Le cardinal Billot, lumière de la théologie

De Salve Regina

Théologie Fondamentale
Auteur : Abbé V.-A. Berto
Source : Revue "La Pensée Catholique" n° 7

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen

Le cardinal Billot, lumière de la théologie

Recension d'un livre du P. Le Floch, C.S.P.

A quatre-vingt-six ans, décoré d'une persistante et merveilleuse jeunesse, le T. R. P.Le Floch rend publique une étude composée au lendemain de la mort de son illustre ami le cardinal Billot.

Le T. R. P. Le Floch n'a pas fait métier d’écrire, et il est peu connu comme écrivain. L’éclat d'une supériorité de vingt-trois ans au Séminaire pontifical français a comme rejeté dans l'ombre ses autres mérites. « Grande institution pontificale et française, lui faisait écrire en 1915 le Pape Benoît XV, dont la prospérité croissante est l’œuvre de votre sagesse et de votre zèle ? » ce n’est pas ici le lieu de décrire cette « prospérité croissante » de la célèbre Maison sous le gouvernement du. T. R. P. Le Floch. Mais il n'est pas possible non plus à ceux qui se reconnaissent, à leur humble rang dans l’Eglise les fils et les disciples de l'éminent religieux, de prononcer son nom sans I’accompagner de l'expression de leur gratitude et de leur admiration, sans évoquer les délices de vivre sous cette autorité à la fois presque insensible et pourtant souveraine, cet élan imprimé à une jeunesse ecclésiastique pleine de fougue intellectuelle, mais imprimé non au hasard, dirigé en même temps par les routes. les plus sûres, vers les hauteurs doctrinales les plus lumineuses. Eteindre les esprit est paresse ou couardise ; les exciter dans le pêle-mêle, témérité ; entre les deux, se place l’animation sage qui procède du véritable éducateur, perpétuellement‑ attentif à discerner d'avec les modes d’un jour les pensées permanentes de l’Eglise, ne craignant point d'inspirer la hardiesse, parce qu'il sait donner autant de prix à la fidélité. De, ce tempérament des contraires, si nécessaire, et dont si peu d~hommes sont capables, le P. Le Floch a donné de génie pendant vingt-trois ans le précepte et l'exemple, et c’est sans doute principalement comme Supérieur du Séminaire français de Rome qu’il ,vivra dans la postérité.

C'est pourtant comme écrivain qu'il a été couronné par l’Académie Française pour son grand ouvrage sur le Fondateur de la Congrégation du Saint-Esprit, Claude-François Poullart des Places. Cette biographie ample et savante est malheureusement peu accessible au grand publie, et il faut souhaiter qu'une édition abrégée en soit faite. Le T. R. P. Le Floch a traité son sujet à la grande manière, et, avec le portrait du saint Fondateur il a donné le tableau de la vie ecclésiastique et de la formation cléricale dans les dernières années du XVIIe siècle et, dans les premières années du XVIIIe. J’écrivais tout à l’heure que le T. R. P. Le Floch a de génie les dons de chef et d’éducateur. Certes, mais aussi, il a mûri ces dons, il les a exploité par une méditation assidue. Le Fondateur de la Congrégation à laquelle il appartient, l'admirable Congrégation du Saint-Esprit, a été son modèle ; il n'a laissé perdre aucun de ses enseignements. Il ne les a pas seulement conservés pour l’histoire il en a fait l'âme de son gouvernement. « Le Saint-Père lui écrivait le Cardinal se plait à vous rendre le témoignage d’avoir appliqué au Séminaire Pontifical français, avec un succès reconnu de tous, au bénéfice de la piété, des études et de la formation romaine, les méthodes et les principes transmis en patrimoine par le Serviteur de Dieu Claude-François Poullart des Places. »

A une autre étude du T. R. P. Le Floch sur les « Elites Sociales et le Sacerdoce » dont Benoît XV disait dans une lettre autographe « qu'il en avait pris connaissance lui-même avec un intérêt, tout particulier », c’est le Cardinal Billot qui donna une préface.

Toutes les vues communes, entre des esprits médiocres, ne font qu’une amitié médiocre ; entre des esprits également vastes et profonds, elle font une amitié digne d'eux. Telle était l’amitié qui s'était établie entre le cardinal Billot et le T. R. P. Le Floch, et nous en avons dans le présent ouvrage, le monument marmoréen.

Le premier chapitre est. véritablement le marbre du Cardinal Billot. Nul ciseau ne ferait mieux revivre les traits de l'illustre théologien, les lignes dd son visage, sa stature son port ; nul ciseau surtout ne pouvait rendre les caractères de son âme, sa noblesse, son incapacité à penser bassement,,le feu de ses recherches et la flamme de son discours, et par-dessus tout, cet amour transcendant du verbe de Dieu et de son Eglise qui fût le ressort d'une vie d'austère labeur et d’humble effacement devant la vérité. Pour célébrer cette grandeur spirituelle, la pensée du T. r. P. Le Floch s'exprime, il faut bien répéter le mot, dans des phrases marmoréennes : « Sa ,vertu c'était la vérité même, le devoir réalisé, l'équilibre parfait dans la tranquillité de l’ordre… S'il n'a point partagé le goût des déguisement et des finesses inutiles, s'il s'est écarté de ces souplesses et de ces artifices qui sont qui sont toute la science, l’ambition et le mérite de tant d’âmes vulgaires, il a eu cette diplomatie immortelle qui achemine les hommes à leur fin par les moyens les plus propices… Le mérite fondamental du Cardinal Billot est d'avoir retrouvé, séparé, dilaté, renouvelé la doctrine de l'Ange de l'Ecole, de l'avoir enseignée dans sa pureté avec un accent personnel et une maîtrise incomparable. ». Qui écrit de ce style peut être justement proclamé par un Paul Bourget un maître dans l’art d'écrire.

Le T. R. P. Le Floch ne s'est pas proposé de montrer historiquement les progrès que le Cardinal Billot a fait faire à la théologie spéculative. Il aurait fallu pour cela déterminer exactement pour chaque tractatus, l'état où le Cardinal a trouvé la science surnaturelle du révélé, et l'état,,où il l'a portée. Ce travail reste à faire. Le T. R. P. Le Floch .ne pouvait pas cependant ne, pas signaler que le Cardinal Billot a été l'un des plus puissants promoteurs de la rénovation thomiste, après que l’encyclique à jamais glorieuse Aeterni Patris eût donné l’impulsion. C’est dire que le progrès dont la théologie est redevable au Cardinal est un retour à saint Thomas. Aussi peu soucieux que son ami de perdre le temps, le T. R. P. Le Floch ne s’arrête pas à réfuter ceux qui pensent qu’un retour ne peut pas être un progrès ; cette sottise majeure ne lui a paru digne que de prétérition.

Mais il s'attache à faire voir, comment le Cardinal Billot, plus fermement appuyé que ses prédécesseurs sur les principes mieux pénétrés du thomisme s'est trouvé capable tantôt de proposer une théologie du péché originel ou de la transsubstantiation infiniment supérieure à celle qu’on s'était efforcé de construire en se passant de saint Thomas, tantôt de venger, avec une vigueur intellectuelle extraordinaire, la vraie doctrine de l'Eglise contre les erreurs contemporaines du Libéralisme, du Modernisme et. du Sillonnisme. L’exposé, que fait le T. R. P. Le Floch de la pensée du Cardinal est lui-même un modèle de présentation serrée, ramassée, solide. On sent que le survivant des deux illustres amis n’a pas moins réfléchi que l’autre sur ces difficiles problèmes ; et, que ces deux grands esprit soient arrivés à une entente si parfaite, n'est pas un médiocre signe de la vérité de ce qu'ils disent.

Le Cardinal Billot n'est pas mort Cardinal. Attaché à son Institut de toute son âme, il n'avait jamais aspiré qu'à mourir Jésuite. Ce cher vœu de son cœur se trouva accompli au-delà de toute prévision. Le 19 décembre 1927, le Souverain, Pontife annonça au sacré Collège qu'il avait agréé la renonciation du Cardinal Billot. Le grand théologien, redevenu simple religieux, vécut dès lors dans la retraite la plus silencieuse travaillant toujours, ne cessant de se préparer, à la mort. Il ferma les yeux à la lumière de ce monde le 18 décembre 1932. En le perdant, ainsi que dit en finissant le T. R. P. Le Floch, « la terre perdait le docteur le plus éclairé et le plus humble de. son temps ».

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