L'ordre social chrétien par le règne social de Marie

De Salve Regina

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L’ordre social chrétien par le règne social de Marie

Introduction

Par la révolution de 1789, la France officielle s’est insurgée contre l’ordre social chrétien, opposant dans tous les domaines les droits de l’homme aux droits de Dieu. Depuis cette apostasie publique, le règne de l’enfer s’installe de plus en plus chez nous, viciant l’ensemble et les détails de notre vie nationale, sociale, familiale et individuelle.


Tout le monde souffre de ce désordre, et nous-mêmes, les catholiques, pourrions accepter cette souffrance si elle était par elle-même rédemptrice. Mais tel n’est pas le cas puisque l’acceptation indéfinie de l’état de choses actuel, ce renoncement à la rénovation de l’ordre, serait en propre un suicide.


Que doivent faire les catholiques dans ce chaos ? Peuvent-ils intervenir dans la solution de ce drame ?


Nous le croyons.


En effet, le vicaire du Christ, toutes ces dernières années, au fur et à mesure que le danger grandissait, n’a cessé de proclamer qu’il fallait de toute nécessité rendre au Christ la place que Satan prétend lui ravir dans les âmes, dans les familles, dans les rapports sociaux et dans la patrie ; que, pour terrasser l’enfer, il fallait implorer le puissant et indispensable secours de celle qui est l’antagoniste de Satan ; enfin que, pour assurer le triomphe de Jésus, Marie doit être là, lui préparant les voies et lui soumettant les cœurs.


Nous allons donc essayer, à la lumière des enseignements et des précises injonctions des souverains pontifes, de discerner quel est le devoir des catholiques dans les malheureuses conjonctures présentes, et ce qu’il nous est possible de faire pour gagner à notre Mère et Reine les individus, les familles, les corps de métiers, et la France entière.


Etat actuel des choses

Depuis que les droits de l’homme cherchent à supplanter chez nous les droits de Dieu, Satan sème partout le désordre.


Désordre dans l’État

L’autorité, principe d’unité et d’action, est découronnée de son auréole divine et dépossédée de son rôle paternel.


« Bon nombre de nos contemporains, marchant sur les traces de ceux qui, au siècle dernier, se sont décerné le titre de philosophes, prétendent que tout pouvoir vient du peuple ; que, par suite, l’autorité n’appartient pas en propre à ceux qui l’exercent, mais à titre de mandat populaire, et sous cette réserve que la volonté du peuple peut toujours retirer à ses mandataires la puissance qu’elle leur a déléguée[1] ! » « Il est évident qu’une telle théorie, au lieu de fortifier l’ordre et la paix, favorise l’instabilité et livre les masses aux meneurs habiles et malhonnêtes. En effet, si l’autorité souveraine découle formellement du consentement de la foule, et non pas de Dieu, principe suprême et éternel de toute puissance, elle perd aux yeux des sujets son caractère le plus auguste et elle dégénère en une souveraineté artificielle qui a pour assiette des bases instables et changeantes comme la volonté des hommes dont on la fait dériver[2]. » Et pour conserver le mandat populaire, les démagogues font converger tous leurs efforts à flatter les passions du peuple : l’État n’assure plus le bien commun, il n’est plus qu’une grande entreprise de corruption ; c’est ainsi que nous assistons à cette licence universelle des spectacles, de la presse et de la radio ; c’est de là que viennent également ces trains de lois et de décrets antisociaux qui accumulent les ruines parce qu’ils n’ont pas la raison pour origine, mais la passion aveugle.


Désordre dans le domaine social

C’est encore l’esprit diabolique qui souffle partout sa haine infernale. Au lieu de l’union charitable de tous les ordres de la société, l’enfer les a dissociés pour les opposer dans la lutte des classes. « Tel un ulcère mortel, cette lutte s’est développée au sein des nations, paralysant l’industrie, les métiers, le commerce, tous les facteurs enfin de la prospérité privée et publique. Cette plaie est rendue plus dangereuse encore du fait de l’avidité des uns à acquérir les biens temporels, de la ténacité des autres à les conserver, de l’ambition commune à tous de posséder et de commander. De là de fréquentes grèves, volontaires ou forcées ; de là encore des soulèvements populaires et des répressions par la force publique, fort pénibles et fort dommageables pour tous les citoyens[3]. »


Désordre dans la famille

La famille elle-même, première cellule de la société, n’a pas échappé aux coups de l’enfer ; c’est même contre elle qu’il déploie le plus sa rage.


« On décida que ni Dieu ni le Seigneur Jésus ne présideraient plus à la fondation de la famille, et l’on fit rentrer dans la catégorie des contrats civils le mariage, dont le Christ avait fait un grand sacrement et qui, dans sa pensée, devait être le symbole saint et sanctificateur du lien indissoluble qui l’unit lui-­même à son Église. Aussi, dans les masses populaires s’obscurcissent les idées et les sentiments religieux que l’Église avait infusés à la cellule-mère de la société qui est la famille ; la hiérarchie et la paix du foyer disparaissent ; l’union et la stabilité de la famille sont de jour en jour plus compromises ; le feu des basses convoitises et l’attachement mortel à des intérêts mesquins violent si fréquemment la sainteté du mariage que les sources de la vie des familles et des peuples en sont infectées.


« Enfin, on a paru exclure Dieu et le Christ de l’éducation de la jeunesse ; on est arrivé, et c’était inévitable, non pas à supprimer la religion dans les écoles, mais à l’y faire attaquer à mots couverts ou même ouvertement ; les enfants en ont conclu qu’ils n’avaient rien ou pour le moins fort peu à attendre, pour la conduite de la vie, de cet ordre de choses qu’on passait absolument sous silence ou dont on ne parlait qu’avec des termes de mépris. Et, de fait, si Dieu et sa loi sont proscrits de l’enseignement, on ne voit plus comment on peut demander aux jeunes gens de fuir le mal et de mener une vie honnête et sainte, ni comment préparer pour la famille et la société des hommes de mœurs rangées, partisans de l’ordre et de la paix, capables et à même de contribuer à la prospérité publique[4]. »


Désordre chez les individus

Privés des soutiens naturels d’une société normale et chrétienne, les individus sont abandonnés à leurs passions excitées déjà par l’esprit diabolique qui anime la vie sociale.

« Nul ne l’ignore, chez les hommes de tout âge et de toute condition, les âmes sont devenues inquiètes, aigries et ombrageuses, l’insubordination et la paresse sont devenues choses courantes, les limites imposées par la pudeur sont dépassées, surtout dans les modes et dans les danses, par suite de la légèreté des femmes et des jeunes filles, dont les toilettes fastueuses excitent la haine des déshérités ; enfin la foule des miséreux grandit, qui fournissent à l’armée de la sédition des effectifs considérables et toujours renouvelés.

« La vie chrétienne a si bien disparu en beaucoup de milieux qu’il semble que, loin d’avancer dans la voie du progrès, l’humanité semble retourner à la barbarie…

« Partout on trouve le dédain des biens éternels que le Christ ne cesse d’offrir à tous par son Église, et une soif insatiable de posséder les biens éphémères et caducs d’ici-bas.

« Or, ces biens matériels ont pour effet, si on les recherche avec excès, d’engendrer des maux de tous genres et tout d’abord la corruption et la discorde. Car, vils et grossiers de leur nature, ils ne peuvent rassasier le cœur de l’homme qui, créé par Dieu et destiné à jouir de sa gloire, est voué à vivre dans une insatiabilité et une inquiétude perpétuelles aussi longtemps qu’il ne se repose pas dans le sein de Dieu[5]. »


Remède prescrit par les souverains pontifes : l’ordre social chrétien

Tout le monde souffre de la mainmise de l’enfer sur le gouvernement et la vie sociale de la France. Satan n’est que haine, il multiplie les malheurs là où les hommes se livrent à son empire.


Pour ressusciter notre patrie, il n’y a donc qu’une solution : détrôner l’enfer et rétablir l’ordre social chrétien dans tous les domaines selon les enseignements pontificaux. Et le Christ, qui est « prince de la paix », nous communiquera, autant qu !il est possible ici-bas, le bonheur dont lui seul est la source.


Ne jamais pactiser avec les sectes sataniques, auteurs du désordre

Comprenons bien l’histoire du monde. Tous les événements, grands et petits, publics ou privés, ne sont que les faits d’armes d’un gigantesque combat.


« Depuis que, par la jalousie du démon, le genre humain s’est misérablement séparé de Dieu, auquel il était redevable de son appel à l’existence et des dons surnaturels, il s’est partagé en deux camps ennemis, lesquels ne cessent de combattre, l’un pour la vérité et la vertu, l’autre pour tout ce qui est contraire à la vérité et à la vertu.


« Le premier est le royaume de Dieu sur la terre, à savoir la véritable Église de Jésus-Christ.


« Le second est le royaume de Satan. Sous son empire et en sa puissance se trouvent tous ceux qui, suivant les funestes exemples de leur chef et de nos premiers parents, refusent d’obéir à la loi divine et multiplient leurs efforts, ici pour se passer de Dieu, là pour agir directement contre lui.


« A notre époque, les fauteurs du mal paraissent s’être coalisés dans un immense effort, sous l’impulsion et avec l’aide d’une société répandue en un grand nombre de lieux et fortement organisée : la société des francs-maçons. Ceux-ci ne prennent plus la peine de dissimuler leurs intentions et ils rivalisent d’audace entre eux contre l’auguste majesté de Dieu. C’est publiquement, à ciel ouvert, qu’ils entreprennent de ruiner la sainte Église, afin d’arriver, si faire se pouvait, à dépouiller complètement les nations chrétiennes des bienfaits dont elles sont redevables à Jésus-Christ Sauveur[6]. »


Pie XI lui aussi a dénoncé les sociétés secrètes - « Toujours prêtes à soutenir les ennemis de Dieu et de l’Église, quels qu’ils soient, elles ne manquent pas de raviver toujours davantage cette haine insensée qui ne peut donner ni la paix ni le bonheur, mais qui conduira certainement à la ruine[7]. »


Il est vrai que, parfois, les sectes diaboliques, en passe de mal politique, camouflent pour un temps leur mauvais esprit afin de mieux réaliser leurs desseins pervers ; voilà pourquoi Léon XIII, dans l’encyclique que nous venons de citer, donnait ces recommandations aux évêques :


« En premier lieu, arrachez à la franc-maçonnerie le masque dont elle se couvre et faites-la voir telle qu’elle est.


« Secondement, par vos discours et vos lettres pastorales, instruisez vos peuples. Faites-leur connaître les artifices employés par ces sectes pour séduire les hommes et les attirer dans leurs rangs. Montrez-leur la perversité de leurs doctrines et l’infamie de leurs actes…


« Le principe fondamental qui est comme l’âme de la secte étant condamné par la morale, il ne saurait être permis de se joindre à elle ni de lui venir en aide d’aucune façon[8]. »


Rétablit l’ordre, c’est-à-dire le règne du Christ

Les catholiques doivent donc animer toute leur vie chrétienne d’esprit de combat contre les puissances du mal ; il faut qu’ils soient décidés à mener cette contre-révolution sur tous les terrains. Trop facilement, en effet, les fidèles se sont laissé influencer par l’athéisme officiel ; ils cachent, dans l’ombre de leur vie privée, le christianisme qu’ils devraient aussi proclamer dans leur vie sociale ; et l’on voit « le fait monstrueux en soi, sans pourtant être rare, que des hommes qui font profession de catholicisme aient une conscience dans la vie privée et une autre dans la vie publique[9] ».


Jésus est certes le Roi de chaque âme en particulier, mais il est aussi le Roi des familles, le Roi des corps de métiers, le Roi des nations, le Roi de l’humanité entière. Ils sont bien rares ceux qui s’efforcent de lui donner la première place dans toute leur vie, et de se comporter ouvertement dans leurs relations sociales d’après les principes qu’il nous a laissés dans son Évangile et qu’il nous précise par son Église. C’est donc un devoir urgent de lutter de toutes nos forces pour rendre au Christ la place que Satan prétend lui ravir dans les âmes, dans les familles, dans la vie sociale et dans la nation.


a) Dans la vie individuelle


Les catholiques doivent tout d’abord établir solidement en eux-mêmes le règne du Seigneur Jésus. Il n’est pas rare d’entendre les chrétiens gémir sur l’apostasie de la France, et pourtant vivre comme s’ils n’étaient pas disciples de jésus crucifié. Ceux-là sont responsables du mal qui sévit dans le monde : ils attirent les malédictions divines au lieu d’être parmi les « dix justes » qui pourraient nous sauver. C’est en nous-mêmes qu’il faut commencer la contre­-révolution qui doit terrasser l’enfer et assurer le triomphe du Christ. Dans toutes les tentations, montrons-nous des soldats valeureux, pour ne pas nous laisser dominer par Satan, mais pour réserver tout notre être au bon Dieu.


Nous appliquerons ainsi ce que Pie XI a nommé « le remède fondamental » lorsqu’il écrivait dans son encyclique contre le communisme athée : « Comme aux époques des plus violentes tempêtes de l’histoire de l’Église, aujourd’hui encore le remède fondamental consiste dans une rénovation sincère de la vie privée et publique selon les principes de l’Évangile chez tous ceux qui se glorifient d’appartenir au Christ, afin qu’ils soient vraiment le sel de la terre et préservent la société humaine de la corruption totale. »


b) Dans la vie familiale


Que les catholiques fassent de leur foyer une forteresse de l’esprit évangélique.


« Jésus-Christ règne dans la famille lorsque, ayant à sa base le sacrement du mariage chrétien, elle conserve inviolablement son caractère d’institution sacrée, où l’autorité paternelle reflète la paternité divine qui en est la source et lui donne son nom, où les enfants imitent l’obéissance de jésus adolescent, et dont toute la vie respire la sainteté de la famille de Nazareth[10]. »


c) Dans la vie sociale


Que les catholiques affirment bravement leurs principes surnaturels et qu’ils s’efforcent de les appliquer, envers et contre tous, dans leurs relations amicales et professionnelles.


« Le devoir de tous les catholiques, devoir qu’il faut remplir religieusement et inviolablement dans toutes les circonstances tant de la vie privée que de la vie sociale et publique, est de garder fermement et de professer sans timidité les principes de la vérité chrétienne, enseignée par le magistère de l’Église catholique[11]. »


« Quand les circonstances en font une nécessité, ce ne sont pas seulement les prélats qui doivent veiller à l’intégrité de la foi, mais comme le dit saint Thomas : « Chacun est tenu de manifester publiquement sa foi, soit pour instruire et encourager les autres fidèles, soit pour repousser les attaques des adversaires[12]. »


« C’est approuver l’erreur que de ne pas y résister ; c’est étouffer la vérité que de ne pas la défendre… Quiconque cesse de s’opposer à un forfait manifeste peut être regardé comme un complice secret[13]. »


« Parmi les catholiques, alors qu7ils devraient protéger et revendiquer les droits de l’Église avec le plus de zèle, quelques-uns, obéissant à une sorte de prudence humaine, prennent un parti contraire ou se montrent timides et trop soumis dans leur façon d’agir. On comprend facilement que cette conduite expose à de graves dangers[14]. »


Et gardons-nous des concessions, même seulement apparentes, du libéralisme, sous le vain prétexte de gagner nos adversaires : « Ceux qui veulent faire parmi les socialistes œuvre d’apôtres, doivent professer les vérités du christianisme dans leur plénitude et leur intégrité, ouvertement et sincèrement, sans aucune complaisance pour l’erreur[15]. »


Léon XIII nous indique le moyen pratique de mener une vie sociale chrétienne. Il terminait son encyclique Humanum genus, dirigée contre les sectes diaboliques, en indiquant les remèdes à opposer au règne de l’enfer. Parmi ceux-ci, il recommande très instamment la reconstitution des corporations ouvrières : « Une institution due à la sagesse de nos pères, et momentanément interrompue par le cours des temps pourrait, à l’époque où nous sommes, redevenir le type et la forme de créations analogues. Nous voulons parler des corporations ouvrières. Elles sont destinées à protéger, sous la tutelle de la religion, les intérêts du travail et les mœurs des travailleurs.


« Si la pierre de touche d’une longue expérience avait fait apprécier à nos ancêtres l’utilité de ces associations, notre âge en retirerait peut-être de plus grands fruits, tant elles offrent de précieuses ressources pour combattre avec succès et pour écraser la puissance des sectes. Ceux qui n’échappent à la misère qu’au prix du labeur de leurs mains sont souverainement dignes, à cause de leur condition, de la charitable assistance de leurs semblables, mais ils sont aussi les plus exposés à être trompés par les séductions et les ruses des apôtres du mensonge. Il faut donc leur venir en aide avec une très grande bonté et leur ouvrir les rangs d’associations honnêtes pour les empêcher d’être enrôlés dans les mauvaises. En conséquence, et pour le salut du peuple, nous souhaitons ardemment de voir se rétablir, sous les auspices et le patronage des évêques, ces corporations appropriées aux besoins du temps présent[16]. »


d) Dans la vie politique


Les catholiques doivent lutter vaillamment pour venger les droits de Dieu outragé, ne faisant aucune concession ni aucun quartier aux suppôts de l’enfer.


A l’heure présente où les ennemis s’affrontent partout, la tolérance n’est plus de saison.


Et qu’on ne s’étonne pas de ce devoir politique des catholiques : « Ce n’est pas l’Église qui est descendue dans l’arène politique ; on l’y a entraînée et pour la mutiler et pour la dépouiller. Le devoir de tout catholique n’est-il donc pas d’user des armes politiques qu’il tient en main pour la défendre et aussi pour forcer la politique à rester dans son domaine et à ne s’occuper de l’Église que pour lui rendre ce qui lui est dû[17] »


Voici d’ailleurs les objectifs que Pie X proposait aux catholiques « Combattre par tous les moyens justes et légaux la civilisation antichrétienne réparer par tous les moyens les désordres si graves qui en dérivent ; replacer Jésus dans la famille, dans l’école, dans la société rétablir le principe de l’autorité humaine comme représentant celle de Dieu prendre souverainement à cœur les intérêts du peuple et en particulier ceux de la classe ouvrière et agricole, non seulement en inculquant au cœur de tous le principe religieux, seule source vraie de consolation dans les angoisses de la vie, mais en s’efforçant de sécher leurs larmes, d’adoucir leurs peines, d’améliorer leur condition économique par de sages mesures, s’employer, par conséquent, à rendre les lois publiques conformes à la justice, à corriger ou à supprimer celles qui ne le sont pas, défendre enfin et soutenir avec un esprit vraiment catholique les droits de Dieu en toutes choses et les droits non moins sacrés de l’Église[18]. »


Le grand moyen : la très sainte Vierge

Comme nous venons de le voir, le problème de l’heure se pose ainsi Satan cherche à conquérir la France entière pour notre plus grand malheur il faut donc le chasser et restaurer chez nous l’ordre social chrétien pour le plus grand bonheur de notre patrie.


Or c’est la très sainte Vierge Marie qui a été prédestinée par Dieu pour écraser la tête de l’infernal serpent et préparer l’avènement du Verbe incarné.


Si donc nous voulons triompher de Satan et de ses suppôts, et rendre la France à jésus, nous devons nous mettre sous l’égide de la très sainte Vierge Marie, et travailler avec elle au triomphe du Christ-Roi.


Marie a été constituée par Dieu antagoniste de Satan et de ses suppôts

Dieu a établi Marie pour diriger l’armée du bien dans sa lutte contre les troupes de l’enfer. Relisons pour nous en convaincre une des premières pages de la Bible. Lorsque le Seigneur est venu porter la sentence de mort contre nos premiers parents et contre le serpent diabolique, il dit à ce dernier : « je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : celle-ci te meurtrira la tête, et tu la meurtriras au talon (Gn. 3, 15). » Ainsi se trouvent précisés les adversaires dont nous parlait Léon XIII au chapitre précédent. Tous les événements de ce monde ne sont que la mise en œuvre de cette unique inimitié qui dresse Satan contre la très sainte Vierge Marie, les suppôts de Satan contre les enfants de Marie : Jésus et les membres de son Corps mystique. Si donc nous voulons mener un combat efficace contre l’enfer, nous devons mettre la sainte Vierge à la base de toute notre activité ; soutenus par elle, nous renverserons les puissances infernales et nous rétablirons chez nous le règne du Christ-Roi.


C’est en Marie que les souverains pontifes mettent leur confiance pour triompher du mal si puissant à l’heure actuelle.

Léon XIII terminait son encyclique contre la franc-maçonnerie par un appel à la Vierge puissante : « Demandons à la Vierge Marie, Mère de Dieu, de se faire notre auxiliaire et notre interprète ; victorieuse de Satan, qu’elle déploie sa puissance contre les sectes réprouvées. »

Plus près de nous, Pie XI consacrait sa dernière encyclique à prêcher le saint rosaire : « Quiconque étudie avec diligence les annales de l’Église catholique verra facilement uni à tous les fastes du nom chrétien le patronage efficace de la Vierge, Mère de Dieu.

« En effet, lorsque les erreurs se répandent en tous lieux, s’acharnent à lacérer le vêtement sans couture de l’Église et à bouleverser le monde catholique, c’est à celle qui a détruit seule toutes les hérésies du monde (Bréviaire romain) que nos pères s’adressèrent d’un cœur confiant, et la victoire remportée par elle ramena des temps meilleurs…

« Bien que tarit et de si grands maux nous menacent, et que nous ayons à en craindre de plus grands encore pour l’avenir, nous ne devons pas perdre courage… Mais plutôt, comme nous l’avons rappelé en commençant, employons auprès de Dieu une médiation très agréable à ses yeux, celle de la bienheureuse Vierge, puisque pour nous servir des paroles de saint Bernard "Telle est sa volonté que nous recevions tout par le moyen de Marie"[19]. »


Marie est Reine de France

Nous autres Français, nous sommes tenus plus spécialement de mettre la très sainte Vierge à la base de notre vie tant privée que publique : n’est-elle pas en vérité la Reine de France ? Ce privilège nous vaut d’ailleurs l’inimitié des forces infernales.


Nous avons célébré en 1938 le troisième centenaire de la consécration de notre patrie à la sainte Vierge, et le pieux roi Louis XIII écrivait dans son décret :


« Nous avons déclaré et déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre État, notre couronne et nos sujets, la suppliant de vouloir nous inspirer une si sainte conduite et défendre avec tant de soin ce royaume contre l’effort de tous ses ennemis que, soit qu’il souffre le fléau de la guerre ou jouisse des douceurs de la paix, ce que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire. »


Pie XI a confirmé de son autorité apostolique ce vœu de Louis XIII lorsqu’il reprenait presque mot pour mot les phrases du décret royal dans la première bulle de son pontificat, adressée à « la France, fille aimée de l’Église ».


« Nous déclarons et confirmons que la Vierge Marie, Mère de Dieu, a été régulièrement choisie, sous le titre de son assomption dans le ciel, comme principale patronne de la France auprès de Dieu, avec les privilèges que comportent ce titre et cette dignité [20]. »


La royauté de la sainte Vierge n’est pas un simple titre honorifique.


Dieu lui a donné par grâce tout ce que le Christ possède par nature et, avec son divin Fils et en dépendance de lui, elle gouverne le monde, et tout spécialement la France, comme elle le fit entendre à sainte Catherine Labouré en lui révélant la médaille miraculeuse.


Saint Louis-Marie Grignion de Montfort nous décrit magnifiquement le rôle efficace que Dieu a donné à Marie dans l’ensemble de la création : « Telle est la volonté du Très-Haut, qui exalte les humbles, que le ciel, la terre et les enfers plient, bon gré mal gré, aux commandements de l’humble Marie, qu’il a faite la souveraine du ciel et de la terre, la générale de ses armées, la trésorière de ses trésors, la dispensatrice de ses grâces, l’ouvrière de ses grandes merveilles, la réparatrice du genre humain, l’exterminatrice des ennemis de Dieu et la fidèle compagne de ses grandeurs et de ses triomphes[21]. »


Notre Reine dirige les intelligences par ses inspirations, embrase et coordonne les volontés par le feu de son amour, soutient les énergies par sa puissance royale et peut ainsi maintenir son peuple dans l’harmonie de la paix. Mais, pour cela, il faut qu’il se soumette librement à sa souveraine ; elle attend de lui cette bonne volonté et même la réclame par des menaces pour essayer de vaincre les cœurs rebelles : « Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller la main de mon Fils », dit-elle en pleurant, à la Salette.


Nous allons donc faire tous nos efforts, comme elle le demande à Pellevoisin, pour reconquérir à notre Reine le royaume dont elle est officiellement bannie et le règne de Marie rétablira et affermira chez nous le règne du Christ-Roi. Pie X nous en assure dans son admirable encyclique Ad diem ilium, écrite à l’occasion du cinquantième anniversaire de la définition de l’Immaculée Conception : « Marie, compagne assidue de Jésus, de la maison de Nazareth au plateau du Calvaire, initiée plus que tout autre aux secrets de son cœur, dispensatrice, comme de droit maternel, des trésors de ses mérites, elle est, pour toutes ces causes, d’un secours très certain et très efficace pour arriver à la connaissance et à l’amour de Jésus-Christ. Les hommes, hélas ! nous en fournissent, dans leur conduite, une preuve trop péremptoire qui, séduits par les artifices du démon ou trompés par de fausses doctrines, croient pouvoir se passer du secours de la Vierge. Infortunés, qui négligent Marie sous prétexte d’honneur à rendre à Jésus-Christ ! Comme si l’on pouvait "trouver l’enfant autrement qu’avec la Mère !"[22] »


Les objectifs

Donnons en quelques mots les conclusions des chapitres précédents.


Satan envahit de plus en plus la France, il corrompt les individus, les familles, les relations sociales et l’État ; pour lui résister victorieusement et le chasser de ses repaires, il faut grouper autour de la Vierge Marie, antagoniste de Satan, les individus, les familles, les corps de métiers et donner à notre Reine la possibilité d’exercer son pouvoir en notre patrie.


Au lieu des puissances infernales, nous voulons rétablir le règne du Christ-­Roi. C’est encore la Vierge Marie qui préparera cette restauration surnaturelle. Pour soumettre à jésus les individus, les familles, les corps de métiers et la France, il faut les confier à Marie qui est « le moyen sûr et la voie droite et immaculée pour aller à Jésus-Christ et le trouver parfaitement[23] ».


Marie, Reine des individus

La consécration individuelle à Marie est la base d’une vie chrétienne profonde, en même temps qu’elle est la condition essentielle de toute action féconde sur le terrain social. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, beaucoup prêchent l’ordre social chrétien sans se mettre en peine d’harmoniser leur conduite avec leurs principes. Ils vivent en contradiction avec la loi divine. Au fond, ils trahissent la vérité ; ils ne sont pas pour Dieu, ils sont contre Dieu. Pie XI est sévère pour ces chrétiens de façade ; il écrivait dans sa lettre contre le communisme athée :


« Même dans tous les pays catholiques, un trop grand nombre de personnes ne sont pour ainsi dire que des catholiques de nom. Tout en observant plus ou moins fidèlement les pratiques les plus essentielles de la religion qu’ils se vantent de professer, un trop grand nombre n’ont pas le souci de perfectionner leurs connaissances religieuses, d’acquérir des convictions intimes et plus profondes ; ils s’appliquent encore moins à vivre de telle sorte qu’à l’apparence extérieure corresponde vraiment la beauté intérieure d’une conscience droite et pure, comprenant et accomplissant tous ses devoirs sous le regard de Dieu. Cette religion de façade, vaine et trompeuse apparence, déplait souverainement au divin Sauveur, car il veut que tous adorent le Père "en esprit et en vérité (Jn 4, 23)". Celui qui ne vit pas véritablement et sincèrement la foi qu’il professe ne saurait résister au vent de la persécution et à la tempête violente qui souffle aujourd’hui ; il sera misérablement emporté par le nouveau déluge qui menace le monde et, tout en se perdant lui-même, il fera du nom de chrétien un objet de dérision[24]. »


Cette foi vivante est le fruit très certain de l’union à Marie : « Qu’il appartienne à la Vierge, surtout à elle, de conduire à la connaissance de jésus, c’est de quoi l’on ne peut douter, si l’on considère, entre autres choses, que, seule au monde, elle a eu avec lui, dans une communauté de toit et dans une familiarité intime de trente années, ces relations étroites qui sont de mise entre une mère et son fils… Il suit de là ( … ) que personne ne la vaut non plus pour unir les hommes à Jésus. Si, en effet, selon la doctrine du divin maître, "la vie éternelle consiste à vous connaître, vous qui êtes le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ" : comme nous parvenons par Marie à la connaissance de Jésus-Christ, par elle aussi, il nous est plus facile d’acquérir la vie dont il est le principe et la source[25]. »


Établissons donc solidement le règne de Marie en nous, et nous pourrons alors travailler efficacement à lui reconquérir son royaume.


Il n’est pas question ici de recruter des sympathisants ; il faut des âmes entièrement livrées à jésus par Marie. Si nous sommes dociles à notre Mère, elle nous fera découvrir ceux qu’elle s’est préparés ; cherchons-les dans tous les Milieux, car la grâce nous réserve bien des surprises : des âmes en apparence les plus éloignées de nous seront captivées par le désir de combattre pour notre Reine.


Marie, Reine des familles

Pour soustraire nos foyers à l’influence diabolique et pour y établir solidement le règne de jésus, il faut les consacrer à la très sainte Vierge. Il ne suffit pas, en effet, que les chrétiens soient dévoués à Marie en leur particulier, ils doivent aussi mener leur vie familiale en dépendance de leur commune Mère. A cette fin, qu’ils intronisent Marie en leur famille pour qu’elle y fasse triompher le Christ-Roi.


Pie XI a recommandé cette dévotion familiale envers Marie ; il terminait ainsi son encyclique sur le rosaire « Et que les pères et les mères de famille donnent l’exemple à leurs enfants spécialement quand tous se réunissent, au déclin du jour, après la tâche quotidienne, dans la maison familiale. Qu’ils commencent alors les premiers à réciter à genoux, devant l’image de la Vierge, les prières du saint rosaire, s’unissant ensuite aux autres de cœur et de bouche. C’est là une habitude singulièrement salutaire, dont il ne peut certainement pas ne pas découler pour le foyer domestique une tranquillité sereine et l’abondance des dons célestes.


« C’est pourquoi, depuis qu’il nous arrive très souvent de recevoir en audience de nouveaux époux et de leur adresser paternellement la parole, non seulement nous leur faisons donner un chapelet en leur recommandant instamment de s’en servir, mais nous les exhortons, allant même jusqu’à nous proposer en exemple, de ne pas laisser passer un seul jour, en dépit des plus grandes fatigues et préoccupations, sans réciter le rosaire[26]. »

L’influence maternelle de Marie formera nos foyers à l’image de celui de Nazareth, car elle est vivante, notre Reine, elle peut donc agir dans la mesure de notre bonne volonté. Une famille qui se donne spontanément à elle et qui vit de cette consécration éprouvera sans tarder la bienfaisante action de notre Mère. Elle unira les esprits et les cœurs dans une intimité toujours plus profonde, elle rayonnera et accroîtra dans les âmes les vertus qui ont fait la gloire éternelle de la sainte Famille ; enfin, elle conduira sûrement au milieu de toutes les vicissitudes ceux qui se seront confiés à sa garde.


Marie, Reine des métiers

Satan trouble la vie sociale par la haine et la lutte des classes, par un esprit d’indépendance et de fausse égalité. Comme partout, il faut opposer à l’influence diabolique l’action maternelle de Marie qui assurera le triomphe de l’ordre social chrétien. En groupant les différents membres des métiers autour de leur Mère commune, ils retrouveront l’esprit de famille qui doit les animer ; alors la charité chrétienne réchauffée auprès d’un cœur maternel les unira entre eux, alors aussi ils collaboreront avec ensemble et bonne volonté au bien commun. Seul cet esprit profondément chrétien peut assurer la reconstitution des corporations selon le désir des papes. Car tel est leur désir : tout près de nous, Pie XI nous le rappelait dans sa célèbre encyclique Quadragesimo anno : « On ne saurait arriver à une guérison parfaite que si, à ces classes opposées, on substitue des organes bien constitués, des "ordres" ou des "professions" qui groupent les hommes non pas d’après la position qu’ils occupent sur le marché du travail, mais d’après les différentes branches de l’activité sociale auxquelles ils se rattachent. De même, en effet, que ceux que rapprochent des relations de voisinage en viennent à constituer des cités, ainsi la nature incline les membres d’un même métier ou d’une même profession, quelle qu’elle soit, à créer des groupements corporatifs, si bien que beaucoup considèrent de tels groupements comme des organes sinon essentiels, du moins naturels dans la société.


« Or toutes les institutions destinées à favoriser la paix et l’entraide parmi les hommes, si bien conçues qu’elles paraissent, reçoivent leur solidité surtout du lien spirituel qui unit les membres entre eux. Quand ce lien fait défaut, une fréquente expérience montre que les meilleures formules restent sans résultat. Une vraie collaboration de tous, en vue du bien commun, ne s’établira donc que lorsque tous auront l’intime conviction d’être les membres d’une grande famille et les enfants d’un même Père céleste, de ne former, dans le Christ, qu un seul Corps dont ils sont réciproquement les membres, en sorte que si l’un souffre, tous souffrent avec lui. Alors, les riches et les dirigeants, trop longtemps indifférents au sort de leurs frères moins fortunés, leur donneront les preuves d’une charité effective, accueilleront avec une bienveillante sympathie leurs justes revendications, excuseront et pardonneront à l’occasion leurs erreurs et leurs fautes. De leur côté, les travailleurs déposeront sincèrement les sentiments de haine et d’envie que les fauteurs de lutte des classes exploitent avant tant d’habileté, ils accepteront sans rancœur la place que la divine Providence leur a assignée ; ou plutôt, ils en feront grand cas, comprenant que tous, en accomplissant leur tâche, collaboreront utilement et honorablement au bien commun et qu’ils suivent de plus près les traces de celui qui, étant Dieu, a voulu, parmi les hommes, être un ouvrier et être regardé comme un fils d’ouvrier[27]. »


Redisons-le hardiment, c’est à la très sainte Vierge Marie qu’il appartient de soustraire ses enfants à l’influence diabolique et de leur rendre cet esprit de famille entre eux et à l’égard du Père céleste.


Il faut donc commencer la réorganisation corporative autour de Marie, Reine des métiers. Comme pour tout commencement, les débuts seront sans apparence ; comme pour toute œuvre surnaturelle, il y aura bien des contradictions et des retards, mais finalement notre patience récoltera ses fruits. Ayons confiance en l’efficacité des principes surnaturels : la vérité triomphe toujours en fin de compte.


Marie, vraiment Reine de France

La très sainte Vierge doit régner sur la France, son royaume de prédilection ; le lieutenant de Jésus et de Marie doit prendre la place de la judéo-maçonnerie et des « représentants du peuple » ; la royauté du Christ et celle de sa Mère doivent être à nouveau reconnues par une consécration nationale dont l’esprit inspirera toutes les lois de notre patrie. Alors sera réalisé chez nous ce que Pie XI souhaitait pour toutes les nations : « Jésus-Christ règne dans la société lorsque, rendant à Dieu un souverain hommage, elle reconnaît que c’est de lui que dérivent l’autorité et ses droits, ce qui donne au pouvoir ses règles, à l’obéissance son caractère impératif et sa grandeur ; quand cette société reconnaît à l’Église son privilège, qu’elle tient de son fondateur, de société parfaite, maîtresse et guide des autres sociétés ; non que l’Église amoindrisse l’autorité de ces sociétés - légitimes chacune dans sa sphère - mais elle les complète très heureusement comme le fait la grâce pour la nature ; d’ailleurs le concours de l’Église permet à ces sociétés d’apporter aux hommes une aide puissante pour atteindre leur fin dernière, qui est le bonheur éternel, et les met plus à même d’assurer le bonheur de leurs membres durant leur vie mortelle[28]. »


Est-il besoin d’insister pour affirmer qu’il ne s’agit pas ici de « parti politique » et que notre action doit se maintenir dans son élévation surnaturelle ? Mais, par ailleurs, il est nécessaire de rappeler cette parole du pape Pie X. « Tout restaurer dans le Christ ! Restaurer dans le Christ, non seulement ce qui incombe directement à l’Église en vertu de sa divine mission, qui est de conduire les âmes à Dieu, mais encore ce qui découle spontanément de cette divine mission : la civilisation chrétienne, dans l’ensemble de tous et de chacun des éléments qui la constituent[29]. »


Pour chasser de chez nous les suppôts de Satan, que les vrais enfants de Marie fassent tous leurs efforts au service de leur Reine. Tout d’abord, le grand moyen d’action, c’est la prière et la pénitence, comme la sainte Vierge elle-même nous les prêche à Lourdes et à Pontmain.


« Mais, si le Seigneur ne garde la cité, c’est en vain que veille le gardien (Ps 126). Aussi, comme dernier et grand remède, nous vous recommandons, vénérables frères, de promouvoir et d’intensifier, le plus efficacement possible, dans vos diocèses, le double esprit de prière et de pénitence chrétienne. Quand les apôtres demandèrent au Sauveur pourquoi ils n’avaient pu, eux, délivrer de l’esprit malin un démoniaque, le Seigneur répondit : « De pareils démons ne se chassent que par la prière et le jeûne (Mt 18, 20) ». Le mal qui, aujourd’hui, ravage l’humanité ne pourra de même être vaincu que par une sainte et universelle croisade de prière et de pénitence. Et nous recommandons tout spécialement aux ordres contemplatifs d’hommes et de femmes de redoubler leurs supplications et leurs sacrifices, pour obtenir du ciel, en faveur de l’Église, un vigoureux appui dans les luttes présentes, grâce à la puissante intercession de la Vierge immaculée, elle qui écrasa la tête de l’antique serpent et reste toujours depuis lors la sûre défense et l’invincible "secours des chrétiens"[30]. »


C’est tout spécialement par le saint rosaire qu’il faut recourir à Marie, le rosaire étant la prière par excellence des heures troublées. Sa Sainteté Pie XI, faisant écho aux nombreuses encycliques de Léon XIII sur cette dévotion, recommande le chapelet comme très efficace pour renouveler l’esprit de l’Évangile dans les âmes et pour triompher des ennemis de la sainte Église.


« Et de même qu’au temps des croisades s’élevait dans toute l’Europe, de tous les peuples, une seule voix, une supplication unique, qu’aujourd’hui également, dans le monde entier, dans les villes et les plus petits pays, tous cherchent, unis par le cœur et par l’effort, au moyen d’instances filiales et répétées, à obtenir de la Mère de Dieu que soient défaits les ennemis de la civilisation chrétienne et humaine, afin que sur les hommes fatigués et égarés puisse resplendir la véritable paix !


« Ainsi donc, si tous accomplissent ce qui leur est demandé avec les dispositions requises, avec une grande confiance et une fervente piété, on peut vraiment espérer que, comme par le passé, la bienheureuse Vierge Marie obtiendra également de nos jours, de la toute-puissance de son Fils, que les flots des actuelles tempêtes soient retenus et calmés et qu’une brillante victoire couronne cette noble émulation des chrétiens dans la prière[31]. »


La prière et le sacrifice ne suffisent pas cependant. Le souverain pontife nous demande une lutte efficace par tous les moyens légitimes :


« Il est donc nécessaire qu’inlassablement nous élevions une muraille autour de la maison d’Israël (Ez 13, 5), unissant, nous aussi, nos forces en un groupe compact, qui oppose un front unique et solide aux phalanges malfaisantes, ennemies de Dieu aussi bien que du genre humain. Dans cette lutte, en effet, il s’agit de la décision la plus importante qui puisse être demandée à la liberté humaine : pour ou contre Dieu, c’est là le nouveau choix qui doit décider du sort de toute l’humanité : dans la politique, dans les questions économiques, dans la morale, dans la science, dans l’art, dans l’État, dans la société, dans la famille, en Orient et en Occident, partout ce problème se pose comme décisif, par les conséquences qui en dérivent… Nous conjurons donc dans le Seigneur aussi bien les individus que les nations de vouloir, en face de tels problèmes et dans un moment de luttes si acharnées et si vitales pour l’humanité, laisser de côté cet étroit individualisme, ce bas égoïsme qui aveugle les esprits les plus perspicaces et stérilise les initiatives les plus nobles, pour peu qu’elles sortent d’un cercle étroit d’intérêts particuliers, qu’ils s’unissent tous, au prix de lourds sacrifices, pour leur propre salut et pour celui de l’humanité entière[32]. »


Dans cette lutte « pour Dieu », les catholiques auront peut-être à s’opposer aux détenteurs de l’autorité civile, qui utilisent leur pouvoir pour opprimer les âmes. Qu’on se souvienne alors de ce principe : « Si les lois de l’État sont en contradiction ouverte avec la loi divine, si elles renferment des dispositions préjudiciables à l’Église ou des prescriptions contraires aux devoirs imposés par la religion, si elles violent dans le pontife suprême l’autorité de Jésus-Christ, dans tous ces cas, il y a obligation de résister, et obéir serait un crime dont les conséquences retomberaient sur l’État lui-même. Car l’État subit le contrecoup de toute offense faite à la religion. On voit ici combien est injuste le reproche de sédition formulé contre les chrétiens. En effet, ils ne refusent ni aux princes ni aux législateurs l’obéissance qui leur est due ; ou, s’ils dénient cette obéissance, c’est uniquement au sujet de préceptes dénués d’autorité parce qu’ils sont portés contre l’honneur dû à Dieu, par conséquent en dehors de la justice, et n’ont rien de commun avec de véritables lois[33]. »


Pour assurer le règne de Jésus, c’est par Marie qu’il faut passer. Menons donc généreusement la bataille publique à tous propos, sur tous les terrains, pour affirmer et rétablir les droits de Marie, Reine de France et, par elle, les droits de Dieu. Nous avons à nous inspirer, en cette action, des exemples de sainte Jeanne d’Arc : elle a prié, elle a souffert, mais elle a aussi vaillamment combattu pour sauver la fille aînée de l’Église. Suivons donc son étendard qui porte dans ses plis les doux noms de Jésus et de Marie : « En vérité, personne ne peut mettre en doute que ce soit sous les auspices de la Vierge qu’elle a reçu et rempli la mission de sauver la France. Car d’abord, c’est sous le patronage de Notre-Dame de Bermont, puis sous celui de la Vierge d’Orléans, enfin de la Vierge de Reims, qu’elle entreprit d’un cœur viril une si grande œuvre, qu’elle demeura sans peur en face des épées dégainées et sans tache au milieu de la licence des camps, qu’elle délivra sa patrie du suprême péril et rétablit le sort de la France. Montée sur le bûcher, c’est en murmurant au milieu des flammes, en un cri suprême, les noms de Jésus et de Marie, qu’elle s’envola au ciel[34]. »


Conclusion

Travailler au règne social de Marie est une tâche bien difficile. Nous aurons d’abord à nous soumettre nous-mêmes aux exigences d’un tel idéal, et ils seront peu nombreux ceux qui nous suivront. Qu’importe ! Avec notre Reine, si bonne et si puissante, nous pouvons tout. Écoutons les encouragements du pape Pie XI à ceux qui veulent travailler à la restauration de l’ordre social chrétien : « C’est une œuvre ardue que nous leur proposons, nous le savons : dans toutes les classes de la société, en haut et en bas, il y a bien des obstacles à vaincre. Cependant, qu’ils ne perdent pas confiance. S’exposer à d’âpres combats, c’est le propre des chrétiens ; accomplir des tâches difficiles, c’est le fait de ceux qui, en bons soldats du Christ, le suivent de plus près[35]. »


Nous expérimenterons d’ailleurs bien vite la vérité de la prophétie que saint Louis-Marie Grignion de Montfort a notée dans son Traité de la vraie dévotion : « Marie doit éclater, plus que jamais, en miséricorde, en force et en grâce dans ces derniers temps : en miséricorde, pour ramener et recevoir amoureusement les pauvres pécheurs et dévoyés qui se convertiront et reviendront à l’Église catholique ; en force contre les ennemis de Dieu, les idolâtres, schismatiques, mahométans, juifs et impies endurcis, qui se révolteront terriblement pour séduire et faire tomber, par promesses et menaces, tous ceux qui leur seront contraires ; et enfin elle doit éclater en grâce pour animer et soutenir les vaillants soldats et fidèles serviteurs de Jésus-Christ qui combattront pour ses intérêts.


« Enfin Marie doit être terrible au diable et à ses suppôts comme une armée rangée en bataille, principalement dans ces derniers temps, parce que le diable sachant bien qu’il a peu de temps, et beaucoup moins que jamais, pour perdre les âmes, il redouble tous les jours ses efforts et ses combats ; il suscitera bientôt de cruelles persécutions et mettra de terribles embûches aux serviteurs fidèles et aux vrais enfants de Marie, qu’il a plus de peine à surmonter que les autres[36]. »


Daigne la très sainte Vierge Marie, notre Reine, exaucer la prière que Sa Sainteté Pie XII, alors cardinal légat en France, formulait en terminant son mémorable discours sur la vocation de la France, le 13 juillet 1937 :


« O Mère céleste, Notre-Dame, vous qui avez donné à cette nation tant de gages insignes de votre prédilection, implorez pour elle votre divin Fils, ramenez-la au berceau spirituel de son antique grandeur, aidez-la à recouvrer, sous la lumineuse et douce étoile de la foi et de la vie chrétienne, sa félicité passée, à s’abreuver aux sources où elle puisait jadis cette vigueur surnaturelle, faute de laquelle les plus généreux efforts demeurent fatalement stériles, ou tout au moins bien peu féconds ; aidez-la aussi, unie à tous les gens de bien des autres peuples, à s’établir ici-bas dans la justice et dans la paix, en sorte que, de l’harmonie entre la patrie de la terre et la patrie du ciel, naisse la véritable prospérité des individus et de la société tout entière.


« Mère du bon conseil, venez au secours des esprits en désarroi devant la gravité des problèmes qui se posent, des volontés déconcertées dans leur impuissance devant la grandeur des périls qui menacent.

« Miroir de justice, regardez le monde où des frères, trop souvent oublieux des grands principes et des intérêts communs qui devraient les unir, s’attachent jusqu’à l’intransigeance aux opinions secondaires qui les divisent, regardez les pauvres déshérités de la vie dont les légitimes désirs s’exaspèrent au feu de l’envie et qui parfois poursuivent des revendications justes, mais par des voies que la justice réprouve, ramenez-les dans l’ordre et le calme, dans cette « tranquillitas ordinis » qui, seule, est la vraie paix !


« Regina pacis ! Oh ! oui. En ces jours où l’horizon est tout chargé de nuages qui assombrissent les cœurs les plus trempés et les plus confiants, soyez vraiment, au milieu de ce peuple qui est vôtre, la Reine de la paix ; écrasez de votre pied virginal le démon de la haine et de la discorde ; faites comprendre au monde, où tant d’âmes droites s’évertuent à édifier le temps de la paix, le secret qui, seul, assurera le succès de leurs efforts : établir au centre le trône royal de votre divin Fils et rendre hommage à sa loi sainte, en laquelle la justice et l’amour s’unissent en un chaste baiser, justitia et pax osculate sunt (Ps 84). Et que, par vous, la France, fidèle à sa vocation, soutenue dans son action par la puissance de la prière, par la concorde dans la charité, par une ferme et indéfectible vigilance, exalte dans le monde le triomphe et le règne du Christ, prince de la paix, Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Amen ! »


  1. Léon XIII, Diuturnum, 29 juin 1881.
  2. Léon XIII, Lettre apostolique « Parvenu à la vingt-cinquième année », 19 mars 1902.
  3. Pie XI, Ubi arcano Dei, 23 décembre 1922.
  4. Pie XI, Ubi arcano Dei, 23 décembre 1922.
  5. Pie XI, Ubi arcano Dei, 23 décembre 1922.
  6. Léon XIII, Humanum genus, 20 avril 1884 ; encyclique dirigée en son entier contre la franc-maçonnerie.
  7. Pie XI, Caritate Christi compulsi, 3 mai 1932.
  8. Léon XIII, Humanum genus, 20 avril 1884.
  9. Pie XI, Lettre au patriarche de Lisbonne.
  10. Pie XI, Ubi arcano Dei, 23 décembre 1922.
  11. Pie X, encyclique sur les associations ouvrières Singulari quadam caritate, 24 septembre 1912.
  12. Léon XIII, Sapientiæ Christianæ, 10 janvier 1890.
  13. Paroles du pape Félix III, citées par Léon XIII, encyclique aux archevêques et évêques d’Italie, 8 décembre 1892, éd. Bonne Presse, III, p. 161.
  14. Léon XIII, encyclique aux évêques de Hongrie, 2 septembre 1893, éd. Bonne Presse, III, p. 235.
  15. Pie XI, Quadragesimo anno, 15 mai 1931.
  16. Léon XIII, Humanum genus, 20 avril 1884.
  17. Saint Pie X, Notre charge apostolique, 25 août 1910.
  18. Saint Pie X, Il fermo proposito (Lettre sur l’Action catholique), 11 juin 1905.
  19. Pie XI, Encyclique sur le très saint rosaire de la bienheureuse Vierge Marie, 29 septembre 1937.
  20. Pie XI, Bulle Galliam Ecclesiæ filiam primogenitam, 2 mars 1922.
  21. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge Marie, n° 28.
  22. Saint Pie X, Ad diem ilium, 2 février 1904.
  23. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge Marie, n° 50.
  24. Pie XI, Divini redemptoris, 19 mars 1937.
  25. Saint Pie X, Ad diem illum, 2 février 1904.
  26. Pie XI, encyclique sur le très saint rosaire de la bienheureuse Vierge Marie, 29 septembre 1937.
  27. Pie XI, Quadragesimo anno, 15 mai 1931.
  28. Pie XI, Ubi arcano Dei, 23 décembre 1922.
  29. Saint Pie X, Il fermo proposito (Lettre sur l’Action catholique), 11 juin 1905.
  30. Pie XI, Divini redemptoris, 19 mars 1937.
  31. Pie XI, encyclique sur le très saint rosaire de la bienheureuse Vierge Marie, 29 septembre 1937.
  32. Pie XI, Caritate Christi compulsi, 3 mai 1932.
  33. Léon XIII, Sapientiæ Christianæ, 10 janvier 1890.
  34. Pie XI, Bulle Galliam Ecclesia filiam primogenitam, 2 mars 1922.
  35. Pie XI, Quadragesimo anno, 15 mai 1931.
  36. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge Marie, n° 50.
Doctrine sociale de l'Église
Auteur : P. Gabriel-Marie Jacquier
Source : Nous donnons ici le texte de la plaquette du Révérend Père Jacquier (1906-1942) dans sa quatrième édition, éditée par Le règne social de Marie, 29 rue de Lourmel, Paris (XVème).
Date de publication originale : 1939

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen
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