IIe JOUR DE DÉCEMBRE

De Salve Regina

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Vies de saints
Auteur : Mgr Paul Guérin, camérier de S.S. Pie IX
Source : D'après les Bollandistes, le Père Giry, Surius, Ribadeneira, Godescard, les propres des diocèses et les travaux hagiographiques publiés à l'époque.
Date de publication originale : 1878

Résumé : Tome XIV
Difficulté de lecture : ♦ Facile
Remarque particulière : 7ème édition, revue et corrigée


MARTYROLOGE ROMAIN.

A Rome, le martyre de sainte BIBIANE, vierge, qui fut si longtemps flagellée avec des cordes armées de plomb, pour le nom de Jésus-Christ, sous l'empereur sacrilège Julien l'Apostat, qu'elle mourut entre les mains des bourreaux. Vers 363. — Au même lieu, les saints martyrs Eusèbe, prêtre, Marcel, diacre, Hippolyte, Maxime, Adrias, Pauline, Néon, Marie, Martane et Aurélie, qui furent mis à mort dans la persécution de Valérien, sous le juge Secondien 1. 256. — Encore à Rome, saint Pontien, martyr, avec quatre autres. — En Afrique, la naissance au ciel des saints martyrs Sévère, Secure, Janvier et Victorin, qui reçurent en ce lieu la couronne de leur fidèle confession. Vers 300. — A Aquilée, saint Chromace, évêque et confesseur. Vers 409. — A Imola, saint PIERRE, surnommé CHRYSOLOGUE, évêque de Ravenne, renommé pour sa doctrine et pour sa sainteté. On fait sa fête le 4 décembre. Vers 450. — A Vérone, saint Loup, évêque et confesseur. VIe s. — A Édesse, saint Nonne, par les prières duquel la pénitente Pélagie fut convertie à Jésus-Christ. Vers 468. — A Troade, en Phrygie, saint Silvain, évêque, illustre en miracles. — A Brescia, saint Évase, évêque.

MARTYROLOGE DE FRANCE, REVU ET AUGMENTÉ.

Au diocèse d'Angers, fête de la réception (1839), dans l'église cathédrale de cette ville, des reliques de saint Maurice et de plusieurs de ses compagnons, martyrs de la légion thébéenne 2. —

1. Valérien, furieux de la liberté avec laquelle il entendit Maxime parler contre les idoles, le fit jeter du haut d'un pont dans le Tibre. Eusèbe trouva le corps du martyr et l'enterra dans le cimetière de Calliste. Son tombeau se voyait encore dans les catacombes du temps de Baronius (1530-1607). Adrias, Pauline et leurs enfants furent arrêtés avec Eusèbe, Hippolyte et Marcel. On les renferma tous dans la prison Mamertine d'où on les tira, trois jours après, pour les effrayer par la vue des tourments ; ils les méprisèrent et restèrent inébranlables. Pauline expira entre les mains des bourreaux ; Eusèbe et Marcel furent décapités. Leurs corps furent ensevelis à un mille de Rome, sur la voie Appienne. Adrias et Hippolyte furent battus avec des fouets garnis de plomb jusqu'à ce qu'ils expirassent. Néon et Marie furent décapités. Ou assure que les corps de saint Hippolyte, de saint Adrias, de sa femme et de ses enfants, sont actuellement à Rome, dans l'église de Sainte-Agathe. — Godescard, Tillemont. 2. L'église cathédrale d'Angers possédait jadis plusieurs reliques des saints martyrs d'Agaune ; 1° une ampoule contenant de leur sang ; c'était un don du bienheureux Martin ; — 2° le chef de saint Innocent, don d'Eusèbe, évêque d'Angers, qui l'avait apporté (XIe siècle) du monastère de Saint-Maurice-en-Valais ; — 3° un bras de saint Maurice, don de l'archevêque de Philippes qui l'avait obtenu (XIIIe siècle) de Constantinople ; — 4° un os entier de la jambe d'un des soldats-martyrs, et le radius du bras gauche de saint Victor, dons de Pierre, abbé de Saint-Maurice (XVIIe siècle). — Ces précieuses reliques, déposées tout d'abord dans l'église Saint-Lô-hors-des-Murs, furent transférées solennellement dans l'église cathédrale, par Claude, évêque d'Angers. La Révolution profana ce trésor. Toutefois, grâce au zèle pieux de Charles, évêque d'Angers, plusieurs fragments des os de saint Maurice, obtenus du monastère suisse, purent être déposés dans la cathédrale, le 28 avril 1839. — Propre d'Angers.— Cf. Vie de saint Maurice, au 22 septembre.

Au diocèse de Beauvais, saint CONSTANTIN, abbé. 570. — Dans plusieurs contrées de France, saint Fré (Fredus), abbé en Irlande, français d'origine. Époque incertaine. — A Rouen, saint Avitien (Avit, Avidien), héritier du siège et des vertus de saint Mellon ou Melaine de Cardiff (22 octobre 311). A la prière de Constantin le Grand, il se rendit à Arles (314), avec son diacre Nicétius, afin d'assister à ce premier grand concile des Gaules et de l'Occident. Il souscrivit les actes de cette auguste assemblée. Après sa mort, il fut inhumé dans le cimetière public, d'où son corps fut plus tard transféré dans la crypte de Saint-Gervais, qui montre encore son tombeau. 325. — En Belgique, le bienheureux Jean de Ruysbrœck, prieur de Grœnendael, dans la forêt de Soignies (Rainant). Né en 1294, il quitta sa mère à l'âge de quatorze ans et se rendit à Bruxelles, chez Jean Hinckaert, son parent, chanoine de Sainte-Gudule. Il commença ses études dans cette ville, y reçut les ordres et devint chapelain de Sainte-Gudule. En 1343, Jean et son parent renoncèrent à leurs bénéfices, quittèrent Bruxelles, et allèrent bâtir un monastère dans la solitude de Grœnendael. Ils y vécurent en commun avec quelques compagnons qui étaient venus s'associer à leurs exercices de piété. A la prière de l'abbé de Saint-Victor de Paris, ils embrassèrent (10 mars 1349) la Règle des Chanoines réguliers de Saint-Augustin, et Jean fut nommé prieur de la nouvelle communauté, qui devint en peu de temps la plus florissante de la contrée. Le bienheureux Jean s'éteignit an milieu de ses frères, à l'âge de quatre-vingt-sept ans 1. 1331.

MARTYROLOGES DES ORDRES RELIGIEUX.

Martyrologe des Chanoines Réguliers. — A Alexandrie, saint Anien, confesseur, très célèbre parmi les clercs réguliers pour l'observance de la vie religieuse et le don des miracles ; disciple de saint Marc et son successeur dans l'épiscopat, il propagea l'Évangile sans s'épargner aucune fatigue. Il mourut le 25 avril. Son corps repose à Venise, dans l'église de Sainte-Marie de la Charité 2. Vers 86. Martyrologe de l'Ordre des Cisterciens. — A Rome, le martyre de sainte Bibiane, vierge, qui fut si longtemps flagellée avec des cordes armées de plomb, pour le nom de Jésus-Christ, sous l'empereur sacrilège Julien l'Apostat, qu'elle mourut entre les mains des bourreaux. Vers 363. — Le mémo jour, l'anniversaire solennel pour les parents et les proches défunts des moines de l'Ordre des Cisterciens. Martyrologe de l'Ordre des Déchaussés de la très-sainte Trinité. — L'Octave de sainte Catherine, vierge et martyre 3. IVe ». Martyrologe de l'Ordre de la bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel. — A Imola, saint Pierre, évêque de Ravenne, surnommé Chrysologue, célèbre par sa doctrine et sa sainteté, dont la fête se célèbre le 4 décembre. Vers 450. Martyrologe de l'Ordre des Carmes Déchaussés. — De même que ci-dessus.

ADDITIONS FAITES D'APRÈS DIVERS HAGIOGRAPHES.

Chez les Frères Prêcheurs, le bienheureux Jean Armera, confesseur, de l'Ordre de Saint-Dominique. Il se présenta comme frère convers au couvent de Baeza, en Espagne (Andalousie) ; mais, à cause de son admirable sainteté, on l'obligea à prendre l'habit des frères de chœur. L'étude et l'oraison occupèrent toute sa vie, avec le ministère du salut des âmes. Il passait les nuits entières devant le Saint-Sacrement, et s'il se reposait un peu, c'était sur la terre nue ou sur une pauvre chaise. Durant soixante-dix ans qu'il vécut en religion, il ne transgressa jamais un point de la Règle. Ses pénitences étaient extraordinaires. Pendant sa vie et après sa mort, il a opéré un grand nombre de miracles, qui lui ont mérité de la part des fidèles les démonstrations du culte public. On a voulu poursuivre sa canonisation ; mais les révolutions survenues depuis sa mort ont empêché jusqu’a présent la réalisation de ce projet. 1566. — En Égypte, saint Héracléemon, anachorète. IVe s. — En Éthiopie, saint Eliab, confesseur. — Encore en Éthiopie, saint Siméon l'Afamarie, confesseur.

1. Son corps fut enseveli dans l'enceinte de la chapelle du monastère ; mais en 1386 Jean Serclaes, Évêque de Cambrai, le transféra dans le chœur de la nouvelle église. Le 8 novembre 1822, .Jacques Besace, archevêque de Malines, déterra solennellement le corps du bienheureux Jean, le mit dans une châsse de bois, et le ploya devant le maître-autel, dans un mausolée magnifique que l'infante Isabelle fit orner à ses frais, après avoir été, le 17 novembre de la même année, visiter à Grœnendael ces vénérables reliques. Elles y furent conservées jusqu'à la fin du dernier siècle. Après la suppression du monastère (1784) elles furent déposées dans l'église Sainte-Gudule de Bruxelles. — Continuateurs de Godescard. 2. Nous avons raconté la vie de saint Anien, évêque, dans celle de sailli Marc Évangéliste, an 9b avril (tome y, pages 15-25). 3. Voir la vie de sainte Catherine au 25 novembre

SAINT PIERRE CHRYSOLOGUE,

ARCHEVÊQUE DE RAVENNE ET DOCTEUR DE L'ÉGLISE.

450. — Pape : Saint Léon le Grand. — Empereur d'Occident : Valentinien III.

Ce bienheureux est véritablement un oiseleur apostolique : il prend au vol les âmes des jeunes gens, dans les filets de la divine parole. Saint Adolphe de Metz, Éloge du Saint.

Saint Pierre Chrysologue était d'Imola, capitale de la Romagne, en Italie. Sa jeunesse s'étant passée dans l'exercice des vertus et dans l'étude des lettres, il fut fait diacre par Corneille, son évêque, qui était bien persuadé de son mérite. Sa promotion à l'épiscopat fut toute miraculeuse. Jean, premier de ce nom, évêque de Ravenne, étant décédé, le clergé et le peuple s'assemblèrent pour lui élire un successeur ; ils donnèrent leurs suffrages à un ecclésiastique aussi nommé Jean, qu'ils crurent digne de cette charge, et envoyèrent leurs députés vers le pape saint Sixte III, pour demander sa confirmation. Pendant qu'ils étaient en chemin, ce Pontife, qui était un très saint homme, eut une vision dans laquelle l'apôtre saint Pierre et saint Apollinaire, premier évêque de Ravenne, l'avertirent de ne point confirmer celui qui avait été élu, mais de nommer en sa place le diacre d'Imola, nommé Pierre, dont ils lui firent le portrait. Il vit bien que c'était là un coup du ciel. Aussi, lorsque les députés parurent devant lui avec le même Corneille ; évêque d'Imola, et Pierre, son diacre, il leur déclara que l'élection que l'on avait faite n'était pas agréable à Dieu, et que le ciel avait élu le diacre Pierre, qu'il voyait devant ses yeux. Les habitants de Ravenne eurent d'abord un peu de peine de ce changement ; mais, voyant depuis qu'il venait d'en haut, ils l'acceptèrent de bon cœur et se réjouirent même que Dieu leur eût choisi de sa main un si digne pasteur. Pierre, qui n'avait pas moins d'humilité que de grandeur d'âme, fut le seul qui s'opposât à sa promotion. Il pria instamment Sa Sainteté de ne point mettre sur ses épaules un fardeau si pesant et si redoutable ; et ses prières eussent sans doute gagné quelque chose sur l'esprit de ce bon Pape, si la vision qu'il avait eue ne l'eût convaincu qu'un si saint homme devait être mis sur le chandelier de l'Église. Ce fut ce qui le fit tenir bon contre toutes les instances de Pierre. Il lui commanda de se soumettre aux ordres de Dieu, et, l'ayant enfin réduit à cette soumission, il lui imposa les mains, le consacra archevêque et l'envoya au plus tôt gouverner le peuple que la divine Providence lui avait confié. La première chose qu'il fit après son entrée fut de représenter à. Ses diocésains que, puisqu'il avait enfin acquiescé à son ordination pour le salut de leurs âmes, ils devaient aussi, de leur part, s'efforcer de profiter des bonnes instructions qu'il ne manquerait pas de leur donner ; qu'il était venu vers eux comme médecin pour les guérir, comme pasteur pour les conduire, comme mère pour les nourrir, et comme père pour les défendre et leur procurer le salut éternel ; et qu'il fallait, par conséquent, qu'ils eussent à son égard la docilité et la soumission nécessaires pour se rendre toutes ses fonctions profitables. Il s'en acquitta si dignement que, par les discours forts et touchants qu'il fit à. son peuple, et qui étaient comme un fleuve d'or qui coulait de sa bouche, il mérita le glorieux surnom de Chrysologue. Pendant que notre Saint travaillait à former des temples spirituels à Jésus-Christ, il employait aussi ses soins à lui en édifier de matériels ou à réparer ceux qui étaient tombés en ruine. Surtout il fit bâtir une célèbre église en l'honneur de saint André, apôtre, et quelques édifices publics pour la commodité de la ville. Il assista à la mort de saint Barbatien, prêtre, qui faisait par ses miracles l'étonnement de tout son diocèse ; il lava son corps, l'embauma et l'enterra près du grand-autel de saint Jean-Baptiste, qu'il avait lui-même dédié. Il prit aussi le soin d'enterrer le corps de saint Germain d'Auxerre, qui mourut de son temps à Ravenne, et qui fut depuis ramené dans sa ville épiscopale. Il hérita de son pauvre camail et de son cilice, et il se crut plus heureux d'une si riche succession, que s'il avait acquis tous les trésors de la terre. En ce temps-là l'impie Eutychès commença à faire éclater sa pernicieuse hérésie, par laquelle il confondait les natures en Jésus-Christ, et de deux n'en faisait qu'une seule, soit par le mélange de l'une avec l'autre, soit par la perte de l'une dans l'autre. Pour avoir des fauteurs de ses erreurs, il écrivit aux principaux évêques d'Occident qu'il voulait engager dans son parti, et, comme notre Saint brillait entre les autres, tant par la dignité de son siège que par sa doctrine et sa piété, il fut un de ceux à qui il adressa ses lettres ; mais Pierre lui fit la réponse que méritait sa malice. Il le reprit de son opiniâtreté, lui remontra son aveuglement, et, après cette juste réprimande, il l'exhorta à souscrire à la doctrine du Saint-Siège. Cette réponse se trouve au commencement des Actes du concile de Chalcédoine, où on l'a insérée comme une pièce excellente et une puissante preuve que c'est saint Pierre et ensuite Jésus-Christ, qui parlent par la bouche du souverain Pontife. Le zèle de ce bienheureux archevêque parut aussi par le soin qu'il apporta à retrancher de son diocèse plusieurs superstitions païennes qui s'y pratiquaient encore de son temps. Il déclama particulièrement dans ses homélies contre l'usage de ces masques abominables qui représentaient les fausses divinités, et contre la coutume de célébrer en l'honneur de Jésus-Christ, lorsqu'il était arrivé quelque bonne fortune, les jeux circenses qui étaient des restes du paganisme. Ses remontrances là-dessus furent si efficaces, qu'il extermina entièrement ces divertissements impies et sacrilèges. Enfin, après avoir gouverné saintement l'église de Ravenne pendant dix-neuf ans, il eut révélation que le temps de sa mort était proche ; et, comme il avait une dévotion singulière pour saint Cassien, martyr, il fit un voyage à Imola, où il y avait une église dédiée en son honneur, pour le prier de lui obtenir la grâce de finir heureusement ses jours. Pendant qu'il y était, il tomba malade, et, après avoir exhorté ceux de son diocèse à élire un bon évêque en sa place, et à ne jamais s'écarter de la voie des commandements de Dieu, il rendit tranquillement son âme entre les mains de Jésus-Christ : ce qui arriva le 2 décembre vers l'an 450. Son corps, suivant son désir, fut enterré dans la même église de Saint-Cassien ; mais un de ses bras a été porté à Ravenne, où on le voit dans un reliquaire d'or enrichi de pierres précieuses. La voix du peuple, qui avait toujours admiré la sainteté de sa vie, le canonisa, et l'Église l'a inséré dans ses Martyrologes. On peut représenter saint Pierre Chrysologue, ou prêchant ses ouailles contre les scandales du carnaval, ou recevant les derniers soupirs de saint Germain d'Auxerre, qui était venu à Ravenne pour quelque affaire particulière de son Église.

ÉCRITS DE SAINT PIERRE CHRYSOLOGUE.

Nous avons de lui un certain nombre de sermons. La plupart sont sur l'Écriture dont il explique le texte avec autant d'agrément que de netteté. Il en donne ordinairement le sens littéral, puis l'allégorique, auquel il joint quelques réflexions morales. Il explique l'Écriture, non de suite, mais ce qu'on en avait lu dans l'Église le jour qu'il prêchait. Il y a aussi des discours où il traite exprès du jeûne, de l'aumône, de la prière, de l'Oraison dominicale, du Symbole ; d'autres où il déclame contre l'hypocrisie, l'envie, l'avarice. Il y en a peu de dogmatiques ; ce n'est que comme en passant qu'il s'explique sur quelques-uns de nos mystères. Il a fait toutefois des homélies sur les jours de Noël, de l'Épiphanie et de Pâques. Nous en avons aussi de lui sur les fêtes des Innocents, de saint André, de saint Thomas, de saint Jean-Baptiste, de saint Matthieu, de saint Etienne, de saint Laurent, de saint Cyprien, de saint Apollinaire, et de quelques autres. Tous ces discours paraissent travaillés, les termes en sont choisis, mais souvent peu usités, les comparaisons justes, les descriptions suivies, ce qui suppose de l'étude et de la réflexion. Il en a fallu aussi pour une quantité de jeux de mots, qui paraissent avoir été du goût de saint Chrysologue. La plupart de ses pensées sont belles ; mais il y en a qui cessent de plaire quand on les approfondit ; d'autres qui sont tirées de loin et qui viennent moins bien au sujet. Son style est extrêmement serré et coupé, ce qui le rend obscur et embarrassé. Il y a trop de tours, et trop peu de naturel. Il prêcha le cent trente-huitième discours dans un diocèse étranger, à la prière d'un évêque qu'il appelle le père et le maître commun. Il témoigne dans ce discours un grand fonds d'humilité et de modestie ; il en fait paraître dans tous les autres, traitant ses auditeurs avec autant de ménagement que de charité. Il y a des manuscrits qui attribuent à saint Chrysologue un sermon sur la Naissance de Jésus-Christ, qui est le cent vingt-quatrième dans l'appendice de ceux de saint Augustin ; mais le style en est enflé, et n'est point coupé comme celui de ce Père. On trouve au contraire son génie et son style dans les sermons soixante-treizième et quatre-vingt-dix-septième du même appendice. L'un est sur le Jeûne et la Prière, l'autre sur la Paix. Ils ne paraissent achevés ni l'un ni l'autre. Le soixante-unième de cet appendice est le cinquante-troisième dans les éditions de saint Chrysologue, mais beaucoup plus long, et avec plusieurs variantes. Il est encore sur la Paix. Le Père Labbe en cite un sur la Nativité de la Vierge. Nous ne l'avons pas ; et il y aurait lieu de croire qu'il n'est point de saint Chrysologue, puisqu'on ne célébrait point cette fêle de son temps ; si l'on ne savait que l'on a corrompu les inscriptions de ses discours, et que, dans les manuscrits, il n'y en a aucun qui soit intitulé de quelque fête de la sainte Vierge. Aussi Dominique Mita, qui, dans son édition, a suivi exactement les manuscrits, ne donne point au sermon cent quarante-deuxième l'intitulation de discours sur l'Annonciation de la Vierge qu'il porte dans les éditions ordinaires. Trithème attribue plusieurs lettres à saint Chrysologue. Nous n'avons que celle que ce Père écrivit à Eutychès. On voit, par la cent douzième de Théodoret, que les Orientaux écrivirent à ce Père, en l'an 431 ; mais on ne lit nulle part qu'il leur ait fait réponse. La lettre à Eutychès a été imprimée avec les Actes du concile de Chalcédoine dans les recueils des conciles. Pour ce qui est de ses sermons, ils ont été donnés, premièrement à Cologne, en 1541, puis en 1607, en 1678 ; à Paris, en 1585 ; à Anvers, en 1618 ; à Lyon, en 1636 ; à Rouen, en 1640 ; à Boulogne, en 1643 ; à Toulouse, en 1670 ; à Paris, en 1614 et 1670, avec les œuvres de saint Léon, et dans les Bibliothèques des Pères. La meilleure édition des sermons de saint Chrysologue est celle que donna, en 1750, à Venise, en un vol. in-folio., Sébastien Paul ; elle a été réimprimée à Augsbourg, en 1758, in-folio., et, en dernier lieu, dans la Patrologie latine, tome LII. On trouve ici : 1° une préface de Paulus ; 2° une vie de saint Pierre, d'après le Pontifical d'Agnelli, édité par Bacchinius, avec des observations sur cette vie par ce dernier ; 3° sa Vie par Châtillon (Castillus) ; 4° une autre Vie par Dominique Mita ; 5° témoignages en faveur de saint Pierre ; 6° notice littéraire par Schœnemann ; 7° dissertation sur la métropole ecclésiastique de Ravenne, par J: ». Amadésius ; 8° remarques critiques sur l'authenticité de quelques-uns des discours. Viennent ensuite : 1° les discours au nombre de cent soixante-seize, avec notes ; 2° un appendice qui contient les sermons qui avaient été attribués à ce Père, au nombre de sept. La lettre à Eutychès se trouve dans ce volume, à la col. 71 et suiv. On la lit aussi parmi les témoignages et dans les lettres de saint Léon le Grand, édition de Ballérini, où elle est la vingt-cinquième.

Ce récit est du Père Giry, que nous avons complété avec l'Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, par Dom Ceillier. — Cf. Histoire générale de l'Église, par l'abbé Darras.

Ste BIBIANE OU VIVIENNE, VIERGE ET MARTYRE A ROME (363).

Outre la gloire de la virginité et du martyre, cette illustre romaine a cet avantage d'être fille et sœur de martyrs. Son père, Flavien, qui avait été préfet de Rome, fut mis en prison pour la foi sous le règne de Julien l'Apostat ; mais, ayant refusé avec une constance héroïque d'adorer les idoles, dont ce détestable empereur tâchait de ressusciter le culte, il fut marqué au front comme un esclave, et envoyé aux eaux taurines, en Toscane, où, accablé de toutes sortes de misères, il finit glorieusement sa vie le 22 décembre 362. Pour Dafrose, sa mère, elle fut d'abord enfermée dans sa maison avec ses filles, afin qu'elles y mourussent toutes de faim ; mais ce supplice paraissant trop long au tyran, il lui fit trancher la tête hors les murs de Rome, le 4 janvier de l'année suivante. Bibiane et Démétrie, ses filles, ne furent pas traitées avec moins de cruauté : car Apronien, préteur de Rome, après avoir confisqué tous leurs biens, ne cessa point de les persécuter. Il les fit d'abord enfermer dans une étroite prison, avec défense de leur donner à manger, espérant que la rigueur de la faim les ferait enfin changer de sentiment. Ensuite, les trouvant plus fortes et d'une santé plus florissante que jamais, parce que Dieu les y avait nourries par miracle, bien loin d'être touché de ce prodige, il les menaça des plus horribles supplices et d'une mort cruelle et honteuse, si elles ne se rendaient aux volontés de l'empereur ; au lieu que, et elles lui obéissaient, elles recouvreraient leurs biens et on leur ferait trouver des partis avantageux. Mais nos généreuses vierges étaient trop bien établies dans la foi par l'instruction et l'exemple de leurs parents pour se laisser ébranler par ces menaces, ou charmer par l'éclat de ces promesses ; aussi elles répondirent courageusement à Apronien, que les biens et les avantages de ce monde n'avaient nul attrait pour elles, et qu'elles endureraient plutôt mille morts que de manquer de fidélité à Jésus-Christ. Démétrie, en disant ces paroles avec une ardeur inconcevable, tomba morte en présence de sa sœur, et, par cette mort bienheureuse, elle alla recevoir dans le ciel la couronne du martyre (362), comme il est marqué dans le martyrologe romain du 21 juin. Pour Bibiane, le tyran la mit entre les mains d'une très-méchante femme nommée Raffine, afin qu'elle tâchât de la corrompre. Cette misérable se servit de toutes les inventions imaginables. Elle y employa d'abord les caresses, les flatteries et les bons traitements ; ensuite. elle passa aux injures, aux menaces et aux coups, jusqu'à la maltraiter tous les jours d'une manière très indigne. Mais, comme tous ces moyens ne servirent de rien et ne purent jamais ébranler la constance de la Sainte sur la résolution de demeurer vierge et chrétienne, Apronien, irrité de se voir vaincu par une jeune fille, la fit dépouiller et attacher à une colonne, et les bourreaux, par son ordre, la fouettèrent avec des cordes plombées, jusqu'à ce qu'elle eût rendu l'âme par la violence d'un si grand tourment (363). Son saint corps fut jeté dans un lieu public, pour être dévoré des chiens ; mais la divine Providence le conserva et ils n'osèrent en approcher, de sorte qu'après deux jours un saint prêtre, nommé Jean, trouva moyen de l'enlever et de l'enterrer auprès de celui de sa mère et de sa sœur. Une jolie petite église a été élevée en 363 en son honneur, par une matrone romaine nommée Olympie, sur l'emplacement même du palais de son père. Une magnifique urne d'albâtre oriental, placée sous l'autel, renferme le corps de sainte Bibiane et aussi ceux de sa sœur sainte Démétrie et de sa mère sainte Dafrose. Les murs de cette église, restaurée sous Urbain VIII en 1625, sont couverts de fresques reproduisant les faits touchants que nous venons de raconter ; ces fresques sont de Ciampelli et de Pierre de Cortone. La statue en marbre blanc de sainte Bibiane, gracieux ouvrage du Bernin, est placée au-dessus de l'autel. On voit encore dans cette église la colonne de rouge antique à laquelle elle avait été attachée pour être flagellée. Cette petite église se trouve maintenant isolée dans la campagne. Il est touchant de voir, le jour de la fête, le chapitre entier de la grande et somptueuse basilique de Sainte-Marie-Majeure venir processionnellement à cette modeste église et célébrer de solennelles et pompeuses cérémonies en l'honneur de ces deux vierges et de leur mère. On représente sainte Bibiane : 1° tenant en main une branche d'arbre garnie de plusieurs rameaux : c'est apparemment une allusion aux plombeaux (fouets garnis de balles de plomb) dont elle fut frappée ; 2° en groupe, avec sainte Démétrie, sa Sœur, saint Flavien, son père, et sainte Dafrose, sa mère ; 3° attachée à une colonne et flagellée ; 4° tenant parfois un poignard à la main : ce qui ferait supposer qu'elle consomma son martyre par le glaive, ce qui n'est pas conforme à ses actes. Sainte Bibiane est patronne de Séville ; en Allemagne, elle est la patronne des buveurs ; on l'invoque particulièrement contre les maux de tête et l'épilepsie.

Nous avons complété le récit du Père Giry, avec les Caractéristiques des Saints, du Père Cahier, et l'ouvrage anonyme : Une Année à Rome (Paris, 1866, chez Ambroise Bray).

SAINT CONSTANTIEN, ABBE DE JAVRON,

AU DIOCÈSE DU MANS (vers 570).

Saint Constantien, né en Auvergne, se voua au service de Dieu dès ses plus jeunes ans. Ayant achevé son apprentissage de la vie monastique dans son pays, il se retira dans le diocèse d'Orléans, au monastère de Micy, qui jouissait alors d'une grande renommée sous la direction du saint abbé Maximin. Il y trouva saint Frimbaud, son compatriote, qui avait passé quelque temps dans la solitude d'Ivry, près de Paris. Le désir d'une plus grande perfection leur inspira depuis à l'un et à l'autre la résolution de chercher quelque désert écarté où ils fussent inconnus au monde. Ils s'arrêtèrent dans la forêt de Nuz, sur le territoire d'Herbon (Javron), au pays du Maine. Saint Innocent, évêque du Mans, obligea depuis Constantien à recevoir les saints ordres, afin qu'il pût être utile aux habitants des villages voisins. Son zèle, sa douceur, ses exemples et ses prières opérèrent un grand nombre de conversions. Il continua ses missions sous saint Domnole, successeur de saint Innocent. Les miracles venaient aussi en aide à sa prédication. Il y eut un aveugle auquel il rendit la vue pendant la célébration de la messe, en priant et en faisant le signe de la croix sur lui. Il prédit au roi Clotaire 1er, qui allait faire la guerre en Bretagne, où l'on appuyait la révolte de son fils Chramne, qu'il remporterait la victoire. Pour offrir un asile aux disciples de plus en plus nombreux qui se réunissaient autour de Dieu, il bâtit un monastère sur un fonds de terre qui lui avait été cédé, entre autres par le roi. Ce monastère fut longtemps illustre, jouissant de tous les privilèges des fondations royales, d'une indépendance complète dans son administration intérieure, et sous la protection du monarque, qui en défendait les propriétés de toute vexation extérieure. Dans la suite, il fut réduit à la condition d'un simple prieuré dépendant de l'abbaye de Saint-Julien de Tours. Il composa une règle dans laquelle brillait le reflet de la divine sagesse ; ayant désigné son successeur, il s'endormit dans le Seigneur le 1er décembre, vers l'an 570. Le corps du saint abbé, longtemps conservé au monastère de Javron, fut ensuite porté dans la cathédrale du Mans, de crainte des Normands. Mais vers le milieu du XIe siècle, Avisgaud, pour se défendre des vexations d'Hébert, comte du Mans, eut besoin du secours de Gilduin de Breteuil, son parent, il lui donna en récompense les reliques de saint Constantien, dont fut enrichi le monastère nouvellement restauré de Breteuil, dans le diocèse de Beauvais. A partir de ce moment, saint Constantien fut compté parmi les patrons de Breteuil ; il jouit bientôt d'une grande vénération dans tout le pays, à cause des miracles qu'il opérait particulièrement en faveur de ceux qui étaient atteints de folie ou qui souffraient du mal de tête. Un précieux témoignage à citer sur la fréquence de ces miracles et sur la dévotion qu'ils inspiraient aux peuples, c'est celui qu'en rendit au XIIIe siècle le pape Innocent IV. Le saint corps est encore aujourd'hui conservé dans la petite ville de Breteuil, toujours en possession de la confiance et des hommages des fidèles.

Propre de Beauvais ; Histoire de l'Église du Mans, par le R. P. Dom Paul Piella ; Vie des Saints du diocèse de Beauvais, par M. l’abbé Sabatier.

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