Discours Mari et Femme

De Salve Regina

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Magistère pontifical sur la famille - Discours aux jeunes époux
Auteur : Pie XII
Date de publication originale : 10 septembre 1941

Difficulté de lecture : ♦ Facile
Remarque particulière : allocution aux jeunes mariés

Chers nouveaux mariés, vous échangiez, il y a quelques jours, sous le regard de Dieu et en présence du prêtre, vos solennels et libres engage­ments ; devenus vous-mêmes les ministres du grand sacrement que vous receviez, vous vous engagiez à une indissoluble communauté de vie. Vous avez senti alors au fond de votre cœur que vous étiez et que vous agissiez dans des conditions de parfaite égalité ; le contrat matrimonial était conclu par vous en pleine indépendance, comme entre personnes jouissant de droits strictement égaux ; votre dignité humaine s’y manifestait dans toute la grandeur de sa libre volonté. Mais, à ce moment même, vous avez fondé une famille ; or, toute famille est une société, et toute société bien ordonnée réclame un chef, tout pouvoir de chef vient de Dieu. Donc la famille que vous avez fondée a aussi son chef, un chef que Dieu a investi d’autorité sur celle qui s’est donnée à lui pour être sa compagne, et sur les enfants qui viendront par la bénédiction de Dieu accroître et égayer la famille tels des rejetons verdoyants autour du tronc de l’olivier.

Oui, l’autorité du chef de famille vient de Dieu, de même que c’est de Dieu qu’Adam a reçu la dignité et l’autorité de premier chef du genre humain et tous les dons qu’il a transmis à sa postérité. Aussi est-ce Adam qui fut formé le premier et Ève ensuite. Ce ne fut pas non plus Adam, observe saint Paul, qui fut trompé, mais la femme qui se laissa séduire et qui prévariqua (1 Tim 2, 13-14). La curiosité d’Ève à regar­der le beau fruit du paradis terrestre et son entretien avec le serpent, oh ! quel dommage n’ont-ils pas causé à Adam, à Ève, à tous leurs enfants et à nous ! Or à Ève Dieu imposa, outre de multiples peines et souf­frances, d’être assujettie à son mari (Gen 3, 16).

Épouses et mères chrétiennes, que jamais ne vienne à vous saisir la soif d’usurper le sceptre fami­lial ! Votre sceptre, un sceptre d’amour, doit être celui que met entre vos mains l’apôtre des nations : le salut que vous procurera la maternité, pourvu que vous persévériez dans la foi, dans la charité et dans la sain­teté, unies à la modestie (1 Tim 2, 15).

Dans la sainteté, par le moyen de la grâce, les époux sont également et immédiatement unis au Christ. Ceux-là, en effet, écrivait saint Paul, qui ont été baptisés dans le Christ et se sont revêtus de lui sont tous fils de Dieu, et il n’y a pas de différence entre l’homme et la femme, parce que tous sont un seul dans le Christ Jésus (Gal 3, 26-28). Mais autres sont les conditions des époux dans l’Église et dans la famille en tant que société visible. Aussi le même apôtre avertissait-il : « Je veux cependant que vous sachiez que le chef de tout homme, c’est le Christ, que le chef de la femme, c’est l’homme, et que le chef du Christ, c’est Dieu » (1 Cor 11, 3). Comme le Christ, en tant qu’homme, est soumis à Dieu et tout chrétien au Christ dont il est membre, ainsi la femme est soumise à l’homme qui, en vertu du mariage, est devenu « une seule chair » avec elle (Mt 19, 5). Le grand apôtre se sentait le devoir de rappeler cette vérité et ce fait fon­damental aux convertis de Corinthe qui, sous l’in­fluence de nombreuses idées et pratiques païennes, pouvaient facilement les oublier, se méprendre à leur sujet ou les dénaturer. Si saint Paul parlait à des chré­tiens d’aujourd’hui, ne se croirait-il pas bien souvent dans l’obligation de leur adresser les mêmes avertis­sements ? Ne respirons-nous pas aujourd’hui un air malsain de néo-paganisme ?

Les conditions de vie résultant de la situation actuelle économique et sociale, l’accès des hommes et des femmes aux professions libérales, aux arts et aux métiers, leur travail côte à côte dans les usines, les bureaux et les différents emplois, tout cela tend à éta­blir en pratique une large équivalence entre l’activité de la femme et celle de l’homme, et bien souvent les époux se trouvent dans une situation qui se rap­proche fort de l’égalité. Souvent le mari et son épouse exercent des professions de même ordre, fournissent par leur travail personnel à peu près la même contri­bution au budget familial, tandis que ce travail même les conduit à mener une vie assez indépendante l’un à l’égard de l’autre. Les enfants que Dieu leur envoie entre temps, comment sont-ils surveillés, gardés, édu­qués, instruits ? Vous les voyez, nous ne dirons pas abandonnés, mais bien souvent confiés très tôt à des mains étrangères, formés et conduits par d’autres que leur mère, laquelle est retenue loin d’eux par l’exercice de sa profession. Faut-il s’étonner que le sens de la hiérarchie dans la famille aille s’affaiblissant et finisse par se perdre ? Faut-il s’étonner que l’autorité du père et la vigilance de la mère n’arrivent point à rendre joyeuse et intime la vie familiale ?

Et pourtant l’enseignement chrétien du mariage que donnait saint Paul à ses disciples d’Éphèse comme à ceux de Corinthe ne saurait être plus clair : « Que les femmes soient soumises à leur mari comme au Seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Église. (…) Comme l’Église est soumise au Christ, les femmes doivent être soumises à leur mari en toutes choses. Et vous, maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré lui-même pour elle. (…) Que cha­cun de vous, de la même manière, aime sa femme comme soi-même, et que la femme révère son mari » (Éph 5, 22-25, 33).

Cette doctrine et cet enseignement ne sont-ils pas du Christ lui-même ? C’est par ce moyen que le Rédempteur allait restaurer ce que le paganisme avait bouleversé. Athènes et Rome, phares de civilisation, avaient l’une et l’autre répandu bien des lumières naturelles sur les liens de la famille, mais sans réus­sir, ni par les hautes spéculations de leurs philo­sophes, ni par la sagesse de leurs lois, ni par la sévé­rité de leur censure, à mettre la femme à sa vraie place dans la famille.

Dans le monde romain, malgré le respect et la dignité qui entouraient la mère de famille — Uxor dignitatis nomen est, non voluptatis, « Le nom d’épouse est un nom de dignité et non pas de volupté » —, elle était juridiquement assujettie à la puissance totale et illimitée du mari ou paterfamilias, à qui la maison, la famille, appartenait en propriété, qui in domo domi­nium habet, parce que l’épouse était, elle aussi, in mariti manu mancipioque, aut in ejus, in cujus maritus manu mancipioque esset, « au pouvoir et dans la ser­vitude de son mari, ou de celui qui tenait le mari en son pouvoir et servitude ». Aussi Caton, l’austère cen­seur, proclamait-il devant le peuple romain : Majores nostri nullam, ne privatam quidem rem agere feminas sine tutore auctore voluerunt ; in manu esse parentum, fratrum, virorum, « Nos aïeux interdisaient aux femmes de faire aucune chose, même privée, sans l’autorisation d’un tuteur ; ils les voulaient au pouvoir des parents, des frères, des hommes ». Mais, dans les siècles suivants, tout le droit familial des anciens tomba en désuétude, cette discipline de fer disparut et les femmes devinrent pratiquement indépendantes de l’autorité maritale.

Sans doute, il nous reste de nobles exemples de femmes et de mères excellentes, telle cette Ostoria, d’illustre famille, dont un sarcophage récemment découvert aux grottes vaticanes a conservé l’éloge : incomparabilis castitatis et amoris erga maritum exem­pli feminæ, « femme d’incomparable chasteté, modèle d’amour conjugal ». Ce document ancien, qui remonte probablement au IIIème siècle après Jésus-Christ, montre, par ailleurs, que les vertus, bien rares alors, de chasteté et de fidélité, ne cessaient de recueillir l’estime des Romains.

Mais en face de ces figures irréprochables se trou­vait, surtout dans la haute société, un nombre sans cesse croissant de femmes qui dédaignaient et fuyaient les devoirs de la maternité, pour se donner à des occupations et jouer un rôle jusqu’alors réservés aux hommes. En même temps les divorces ne ces­saient d’augmenter, la famille allait se dissolvant, l’af­fection et les mœurs de la femme s’écartaient du droit chemin de la vertu, au point d’arracher à Sénèque la plainte bien connue : « Est-il désormais une femme qui rougisse de rompre son mariage, depuis que d’illustres et nobles dames comptent leurs années non par le nombre des consuls, mais par celui de leurs maris, et divorcent pour se marier et se marient pour divorcer ? »

La femme a beaucoup de puissance sur les mœurs publiques et privées, parce qu’elle possède un grand pouvoir sur l’homme ; souvenez-vous d’Ève : séduite par le serpent, elle donna le fruit défendu à Adam, et il en mangea aussi.

Rétablir dans la famille la hiérarchie indispensable aussi bien à son unité qu’à son bonheur, rétablir l’amour conjugal dans sa première et authentique grandeur, ce fut une des plus grandes entreprises du christianisme, depuis le jour que le Christ proclama à la face des pharisiens et du peuple : Quod ergo Deus conjunxit, homo non separet, « Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni » (Mt 19, 6).

Voici l’essentiel de la hiérarchie naturelle dans la famille, telle que l’exige l’unité du mariage et telle que la Providence l’a marquée par les qualités spéciales, différentes et complémentaires, dont il a doté l’homme et la femme : « Ni l’homme n’est dans le Seigneur sans la femme, ni la femme sans l’homme », écrit saint Paul (1 Cor 11, 11). A l’homme la primauté dans l’unité, la vigueur corporelle, les dons nécessaires au travail qui assurera l’entretien de sa famille ; c’est à lui qu’il a été dit : « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain » (Gen 3, 19). A la femme, Dieu a réservé les douleurs de l’enfantement, les peines de l’allaitement et de la première éducation des enfants, pour qui les meilleurs soins de personnes étrangères ne vaudront jamais les affectueuses sollicitudes de l’amour mater­nel.

Mais, tout en maintenant cette dépendance de la femme à l’égard de son mari, dépendance sanctionnée aux premières pages de la Révélation (Gen 3, 16), le Christ, qui n’est que miséricorde pour nous et pour la femme, a adouci, comme nous le rappelle saint Paul, ce reste de dureté qui demeurait au fond de la loi ancienne. Dans sa divine union avec l’Église, il a montré comment l’autorité du chef et la sujétion de l’épouse peuvent, sans se diminuer, se transfigurer dans la force de l’amour, d’un amour qui imite celui par lequel il s’unit à son Église ; il a montré que la constance du commandement et la docilité respec­tueuse de l’obéissance peuvent et doivent, dans un amour sincère et mutuel, s’élever jusqu’à l’oubli et au don généreux de soi-même : sentiments qui, eux aussi, contribuent à faire naître et à consolider la paix domestique, laquelle, fruit à la fois de l’ordre et de l’af­fection, est définie par saint Augustin l’union harmo­nieuse du commandement et de l’obéissance de personnes qui vivent ensemble : ordinata imperandi obe­diendique concordia cohabitantium. Tel doit être le modèle de vos familles chrétiennes.

Maris, vous avez été investis de l’autorité. Dans vos foyers, chacun de vous est le chef, avec tous les devoirs et toutes les responsabilités que comporte ce titre. N’hésitez donc point à exercer cette autorité ; ne vous soustrayez point à ces devoirs, ne fuyez point ces responsabilités. La barre de la nef domestique a été confiée à vos mains : que l’indolence, l’insouciance, l’égoïsme et les passe-temps ne vous fasse pas aban­donner ce poste. Mais, envers la femme que vous avez choisie pour compagne de votre vie, quelle délicatesse, quel respect, quelle affection votre autorité ne devra-t-elle pas témoigner et pratiquer en toutes circons­tances, joyeuses ou tristes ! « Que vos ordres, ajoutait saint Augustin cité tout à l’heure, aient la douceur du conseil, et l’obéissance tirera du conseil courage et réconfort. Au foyer du chrétien, qui vit de la foi et se sait pèlerin en marche vers la cité céleste, ceux-là mêmes qui commandent sont les serviteurs de ceux à qui ils paraissent commander ; ils commandent non pour dominer, mais pour conseiller, non par l’orgueil qui veut prévaloir, mais par la bonté qui veut pour voir ». Suivez l’exemple de saint Joseph. Il contemplait devant lui la très sainte Vierge, meilleure, plus sainte, plus élevée que lui ; un souverain respect lui faisait vénérer en elle la Reine des anges et des hommes, la Mère de son Dieu ; et pourtant, il restait à son poste de chef de famille et ne négligeait aucune des obliga­tions que lui imposait ce titre.

Et vous, épouses, élevez vos cœurs ! Ne vous contentez pas d’accepter et presque de subir l’autorité de votre époux à qui Dieu vous a soumises par les dispositions de la nature et de la grâce. Dans votre sin­cère soumission, vous devez aimer l’autorité de votre mari, l’aimer avec l’amour respectueux que vous por­tez à l’autorité même de Notre-Seigneur, de qui des­cend tout pouvoir de chef.

Nous savons bien que, de même que l’égalité dans les études, les écoles, les sciences, les sports et les concours fait monter dans bien des cœurs de femmes des sentiments d’orgueil, ainsi votre ombrageuse sen­sibilité de jeunes femmes modernes ne se pliera peut-être pas sans difficulté à la sujétion du foyer domes­tique. Nombre de voix autour de vous vous la repré­senteront, cette sujétion, comme quelque chose d’injuste ; elles vous suggéreront une indépendance plus fière, vous répéteront que vous êtes en toutes choses les égales de vos maris et que sous bien des aspects vous leur êtes supérieures. Prenez garde à ces paroles de serpents, de tentations, de mensonges : ne devenez pas d’autres Ève, ne vous détournez pas du seul che­min qui puisse vous conduire, même dès ici-bas, au vrai bonheur. La plus grande indépendance, une indé­pendance à laquelle vous avez un droit sacré, c’est l’indépendance d’une âme solidement chrétienne en face des exigences du mal. Lorsque le devoir se fait entendre et qu’il jette son cri d’alarme à votre esprit et à votre cœur, quand vous vous trouvez en face d’une demande qui va contre les préceptes de la loi divine, contre vos imprescriptibles devoirs de chrétiennes, d’épouses et de mères, conservez, défendez avec res­pect, avec calme, avec affection sans doute, mais avec une inébranlable fermeté la sainte et inaliénable indé­pendance de votre conscience. Il se rencontre dans la vie des jours où sonne l’heure d’un héroïsme ou d’une victoire qui ont les anges et Dieu pour seuls et invi­sibles témoins.

Mais pour le reste, lorsqu’on vous demande le sacrifice d’une fantaisie ou d’une préférence person­nelle même légitime, soyez heureuses : vous gagnez chaque jour davantage, en retour de ces légers sacri­fices, le cœur qui s’est donné à vous, car vous étendez et consolidez sans cesse l’intime union de pensées, de sentiments et de volonté qui seule vous rendra facile et douce la réalisation de la mission que vous avez auprès de vos enfants, tandis qu’elle serait gravement compromise par le moindre défaut de concorde.

Et puisque dans la famille, comme dans n’importe quelle association de deux ou de plusieurs personnes qui visent à une même fin, il est indispensable d’avoir une autorité qui maintienne efficacement l’union entre les membres, qui les dirige et les gouverne, vous devez aimer ce lien qui de vos deux volontés en fait une seule, encore que l’un précède sur le chemin de la vie et que l’autre suive ; vous devez aimer ce lien de tout l’amour que vous portez à votre foyer domestique.

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