La foi face aux épreuves : Différence entre versions

De Salve Regina

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Version actuelle datée du 14 mars 2017 à 16:11

Vie spirituelle
Auteur : Godeleine Lafargue
Source : Revue "Les cahiers Saint Raphaël" , n° 80
Source web : Consulter
Date de publication originale : Septembre 2005

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen

Introduction

Les maladies, la souffrance, les épreuves de la vie pro­fessionnelle, les difficultés familiales, tant de circons­tances de notre passage sur terre peuvent nous troubler, nous décourager, nous déprimer De plus en plus nombreux nos contemporains sombrent de la morosité à la dépression qui soignée insuffisamment ou trop tard mène au suicide. La lecture d’un ouvrage récent nous aidera à réfléchir.

"L’esprit du Seigneur est sur moi (...). Il m’a envoyé guérir ceux qui avaient le cœur brisé" (Lc 4, 18.)

Pour éclairer sur le pourquoi et le comment de la maladie et de la souffrance, un ouvrage de Jean-Claude Larchet sera un livre de chevet[1]. Enfin, un auteur moderne donne une réponse authentiquement chrétienne à la souffrance ! Et c’est encore une fois un orthodoxe qui vient réparer les dégâts de l’Eglise conciliaire. Ah ! Ils ont une bien piètre figure nos modernistes devant une telle connaissance des Pères anciens et une telle exigence sur les principes de la foi : "Il faut souligner que la victoire du Christ sur la mort est une réalité physique et pas seulement spirituelle. C’est bien réellement, objectivement que le Christ a détruit la mort et est ressuscité en Sa propre humanité et pour tous les hommes ; ce n’est pas seulement une vue subjective de notre foi comme l’ont prétendu dans les dernières décennies des théologiens soi-disant chrétiens qui prétendaient "démythologiser " le christianisme. Il faut se souvenir de la parole de saint Paul : "Si le Christ n’est pas ressuscité notre foi est vaine"[2].

Cet ouvrage simple de compréhension se propose à travers plusieurs articles et conférences de donner une réponse chrétienne à ceux qui souffrent, qui vivent dans la tristesse, ou pire dans la dépression, à tous ceux qui recherchent la paix intérieure. Ce recueil de texte n’a donc pas une ligne directrice, mais plusieurs avec un thème central : la maladie au sens large du terme (maladies corporelles, physiologiques et spirituelles). C’est au lecteur de faire la synthèse.

Maladies du corps ou de l’âme ?

La maladie est vue sous différents aspects : le médecin face au malade, comment souffrir dans son corps ? Comment comprendre les maladies spirituelles et les maladies mentales organiques ? Leur interconnexion pour éclairer les psychiatres soignant les états dépressifs ? L’épreuve de la Croix etc. Il ne s’agit pas pour Jean-Claude Larchet de donner sa réponse à toutes ces questions, mais LA réponse du christianisme par les Pères anciens (les pères grecs comme saint Basile ou les pères latins comme Maxime le Confesseur ou Grégoire de Nysse).

En théologien classique, Larchet commence par le plus connu pour nous vers le moins connu, du plus visible à nos sens au moins manifeste. Avant d’aborder les maladies spirituelles qui touchent l’âme, il commence donc par le corps : tout d’abord par l’étude de nos comportements par rapport à lui en se plaçant du point de vue des hommes, puis du médecin ; ensuite par l’étude des maladies corporelles.

Il s’agit donc dans un premier temps de répondre aux questions de bioéthique, et dans un deuxième temps d’éclairer l’attitude des médecins devant leurs malades.

Sur la question de la bioéthique rien de nouveau : "Le christianisme ortho­doxe se situe dans la continuité ininterrompue de l’Eglise primitive (…) Ses positions exprimées tant historiquement qu’actuellement à propos des ques­tions de bioéthique ont comme référence majeure et commune une anthro­pologie très approfondie, issue de la tradition patristique grecque qui fonde en Dieu la valeur absolue de chaque être humain tant dans sa personne que dans sa nature"[3].

Autrement dit pas d’avortement, ni de contraception, pas de manipulations génétiques, ni de clonages. Toutefois, il faut noter une différence notable par rapport aux positions officielles de l’Eglise catholique : la majorité des orthodoxes autorisent le recours à la procréation médicale assistée sous plusieurs conditions :

  1. il s’agit d’un couple stable,
  2. sa motivation est saine,
  3. il est capable d’assumer psychologiquement et spirituellement sans préjudice son caractère technique et objectif,
  4. la fécondation n’exige pas le recours à un donneur extérieur au couple, le recours à une tierce personne paraissant inacceptable comme brisant l’unité et l’identité du couple et mettant en péril le futur sentiment d’identité de l’enfant[4].

Rien de nouveau non plus sur le médecin catholique qui a le devoir de consi­dérer le malade comme le composé d’un corps et d’une âme. Le médecin ne sera donc pas un réparateur de machine. Il devra toujours mettre en perspective l’âme du malade, autrement dit le regarder comme une personne. Le malade mental et l’handicapé seront donc des êtres humains à part entière. La trans­plantation d’organes sans constituer toutefois une obligation morale, est légitime si l’état du malade le permet ou si elle n’est pas une automutilation. En effet, selon les Pères : "le corps est une partie intégrante de la personne humaine. Le Christ en s’incarnant a assumé le corps autant que l’âme de l’homme, et le corps est appelé à ressusciter et à être déifié avec l’âme. Il ne saurait donc, quelque soit son âge, être traité comme un moyen"[5].Cela sous-entend aussi tout l’aspect relationnel qui doit exister entre le patient et le médecin : compassion, charité, écoute sont les vertus du médecin. Ce dernier n’est finalement qu’un instrument de Dieu, l’humilité est la vertu ultime du médecin qui doit voir en Dieu la seule source de toute guérison : "Nous ne devons pas mettre dans la médecine notre espérance, mais en Dieu qui donne la vie et la mort"[6]. Cela ne signifie pas, bien sûr, que le médecin doit se mettre en oraison au moment du diagnostic sans faire aucune prescription. Cela demande de l’humilité, mais il ne faut pas mettre TOUTE son espérance dans la médecine. Ceci fait, bien entendu penser au problème de l’acharnement thérapeutique, mais cela signifie aussi que le médecin doit faire preuve d’aban­don en la Providence. Il soigne du mieux qu’il le pourra et s’inclinera au cas d’échec. Le médecin n’est pas un dieu, il n’a pas en main les tenants et aboutis­sants de toutes choses. Il doit laisser le Père gouverner en maître sa création et ses créatures. L’orgueil de la médecine aboutit à des aberrations comme se servir de cellules souches fœtales pour guérir son patient. A vouloir guérir à tout prix l’homme devient anthropophage. La guérison est un bien pour l’homme si elle suit la loi morale écrite dans la création.

La souffrance don de Dieu ?

Le corps est ensuite considéré par rapport à la maladie. Jean-Claude Larchet, après nous avoir présenté la cause de la souffrance due au péché ancestral (Adam et Eve n’est pas un mythe pour lui), traite les maladies corporelles sous l’aspect de son usage et de sa raison d’être. Il propose alors au lecteur une approche digne de méditation et très consolante de la souffrance et de la mort. Véritable don de Dieu, bien qu’elle soit à l’origine une punition, la maladie va permettre aux hommes d’atteindre des sommets par la patience et la prière. Et Dieu veille tout particulièrement sur ceux qui souffrent : "Dieu veille sur le malade, le protège et l’aide d’autant plus qu’Il connaît les diffi­cultés de sa situation, souligne saint Isaac, aussi doit-il éviter de s’inquiéter, mais plutôt considérer la sainte force qui vient d’en haut, et s’abandonner à elle en toute confiance ". "Ayant Dieu, ne crains pas, mais jette tout ton souci en Lui, et Lui-Même s’occupera de toi", conseille dans le même sens saint Barsanuphe. Et dans un très beau passage, saint Grégoire de Nazianze invite à avoir pour les malades beaucoup de respect et de vénération : "Respectons la maladie qu’accompagne la sainteté et rendons hommage à ceux que leurs souffrances ont acheminés à la victoire : peut-être que parmi ces malades se cache un nouveau Job"[7].

Notre auteur continue ensuite son ascension, après avoir traité du corps et de ses maladies, il étudie les maladies mentales. Contrairement aux préjugés actuels les Pères de l’Eglise n’analysent pas les maladies mentales de manière systématique comme une possession démoniaque. Ils les classent en trois catégories : organiques, démoniaques et spirituelles.

Jean-Claude Larchet analyse les maladies mentales d’origine somatique comme une défaillance du corps vu comme l’instrument de l’âme. Il faut préciser ici qu’il s’agit de l’âme comme principe de vie, non comme élément spirituel. L’âme est la forme du corps, elle utilise donc le corps comme un instrument. Si une affection atteint un des organes du corps, l’âme ayant besoin de l’organe pour agir, l’expression psychique en sera nécessairement perturbée : "Dans les cas où des troubles psychiques sont relatifs à une affec­tion somatique, ils ne sont pas des troubles de l’âme elle-même, mais de son expression, de sa manifestation, de son activité au moyen du corps"[8].

Dépression et possession

Notre auteur se penche alors de manière plus précise sur cette maladie mentale organique tellement présente à notre époque : la dépression. Il dénombre trois caractéristiques : affaissement de l’humeur, ralentissement du processus psychique manifesté par le repli sur soi et la fatigue, la douleur morale par une dépréciation de soi. À ces trois caractéristiques peuvent se joindre divers troubles somatiques : maux de tête, sensation d’étouffement, palpitations cardiaques, troubles digestifs etc. L’auteur classe alors les états dépressifs suivant la décomposition de la structure latente de la personnalité :

  1. Les dépressions exogènes : les états dépressifs survenant sous l’influence du milieu (émotions, conflits, surmenage…). Elles sont d’ordre névrotique.
  2. Les dépressions endogènes : les formes typiques et extrêmes étant la mélancolie pure et l’accès mélancolique de la psychose maniaco-dépressive. Elles sont d’ordre psychotique.
  3. Les dépressions rattachées à une psychose (comme les dépressions dites atypiques de la schizophrénie) ou à une affection organique (comme une lésion cérébrale par tumeur, une atrophie neuronale, une perturbation métabolique ou endocrinienne, une intoxication par l’absorption d’un médicament ou d’une drogue, certains trou­bles vasculaires).

Pour chacune d’elle l’auteur note les circonstances d’apparition, les symp­tômes, le terrain psychologique ainsi que les thérapies.

Quant aux maladies mentales d’origine démoniaques, nous renvoyons nos fidèles lecteurs au Cahier Saint Raphaël sur l’exorcisme (CSR 78). I1 faut noter que les psychiatres auraient grand intérêt à se pencher sur cet aspect des maladies mentales pour résoudre certaines maladies de leurs patients. Ils ne considèrent alors le malade que sous son aspect exclusivement corporel. Ils voilent toute une dimension de la personne humaine. "Les habitudes critiques aujourd’hui en crédit, commente le professeur Marcel Sendrail, préfèrent reconnaître dans les cas apparemment similaires (aux cas de possession rap­portés dans l’Evangile) les effets de désordres mentaux dépourvus de carac­tère occulte. Il resterait à prouver que cette même hypothèse vaut pour toutes les manifestations psychopathiques sans exception. Depuis deux millénaires, comme le contenu de la pensée prétendue lucide a changé, ont changé aussi les modes de son aliénation et ses modes de perversion. On aimerait au demeurant pouvoir se convaincre que l’histoire de notre temps autorise à nier que s’exercent dans le monde les influences et les sévices d’une puissance maléfique"[9].

Maladie spirituelle ou dépression ?

Enfin, les maladies mentales peuvent aussi être d’origine spirituelle, la folie spirituelle comme l’écrit Jean-Claude Larchet. Il suffit de reprendre un simple exa­men de conscience pour dénombrer les folies spirituelles. La santé spirituelle de l’homme étant définie comme "l’orientation conformément à sa nature, de toutes ses facultés vers Dieu, orientation qui constitue les dispositions vertueuses. La cause première des maladies consiste logiquement pour les Pères dans une rup­ture avec cet état premier, dans une perversion de cet ordre naturel et normal"[10]. L’état déchu de l’humanité résultant du péché originel, est un état de maladie, ou état de folie comme l’écrit saint Paul : "ils sont devenus fous"[11], ou Grégoire de Nysse : "A partir de là, la mortelle maladie qu’est le péché s’installa"[12].

Les deux chapitres consacrés aux folies spirituelles semblent rébarbatifs, mais compte tenu de l’ignorance spirituelle des hommes modernes, ils sont loin d’être inutiles. Son approche devient plus intéressante lorsqu’il traite de la tristesse et de l’acédie qui sont deux maladies spirituelles très proche de la dépression.

La tristesse (lupè) apparaît comme un état de l’âme fait de découragement, d’asthénie, de pesanteur et de douleurs psychiques, d’abattements, de détresse, d’oppression. Cet état a des causes multiples, mais il est toujours constitué par une réaction pathologique de la faculté irascible (thumos) ou/et de la faculté désirante de l’âme (epithumia). Elle se trouve donc essentiellement liée à la concupiscence ou à la colère.

L’acédie, forme plus méconnue, est voisine de la tristesse. Le terme akèdia est repris en latin sous la forme acedia autrement dit paresse ou ennui. L’acédie correspond donc à un certain état de paresse, d’ennui, mais aussi de dégoût, d’aver­sion, de lassitude, et également d’abattement, de découragement, de langueur, de torpeur, de nonchalance, d’assoupissement, de pesanteur du corps et de l’âme, poussant l’homme au sommeil sans qu’il soit réellement fatigué. Ce qui la dis­tingue essentiellement de la tristesse c’est que rien de précis ne la motive.

Ces maladies mentales spirituelles ne sont pas totalement hermétiques ou étrangères aux maladies mentales organiques. N’oublions pas l’unité de la person­ne humaine : un composé d’un corps et d’une âme. Les maladies concernant le mental organique ont donc une connexion nécessaire avec l’âme. Ne disons-nous pas que la volonté est un facteur dominant dans la guérison ? Les médicaments ne sont donc pas les seuls facteurs de guérison. Le malade se bat entre la vie et la mort car il a cette volonté de vivre. Demander un médecin de guérir quelqu’un qui ne le veut pas, la guérison est loin d’être acquise !

Les psychiatres ont donc beaucoup à apprendre sur les maladies spirituelles particulièrement la tristesse et l’acédie car elles peuvent aider à la guérison sans toutefois être un remède absolu puisque certaines maladies mentales organiques se guérissent par voie médicamenteuse : "Alors que les phénomènes d’anxiété et de dépression font dans le monte plus de deux cents millions de victimes, celles-ci ne reçoivent le plus souvent qu’une réponse chimique à leurs maux. Si certains de ces maux ont sans conteste une origine organique et justifiant une telle thérapeutique, la plupart d’entre eux, cela est communément admis, relèvent de ce qu’on appelle couramment "le mal de vivre", autrement dit de problèmes existentiels devant lesquels la psychiatrie classique reste totalement impuissante. Il est clair que ces problèmes renvoient pour une grande part à la sphère spirituelle qu’envisagent les Pères (...) Car elles touchent à une dimension universelle de l’existence humaine, aux difficultés que rencontrent tous les hommes pour harmoniser leur vie intérieure et lui donner un sens, situer leur être et leur activité par rapport à des valeurs dont beaucoup de psychiatres et de psychologues admettent que la dis­parition contribue actuellement à l’accroissement des troubles mentaux et notam­ment de ces phénomènes d’anxiété et de dépression"[13].

L’auteur termine son livre par deux chapitres : l’épreuve de la mort et le salut et la guérison, terminant son travail difficile par une note positive.

Mort où est ta victoire ?

La mort est le début de la vie par les mérites du Christ ressuscitant. Le Christ a combattu la mort, il est ressuscité et nous a ouvert le paradis. La mort est donc une délivrance. Fruit du péché, la mort poussait les hommes à pécher dans le dessein illusoire de l’éviter. Mais avec la Rédemption, "La mort n’est plus à craindre, com­mente saint Jean Chrysostome, la voilà foulée aux pieds ; ce n’est plus un objet de mépris, une chose vile et abjecte, ce n’est plus rien (…) Les hommes d’autrefois, durant leur vie entière, étaient sujets à la crainte de la mort ; ils étaient esclaves ; les hommes d’aujourd’hui, au contraire, sont délivrés de ces terreurs et rient de ce fantôme qui faisait frémir leurs aïeux"[14]. Grâce au Christ, le sens de la mort a radicalement changé : "Par la mort nous sommes devenus immortels".

À cette délivrance de la mort s’ajoute celle des maladies spirituelles. Le Christ est donc un médecin : "dans ses Plaies se trouvent notre guérison", "Il a pris nos infir­mités, Il s’est chargé de nos maladies"[15] prophétisait Isaïe. Cependant il ne faut pas distendre l’unité de la personne humaine : médecin des âmes, le Christ est aussi médecin des corps, il faut souligner ici l’unité du composé humain et "la commu­nauté du destin spirituel de l’âme et du corps en chaque personne"[16]. Finalement, les Pères de l’Eglise considèrent que le Christ est venu guérir tous les hommes malades du péché et de ses suites en tout leur être, corps, âme et esprit. Puissent les médecins soigner leurs malades à l’imitation du Christ.

Notes et références

  1. Le Chrétien devant la maladie, la souffrance et la mort Jean-Claude LARCHET, Cerf, Paris, 2002, 280 p
  2. p.214.
  3. p. 31.
  4. p. 37.
  5. p. 42.
  6. p. 89
  7. p. 73.
  8. p.99.
  9. p. 107-108.
  10. p. 172.
  11. Rm. 1, 21-22.
  12. p. 172
  13. p. 110-111.
  14. p. 217
  15. Is, 53, 15 et 5.
  16. p. 265.
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