La Fête de St Michel

De Salve Regina

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Les temps liturgiques
Auteur : Monseigneur Guérin
Source : Les petits Bollandistes, vies des Saints, par Mgr Guérin camérier du Bx Pie IX, 7ème édition
Date de publication originale : 1878

Difficulté de lecture : ♦ Facile

29 septembre

493 — Pape : Saint Gélase. — Empereur d'Orient : Anastase 1er

Ce qui a donné occasion à cette fête a été la dédicace de l'église de Saint-Michel, sur le mont Gargan (aujourd'hui mont Santo-Angelo, dans la Capitanate), qui fut faite en l'année 493, d'une manière miraculeuse, par le ministère de ce prince des armées de Dieu, de même que l'Eglise avait aussi été bâtie sans que les hommes y missent la main. Toutefois, comme l'office de ce jour n'est pas celui de la dédicace des temples, mais un office particulier en l'honneur de tous les anges et surtout du même saint Michel, nous allons montrer ce que l'Ecriture sainte, les Conciles, les Pères et les Maîtres de la théologie nous apprennent touchant ces intelligences célestes et touchant quelques-unes d'elles en particulier.

Qu'il y ait des anges, c'est une vérité constante et indubitable, et dont presque toutes les pages de l'Ecriture sainte nous rendent témoignage, comme l'a fort bien remarqué le pape saint Grégoire, dans l'homélie xxxivème sur les Evangiles. Il est vrai que les Sadducéens, parmi les Juifs, et quelques hérétiques, parmi les chrétiens, ont eu la témérité de le nier ; mais ils ne l'ont pu faire sans combattre l'Ancien et le Nouveau Testament, et sans renoncer à Moïse et à l'Evangile. Nous voyons dans l'Ancien Testament les anges apparaître à Abraham, a Jacob, a Josué, à Gédéon, à Manué, à David, aux Machabées, et presque généralement à tous les Prophètes. Dans le Nouveau, Jésus-Christ et saint Jean sont annoncés et préconisés par des anges, et les Apôtres, aussi bien que leur divin Maître, parlent souvent de ces sublimes créatures: L'Histoire ecclésiastique et surtout la Vie des Saints, nous fournissent encore une infinité de témoignages de leur existence, et, s'il est question des démons, qui sont des anges dépravés par le péché, les actions des énergumènes, dont plusieurs surpassent toutes les forces de la nature et qui doivent par conséquent venir d'une cause plus pénétrante et plus active, comme de parler des langues inconnues, de découvrir des secrets cachés ou éloignés, en sont aussi une preuve certaine et authentique. Enfin, s'il n'y avait point d'ange, le monde manquerait d'un genre de créatures absolument nécessaires à sa perfection: ce que l'on ne peut pas dire, puisqu'il est le chef-d'œuvre d'un ouvrier infiniment puissant et parfait.

Pour ce qui est de la nature des anges, Tertullien, Origène et quelques autres Pères des premiers siècles, ont cru qu'ils n'étaient pas tout à fait spirituels et immatériels, mais qu'ils avaient des corps extrêmement subtils et déliés qui entraient dans la composition de leur substance. Mais le concile de Latran, sous Innocent III, a rejeté et proscrit cette opinion, lorsqu'il a dit: " Nous croyons fermement qu'il n'y a qu'un seul vrai Dieu éternel et infini, lequel, au commencement du temps, a tiré tout ensemble du néant l'une et l'autre créature, la spirituelle et la corporelle, l'angélique et la mondaine, et ensuite a formé entre les deux, la nature humaine, composée de corps et d'esprit "; car ces paroles nous montrent que les anges n'ont aucun mélange de corps et qu'ils sont des formes très-pures, qui se soutiennent par elles-mêmes sans pouvoir être unies à un sujet. Le nom d'esprit, que le texte sacré leur donne ordinairement, fait voir la même vérité ; puisque, par le mot esprit, l'on entend proprement une substance qui n'a point de corps. Enfin, la raison qui prouve l'existence des anges, prouve aussi qu'ils sont immatériels, puisqu'ils ne sont nécessaires à la perfection de l'univers, qu'afin que, comme il y a des natures purement corporelles et des natures partie corporelles, partie spirituelles, il y en ait aussi de purement spirituelles. Il est vrai que ces esprits ont souvent apparu sous des figures sensibles et principalement sous des figures humaines, ce qui a donné lieu aux peintres et aux sculpteurs, et même à Moïse, par l'ordre de Dieu, de nous les représenter comme de jeunes hommes d'une grâce et d'une beauté sans pareille ; mais ces corps, sous lesquels ils apparaissent, n'étaient point vivants et animés. C'étaient seulement des corps aériens qu'ils se formaient pour un peu de temps, afin de s'accommoder à la condition et à la portée des personnes auxquelles ils étaient envoyés, ils n'étaient pas dans ces fantômes comme l'âme est dans son corps, lui donnant la vie et le rendant capable des opérations végétantes et animales ; mais seulement comme un ouvrier est dans sa machine, dont il se sert pour exécuter ses desseins et pour accomplir les ouvrages de son art.

De ce grand principe de l'immatérialité des anges, il faut inférer premièrement qu'ils sont indivisibles et n'ont point de membres ni de parties; car il n'y a que la matière revêtue de la quantité qui puisse donner des parties ; or, puisque ces sublimes créatures n'ont point, de matière, ni ensuite de quantité, il est clair qu'elles sont indivisibles et ne sont nullement composées de parties. Elles peuvent donc se mettre tout entières, s'il faut ainsi parler, dans un seul point de l'espace, et il n'y a point de si petit espace au monde, où tout ce qu'il y a de bons anges ou de démons ne puisse être présent en même temps, sans s'incommoder l'un l'autre. D'ailleurs, lorsqu'il leur plaît de s'étendre à un grand espace, en y opérant immédiatement par eux-mêmes, ils sont tellement tout entiers dans tout l'espace, qu'ils sont aussi tout entiers dans chacune de ses parties, de même que notre âme est toute dans notre corps, et toute dans chacun de ses membres et de ses organes.

Il faut conclure, en second lieu, que les anges sont doués d'intelligence et capables de connaître toutes sortes d’objets. Car, selon la doctrine angélique de saint Thomas, après Aristote, il n'y a que la dépendance qu’une forme a de la matière qui puisse l’empêcher d’être intellectuelle, de se voir, de se contempler elle-même, et de connaître tout ce qui est hors d'elle; ainsi, les anges n'ayant nulle dépendance de la matière et étant des substances purement spirituelles, il faut nécessairement avouer qu'ils sont capables de toutes les fonctions de la vie intellectuelle; aussi Dieu ne les a créés que pour ses fonctions, nous voulons dire pour le connaître, pour l'aimer, pour publier ses grandeurs, pour exécuter ses ordres, pour gouverner cet univers, et pour veiller à la conservation des espèces et des individus qu'il contient. Les Latins les appellent " mentes ", c'est-à-dire des intelligences, et comme des pensées vivantes et subsistantes.

Ajoutons, pour troisième conclusion, que la manière de connaître des anges est beaucoup plus noble et plus excellente que celle des hommes ; car l'expérience nous fait voir que plus une chose est dégagée de la matière, plus aussi sa connaissance est pure, simple, parfaite, subtile, élevée et pénétrante. Or, bien que les hommes aient une âme spirituelle et immatérielle, le corps néanmoins et la matière entrent dans leur composition, et leur âme en dépend dans ses connaissances : que pourrait-elle connaître sans le secours, du moins indirect, des sens ? Les anges, au contraire, comme nous l'avons dit, sont entièrement dégagés de la matière, tant pour leur être que pour leurs opérations ; ils ont donc une manière de connaître bien préférable à celle des hommes. En effet, au lieu que nous avons besoin de la présence, du contact des objets extérieurs pour les connaître, les anges en ont une connaissance innée et s'il s'agit de quelques connaissances nouvelles et surnaturelles, ils les reçoivent immédiatement de Dieu. Pour connaître chaque objet en particulier, il nous en faut une perception particulière qui nous en marque séparément les propriétés, au lieu que les anges ont des idées universelles qui leur font voir clairement et distinctement tout un genre avec ses espèces et toute une espèce avec ses individus. Quand nous sautons, pour ainsi parler, d'une connaissance à une autre, ce que nous appelons raisonner et discourir, les anges pénètrent tout d'un coup et d'un seul regard dans le fond de chaque chose et voient les effets dans leurs causes, les conclusions dans leurs principes, et les propriétés de chaque être dans la substance qui en est la source. Si, tantôt nous connaissons, tantôt nous cessons de connaître, soit par le sommeil, soit par la seule inapplication de notre esprit les anges sont toujours appliqués, toujours en acte, non pas que leurs connaissances et leurs opérations soient une même chose avec leur entendement, comme en Dieu, où il n'y a nulle composition ; mais parce qu'il y a des objets qui leur sont si présents, tels que leur propre substance, et Dieu qui en est l'auteur, qu'ils n'en peuvent pas détourner la vue un seul moment. Enfin, lorsque nous oublions facilement ce que nous avons appris, les anges s'impriment si fortement l'idée de ce qu'ils ont vu et connu une fois, qu'il ne peut jamais être effacé de leur mémoire, quoiqu'il soit néanmoins en leur pouvoir de n'y point penser actuellement, rien ne les forçant de s'occuper sans cesse de toutes les choses où s'étendent leur science et leur lumière intellectuelle. Cette spiritualité des anges nous fait encore connaître qu'ils ont une volonté libre et indifférente pour se porter aux objets par amour, ou par aversion, suivant les lumières que leur entendement leur en fournit. Car il n'y a point d'être qui n'ait une pente ou une inclination proportionnée à sa nature ; la terre a sa pesanteur pour descendre, le feu a sa légèreté pour monter, les plantes ont leur désir naturel de se nourrir et de se propager, les animaux ont leur appétit qui fait qu'ils cherchent leur bien et qu'ils fuient leur mal ; or, l'inclination propre de la nature spirituelle et intelligente, c'est la volonté libre, par laquelle, s'attachant invariablement à la fin, elle se porte avec indifférence aux divers moyens qui n'ont pas une liaison nécessaire avec la fin. C'est donc une vérité constante que ces anges ont une volonté libre et indifférente, capable d'amour ou de haine, de toutes les affections, de toutes les vertus et de tous les vices qui peuvent convenir à la volonté. D'où il suit aussi qu'au temps de leur création, et avant qu'ils se fussent déterminés, ils étaient capables de mérite et de démérite, de récompense et de châtiment; comme, en effet, quelques-uns, par leur soumission, ont mérité une récompense éternelle, et les autres, par leur rébellion, se sont rendus dignes des châtiments qui ne finiront jamais. Il faut remarquer que, nonobstant cette liberté, la volonté des anges n'est pas changeante et irrésolue comme la nôtre, parce que, comme ils connaissent tout d'un coup ce qui peut leur faire aimer ou haïr un objet, ne leur venant plus de nouvelles découvertes, ils demeurent si fortement attachés à leur premier choix, qu'ils ne s'en désistent jamais.

Enfin, du même principe de la spiritualité de ces sublimes créatures, il suit nécessairement qu'ils ne sont nullement sujets aux passions et aux accidents des corps, comme au froid, au chaud, à la faim, à la soif, à la lassitude, à la vieillesse, aux maladies et à la mort. Leur substance est toujours la même, leur vie ne souffre point de changement, ils ne sont pas plus vieux maintenant qu'ils étaient il y a six mille ans ; leur durée qui a eu un commencement, n'aura jamais de fin; et, au lieu que nous n'obtenons qu'après une longue suite de jours et d'années la perfection qui est due à notre nature, ils ont eu, dès le moment de leur production, tous les avantages naturels dont leur être était capable.

Ces grandes prérogatives font assez voir que, selon la nature, ils sont, en beaucoup de manières, plus nobles et plus parfaits que les hommes; car la perfection d'une chose se prend de sa manière d'être et d'opérer; or, tout ce que nous avons dit montre que la manière d'être et d'opérer de ces intelligences célestes est bien supérieure à la nôtre; il ne faut donc point douter qu'ils ne nous surpassent en excellence et en perfection. C'est aussi ce que le Roi-Prophète nous apprend au psaume VIII quand, parlant à Dieu du premier homme, ou même de l'homme en général, il lui dit: Minuisti eum paulo minus ab angelis : gloria et honore coronasti eum, et constituisti eum super opéra manuum tuarum : " Bien que vous ayez comblé l'homme de gloire et d'honneur, et que vous l'ayez fait le chef de ce monde visible et corporel, il faut néanmoins reconnaître, Seigneur, que vous l'avez mis dans un degré inférieur à celui des anges ". Jésus-Christ nous enseigne la vérité, lorsqu'à l'occasion de saint Jean-Baptiste, il assure que le moindre du royaume des cieux, ce que plusieurs Docteurs expliquent du dernier des anges bienheureux, surpasse en excellence le plus parfait de tous les hommes. Nous avons dit, néanmoins, selon la nature et les propriétés naturelles: car il est constant que, par la grâce et l'union hypostatique, l'homme a été élevé en Jésus-Christ et en Marie infiniment au-dessus de tous les anges; et que beaucoup de Saints, comme le saint Précurseur, les Apôtres et les hommes apostoliques, sont parvenus, par leurs mérites, à une plus grande gloire que celle des anges des ordres inférieurs.

Il y aurait des choses admirables à dire de la force que Dieu leur a donnée, de leur agilité, de la promptitude de leurs mouvements et de la manière dont ils parlent ensemble, pour se communiquer mutuellement leurs lumières; mais ces riches matières, qui demandent une longue discussion, sont plus propres pour les écoles de théologie que pour un ouvrage où nous ne cherchons que l'édification des fidèles. Disons seulement, en un mot, que leur force est si grande, qu'il n'y a point de puissance corporelle qui puisse leur résister: ce sont eux qui font rouler dans l'espace les mondes immenses: un seul tua en une nuit cent quatre-vingt mille soldats de l'armée de Sennachérib, pour punir ce prince des blasphèmes qu'il avait vomis contre Dieu. Leur mouvement est si prompt, que le savant Tertullien ne fait point difficulté d'assurer qu'ils sont partout en un moment, et que le ciel, la terre, les enfers et toutes les différences de ces lieux, ne sont pour eux que comme un seul lieu. Enfin, leurs entretiens sont si industrieux, que, sans nulle parole ni signe extérieur, ils s'expliquent et se font entendre les uns des autres par la seule formation et la seule direction de leurs pensées.

Le Concile de Latran, que nous avons déjà cité, nous apprend qu'ils furent créés au commencement des siècles, conjointement avec le monde corporel: Ab initio temporis simul utramque ex nihilo condidit creaturam. spiritualem et corporalem; ce qui nous donne sujet de croire que Moïse a compris leur création; ou sous celle du ciel, en disant: " Au commencement Dieu a créé le ciel et la terre ", ou sous celle de la lumière, en ajoutant incontinent après : "Dieu dit que la lumière soit faite, et la lumière fut faite". Ils n'ont donc pas été créés de toute éternité, comme quelques philosophes l'ont pensé, ni à un temps inconnu et indéterminé avant la création du monde, selon le sentiment d'Origène et de plusieurs Pères grecs, mais au premier moment et dans le point de la naissance de toutes choses.

Il est certain que le nombre des anges n'est pas infini, puisque tout ce qui est créé doit nécessairement avoir des bornes; c'est pourquoi Etienne II, évêque de Paris, qui vivait en l'année 1272, condamna la proposition de quelques théologiens qui disaient que " les substances séparées étaient actuellement infinies ". Mais il faut avouer que ce nombre est prodigieux et au-dessus de toute imagination des hommes. Daniel et saint Jean, dans son Apocalypse, n'en parlent que par milliers. Job dit que " ce nombre est sans nombre ". Saint Denis, dans son livre de la Hiérarchie céleste, chap. XIV, assure qu'il surpasse celui de toutes les choses matérielles. Le Docteur angélique en donne pour raison que la perfection de l'univers demande que les créatures les plus nobles surpassent en quantité ou en nombre celles qui leur sont inférieures. Quelques théologiens croient que la pensée de saint Denis est qu'il y en a plus que d'individus de toutes les espèces corporelles; c'est-à-dire, que de pierres, de métaux, de grains, de plantes et d'animaux. Mais saint Thomas borne sa proposition aux seules espèces, en sorte qu'il y ait seulement plus d'anges que de différences des choses corporelles. Dans cette incertitude, ce que nous pouvons penser de plus vraisemblable, c'est qu'il y a plus d'anges du dernier ordre qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y aura jamais d'hommes; parce que chaque homme a son ange gardien, que cet ange n'est pris ordinairement que du dernier ordre, et qu'un même ange n'est point, ni successivement, ni en même temps, le gardien de plusieurs hommes. D'ailleurs, comme ces ordres sacrés sont d'autant plus nombreux qu'ils sont plus parfaits et plus relevés, on peut croire qu'il y a plus d'archanges que d'anges, plus de principautés que d'archanges, plus de puissances que de principautés, et ainsi des autres ordres: ce qui porte sans doute le nombre de ces Esprits célestes à une quantité que nous ne pouvons comprendre.

Mais ce qui est plus admirable, c'est que, selon la doctrine de saint Thomas, dans cette grande multitude d'anges, il ne s'en trouve pas deux qui soient de même espèce et qualité; mais ils diffèrent tous en nature et en propriétés spécifiques; de même que si, dans une prairie couverte et émaillée de fleurs, chacune de ces fleurs était différente en forme, en couleur et en odeur; ou qu'une couronne royale, toute semée et enrichie de pierreries, chaque pierre précieuse eût un œil, un éclat, une figure et une beauté particulière: ainsi, les anges sont tellement disposés que, depuis le dernier jusqu'au premier, il y a un surcroît continuel de grâces, de beauté et de perfection. Cependant ce nombre et cette variété ne sont pas sans distinction et sans ordre; car nous distinguons dans les anges trois grandes compagnies que nous appelons hiérarchies, c'est-à-dire principautés sacrées: la supérieure, la moyenne et l'inférieure; et, dans chaque hiérarchie, nous distinguons encore trois chœurs, qui font en tout neuf chœurs, savoir: dans la première, les séraphins, les chérubins et les trônes; dans la seconde, les dominations, les vertus et les puissances; et, dans la troisième, les principautés, les archanges et les anges. Les hiérarchies se distinguent selon les différentes applications des trois actes hiérarchiques qui sont de purifier, d'éclairer et de perfectionner. Car les anges de la première hiérarchie sont ceux qui, n'étant point purifiés, éclairés et perfectionnés par aucune autre créature qui leur soit supérieure, mais seulement par des rayons immédiatement émanés de Dieu, ont cette prérogative de purifier, d'éclairer et de perfectionner les anges inférieurs. Les anges de la seconde sont ceux qui reçoivent ces faveurs des anges de la première et les communiquent à ceux de la troisième. Enfin, les anges de la troisième sont ceux qui sont purifiés, éclairés et perfectionnés par les anges supérieurs, mais qui ne produisent pas ces actes dans toute la circonférence de la nature angélique. On appelle purifier, éclairer et perfectionner, communiquer une lumière divine qui, en bannissant le défaut de connaissance, conduise à la pénétration de la vérité; de sorte que ce ne sont pas proprement trois actes, mais un seul acte qui a trois rapports et trois fonctions différentes, et l'impression de cet acte n'est pas contraire à la perfection des anges; car bien qu'ils aient tous des connaissances admirables, il y a néanmoins des vérités surnaturelles qui leur sont cachées et dont ils ont besoin d'être instruits, ou immédiatement de Dieu, ou par l'illumination de leurs supérieurs.

Pour ce qui est des trois chœurs de chaque hiérarchie, on les distingue selon les différents rapports de ces esprits, ou à Dieu, ou à la conduite générale du monde, ou à la conduite particulière des Etats, des compagnies et des personnes. Par rapport à Dieu, ceux qui excellent en charité sont appelés séraphins, du mot hébreu séraph, qui signifie embraser, brûler, consumer. Ceux qui excellent en lumière et en sagesse sont appelés chérubins, du mot hébreu chérub, que saint Jérôme et saint Augustin interprètent plénitude de sagesse et de science. Ceux qui soutiennent par leur force l'éclat de la grandeur et de la majesté de Dieu sont appelés trônes, et quelquefois sedes Dei, " les sièges du Tout-Puissant " ; le trône est le lieu où le prince se fait voir dans toute la splendeur de sa gloire. Par rapport à la conduite générale de l'univers, ceux qui distribuent aux anges inférieurs leurs fonctions et leurs ministères sont appelés dominations, parce qu'il appartient aux maîtres et aux souverains de déclarer à leurs sujets à quels emplois ils doivent s'occuper. Ceux qui exécutent les grandes actions qui touchent au gouvernement universel du monde et de l'Eglise, et qui opèrent pour cela des prodiges et des miracles extraordinaires, sont appelés vertus, parce qu'ils participent d'une manière particulière à la force et à la vertu invincibles de Dieu. Ceux qui maintiennent dans les créatures l'ordre de la divine Providence, et empêchent efficacement qu'il ne soit troublé par les efforts des démons et de toute autre cause maligne, sont appelés puissances, parce que c'est un effet de grande puissance de réprimer la furie de ces esprits malins et artificieux. Enfin, par rapport à la conduite particulière des Etats, des compagnies et des personnes, ceux qui président aux royaumes, aux provinces et aux diocèses sont appelés principautés, comme ayant une intendance plus étendue et plus universelle. Ceux qui sont envoyés de Dieu dans les affaires de plus grande importance, et qui portent les messages considérables sont appelés archanges, nom qui signifie la prééminence de leurs missions, et ceux qui ont la garde de chaque homme en particulier, pour le détourner du mal, le porter au bien, le défendre contre ses ennemis visibles et invisibles, et le conduire au chemin du salut, sont appelés anges, par l'appropriation qu'on leur fait en particulier du nom commun à tous les esprits célestes. Sur quoi il faut remarquer, avec le pape saint Grégoire, que le nom d'ange ne signifie pas leur nature, qui est d'être de purs esprits, dégagés de la matière, capables de connaître et d'aimer Dieu; mais seulement leur emploi et leur office, qui est d'être envoyés pour le secours des hommes ou pour le bien de tout l'univers.

Il y a néanmoins une difficulté, c'est de savoir si toutes les intelligences glorieuses sont immédiatement envoyées ici-bas pour procurer le salut des enfants de Dieu, ou s'il n'y a que celles des chœurs inférieurs qui soient sujettes à ces missions, pendant que les autres, que l'on appelle assistantes, demeurent perpétuellement autour du trône de la Majesté divine.

Saint Denis l'Aréopagite, saint Grégoire, pape, le Docteur angélique et plusieurs autres, tiennent qu'il n'y a que les anges inférieurs qui soient envoyés de cette sorte, même extraordinairement, et que, lorsque nous voyons dans l'Ecriture un séraphin purifiant les lèvres du prophète Isaïe, un chérubin tenant une épée enflammée à la porte du paradis terrestre, et surtout le grand saint Michel, que Daniel appelle l'un des premiers princes, si souvent occupé à la protection du peuple d'Israël, il ne faut pas croire que des anges des premiers chœurs soient descendus sur la terre pour faire ces fonctions; mais seulement qu'ils les ont faites par des anges inférieurs qui les représentaient et qui portaient pour cela leurs noms; de même que celui qui apparut à Moïse sur la montagne de Sinaï, dit qu'il était le Dieu d'Abraham; et celui qui apparut à Jacob en Mésopotamie dit qu'il était le Dieu de Béthel, parce qu'ils étaient les Nonces de Dieu, et qu'ils le représentaient en ces occasions. D'autres Docteurs estiment qu'il n'y a point d'ange, de quelque hiérarchie et de quelque chœur qu'il soit, qui ne soit sujet à être envoyé ici-bas immédiatement, au moins par dispense et pour les affaires de plus haute conséquence, ce qu'ils appuient sur ces paroles de saint Paul aux Hébreux, chap.1er: " Ils sont tous les ministres du Tout-Puissant, envoyés pour le service de ceux qui doivent hériter de la vie éternelle". L'une et l'autre de ces opinions sont probables; mais il ne faut point douter que, comme Jésus-Christ est le Seigneur et le Chef de tous les anges, et le même Dieu qu'ils adorent dans les splendeurs de la gloire éternelle, ils ne soient tous indifféremment descendus sur la terre, soit pour lui rendre hommage dans sa naissance, soit pour le servir dans le désert, soit pour accompagner son triomphe dans sa Résurrection et dans son Ascension.

Nous n'avons encore parlé que de leur état naturel et des avantages qui leur conviennent par le droit de leur création. Nous apprenons de saint Augustin, que leur souverain Auteur, en leur donnant l'être de la nature, les enrichit aussi de l'être de grâce: Simul in eis et condens naturam et largiens gratiam. A quoi saint Basile et saint Damascène ajoutent qu'il leur donna la grâce à proportion de leur perfection naturelle, c'est-à-dire qu'il donna plus de grâce aux plus éminents, et moins de grâce à ceux dont la dignité et l'excellence étaient moindres. Cependant, il ne leur en donna pas encore la gloire et la béatitude éternelles, mais il les mit en état de voyager, et, les ayant ornés de vertus surnaturelles, qui sont les apanages de cet état, nous voulons dire de la Foi, de l'Espérance et de la Charité, il leur conféra aussi les secours nécessaires pour mériter cette béatitude. Cet état, néanmoins, ne devait pas être long: un moment leur suffisait pour se rendre dignes de cette récompense qui leur était proposée, et un plus grand espace leur aurait été inutile, puisqu'ils sont d'une nature si qu'ils ont faits, qu'ils ne s'en départent jamais.

Ce fut en ce moment qu'il se fit un grand ravage et une terrible division dans le ciel. Le prince et le plus beau de tous ces esprits, celui qui avait reçu un être plus parfait et une grâce plus abondante; celui qui était obligé d'être plus reconnaissant à la bonté et à la magnificence de son Dieu, s'enorgueillit si fort dans la considération de ses perfections, et fut tellement enivré de l'amour de sa propre excellence, qu'il ne voulait plus dépendre de Dieu pour la consommation de son bonheur, se persuadant qu'il était suffisant à lui-même et qu'il pouvait être heureux sans cette soumission. Il fit tous ses efforts pour persuader la même chose aux autres Esprits, et leur inspira en même temps la rébellion contre le Créateur ; et, en effet, il y en, eut beaucoup qui s'attachèrent à lui et suivirent son parti. On croit que leur nombre monta bien jusqu'au tiers, suivant ces paroles de saint Jean, dans son Apocalypse, chapitre 12ème : Cauda ejus trahebat tertiam partem stellarum: " Sa queue entraînait avec lui la troisième partie des étoiles ". Mais le glorieux saint Michel, qui était le second des séraphins, et qui devint le premier par l'apostasie de ce rebelle, lui résista avec une force et une vigueur admirables, en lui opposant cette puissante interrogation, qui est renfermée dans la signification de son nom: Quis ut Deus? "Qui est donc semblable à Dieu? " Et sa généreuse résistance fortifia le reste de ces intelligences célestes et les maintint dans le devoir et dans l'obéissance.

Cette victoire fut aussitôt suivie de châtiment et de récompense. Lucifer et ses adhérents furent précipités dans les enfers, pour y être punis éternellement; et saint Michel, avec toutes les compagnies des anges fidèles, fut élevé à la vision intuitive de Dieu, à la béatitude éternelle et à l'heureuse possession du souverain bien. Ainsi, selon la parole de Moïse, au chapitre premier de la Genèse: " Dieu divisa les ténèbres d'avec la lumière " : Divisit lucem a tenebris ; et, exilant les esprits de ténèbres, il remplit les enfants de lumière des splendeurs de sa divinité.

C'est de ces anges de lumière, distingués par la grâce de Dieu et par leur propre fidélité de ceux que saint Paul appelle Princes des ténèbres, que nous célébrons aujourd'hui la victoire, le triomphe et le bonheur, et nous le faisons avec d'autant plus de justice, que nous en avons reçu et en recevons tous les jours des faveurs et des bienfaits inestimables. Car, sans parler de ceux qui nous sont conférés par nos anges gardiens, dont nous parlerons bientôt dans leur fête particulière, c'est par le ministère des anges que Dieu conserve et gouverne tout cet univers, qu'il fait tourner les cieux, règle le mouvement des astres, ménage et dispense leurs influences, maintient les éléments, fait que les saisons se succèdent invariablement les unes aux autres, donne la fécondité à la terre, à la mer et aux animaux qui servent à notre nourriture, et détourne une infinité de maux dont les démons, nos ennemis, nous accableraient si nous n'étions sous leur protection. C'est encore par leur ministère qu'il fonde les Etats, en empêche la désolation et la ruine, y entretient la subordination et la justice, éloigne la guerre, la famine, la peste et les autres fléaux, et est comblé de biens et de richesses. C'est surtout par leur ministère qu'il conduit son Eglise, communique sa vérité et sa force aux souverains Pontifes, préside aux Conciles généraux et leur donne son assistance infaillible, règle les diocèses et les églises particulières, éclaire les docteurs, inspire les évêques, remplit de zèle les prédicateurs, soutient les Ordres religieux, purifie les vierges; en un mot, qu'il maintient toute la hiérarchie ecclésiastique, qui est une image de la hiérarchie angélique. Dans cette vue, saint Sophrone salue tous les anges en ces termes :" O bienheureux Esprits, Compagnons célestes, Bataillons invincibles, Immense multitude, Armée sans nombre, Hauteur sans pareille. Grandeur incompréhensible, Subtilité sans mesure, Agilité inconcevable, Gloire qui ne peut tomber dans l'esprit de l'homme, Vertu au-dessus de toute vertu, Ministres du souverain Maître de toutes choses, vous êtes éminemment Vents, Pluies, Montagnes, Collines, Nuées, Flambeaux, Princes, Capitaines, Diacres, Apôtres, Prédicateurs, Prophètes, Evangélistes, Interprètes des saint Mystères, Présidents, Gardiens, Conservateurs, Guides et Protecteurs. C'est vous qui passez en un moment d'un bout du monde à l'autre; qui remplissez de votre substance toute l'étendue du ciel et des airs; qui ne laissez aucun homme sans le garder et l'accompagner; qui êtes perpétuellement attentifs au commandement de votre créateur, et qui exécutez à point nommé toutes ses volontés. Je vous supplie donc de m'assister à l'heure de ma mort et de régler tellement la balance de mon jugement, que vous déchargiez miséricordieusement le bassin de mes crimes, que j'ai chargé et appesanti par toutes les actions de ma vie ".

L'Ecriture sainte fait souvent mention de sept anges particuliers qui sont debout devant le trône de la Majesté de Dieu. Saint Raphaël, au livre de Tobie, chap. 12ème , dit de lui-même qu'il est un de ces sept. Saint Jean, dans son Apocalypse, n'en parle pas moins de huit fois. Il faut sans doute que ces anges soient des plus grands. Et, en effet, saint Clément d'Alexandrie, dans ses Stromates, livre VI, les appelle: Primogenitos Angelorum principes: " Les premiers princes de la hiérarchie céleste ". Ils sont donc de l'ordre des séraphins et même les plus parfaits et les plus éminents de cet Ordre.

Le même saint Jean, au chapitre 7ème de son Apocalypse, parle de quatre anges qui auront charge, à la fin du monde, de nuire à la terre et à la mer. Cependant, dans toute l'Ecriture, il n'y a que trois anges auxquels l'on donne des noms particuliers: saint Michel, saint Gabriel et saint Raphaël. Pour les noms d'Uriel, de Salathiel, de Jéhudiel et de Barachiel, que quelques auteurs donnent aux quatre autres des sept dont nous avons parlé, ils ne sont point reçus de l'Eglise. Nous lisons dans le Concile romain, tenu sous le pape Zacharie, que les hérétiques Albert et Clément furent condamnés et frappés d'anathème, pour avoir, entre autres choses, fait cette prière: " Je vous supplie, ange Uriel, ange Raguel, ange Jubiel, ange Michael, etc. ", parce que, disent les Pères de ce Concile, excepté le nom de Michel, tous les autres sont plutôt des noms de démons que des noms de bons anges, et que l'Ecriture et la Tradition apostolique ne reconnaissent que trois anges par leurs noms, qui sont saint Michel, saint Gabriel et saint Raphaël.

Pour saint Michel, nous apprenons de saint Denis l'Aréopagite, dans son livre de la Hiérarchie céleste, chap.9ème , qu'il était le prince et le protecteur de la Synagogue. En effet, nous en avons quatre célèbres témoignages dans le Texte sacré. Le premier est dans l'Epître canonique de saint Jude, où il est dit que " saint Michel disputa contre le démon touchant le corps de Moïse". C'est que le démon voulait le découvrir aux Israélites, afin de les porter à idolâtrie; et saint Michel, au contraire, qui savait l'inclination de ce peuple à l'idolâtrie, tint ferme pour empêcher qu'il ne fût découvert. Le second est au chap.10ème de Daniel, où ce Prophète nous le représente comme soutenant efficacement les intérêts des Juifs contre l'ange protecteur du royaume de Perse. Le troisième est au chap.12ème du même Prophète, où il nous assure que saint Michel viendra au temps de l'Antéchrist pour combattre contre l'enfer en faveur du peuple qui lui a été commis. Enfin, le quatrième est au chap.12ème de l'Apocalypse, où saint Jean décrit admirablement ses victoires contre le dragon et ses adhérents: ce qui ne se doit pas seulement entendre de celle qu'il a remportée dans les cieux avant la création de l'homme, mais aussi d'une infinité d'autres qu'il a gagnées dans toute la suite des siècles.

On attribue encore dans l'Ancien Testament d'autres effets et des apparitions très remarquables de ce grand prince des armées de Dieu. Pantaléon, diacre de l'église de Constantinople, dit que ce fût lui qui encouragea et instruisit Adam, notre premier père, après son péché; retint la main d'Abraham, pour ne pas immoler son fils Isaac; délivra les Israélites de la captivité d'Egypte et les conduisit à pied sec par le milieu de la mer Rouge; apparut à Josué après le passage du Jourdain, et le rendit maître de Jéricho, par la ruine subite et miraculeuse de ses tours et de ses murs. D'autres ajoutent que ce fut lui qui amena, par l'ordre de Dieu, tous les animaux à Adam avant sa désobéissance, pour recevoir leurs noms de sa bouche; transporta Enoch dans le paradis terrestre, pour y attendre la fin du monde et le temps du dernier jugement; conserva l'arche de Noé après l'avoir remplie d'animaux de toutes sortes d'espèces; lutta contre Jacob, le bénit et le préserva des embûches de son frère Esaü; donna la loi à Moïse sur la montagne de Sinaï; extermina Coré, Dathan et Abiron, pour avoir murmuré et s'être soulevés contre Moïse; empêcha le faux prophète Balaam de maudire le peuple de Dieu; se fit voir à Gédéon et l'anima à combattre contre les Madianites ; prédit à Mandé et à sa femme la naissance du tort Samson, leur fils; rendit David victorieux de Goliath et le délivra de la persécution de Saül; frappa le peuple de peste pour punir une action de vanité de ce prince; enleva le prophète Elie dans un chariot de feu, pour le réserver au temps de la consommation des siècles; parut au milieu des trois enfants dans la fournaise de Babylone; transporta le prophète Habacuc par les cheveux, avec le dîner qu'il avait préparé pour ses moissonneurs, à la fosse aux lions, afin d'y nourrir le prophète Daniel, que le roi de Perse y avait fait enfermer; ordonna à saint Gabriel d'expliquer au même Daniel le mystère du sacrifice perpétuel; conserva la pureté de Judith dans le camp d'Holopherne, et rendit cette illustre veuve victorieuse d'un si redoutable ennemi; délivra le peuple juif de la captivité de Babylone; chassa du temple à coups de fouet le sacrilège Héliodore, que le roi Antiochus y avait envoyé pour en enlever les trésors; fortifia les Machabées dans les grands combats qu'ils eurent à soutenir contre divers rois de Syrie et d'Egypte; enfin qui descendait de temps en temps dans la piscine probatique pour en rendre les eaux salutaires et leur donner la force de guérir celui qui s'y jetait le premier. Peut-être n'a-t-il pas fait toutes ces choses immédiatement par lui-même; mais ce beau mot du chap.12ème de Daniel: In tempore illo consurget Michael, princeps magnus qui stat pro filiis populi tui: " En ce temps, se lèvera Michel, ce grand prince, qui soutient la cause et les intérêts des enfants de votre peuple " ; ce mot, disons-nous, fait croire qu'il n'y a aucune de ces actions à laquelle il n'ait présidé, et qui ne se soit faite au moins par son ordre.

Si saint Michel a été le protecteur de la Synagogue, il n'est pas moins le protecteur de l'Eglise de Jésus-Christ, comme saint Jean Chrysostome l'établit dans la seconde Oraison contre les Juifs, saint Grégoire au livre 17ème de ses Morales, et il n'a pas manqué de le déclarer lui-même dans ses Apparitions, que nous avons rapportées assez au long au 8 mai. Aussi, plusieurs auteurs tiennent que ce fut lui qui visita et consola Notre-Seigneur dans le jardin des Oliviers; annonça sa résurrection aux saintes femmes, et surtout à Marie-Madeleine; commanda à saint Philippe, diacre, de s'approcher du chariot de l'eunuque Ethiopien, pour le catéchiser, et le transporta ensuite à Azoth; apparut à Corneille, le centenier, et lui ordonna d'envoyer chercher saint Pierre; délivra ce grand apôtre des prisons d'Hérode et le rendit aux larmes de l'Eglise désolée; et apparut souvent à saint Jean pour lui découvrir les mystères de l'Apocalypse. C'est de lui que parle le prêtre à la messe, lorsque après la consécration il demande à Dieu que son sacrifice soit représenté devant sa divine Majesté par les mains de son saint ange. C'est lui-même que l'Eglise invoque à la mort des fidèles, qui reçoit leurs âmes au moment de leur séparation, qui les défend au jugement de Dieu contre les injustes accusations du prince des ténèbres, et qui les porte dans le sein d'Abraham pour y jouir des délices de la vie éternelle. Enfin, nous avons dans l'Histoire ecclésiastique tant de miracles de ce grand prince, tant d'effets de son secours et de sa protection, tant de vœux faits pour mériter son assistance, tant de temples bâtis en son honneur au lieu de ses apparitions, et en actions de grâces des faveurs obtenues par son moyen, qu'on ne peut nullement douter qu'il ne soit une des causes universelles des biens qui sont conférés à l'Eglise et à tout le genre humain.

La France le reconnaît aussi pour un de ses principaux patrons et gardiens; et, de fait, on ne peut assez estimer les faveurs qu'elle en a reçues par le célèbre pèlerinage à Saint-Michel de la Tombe, dont il a été parlé au jour de son apparition. Nous avions dans le royaume cinq belles abbayes de son nom; et le roi Louis XI, qui regardait ce prince des armées de Dieu comme le chef invincible de ses propres troupes, institua en son honneur et en son nom, en 1469, un Ordre de chevaliers qui subsistait encore au 17ème siècle, quoique l'Ordre du Saint-Esprit, établi par le roi Henri III, en 1578, fût devenu plus considérable. Disons enfin, pour terminer tout ce discours sur les excellences et les prérogatives de saint Michel, qu'étant le second des anges, il est devenu le premier et le chef par la chute de Lucifer. L'Ecriture nous déclare assez clairement cette vérité dans l'Apocalypse, chap.12ème, lorsqu'elle dit que " saint Michel et ses anges combattaient contre le dragon " : car, par ces paroles, elle nous fait connaître que saint Michel est le capitaine, et que les anges sont soldats. Nous pouvons aussi l'inférer de ces mots de Daniel: Michael unus de principibus primis. " Michel, un des premiers princes ". Car un, en cet endroit, signifie premier, mettant le nombre cardinal pour le nombre ordinal, de même qu'au premier livre de la Genèse ces mots: " Le soir et le matin firent un jour", signifient "firent le premier jour". L'Eglise, dans une oraison de la recommandation de l'âme, appuie la même vérité quand elle demande à Dieu " que saint Michel, son archange, qui a mérité la principauté de la milice céleste, reçoive celle qu'elle lui recommande et qui est près de se séparer de son corps". Enfin, le cardinal Bellarmin prouve ce sentiment au chap.1er du Souverain Pontife par le témoignage de plusieurs Pères, comme de saint Bernard et du bienheureux Laurent Justinien.

Pour saint Gabriel, sa dignité paraît assez par les commissions admirables qu'il a reçues pour l'accomplissement du mystère de l'Incarnation. Le cardinal Marc Viger l'a même voulu préférer à saint Michel dans son livre intitulé: Decachordum Christianum ; mais son propre rang, c'est d'être le second des séraphins. Outre les messages que l'Evangile lui attribue en termes formels, à saint Zacharie et à la sainte Vierge, on croit que c'est lui qui est apparu trois fois à saint Joseph: pour lui annoncer la conception de Notre Seigneur, pour l'avertir de fuir en Egypte et pour le faire retourner en Palestine, comme longtemps auparavant il était apparu à Daniel pour l'assurer que le Messie naîtrait après soixante-dix semaines d'années. Quelques auteurs croient aussi que ce fut lui qui consola Notre-Seigneur dans le jardin, quoique d'autres attribuent cette grande action à saint Michel, comme au plus digne et au premier de tous les anges.

Enfin, pour saint Raphaël, nous ne saurions rien ajouter aux choses rapportées dans le livre de Tobie, lesquelles sont si pleines d'admiration et de suavité, qu'on ne peut les lire sans verser des larmes de dévotion. L'un et l'autre de ces deux anges sont invoqués par les fidèles: saint Gabriel, comme la force de Dieu, saint Raphaël, comme la médecine de Dieu; et plusieurs ont reçu des assistances miraculeuses par leur intercession: comme Hubert, trésorier d'un roi de Pologne, qui fut préservé de l'enfer par saint Gabriel, pour lequel il avait une extrême dévotion, et un bourgeois d'Orléans, qui fut délivré des voleurs en allant à Saint-Jacques, en Galice, par saint Raphaël, dont il avait imploré l'assistance.

Les anges ne paraissent pas avoir été introduits dans la composition des tableaux chrétiens avant le IVème siècle; ils figurent même très rarement avec leurs attributs particuliers dans les divers monuments de Rome souterraine. — Voici les principaux attributs que l'art chrétien assigne aux anges:

1° La forme humaine, afin que les fidèles comprennent combien ces intelligences célestes sont disposées à secourir les hommes et toujours prêtes à exécuter les ordres de Dieu en notre faveur; — 2° des ailes, pour les mêmes motifs; — 3° un encensoir, parce qu'ils offrent nos prières à Dieu, selon ce qu'il est écrit dans l'Apocalypse: " Et il vint un autre ange, et il se tint devant l'autel, ayant un encensoir d'or; et on lui donna beaucoup de parfums, afin qu'il présentât les prières de tous les Saints sur l'autel d'or qui est devant le trône de Dieu " ; — 4° la jeunesse, parce qu'ainsi l'exigent, et leur immortalité qui n'est autre chose qu'une jeunesse éternelle, et la nature de leurs fonctions qu'ils sembleraient moins aptes à remplir, s'ils étaient ou des enfants ou des vieillards; — 5° la beauté, car tel est le type que nous fournissent les saintes Ecritures; — 6° quelquefois la nudité, qui, dans l'homme tombé, produit la honte, mais, chez les anges, est une marque de sainteté, de chasteté, d'immortalité, d'innocence; — 7° des attributs militaires: c'est ainsi que nous les représente l'histoire des Machabées: " Un cavalier parut devant eux avec une robe blanche, des armes d'or, et agitant sa lance " ; — 8° des vêtements blancs, signe d'innocence et de joie, et couleur sacerdotale; — 9° une ceinture, pour montrer qu'ils sont prêts à exécuter les ordres qui leur sont confiés; la ceinture est aussi le symbole de la chasteté; —10° des ornements de pierres précieuses, symbole de l'éclat de leurs différentes vertus; —11° quelquefois enveloppés de nuages, parce que leur demeure propre est dans les cieux; — 12° les pieds nus: les ministres de Dieu se sont ordinairement abstenus de chaussures, comme nous le voyons par l'exemple d'Isaïe, de Moïse, des Apôtres. — On assigne aux anges divers instruments qui nous rappellent, tantôt la colère de Dieu dont ils sont les ministres, comme le glaive; tantôt sa miséricorde dont ils sont les organes à notre égard, comme les attributs de la Passion; tantôt la justice qu'ils exercent en son nom, comme la balance. La trompette réveille l'idée du jugement dernier, et les autres instruments de musique celle des saintes voluptés du séjour céleste.

Quant à l'archange saint Michel en particulier, on le voit représenté: 1° terrassant le démon; 2° présentant des balances à l'enfant Jésus: dans les plateaux sont les âmes des justes; 3° combattant les anges rebelles; 4° debout sur un ange révolté: sur sa cuirasse sont figurés le soleil, la lune et des étoiles; sur son baudrier est représenté un Zodiaque; il tient une palme et montre dans le ciel un mot hébreu qui signifie: Quis ut Deus 5° pesant âmes coupables du sang innocent; 6° apparaissant à un évêque qui reçoit de l'archange l'ordre de bâtir une église sur le mont Gargan; 7° tenant à la main une sorte de labarum, comme prince de la milice céleste, ou une simple épée de chevalier, pour rappeler sa lutte avec Lucifer.

L'archange saint Michel est le patron des balanciers, bonnetiers, chapeliers, maîtres d'escrime, étuvistes, fabricants d'oublies et gaufriers, merciers et épiciers, mesureurs, peintres, vitriers, doreurs, plafonneurs. On l'invoque aussi pour la bonne mort. Les raisons intimes de ces divers patronages sont assez difficiles à pénétrer: quelques-unes sautent aux yeux ; nous laissons aux intelligences primesautières le soin de saisir les autres.

Un grand nombre d'Etats, comme l'Angleterre, la France, l'Espagne, la Bavière, etc.; et de villes, comme Bénévent, Bruxelles, Le Puy, Madrid, etc., se sont mis sous la protection spéciale de saint Michel.

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