réserver, à ceux qui en auraient le désir raisonnable, la liberté et le droit de préférer ‑une coutume immémoriale à la loi d'avril 1969, et donc de célébrer la Messe selon l'ancien Ordo.


Nous spécifions bien que la coutume dont nous parlons n'est point celle qui est de la pratique de l’Ordo de saint Pie V, mais de la coutume plusieurs fois centenaire qui avait précédé celui‑ci et que saint Pie V ne faisait que ratifier en promulguant son Ordo.


X. ‑ Etant donné l'urgence du cas, sa gravité et, d'ailleurs, la certitude de la doctrine en la matière, nous nous sommes résolus à publier cette Déclaration à l'usage personnel de ceux qui nous ont consultés.


Quant à l'usage plus répandu qui pourrait en être fait, nous entendons la soumettre docilement, dès maintenant, au jugement de l'Eglise.

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