La possibilié de l'Incarnation

De Salve Regina

Christologie
Auteur : P. Réginald Garrigou-Lagrange, O.P.
Source : Revue Angelicum 30, pp337-346
Date de publication originale : 1953

Difficulté de lecture : ♦♦♦ Difficile

La possibilité de l’Incarnation sans aucune déviation panthéistique

Ce problème examiné par beaucoup de théologiens dans l’introduction de leur traité de l’Incarnation tend toujours à reparaître et a reparu ces derniers temps en des objections contre le thomisme classique. Nous voudrions seulement rappeler ce qu’en disent S. Thomas et ses meilleurs commentateurs. Redisons 1° pourquoi la possibilité de l’Incarnation ne peut être démontrée, 2° en quoi consisterait ici la déviation panthéistique, 3° comment Saint Thomas évite cette déviation.


1.La possibilité de l’Incarnation dépasse la sphère du démontrable.

Selon la Révélation, l’Incarnation est l’union, en la personne du Verbe, de sa nature divine et de la nature humaine : union non pas accidentelle par la connaissance et l’amour, comme dans les bienheureux, mais union substantielle ou hypostatique en la personne du Verbe fait chair, de telle sorte qu’il n’y a en lui qu’un seul moi, une seule personne, la deuxième personne de la Sainte Trinité. Si bien que Jésus a pu dire : « Avant qu’Abraham fut je suis ». « Je suis la voie, la vérité et la vie » ; non seulement j’ai infalliblement la vérité, mais « je suis la vérité et la vie », ce que Dieu seul peut dire, comme lui seul peut dire : « Je suis l’Etre même ».

C’est là un mystère essentiellement surnaturel, supérieur non seulement à tout l’ordre naturel, à toute nature créée et créable, à la vie naturelle des anges les plus élevés, mais supérieur à l’ordre de la grâce et de la gloire, qui est une participation de la nature divine ou de la vie intime de Dieu. L’Incarnation constitue un ordre à part : l’ordre hypostatique, car elle est l’union de l’humanité du Sauveur à sa personne incréée et par suite à la nature même de Dieu, telle qu’elle est en soi.

Saint Paul, Ephes, III, 9, dit que l’Incarnation est un « mystère qui avait été caché depuis le commencement en Dieu », « sacramentum absconditum a saeculis in Deo ». Les Conciles parlent d’elle comme d’un secret impénétrable cf. XI Concile de Tolède, Denz. 282, 284, 285.

L’Eglise enseigne contre les semirationalistes que, même après avoir été révélés, les mystères essentiellement surnaturels ne peuvent être démontrés par les principes de la raison naturelle, cf. Denz. 1669-1671. Et il ne s’agit pas seulement de l’existence de ces mystères, mais de leur possibilité qui elle même appartient à l’ordre essentiellement surnaturel ; ce qui est essentiellement surnaturel dans l’ordre de l’être, l’est aussi dans l’ordre de la connaissance, car le vrai, c’est ce qui est, « verum et ens convertuntur »[1]. Aussi le Concile du Vatican (Denz. 1816) a-t-il défini : « Si quis dixerit in revelatione divina nulla vera et proprie dicta mysterio contineri, sed universa fidei Dogmata posse per rationem rite excultam e naturalibus principiis intelligi et demonstrari, anathema sit ». La possibilité du miracle est démontrable, on peut prouver par la seule raison qu’il ne dépasse pas la puissance de Dieu auteur de la nature et des lois naturelles, mais l’Incarnation n’est pas seulement un miracle, elle est aussi un mystère proprement dit et d’un ordre à part[2].

La possibilité de l’Incarnation ne peut être ni apodictiquement prouvée, ni improuvée, on ne peut démontrer que l’Incarnation est absurde et impossible. La théologie donne des raisons probables de sa possibilité, et montre que les objections contre elle sont ou bien manifestement fausses ou non démonstratives. S. Thomas dit in Boetium de Trinitate, q.II.a.3, « sive ostendendo ea (quae dicuntur contra fidem) esse falsa, sive ostendendo ea non esse necessaria ».

En d’autres termes la possibilité de l’Incarnation dépasse la sphère du démontrable, nous sommes ici en plein mystère essentiellement surnaturel et même d’ordre hypostatique. Dès lors la théologie peut bien proposer ici des raisons de convenance, qui peuvent être toujours approfondies par les intelligences créées, mais qui ne constitueront jamais un argument apodictique, tout comme les côtés du polygone inscrit dans la circonférence peuvent être toujours multipliés et jamais le polygone ne sera la circonférence, jamais le côté du polygone, si petit soit-il, ne sera un point. Nous sommes donc dans un domaine des plus difficiles.


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2. Quelle pourrait-être la déviation Panthéistique ?

C’est celle dont, parle S. Thomas, 1a q.3, a.8 : « Certains ont pensé que Dieu est l’âme du monde », cf. S. Augustin, De Civ. Dei, 1.VII, c.6. D’autres ont soutenu que Dieu est le principe formel de toutes choses, « Et haec dicitur fuisse opinio Almarianorum », sans parler de David de Dinant qui d’une façon insensée prétendit que Dieu est la matière première. Saint Thomas répond : « Toutes ces opinions sont manifestement fausses, il n’est pas possible que Dieu vienne en composition d’une réalité, soit comme principe formel, soit comme principe matériel ». Il ne peut être que cause extrinsèque des choses, soit cause efficiente, soit cause finale. Il est manifeste que Dieu, requis comme cause première, ne peut être la matière première, car Dieu, pour être cause première doit être souverainement en acte, tandisque la matière première ne contient qu’en puissance les formes qui peuvent en être éduites.

Dieu ne peut être non plus la forme qui est partie d’un composé, car cette forme est participée, et ce qui est participé est moins parfait que ce qui est par soi, et même moins parfait que le composé dont il fait partie[3].

De plus tout composé demande une cause et en dernière analyse une cause souverainement simple. Dieu est au dessus de tout composé à titre de cause absolument simple et immuable tandisque le monde et tout être créé est composé et changeant. [4]

Si donc, dans l’union hypostatique, le Verbe était forme informante de l’humanité du Sauveur il ne serait pas incréé, et au moins dans un cas le panthéisme d’Amaury de Bène serait réalisé


3. Comment Saint Thomas évite-t-il cette déviation Panthéistique ?

On le voit dans sa Somme théologique, traité de l’Incarnation IIIa. q.16, a., ad2m. en réponse à cette objection : « Fieri hominem est mutari ; sed Deus non potest esse subiectum mutationis, secundum illud Malachiae III, « Ego Dominus et non mutor » ; ergo videtur quod haec sit falsa : Deus factus est homo ».

Il répond : « Ea quae relative (et non absolute) dicuntur, possunt de novo praedicari de aliquo absque eius mutatione, sicut homo de novo fit dexter absque sui mutatione per motum illius, qui fit ei sinister. Unde in talibus non oportet, omne quod dicitur fieri, esse mutatum ; quia hoc potest accidere per mutationem alterius. Et per hune modum Deo dicimus « Domine, refugium factus est nobis » Ps.89. Esse autem hominem convenit Deo ratione unionis, quae est relatio quaedam, Et ideo esse hominem praedicatur de novo de Deo absque eius mutatione per mutationem humanae naturae, quae assumitur in divinam personam. Et ideo cum dicitur Deus factus est homo non intelligitur aliqua mutatio ex parte Dei, sed solum ex parte humanae naturae ».

Lorsqu’on dit : Dieu s’est fait homme, on ne veut pas affirmer qu’il y a eu un changement en Dieu mais seulement en la nature humaine qu’a été assumée par lui[5].

De même lorsque nous disons : « le soleil est vu par nous » c’est par suite d’un changement non pas en lui, mais en nous dont la vue est passée de la puissance à l’acte et se termine au soleil. Le soleil n’est pas forme informante de notre acte de vision, mais il en est le terme[6]. De même lorsqu’on dit : « Dieu est vu par les bienheureux » Dieu n’est pas forme informante et participée de l’intelligence des bienheureux, mais il est le terme, l’objet qui termine leur vision immédiate, comme l’explique S. Thomas Ia. q.12, a.2 et ses commentateurs.

Cet exemple de l’ordre de la connaissance éclaire par analogie l’union hypostatique qui est dans l’ordre de l’être. Comme Dieu vu face à face peut sans imperfection terminer la vision du bienheureux, ainsi le Verbe fait chair peut sans imperfection terminer personnellement l’humanité de Jésus et la posséder. Il est forme terminante, et non pas informante.

S’il était forme informante, il serait participé et donc il ne serait plus Dieu ; il serait aussi moins parfait que le composé dont il ferait partie. On reviendrait ainsi au panthéisme d’Amaury de Bène. Il n’en est rien si le Verbe termine seulement l’humanité de Jésus dans l’ordre de l’être comme l’essence divine clare visa termine la vision immédiate des bienheureux dans l’ordre de l’intelligibilité[7].

Mais nous sommes et plein mystère, et cette possibilité ne peut se démontrer par la seule raison, elle dépasse même les forces naturelles des intelligences angéliques les plus élevés. Nous sommes ici en présence d’un clair-obscur qui n’a au dessus de lui, que celui de la Sainte Trinité[8].


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Il n’est pas surprenant qu’une difficulté reste. On dira : Mais le Verbe n’est pas seulement terme de l’humanité du Sauveur, il en est le sujet ; il a cette humanité qui lui est attribuée comme a son sujet.

Les Thomistes ont toujours répondu : Le Verbe n’a pas cette humanité « réceptive » comme un sujet qui la reçoit, comme la matière reçoit la forme, et la substance créée reçoit les formes accidentelles. Le Verbe a cette humanité personaliter et terminative ; il n’y a pas en lui une puissance passive capable de la recevoir, mais il la termine personnellement ; un peu comme le point culminant d’une pyramide termine les lignes qui s’élèvent vers lui, un peu comme le soleil termine nos regards, un peu comme un grand orateur termine et captive l’attention de ses auditeurs, ou encore comme le corps du Christ termine toutes les transsubstantiations qui fondent sa présence réelle en telle et telle hostie consacrée. C’est toujours la même réponse. Le Verbe fait chair ne peut être forme informante de l’humanité de Jésus, ni le sujet informé par cette humanité, mais il la termine personnellement et la possède pour toujours. La personnalité par rapport à la nature, est comparable au point indivisible qui termine une ligne, ou au sommet d’une pyramide, ou encore au terme captivant de notre vision, de notre attention[9].


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On fera une instance en disant : Ce qui est extrinsèque à quelqu’un, ne peut lui devenir intrinsèque que s’il est reçu en lui. Or la nature humaine est en elle même extrinsèque au Verbe. Donc elle ne peut lui devenir intrinsèque, lui être attribuée comme à un sujet, que si elle est reçue en lui ; la difficulté reste.

Les meilleurs commentateurs de S. Thomas répondent : il suffit d’une termination intrinsèque, comme le point est terme intrinsèque de la ligne, et comme le sommet de la pyramide la termine intrinsèquement par en haut. De la sorte le Verbe est le terme intrinsèque de l’humanité assumée, mais il n’est pas reçu en elle comme une forme informante qui serait participée, et il ne la reçoit pas à raison d’une puissance passive qui serait en lui.

Ces réponses montrent que les objections contre la possibilité indémontrable de l’Incarnation, sont ou bien manifestement fausses, ou bien non démonstratives.

N’oublions pas que nous sommes en plein mystère dont la possibilité intrinsèque ne peut être ni prouvée ni improuvée ou rejetée.

Tout le traité de l’Incarnation manifeste progressivement, que Dieu ne peut être cause formelle d’une créature, qu’une personnalité divine ne peut jouer le rôle (supplere vices) d’une personnalité créée, à titre de forme informante mais comme terme, ou perfection terminative. Une forme informante est en effet participée, et donc moins parfaite que Dieu, et moins parfaite que le composé dont elle est partie. Par opposition une perfection terminative n’est pas la partie d’un tout, mais elle attire à soi autre chose qu’elle, trahit aliud ad se ; et donc elle n’implique pas d’imperfection, mais plutôt elle communique sa perfection, ici par une diffusion très mystérieuse qui ne peut se démontrer rationnellement, ni être rejetée. Ainsi l’essence divine termine la vision de tous les bienheureux, captive leur attention et leur amour. De même dans l’ordre de l’être le Verbe fait chair termine et captive l’humanité du Christ qu’il a assumée. Une très haute vérité bien saisie possède notre esprit, plus qu’elle n’est possédée par lui. On peut dire d’un grand thomiste : il possède la doctrine de S. Thomas, et il est plus encore captivé, possédé par elle. Cette haute vérité domine cette intelligence, beaucoup plus que celle ci ne la domine.

Ainsi le Verbe incarné domine l’humanité de Jésus, il la domine ontologiquement et en suite comme objet souverainement captivant de contemplation et d’amour.

Bref, le Verbe, par rapport à l’humanité du Christ, n’est pas un sujet qui à proprement parler la reçoit (il serait ainsi comme une puissance passive vis à vis d’elle) ; il n’est pas non plus un forme informante et reçue (il serait ainsi moins parfait que le tout, que le Christ complet), mais il est par rapport à elle une perfection qui la termine comme le point qui termine une ligne, comme le sommet d’une pyramide, comme un objet qui termine notre vision, ou notre contemplation.

Plus brièvement encore : l’Acte pur est irreçu et irreceptif, irreceptus et irreceptivus. S’il était reçu dans une puissance, il serait participé et limité, s’il recevait une perfection nouvelle, il serait en puissance par rapport à elle, et ne serait plus Acte pur. C’est ce que nous disions dans le traité De Christo redemptore, p. 28, où nous défendons longuement la position de Cajetan admise par tant de thomistes. Cf. Ibid. p. 93-124.

Nous maintenons ce que nous y avons dit, et nous n’avons rien d’important à y ajouter.

Quand à la thèse thomiste : « Est unum esse in Christo », nous maintenons aussi ce que nous en disions dans le même ouvrage, p. 314-321. Saint Thomas dit IIIa q.17, a.2. : « impossibile est in una persona esse personale multiplicari, quia impossibile est quod unius rei non sit unum esse ». S. Thomas s’exprime de même plus tard dans la Compendium theologiae c. 212 : « Si consideremus ipsum Christum, ut quoddam integrum suppositum duarum naturarum, eius erit unum tantum esse ».

On a objecté : Nulle perfection divine ne peut actuer une nature créée, elle serait limitée, car elle serait reçue en cette nature créée et constituerait avec elle un composé plus parfait que ses parties. On reviendrait ainsi sans y prendre garde au panthéisme d’Amaury de Bène, réfuté par S. Thomas, Ia q.3. a.8[10].

Les thomistes ont répondu à bon droit : Aucune perfection divine ne peut actuer une nature créée, par manière de forme intrinsèquement informante, je le concède ; par manière de terme intrinsèque, je le nie. Ainsi dans l’ordre de la connaissance l’essence divine clairement vue termine l’acte de vision béatifique. Ainsi encore dans l’ordre de l’être, la personne du Verbe termine l’humanité du Christ, il faut en dire autant de l’existence du Verbe, comme le point culminant d’une pyramide termine les lignes qui s’élèvent vers lui[11]. En ce sens on a pu dire que dans la sainte humanité du Christ il n’y a pas seulement l’extase de la connaissance et de l’amour, mais celle de l’être[12].

Mais nous sommes ici en plein mystère dont la possibilité ne peut être ni démontrée, ni légitimement rejetée, aussi faut il ici une grande prudence « et ad sobrietatem sapere ». Autrement on pourrait fausser ce clair-obscur en voulant trop l’approfondir par des procédés insuffisants. Il vaut mieux penser à « la lumière inaccessible » où Dieu habite[13].


  1. Si du reste on démontrait rationnellement la possibilité de la Sainte Trinité, on démontrerait aussi son existence, car la Sainte Trinité n’est pas contingente, mais nécessaire d’une nécessité absolue « et in necessariis existentia sequitur possibilitatem » (v.g. si en Dieu la toute Puissance est possible, elle existe en lui). Quant aux autres mystères surnaturels comme ceux de l’Incarnation, de la Rédemption, de la Grâce, si l’on en démontrait rationnellement la possibilité, ils ne dépasseraient les intelligences créées et créables qu’à raison de leur contingence et non pas à raison de leur surnaturalité essentielle ; ils seraient comme la date inconnue de la fin du monde. Ils seraient comme le miracle qui n’est surnaturel que par le mode de sa production, non par son essence ; la résurrection d’un mort produit surnaturellement en lui la vie naturelle, et non pas la vie surnaturelle. La surnaturalité du miracle (qui n’est qu’un signe) est inférieure à celle de la grâce (qui est une vie) et à plus forte raison à celle de l’Incarnation.
  2. Nous avons développé cette doctrine dans le traité De Christo redemptore, p.22-28.
  3. « Forma que est pars compositi, est forma participata: sicut autem participans est posterius eo quod est per essentiam, ita est ipsum. participatum... Ostensum est autem supra quod Deus est primum ens simpliciter » Ia q. 3, a. 8. 3a ratio.
  4. Cf. S. Thomas I., q.3, a.7.
  5. Le Verbe n'acquiert même pas une relation réelle, mais seulement une relation du raison, comme la couleur n'a pas une relation réelle à la vue, mais bien la vue à la couleur, dont elle dépend, la science à son objet. Les créatures ont aussi une relation réelle de dépendance à l'égard du Créateur, mais le Créateur n'acquiert pas en des créant une relation réel­le aux créatures. Cf. S. Thomas 1a q. 13, a. 7. Le Saint Docteur dit III Sent., d.i, q.i, a.I ad Im: « Deus dicitur uniri (cum humanitate Christi) non per mutationem sui, sed per mutationem eius cui unitur; et similiter cum dicitur unibilis, hoc dicitur non per potentiam aliquam passivam in Deo, sed per potentiam quae iu creatura est ut uniri possit » scil. per potentiam passivam obedientialem. — Ainsi le point terminant déjà une ligne, peut, sans aucun changement eu lui même, en terminer beaucoup d'autres comme le sommet d'une pyramide
  6. Le soleil n'acquiert rien, ni ne perd rien du fait qu'il est vu par nous.
  7. De même encore le corps du Christ termine les milliers de trans­substantiations réalisées depuis vingt siècles. Il les termine sans être pro­duit ni reproduit par elles. Le terme de la transsubstantiation est: « ce qui était la substance du pain est maintenant le corps du Christ » ou le corps du. Christ non absolute, sed ut est ex pane.
  8. Si Jésus n'avait pas eu dès-ici-bas la vision béatifique il n'aurait pas eu conscience proprement dite de sa personnalité divine, comme divine; mais il aurait eu conscience d'être quelqu'un, et par la foi éclairée par les dons du Saint Esprit il aurait eu une connaissance surnaturelle certaine de sa personnalité divine et unique.
  9. Nous avons longuement développé cette doctrine ailleurs De Christo Redemptore 1942. Turin p. 84-125. En particulier nous tenons avec Cajetan que la personalité est id quo aliquid est « quod »; en termi­nant la nature intellectuelle» elle est l'ultime disposition à recevoir l'exis­tence, car ce qui est ce n'est pas la nature, mais le suppôt ou la personne: cf. S. Thomas Ia q. 17. a. 2, 1m « Esse consequitur naturam, non sicut habentem esse, sed sicut quâ aliquid est, personam autem sequitur sicut habentem esse seu sicut id quod est». Et S. Thomas affirme nettement: Nulla creatura est suum esse. « In omni substantiea creata diffiert esse et quod est» c. Gentes. 1. II c.52.
  10. On trouvera cette objection et plusieurs autres semblables dans Gonet Clypeus dans l'introduction de son traité de l'Incarnation, tract. I, disp.II, là où il se demande si l'on peut démontrer, par les forces natu­relles de la raison, la possibilité de l'Incarnation.
  11. Si la subsistence du Verbe peut terminer l'humanité du Christ, de même son existence, qui suit sa subsistence. Autrement l'humanité du. Christ aurait son existence propre, qui est ultime actualité, et qui pré­suppose la subsistence créée ou la personnalité créée. D'où le danger du nestorianisme.
  12. On sait que pour S. Thomas l'âme séparée communiquera de même son existence au corps humain à l'instant de la résurrection, car il n'y a pour l'homme entier qu'une seule existence substantielle. Cf. Sanctum Thomam, Summa theol, IIIa q.2, a.6, ad 2um: « Illud quod advenit post esse completum, accidentaliter advenit, nisi trahatur in communionem illius esse completi; sicut in resurrectione corpus adveniet animae praeexistenti, non tamen accidentaliter, quia ad idem esse assumetur, ut scilicet corpus habeat esse vitale per animam. Non autem sic de albedine, quia aliud est esse albi et aliud est esse hominis, cui advenit albedo. Verbum autem Dei ab aeterno esse completum habuit secundum hypostasim sive personam; ex tempore autem advenit ei natura humana, non quasi assumpta ad unum esse prout est naturae, sicut corpus assumitur ad esse animae, sed ad unum esse prout est hypostasis vel personae. Et ideo humana natura non unitur accidentaliter Filio Dei ».
  13. En ce sens Chesterton a dit : « Les énigmes de Dieu sont plus rassurantes que les solutions des hommes ».
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