La grâce propre du Directeur Spirituel

De Salve Regina

Vie spirituelle
Auteur : P. Garrigou-Lagrange, O.P.

Difficulté de lecture : ♦♦♦ Difficile
Remarque particulière : Extrait du livre Problemi attuati della Direzione Spirituale

C'est un grand honneur pour moi d'avoir été in­vité à traiter, dans cette semaine de spiritualité, de la grâce propre du directeur spirituel dans l'exercice de son ministère. C'est un sujet difficile à plusieurs points de vue. Il est indirectement posé aujourd'hui par cer­tains psychologues qui semblent trouver très impru­dent que, dans l'Eglise catholique, la direction des âmes soit confiée souvent à des prêtres jeunes encore et très peu au courant des sciences psychologiques.

Qu'il y ait là trop souvent une insuffisance de la part de certains directeurs, nous ne le nierons pas, et nous ne voulons pas contester l'utilité, de la psycholo­gie pour la direction spirituelle, mais la mission apo­stolique du prêtre, dans l'Eglise, ne lui garantit-elle pas, s'il est fidèle à tous ses devoirs, y compris l'étude de la psychologie, un ensemble de lumières supérieures et des grâces qui doivent, bien plus encore que la psy­chologie d'ordre naturel, le rendre apte à la direction des âmes, pour les conduire à la perfection chrétienne et à la vie de l'éternité? - Cette réflexion qui m'a été faite par le Père Gabriel de Sainte Madeleine, au­teur du beau livre: S. GIOVANNI DELLA CROCE, di­rettore spirituale, m'a invité à rechercher quelles sont ces grâces et ces lumières dont le directeur a besoin et à quels principes elles se rattachent.

Ce sujet touche à toutes les questions de spiritua­lité, en particulier à celles qui ont été le plus discutées depuis trente ans environ. Je m'efforcerai de dire ex­actement et sobrement ce qu'enseignent les plus grands maîtres qui font autorité, en cherchant sur quoi ils s'accordent. On pourrait noter cet accord en recueillant ce qu'il y a de plus certain sur ce sujet en S. Augustin., S. Bernard, S. Thomas, S. Bonaventure, S. Jean de la Croix, S. François de Sales, S. Ignace, S. Jean Eudes, S. Alphonse, S. Louis-Marie Grignion de Montfort et leurs disciples.

En cette question, comme en toutes choses, il faut d'abord considérer la fin, c'est elle qui éclaire tout le reste.

Quelle est la fin de la direction et qu'exige-t-elle en général ?

Le rappel de ces généralités va nous conduire au nœud du problème.

Il est aisé de montrer la nécessité de la direction spirituelle, surtout à certains moments difficiles de la vie intérieure. Pour faire l'ascension d'une montagne, ne pas se perdre ou tomber dans un précipice, il faut un guide expérimenté et les bons guides se forment de père en fils dans les pays de montagnes. Un guide n'est pas moins nécessaire pour l'ascension spirituel­le du sommet de la perfection. Il faut, dit S. Jean de la Croix, éviter le chemin de l’esprit égaré qui paraît d'abord monter, mais qui ensuite redescend. Et il ne faudrait pas se contenter même du chemin de l'esprit imparfait qui s'arrête à mi-côte et qui n'y arrive mê­me pas. Il faut répondre aux exigences du précepte su­prême: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute tes forces, de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même ». (Deu­tér. VI, 5; Luc X, 27). Selon ces paroles, la perfection de la charité tombe sous le précepte suprême, non pas ut materia, non pas comme une chose à réaliser immédiatement, mais ut finis, comme le but vers lequel tous doivent tendre, chacun selon sa condition, celui-ci dans le mariage, celui-là dans la vie religieuse sans le sacerdoce, tel autre dans le sacerdoce avec ou sans la vie religieuse.

Cette ascension n'est donc pas sans difficulté, ar­dua est; il faut s'élever au dessus du naturalisme pra­tique qui tend toujours à nous reprendre, au dessus de l'esprit de nature, de la paresse spirituelle, par l'esprit de foi, et il faut aussi éviter le faux surnatu­rel, les pièges, les embûches de l'ennemi, qui veut nous tromper sub specie boni, pour nous empêcher de mon­ter. Ici, il n'est pas rare qu'un mieux d'ordre inférieur devienne l’ennemi du bien, par ex. lorsqu'on est plus préoccupé d'être un bon philosophe, un bon exégète, un bon théologien, un bon canoniste, que d'être un bon prêtre, et lorsqu'on donne plus d'attention à ses tra­vaux scientifiques, qu'à la célébration de la sainte messe, et à l'union a Dieu.

Un guide ici est nécessaire, surtout à certains mo­ments difficiles, si l'on a à porter certaines croix de la sensibilité, ou celles de l'esprit.

Ce guide, pour conduire les commençants à de­venir des progressants et ces derniers à devenir par­faits, doit avoir de grandes qualités qui se trouvent bien rarement réalisées ensemble à un degré éminent. Les principales de ces qualités, selon S. François de Sales et la plupart des auteurs spirituels, sont les suivantes: « il faut que le directeur spirituel soit plein de charité, de science et de prudence: si l'une de ces trois parties lui manquent, il y a du danger[1]. Sainte Thérèse parle à peu près de même : « Il est très im­portant, dit-elle, que le directeur spirituel soit éclairé : j'entends qu'il ait un jugement droit et de l'expérience. Si avec cela il est théologien, c'est parfait »[2]. S. Jean de la Croix dit: un bon directeur doit avoir, science, discrétion, et expérience[3].

Quand S. François de Sales demande que le di­recteur ait la science nécessaire à son ministère, il en­tend surtout la connaissance de la théologie qui se sert des sciences d'ordre naturel, par exemple de la psycho­logie, pour s'informer de ce qui est certain ou probable dans leur domaine. Il est sûr que l'étude de la psy­chologie lui est fort utile, en particulier lorsqu'il a à diriger des personnes atteintes de psychasthénie ou de neurasthénie. Il doit connaître aussi quels troubles mentaux proviennent de certaines maladies, par exem­ple du mauvais fonctionnement des glandes endocri­nes, qui peut entraîner quelque confusion mentale avec idées fixes, surtout en certaines périodes de la vie, comme l'âge critique.

Mais le directeur doit connaître principalement la spiritualité, s'être pénétré de la doctrine des grands maîtres de la vie intérieure. Ces diverses connaissan­ces s'acquièrent avec les années et doivent se perfe­ctionner toute la vie. Toute cela est bien certain; il est inutile d'insister ici sur une chose aussi manifeste qu'elle est importante.

La science ainsi comprise ne suffirait certes pas sans une prudence éclairée et sans la charité qui, avec la foi et la confiance en Dieu, donnent le véritable es­prit surnaturel, lequel doit animer toute la direction spirituelle.

La charité du directeur spirituel, tous les auteurs le disent, doit le rendre très désintéressé, et le porter, non pas à s'attacher les coeurs, mais à les conduire vers Dieu; autrement la direction reste stérile et peut tout à fait dévier. Tauler sur ce point est exigeant et dit que certains directeurs qui, d'une façon plus ou moins consciente, attirent les âmes à eux, doivent fai­re leur mea culpa car ils sont comme des chiens de chasse qui mangeraient le lièvre au lieu de le rappor­ter à leur maître. Alors le chasseur les fouaille d'im­portance, et le Seigneur fait de même à l'égard des directeurs trop intéressés. Ce défaut vers lequel il est facile de glisser, peut faire perdre toutes les grâces d'état nécessaires au directeur, parce qu'il a été infidèle à son premier devoir.

Sa bonté charitable doit aussi ne pas dégénérer en faiblesse, elle doit être ferme et ne pas craindre de dire la vérité pour porter efficacement au bien. Le directeur ne doit pas non plus perdre son temps en conversations ou lettres inutiles, mais aller droit au but pour le bien de l'âme.

Toutes ces considérations générales sont si éviden­tes qu'il est inutile d'y insister ici, mais elles sont des plus importantes. Arrivons à des choses plus difficiles.

Le directeur, pour être comme il le faut l'instru­ment du Saint-Esprit, doit discerner avec prudence dans les âmes le défaut dominant à éviter et l'attrait surnaturel à suivre ; il doit distinguer dans les âmes le noir et le blanc; ce n'est pas toujours facile, car le noir a parfois des reflets trompeurs, et le blanc est ca­ché d'abord en certaines ombres. Pour voir clair, le directeur doit souvent demander à Dieu la lumière, surtout dans les cas difficiles où il ne faut pas confon­dre l'obscurité d'en haut avec celle d'en bas.

L'obscurité d'en bas est celle qui vient de l'erreur, de l'incohérence et du désordre de la sensibilité. L'ob­scurité d'en haut est celle qui vient des voies mysté­rieuses de la grâce, parfois d'une trop grande lumière qui fait l'effet de la nuit obscure, dit S. Jean de la Croix. - Si le directeur est humble, et s'il prie bien, il distinguera ces deux obscurités si opposées entre el­les. Il verra aussi de mieux en mieux que les âmes sont parfois très différentes les unes des autres, qu'il doit stimuler les unes et modérer l'ardeur des autres, en leur apprenant à ne pas confondre la sentimenta­lité avec le véritable amour de Dieu affectif et effec­tif, qui se prouve par la fidélité au devoir jusque dans les petites choses.

Il est trop clair que la prudence du directeur doit stimuler les âmes paresseuses, leur faire prendre con­science de leurs défauts, de la nécessité urgente de se corriger et de prier. Puis, lorsqu'il dirige des âmes généreuses, sa prudence doit lui faire éviter deux écueils opposés :

  1. il ne faut pas vouloir porter toutes les âmes pieuses indistinctement et rapidement à se donner à l'oraison contemplative, on porterait ainsi un bon nombre d'entre elles à l'illusion suivie de désenchan­tement et de paresse.
  2. il ne faut pas non plus s'imaginer qu'il est inutile d'examiner la question la contemplation et l'union intime avec Dieu sont elles dans la voie nor­male de la sainteté? On pourrait dans ce second cas, laisser les âmes végéter et devenir des âmes attardées; ce qui arrive hélas très fréquemment.

Il se peut que la majorité des âmes en état de grâce soient, par manque de générosité, des « âmes at­tardées », qui ne sont pas devenues vraiment des « progressantes » à l'heure voulue, qui devait être l'heure de leur seconde conversion.

Tel parait être, en particulier, le jugement du Père Louis Lallemant, qui doit être un des plus grands spirituels de la Compagnie de Jésus par son très beau livre: « La doctrine spirituelle ».

Nous arrivons ici au noeud du problème.

Pour avancer sérieusement et sagement il ne faut le faire ni trop tôt, ni trop tard. C'est sur ce dernier point qu'il parait nécessaire d'insister. - Pour éviter les deux écueils contraires : celui de la précipitation, cause d'erreur, et celui du manque de zèle, il convient de montrer 1. comment la prudence du directeur doit être éclairée par le don de conseil, et 2. quel doit être son zèle pour la gloire de Dieu et la sanctification des âmes qui s'adressent à lui. En d'autres termes, il faut ici un moteur et un régulateur, comme dans un automobile et aussi, parait-il, comme dans notre or­ganisme. Les médecins d'aujourd'hui disent que nous avons dans le cerveau deux glandes à sécrétion inter­ne, l'une motrice, l'autre régulatrice; si la première s'hypertrophie au détriment de la seconde, l'enfant devient un petit prodige qui meurt assez jeune; si c'est l'inverse, l'enfant reste très peu intelligent et n'est jamais un adulte normal. Il y a quelque chose de semblable au point de vue spirituel. Il convient donc de parler du régulateur de la direction (la prudence aidée par le don de conseil), puis de sa force motrice (le zèle surnaturel).

La prudence sacerdotale, le don de conseil et le discernement des esprits

Le directeur doit avoir évidemment la prudence acquise, qui s'acquiert par la répétition des actes et qui mérite déjà d'être appelée «auriga virtutum ». Elle suppose, comme le montre S. Thomas, la rectifi­cation de la volonté et de la sensibilité, et par suite la connexion des vertus morales acquises de justice, de force, de patience, de détachement des choses sensi­bles, d'humilité, de mansuétude etc. La prudence ac­quise décrite par Aristote, «recta ratio agibilium » est déjà quelque chose de très beau, mais cependant elle pourrait toujours grandir sans jamais atteindre le moindre degré de prudence infuse.

Or le directeur doit aussi avoir la. prudence infuse ou surnaturelle, reçue au baptême et qui grandit en nous par nos mérites, par la prière et par les sacre­ments, surtout par la sainte communion.

La prudence infuse est connexe avec toutes les autres vertus infuses, théologales et morales.

De plus chez le prêtre elle doit mériter d'être ap­pelée prudence sacerdotale; celle-ci suppose la charité sacerdotale; l'une et l'autre en tant que sacerdotales dérivent de la grâce sacramentelle du sacrement de l'Ordre.

Le caractère sacerdotal a été accordé au prêtre par l'Ordination pour qu'il accomplisse validement ses fonctions d'ordre surnaturel, la consécration eu­charistique et l'absolution sacramentelle. En même temps la grâce sacramentelle du sacrement de l'Ordre lui a été donnée pour qu'il accomplisse, non pas seu­lement validement, mais saintement et toujours mieux ses fonctions sacerdotales, parmi lesquelles, avec l'absolution sacramentelle, il y a la direction spirituelle pour la sanctification des âmes, pour qu'elles profitent de mieux en mieux elles aussi des sacrements.

La finalité du caractère sacerdotal et celle de la grâce sacramentelle nous éclairent sur leur nature, parce que la fin est la première des quatre causes.

Comme de la grâce sanctifiante dérivent les vertus infuses, ainsi de la grâce sacramentelle de l'Ordre dé­rive la modalité sacerdotale des vertus infuses chez le prêtre.

Cette grâce sacramentelle de l'Ordre est, selon S. Thomas, comme une vigueur spéciale, une modalité particulière de la grâce sanctifiante. Par suite elle gran­dit avec elle comme un trait de la physionomie spiri­tuelle du prêtre; par ex la vie sacerdotale, la charité sacerdotale et la prudence sacerdotale du saint Curé d'Ars étaient beaucoup plus grandes à la fin de son exis­tence qu'au jour de son Ordination. Enfin la grâce sa­cramentelle de l'Ordre donne aussi au prêtre, selon tous les théologiens, un droit à recevoir, s'il n'y met pas d'obstacles, des grâces actuelles toujours nouvel­les, et même toujours plus hautes pour exercer de mieux en mieux, jusqu'à la mort, les actes de son sacerdoce.

Le prêtre est ainsi porté à prier pour les âmes qui lui sont et qui lui seront confiées, à prier aussi pour obtenir toutes les grâces d'état dont il a besoin pour bien s'acquitter de leur direction.

De plus, si tous les fidèles en état de grâce ont les sept dons du Saint-Esprit, le Prêtre surtout le bon directeur spirituel, doit les avoir à un degré supérieur proportionné à sa charité, puisque les sept dons sont connexes avec elle[4], et grandissent avec elle, comme toutes les vertus infuses, comme grandissent ensemble les cinq doigts de la main d'un enfant, dit S Thomas[5]. Tout cela est théologiquement certain.

Dès lors le directeur spirituel, qui doit avoir pour son ministère la prudence acquise et la prudence infuse chrétienne, doit aussi avoir le don de conseil qui a pour but de perfectionner cette vertu, de l'éclairer d'en haut, surtout dans les cas difficiles. Dans ces cas, laissée à elle seule, la prudence même infuse resterait hésitante en ses raisonnements et ne suffirait pas pour notre conduite personnelle, ni pour la direction des autres. Les bons directeurs ont le don de conseil à un degré supérieur, proportionné au degré de leur charité.

Il n'est donc pas rare qu'une inspiration spéciale du don de conseil vienne faciliter le travail de la pru­dence infuse qui se sert elle-même de la prudence acquise. Ainsi une brise favorable facilite le travail des rameurs pour faire avancer une barque. De même chez l'artiste l'inspiration musicale facilite l'exercice de l'art musical, qui est dans la raison pratique, et l'agilité des doigts qui lui est subordonnée. Les trois s'exercent ensemble, per modum unius.

Si la prudence acquise déjà décrite par Aristote est d'argent, la prudence infuse est d'or, et le don de conseil de diamant. Le Saint Curé d'Ars avait le don de conseil à un degré très éminent, et aussi la grâce gratis data du discernement des esprits. C'est ainsi qu'il fût, comme on l'a dit, le génie du confessionnal, au XIXe siècle.

Cette double prudence et ce don de conseil (qui est lui-même sous la direction des dons de science, d'in­telligence et de sagesse) sont nécessaires pour éviter toute erreur dans les choses difficiles, et pour se gar­der de la précipitation dans le jugement. Cette préci­pitation ou empressement naturel conduirait à des con­fusions souvent très regrettables, à confondre la vraie charité avec le sentimentalisme, qui n'est, dans la. sen­sibilité, que l'affectation d'un amour qui n'existe pas assez dans la volonté.

Ces vertus s'exercent sous l'influence d'une grâce actuelle, et les dons sous l'inspiration spéciale du Saint Esprit, qu'un bon directeur doit souvent demander pour le bien des âmes qu'il dirige. Il arrive que chez un très bon directeur la grâce des vertus et des dons soit de dix talents et plus encore.

Pour éviter toute erreur, il faut évidemment bien connaître les règles du discernement des esprits, qui sont comme les normes de la direction, il faut aussi savoir en faire usage.

Ce discernement est quelque fois une grâce gratis data comme on le voit chez le saint curé d'Ars, chez S. Jean Bosco. Mais cette grâce exceptionnelle n'est pas indispensable; on peut arriver à ce sage discerne­ment pour bien distinguer l'esprit de Dieu, de celui de nature qui a parfois son lyrisme, et de celui du démon qui se transforme certains jours en ange de lumière. Ces règles dérivent toutes du principe donné par Notre­ Seigneur: « on juge de l'arbre à ses fruits ». Les fruits ici ce sont surtout les vertus d'obéissance, d'humilité, de chasteté, de patience, de foi, de confiance en Dieu, d'amour de Dieu et du prochain. Saint Ignace a très clairement et de façon très pratique exposé ces règles dans ses « Exercices Spirituels ». Si on le lit attentive­ment, on discerne assez facilement ces trois esprits : on voit que l'esprit de nature, qui a ses enthousiasmes passagers, cherche le plaisir dans la vie de piété et l'apostolat, puis se décourage devant les premières épreuves et ne veut pas entendre parler de 1a mortifi­cation, de la croix, de la vraie humilité. Il en reste à 1'égoïsme, qui plus ou moins consciemment rapporte tout à soi, ou à l'egotisme, à l'habitude de se mettre sans cesse en avant, au sentiment exagéré de sa per­sonnalité, à propos même des choses en apparence les plus désintéressées.

L'esprit de nature est ainsi indifférent à la gloire de Dieu et à la sanctification des âmes. Son enthousias­me passager n'est qu'un feu de paille de quelques, instants. -S. Ignace montre aussi que l'esprit du démon, sous des dehors de pénitence, de modestie, ou de zèle extérieur, porte à l'orgueil intellectuel et spirituel et finalement au découragement et au désespoir.

Seul l'esprit de Dieu, par la voie de l'humble obéis­sance et de l'abnégation progressive, nous fait vivre profondément des trois vertus théologales qui nous unissent à Lui. La prudence sacerdotale aidée par le don de conseil discerne assez facilement ces trois es­prits[6].


Pour éviter ici toute erreur de direction, il faut se garder de la précipitation dans le jugement. Au dé­but d'une ascension, l'enfant voudrait courir; mais au bout d'un kilomètre il serait à bout de force et devrait renoncer à l'ascension. Pour la faire, il faut marcher au pas lent, mais têtu du montagnard qui va effective­ment jusqu'au sommet.

Il ne faut pas brûler les étapes, par empressement excessif, mais se dire que si la fin est première dans l'ordre d'intention, elle ne s'obtient qu'en dernier lieu. Il ne suffit pas de l'admirer et de la désirer, il faut passer à l'ordre d'exécution et employer d'abord les moyens les plus modestes, par la fidélité jusque dans les petites choses, pour s'élever progressivement aux moyens supérieurs qui comportent une grande abné­gation, comme les mystères douloureux dans la vie de Jésus.

Il ne faut surtout pas simuler avant l'heure une oraison élevée comme le faisaient les quiétistes, qui ap­pliquaient à leur passivité acquise par la cessation des actes, ce que disent les saints de la passivité infuse qui résulte d'une inspiration spéciale du Saint-Esprit.

Par la confusion de ces deux passivités si diffé­rentes l'une de l'autre, ils supprimaient l'ascèse chré­tienne d'un trait de plume, et n'arrivaient qu'à une caricature de la vraie mystique. Il est clair, en effet, que la cessation volontaire des actes intérieurs ne fait que simuler avant l'heure une passivité infuse qui n'a pas encore été accordée. La somnolence des quié­tistes n'était que le simulacre de l'oraison infuse de quiétude, d'où le nom de quiétisme, ou abus de cette oraison passive, comme le philosophisme est l'abus de la philosophie.

Pour passer de la méditation discursive à la con­templation infuse initiale, il ne faut le faire ni trop tôt, ni trop tard. Mais le directeur doit bien exami­ner s'il y a oui ou non, en la personne qu'il dirige, les trois signes indiqués par S. Jean de la Croix dans la Nuit Obscure, L. I ch. 9 » :

  1. Ne trouver aucun goût ou saveur ni dans les choses terrestres, ni dans les choses divines pro­posées par l'intermédiaire des sens et du raisonnement.
  2. Se souvenir de Dieu avec sollicitude et un vif désir de la perfection, tout en craignant de reculer.
  3. Avoir grande difficulté à méditer de façon discursive avec le concours de l'imagination, mais être incliné à un simple regard aimant vers Dieu, ce qui montre, dit le Saint, que le Seigneur « commence à se communiquer par un acte de simple contempla­tion » à laquelle l'imagination et le discours ne peu­vent atteindre.

Ces trois signes, déjà imparfaitement indiqués par Tauler[7], demandent à être bien étudiés et ensuite ap­pliqués avec un sûr discernement. Ici la prudence sa­cerdotale aidée par le don de conseil et éclairée par l'étude des maîtres de la spiritualité se garde de la précipitation ou empressement.

Mais la prudence n'est pas une vertu négative qui porterait surtout à ne pas agir, à ne rien entreprendre pour éviter les ennuis qui surviendraient. La prudence doit délibérer lentement, mais quand la résolution est prise sous la lumière du Saint-Esprit, il faut en venir promptement à l'exécution, autrement les cir­constances changent et les occasions se perdent[8].

La prudence est une vertu positive qui nous fait avancer dans la voie de Dieu et y persévérer; elle se concilie ainsi parfaitement avec le zèle qui est l'ardeur de la charité.

Quel doit être le zèle du directeur pour la sanctification des âmes qui s'adressent à lui ?

Et quelles sont les grâces dont il a besoin à ce point de vue? Quelles sont celles qu'il doit demander et qu'il obtiendra s'il est fidèle?

Il ne doit pas seulement se garder de la précipi­tation pour éviter toute erreur, Il doit avoir le zèle de la gloire de Dieu et du salut des âmes, de leur per­fection. Ce zèle, pour être l'ardeur de la charité suppose un grand esprit de foi et de confiance en Dieu. Il faut qu'il y ait dans un bon directeur, au dessus de sa prudence surnaturelle, le grand souffle des ver­tus théologales, et des dons qui les accompagnent, les dons de sagesse, d'intelligence, de science, de piété.

Saint Thomas a bien montré la nécessité de ces dons surtout pour les cas difficiles. S'ils sont nécessaires aux simples fidèles pour progresser véritable­ment, à plus forte raison. sont-ils nécessaires au prê­tre chargé de diriger les âmes.

Les grands spirituels nous disent en expliquant ces paroles de Jésus en S. Jean VII, 37: « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ». On lit à ce sujet dans le DIALOGUE de Ste Catherine de Sienne, ch. 53 & 54, (c'est le Seigneur qui parle) : « Ma vérité vous a tous généralement et particulièrement appe­lés lorsque mon Fils, plein d'un ardent désir, criait dans le temple: « Que celui qui a soif vienne à moi et qu'il boive », car je suis la fontaine d'eau vive de la grâce... Vous devez persévérer jusqu'à ce que vous me trouviez, moi qui vous donne l'eau vive... Il faut d'abord avoir soif, il n'y a d'invités que ceux qui ont soif, puisqu'il est dit : « Celui qui a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ». Celui qui n'a pas soif ne saurait persévérer, il se laissera arrêter par les fatigues ou le plaisir.... il retournera en arrière dès qu'il rencontre­ra la persécution... Le désir de l'âme lui donne soif de la vertu, de mon honneur, du salut des âmes ... elle arrive à la lumière de l'intelligence et contemple l'amour infini que je vous ai montré dans mon Fils crucifié. Alors elle trouve le repos et la paix…, elle s'emplit jusqu'au bord de ma charité… Elle goûte l'eau vive qui se trouve en moi, l'océan de la paix ».

Ste Thérèse parle exactement de même dans le CHEMIN DE LA PERFECTION, au ch. XIX: « Comme le Seigneur dit sans restriction : Venite ad me omnes, Math: XI, 28, je regarde comme certain que tous ceux qui ne resteront pas en chemin recevront cette eau vive. Daigne Celui qui nous la promet, nous donner sa grâce pour la chercher comme il faut ». Et elle ajoute, ibid. ch. XXI, « Ce qui est d'une importance capitale, c'est d'avoir la résolution ferme, une déter­mination absolue, inébranlable, de ne s'arrêter point qu'on n'ait atteint la source, quoi qu'il arrive ou puisse survenir, quoi qu'il en puisse coûter » S. Bonaventure, Tauler, S. Jean de la Croix, S. François de Sales, le P. Lallemant parlent de même.

S. Jean de la Croix en tire plusieurs conclusions pour les directeurs qui ne doivent pas oublier la gran­deur du Sacerdoce et de l'apostolat. Ils doivent être fidèles à leur propre grâce de directeur, et ne pas s'en tenir, par routine à des procédés mécaniques en les appliquant indistinctement aux commençants, aux progressants et aux avancés. A ce compte la vie inté­rieure de leur dirigés perdrait sa vitalité, et devien­drait elle-même une routine machinale qui n'est que le cadavre de la vraie vertu, tandis que le vraie vertu acquise ou infuse donne d'agir toujours plus prompte­ment, plus généreusement avec une sainte joie au moins au sommet de l'âme.

Saint Jean de la Croix dit, dans son très beau li­vre: VIVE FLAMME D'AMOUR, strophe III, vers. 3, n° 42, 43, 44, 46 : « Il importe grandement que l'âme qui veut s'avancer dans le recueillement et dans la perfection prenne garde entre les mains de qui elle se met, parce que tel sera le maître, tel sera le disciple; tel père, tel fils. Car outre qu'il doit être savant et dis­cret, le directeur a besoin d'avoir de l'expérience, par­ce que ... s'il n'a pas l'expérience de ce qui est le pur et vrai esprit, il n'arrivera jamais à mettre l'âme dans le chemin, quand Dieu l'y attire, et même il ne l’en­tendra pas (il ne verra pas en elle l'attrait de Dieu). De cette façon, bien des maîtres spirituels font beaucoup de dommages à maintes âmes. Car, comme ils n'entendent pas les voies et propriétés de l'esprit, ils font perdre ordinairement aux âmes l'onction avec laquelle le Saint-Esprit les dispose (à l'union divine)… Ils ne veulent pas laisser aller les âmes (encore que Dieu les veuille élever) au delà des commencements et des manières de discourir et d'exercer l'imagination qu'ils connaissent ». Ils confondent les « goûts spiri­tuels » avec « les consolations sensibles » et disent qu'il ne faut pas s'y arrêter. Ils pourraient confondre une vertu théologale: la charité, avec le sentimenta­lisme, ce qui serait une grosse erreur.

Le directeur, selon la grâce qui lui est propre, doit éclairer les âmes sur leurs défauts inconscients, sur ce que le Seigneur demande d'elles, et il doit les exhorter à traverser courageusement les purifications plus ou moins douloureuses de la sensibilité et de l’esprit. Il ne doit donc pas donner les mêmes conseils aux commençants et aux avancés ; il ne peut deman­der à ces derniers de suivre encore dans leur oraison une méthode utile au début, mais qui les a déjà con­duits à une prière mentale moins discursive, plus sim­ple, plus élevée et plus fructueuse. Lorsque les enfants savent, déjà lire, il ne faut plus les obliger à épeler, à compitare.

Le directeur doit très bien connaître les défauts des commençants, la gourmandise spirituelle, la vanité spirituelle, la recherche inconsciente de soi dans l'ac­tivité, et finalement la paresse spirituelle. Il doit leur faire voir que ces défauts nécessitent une seconde con­version, par la purification profonde de la sensibilité, au milieu d'une sécheresse qu'il faut bien accepter, pour être guéri de la gourmandise spirituelle et de la vanité.

Le directeur doit très bien connaître aussi les défauts des avancés, l'attache excessive à leur jugement propre, et, suivant les tempéraments, l'autoritarisme ou au contraire la faiblesse qui laisse tout faire; défauts d'autant plus difficiles à guérir que ces avancés le prennent trop souvent pour des qualités. D'où la nécessité de la purification profonde et passive de l'es­prit ou des facultés supérieures de l'âme. Le directeur ne doit pas craindre de montrer la nécessité de la forte lessive de la purification passive de l'esprit, et des croix qui généralement l'accompagnent. Elles sont plus nécessaires que nous ne le pensons d'habitude. Elles sont un purgatoire anticipé, et il vaut mieux le faire avant de mourir en méritant que de le faire après la mort sans mériter. Ainsi parle en substance S. Jean de la Croix[9].

Avant lui Tauler énonce assez souvent les mêmes maximes[10]. Par là le directeur rend les âmes dociles au Saint-Esprit, dont il doit être l'instrument.

Cela se confirme par ce principe très élevé for­mulé en passant, par Saint Thomas, dans un éclair qui fait pressentir la loi de la gravitation universelle étendue aux âmes. Il dit dans son Commentaire de­ l'Epitre aux Hébreux, X, 25: « Comme ,les corps tom­bent d'autant plus vite qu'ils se rapprochent du centre de la terre, les âmes en état de grâce doivent se por­ter d'autant plus promptement et généreusement vers Dieu, qu'elles se rapprochent davantage de Lui et qu'elles sont plus attirées par Lui ». C'est pourquoi les der­nières années de la vie des Saints manifestent en eux un progrès notablement plus rapide que dans les premières. Leur vieillesse est une marche accélérée vers l'éternelle jeunesse du ciel.

D'après cette loi supérieure de la vie de la grâce, chacune de nos communions devrait être, non pas sensiblement, mais spirituellement, substantiellement plus fervente que la précédente, parce que chacune doit augmenter en nous la charité et nous disposer ainsi normalement à une meilleure communion pour le lendemain.

Conclusion

La grâce propre du directeur spirituel, s'il y est fidèle, le conduira donc à concilier la prudence, qui évite la précipitation, source d'erreur, avec le zèle sur­naturel dont nous venons de parler. Il doit souvent prier pour cela.

Mais pour arriver à cette conciliation il convient grandement d'avoir une grande dévotion à Marie com­me l'explique admirablement S. Louis Marie Grignion de Montfort. Elle est en effet d'une part Virgo prudentissima, Mater boni consilii, d'autre part elle a le plus grand zèle de la gloire de Dieu et du salut des âmes.

Marie, dit cet aimable Saint[11], est comme le moule où se ferment les élus. Un sculpteur, remarque-t-il, peut faire une statue de deux manières:

  1. avec un ciseau en se servant d'une matière dure et informe,
  2. en faisant usage d'un moule parfait.

La première manière est longue et difficile, sujette à beaucoup d'accidents il ne faut souvent qu'un coup de ciseau ou de marteau donné mal à propos pour gâter tout l'ouvrage. La seconde manière est prompte, facile et douce, presque sans peine et sans dépense; pourvu que le moule soit parfait et la matière bien ­maniable[12]. «Or Marie est le grande moule de Dieu, fait par le Saint-Esprit pour former au naturel un Dieu-Homme par l'union hypostatique, et pour former un homme-Dieu par la grâce... Quiconque est jeté dans ce moule et se laisse aussi manier, y reçoit tous les traits de Jésus-Christ, d'une manière proportionnée à la faiblesse humaine, d'une manière sûre, sainte et immaculée ».

« Oh! qu'il y a de différences, ajoute ce saint, entre une âme formée en Jésus-Christ par la premiè­re manière par des sculpteurs qui s'appuient sur leur industrie, et une âme bien maniable, bien déliée, bien fondue, qui, sans appui sur elle-même, se jette en Ma­rie et s'y laisse manier par l'opération du Saint­-Esprit». Il est vrai que le directeur n'arrivera pas sans une grande abnégation à une union très intime avec la Sainte Vierge.

Pratiquement il faut demander à la Mère de Dieu et de tous les hommes de nous conduire par sa pru­dence toute maternelle qui ne nous donnera pas à porter plus que nous ne pouvons, et de nous conduire aussi avec son zèle, pour nous faire donner au Sei­gneur tout ce qu'il attend de nous.

Ainsi nous concilierons une sage lenteur dans la délibération, avec le zèle qui doit non seulement exis­ter en nous, mais qui doit grandir en nous jusqu'à la mort.

Pour cela, selon S. Louis Marie de Montfort, il convient de demander à Marie Immaculée de bien vouloir offrir quotidiennement à son Fils tous les actes­ bons qu'il attend de nous et aussi toutes les contra­riétés petites ou grandes qui nous arriveront, pour que, au moment où elles viendront, nous les accep­tions chrétiennement et les offrions nous-mêmes au Seigneur, pour féconder notre apostolat et n'être pas trop inférieurs à notre vocation sacerdotale et aux besoins surnaturels des âmes.

De la sorte notre direction procédera de la grâce spéciale qui nous est donnée pour ce ministère, elle évitera et l'empressement naturel et le manque de générosité; elle sera dès lors plus éclairée, plus sûre, plus surnaturelle, plus fructueuse pour le prochain et aussi pour nous; dès lors nous nous sanctifierons par l'exercice même de notre ministère.

Pour finir rappelons un principe auquel il convient de recourir pour fortifier les âmes éprouvées, parfois très tentées contre la foi ou contre l'espérance. C'est le principe formulé par S. Augustin et cité par le Concile de Trente: « Dieu ne commande jamais l’impossible, mais, en nous donnant ses préceptes, il nous avertit de faire ce que nous pouvons, de demander la grâce pour ce que nous ne pouvons pas, et il nous accorde cette grâce pour que nous le puis­sions »[13].

Le Seigneur nous dit: « Convertissez-vous vers moi et moi je me tournerai vers vous. Convertimini ad me et ego convertar ad vos » (Zacharias I. 3).

Tous les pécheurs seraient sauvés, s'ils répon­daient du fond du coeur comme Jérémie: « Converte nos, Domine, ad te, et convertemur. Convertissez-nous, Seigneur, et nous serons convertis. Faites nous revenir et nous reviendrons ». (Cf. Lamentations de Jérémie V. 21).

C'est l'expression scripturaire très belle du mys­tère de la grâce, expression dont la simplicité supé­rieure dépasse toutes nos explications théologiques comme la circonférence dépasse le polygone inscrit en elle. Ici le vrai, le beau et le bien s'unissent dans la vie de la grâce qui se laisse entrevoir comme la par­ticipation de la vie intime de Dieu[14].

Bibliographie

Voir surtout les oeuvres de Tau­ler, de Sainte Catherine de Sienne, de Saint Ignace, de Saint Jean de la Croix, de Sainte Thérèse, de Saint François de Sales, du Père Louis Lallemant, de Saint Louis Marie Grignion de Montfort, en particulier aux passages de ces auteurs spirituels qui sont cités en cette conférence.

Notes et références

  1. Introd. à la vie dévote, I°Partie, ch. IV.
  2. Autobiographie, ch. XIII.
  3. Vive flamme d'amour, strophe III, vers. 3.
  4. cf. S. Thomas Ia, IIae, q. 68, a. 5.
  5. Ia, IIae, q. 66, a. 2.
  6. Il convient de lire sur ce point le P. Louis Lallemant S. J. la doctrine spirituelle; c'est au XVII° siècle, un des meil­leurs livres qui aient été écrits au point de vue pratique sur les dons du S. Esprit. Il convient donc que les directeurs, li­sent les pages excellentes sur le don de conseil et sur le di­scernement des esprits: IVe principe, ch. IV, a. 4; ch. VI, a. I-6. Voir ibidem, le Principe, ch. VI, a. 1: Avis pour un di­recteur des jeunes religieux qui sortent du noviciat. Comment il doit les porter à une grande pureté de conscience, les éclai­rer, les encourager, leur inspirer l'esprit de pénitence, les maintenir dans un grand denûment de toutes choses, les occuper avec une telle modération qu'ils ne se jettent pas dans l'empresse­ment de l'étude et qu'ils n'aient pas trop de loisir; qu'ils évitent toute amitié particulière et qu'ils aient un grand res­pect et beaucoup de déférence les uns pour les autres.
  7. Cf. Institutions (recueil fait par les disciples de Tauler), ch. 35.
  8. Cf. P. L. LALLEMANT, op. cit, chapitre sur le don de conseil.
  9. Si l'on consulte, au mot directeur, l'index des Oeuvres spirituelles de Saint Jean de la Croix, trad., fr. du P. Cyprien de la Nativité de la Vierge, revue par le P Lucien-Marie de S. Joseph, Desclées de Brouwer 1949, on voit que selon ce grand Saint, un bon directeur doit avoir science, discrétion, expérien­ce; ce qui est rare - les directeurs doivent se considérer com­me de simples instruments, se contenter de disposer les âmes à l'action divine, sans présomption, sans jalousie, sans les dé­tourner de se retirer du monde quand Dieu les y pousse. Ils sont parfois des aveugles qui égarent les âmes. Les mauvais ne resteront pas sans châtiment. Les directeurs ne doivent pas resserrer les âmes, ni gêner leur liberté. Ils ne doivent pas mépriser ce que les âmes peu­vent recevoir par voie surnaturelle imaginaire, ni s'en étonner ou scandaliser, mais les instruire doucement à détourner leurs yeux de tout cela.
  10. Cf. Sermons de Tauler, trad. fr. Hugueny, Théry et Co­rin, Éditions de la Vie Spirituelle, 1935, voir en particulier, t. I, p. 287-301: L'homme doit mourir à lui-même pour, arriver à l'union à Dieu. S'il ne meurt pas, il gâte tout; il gâte même la résignation qui n'est rien, si elle n'est que stoïcisme fondé sur l’orgueil de la nature. Pour arriver à l'union intime avec Dieu, il y a trois chemins. Le premier est le bon gouvernement de toute notre vie. Le second est la contemplation de Notre-Sei­gneur. D'où, au troisième degré, le Christ nous tire jusqu'à la contemplation immédiate de Dieu. Epreuves par lesquelles commencement ce 3e degré, T. I, p. 263.
  11. Le secret de Marie, ch. V.
  12. Celle-ci peut être très variable, argile, stuc, bronze fondu, comme très différentes sont les âmes à former.
  13. Cf. Denz. 804 « Deus impossibilia non jubet, sed jubendo monet, et facere quod possis, et postulare quod non possis et adjuvat ut possis: cuius mandata gravia non sunt (I Jo., V, 3), cujus jugum suave est et onus leve (Mt., XI, 30). Cf.. S. Aug. De Natura et gratia, c.43, n. 50. S. Thomas dit équivalemment : « Ponuntur quatuor conditio­nes, quibus concurrentibus, semper aliquis impetrat quod petit, ut scilicet pro se petat, necessaria ad salutem pie et perseve­ranter » IIa-IIae, q. 83, a. 15 ad 2m.
  14. A ces hauteurs les plus spirituels des molinistes com­mencent à se réconcilier avec les thomistes, avant de le faire plus parfaitement dans l'autre vie, surtout dans la pleine lu­mière du ciel.
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