La sacramentalité du sous-diaconat et des ordres mineurs

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Les sacrements
Auteur : Abbé Sébastien Dufour
Source : Travail de synthèse personnel
Date de publication originale : 19 décembre 2002

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen

Sommaire

LES ORDRES MINEURS ET LE SOUS-DIACONAT SONT-ILS SACRAMENTELS ?

Il y a trente ans, le 15 Août 1972, par le Motu proprio Ministeria quaedam, Paul VI abrogeait les ordres mineurs et le sous-diaconat. Cependant, ces ordres, remontant à la plus haute antiquité chrétienne[1], ont perduré dans l’Eglise latine où ils sont encore administrés. Ainsi de nombreux religieux et séminaristes s’acheminent encore vers le sacerdoce, en recevant l’un après l’autre chacun de ces ordres, ceux-ci étant comme des degrés menant au degré suprême du sacerdoce. Le fait que les ordres mineurs et le sous-diaconat ne soient plus conférés dans toute l’Eglise latine peut déconcerter certains. En effet, l’abrogation de ces ordres a eu pour conséquence leur suppression dans le Code de Droit Canonique : ils n’ont plus d’existence officielle dans la législation actuelle de l’Eglise. Ainsi, même si les ordres mineurs et le sous-diaconat sont conférés licitement, ils se trouvent actuellement dans un statut d’« apesanteur canonique » pouvant poser des problèmes pratiques, en particulier quant à l’ordination sous-diaconale qui comporte un engagement au célibat et à la récitation du bréviaire. Cette difficulté juridique regrettable ne doit cependant pas prendre une place démesurée et éclipser ce que nous croyons être la question de fond, objet d’une controverse théologique : les ordres mineurs et le sous-diaconat sont-ils des parties du sacrement de l’Ordre ou bien de simple sacramentaux de la classe des bénédictions constitutives[2] ?


1- LA SACRAMENTALITÉ DU SOUS-DIACONAT ET DES ORDRES MINEURS DANS L’HISTOIRE DE LA THÉOLOGIE[3].

La sacramentalité du sous-diaconat et des ordres mineurs fut tenue par tous les grands docteurs et théologiens scolastiques après Pierre Lombard. C’est à tort, pensons-nous, que plusieurs théologiens[4] placent le Maître des Sentences parmi les adversaires de la sacramentalité des ordres mineurs. Saint Thomas n’en a pas jugé ainsi[5] et Pierre Lombard affirme lui-même : « Il y a sept ordres »[6], « tous sont spirituels et sacrés »[7], et « ces ordres sont appelés sacrements, parce que, par leur réception, est conférée une ‘chose sainte’ (res sacra), c’est à dire la grâce »[8]. De plus Pierre Lombard distinguait clairement ordre et office (ou ministère). Dans le premier, « une puissance spirituelle ( potestas spiritualis) »[9] est reçue ; tandis que dans le deuxième, « une fonction ou dignité » est conférée à une personne[10].


Saint Thomas affirmait, à la suite de son maître saint Albert le Grand[11], dans le Commentaire du livre des Sentences : « Chacun des ordres peut dans un sens être appelé sacré, parce qu’il est un sacrement »[12]. Il se fait l’écho de la position commune au XIIIe siècle chez les théologiens[13], ce qui fait dire à saint Bonaventure que : « l’opinion la plus probable est que tous les ordres mineurs impriment un caractère »[14].

Le bienheureux Jean Duns-Scot enseignait cette thèse et affirmait dans son Commentaire du livre des Sentences que « dans tous et chacun des ordres est imprimé un caractère »[15]. Nous avons donc un cas, rare, où « l’école scotiste » et « l’Ecole thomiste » sont d’accord sur une question pourtant si disputée par la suite. Les deux écoles se distinguent cependant en ce que saint Thomas (et saint Bonaventure également) affirme que les ordres étaient implicitement contenus dans le diaconat, alors que Duns-scot soutient que tous les ordres ont été immédiatement institués par le Christ et donnés dans l’Eglise primitive avec le diaconat.

On trouve néanmoins la thèse opposée à la sacramentalité de tous les ordres au XIVe siècle, chez le théologien Durand de Saint Pourçain. Il est l’un des rares théologiens scolastiques à nier la sacramentalité des ordres mineurs, du sous-diaconat et même du diaconat : « L’ordre proprie et simpliciter dictus, qui est sacramentel, est exclusivement le sacerdoce, pris dans l’acception de sacerdoce épiscopal, qui est le sacerdoce complet et parfait ; quant aux autres ils sont dits ordres secundum quid et ne sont pas sacramentels, mais plutôt des sacramentaux, précédant le sacerdoce par convenance et non par nécessité »[16].

Il se fondait sur le fait que les ordres mineurs et le sous-diaconat n’existaient pas dans l’Eglise primitive et qu’ils ont été institués par la seule autorité de l’Eglise, non immédiatement par le Christ lui-même. Pour cette dernière raison, il n’admettait pas non plus la sacramentalité du diaconat, dont l’institution ne semble remonter seulement par les Apôtres.


Quasiment tous les commentateurs de saint Thomas ont défendu la thèse de la sacramentalité des ordres inférieurs au diaconat : Capréolus[17], Bellarmin[18], Vasquez, Sylvius, Melchior Cano, les Salmanticenses, Gonet[19] et Billuart ; ce dernier qualifiait la thèse de la sacramentalité comme étant « la plus probable et la plus commune »[20].

Cajetan, en revanche, partant de la diversité des ordres mineurs dans les anciens sacramentaires, en concluait que « ces ordres paraissent être davantage des sacramentaux que des sacrements »[21]. De plus, n’admettant pas la sacramentalité du diaconat[22] pour les mêmes motifs que Durand, il ne pouvait concéder celle des ordres qui en sont des parties potentielles.


La plupart des canonistes, à la suite de Gratien[23], ont toujours nié la sacramentalité de ces ordres. Leur opinion sera de plus en plus partagée au cours du XVIIe siècle, du fait des nombreux travaux sur l’histoire des liturgies anciennes et orientales, dont les principaux sont dus à Morin[24], Mabillon et les mauristes[25], dom Martène[26] et Renaudot[27]. Ainsi au XVIIIe beaucoup de théologiens, dont Benoît XIV[28] et saint Alphonse de Ligori[29], affirmaient que les ordres inférieurs au diaconat ne sont pas des sacrements mais des sacramentaux.

L’autorité de saint Alphonse de Ligori en matière de théologie morale et la qualité de son traité qui est une synthèse dogmatique, mais surtout morale et canonique sur le sacrement de l’Ordre, influencera beaucoup les théologiens postérieurs, en particulier les « manuelistes » du XIXe siècle et du début du XXe siècle : Peronne[30], Lehmkuhl[31], Franzelin[32], Many[33], Pesch[34] et Capello[35]. A la fin du XIXe, lorsque le canoniste Gasparri écrit un ouvrage sur les ordres sacrés, il déclare que le fait que « les ordres inférieurs au diaconat ne sont pas sacramentels est de loin l’opinion la plus probable, nous ne disons pas certaine, et est chez les auteurs les plus récents, reçue par tous » [36].


Toutefois, le renouveau thomiste né à la suite de l’encyclique Aeterni Patris de 1879 de Léon XIII va remettre à l’honneur la position de saint Thomas, celle-ci est soutenue par de nombreux théologiens : les Wirceburgenses[37], de Augustinis[38], Billot[39], Tanquerey[40], Galtier[41], Hervé[42], Melkerbach[43], Hugon[44], Van Noort[45] et Zubizarreta[46]. Tous tiennent tous la sacramentalité de l’ensemble des ordres. Quant à Garrigou-Lagrange, il affirme : « Le sous-diaconat et les ordres mineurs ont raison de sacrement, et ils produisent ex opere operato la grâce et le caractère »[47]. C’est pour lui l’opinion « la plus probable », ce qui est également l’avis de la plupart des théologiens cités ; les autres s’en tiennent à la note théologique d’« opinion probable ».


Journet, quant à lui, a changé de position suite à la Constitution Sacramentum Ordinis de Pie XII. Il tenait auparavant la position des docteurs scolastiques : « Que le sous-diaconat et les ordres mineurs soient de véritables degrés du pouvoir d’Ordre, c’est la doctrine de saint Thomas, Suppl., qu. 37, a. 2. C’est aussi la doctrine qu’on peut regarder comme la plus probable et comme la plus conforme aux décisions des conciles »[48].

Plus tard, en 1953, il recense dans un article l’ouvrage De Sacramento Ordinis[49] du P. Lennerz étudiant l’aspect historique du problème, et conclut : « Il ne voit dans le sous-diaconat et les ordres mineurs que de simples sacramentaux. Ce sera aussi notre conclusion. Mais avec deux réserves :

1° Selon saint Thomas, tout en étant d’institution ecclésiastique, ces ordres pouvaient être sacramentels et représenter le déploiement en éventail des pouvoirs divins du diaconat.

Ils ont probablement été dans le passé de l’Eglise latine vraiment sacramentels »[50].

Journet, tout en restant prudent dans son jugement, croit donc que les ordres inférieurs au diaconat ont été sacramentels, mais que ,depuis la Constitution Sacramentum Ordinis, ils ont été relégués au rang de « simples sacramentaux ». La question est donc de savoir si cette Constitution Apostolique de Pie XII permet réellement de conclure dans le sens de la non-sacramentalité et, plus fondamentalement, si elle regarde le problème qui nous intéresse : la sacramentalité du sous-diaconat et des ordres mineurs. C’est ce que nous étudierons plus loin dans notre article (5-1).


Le théologien A. P. Solá, dans la Sacrae Theologiae Summa de la B.A.C. (dernier manuel complet de théologie thomiste édité à la fin des années cinquante[51]), énonce la thèse suivante : « Les ordres inférieurs au diaconat ne sont pas sacramentels », et cette thèse est qualifiée de plus commune et de loin la plus probable. Cependant il précise, à juste titre nous semble-t-il, que Sacramentum Ordinis de Pie XII ne permet pas de donner une note théologique plus forte[52].


On peut enfin clore cette rapide revue des différentes positions par ce qu’affirmait en 1967 l’abbé Berto, défenseur de la conception thomiste : « En dépit de l’opinion de beaucoup de théologiens, je suis persuadé qu’ils [les ordres mineurs] sont partie véritable du sacrement de l’Ordre »[53].


2- LES OBJECTIONS À LA THÈSE DE LA SACRAMENTALITÉ.

(2-1) La matière des ordres mineurs et du sous-diaconat n’est pas celle du sacrement de l’Ordre telle que l’a définie la Constitution apostolique Sacramentum Ordinis de Pie XII, datée du 30 novembre 1947.

Les ordres inférieurs au diaconat ne peuvent faire partie du sacrement de l’Ordre, parce que leur matière est une porrection des instruments et non l’imposition des mains, qui est la matière de l’Ordre comme l’a définie Sacramentum Ordinis.

Cette objection du défaut de matière est exposée par Journet : « Il nous semble que Pie XII, en redonnant au rite primitif de l’imposition des mains un rôle essentiel et exclusif dans l’ordination, a réduit, de ce coup, au rang de simples sacramentaux le sous-diaconat et les ordres mineurs, qui sont donnés sans imposition des mains »[54].

Selon cet auteur, tous les ordres sont concernés par la Constitution Sacramentum Ordinis. Si Pie XII n’y parle pas du sous-diaconat et des ordres mineurs, c’est une façon de les exclure du sacrement de l’Ordre, et ainsi de les restreindre au rang des sacramentaux.


(2-2) Les ordres mineurs et le sous-diaconat sont d’institution ecclésiastique et non divine.

Il est de foi[55] que tous les sacrements ont été institués par le Christ. Ils ont été explicités avant la fin de l’âge apostolique, car aucun n’a pas pu être établi après l’achèvement de la Révélation.

Or le Christ, à la Cène, a institué le sacerdoce dans sa plénitude et l’a conféré aux Apôtres en disant : « Faites ceci en mémoire de moi ». Puis les Apôtres ont établi, par mandat divin, le diaconat, comme le rapportent les Actes des Apôtres[56]. Il y a un fait historique évident et reconnu par tous : on ne trouve aucune trace des ordres inférieurs au diaconat dans les écrits apostoliques, et les études historiques montrent qu’ils ont été établis par l’Eglise après l’âge apostolique. Ainsi ils ne peuvent faire partie des sacrements.


(2-3) Les ordres mineurs et le sous-diaconat n’ont pas existé toujours et partout.

Si on trouve les ordres mineurs et le sous-diaconat cités très tôt dans les documents de l’antiquité chrétienne, on ne les trouve pas tous toujours présents, ni dans le même ordre, dans les textes anciens exposant l’organisation de l’Eglise. Parfois, on les trouve même mêlés à d’autres offices non sacramentels comme celui des psalmistes, des fossores etc. Ceci montre qu’ils n’étaient également pas considérés comme sacramentels.

De plus l’Eglise orientale ne compte que deux ordres inférieurs au diaconat, celui des sous-diacres et celui des lecteurs[57].


(2-4) Le sous-diaconat et les ordres mineurs ont été abrogés par le Motu proprio Ministeria quaedam de Paul VI, daté du 15 août 1972.

Deux objections peuvent être opposées à la sacramentalité à la lecture du Motu proprio de Paul VI :

  1. Par ce Motu proprio, Paul VI abroge les ordres mineurs et le sous-diaconat et les remplace par des ministères laïcs, celui de lecteur et celui d’acolyte. Il appartient à l’Eglise de juger de l’opportunité d’expliciter sous forme d’ordres distincts les potentialités séparables du sacrement de l’Ordre ». Les ordres mineurs et le sous-diaconat ont été au cours des IIe-IIIe siècles déployés par l’Eglise à partir du diaconat dans lequel ils étaient potentiellement inclus, et ce à cause du développement du culte divin. De même l’Eglise juge qu’ils ne sont plus utiles de nos jours et décide donc de les supprimer. Si l’Eglise avait le pouvoir de déployer ces ordres à partir du diaconat, de même possède-t-elle également le pouvoir de les supprimer : « ce que l’Eglise a distingué à certaines époques, il lui est loisible, à d’autres époques, de le réduire à l’unité »[58].

Ainsi les ordres mineurs et le sous-diaconat conférés depuis Ministeria quaedam ne sont plus sacramentels du fait de la nouvelle discipline de l’Eglise.

  1. Avant ce Motu proprio, le statut des ordres mineurs et du Sous-diaconat était débattu dans l’Eglise. Paul VI a tranché la question en demandant que les anciens ordres inférieurs au diaconat, maintenant nommés ministères, « ne soient plus appelés ordres mineurs et que leur collation soit dite non pas ‘ordination’, mais ‘institution’ »[59] et ce « eu égard à la réalité elle-même »[60].

La question de la sacramentalité des ordres mineurs et du sous-diaconat est donc tranchée : ce sont des sacramentaux, et, pour mieux les distinguer des ordres sacramentels, Paul VI demande qu’on ne les appelle plus « ordres ».


(2-5) On ne voit pas quel pouvoir, quelle « potestas », serait conféré dans le cas du sous-diaconat et des ordres mineurs.

« L’effet premier des autres sacrements est la production ou l’accroissement de la grâce ; l’effet principal de l’Ordre est la collation d’un pouvoir[61] qui rend le sujet apte à l’accomplissement de certaines fonctions (…) Diverses fonctions requièrent des virtualités diverses, ces virtualités composent le sacrement de l’Ordre, et pour autant le divisent »[62].

Dans l’ordination sous-diaconale et dans les ordinations mineures, on ne voit pas quel pouvoir (potestas) pourrait être conféré, pouvoir rendant le sujet apte à exercer des fonctions particulières. En effet, des laïcs peuvent suppléer à l’absence du ministre adéquat dans l’accomplissement de ces fonctions, alors qu’ils ne le peuvent pas pour les fonctions supérieures (celles du diaconat par exemple).


(2-6) Les offices que remplissent les minorés et les sous-diacres sont des offices très matériels qui n’ont pas à être rapporté au sacrement de l’Ordre qui imprime un caractère.

Saint Bonaventure expose cette objection à la sacramentalité des ordres inférieurs au diaconat : « Le caractère de l’Ordre est un pouvoir spirituel, il est donc imprimé uniquement quand est donné un pouvoir (potestas) nouveau et spirituel »[63]. Or les pouvoirs conférés à tous les ordres inférieurs sont matériels : comme ouvrir les portes pour le portier, lire les prophéties pour le lecteur, porter un chandelier pour l’acolyte etc. Ainsi un caractère ne peut être imprimé en aucune façon par ces ordres. Ils ne sont donc pas sacramentels.


(2-7) Si les ordres mineurs étaient sacramentels, un minoré ne pourrait retourner à l’état laïc car le sacrement de l’Ordre imprime un caractère indélébile.

« Un caractère, expose saint Bonaventure dans une objection, est un signe indélébile. S’il place un homme dans tel état (status), il lui est impossible de quitter cette condition, ce qui ferait outrage au sacrement. Or ceux qui ont reçu les ordres mineurs peuvent licitement retourner à l’état laïc. Ils n’impriment donc pas de caractère ».[64]


(2-8) L’acte des ordres mineurs ne dure qu’ici bas, on ne voit donc pas pour quel acte dans l’au-delà serait imprimé un caractère.

Cette objection est formulée de manière générale par saint Thomas : « Lorsque la fin disparaît, ce qui est ordonné à la fin doit aussi disparaître sous peine de subsister pour rien. Or le culte extérieur, fin du caractère, ne subsistera pas dans la patrie où l’on ne fera rien par figure, mais selon une vérité sans ombre. Donc le caractère sacramentel ne subsiste pas perpétuellement en l’âme, et ainsi n’y est pas imprimé de façon indélébile »[65].

Saint Bonaventure applique cette objection aux ordres mineurs : « Un caractère est un signe perpétuel, qui demeure dans l’âme séparée, il ne devrait donc être imprimé que pour un acte perpétuel. Or l’acte ministériel de ces ordres mineurs n’est pas perpétuel »[66]. Ils n’impriment donc pas de caractère et ne sont pas des sacrements.


3- EN SENS CONTRAIRE : L’AUTORITÉ DE SAINT THOMAS D’AQUIN. ÉNONCÉ DE LA THÈSE DE LA SACRAMENTALITÉ.

Saint Thomas d’Aquin affirme incontestablement la sacramentalité de tous les ordres : « Chacun des ordres peut dans un sens être appelé sacré, parce qu’il est un sacrement »[67]. Ou encore : « Dans tous les ordres est imprimé un caractère, et la preuve c’est qu’ils demeurent toujours et ne sont jamais réitérés »[68].

Ainsi Billot expose la thèse suivante : « Les ordres mêmes inférieurs sont sacramentels : chacun des ordres imprime un caractère et confère la grâce »[69], et il la désigne comme étant la plus probable et la plus conforme aux définitions des conciles.


4- ARGUMENTS EN FAVEUR DE LA SACRAMENTALITÉ ET DÉVELOPPEMENT THÉOLOGIQUE.

Saint Thomas prouve que tous les ordres impriment un caractère par deux arguments déterminants :

  1. Ils ne sont pas réitérables (4-1).
  2. Ils confèrent un pouvoir relatif à la consécration ou à l’administration de l’Eucharistie (4-2).

(4-1) Les ordres mineurs et le sous-diaconat ne peuvent être réitérés : ils impriment donc un caractère.

Si les ordres mineurs et le sous-diaconat sont des parties du sacrement de l’Ordre, ils impriment nécessairement un caractère.

Saint Thomas va partir de la pratique constante de l’Eglise pour établir la sacramentalité de tous les ordres : « Le caractère, étant une marque distinctive, doit se retrouver dans tous les ordres. La preuve en est d’ailleurs que les ordres subsistent toujours et ne peuvent être reçus plus d’une fois »[70].

La non réitération du sous-diaconat et des ordres mineurs montre qu’ils impriment un caractère, et prouve donc qu’ils appartiennent au sacrement de l’Ordre.

Pour certains auteurs, cet argument n’est pas concluant car ni la tonsure, ni la consécration des vierges, ni la bénédiction abbatiale ne sont réitérées.

La différence est que ni la tonsure, ni la bénédiction abbatiale etc., ne confèrent un pouvoir cultuel, pouvoir (potestas) en lien avec la consécration ou l’administration de l’Eucharistie, comme c’est le cas dans le sacrement de l’Ordre, dont les ordres mineurs :

« Les ordres sont des sacrements du fait de leur connexion avec le plus grand des sacrements : l’Eucharistie »[71]. Cette connexion des ordres avec l’Eucharistie sera développée dans l’article suivant.

Ainsi saint Thomas établit la distinction entre les ordres sacramentels et les diverses bénédictions constitutives qui sont des sacramentaux : « Toute bénédiction ou consécration reçue par les hommes n’est pas un sacrement. Les moines et les abbés reçoivent bien une bénédiction qui n’est pas un sacrement. L’onction des rois ne l’est pas davantage. Ce genre de bénédictions ne dispose pas à l’administration des sacrements, comme le sacrement de l’Ordre »[72].


(4-2) Les ordres mineurs et le sous-diaconat remplissent la définition du caractère donnée par saint Thomas.

L’effet premier de l’ordination valide est le caractère indélébile qui est ou implique un pouvoir spirituel ordonné de façon proche ou lointaine à l’Eucharistie. Avant d’examiner si un caractère est imprimé dans l’âme par la réception des ordres mineurs et du sous-diaconat, il nous semble nécessaire de préciser la doctrine du caractère sacramentel chez saint Thomas.


DOCTRINE DU CARACTÈRE SACRAMENTEL CHEZ SAINT THOMAS :

« Les sacrements de la loi nouvelle sont ordonnés à une double fin :

  1. Remédier aux péchés ;
  2. Parfaire l’âme en vue du culte de Dieu tel qu’il convient au rite de la vie chrétienne.

Or tous ceux que l’on députe à une fonction précise, il est d’usage de les marquer par un signe approprié. Ainsi, dans l’antiquité, les soldats enrôlés au service militaire portaient certains caractères sur leur corps, du fait qu’ils étaient députés à un service corporel.

Aussi, puisque les hommes sont députés par les sacrements au service spirituel du culte de Dieu, il est logique que ces sacrements marquent les fidèles d’un certain caractère spirituel »[73].

Saint Thomas rattache directement la finalité du caractère aux actes convenant à l’état présent de l’Eglise :

« Les fidèles du Christ sont députés, aux actes qui conviennent à l’état présent de l’Église par un certain sceau spirituel, imprimé en eux, que l’on nomme le caractère »[74].

Ce sceau spirituel qu’est le caractère s’explique donc en dépendance du culte divin. Or celui-ci « consiste à recevoir des choses divines ou à les transmettre à autrui. Mais, pour chacun de ces offices, une puissance est nécessaire, puissance active pour transmettre, puissance passive pour recevoir. C’est pourquoi le caractère comporte une puissance spirituelle ordonnée au culte divin »[75].

Les sacrements imprimant un caractère sont donc ceux se rapportant au culte divin. Or, « un sacrement peut se rapporter au culte divin de trois façons différentes :

  • dans l’action sacramentelle elle-même[76] ;
  • en lui fournissant des ministres ou agents[77] ;
  • en lui fournissant des bénéficiaires[78](…)

Ainsi trois sacrements impriment un caractère : le Baptême, la Confirmation et l’Ordre »[79].

Enfin, le caractère est indélébile, il demeure perpétuellement : « Le caractère sacramentel est une certaine participation du sacerdoce du Christ dans ses fidèles. Or le sacerdoce du Christ est éternel. Il en résulte que toute sanctification opérée par son sacerdoce, est perpétuelle, du moment que la chose consacrée subsiste. Or l’âme est sujet du caractère en sa partie intellectuelle où réside la foi, il est donc évident que le caractère demeure en l’âme de façon indélébile, l’intellect étant perpétuel et incorruptible »[80].


Qu’en est-il du sous-diaconat et des ordres mineurs ? Il est indubitable qu’ils « députent à une fonction précise »[81], ils sont bien des « services spirituels »[82], et « se rapportent au culte divin »[83]. Quant à ce dernier point, il faut examiner en quel sens ils se rapportent au culte divin. Selon Jean de Saint-Thomas, « le caractère est une puissance ordonnant les fidèles au culte divin, donc à agir ou recevoir (…) Mais trois sacrements ordonnent l’homme à agir ou à recevoir (…) Le sacrement de l’Ordre concerne l’agir, car par lui les hommes sont préparés à consacrer l’Eucharistie et à dispenser aux autres ce sacrement et les autres sacrements, et tout cela relève de l’agir »[84]. En quoi peut-on dire que le sous-diaconat et les ordres mineurs relèvent de cet agir, c’est à dire de la consécration et de la dispensation de l’Eucharistie ? Saint Thomas répond à cette difficulté :

« Le but principal du pouvoir d’Ordre est la consécration du Corps du Christ, sa distribution aux fidèles et la purification des fidèles de leurs péchés ; il requiert donc l’existence d’un ordre supérieur, spécialement qualifié à cet effet, c’est l’ordre sacerdotal ; et d’autres ordres, destinés à servir le premier en disposant en quelque sorte la matière : ce sont ceux des ministres. Nous venons de dire[85] que le pouvoir sacerdotal a une double fonction : consacrer le Corps du Christ et rendre les fidèles dignes de recevoir l’Eucharistie, par l’absolution de leurs péchés. Les ordres inférieurs le secondent dans l’une et dans l’autre, et d’une façon d’autant plus parfaite ou complète qu’ils sont plus élevés ou proches de lui.

Les ordres les plus humbles n’aident les prêtres que dans la préparation du peuple : les portiers en séparant les infidèles de l’assemblée des fidèles ; les lecteurs en instruisant les catéchumènes des rudiments de la foi, d’où leur est départie la mission de lire les livres de l’Ancien Testament ; les exorcistes, en purifiant ceux qui ont déjà reçu l’instruction chrétienne, s’ils se trouvent en quelque manière empêchés par les démons de recevoir les sacrements.

Les ordres supérieurs aident les prêtres à la fois dans la préparation du peuple et dans l’accomplissement du sacrement : les acolytes[86] ont pouvoir sur les vases non sacrés dans lesquels on prépare la matière du sacrement ; c’est la raison pour laquelle on leur remet les burettes à leur ordination ; les sous-diacres[87] ont pouvoir sur les vases sacrés et préparent la matière non encore consacré ; les diacres ont en outre un certain pouvoir sur la matière déjà consacrée, ainsi lorsqu’ils distribuent aux fidèles le Sang du Christ. C’est ce pouvoir vis à vis des choses sacrées qui fait donner le nom d’ordres sacrés au sacerdoce, au diaconat et au sous-diaconat. Dans le ministère de la préparation du peuple, les prêtres sont aidés aussi par les ministres supérieurs : les diacres ont pour mission d’exposer au peuple la doctrine de l’Évangile ; les sous-diacres, celle des Apôtres ; quant aux acolytes, ils concourent à l’un et l’autre ministère en accomplissant les rites destinés à marquer l’excellence de la doctrine, ainsi ils portent les cierges et s’acquittent d’autres fonction semblables »[88].

Nous voyons donc ici souligné par saint Thomas la relation fondamentale entre les divers degrés du sacrement de l’Ordre et le sacrement de l’Eucharistie. A. Contat a résumé cette mise en place des ordres par saint Thomas : « Les actes relatifs au Corps mystique sont subordonnés au Corps eucharistique, et ceux-ci sont hiérarchisés en fonction de leur proximité à la transsubstantiation et à la présence réelle qui en découle. Un tableau synoptique à double entrée fera apparaître cette structure dans toute sa clarté »[89] :


Ordre
Actes en rapport au Corps eucharistique
Actes en rapport au Corps mystique
Sacerdoce
Consécration
Absolution sacramentelle et dispensation de l’Eucharistie
Diaconat
Ministère sur la matière consacrée
Proclamation de la doctrine évangélique
Sous-diaconat
Ministère sur les vases sacrés et la matière non consacrée
Proclamation de la doctrine apostolique
Acolytat
Ministère sur les vases non sacrés
Solennisation de la doctrine évangélique et apostolique
Exorcistat
-
Purification des énergumènes
Lectorat
-
Instruction des catéchumènes
Ostiariat
-
Exclusion des infidèles

Comme nous l’avons déjà noté, Jean de Saint-Thomas affirmait que « le sacrement de l’Ordre concerne l’agir, car par lui les hommes sont préparés à consacrer l’Eucharistie et à dispenser aux autres ce sacrement et les autres sacrements, et tout cela relève de l’agir »[90]. Saint Thomas, dans la Summa contra Gentiles, dit des actes propres aux différents ordres mineurs et au sous-diaconat : « Le pouvoir sacerdotal a une double fonction : consacrer le Corps du Christ et rendre les fidèles dignes de recevoir l’Eucharistie, par l’absolution de leurs péchés. Les ordres inférieurs le secondent dans l’une et dans l’autre, et d’une façon d’autant plus parfaite ou complète qu’ils sont plus élevés ou proches de lui »[91]. Il est certain que l’agir de ces ordres se rapporte, de façon plus ou moins éloignée selon le degré, au Corps Eucharistique et au Corps mystique. Ces ordres sont donc sacramentels et impriment un caractère indélébile.


L’effet de chaque ordination est donc double :

  1. La grâce dite sacramentelle qui confère aux ministres l’aptitude aux fonctions qui leur sont confiées. Cette grâce sacramentelle revêt les formes propres à la fonction de chaque ordre, car chaque ordre place celui qui est ordonné en un degré divin : il lui attribue une fonction divine, bien que l’objet immédiat en soit parfois matériel.
  2. Le caractère, sceau, qui par une participation réelle au sacerdoce du Christ , les établit ministres plus ou moins rapprochés du sacrifice visible autour duquel gravite tout le culte de l’Eglise. Chaque ordre participe d’une certaine manière au pouvoir sacerdotal du Christ ; son exercice propre porte sur un objet distinct de celui d’un autre ordre, supérieur ou inférieur ; son pouvoir n’en est pas moins réel puisqu’il est une réelle participation à celui du Christ ; et pour autant lui correspond, dans l’âme de l’ordonné, la réalité du caractère.[92]

(4-3) Autorité du concile de Florence et du concile de Trente.

Il est question du sous-diaconat et des ordres mineurs dans plusieurs documents doctrinaux des conciles œcuméniques de Florence et de Trente.

Sur le concile de Florence, on peut se rapporter, pour une étude plus approfondie, à une série d’articles du P. de Guibert dans le Bulletin de littérature ecclésiastique[93]. L’auteur y démontre le caractère conciliaire et dogmatique du décret de Florence sur les Arméniens. Le P. Galtier dans le Dictionnaire de Théologie Catholique (D.T.C.), à l’article Imposition des mains, étudie également cette question et conclut dans le même sens.

La question des ordres mineurs et du sous-diaconat au concile de Trente a été étudiée par E. Hugon dans deux articles parus dans la Revue Thomiste[94], par Galtier dans le même article du D.T.C. déjà cité, et par M. Coppenrath dans la Nouvelle Revue Théologique[95].


LE CONCILE DE FLORENCE :

Pour certains théologiens, le décret du Concile de Florence qui nous intéresse, dit décret pour les Arméniens[96], n’a qu’un caractère purement disciplinaire, donc réformable et susceptible d’erreur ; « mais, comme l’affirme Journet, un examen plus minutieux de la question a contraint des théologiens comme le cardinal van Rossum [pourtant hostile à la thèse de la sacramentalité] à reconnaître le caractère doctrinal du décret »[97].

Il revient au Père de Guibert d’avoir établi de manière « incontestable »[98] que le décret ad Armenos est bien un acte conciliaire et un acte dogmatique.

« Le Cardinal Billot observait déjà que c’est en vertu d’un préjugé ou d’un parti pris qu’on a rejeté la règle du décret pro Armenis[99]. Toute l’histoire du concile montre bien que ce n’est point un acte purement pontifical, mais bien un acte œcuménique, promulgué en session solennelle par le Pape président de l’assemblée »[100].

Voilà pourquoi à Trente les présidents du concile « ne permettent pas qu’on en conteste le caractère conciliaire, et, dans les discussions qui ont lieu alors sur les sacrements, il a été l’autorité à laquelle on s’est le plus souvent référé, comme à une autorité ayant force de chose jugée »[101]. Ainsi le P. Galtier conclut : « Rejeter comme fausse et erronée la doctrine du concile de Florence, c’est admettre qu’un concile œcuménique, dans un décret doctrinal, approuvé et promulgué comme tel par le Pape, a déclaré être ‘la vérité sacramentelle’ ce qui en fait est une erreur en matière de foi »[102].

Le décret[103] présente le sixième sacrement comme un tout dans lequel se distinguent divers ordres et il assigne au sous-diaconat et aux ordres mineurs « une matière comme au diaconat et à la prêtrise et partant leur reconnaît comme à ceux-ci, quoique à un degré inférieur, la dignité de sacrement »[104].


LE CONCILE DE TRENTE[105] :

Pour Calvin l’existence des différents ordres contredit l’unité sacramentelle du sacerdoce et par conséquent, ce n’est pas sept sacrements que l’on trouve dans l’Eglise catholique mais treize[106]. Cette doctrine va guider la pensée des Pères et leur fournir la matière de la proposition condamnée au canon 2. Mais les Pères du Concile ne vont pas, contrairement aux souhaits de nombreux théologiens, déclarer que tous les ordres sont des sacrements. Ils tiennent compte de la diversité des thèses théologiques[107] et préfèrent s’en tenir à un terme général pour désigner le dernier échelon de la hiérarchie ecclésiastique : « Si quelqu’un dit qu’il n’y a pas dans l’Eglise catholique une hiérarchie instituée par une disposition divine, composée d’évêques, de prêtres et de ministres : qu’il soit anathème »[108]. Toutefois un examen des canons 2 et 3 montre qu’ils induisent, même si cela n’est pas l’objet direct d’une déclaration, la doctrine de la sacramentalité de tous les ordres.

Ainsi le démontre le P. Hugon : « Le Concile définit dans le canon 2 qu’il y a dans l’Eglise catholique, outre le sacerdoce, d’autres ordres, majeurs et mineurs, qui sont autant de degrés pour tendre vers le sacerdoce. Le même nom est donné à tous ces degrés, ils sont tous des ordres, et des ordres au sens véritable, puisque le canon ne distingue pas. Aussitôt après au canon 3, il est définit que l’Ordre est un sacrement. D’où l’on peut conclure que tous les degrés qui méritent le nom d’ordre méritent aussi le nom de sacrement au sens véritable (…) nous avons le droit de considérer le sens que comporte logiquement la rédaction définitive ; et, puisqu’elle identifie ordre et sacrement, elle nous autorise à identifier ordres mineurs et sacrements partiels, tendant, comme des degrés, à un seul tout, à un terme unique, le sacerdoce dans sa plénitude. D’ailleurs, si ces ordres inférieurs n’étaient que d’institution ecclésiastique, le Concile aurait-il pu définir comme dogme divin, sous peine d’anathème, qu’il y a dans l’Eglise catholique des ordres majeurs et des ordres mineurs ? »[109]

Parmi les 15 théologiens appelés à donner leur avis sur le premier projet de rédaction de ces canons, un seul, le Portugais Jacques de Pavie (Diego de Païva), contesta que le sous-diaconat et les ordres inférieurs fussent des sacrements[110]. On lui opposa, entre autres arguments, l’autorité du concile de Florence[111].

Aussi le cardinal Billot déclarait plus conforme aux déterminations des conciles de Florence et de Trente (conciliis magis consentanea) la doctrine qui voit dans les ordres inférieurs au diaconat une partie de ce sacrement et admet que toutes les ordinations impriment un caractère et confèrent la grâce[112].


(4-4) Autorité du Pontifical Romain[113].

1. Une rubrique du Pontifical Romain commande que l’évêque « avertisse les ordinands de toucher les instruments par la porrection desquels est imprimé le caractère »[114].

Le Pontifical donne ici une exhortation pour tous les ordres sans distinction, donc y compris pour le sous-diaconat et les ordres mineurs. En conséquence, le Pontifical Romain affirme qu’un caractère est imprimé dans tous les degrés de l’Ordre, ceux-ci sont donc tous sacramentels.

Après la Constitution Sacramentum ordinis, la Sacrée Congrégation des Rites supprima cette rubrique du Pontifical[115] pour éviter la confusion avec la matière du diaconat, du presbytérat et de l’épiscopat, telle que l’avait déterminée Pie XII. Cette suppression n’affecte pas la matière du sous-diaconat et des ordres mineurs qui n’a pas changé suite à la Constitution Sacramentum Ordinis de Pie XII, comme nous le montrerons à l’article (5-1). Ce qui était dit de la porrection des instruments (c’est à dire qu’elle imprime un caractère) reste donc valable pour le sous-diaconat et les ordres mineurs.


2. Dans l’oraison après l’ordination sous-diaconale, l’évêque invoque le Saint Esprit sur les nouveaux ordonnés : « Remplissez leur âme du Saint-Esprit et de ses dons : la sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la science, la piété et la crainte. Confirmez-les dans leur divin ministère, afin que, soumis en action autant qu’en paroles, ils méritent votre sainte grâce »[116].

Donc il semble bien que, d’après les textes du Pontifical Romain, la grâce et le Saint Esprit soient donnés ex opere operato par l’ordination Sous-diaconale, ce qui est le propre du sacrement.


(4-5) Explication théologique de la possibilité d’un sacrement ayant plusieurs degrés.

Comment concilier la pluralité des ordres définie par le Concile de Trente[117] et l’unité du sacrement de l’Ordre définie par le même Concile[118] ?

Saint Bonaventure répond : « Le sacrement de l’Ordre est un, mais il a plusieurs parties, qui ne multiplient pas le sacrement »[119].


Si le sacrement de l’Ordre est un tout, il faut distinguer les diverses sortes de « tout » :

- Tout intégral : il se divise en parties dont la somme le constitue[120]. L’essence de ce tout ne se trouve donc dans aucune de ses parties dont chacune est distincte des autres, mais seulement dans l’union de ces parties dites « intégrantes ». Le sacrement de l’Ordre n’est pas un tout intégral : il n’est pas la somme de tous les rites sacramentels par lesquels sont conférés les divers ordres ; il n’est pas formé par addition.


- Tout universel : il se divise en parties dites « subjectives », dont chacune peut être affirmée de lui par identité. Chaque partie de ce tout réalise pleinement l’essence de celui-ci[121]. Le sacrement de l’Ordre n’est pas un tout universel, car le sacrement ne se trouve pas de la même manière en chacun des degrés qui le composent.


- Tout potentiel : saint Thomas le définit ainsi : « La division de l’Ordre n’est pas celle d’un tout intégral en ses parties, ni celle d’un tout universel, mais celle d’un tout potentiel. Telle est la nature de ce tout que l’une de ses divisions réalise pleinement sa définition, les autres n’en sont que des participations»[122].

Le tout potentiel est analogue d’une analogie d’attribution intrinsèque, car il est présent selon son essence en chaque partie, mais il n’est présent selon sa vertu complète que dans la partie la plus haute : la puissance supérieure possède en elle, de façon plus complète, ce qui se trouve dans la puissance inférieure de façon diminuée[123]. La nature du tout potentiel exige qu’il soit présent selon toute son essence dans une seule de partie, et dans les autres selon une participation de lui-même.

Appliqué au sacrement de l’Ordre, saint Thomas affirme que « toute la plénitude du sacrement de l’Ordre est dans un seul ordre, c’est à dire le sacerdoce, mais dans les autres n’est réalisée qu’une participation de l’Ordre » [124]. Cette division du sacrement de l’Ordre en parties est celle d’un analogue, qui est dit per prius d’un des termes de la division (l’épiscopat) et per posterius des autres termes de la division (tous les autres ordres).

Quel est donc le rapport des différents caractères imprimés par les différents ordres entre eux ?

« La puissance active des divers ordres, explique J. M. Ramirez, est analogue d’une analogie d’attribution intrinsèque. Ces ordres impriment un caractère, chaque ordre imprime son caractère. Et pour cela on doit dire que chaque ordre confère un pouvoir (potestas) différent en vue de la confection ou de l’administration [plus ou moins éloignée, nous l’avons vu en 4-2] des choses sacrées. Le rapport entre ces pouvoirs (potestates), ou caractères, est semblable au rapport entre les ordres qui les causent et les impriment, car l’effet est toujours semblable à sa cause propre.

Les différents ordres qui réalisent l’essence du sacrement de l’Ordre, ne la réalise pas de façon égale mais selon un ordre, et un tel ordre-sacrement n’est pas un tout intégral, un tout universel ou univoque, mais un tout potentiel ou analogue. La nature du tout analogue exige qu’il soit réalisé selon toute son essence en une seul partie, et selon une participation de lui-même dans les autres parties. Et il en est ainsi dans le cas présent. Toute la plénitude de ce sacrement est réalisé dans une seule partie, c’est à dire le sacerdoce, mais dans les autres parties n’est réalisée qu’une participation de l’Ordre. Par sacerdoce, on doit entendre le sacerdoce plénier et suprême, c’est à dire l’épiscopat, dont le caractère n’est pas seulement une puissance active pour confectionner le sacrement du Corps du Christ, mais aussi pour créer et ordonner des prêtres et des diacres, auxquels n’est pas conférée le pouvoir (potestas) simple du sacerdoce. C’est pour cela que : ‘le pouvoir (potestas) du sacerdoce est dominé par le pouvoir (potestas) de l’épiscopat comme par un pouvoir d’un autre genre’[125] »[126].

Donc la puissance active que le sacrement de l’Ordre comporte est réalisée le plus formellement et éminemment dans l’épiscopat qui est comme le premier et suprême analogué. Cette puissance active est réalisée dans le presbytérat et dans le diaconat par participation et de façon diminuée, ceux-ci étant comme les seconds analogués. Cette puissance active est réalisée plus parfaitement dans le presbytérat que dans le diaconat car dans le presbytérat, elle permet de confectionner et de dispenser le sacrement de l’Eucharistie. Elle est réalisée moins parfaitement dans le diaconat qui ne permet que d’administrer ce sacrement. Enfin, cette puissance active est réalisée de façon bien plus diminuée dans le sous-diaconat et les ordres mineurs qui ont un rapport encore plus éloigné à l’Eucharistie, en tant qu’ils secondent le pouvoir sacerdotal dans la confection ou l’administration de l’Eucharistie et dans le préparation des fidèles à la réception de ce sacrement (Cf. tableau synoptique en 4-2).

Il n’y pas univocité mais analogie entre les caractères des ordres : le caractère du sacrement de l’Ordre est dit analogiquement du caractère sous-diaconal et du caractère propre à chaque ordre mineur, relativement au caractère diaconal. « Le caractère diaconal est dit analogiquement caractère du sacrement de l’Ordre relativement au caractère presbytéral. Enfin les caractères diaconal et presbytéral sont dits caractères de façon analogique relativement au caractère épiscopal. On doit donc conclure que tous les caractères sacramentels sont dits de façon analogique, selon des degrés, par rapport au caractère épiscopal, qui appartient de la façon la plus haute au Pontife Romain comme Vicaire du Christ »[127].


5- RÉPONSES AUX OBJECTIONS.

(5-1) La Constitution apostolique Sacramentum Ordinis de Pie XII affirme-t-elle vraiment la non-sacramentalité du sous-diaconat et des ordres mineurs ?

Il semble que non, car Pie XII, en décidant quelle serait désormais la matière valide de l’ordination épiscopale, sacerdotale et diaconale, a agit en précisant pour ces trois ordres et non en excluant les autres, comme l’indique A. P. Solà dans le manuel de la B.A.C. :

« On ne peut dire que Pie XII, parce qu’il n’énumère pas dans la Constitution Apostolique Sacramentum Ordinis d’autre sacrement que l’épiscopat, le presbytérat et le diaconat, suive, comme cela est visible, notre thèse ; parce que le Souverain Pontife n’a pas agit exclusive mais praecisive »[128].


Une étude plus complète de F. Hürth dans le Periodica de re morali canonica liturgica de 1948 précise que la Constitution Sacramentum Ordinis ne permet pas de conclure quoi que ce soit au sujet de la question controversée de la sacramentalité ou non du sous-diaconat et des ordres mineurs : « Le titre de la Constitution est : ‘Des ordres sacrés du diaconat, du presbytérat et de l’épiscopat’. L’objet de la Constitution est exactement déterminé et circonscrit par ce titre ; il s’agit seulement des trois ordres sacrés du diaconat, du presbytérat et de l’épiscopat. Selon la terminologie usitée de nos jours, même le sous-diaconat est compté parmi les ordres sacrés ; néanmoins le sous-diaconat n’est pas compris dans cette constitution ; et encore moins les ordres mineurs. C’est pourquoi de cette constitution rien ne peut être déduit relativement à la question controversée selon laquelle le sous-diaconat ou les ordres mineurs participent au ‘sacrement de l’Ordre’ ou bien sont seulement des ‘sacramentaux’ (Cf. canon 1144[129]) de droit purement ecclésiastique. La Constitution ne définit pas plus quelque chose au sujet de la matière ou la forme de ces ordres. Toutes ces questions demeurent en l’état en lequel elles étaient jusqu’ici »[130].


Un autre commentaire de la Constitution Sacramentum Ordinis est celui du P. Delchard, publié dans la Nouvelle Revue Théologique. L’auteur y affirme également qu’on ne peut rien conclure de cette Constitution au sujet de la sacramentalité ou non du sous-diaconat et des ordres mineurs : « La Constitution vise les trois ordres majeurs mentionnés dans son titre : le diaconat, le presbytérat et l’épiscopat. Rien n’est dit sur la nature du sous-diaconat et des ordres mineurs ; toute liberté reste d’y voir, soit un sacrement, soit des sacramentaux. Rien non plus sur les rites propres à ces degrés d’ordination, sur les éléments requis à leur validité »[131].


Il n’y a aucune contradiction à affirmer en même temps que la matière de l’épiscopat, du presbytérat et du diaconat est l’imposition des mains, et que celle des autres ordres est la porrection des instruments. Déjà saint Bonaventure soutenait, contrairement à saint Thomas, que la matière du sacerdoce et du diaconat était l’imposition des mains par l’évêque. Il affirmait néanmoins que les autres ordres étaient également sacramentels. Ainsi, à l’objection suivante qu’il se pose : « Le caractère n’est pas donné par l’imposition des mains. Comme il n’y a d’imposition que dans deux ordres [diaconat et sacerdoce[132]], le caractère ne serait imprimé que dans ces deux ordres seulement. Ce qui est manifestement faux, comme cela a été montré précédemment »[133], saint Bonaventure répond : « Dans les ordres sacrés, parce qu’y est donné un pouvoir (potestas) noble et excellent, se fait une imposition des mains et pas seulement une tradition des instruments ; parce que ‘la main est l’organe des organes’[134], c’est à dire en laquelle réside le pouvoir (potestas) principal d’opération. De cette manière se faisaient les ordinations dans l’Eglise primitive, où seulement ces deux ordres étaient explicités. Mais pour les ordres mineurs se fait la tradition d’un instrument, comme la clé ou le livre. Si plusieurs instruments sont transmis, un seul est considéré comme principal : celui que l’évêque transmet avec la locution des paroles : ‘Recevez le pouvoir’. Donc si l’instrument principal est omis, l’Ordre doit être réitéré, parce qu’on présume que le caractère n’est pas reçu »[135].

Saint Bonaventure base son raisonnement au sujet de la matière du sacrement de l’Ordre sur l’aptitude de la matière à signifier le pouvoir transmis. La main étant « l’organe des organes » en laquelle réside le pouvoir principal d’opération, l’imposition des mains a la plus large aptitude à signifier la transmission d’un pouvoir sacré ; ainsi l’imposition des mains était la seule matière du sacrement de l’Ordre dans l’Eglise primitive, alors que tous les ordres n’avaient pas encore été explicités. Saint Bonaventure considère les instruments comme des prolongements de la main, et la tradition d’un instrument, dans l’ordination mineure ou sous-diaconale, exprime la collation de tel pouvoir spécifique, dont la nature est signifiée par l’instrument lui-même : « Par la collation d’un instrument, qui est un prolongement de la main, est signifiée la collation d’un pouvoir (potestas) »[136].


En outre, on peut relever que dans l’Eglise orientale les sous-diacres et les lecteurs sont ordonnés par l’imposition des mains de l’évêque. Celle-ci était d’ailleurs considérée comme la matière de plusieurs ordres inférieurs dans une partie de l’Eglise antique[137]. En effet, les Constitutions apostoliques rapportent ce qu’étaient au IVe siècle, dans l’Eglise orientale, les différentes cérémonies d’ordination et précisent : « Ordonnant un sous-diacre, tu lui imposeras la main », et il est dit de même quant à l’ordination du lecteur.

Ce fait montre que la matière des ordres du diaconat, du presbytérat et de l’épiscopat telle qu’elle est précisée par Pie XII ne peut être un argument déterminant contre la sacramentalité des autres ordres[138].


En conclusion, la Constitution Sacramentum Ordinis de Pie XII ne permet pas de déduire quoi que ce soit en ce qui regarde les ordres inférieurs au diaconat. Elle constitue en revanche un argument de poids en faveur de la sacramentalité de l’épiscopat et du diaconat. Soutenir l’opinion de Durand et de Cajetan au sujet de ce dernier ordre est maintenant considéré comme téméraire. Ainsi la mise en place thomiste des ordres mineurs comme participation du diaconat conserve toute sa force probante.


(5-2) L’institution ecclésiastique et non divine des ordres mineurs et du sous-diaconat.

Pour la plupart des théologiens opposés à la thèse de la sacramentalité de tous les ordres, il s’agit de la principale objection.

Le fait historique est évident : le soir du Jeudi Saint, le Christ a institué directement le sacerdoce dans sa plénitude. Conclure de ce fait que les ordres mineurs et le sous-diaconat ne sont pas des sacrements serait pourtant abusif, car en cette matière le dernier mot n’est pas à l’historien : à lui de livrer le fait tel qu’il l’a rencontré ; au théologien de l’expliquer à la lumière de la foi.


Certains auteurs modernes partisans de la non-sacramentalité, comme le cardinal van Rossum[139], n’hésitent pas à prêter aux scolastiques une grande ignorance de l’Antiquité chrétienne et des rites orientaux de sorte à discréditer leur position quasi-unanime. Pourtant les docteurs médiévaux connaissaient non seulement les pratiques de l’Eglise primitive, mais aussi celles des églises orientales : de Pierre Lombard[140] au bienheureux Duns-scot[141], en passant par saint Thomas[142] et saint Bonaventure[143], tous savaient et affirmaient que seuls le diaconat et le sacerdoce ont existé à la période apostolique et subapostolique. Sur un autre sujet comme la matière du diaconat et du sacerdoce, les Docteurs scolastiques avaient également connaissance de l’usage originel de l’Eglise. Saint Albert le Grand, par exemple, a écrit de l’imposition des mains : « Elle était le rite de consécration dans l’Eglise primitive »[144].

Comment alors expliquer la position des scolastiques ? « On parlera d’abus de la construction systématique. Peut être. Mais cette méthode d’imputer au moyen âge des ignorances aussi massives est souvent le propre de ceux qui le connaissent peu »[145].


Le fait est que le Christ n’a pas institué directement les ordres mineurs et le sous-diaconat, on ne trouve nulle trace de ceux-ci dans les Saintes Ecritures. Au IVe siècle, l’Ambrosiaster tentait de retrouver dans l’épître de saint Paul aux Ephésiens une mention des ordres inférieurs au diaconat afin de montrer leur institution divine : « C’est le Christ encore qui a donné aux uns d’être apôtres, à d’autres d’être prophètes, ou encore évangélistes, ou bien pasteurs et docteurs, organisant ainsi les saints pour l’œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ »[146]. Cependant, selon l’avis des exégètes, ce passage ne concerne pas les ordres en particulier, mais bien les divers dons dans l’Eglise en général.

Cependant le fait indubitable que le Christ n’a pas institué directement tous les ordres, n’implique pas, comme le prétendent en général les modernes, une institution purement ecclésiastique ; car le sacrement de l’Ordre est un tout potestatif en sorte que dans l’institution du sacerdoce se trouvent implicitement inclus les autres ordres qui en sont les parties potentielles. Saint Thomas affirmait dans le commentaire des Sentences :

« Dans l’Eglise primitive, à cause du petit nombre des ministres, toutes les fonctions inférieures étaient confiées aux diacres ; néanmoins tous ces pouvoirs existaient comme repliés dans le pouvoir du diacre. Puis le culte divin s’est développé, et ce qui était implicite en un ordre, a été par l’Eglise déployé en plusieurs »[147] .

Le Christ a donc institué le tout complet, l’Ordre dans sa plénitude, et c’est de ce tout que les Apôtres ont détaché le diaconat et l’Eglise les ordres inférieurs.

« Le bienfaiteur qui offre un Louis d’or, explique le P. Hugon, est considéré comme le donateur de chacune des monnaies divisionnaires qui correspondent à la pièce unique ; ainsi le Sauveur peut être appelé l’auteur de tous les ordres, du fait qu’il a institué le sacerdoce, laissant à son Eglise le pouvoir d’en détacher les parties selon les besoins des époques. N’oublions pas que ces parties se ramènent à un seul et même tout. Telle est l’explication de saint Thomas : ‘La plénitude de ce sacrement est dans un seul ordre, c’est à dire le sacerdoce, les autres ne sont que des participations de ce tout’, Suppl., Q. 37, a. 1, ad 2 »[148].

Si l’Eglise ne peut constituer un sacerdoce nouveau, elle a autorité pour déployer la richesse du sacerdoce et pour le répartir en des sujets divers : « explicitation n’est point addition, l’être qui participe à la perfection d’un être supérieur ne lui ajoute rien »[149].


Selon le théologien C. Pesch, saint Thomas aurait changé d’opinion[150] dans ses œuvres plus tardives, car il affirme dans son commentaire de l’épître à Timothée, qui est postérieur au commentaire des Sentences : « Dans l’Eglise primitive, il y avait seulement trois ordres comme le dit Denys, celui des évêques, celui des prêtres et celui des ministres, et ils n’étaient pas divisés en divers degrés, mais tous étaient dans un ordre [le diaconat] à cause du petit nombre de ministres et à cause de la jeunesse de l’Eglise »[151].

On ne voit pas en quoi saint Thomas a changé d’opinion, car il a toujours reconnu que les ordres mineurs et le sous-diaconat n’avaient pas été explicités au début de l’Eglise. Cependant la non-explicitation de ces ordres ne prouve pas leur non-sacramentalité : car ils sont contenus dans l’ordre supérieur du diaconat. Il appartient à l’Eglise de juger de l’opportunité d’expliciter, sous forme d’ordres distincts, les potentialités séparables du sacrement de l’Ordre.

Autrement dit, il est vrai d’affirmer que les ordres mineurs sont, en un sens, d’institution ecclésiastique : c’est bien l’Eglise qui a créé cette distribution en des ordres différents. Mais il est plus vrai encore de dire qu’ils sont d’institution divine, car tous ces offices, tous ces pouvoirs, viennent du Christ, qui les a tous résumés dans le seul diaconat, en laissant à l’Eglise le soin de les développer en plusieurs ordres distincts, selon que les circonstances le permettraient. Ce qu’elle fit dès le IIe siècle, en sorte qu’en 251 le nombre des ordres était déjà fixé comme l’atteste une lettre du Pape Corneille à l’évêque d’Antioche. Ainsi le concile de Trente a pu affirmer que « dès le début de l’Eglise (…) ont été en usage, bien qu’à des degrés divers, les noms des ordres suivants et les ministères propres à chacun d’eux : sous-diacres, acolytes, exorcistes, lecteurs et portiers »[152].


L’abbé Berto a ainsi résumé la position thomiste : « En dépit de l’opinion de beaucoup de théologiens, je suis persuadé qu’ils [les ordres mineurs] sont partie véritable du sacrement de l’Ordre, non d’institution divine en tant que partie, mais d’institution divine en tant qu’inclus originellement dans le diaconat. Qui les reçoit, reçoit ex opere operato la grâce sacramentelle qui leur correspond. Ce ne sont donc pas de purs sacramentaux »[153].

C’est dans le même sens que Thomassin parlera des ordres mineurs comme des rivuli diaconatus (« ruisseau du diaconat »)[154].


Enfin, si le Christ n’a pas institué directement les ordres mineurs et le sous-diaconat, les docteurs ont remarqué qu’il n’en a pas dédaigné les fonctions[155], ce qui donna lieu à tout un développement spirituel de la part des auteurs médiévaux.


(5-3) Le sous-diaconat et les ordres mineurs n’ont pas existé toujours et partout.

Cette objection se ramène en définitive à l’objection précédente. Aussi la difficulté est résolue si l’on admet l’explication donnée par saint Thomas : « lorsque le culte divin s’est développé, ce qui était implicite en un ordre, a été par l’Eglise déployé en plusieurs »[156]. Le Christ a laissé à son Eglise le pouvoir de détacher du diaconat les parties potentielles selon les besoins des époques et de « déterminer la matière et la forme aptes à signifier la grâce reçue par leur collation. De cette manière est expliqué pourquoi deux, trois ou plusieurs ordres mineurs furent institués par l’Eglise à différentes époques, et pourquoi le nombre d’ordres mineurs n’est pas le même dans l’Eglise grecque et latine »[157].

Le développement du culte divin dans l’Eglise latine a fait que cinq ordres ont été déployé à partir du diaconat. Il n’en fut pas ainsi dans l’Eglise grecque. Il faut noter toutefois, comme le précise Benoît XIV dans la Constitution Apostolique Etsi pastoralis[158] pour les Italo-grecs, que, dans l’Eglise grecque, l’acolytat et l’ostiariat sont conférés avec le sous-diaconat, et l’exorcistat avec le diaconat.


Le fait de trouver dans des énumérations des premiers siècles de l’Eglise les ordres mineurs mélangés à d’autres offices non-sacramentels ne prouve rien. On retrouve la même chose le Vendredi Saint dans les oraisons solennelles, qui remontent probablement aux Ve-Ve siècles : « Prions également pour tous les évêques, les prêtres, les diacres, les sous-diacres, les acolytes, les exorcistes, les lecteurs, les portiers, les confesseurs, les vierges, les veuves et pour tout le peuple saint de Dieu ».

D’ailleurs si le nombre des ordres n’était pas encore fixé clairement durant les premiers siècles du christianisme, bien qu’en 250 on en trouve la liste complète et selon l’ordonnance exacte, le nombre des sacrements ne le fut pas non plus. Il existe des énumérations anciennes qui mêlent sacrements et sacramentaux[159]. Ceci est du au fait que la liste des sacrements est subordonnée au développement de la définition du sacrement et à celui de la doctrine sacramentaire.


En outre, les offices non sacramentels sont apparus plus tardivement que les ordres mineurs (IVe siècle pour les premiers, IIe-IIIe siècles pour les seconds). Alors que les ordres mineurs étaient toujours administrés par les évêques, le IVe concile de Carthage[160] précise que « le psalmiste peut, l’évêque l’ignorant, recevoir l’office de chantre sur la seule injonction du prêtre ». A la différence des ordres mineurs, ces offices n’ont jamais été regardés comme sacramentels, l’Eglise ayant toujours vu en eux des sacramentaux. Dés le XIIe siècle, Pierre Lombard faisait la distinction entre les degrés de l’Ordre et les dignités ou offices : « Il y a d’autres fonctions qui ne sont pas appelées ‘ordre’, mais dignité ou office »[161]. Saint Thomas dit de même : « Le chantre ou psalmiste n’est pas un ordre, mais un office annexe de l’Ordre (…) car ayant pour but la louange divine, qui est commune à tous les fidèles, il ne faut pas le rapporter à l’Ordre. Cette fonction n’a pas de rapport particulier avec l’Eucharistie»[162].

Ils sont considérés de fait comme sacramentaux dans le Pontifical Romain[163].


(5-4) Suppression des ordres mineurs et du sous-diaconat par le Motu proprio Ministeria quaedam de Paul VI.

  1. LES ORDRES MINEURS ET LE SOUS-DIACONAT N’EXISTENT PLUS DANS L’EGLISE :

Comme nous l’avons déjà dit, il appartient à l’Eglise de juger de l’opportunité d’expliciter sous forme d’ordres distincts les potentialités séparables du sacrement de l’Ordre. Suite à la Constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium de Vatican II, s’est posée la question de la pertinence de maintenir des ordres mineurs. Le P. Lecuyer, O. P., s’est fait l’écho de l’état d’esprit de l’époque postérieure au concile, en affirmant : « La constitution sur la Liturgie a insisté sur le principe de la vérité des rites[164]. On peut donc se demander si le temps n’est pas venu soit de supprimer les ordres inférieurs auxquels ne correspond pas une fonction spéciale et stable dans l’Eglise, soit de les modifier de telle manière que soit sauvegardée la vérité du rite »[165].

Supprimer ou réformer les ordres inférieurs au diaconat ? Telle est l’alternative qui s’est posée pour les membres du Concilium durant sept années (1965-1972). Finalement, plutôt que de réformer les ordres mineurs et le sous-diaconat, ou leur administration, ceux-ci furent supprimés et remplacés par d’autres réalités, comme le résume le P. de Clerck dans l’encyclopédie Catholicisme : « Au cours des années qui ont suivi le 2e concile du Vatican, l’Eglise latine a procédé à une réforme radicale des ordinations qui atteint la conception même des ordres. Elle a supprimé le sous-diaconat et les ordres mineurs rompant avec la liste des ministères qui remontait au IIIe siècle. La réforme a comporté deux étapes (…) la deuxième étape fut la suppression du sous-diaconat et des ordres mineurs en 1972, accompagnée de trois innovations : les ‘institutions’ du lecteur et de l’acolyte ainsi que l’admission »[166].

Une question peut donc se poser : la suppression des ordres inférieurs au diaconat par Paul VI rend-elle désormais invalide leur collation ?

Il ne semble pas. En effet, autre est la discipline de l’Eglise dans l’administration des ordres mineurs et du sous-diaconat, autre est la réalité qu’ils signifient. Le Pape a le pouvoir de modifier la discipline ecclésiastique au sujet de l’administration des ordres et donc d’abroger la collation des ordres mineurs et du sous-diaconat[167]. Cependant, ces ordres n’en demeurent pas moins des participations de l’ordre du diaconat, comme nous l’avons expliqué précédemment. Leur qualité de parties potentielles de l’Ordre subsiste par le simple fait que le « tout potentiel » qu’est le sacerdoce demeure.


De plus, depuis 1972, ils n’ont jamais cessé d’être administrés, de manière licite ou non. Nous n’entrerons pas dans le débat sur la licéité d’administrer ces ordres avant 1988, date à laquelle les livre liturgiques en vigueur en 1962, dont le Pontifical, ont été officiellement concédés par l’autorité ecclésiastique. Aussi de nombreux instituts et ordres, religieux ou séculiers, ainsi que plusieurs évêques diocésains, continuent de conférer le sous-diaconat et les ordres mineurs en usant du Pontifical Romain traditionnel. Ces ordres ne sont donc pas morts ; ils subsistent dans l’Eglise comme une tradition ininterrompue depuis le IIe siècle de l’ère chrétienne.


  1. LE STATUT DES ORDRES MINEURS ET DU SOUS-DIACONAT A ÉTÉ PRÉCISÉ PAR PAUL VI :

Comme l’explique A. Bugnini, mettre en œuvre la réforme des ordres ne fut pas simple, c’est pourquoi elle ne put se faire qu’en 1972. « A la 5e réunion plénière du Consilium en Avril 1965, les Pères exprimèrent le souhait que les problèmes posés par les ordres mineurs soient étudiés en petit groupe »[168], ce qui donna naissance au comité de Livourne[169] dont les conclusions ne satisfirent pas A. Bugnini qui jugea que « les rapporteurs [avaient pris] une position quelque peu rigide sur les ordres mineurs »[170]. En effet la question de la sacramentalité des ordres mineurs divisa les membres du comité[171] qui, dans leur rapport au Concilium, n’abordèrent pas le sujet : « un point non clarifié, et même délibérément laissé de côté, fut la distinction entre les ordres mineurs et les ‘ministères’ ou bénédictions. Les rapporteurs se limitèrent au champ d’action déjà établi par le comité de Livourne, à savoir de déterminer quels ‘ordres mineurs’ devraient être conservés et quelles autres bénédictions devraient être instituées à l’intention des personnes, laïques en particulier, exerçant une fonction liturgique de manière plus ou moins permanente. Par respect pour l’opinion de ceux qui considéraient que les ordres mineurs constituent une partie du sacrement de l’Ordre, ils n’envisagèrent pas la perspective de transformer un ordre mineur en ministère[172]. La difficulté à fournir une réponse définitive pour ou contre cette opinion fit qu’il devint difficile d’adopter des positions claires, spécialement sur les relations entre les ordres mineurs et les ministères, sur l’accessibilité aux femmes, et sur l’obligation faite aux candidats au sacerdoce de recevoir les ordres mineurs »[173].

En fin de compte le question controversée qui nous intéresse ne fut pas tranchée. Cinq années plus tard, en mars 1971, un schéma préparatoire sur la réforme des ordres mineurs fut soumis aux Conférences épiscopales. Dans celui-ci, comme l’explique R. Béraudy p.s.s., « la réforme se limitait à la seule suppression de l’exorcistat, de l’ostiariat et du sous-diaconat. Le lectorat et l’acolytat recevaient, certes, des attributions nouvelles, mais ils étaient maintenus dans leur signification d’ordres mineurs : In Ecclesia ritus latini ordines minores ad duos reducuntur, scilicet lectoratum et acolythatum. En effet, dans le projet, le lectorat et l’acolytat demeuraient ordonnés aux ordres sacrés, vers lesquels ils conduisaient progressivement. Dans ces conditions, il était logique que ces deux ordres fussent réservés en propre aux clercs : eorundem enim numerum exercitium proprie pertinet ad clericos in Minoribus constitutos. La contre-preuve en est fournie par le passage du schéma qui autorisait les ordinaires à pallier l’absence éventuelle des clercs en confiant à des laïcs certaines des charges du lectorat et de l’acolytat. A ces fonctions de suppléance, on aurait été député par une bénédiction, distincte de l’ordination correspondante : Ordinarius loci (…) poterit benedictione vel alio ritu laicos idoneos deputare »[174].

En définitive le schéma préparatoire fut modifié en profondeur, et, plutôt que de conserver les ordres mineurs (réduit à deux ordres), Paul VI les supprima ainsi que le sous-diaconat, et les remplaça par des « ministères institués» qui sont des fonctions laïques stables et non des degrés du sacrement de l’Ordre : « Il convient que les ministères ne soient plus appelés ordres mineurs et que leur collation soit dite non pas ‘ordination’, mais ‘institution’ »[175] Ce que commente le P. Béraudy : « Cette substitution de nouvelles dénominations aux anciennes connote l’idée d’un changement de signification des fonctions, qui, dans le Motu proprio, répond mieux à ce qu’il appelle rei veritatem. En effet, les charges rattachées à ces ministères ne relèvent pas en propre du ministère ordonné, mais du ‘sacerdoce commun des fidèles’ (…) Le passage du vocabulaire de l’ordination au vocabulaire de l’institution signifie qu’on a remplacé les anciens ordres mineurs, compris comme des participations au ministère sacerdotal, par des ministères institués, qui ont leur fondement dans le ‘sacerdoce commun des fidèles’ »[176].


Il est intéressant de mettre en parallèle cette réforme de Paul VI avec celle proposée par le concile de Trente en vue de souligner l’importance et la dignité des ordres mineurs. Les deux partent du même état de fait : les fonctions attachées aux ordres mineurs ne sont plus accomplies habituellement par des clercs ordonnés, mais par des laïcs qui exercent une suppléance dans l’exercice des fonctions d’acolyte, de portier, de lecteur. Mais les deux réformes se distinguent sur l’essentiel :


  • Le concile de Trente va répondre à la question que posait le théologien P. de Soto : « Est-il opportun de conférer en vain (inaniter) un ordre, un sacrement ? »[177] Et, de fait, le concile suivra ce que proposait ce même théologien : « [plutôt que de supprimer ces ordres,] il conviendrait beaucoup mieux de ne rien abandonner de ce qui nous a été transmis par une si longue antiquité ; il faudrait alors viser à redonner leurs fonctions réelles dans l’Eglise aux portiers et aux exorcistes »[178].

Puisqu’il n’est pas question pour les Pères du concile de Trente de supprimer ces ordres qui remontent à la plus haute antiquité chrétienne, ils vont proposer que les ordres mineurs, qui placent un fidèle dans la hiérarchie ecclésiastique pour « remplir une fonction ecclésiastique »[179], ne soient plus considérés uniquement comme des « étapes » vers la prêtrise, mais comme des degrés, permanents ou de passage, selon la vocation de chacun[180]. Ce projet constitue un changement notable dans la discipline d’alors[181]. Ainsi le concile prescrit, entre autres, que « désormais, ces ministères [des ordres mineurs] ne soient plus accomplis que par des clercs constitués dans les ordres correspondant »[182]. Ceci resta lettre morte. Néanmoins l’œuvre réformatrice de Trente sur les ordres mineurs, permettant de mettre en lumière leur nature d’ordres véritables, peut se résumer à ce qu’affirme M. Coppenrath à ce sujet : « Chaque ordre, dans son degré mineur ou majeur, tend vers le sacerdoce. Il importe peu que les clercs les gravisse tous. Le fait d’une accession personnelle à la prêtrise ne communique rien d’essentiel à ces ordres. A quelque degré que ce soit, le titulaire d’un ordre participe déjà à l’ordre sacerdotal »[183].


  • Paul VI, comme le montre la confrontation entre le premier schéma proposé aux Conférences Episcopales et le Motu proprio Ministeria quaedam, a déplacé complètement le point de vue du problème. Il ne considère que les fonctions « matériellement exercées », et non l’ordre auquel telle fonction se rattache. Avant, un laïc exerçant la fonction d’acolyte pratiquait une suppléance, désormais il l’exerce en vertu du sacerdoce commun des baptisés. Les ordres mineurs ont donc été remplacés par des ministères laïcs qui sont « une autre réalité », les premiers se rattachant au sacerdoce hiérarchique, les seconds découlant du sacerdoce commun des fidèles. Les laïcs interviennent dans la sainte liturgie non comme suppléant au défaut de ministres idoines, mais comme intervenant au titre de leur incorporation et configuration au Christ par le baptême et la confirmation.

En conclusion, loin d’être un argument en faveur de la non-sacramentalité des ordres mineurs et du sous-diaconat, la création par Paul VI des ministères institués nous semble au contraire un indice supplémentaire en faveur de leur sacramentalité : le Pape lie les ministères institués au sacerdoce commun des fidèles et non au sacerdoce hiérarchique auxquels les ordres mineurs et le sous-diaconat étaient auparavant rattachés.


(5-5) On ne voit pas quel pouvoir (« potestas ») serait donné à l’ordination mineure ou sous-diaconale.

Saint Thomas affirme : « Le sacrement de l’Ordre consiste avant tout dans la remise d’un pouvoir »[184]. Plus précisément, le sacrement de l’Ordre donne parfois le pouvoir sacré :

  • D’accomplir des actes qui autrement ne pourraient être posés validement[185].
  • D’accomplir des actes qui autrement ne pourraient être posés licitement[186].
  • D’accomplir des actes qui, même s’ils peuvent être posés autrement, le sont alors ex officio, ce qui est le cas pour les actes des ordres mineurs. Comme l’explique saint Thomas : « Toutes les fonctions des ordres mineurs [N.-B. : pas du sous-diaconat] peuvent être remplies par tous, bien qu’ils ne jouissent d’aucun titre pour cela ; ainsi dans une maison non consacrée peut-on célébrer la messe, bien que sa consécration destine spécialement l’église à cet acte du culte »[187].

L’abbé Berto développe cette idée lorsqu’il affirme : « Quant à la potestas sacra, elle n’est évidemment pas, en ce qui concerne les ordres mineurs, un pouvoir privatif d’exercer certaines fonctions ; de ces fonctions, des laïcs peuvent s’acquitter. Elle est le pouvoir de les exercer en vertu d’une désignation sacramentelle, dont les laïcs, par définition, ne sont pas pourvus. Qu’un bedeau ou qu’un portier allume les cierges ou range les ornements, matériellement, c’est la même chose ; mais seul le portier le fait par ministère, et c’est tout différent devant Dieu »[188].

Dans une autre lettre, il éclaircit la même question : « Sur l’acolytat, je n’ai rien d’autre à te dire que ce que je t’ai dit pour les premiers ordres mineurs : c’est autre chose devant Dieu de servir la Messe ex officio, ex ordine, ou de la servir quand on n’y est pas matériellement député »[189].


Pour bien saisir la profondeur de la position thomiste, il est nécessaire de bien considérer ce que dit saint Thomas du caractère sacramentel : celui qui agit en vertu d’un caractère agit comme instrument du Christ, et c’est bien le Christ qui agit par lui. Le Christ Souverain Prêtre est le ministre par excellence des sacrements et du Sacrifice ; et c’est donc lui qui accomplit invisiblement, mais réellement et actuellement, par l’ensemble des ministres de l’autel, tout ce que ceux-ci ont à faire en vertu des caractères divers dont ils sont revêtus.

Qu’on veuille bien remarquer ces mots : réellement et actuellement, qui sont d’une portée considérable et sont parfaitement fondés. Car en appliquant toujours les principes de saint Thomas, l’instrument n’agit, comme tel, que sous la motion réelle et actuelle de la cause principale. « Et donc, comme l’explique le chanoine Lahitton, quand le Prêtre dit : ‘Hoc est corpus meum’, Jésus-Christ lui-même, en personne, prononce ces paroles par son Prêtre. Quand le diacre, comme tel, distribue la sainte communion, c’est Jésus-Christ lui-même qui, par lui, se donne à ses fidèles, comme il s’est donné en nourriture, de ses propres mains, aux premiers communiants du cénacle. Il en va de même de toutes les fonctions des ordres in ordine ad sacrificium eucharisticum. Il n’est pas jusqu’au plus humble des ordres mineurs, jusqu’à l’ostiaire, qui ne doive dire : ‘Quand j’ouvre la porte du temple du Seigneur aux fidèles qui viennent assister au divin sacrifice, c’est le Christ en personne qui daigne se servir réellement et actuellement de mon âme, de mes mains, pour remplir cet office. Il n’y a que lui qui puisse dire, de plein droit, aux fidèles, et il le dit par mon humble office : entrez ; je vous convie au sacrifice de mon corps et de mon sang, et je vous invite à ma table eucharistique’ »[190].


(5-6) Les offices que remplissent les minorés et les sous-diacres sont des offices très matériels qui n’ont pas à être rapporté au sacrement de l’Ordre.

Saint Bonaventure répond à cette objection : « Dans tout ordre est donné un pouvoir (potestas) spirituel en soi, ou ordonné au spirituel. D’où le pouvoir (potestas) de portier est en vue d’admettre les hommes au Saint sacrifice ; le pouvoir (potestas) du lecteur est donné non seulement pour exciter l’écoute extérieure, mais aussi intérieure ; et ainsi des autres ordres »[191].

De plus, nous avons vu en (4-2) la connexion de chaque ordre avec l’Eucharistie, telle que l’expose saint Thomas dans la Summa contra Gentiles, montrant par là la nature spirituelle de chaque pouvoir.


(5-7) Si les ordres mineurs étaient sacramentels, un minoré ne pourrait retourner à l’état laïc ; car le sacrement de l’Ordre imprime un caractère indélébile.

Saint Thomas avance que : « Le retour par un clerc minoré à l’état laïc ne supprime pas en lui le caractère qui demeure. La preuve en est que s’il rentre à nouveau dans le clergé, il n’a pas à recevoir de nouveau l’ordre qu’il a déjà reçu une fois »[192].

C’est l’argument de la non-réitérabilité des ordres, déjà exposé par saint Thomas dans le corpus de l’article 2 de la question 35. Tout ordre imprime un caractère indélébile, celui-ci demeure en conséquence, même si le minoré ou le sous-diacre retourne à l’état laïc. Cette doctrine se fonde sur la pratique de l’Eglise qui a toujours interdit la réitération de tous les ordres, lorsqu’ils ont été administrés validement.

Remarquons en outre que les formules de dégradation du sous-diaconat et des ordres mineurs, que l’on trouvait dans le Pontifical Romain[193], ne sont pas particulières à ces ordres. On trouve également des formules pour la dégradation de l’épiscopat, du presbytérat et du diaconat.


(5-8) L’acte des ordres mineurs ne dure qu’ici bas, on ne voit donc pas pour quel acte dans l’au-delà serait imprimé un caractère.

Saint Thomas, en défendant l’indélébilité du caractère en général, affirmait : « Si après cette vie le culte extérieur ne subsiste pas, son but pourtant demeure. Aussi après cette vie le caractère demeure-t-il, dans le bons pour leur gloire, dans les méchants pour leur honte. De même qu’après la victoire, le caractère militaire[194] demeure dans les soldats, s’ils sont vainqueurs pour leur gloire, et s’ils sont vaincus pour leur châtiment »[195].

Saint Bonaventure utilise la même argumentation que saint Thomas, en l’appliquant aux ordres mineurs et au sous-diaconat : « Le caractère de tous les ordres demeure dans l’âme des morts comme signe distinctif ; et cela soit pour la gloire, s’il est utilisé au bien, soit pour la damnation, si utilisé au mal. Il n’est donc pas nécessaire qu’il demeure toujours à l’usage de l’office (du ministère), parce que cet usage est d’une certaine façon changée en récompense ou en supplice ».[196]

Chez les bienheureux « le caractère sera comme un organe-témoin : ces hommes ont été sanctifiés par les sacrements de l’Eglise du Christ ou, s’ils furent investis du sacerdoce, se sont sanctifiés en dispensant les sacrements chrétiens »[197] Chez les damnés, « le caractère reçoit comme but de manifester davantage la justice de leur châtiment pour avoir négligé un tel don »[198].


Cette question de la permanence du caractère dans l’éternité est une question délicate car elle est liée à la question complexe du culte éternel ; « on peut cependant souligner que le caractère étant caractère du Christ, la présence de ce caractère dans l’éternité est un élément de glorification éternelle du Verbe incarné »[199].


Nous avons essayé dans ce travail d’exposer les motifs fondés qui nous poussent à voir dans le sous-diaconat et les ordres mineurs des parties du sacrement de l’Ordre. Quelle note théologique peut-être donnée à cette opinion ? Il nous semble raisonnable de considérer cette opinion comme probable, suivant en cela l’avis de plusieurs théologiens sérieux[200].

Si nous n’avons pu convaincre le lecteur de la sacramentalité de ces ordres, en présentant les divers arguments des auteurs thomistes, nous espérons cependant lui avoir montré que le débat sur ce sujet n’est pas clos, et qu’il convient de ne pas le considérer comme tranché par l’Eglise[201].


  1. Nous pouvons trouver des mention des ordres dans différents écrits du début du troisième siècle : - Tertullien (150-240) fait mention des lecteurs dans le De praescript., cap. 41. - La Tradition apostolique d’Hippolyte décrit la discipline occidentale du début du troisième siècle. Elle affirme la constitution de la hiérarchie ecclésiastique, comprenant les évêques, les prêtres et les diacres, auxquels elle adjoint même les degrés inférieurs de sous-diacre et de lecteur ; peut-être aussi d’exorciste (mais leurs fonctions sont décrites comme relevant plutôt d’un charisme que d’un ordre reçu). - La lettre du Pape Corneille à l’évêque Fabius, écrite en 250, expose le sous-diaconat et les quatre ordres mineurs dans la disposition que nous connaissons : acolyte, exorciste, lecteur et portier. - Les sous-diacre, lecteurs et acolytes sont mentionnés dans plusieurs lettres de saint Cyprien (210-258). - La Didascalie des Apôtres (écrite peu après le milieu du IIIième siècle) parle du sous-diacre et du lecteur dans l’exposition de la hiérarchie subalterne.
  2. Comme la bénédiction abbatiale par exemple.
  3. Laissant de côté l’étude historique des Ordres, que nous laissons à d’autres travaux, nous commencerons directement par les théologiens de l’époque scolastique.
  4. Comme Pesch et A. P. Solá.
  5. Suppl., Q. 37, a. 2, ad 2 : « … tous ces pouvoirs n’en existaient pas moins, mais ils étaient implicitement contenus en celui du diacre. A travers le temps le culte divin s’est amplifié, et ce que l’Eglise possédait implicitement en un ordre, elle l’a distribué en plusieurs. En ce sens le Maître des Sentences a pu dire que l’Eglise s’est créé d’autres ordres ».
  6. IV Sent., dist. 24, cap. 1.
  7. IV Sent., dist. 24, cap. 12.
  8. IV Sent., dist. 24, cap. 13.
  9. IV Sent., dist. 24, cap. 13.
  10. IV Sent., dist. 24, cap. 14.
  11. IV Sent., dist. 24, a. 16 sq.
  12. Suppl., Q. 37, a. 3.
  13. « Les Ordres subsistent toujours et ne peuvent être reçus plus d’une fois. Telle est la troisième opinion qui est la plus commune. » Suppl., Q. 35, a. 2, corpus.
  14. IV Sent., dist. XXIV, pars II, Art. 1, Q. 1, corpus.
  15. IV Sent., dist. XXIV, p. II, a. 1, Q. 1.
  16. IV Sent., dist. 24, Q.1, n° 2 et Q. 2, n° 6.
  17. Defensiones Theologiae, dist. XXIV, Q. 1. Il y réfute Durand en exposant l’explication thomiste du sacrement de l’Ordre comme tout potentiel.
  18. De Ordine, c. 8.
  19. Clypeus Theologiae Thomisticae, de Sacramento Ordinis, d. II, a. 1, § 2.
  20. Summa sancti Thomae, Tract. De Sacramento Ordinis, d. I, a . 3, § 2.
  21. Opuscula, t. I, tract. XI, De modo tradendi seu suscipiendi sacros Ordines.
  22. Opuscula, t. I, tract. XI, De modo tradendi seu suscipiendi sacros Ordines.
  23. dist. 21.
  24. (+1659), Commentarius de sacris Ecclesiae ordinationibus, Paris, 1655.
  25. Par sa publication des Ordines Romani et du commentaire qui y est joint.
  26. De antiquis Ecclesiae ritibus, Rouen, 1700.
  27. Collectio liturgiarum orientalum, Paris, 1715.
  28. De synodo diocesana, lib. VIII, c. 9, n° 3 sq.
  29. Theologia Moralis, lib. VI, n° 737.
  30. De ordine, n° 81.
  31. Theol. Moral., t. II, n° 586.
  32. De traditione, th. XVII, 2, p. 212.
  33. Praelectiones de sacra ordinatione, Paris, 1905.
  34. Il énonce la thèse suivante : « Les Ordres mineurs ne sont pas des sacrements » Praelectiones Dogmaticae, t. VII, Tractatus Dogmatici, de Ordine, s. 1, a. 2, p.251.
  35. De sacramentis, t. IV.Q
  36. De Sacra Ordinatione 1, n° 41. Cette affirmation de Gasparri mériterait d’être nuancée, car il exclut les thomistes des « auteurs les plus récents 
  37. De sacram. Ord., n. 64 sq.
  38. De re sacramentaria, t. IV, p. 71.
  39. De ordine, th. 29, § 2.
  40. De Sacram., n° 1006 (ed. 21).
  41. D.T.C., article « Imposition des mains 
  42. De ordine, n° 501.
  43. « Tous les Ordres sont probablement des sacrements, mais ne constituent qu’un seul sacrement de l’Ordre » Summa theologiae moralis, De Ordine, pp. 799-800.
  44. Tractatus dogmatici, D e Ordine, p. 723 sqq (ed. 5a).
  45. De sacramentis, n° 217.
  46. De sacramentis, n° 648.
  47. De Eucharistia, pp. 411-412.
  48. L’Eglise du Verbe Incarné (1ère Ed.), t. I, p. 106, note 1.
  49. Rome, 1947.
  50. Revue Thomiste (R.-T.), 1953, Vues récentes sur le sacrement de l’Ordre, p.108, note 3.
  51. Sacrae Theologiae Summa, vol. IV, p. 656-673.
  52. Sacrae Theologiae Summa, vol. IV, p. 661, note 19.
  53. Lettre du 01/05/1967 à un séminariste.
  54. R-T, 1953, Vues récentes sur le sacrement de l’Ordre, p.108.
  55. Concile de Trente, Sess. VII, décret de Sacramentis, c. 1.
  56. Ac VI, 6.
  57. Jugie, Theol. dogmat. christian. ab Eccles. cathol. dissident., 3, 401. Certains comptent, en plus des deux ordres de lecteur et sous-diacre, l’office des psalmistes qui existe chez les Maronites et les Syriens. Cependant comme cette fonction n’a jamais été considérée comme sacramentelle, elle n’a donc pas à figurer dans la liste des ordres.
  58. Journet, L’Eglise du Verbe Incarné, p. 106.
  59. Ministeria quaedam, du 15 Août 1972.
  60. Ibid.
  61. « Le sacrement de l’Ordre consiste avant tout dans la remise d’un pouvoir. » Suppl., Q. 34, a. 4, corpus.
  62. M.J. Gerlaud,O.P., L’Ordre, Edition de la Revue des Jeunes, p. 173.
  63. IV Sent, dist. XXIV, pars II, art. 1, Q. 1, contra ad 1.
  64. IV Sent., dist. XXIV, pars II, art. 1, Q. 1, ad 3.
  65. IIIa, Q., a. 5, ad 3.
  66. IV Sent., dist. XXIV, pars II, art. 1, Q. 1, ad 4.
  67. Suppl., Q. 37, a. 3, corpus.
  68. Suppl., Q. 35, a. 2, corpus.
  69. De Sacramentis, Thes. XXIV, p. 264, ed. 3a.
  70. Suppl., Q. 35, a. 2, corpus.
  71. Suppl., Q. 37, a. 2, ad 1.
  72. Suppl., Q. 34, a. 4, ad 3.
  73. IIIa, Q. 63, a. 1, corpus.
  74. IIIa, Q. 63, a. 1, ad 1.
  75. IIIa, Q. 63, a. 2, corpus.
  76. « Le sacrement qui concerne le culte divin dans l’action sacramentelle elle-même, c’est l’Eucharistie en quoi consiste comme en son principe le culte divin, du fait qu’elle est le sacrifice de l’Église ; et ce sacrement n’imprime pas de caractère en l’homme, car il ne l’ordonne pas à agir ou à recevoir ultérieurement dans l’ordre sacramentel, étant plutôt, selon Denys, ‘la fin et la consommation de tous les sacrements’. » IIIa, Q. 63, a. 6, corpus.
  77. « Ensuite, le sacrement qui se rapporte au culte divin pour lui fournir des ministres, c’est l’Ordre, qui députe certains hommes à donner les sacrements. » IIIa, Q. 63, a. 6, corpus.
  78. « Enfin, le sacrement qui se rapporte au culte divin pour lui fournir des bénéficiaires, c’est le baptême, car il donne à l’homme le pouvoir de recevoir les autres sacrements de l’Église ; aussi le nomme-t-on la porte de tous les autres sacrements. A cela aussi est ordonnée d’une certaine façon la confirmation, comme nous le verrons en son lieu. » IIIa, Q. 63, a. 6, corpus.
  79. IIIa, Q. 63, a. 6, corpus.
  80. IIIa, Q. 63, a. 5, corpus.
  81. IIIa, Q. 63, a. 1, corpus.
  82. IIIa, Q. 63, a. 1, corpus.
  83. IIIa, Q. 63, a. 6, corpus.
  84. IIIa, Q. 63, disp. 25, a. 6, n° 4 ; édit. Vivès, t. IX, p. 381.
  85. Summa contra Gentiles, IV, c. 74.
  86. A l’origine leurs fonctions principales étaient de porter l’Eucharistie dans un sac de lin et les saintes huiles.
  87. « Les textes anciens montrent que la principale attribution des sous-diacre était d’aider les diacres au ministère de l’autel ; ils prenaient les oblations des mains de ceux qui les offraient, les posaient sur l’autel, veillaient sur les tombeaux des martyrs, prenaient soin du luminaire et des préparatifs nécessaires aux offices, se tenaient avec les diacres à la porte de l’église pendant la communion. » D.T.C., article « Ordre », col. 1233.
  88. Summa contra Gentiles, IV, c. 75.
  89. Le symbolisme liturgique et son application à l’expression du sacerdoce hiérarchique, Actes du 4ième colloque du C.I.E.L., 1998, p. 160-161.
  90. IIIa, Q. 63, disp. 25, a. 6, n° 4 ; édit. Vivès, t. IX, p. 381.
  91. Summa contra Gentiles, IV, c. 75.
  92. D’après M.J. Gerlaud, O.P. : Nombre des Ordres et rite essentiel du sacrement, L’ordre, Edition de la Revue des Jeunes, pp. 199-202.
  93. 1919, pp. 81-95, 150-162, 195-215.
  94. 1924, pp. 481-493 ; et 1926, pp. 263-266.
  95. 1959, tome 81, pp. 489-501.
  96. Denzinger (Editio XXXVII ), 1310-1328.
  97. R-T, 1953, Vues récentes sur le sacrement de l’Ordre, P.104.
  98. P. Galtier, S.J., article Imposition des mains du D.T.C., col. 1415.
  99. « Nonnisi ex praejudicate causae necessitate potuerunt quidam adduci ad rejiciendam normam decreti pro Armenis. » Card. Billot, De Sacramentis, Thes. XXX.
  100. R-T, 1924, p. 484.
  101. de Guibert, Bulletin de littérature ecclésiastique, 1919, p. 86-88.
  102. op. cit., col. 1415.
  103. Denzinger, n° 1326 (Editio XXXVII).
  104. Hugon, R-T, 1924, p. 488.
  105. Canons du concile de Trente concernant les Ordres mineurs : « Can. 2. Si quis dixerit, praeter sacerdotium non esse in Ecclesia catholica alios ordines, et maiores et minores, per quos velut per gradus quosdam in sacerdotium tendatur: an. s. [cf. DS 1765]. » « Can. 3. Si quis dixerit, ordinem sive sacram ordinationem non esse vere et proprie sacramentum a Christo Domino institutum, vel esse figmentum quoddam humanum, excogitatum a viris rerum ecclesiasticarum imperitis, aut esse tantum ritum quendam eligendi ministros verbi Dei et sacramentorum: an. s. [cf. DS 1766]. » « Can. 6. Si quis dixerit, in Ecclesia catholica non esse hierarchiam, divina ordinatione institutam, quae constat ex episcopis, presbyteris et ministris an. s. [cf. DS 1768]. »
  106. « Or c’est une chose digne de moquerie que quand ils ont proposé qu’il y a sept sacrements, ne les voulant nombrer ils en content treize et ne peuvent excuser que les sept sacrements des ordres, soyent un seul sacrement… » J. Calvin, Corpus Reformatorum. Opera omnia. Institution de la Religion Chrétienne, t. II, vol 3-4 : « Des ordres ecclésiastiques », Liv. IV, chap. 19, P. 1102, n° 22.
  107. Theiner, Acta concilii Tridentini, t. I, pp. 602, 614, 620, 625, 633 et 635.
  108. Denzinger, n° 1776 (Ed. XXXVII).
  109. Hugon, R-T, 1926, p. 266.
  110. Theiner, Acta concilii Tridentini, t. II, p. 136.
  111. Ibid., p. 138.
  112. Billot, De Sacramentis, Thes. XXIV, p. 264, ed. 3a.
  113. Pontificale Romanum promulgué par Clément VIII en 1595, puis revu par Urbain VIII en 1644, par Benoît XIV en 1752, par Léon XIII en 1886, et par Jean XXIII en 1962.
  114. Pont. Rom., « moneat ordinandos quod instrumenta, in quorum traditionem character imprimunt, tangant. »
  115. A.A.S., 1950, p.449.
  116. Pont. Rom., traduction du P. Dubosq, p.s.s., dans Les Etapes du Sacerdoce, p.105.
  117. « Si quelqu’un dit qu’en plus du sacerdoce il n’y a pas dans l’Eglise d’autres Ordres, majeurs et mineurs, par lesquels comme par des degrés, on s’achemine au sacerdoce : qu’il soit anathème. » Session 23, c. 2 ; le même titre énumère ensuite les sept Ordres.
  118. « Personne ne peut douter que l’Ordre est vraiment et proprement un des sept sacrements de l’Eglise. » Ibid. ch.3.
  119. IV Sent., dist. XXIV, pars I, Q.4, corpus.
  120. Quelques exemples que donne le P. Goupil S.J. peuvent éclairer le lecteur : « Ainsi un mètre se divise en cent centimètre, une colonne en base, fût et chapiteau. » Les sacrements, t. II, p.136.
  121. « C’est la notion universelle, commune également à tous les individus qu’elle enferme ; elle se vérifie en chacun d’eux et se multiplie en autant de parties qu’il y a d’individus à qui elle s’applique. Par exemple l’idée universelle d’arbre : le chêne est un arbre, le noyer est un arbre, le peuplier est un arbre etc. » Ibid.
  122. Suppl., Q.37, a. 1, ad 2.
  123. « Ainsi l’autorité militaire se trouve toute entière dans le général en chef, mais seulement par participation et en efficacité limitée chez les officiers subordonnés. Ainsi l’autorité judiciaire descend du chef suprême de la justice en qui elle est totale, par divers degrés, dans les juges inférieurs. » Goupil, Ibid.
  124. Suppl., Q.37, a. 1, ad 2.
  125. IV Sent., d. 24, p. 3, a. 2, Q. 3, ad 3.
  126. DE ORDINE, p.141, Salamanques, 1963.
  127. DE ORDINE, p.141, Salamanques, 1963.
  128. Sacrae Theologiae Summa, t. IV, de Sacramento Ordinis, p. 661, note 19.
  129. Du Code de droit canonique de 1917.
  130. Periodica de re morali canonica liturgica, Commentarius ad Const. Apostolicam, pp. 11-12.
  131. N.R.T., 1948, p. 21.
  132. Episcopal et présbytéral.
  133. IV Sent., dist. XXIV, p. II, art. 1, Q. 4, ad 1.
  134. Aristote, De Anima, l. III.
  135. IV Sent., dist. XXIV, p. II, art. 1, Q. 4, corpus.
  136. IV Sent., dist. XXIV, p. II, art. 1, Q. 4, ad 1.
  137. Plutôt en Orient. Voir A. Lameri, La tradition instrumentorum…, Roma, 1998.
  138. Cette question de la matière du sacrement de l’Ordre, pour être bien comprise, suppose une étude plus approfondie au sujet du pouvoir de l’Eglise sur l’essence des sacrements, à distinguer de la substance sur laquelle l’Eglise n’a aucun pouvoir, étant d’institution divine.
  139. De essentia sacramenti Ordinis, Fribourg-en-b, 1914.
  140. Liber Sent. IV, dist. XXIV, c. 12.
  141. « L’Eglise primitive ne connaissait manifestement que deux Ordres : le sacerdoce et le Diaconat. » Summa Theologica, Suppl., Q. 38, a. 2, ad 1.
  142. « Dans l’Eglise primitive à cause du petit nombre de ministres, tous les ministères inférieurs étaient confiés aux diacres. » Suppl., Q. 37, a. 2, ad 2.
  143. IV Sent., dist. XXIV, p. II, art. 1, Q. 4, corpus.
  144. « Hic erat ritus consecrationis in primitiva Ecclesia », l. I.
  145. R-T, 1933, p. 147.
  146. Eph IV, 11-12.
  147. Suppl., Q. 37, a. 2, ad 2.
  148. R-T, 1924, p.489.
  149. M. J. Gerlaud, O.P., L’Ordre, Edition de la Revue des Jeunes, p. 211.
  150. Praelectiones Dogmaticae, t. VII, Tractatus Dogmatici, de Ordine, s. 1, a. 2, p.255.
  151. Ia Epist. ad Timotheum, cap. III, lect. II.
  152. Denzinger, n° 1765 (Ed. XXXVII).
  153. Lettre du 01/05/1967.
  154. L. Thomassin, Vetus et Nova Ecclesiae Disciplina, 1-2 (1697), cap. 30, n° 4.
  155. « On trouve cette adaptation ingénieuse des fonctions des saints Ordres à Notre Seigneur dans quelques anciens sacramentaires, dans le Discours d’Yves de Chartres sur l’excellence des Ordres et la vie des Ordinands. » P. Gontier, Explication du Pontifical, p.152. Voici comment Pierre Lombard résume cette tradition allégorisante dans le livre des Sentences : Portier : Le Seigneur reçu lui-même cet office quand il chassa les vendeurs du temple avec un fouet. Lecteur : Le Christ remplit cet office quand, au milieu des anciens, il lisait et interprétait les prophètes. Exorciste : Cet office fut exercé par le Christ quand il chassait les démons. Acolyte : Le Seigneur affirme avoir cet office quand il dit : « Je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres  Sous-diacre : Cet office fut exercé par le Seigneur quand, se ceignant d’un linge, il lava les pieds de ses disciples et les essuya. Diacre : Cet office fut exercé par le Christ, quand à la dernière Cène, il distribua le sacrement de son corps et son sang aux disciples. Prêtre : Le Christ exerça cet office, quand il s’offrit sur l’autel de la Croix et à la dernière Cène, étant en même temps le Prêtre et la victime.
  156. Suppl., Q. 37, a. 2, ad 2.
  157. Billot, De sacramentis, Thèse XXIV, § 2, p. 290, ed. a.
  158. Du 26 mai 1742, § 7.
  159. Par exemple, saint Pierre Damien (+1072) compte douze sacrements. Cf. P. Pourrat, La théologie sacramentaire, pp. 234-267.
  160. En 398. A moins qu’il ne s’agisse des Satuta Ecclesiae antiqua, qui est une collection due probablement à saint Césaire d'Arles et que l’on a confondu avec le IVième concile de Carthage.
  161. IV Sent., dist. XXIV, Pars II, Cap. XIV.
  162. Suppl., Q. 37, a. 2, ad 5.
  163. De officio psalmistatus.
  164. Sacrosanctum Concilium, n° 26-29, 33ss, 49-50 etc.
  165. L’Ordre, Edition de la Revue des Jeunes, commentaire de Lecuyer, p.233.
  166. Catholicisme, Ordination, col. 194-195.
  167. Nous parlons ici dans l’absolu. Nous ne discutons pas de savoir si cela était prudent ou opportun de supprimer ces Ordres.
  168. The Reform of the liturgy 1948-1975, Part VI, p.727.
  169. Composé, entre autres, de Dom Botte, du P.Martimort, du P. Vaganini et du P. Lécuyer.
  170. The Reform of the liturgy 1948-1975, Part VI, p. 731.
  171. Dom Botte prit publiquement position en faveur de la sacramentalité des ordres mineurs. Cf. Le problème des ordres mineurs, dans Questions liturgiques et paroissiales 46, 1965, pp. 26-31 ; A propos des ordres mineurs, même revue, 51, 1970, pp. 129-132.
  172. Ce que fera le Motu proprio Ministeria quaedam en abrogeant les Ordres mineurs et en créant les ministères institués.
  173. The Reform of the liturgy 1948-1975, Part VI, p. 731.
  174. La Maison-Dieu, n° 115, 1973, p. 88-89.
  175. Motu proprio Ministeria quaedam, du 15 août 1972.
  176. La Maison-Dieu, n° 115, 1973, p. 91.
  177. Tractatus de institutione sacerdotum qui sub Episcopis animarum curam gerunt, ed. 1556, fol. 393.
  178. Tractatus de institutione sacerdotum qui sub Episcopis animarum curam gerunt, ed. 1556, fol. 393 ss.
  179. Motu proprio Ministeria quaedam.
  180. Conc. Trid., t. IX, c. 2, p. 620, lg 34 ; c. 2, p. 621, lg 35 ; c. 11, de reform., p. 623, lg 30-34-36 ; p. 627, c. 13, lg 10 (dans la collection Görresiana). Voir également Hefele, Hist. des Conciles, t. X, 1ère partie, c. 6, p. 497 et c. 1, p. 501.
  181. Le canon 17 sur la Réforme promulgué lors de la XXIIIe session du concile prévoit que les revenus de certains bénéfices devraient être affectés aux clercs exerçant des Ordres inférieurs afin de les attacher à ceux-ci ; et la fin des canons 6 et 17 réitère le droit d’ordonner des clercs mariés là où les célibataires manqueraient, ceux-là devant rester pour toujours dans les Ordres mineurs.
  182. Sess. XXIII, De Reformatione, can. 17.
  183. N.R.T., t. 81, 1959, p. 489-501.
  184. Suppl., Q. 34, a. 4, corpus.
  185. Par exemple le pouvoir de pardonner les péchés dans le sacrement de pénitence est conféré lors de l’ordination sacerdotale.
  186. Par exemple le pouvoir de chanter l’évangile est conféré dans l’ordination diaconale.
  187. Suppl., Q.37, a.4, ad 9.
  188. Lettre du 01/05/1967.
  189. Lettre du 16/05/1967.
  190. Theologiae Dogmaticae, t. IV, de Ordine, p. 240.
  191. IV Sent., dist. XXIV, p. II, art. I, Q. 1, ad 1.
  192. Suppl., Q. 35, a. 2, ad 2.
  193. Avant sa révision en 1962.
  194. Exemple que donne saint Thomas en développant la question du caractère : « Tous ceux que l’on députe à une fonction précise, il est d’usage de les marquer par un signe approprié ; ainsi, dans l’antiquité, les soldats enrôlés au service militaire portaient certains caractères sur leur corps, du fait qu’ils étaient députés à un service corporel. » IIIa, Q.63, a. 1, corpus.
  195. IIIa, Q.63, a. 5, ad 3.
  196.  IV Sent., dist. XXIV, p. II, art. I, Q. 1, ad 3 et 4.
  197. H. Bouëssé O.P., Le Sauveur du monde, t. IV, p. 304.
  198. La Nature du Caractère Sacramentel, par J. Galo S.J., p. 192.
  199. Cours poly., B.L., De sacrementis in genere, p. 62.
  200. Cf. partie (1-1) de notre article.
  201. Nous pouvons, comme conclusion, citer Prümmer qui dans son manuel affirme, certes sans s’impliquer mais en faisant preuve de prudence dans son jugement : « l’opinion neutre est certaine, et au sujet de cette question [de la sacramentalité de tous les ordres], comme de plusieurs autres relatives au sacrement de l’Ordre, il faut être prudent et modéré. Ils n’agissent pas ainsi ceux qui aussitôt s’exclament : ‘cette opinion est certaine, quant à l’opinion opposée, elle manque désormais de toute probabilité’. » Manuale theologiae moralis, 1953, t. III, p. 420.

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