La salutation angélique

De Salve Regina

Textes de méditation
Auteur : Père Jérôme de l'Abbaye de Sept-Fons
Date de publication originale : le 3 mars 1975

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen

« JE VOUS SALUE, MARIE ». Lorsque nous prions seul, arrêtons-nous après ces premiers mots. Car il faut que Celle à qui nous nous adressons ait le temps d’être prévenue

Quelqu’un désire vous parler. Avant qu’elle le sache, inutile de continuer. Or, il faut un certain temps pour qu’elle soit prévenue, même si celui qui s’en charge est, aujourd’hui encore, l’ange de la première salutation. Donc, arrêtons-nous, que l’ange ait le temps d’aller la chercher au plus haut du ciel et de lui dire : « Quelqu’un, sur terre, recommence la toute belle salutation ; venez, Reine, daignez montrer que vous écoutez, ce sera plus poli. » Laissons donc, à Celle que nous voulons saluer, le temps de se disposer à nous rendre la politesse.

D’autre part, et ceci nous est dicté par une longue prati­que, ce petit arrêt nous permettra de nous recueillir dès le début de chaque « Je vous salue, Marie », avant de continuer par l’énumération tellement dense, trop dense, des privilèges reçus par cet être exceptionnel. Car, si nous nous lançons de suite dans cette énumération, celle-ci défilera sans que nous sachions ce que nous disons. Un ruisseau peut couler lente­ment, même sans qu’on le régularise ; mais les mots de la prière coulent vite, trop vite. Il faut donc les retenir dans le calme. C’est pourquoi, faisons un arrêt après : a Je vous salue, Marie », un arrêt attentif et souple.

Pensons que pour chaque : « Je vous salue, Marie », nous sommes deux qui devons comprendre chaque mot : Elle et nous.

Peut-être l’ange lui-même, après avoir dit : « Je vous salue, Marie », eut-il un instant de saisissement et de silence ? Au minimum, nous pouvons le supposer intelligent : il a donc respecté les virgules. Ne faisons pas moins bien que lui.

« PLEINE DE GRÂCE ». Cette prière toute naïve, faite pour les simples, voici qu’elle commence par un beau mys­tère ! Je défie bien les plus savants des théologiens de mesurer ce que signifie cette tranquille affirmation de la Foi, première parure de la Vierge Marie. « Pleine de grâce » ; de tous les compliments que nous adressons à notre Mère, je crois que c’est celui-là que nous comprenons le moins. A mon tour, je dis : « Pleine de grâce » sans comprendre. Je saisis bien tout de même un petit quelque chose : « Pleine de grâce » ne pourrait s’expliquer par pleine de beauté et pleine de bonheur ? Et comme cela ne se trouve nulle part sur la terre, je comprends que vous êtes du Ciel et au Ciel, d’où vous m’entendez tou­jours, et où vous attirez mes regards.

Plusieurs d’entre nous ont reçu quelques petites grâces d’union avec Dieu. Grâces non négligeables, certes, et même plus désirables que tout avantage matériel. Ces grâces, disons que, l’un dans l’autre, elles nous font comme une provision d’un quart de litre d’eau fraîche, pour nous aider à cheminer vers Dieu, sans que nous risquions de tomber durant la sécheresse du désert. Et voyez à quel point déjà cette petite provision nous fortifie et nous rassure !

Mais Elle ! Toutes les eaux pures et toutes les sources lui ont été données, alors que - comble de libéralité - elle ne devait même pas connaître la sécheresse du désert. Et mainte­nant, au Ciel, elle jouit encore de cette abondance.

Éclairé sur la valeur de la grâce par ces petites grâces déjà reçues, que ne donnerais-je pas pour en recevoir davantage ! Peut-être, hélas, ce petit commencement est-il mon plafond ? Mais Elle, la plénitude lui fut donnée. Elle n’a jamais eu à se demander ni si Dieu lui en offrirait davantage, ni ce qu’elle devait faire pour s’y préparer.

Le mot « grâce » évoque l’idée de richesse, mais aussi de force, de joie. C’est pourquoi, par la prière, tenons-nous proche de celle qui est « Pleine de grâce ». Et, au moins pendant que nous prions, il y aura communication et partici­pation, comme il est normal de la mère à l’enfant.

« LE SEIGNEUR EST AVEC VOUS ». Lorsque, à ge­noux devant votre image, je vous redis, dans le « Je vous salue, Marie », vos privilèges, tous exceptionnels, parfois je pense que celui-ci, du moins, je devrais en recevoir ma petite part.

Car « Le Seigneur est avec vous », ce n’est rien d’autre que la définition même de la vie contemplative ; or, la vie contempla­tive est ma vocation et mon idéal. Et voilà qui me pousse, avec tant d’autres motifs à m’adresser à vous, Sainte Vierge Marie, pour me rapprocher de vous.

Marie, Dame de Nazareth, courageuse et sincère, vous avez devant vous un moine blanc, un moine de Cîteaux. Peut-être ce nom ne vous dit-il plus rien aujourd’hui ? Il se pour­rait, hélas, que tout abandon d’idéal consenti sur la terre, soit puni du Ciel par un total oubli de ceux qui le commettent.

Alors, souffrez que je vous remette en mémoire l’excellence dont nos pères brillaient jadis à vos yeux. Cîteaux fut un ordre résolument contemplatif ; et tant qu’il le fut, il s’épanouit en grandeur et en beauté. Par grandeur, je n’entends pas son extension, mais son esprit de rigueur et de loyauté. Par beauté, je ne fais pas allusion à ses édifices, mais à la fascina­tion qu’il exerçait sur tant d’hommes ardents et bien doués. Or, cet ordre de Cîteaux, durant le temps où il fut contempla­tif fut aussi marial, vous priant vous, Notre-Dame, avec ferveur, avec fierté, et là se trouvait sûrement la source de sa qualité.

C’est pourquoi, par le même chemin de ferveur et de loyauté, par la dévotion à Notre-Dame, nous referons votre ordre de Cîteaux dans sa grandeur et sa beauté, celles que je viens de rappeler. Et notre monastère redeviendra citadelle de prière, krak des Chevaliers ou krak de Moab, aux frontières du désert de l’indifférence. Nous allons nous y mettre, nous rares héritiers de cette confiance en Notre-Dame qui fit merveille. Fleurs de beauté et fruits de grâces, aux origines de notre ordre, nous, rares rejetons quasi rejetés en bordure de la misère présente, nous avons déjà commencé à revenir vers vous !

L’ange pouvait-il dire plus clairement que, dans Naza­reth, vous étiez déjà, patiente et sûre, une âme de prière ? Il dit : « Le Seigneur est avec vous », et la réciproque va de soi, vous êtes avec le Seigneur, vous êtes donc une contemplative.

Mais alors, ne peut-on devenir contemplatif en vous priant ? Certes oui, et l’expérience de tant de moines et de convers d’autrefois le prouve. Si, d’une part, le Seigneur est avec vous, d’autre part, nous aussi nous sommes avec vous. Nous sommes donc proches du Seigneur, puisque, entre lui et nous, il y a vous comme seule intermédiaire, ou plutôt comme lien et comme liant.

A genoux devant votre image, ne trouve-t-on pas le si­lence et la solitude ? Ne suis-je pas là, devant vous, dans une attitude humble et simple, bien éloignée de toute suffisance ? Vous entendez ma voix silencieuse. Si parfois j’ai peur de m’ennuyer, je me dis que je m’ennuierais bien davantage ailleurs. Parfois je crois vous donner mon temps en pure perte ; en réalité je le sauvegarde - comment, en effet, mieux l’employer ? - et je reçois en surplus apaisement et confiance. Aussi, pendant que je dis doucement : « Le Seigneur est avec vous », j’espère que ma propre prière et ma vie entière devien­nent petit à petit contemplatives. Qualité toute désirable, que je puis espérer si je vais avec vous par le chemin réservé à vos enfants. De cette prière contemplative, ne m’est-il pas arrivé de dire, comme vous sans doute : « Vraiment, cela vaut mieux que tout ! »

« VOUS ÊTES BÉNIE ENTRE TOUTES LES FEM­MES ». Avec ces mots, nous quittons la salutation apportée par l’ange, pour passer au compliment prononcé par Élisabeth (Luc 1,28-42). Est-ce la raison pour laquelle ces paroles me paraissent moins hautes ? Comment ne pas sentir un change­ment de niveau ? Pour les sauver, ces paroles, disons qu’elles prolongent le compliment précédent : « Le Seigneur est avec vous ». Elles précisent que le Seigneur est avec vous, Marie, non pas, bien sûr, pour surveillance et sévérité, mais par dilection et par choix ; c’est en cela que Marie est bénie.

Ce « Vous êtes bénie entre toutes les femmes » vient encore nous rappeler que Notre Mère du Ciel fait réellement partie de cette foule féminine à laquelle on la compare. La Très Sainte Mère de Dieu fut véritablement femme. Cuisiner, entretenir le linge : passons sur ces compétences qui, en ce qui concerne la Très Sainte Vierge, n’ont plus à s’exercer. Mais aussi et surtout : assurer une présence au foyer, avoir l’œil à tout, mettre tout le monde à l’aise, ne demander pour soi­-même que le droit de servir et d’être aimée : telles sont les qualités que nous avons trouvées chez nos mères. La Mère de Dieu sut accomplir ces tâches avec une inégalable perfection. « Entre toutes les femmes » : elle est au-dessus sans être diffé­rente, incomparable sans être incompréhensible.

« ET JÉSUS, LE FRUIT DE VOTRE SEIN, EST BÉ­NI ». Ce qui accapare le cœur, l’attention, les soins de toute femme, c’est évidemment son enfant. Celui-ci peut aussi de­venir l’objet autour duquel elle se replie, inattentive à tout le reste, et donc indifférente. Et la raison de cette indifférence paraît si profondément naturelle qu’on ne s’en choque pas.

Mais c’est tout le contraire ici, dans le cas de la Mère de Jésus : voici que sa maternité même sera l’origine de sa rela­tion inconditionnelle avec chacun de nous. Parce que son Fils est lui-même le Frère et le Sauveur de tous les humains. Maternité qui dilate le cœur de cette mère, maternité d’un genre inédit, ni jalouse ni exclusive, parce que c’est en confor­mité avec la volonté toute-puissante de son Fils qu’elle s’étend à tous. Je sais donc que la Très Sainte Vierge Marie ne dira jamais : « Je me dois à lui, d’abord. Ensuite, quand je le pourrai, je m’occuperai de toi ». Elle dira tout au contraire « Je ne crains rien pour lui ; donc toi d’abord, et aussi long­temps que tu auras besoin de moi ».

Entre le moment où la bonne cousine Élisabeth a pro­clamé, pour la première fois : « le fruit de votre sein est béni »et ce moment présent où je redis le même compliment, a eu lieu la substitution faite d’autorité divine : « Femme, voilà ton fils » (Jean 19,26) : < Celui-là, qui n’est pas moi, mais qui m’a suivi par amitié, voilà désormais qu’il est ton Fils. » En Marie, sa Mère, Jésus n’est plus l’unique béni : je le suis aussi ; nous le sommes tous. Car Jésus, au moment où il était cloué sur la Croix, n’a prononcé que des paroles d’une importance et d’une valeur décisives. Tels furent ces mots : « Femme, voilà ton Fils. »

Vous l’avez vu : la première partie du « Je vous salue, Marie » se compose d’une énumération de compliments, que l’on adresse à la Très Sainte Vierge ; une petite cascade de compliments, tous exceptionnels, tous vrais. La seconde par­tie, vous le verrez, exprimera une demande, ou plutôt toutes les demandes possibles réunies en une seule demande.

***

En conséquence, la première partie du « Je vous salue, Marie » se dit avec déférence et respect - essayons de retrou­ver le respect que dut y mettre l’ange. La seconde partie se dira de façon douce et persuasive. Et les deux parties se diront avec lenteur. Car à quoi bon se presser ? A quoi bon finir, sinon pour recommencer ? Quand on prie, tout va bien, donc laissons durer. Faisons durer. Peu importe le nombre de « Je vous salue, Marie » que je dis ; ce qui compte, c’est le temps durant lequel, pour dire un ou plusieurs « Je vous salue, Marie », nous sommes retenus là, hors du terre à terre et du profane.

De même que les deux parties du « Je vous salue, Ma­rie », ont un style différent, de même les images ou statues, devant lesquelles vous priez, se ramènent à deux types diffé­rents. Il y a les Notre-Dame majestueuses et royales, comme celle du vitrail que nous a fait Yoki pour épanouir vers le Ciel nos sensibilités ; image solennelle, dont les tons chauds don­nent le matin, par temps clair, leur éclatante somptuosité. Et il y a les Notre-Dame familières et proches, comme la belle statue de bois que nous avons à l’angle du cloître. Retirée, discrète, nichée un peu trop bas, on dirait qu’elle craint d’embarrasser les allées et venues des moines. Pour la remar­quer, il faut le vouloir ; et plus encore pour s’agenouiller. (Mais, indulgente et paisible, elle doit comprendre que beau­coup ne le peuvent pas !) Or, ces deux types d’images exer­cent, en fait, la même influence sur ceux qui prient devant elles : attirance, protection, confiance et courage. Je sais bien qu’aucune de ces images ou statues ne pose devant moi une « présence réelle », mais seulement une représentation. Néan­moins, j’ai parfaitement raison d’aimer telle de ces images plus que telle autre, et l’assiduité dont je fais preuve à son égard fait hommage à Celle qu’elle représente.

Mettez-vous souvent aux pieds de n’importe quelle image de la Très Sainte Vierge Marie, et vous apprendrez, je ne sais par quel travail de pensée ou par quelle logique infuse, vous apprendrez que la vie chrétienne devient une force merveil­leuse quand on y met la piété, non pas une maigrichonne piété du dimanche matin anticipé au samedi soir, mais une abon­dante piété de tous les jours.

Dans la première partie du « Je vous salue, Marie », nous avons énuméré quatre privilèges dont a été gratifiée la Très Sainte Vierge. Or, ces quatre privilèges ont tous également pour conséquence de rendre la Mère de Dieu puissante pour intercéder auprès de Dieu. Pour le comprendre, répétons ces quatre privilèges.

Nous avons dit : « Le Seigneur est avec vous » ; si c’est vrai, chaque fois qu’elle intercédera en notre faveur, notre Mère sera favorablement entendue. Nous avons dit : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes » ; donc elle est bénie et entendue lorsqu’elle prie pour nous. Nous avons dit : « Jésus, le fruit de votre sein, est béni ». Par conséquent, elle sera puissante, celle qui peut présenter ce béni Jésus comme son propre Fils. Nous dirons enfin : « Sainte Marie, Mère de Dieu » ; donc, lorsque Dieu reçoit vos prières, ce sont les prières de sa Mère. Donc, puissance, puissance. Et cette puissance de notre avocate lui est conférée par celui-là même devant qui elle devra s’exercer.

C’est pourquoi, lorsque vous rappelez à la Très Sainte Vierge ces quatre privilèges, une chose devient certaine : elle ne pourra prétendre qu’elle n’a aucun pouvoir, et qu’elle n’a aucune chance d’obtenir quelque grâce pour vous.

Après avoir dit la première partie du « Je vous salue, Marie », vous aurez dit ce qu’il fallait dire ; vous aurez agi comme un bon diplomate, ou comme l’enfant qui sait d’ins­tinct trouver le chemin de l’oreille et du cœur. Maintenant, tout est en place. Reste à présenter votre demande. C’est pourquoi passez à la seconde partie.

***

« SAINTE MARIE, MÈRE DE DIEU ». La demande commence de façon câline et insinuante. Voici enfin proclamé le titre de noblesse qui fonde tous les autres titres ; voici le don premier, le privilège sans partage ; voici le motif de votre intimité avec le Dieu Très-Haut, et de toute votre gratitude, ô grande Dame !

Sans ce privilège de « Mère de Dieu », l’ange n’aurait pas volé vers Nazareth ; et il n’y aurait pas eu de salutation, ni celle de l’Ange, ni celles des chrétiens. Et de cette omission seraient sorties bien des sombres conséquences : la pratique religieuse serait moins attirante, la persévérance moins facile. Il y aurait moins de courage dans nos vies, moins de pureté dans notre idéal ; moins de beauté dans la liturgie, moins de chefs-d’œuvre dans l’art, et dans le cœur des moines de Cî­teaux, moins d’espérance.

« Mère de Dieu ». On ne mesure pas l’élévation d’un pareil titre ! Et je me délecte allègrement à penser à ceux qui jugent le « Je vous salue, Marie » comme dévotion infantile ou prière pour vieilles bonnes femmes ! Pourquoi ne pas avouer que, lorsque certaines paroles ont un trop grand poids, on n’aime pas les dire ? Mais c’est là timidité dans la Foi.

Je n’ai donc pas besoin de chercher quel est le compli­ment parmi ceux que je vous offre, ô Reine, qui vous apporte le plus de joie. C’est évidemment le titre premier : « Mère de Dieu ». L’ange ne fa pas dit sous cette forme. J’ose employer ces mots directs ; et rien qu’à vous les dire, ces trois mots, je pourrais prier devant vous durant de longs moments. « Mère de Dieu » : tout cela, et rien que cela ! Et je sais qu’en répétant ces mots, j’engage toute ma foi, je me compromets comme catholique ferme, j’adhère aux affirmations naïves ou auda­cieuses du « Credo », affirmations que certains voudraient passer sous silence. Je sais qu’en voulant aimer et servir Marie, « Mère de Dieu », je brave, de notre religion actuelle, les réticences et la misère.

« PRIEZ POUR NOUS, PAUVRES PÉCHEURS ». Mère de Dieu, et Mère des hommes, vous êtes sainte, vous êtes toute sainte. Or, que demander à une sainte, à la créature la plus élevée en sainteté sinon de joindre les mains et de prier pour nous ? Demander un service quelconque : un verre d’eau, un outil, un vêtement, un prêt d’argent, un abri, et toutes choses de ce genre : les chrétiens, et même tous les hommes se les demandent mutuellement et se les donnent. Mais on ne demande pas à n’importe qui : « Priez pour nous ». On ne le demande pas non plus à la légère, car, même pour les saints, la prière peut être encore un effort pénible et dramati­que ; alors, comment requérir d’eux cet effort ? Vous-même, Sainte Mère de Dieu, lors de votre venue à la Saiette, assise sur l’herbe de l’alpage, la tête dans vos mains, vous avez pleuré. A Lourdes, à Fatima, vous avez laissé voir des mar­ques de tristesse. Pourtant, nous en sommes certains, vous avez dépassé le tragique de la prière qui, pour les autres priants, vient de leur incertitude. Car même le saint ignore souvent le plan de Dieu et il ne sait pas toujours comment demander. Mais là où le saint n’entre que timidement, vous êtes établie Mère, et Reine, et bénie. Votre prière, qui con­siste en une simple adoration de la volonté de Dieu, a plus de précision que nos demandes les plus détaillées et votre simple acquiescement a plus d’efficacité que nos arguments. Ainsi, vous nous obtenez le mieux et le meilleur, lequel est toujours le plan arrêté par la bienveillante volonté de Dieu. C’est pourquoi notre : « Priez pour nous » contient toutes les de­mandes.

Confiants en votre prière, bonne Mère, nous jouerons le jeu de la contradiction chrétienne : nous porterons l’épreuve qui finit en satisfaction, nous accepterons la détresse qui conduit à la joie.

Ce que vous aurez demandé pour nous, nous ne le regret­terons jamais.

Et que, d’avance, Mère très sainte, votre patiente sagesse descende sur nous, pour tout apaiser.

« MAINTENANT… ». Après ce mot, arrêtons-nous, comme nous l’avons fait au début du « Je vous salue, Marie ». Arrêtons-nous : puisque la Mère de Dieu se met à prier pour nous, laissons-lui prendre la relève. Puisque, pour obéir au désir que nous venons d’exprimer, elle se tourne vers Dieu en notre faveur, laissons-lui le temps de parler à Dieu. Ne rappe­lons pas trop vite vers nous son attention, ce qui arriverait si nous reprenions de suite le « Je vous salue, Marie ».

Ne sentez-vous pas que durant ce moment où vous vous taisez, où c’est Elle qui prie, vous êtes protégé ? Je viens d’écrire « protégé ». Oui, pensons aux passages protégés qu’il y a dans les villes : chaque fois que, au bout d’un « Je vous salue, Marie », nous avons dit : « Priez… maintenant », c’est comme l’ouverture du passage pour les piétons : alors, vite, avançons, pendant qu’Elfe prie maintenant, avançons vite vers l’autre bord, vers l’Éternel. Il n’y a plus de danger sur la chaussée durant ce « maintenant » pendant lequel la Mère de Dieu prie pour nous !

« ET À L’HEURE DE NOTRE MORT ». Durant ma vie entière vous m’avez tenu par la main, ô ma Mère. Se pourrait-il qu’à cette heure-là, je sente vos doigts se dénouer et votre main me lâcher ? Certes non ! Si votre main souveraine quittait ma main, ce serait certainement pour saisir un pan de votre manteau et m’en couvrir. Mère de mon long chemine­ment et Mère à mon instant suprême, oui, enveloppez-moi dans la retombée de votre manteau durant ce court moment, après lequel, sûr d’avoir passé la porte je me dégagerai sou­dain, pour vous faire entendre mon rire, le rire de l’enfant, qui rit, qui rit, parce que, par les soins de sa Mère, il a tout réussi.

Petit Frère, les pages que vous venez de lire peuvent être, ainsi que l’annonce le titre, un invitatoire pour inspirer le désir de réciter la salutation angélique. Lors donc que vous viendra ce désir - envie savoureuse ou froide résolution -oubliez ce que vous aurez lu dans ces pages et priez simple­ment. Les mots ont par eux-mêmes leur effet affectif et leur signification.

Donc, sans surcharge et sans complication, dites avec goût, avec chic, avec élégance, ces mots pleins de mystère. Qu’ils aillent droit devant eux et droit devant vous, de vous vers Elle - et d’abord, du moins ordinairement, vers l’une de ses représentations.

Mais, après la prière, lorsque vous aurez besoin d’un rappel pour oser revenir et recommencer, alors relisez cet invitatoire. Faites appel de nouveau à ce que mon cœur a écrit de plus sincère. Vous me ferez plaisir. Car aurais-je pris la plume, si je n’avais eu en vue votre bien et votre joie ?

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