Le P. Garrigou-Lagrange

De Salve Regina

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P. Garrigou-Lagrange
Auteur : P. Lavaud, O.P.
Source : Article du Dictionnaire de Spiritualité

Difficulté de lecture : ♦ Facile

Le R. P. Réginald Garrigou-Lagrange

(dominicain, 1877-1964)

1. Vie

Gontran-Marie Garrigou-Lagrange, né à Auch le 21 février 1877, fait ses études secondaires à La Roche-sur-Yon et Nantes, les achève par une brillante année de philosophie à Tarbes. Étudiant en médecine à Bordeaux, ses convictions religieuses s'attiédissent un moment, mais sont ranimées à la suite de lectures sérieuses (Ernest Hello et saint Jean de la Croix). Une illumination intérieure lui fait prendre conscience aiguë de la vérité absolue de la foi catholique et il entend l'appel de Dieu à son service exclusif. Après quelques hésitations sur le choix d'une famille reli­gieuse, il entre à vingt ans chez les frères prêcheurs au noviciat d'Amiens et reçoit le patronage du bienheureux Réginald d'Orléans.

Profès le 30 mai 1900, il sera prêtre dès 1902. Il fait ses études sacrées à Flavigny, puis à Gand, où le studium des dominicains de la province de France a trouvé refuge. Son maître principal, régent du studium, est Ambroise Gardeil, qui apprécie son exceptionnelle valeur et l'envoie, en 1904, préparer une licence en Sorbonne. A Paris, il prend contact, non sans discernement, avec Delbos, Dur­kheim, Lévy-Brühl, Picavet, Séailles, surtout Brochard et Bergson, aux cours de qui il fait la connaissance de Jacques Maritain. Il professe un an au Saulchoir en Belgique, où le studium a été transféré, l'histoire de la philosophie, puis, dès 1906, la théologie dogmatique.

En 1909, il est appelé à l'Angelicum de Rome que vient de fonder Hyacinthe Cormier, général de l'ordre. Il enseigne successivement, ou simultanément, métaphysique, théologie fondamen­tale, grands traités de théologie dogmatique. Il inau­gure dès 1917, et professe jusqu'à Noël 1959, un cours de théologie ascétique et mystique. Il ajoute à son labeur de professeur et d'écrivain divers travaux pour les congrégations romaines qui utilisent ses compé­tences, pour le Saint-Office notamment dont il est longtemps qualificateur, puis, vers la fin de sa carrière, consulteur.

Durant les vacances, il prêche en Italie, en France, parfois en Angleterre, en Hollande, une fois au Canada, en Amérique du sud, de nombreuses retraites, surtout dans les monastères et couvents, et fait des conférences doctrinales. Le tout durant un demi-siècle. Ses forces épuisées par un si constant labeur, il quitte l'Angelicum en 1960. Au couvent de Sainte-Sabine, il subit une obnubilation de ses facultés, rude épreuve pour un tel penseur, saintement acceptée d'avance et dans les moments de lucidité. Il meurt à Rome le 15 février 1964.

Le premier au choeur, austère et pauvre, refusant tout confort, mortifié, d'une piété simple et d'une obéis­sance d'enfant, avare de son temps, ayant le souci et même la hantise des pauvres, pour qui il se fait men­diant, R. Garrigou-Lagrange a été un professeur remarquable, et même longtemps prestigieux. Il a exercé une profonde influence intellectuelle et spiri­tuelle sur des générations d'étudiants, séculiers et réguliers de divers ordres et de plusieurs pays. Prédi­cateur, confesseur, directeur, il a éclairé et guidé un grand nombre de prêtres, de religieuses, de laïcs. Il a surtout agi par ses écrits.


2. Son oeuvre est à tous égards considérable.

Chroniques de philosophie, d'apologétique, de dogme, de spiritualité dans divers périodiques (Revue thomiste, Revue des sciences philosophiques et théologiques, Divus Thomas, Angelicum, et la Vie spirituelle dont il fut longtemps le colla­borateur le plus assidu et le plus écouté), préfaces, notices biographiques, dont l'une consacrée à Françoise de Jésus, fondatrice de la compagnie de la Vierge (Paris, 1936), importants articles de dictionnaires (Dieu dans le Dictionnaire d'apolo­gétique, Prédestination, Providence, Prémotion physique, Tho­misme dans le DTC, développés en ouvrages indépendants) ne sont qu'un fruit secondaire de son activité d'écrivain. Le fruit principal consiste en de nombreux volumes en fran­çais et en latin. Sa pensée est très unifiée ; chez lui, le philo­sophe ou théologien spéculatif n'est jamais séparé du maître spirituel. Nous ne pouvons donc isoler les ouvrages de pure spiritualité.


1° En français : Le sens commun, la philosophie de l'Être et les formules dogmatiques (Paris, 1909); on y trouve déjà toutes les idées maîtresses sur lesquelles il reviendra sans cesse. — Dieu, son existence et sa nature, solution thomiste des antinomies agnostiques (Paris, 1915); des appendices seront ajoutés à partir de la 3e éd. — Perfection chrétienne et contemplation selon saint Thomas d'Aquin et saint Jean de la Croix (2 vol., Saint-Maximin, 1923). — L'amour de Dieu et la croix de Jésus. Étude de théologie mystique sur le problème de l'amour d'après les principes de saint Thomas et la doctrine de saint Jean de la Croix (2 vol., Juvisy, 1929). — La Pro­vidence et la confiance en Dieu : fidélité et abandon (Paris, 1932). — Le réalisme du principe de finalité (Paris, 1932). — Les trois conversions et les trois voies (Juvisy, 1933). — Le Sauveur et son amour pour nous (Juvisy, 1933). — Le sens du mystère et le clair obscur intellectuel (Paris, 1934). — La prédestination des saints et la grâce (Paris, 1936). — Les trois âges de la vie intérieure (2 vol., Paris, 1938-1939). — La Mère du Sauveur et notre vie intérieure (Lyon, 1941). — La synthèse thomiste (Paris, 1946). — L'éternelle vie et les profondeurs de l'âme (Paris, 1947). — La plupart de ces ouvrages, plusieurs fois réédités et traduits en diverses langues, ont eu une influence étendue.

2° En latin : De revelatione per Ecclesiam catholicam proposita (2 vol., Rome-Paris, 1917 ; en 1 vol. à partir de la 3e éd.). — De Deo uno (Paris, 1939). — De Deo trino et creatore (Turin, 1943), contenant aussi les principales questions des traités de la création, des anges, du gou­vernement divin. — En 1946 (Turin-Rome) : De gratia; De sanctificatione sacerdotis secundum nostri temporis exigentias; — De Christo Salva:ore (prêt dès 1943, la composition typographique avait été détruite par la guerre). — En 1948, même lieu d'édition : De virtutibus theologicis; — De unione sacerdotis cum Christo Sacer­dote et Victima; — De Eucharistia. Accedunt de poeni­tentia quaestiones dogmaticae. — De Beatitudine. De actibus humanise. (Turin, 1951).

La plupart de ces ouvrages sont des commentaires de traités de la Somme théologique de saint Thomas et des cours destinés aux étudiants et aux professeurs de théologie.


3. Doctrine spirituelle.

R. Garrigou-Lagrange est un représentant éminent de la tradition thomiste, dans la ligne et, si l'on ose dire, dans la lignée des grands commentateurs dominicains, Cajetan, Barrez, Jean de Saint-Thomas, pour qui il professait une préférence marquée, et des carmes de Salamanque.

Il fut un adversaire constant et résolu de l'éclectisme suaré­zien, et surtout du molinisme. Il le considère comme conçu pour résoudre un problème important certes, mais particulier, comme peu cohérent avec les principes les plus hauts de la métaphysique et de la théologie spéculative qu'on ne saurait en aucun cas sacrifier ou compromettre sans grand dommage.

Ses positions thomistes fondamentales l'armaient pour réfuter l'agnosticisme et le modernisme, pour défendre avec vigueur et efficacité la distinction de l'ordre naturel et de l'ordre surnaturel, la possibilité de la révélation, toutes les grandes vérités révélées, sans jamais perdre de vue le sens du mystère qu'il garde toujours à un haut degré et s'efforce de développer chez ses lecteurs et ses auditeurs.

En 1957, Pie XII déclarait : « Nous avons eu souvent la preuve du talent et du zèle avec lesquels vous avez, par la parole et par l'écrit, défendu et sauvegardé l'intégrité du dogme. »

Précisons ici son rôle dans la renaissance des études mystiques et ses positions :


1° Comme Le sens commun... contenait déjà plus qu'en germe sa doctrine métaphysique et sa théologie dogmatique, son premier ouvrage de spiritualité, Perfection chrétienne et contemplation, établit solidement la doctrine qu'il gardera toujours et que ses ouvrages ultérieurs développeront et défendront sans défaillance, en elle-même et dans ses tenants et aboutissants.

Il s'engage résolument dans la voie ouverte, par exemple en France, par Auguste Saudreau et surtout en Espagne par son confrère J. G. Arintero qui avait été quelque temps son collègue à l'Angelicum. Il réagit vivement contre les tendances représentées notamment par A. Farges, partisan résolu de la séparation tranchée entre l'ascétique et la mystique, entre les voies « communes » ou ordinaires et les voies extraordinaires, entendues comme comprenant, non seulement les phénomènes singuliers qui accompagnent parfois la contemplation infuse ou se présentent sans elle, mais la contemplation infuse elle-même, les oraisons passives. Pour résoudre le problème mystique actuel, pense-t-il, la méthode descriptive, si utile et nécessaire qu'elle soit, si bien utilisée qu'elle ait été par A. Poulain dans Les grâces d'oraison (Paris, 1901 et 1922), ne saurait suffire.


Il faut expliquer les réalités théologiques par leurs principes propres. Les doctrines fondamentales de saint Thomas sur la surnaturalité quoad substantiam de la foi, longuement établie par le De revelatione, et des vertus théologales, l'existence de vertus morales surnaturelles, spécifiquement distinctes des vertus naturelles de même nom, l'efficacité ab intrinseco de la grâce sont en harmonie et cohérence parfaite avec les enseignements les plus hauts des mystiques orthodoxes et des grands maîtres spirituels et en rendent compte au mieux spéculativement. En raison de l'émi­nence de la vie surnaturelle et des blessures de la nature humaine par le péché et ses suites, les purifications pas­sives, incontestablement d'ordre mystique, s'imposent sous une forme ou l'autre pour accéder à la sainteté. Il résulte de la formule même du premier précepte de l'amour de Dieu qu'il oblige sans mesure chacun, selon sa condition et vocation, sinon à être hic et nunc parfait, du moins à tendre à la perfection comme à une fin à atteindre. La contemplation infuse, jusqu'en ses degrés les plus sublimes, n'est pas réductible à une connaissance naturelle de mode angélique par espèces ou idées infuses, mais est l'oeuvre de la foi illuminée par les dons intellectuels de science, d'intelligence et surtout de sagesse.

A la perfection, à la vie mystique, tous sont appelés au moins d'un appel général et éloigné, sinon d'un appel spécial et prochain, qui suppose évidemment un ensem­ble de conditions de réalisation difficile et que toutes sortes de circonstances peuvent entraver ou détruire.

La vie mystique, surtout à ses degrés élevés, est certes chose rare, mais non, par nature et de droit, « extraordinaire ». Elle est dans la ligne normale de la perfection chrétienne. La grâce des vertus et des dons y tend de soi. C'est à tort que, pour maintenir un clivage artificiel entre la voie ascétique ou ordinaire et la voie mystique, prétendue « extraordinaire », on s'efforce de distinguer, et de trouver affirmés dans saint Thomas, deux modes divers d'action des dons du Saint-Esprit : l'un humain comme celui des vertus, l'autre supra-humain. Les dons suppléent à l'insuffisance congénitale des vertus qui, même surnaturelles et infuses, même théologales, sont toujours par elles-mêmes principes d'action à simple mode humain.


Le mode supra-humain des dons, assorti à leur règle supérieure les spécifie uniquement. Sauf sur certains détails très secondaires concernant tel ou tel don, saint Thomas n'a pas changé d'avis ni abandonné l'idée que d'abord il s'en était faite. Cette doctrine thomiste des dons rend compte au mieux de la mys­tique de saint Jean de la Croix, qui parle peu explici­tement des dons en eux-mêmes, mais décrit à la per­fection ce que Dieu opère dans l'âme en les mettant en action. Les motions des dons suivent et produisent de divers points de vue le progrès spirituel. D'abord assez rares et peu discernables, elles deviennent norma­lement plus fréquentes et plus manifestes aux yeux d'un directeur expérimenté; d'ailleurs, chez les uns on constate plutôt la mise en oeuvre des dons de l'action, chez d'autres plutôt celle des dons contemplatifs. Ces motions sont des grâces opérantes par excellence, sous lesquelles l'âme docile est spécialement passive; ce qui fait dire, et c'est vrai descriptivement : c'est Dieu qui fait tout, lui seul. Mais elles déterminent une réaction vitale, libre, sinon délibérée, et l'homme est vraiment l'auteur, à son plan, de l'acte parfait auquel Dieu le meut ainsi, avec autant de suavité que de force. Selon l'enseignement des saints, la limitation des grâces et du progrès spirituel ne vient pas d'un refus de Dieu d'élever à plus d'intimité avec lui, mais plutôt d'une sorte de dérobade de l'âme devant les sacrifices, renoncements et dépouillements nécessaires pour la purifier et l'élever plus haut. Ainsi doivent s'entendre, selon notre auteur, — un peu prompt peut-être à les interpréter et réduire —, les textes de saint Jean de la Croix notamment. Il n'est donc nullement présomptueux d'aspirer à la vie mystique sous une forme ou sous une autre et de s'y disposer avec le secours de la grâce commune. Norma­lement des grâces plus hautes suivront.

Mais il serait téméraire et présomptueux de désirer les cha­rismes que Dieu donne, non exclusivement, mais principalement, pour l'utilité d'autrui : visions et révélations particu­lières, extases et tout phénomène éclatant, qui accompagnent parfois la haute sainteté sans être jamais absolument néces­saires à son éclosion. L'âme qui en est favorisée doit se défier d'elle-même, et son entourage se garder d'en faire trop grand cas, car il est facile de mêler du sien à ce qui vient de Dieu, et le démon est habile à singer, pour donner le change et séduire, le préternaturel divin. Pour éviter toute illusion, il importe d'observer à l'égard de ces faveurs les sévères consignes de saint Jean de la Croix, de se rappeler que rien d'autre que la pure foi n'est moyen apte et proportionné d'union intime avec Dieu et acheminement à l'égalité d'amour.


2° Avec L'amour de Dieu et la Croix de Jésus, l'au­teur demande à saint Thomas les principes théolo­giques de l'ontologie de la grâce, des vertus et des dons, et au docteur mystique l'explication profonde du dyna­misme de cette grâce et des principes opératifs qui l'épanouissent dans les puissances. La conception thomiste de l'amour de charité permet de résoudre les difficultés résiduelles de diverses conceptions anté­rieures, notamment des victorias et de saint Bernard. C'est dans cet ouvrage surtout qu'il faut chercher des développements sur la place de la croix dans la vie du chrétien, comme dans l'accomplissement par Jésus du mystère rédempteur. L'auteur développe les raisons d'être de la mortification active et des épreuves ou nuits passives des sens et de l'esprit. L'influence de La Croix de Jésus de Louis Chardon est ici assez sensible sans être déterminante. La notion d'abandon à Dieu dans la confiance filiale comme conséquence de l'attribut divin de Providence est élucidée dans Providence et confiance en Dieu (comme dans les Perfections divines, extrait de Dieu, son existence et sa nature). Ici R. Garrigou-Lagrange doit beaucoup en particulier à J.-P. de Caussade, ce maître de l'abandon.

Le Sauveur et son amour pour nous adapte pareillement aux âmes intérieures le traité théologique de l'incarnation rédemp­trice en développant les merveilles de l'amour du Christ et du sacrement de l'eucharistie. La prédestination des saints et la grâce fait de même pour ce mystère qu'il s'agit moins de scruter que d'adorer dans la certitude de foi que notre salut est plus assuré dans les mains de Dieu que dans les nôtres.


3° Toute la doctrine des ouvrages précédents se retrouve, avec divers compléments sur les grandes dévotions catholiques, dans Les trois âges de la vie intérieure, prélude de celle du Ciel, sorte de somme théologique spirituelle où cette vie intérieure, consi­dérée d'abord en général et dans ses sources, est suc­cessivement étudiée dans ses phases, classiquement distinguées depuis le pseudo-Denys, purificative, illu­minative et unitive, et qu'il identifie respectivement, non sans une certaine tendance concordiste, à celles des commençants, des progressants et des parfaits; la vie spirituelle s'oriente ainsi progressivement vers la vision béatifique dont, en ses sommets, elle apparaît comme le prélude normal et l'avant-goût.


4° La sainte Vierge, à qui R. Garrigou-Lagrange dédie tous ses livres, n'en est jamais absente. Disciple de saint Louis-Marie Grignion de Montfort dont il aimait à commenter le Traité de la vraie dévotion et le Secret de Marie, il sait qu'on ne peut exposer, tel qu'il est dans l'éternel dessein du Père et sa réalisation en la plénitude des temps, le mystère du Sauveur sans reconnaître à sa Mère la place que Dieu lui a donnée.

Ayant constaté dans sa vie de théologien une sorte d'ana­logie entre les phases de sa dévotion mariale et les trois âges de la vie spirituelle, il intitule son livre sur Notre-Dame : La Mère du Sauveur et notre vie intérieure. Il y considère Marie dans sa maternité divine, raison d'être de toutes ses autres prérogatives, dans la plénitude de grâce : au début, à l'heure de l'incarnation, à la fin de sa vie terrestre, comme mère céleste de tous les hommes, médiatrice universelle auprès du média­teur, Reine de miséricorde. A cette lumière sont expliquées la consécration à Marie, l'union mystique avec elle, la consé­cration du genre humain à son Coeur immaculé.


5° Dieu seul vu face à face peut combler les profondeurs de l'âme qu'il a créée capable de lui. R. Garrigou-Lagrange avait trop écrit sur la vie de la grâce comme prélude de la vie éter­nelle pour ne pas compléter son enseignement par une étude de la vie glorieuse. L'éternelle vie et la profondeur de l'âme évoque d'abord cette profondeur qui rend l'âme capable de Dieu, puis la mort et le jugement, l'enfer ou l'éternité perdue pour toujours, le purgatoire ou l'éternelle vie ardemment désirée, et enfin le ciel, plénitude de Vie.


6° Les traités en latin pour les prêtres exposent de manière très traditionnelle la spiritualité sacer­dotale et mettent en garde contre les périls actuels, d'autant plus graves que l'on se refuse souvent à les reconnaître comme tels. Pour lui, la perception des exigences de notre temps ne doit pas faire méconnaître les exigences de toujours.

R. Garrigou-Lagrange n'a rien médité autant que la gratuité absolue de la grâce. La grande pensée de saint Augustin, que le concile de Trente fit sienne : « Nam Deus impossibilia non jubet, sed jubendo monet, et facere quod possis, et petere quod non possis » (De natura et gratia 43, 50, PL 42, 271), « et adjuvat ut possis » (sess. 6, De justificatione, c. 11; Denzinger-Schönmetzer 1536 [804]), était son leitmotiv. Il trouva dans la contemplation de ces hautes vérités l'épanouis­sement et la confiance qui ne sauraient venir de la seule spéculation théologique. Sa doctrine est claire et dilatante, sa langue simple et peu soucieuse de raffinement littéraire; il avait le don de mettre à la disposition des esprits la doctrine spirituelle qui s'y rattache. Il était plus préoccupé de vues d'ensemble et de synthèse que d'érudition historique ou exégé­tique, que d'éditions critiques; il était moins attentif aux nuances de pensée qu'empressé à reconnaître et proclamer, parfois un peu vite, leur accord. Il a grandement contribué à la renaissance de la théologie spiri­tuelle; son nom est associé à ceux du carme déchaussé Gabriel de Sainte-Marie-Madeleine + 1953 et du jésuite Joseph de Guibert + 1942 qui vécu­rent préoccupés des mêmes problèmes spirituels.


Le DS parle assez souvent des positions de R. Garrigou-Lagrange, en particulier t.1, col. 145 (accroissement des vertus) ; t. 2, col. 346, 585, et t. 3, col. 589 (charité); t. 3, col. 935, 938 (désir de Dieu); t. 3, col. 1182 (direction spirituelle); t. 3, col. 1487-1488, 1632-1633, 1640-1641 (dons du Saint-Esprit); t. 4, col. 918 (épreuves spirituelles); t. 5, col. 341-342 (foi). — Il y a donné la présentation de la Contemplation dans l'école dominicaine (t. 2, col. 2067-2080) et l'article sur les Espèces in f uses (t. 4, col. 1203-1206).

Nous avons présenté la personne et l'œuvre de Garrigou-Lagrange dans la Revue thomiste (t. 64, 1964, p. 181-199), et le maître spirituel dans VS (t. 111, 1964, p. 337-354). — Voir aussi I. Colosio, Il P. Maestro R. Garrigou-Lagrange, dans Rivista di ascetica e mistica, t. 9, 1964, p. 139-150, 226-240; t. 10, 1965, p. 52-68. — M.-R. Gagnebet, L'oeuvre du P. Gar­rigou-Lagrange. Itinéraire intellectuel et spirituel vers Dieu, dans Nova et vetera, t. 39, 1964, p. 273-290, et dans Doctor communis, t. 17, 1964, p. 159-182; etc. — G. Geenen, dans Marianum, t. 26, 1964, p. 264-272. — E. Perez, Personalidad filosofico-teologica del.., dans Teologia espiritual, t. 8, 1964, p. 447-462. — A. Huerga, El P. ... maestro de la vida interior, ibidem, p. 463-486. — Tommaso della Croce, Il P. Garrigou-Lagrange teologo spirituale, dans Angelicum, t. 42, 1965, p. 38-52.

Essai de bibliographie du R. P. Garrigou-Lagrange, dans Angelicum, t. 14, 1937, p. 5-37 ; t. 42, 1965, p. 200-272.

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