La communion dans la main, les motifs d'un refus

De Salve Regina

La réforme de 1969
Auteur : Luc J. Lefèvre
Date de publication originale : 1969

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen

LA COMMUNION DANS LA MAIN

Il ne faut pas dire que le Souverain Pontife a imposé, en 1969, me nouvelle manière de distribuer la sainte communion.


Autre chose est une prescription, autre chose est, une concession. Autre chose est une concession faite à une très grande majorité, autre chose une concession pour une infime portion du peuple de Dieu.


Or, si nous lisons les textes, et si nous les lisons bien, nous retenons que, selon ]'Instruction « Memoriale Domini » du 29 mai 1969, « compte tenu de la situation actuelle de l'Eglise dans le monde entier, cette façon de distribuer la sainte communion [sur la langue] DOIT ÊTRE CONSERVÉE… »


Un peu après : « c'est pourquoi, compte tenu des remarques et des conseils tic ceux que « l’Esprit‑Saint a constitués intendants pour gouverner » les Eglises, eu égard à la gravité du sujet et à la valeur des arguments invoqués, le Souverain Pontife n'a pas pensé devoir changer la façon traditionnelle de distribuer la sainte communion aux fidèles ».


«Aussi, conclut l'Instruction " Memoriale Domini ", le Saint‑Siège exhorte‑t‑il vivement les évêques, les prêtres el les fidèles à RESPECTER ATTENTIVEMENT LA LOI TOUJOURS EN VIGUEUR ET QUI SE TROUVE CONFIRMÉE DE NOUVEAU, cri prenant en considération tant LE JUGEMENT ÉMIS PAR LA MAJORITÉ DE L'ÉPISCOPAT CATHOLIQUE que la forme utilisée actuellement dans la sainte

liturgie, et enfin LE BIEN COMMUN DE L’EGLISE. »


Ces textes sont si clairs que le lecteur le plus moyen n'attend pas une explication.


Et pourtant, il y a eu un « problème ». Pourquoi ?

Parce que, nous dit explicitement l'Instruction « Memoriale Doinini », « dans certains endroits et dans certaines communautés, cette façon de faire est pratiquée [à savoir l'ancien usage de déposer le pain eucharistique dans la main des fidèles], bien que le Saint‑Siège n'ait pas encore donné l'autorisation demandée et que parfois cette pratique ait été introduite sans que les fidèles y aient été préparés convenablement ».


Nous connaissons tous le voeu pieux de certains clans ou de certains clubs de faire retour en arrière en tous les domaines et à perpétuité... on appelle cela l'évolution. On appelle cela le, progrès... Retour aux sources, retour à la Bible, retour à l'Evangile, retour à la simplici té de vie et à la pauvreté des premiers chrétiens, retour aux synaxes domestiques de Jérusalem, retour aux célébrations eucharistiques dans les catacombes à Rome. Et pourquoi pas, alors, à la pratique de la communion dans la main ? Nous pourrions allonger indéfiniment la liste de ces « retours en arrière », souhaités, décidés et déjà réalisés, qui devraient nous permettre, en principe, de revivre l'ère vraiment chrétienne, antérieure au triomphalisme et au paternalisme de l'ère constantinienne, tant abhorrée.


Tenons‑nous‑en aux seuls rites que l'Eglise prescrit. Car c'est à elle, et à elle seule, qu'il appartient de prescrire oit tic prohiber, de faire des lois et de donner des commandements qu'elle petit, changer, dit, le catéchisme, selon les besoins des temps et des lieux.


Les lois peuvent donc changer. L'Eglise vit. Elle a vécu depuis vingt siècles. L'Eglise peut donc évoluer, non certes dans son essence, non certes dans son Trésor de foi, mais dans sa discipline, dans ses rites, dans sa pédagogie. Nos évolutionnistes, «immobilistes », n'en veulent rien savoir qui exigent l’immutabilité du comportement et des mœurs des fils de l'Eglise, comme tels ! L'archéologisme des passéistes contemporains veut ignorer le développement, en tant que tel !


L'Instruction « Memoriale Domini » rappelle que l'Eglise garde dans toute sa pureté la tradition ‑ parvenue jusqu'à nous avec un certain développement dont les richesses sont passées dans les usages et la vie de l'Eglise ».


Le développement est indéniable : « en vertu d'un usage ancien, les fidèles ont pu autrefois recevoir cet aliment divin dans la main et le porter eux-mêmes à la bouche ».


« Il est également vrai, dit l'Instruction, que dans des temps très anciens, ils ont pu emporter le Saint‑Sacrement avec eux, depuis l'endroit où était, célébré le Saint‑Sacrifice... »


Oui, mais l'instruction ajoute aussitôt : « AVANT TOUT POUR S'EN SERVIR COMME VIATIQUE DANS LE CAS OU ILS AURAIENT A AFFRONTER LA MORT POUR CONFESSER LEUR FOI. »


Les persécutions violentes contraignaient pasteurs et fidèles à se terrer dans des cimetières souterrains. Les fidèles, recherchés et poursuivis, se rendaient difficilement jusqu'aux catacombes, et, par force, tenaient la place des prêtres et des diacres pour porter aux absents, aux malades, aux prisonniers la sainte communion dans la plus totale discrétion, et jamais sans risques graves de dénonciations.


Dieu merci, les persécutions ont pris fin, chez nous du moins, et les chrétiens, pouvant vivre en pleine lumière, n'ont, plus de raisons de se cacher dans des «églises souterraines» et de confier le Saint‑Sacrement aux plus jeunes non soupçonnés et aux plus courageux des Christophores volontaires.


Autres‑temps, autres mœurs.


« Aussi, dit l'instruction, la fonction de porter la Sainte Eucharistie aux absents ne tarda‑t‑elle pas à être confiée uniquement aux ministres sacrés, afin de mieux assurer le respect dû ait Corps dui Christ, et en même temps de mieux répondre aux besoins des fidèles.»


Dans toute sa législation, on l'a vu, le voit encore, c'est le respect dû à Dieu qui d’abord inspire l'Eglise et en second lieu, c'est le bien commun, le bien de toutes les âmes du peuple de Dieu.


Des demandes ont été formulées par un petit nombre de Conférences épiscopales (celles que H. Küng appelle les « Conférences progressistes ») et certains évêques à titre individuel, pour que sur leur territoire, soit admis l'usage de déposer le pain consacré dans les mains des fidèles. ‑ Le Souverain Pontife a alors demandé à toits les évêques de l'Eglise latine ce qu'ils pensent de l'opportunité d'introduire ce rite.


« Les réponses montrent, dit l'instruction, qu'une forte majorité d'évêques estiment, que rien ne doit être changé à la discipline actuelle ; et que si on la changeait, cela offenserait le sentiment et la sensibilité spirituelle de es évêques et de nombreux fidèles. »


La loi est, donc toujours en vigueur et se trouve de nouveau confirmée pour l'Eglise universelle.


" Mais là où s'est introduit un usage différent ‑‑ Illégalement, cela va de soi le Saint‑Siège pourra accorder aux Conférences épiscopales, AFIN DE LES AIDER DANS LEUR TACTIE AUJOURD'HUI DIFFICILE la « communion dans la main », mais à condition d'écarter tout risque de manque de respect ou d'opinions fausses qui pourraient s'insinuer dans les esprits au sujet de la très Sainte Eucharistie, et d'éviter soigneusement tous autres inconvénients. »


Les évêques de France ont pensé que les dangers redoutés par le Saint Siège peuvent, être écartés. Ils ont donc obtenu une dérogation locale à l'Instruction «  Memoriale Doinini » de mai 1969. Mais il est bien précisé dans la lettre de la S. Congrégation pour le culte divin au président de la Conférence épiscopale française, comme dans la Note du Conseil permanent de l'Episcopat français, que les fidèles qui sont désireux de conserver le mode traditionnel ne seront pas contraints à l'abandonner.


Voilà donc un « pluralisme » au plan individuel, qui s'ajoute à tant d'autres «pluralismes » déjà innovés. Ils peuvent être gênants, irritants, agaçants pour la belle ordonnance des offices liturgiques ; mais ils sont moins graves, en tant, que tels, qu'un «pluralisme épiscopal » ou que le pluralisme théologique tant prôné par certains !


Les évêques ont des grâces d'état, que nous n'avons point, nous autres prêtres et laïcs.


Mais nous sommes dans l'obligation de ne pas méconnaitre les très graves dangers, évoqués par l'Instruction, qui peuvent s'attacher et qui s'attachent, c'est certain, à la nouvelle pratique. Et à fortiori, de ne rien cacher à l'Autorité compétente de ce que nous avons déjà observé, puisqu'elle est « priée d'envoyer à la S. Congrégation, d'ici à six Mois, un rapport sur le résultat de cette concession ».


Le premier danger, l'Instruction l'a dit expressément, est de paraitre favoriser les erreurs en ce qui concerne le mode de présence du Christ dans l'Eucharistie. Et très particulièrement dans les milieux qui subissent gravement l'influence du protestantisme et ou sévit un œcuménisme mal compris, qui porte les uns et, les autres à « copier », à imiter les frères séparés. Ce n'est, un mystère pour personne que la « nouvelle pratique » a été adoptée, ‑ avant, même la concession sus‑dite -- là où était discutée ou même niée la foi de l'Eglise en la transsubstantiation. Il est vrai de dire que ceux qui ne voient plus dans la sainte hostie ‑‑ et, ils sont de plus en plus nombreux aujourd'hui ‑- qu'un symbole (à la manière des protestants) exigent de recevoir l'hostie dans la main ou même de « se servir » eux‑mêmes dans la corbeille ou dans le panier.


N'est‑il pas nécessaire de rappeler aussi que le danger devient plus grand des négligences coupables ou non, partout où la communion de, l'assistance, est devenue, pour ainsi dire, obligatoire. Jadis s'agenouillaient humblement à la table sainte ceux qui avaient la volonté, libre, très libre, de recevoir, dans la foi et dans l'amour, le Pain des Anges, la Pain de la Vie. Aujourd’hui, hélas ! tous, indistinctement, sont invités (et l'invitation est faite sur le ton du commandement) à prendre place dans la « procession » de communion ‑ croyants ou non répondent souvent à l'appel pour « faire comme tout le monde », sans préparation et sans les dispositions saintes estimées nécessaires. Combien nous ont dit déjà qu'ils avaient dû obtempérer pour ne pas se singulariser, sans aucune intention droite !…


Que peut‑il arriver en pareils cas ? Nous avons vu, d'autres ont vu, des hosties consacrées... laissées sur les bancs on jetées sur le sol par ceux, sans aucun doute, qui ne savaient quel usage en faire... là où se mêlent des touristes, des curieux à des pèlerins dans les sanctuaires, et aussi aux mariages et aux enterrements, cours desquels on se rend à la table par respect humain…


Les hautes Autorités n'en peuvent rien connaître, les Commissions dans leurs bureaux n'en peuvent rien connaître. C’est aux prêtres qu'il est demandé d'être attentifs et, aux fidèles d'être vigilants.


Dans nos pays atteints par la désacralisation et la tendance au syncrétisme, les profanations sont à craindre.


Dans nos pays où l'indifférentisme n'est souvent qu'apparent, plus exigeante est la sensibilité religieuse des tièdes et des mous. Ce serait un crime de la troubler.


La Note du Conseil permanent, après l'encyclique Mysterium fidei, a bien raison de rappeler ce mot de saint Augustin : « QUE PERSONNE NE MANGE CETTE CHAIR S'IL NE CA D'ABORD ADOREE », pour signifier à tous, qu'il est des formes extérieures de respect, qui répondent aux besoins de notre nature même et qui s'imposeront en tous temps et, en tous lieux :


L'Evangile ne nous avait‑il pas averti qu’ « on ne donne pas le Pain des enfants aux chiens », ni « la Pierre précieuse aux pourceaux » ?


LUC J. LEFEVRE


P. S. ‑ On se demande pourquoi le P. ANTOINE WENGER, dans La Croix du 24 octobre 1969, s'efforce de nous prouver la valeur sacrée du geste de la communion dans la main ? ( L'usage [de ce geste] s'en est sans doute perdu au cours des siècles pour des raisons, pratiques, mais aussi par suite d'un affaiblissement de la foi (!). Le retour au geste antique petit étre compris aussi comme l'expression d'une foi qui se veut plus vive et plus authentique. Pour beaucoup de fidèles en tout cas, la communion dans la main a été un éveil et un stimulant de la foi dans le Christ présent dans l'Eucharistie

Et l’Instruction…? «  Le Saint‑Siège exhorte vivement les évêques, les prêtres et les fidèles à respecter attentivement la loi toujours en vigueur et qui se trouve confirmée de nouveau... » . Il n'y a pas plein accord, apparemment du moins...

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