L'harmonie de trois notes accorde l'âme avec Dieu lui-même : la foi, l'espérance, la charité – 3 avril 1940 –

De Salve Regina

Magistère pontifical sur la famille - Discours aux jeunes époux
Auteur : Pie XII
Date de publication originale : 3 avril 1940

Difficulté de lecture : ♦ Facile

Guidés par une pensée de foi, vous venez, chers jeunes époux, appeler sur le printemps de votre vie Notre Bénédiction apostolique, en ce jour où le printemps de la nature vous prodigue ses sourires. C'est aussi une pensée de foi que Nous voudrions vous inspirer, en vous invitant à écouter quelques instants, autour de vous et en vous-mêmes, la chanson du printemps.

Si trois notes sont nécessaires et suffisantes pour fixer par leur accord la tonalité d'une composition musicale, la chanson du printemps pourrait, pour les chrétiens, se réduire à trois notes, dont l'harmonie accorde leur âme avec Dieu lui-même : la foi, l'espérance, la charité.

La foi, comme vous le savez, est une vertu théologale par laquelle nous croyons en Dieu, que les yeux du corps ne voient point ; une vertu théologale par laquelle nous croyons en sa Bonté infinie, que sa Justice voile parfois à notre courte vue humaine ; en sa Toute-Puissance, que semble contredire, selon le raisonnement trop hâtif des hommes, sa mystérieuse longanimité.

Or, le retour fidèle du printemps rappelle que Dieu, qui semble parfois changer, en réalité ne change jamais, parce qu'il est éternel ; que chacune de ses dispositions apparaît au point voulu ; que chacun de ses desseins s'accomplit à l'heure fixée par la Providence. Hier, c'était encore l'hiver et tout semblait mort dans la nature ; le firmament était voilé de nuages et les montagnes couvertes de neige ; le soleil, languissant et stérile. Mais, tout à coup, le ciel de nouveau s'illumine ; le vent des tempêtes se tait ; le soleil prend plus d'éclat et, sous ses tièdes rayons, la vie palpite de nouveau au sein de la terre. Ainsi l'œuvre de Dieu ne meurt jamais : chez lui, point d'hiver que ne suive un printemps, et ce qui semble la mort de la nature n'est qu'un prélude de résurrection.

Pour vous, jeunes époux, à qui s'ouvre le printemps de la vie, entrez-y avec une foi profonde en Dieu, avec une vive confiance en sa puissance et en sa bonté. Vous pourrez avoir des épreuves ; à certains moments, comme un père qui aime à se cacher un instant pour mesurer les forces de son enfant, Dieu semblera vous laisser seuls aux prises avec les difficultés. Sa justice, comme celle d'un père, pourra permettre à la douleur physique ou morale de vous purifier et de vous offrir le moyen d'une pénitence réparatrice. Des nuages pourront passer dans le ciel si bleu de votre mutuel amour et en voiler pour quelque temps la splendeur. Ravivez alors votre foi en Dieu ; rallumez votre foi en vos promesses, la foi dans la grâce sacramentelle, la foi dans la douceur pacificatrice des réconciliations promptes et sincères, qui sont, elles aussi, une sorte de printemps, puisqu'elles apportent, après le froid et les tempêtes, le retour des zéphyrs, de la lumière et de la paix.

A la leçon de la foi, le printemps ajoute celle de l'espérance. S'il dissipe la torpeur de la terre et fait tomber des flancs des montagnes leur blanc manteau, le soleil n'enflamme point encore la terre du feu qui lui donnera tout l'éclat de sa parure et le splendide épanouissement de sa fécondité. La sève amollit les troncs et les tiges et ouvre sur les rameaux les lèvres humides des boutons, mais les arbres n'agitent pas encore au vent la crinière de leur feuillage. Bientôt les nids résonneront du chant des oiseaux. La vie reprend. L'espérance, cette joie d'un bonheur désiré et attendu, mais dont on ne possède encore que la promesse ou le gage, l'espérance éclate au printemps dans toute la création.

Dans l'ordre surnaturel, l'espérance est, comme la foi, une vertu théologale. Elle unit l'homme à Dieu, mais sans soulever le voile de la foi pour montrer à nos yeux l'éternel et divin objet des contemplations célestes. Mais à l'âme qui correspond à la grâce elle apporte, dans l'infaillible promesse du Rédempteur, l'assurance de sa possession future ; elle lui en donne le gage et comme l'exemple anticipé dans la Résurrection du Dieu fait homme, qui eut lieu à l'aube d'une journée de printemps.

Le chant de l'espérance retentit certainement en ce printemps de vos cœurs. S'épouser c'est, comme les colombes au printemps, construire un nid. Or, le foyer domestique, ce nid d'une jeune famille, les époux ne le construisent souvent que petit à petit, au prix de fatigues et de sollicitudes, dans la cavité de dures roches ou sur un rameau que secoue le vent ; mais ce travail s'accomplit dans la joie, parce qu'il s'entreprend dans l'espérance. Fonder un foyer n'est pas seulement vivre pour soi, développer utilement ses forces physiques, ses facultés morales et ses qualités surnaturelles ; c'est aussi multiplier la vie, c'est pour ainsi dire ressusciter et revivre, en dépit du temps et de la mort, dans les générations successives, dont on ne peut, et c'est là une joie, mesurer du regard le long développement dans la série indéfinie des âges. Malheureux époux qui n'ont pas compris et goûté la douceur de cette espérance ! Plus malheureux encore et coupables ceux qui, par la violation des lois du Créateur, la limitent ou lui ferment l'entrée du nid familial ! Trop tard peut-être, ils verront que, pour quelques joies éphémères, ils ont ouvert sur leur foyer la porte de l'abîme vide de toute espérance.

La charité

La charité enfin met aussi sa note — on peut dire la note dominante — dans la chanson du printemps, qui est surtout un hymne d'amour. Le vrai et pur amour est le don de soi-même ; c'est la soif de se répandre et de se donner totalement, soif qui est essentielle à la Bonté et par laquelle Dieu, Bonté infinie, Charité substantielle, s'est répandu dans la Création. Cette force d'expansion de l'amour est si grande qu'elle ne souffre pas de limites. Le Créateur aima de toute éternité les créatures qu'il veut appeler dans le temps, par une aspiration toute-puissante de sa miséricorde, du néant à l'existence : In caritate perpetua dilexi te ; ideo attraxi te, miserans, « je t'ai aimée d'un amour éternel, aussi t'ai-je attirée, par miséricorde » (Jr 31, 3) ; aussi le Verbe incarné, venu parmi les hommes, cum dilexisset suos, qui erant in mundo, in finem dilexit eos, aima les siens, qui étaient au monde, et les aima jusqu'à la fin (Jn 13, 1).

Regardez, chers fils et filles, comme ce besoin de donner et de se donner se manifeste et éclate en ce moment dans la nature. « L'air et l'eau et la terre sont pleins d'amour »1, s'écrie le poète en exaltant les beautés du printemps. La vie se répand et cette magnificence dans le don de soi-même n'est qu'une faible image de celle de Dieu. Mais, si telle est l'ampleur des largesses de Dieu dans l'ordre de la nature, combien plus merveilleux n'est-il point dans celui de la grâce, qui dépasse de toutes parts les plus hautes possibilités de la créature humaine !

Ecoutez maintenant, chers époux, votre propre cœur. Vous l'entendrez chanter l'hymne généreux et désintéressé qui s'élève jusqu'au don total de soi. Ce désir impérieux d'un naturel holocauste ne sera satisfait en vous que si le don naturel, qu'a sanctionné une promesse sacrée, est sans division, sans réserve, sans reprise, pareil au don que vous devez faire de votre personne à Dieu. La charité est une, comme la religion ; le lien du mariage chrétien a quelque chose de divin dans son principe et par là d'éternel dans ses conséquences. Y demeurer fidèle, malgré les épreuves, les tempêtes et les tentations, c'est un idéal qui peut sembler dépasser les forces humaines ; mais il deviendra une réalité surnaturelle, si vous correspondez à la grâce du sacrement, qui vous a été donnée précisément pour affermir votre union dans le sang du Rédempteur, union indissoluble, comme celle du Christ avec son Eglise.

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