Le dimanche des Rameaux

De Salve Regina

Les temps liturgiques
Auteur : Pius Parsch

Difficulté de lecture : ♦ Facile

Nous entrons maintenant dans le saint des saints de l'année liturgique. Comme l'Église nous a préparés progressivement avant de nous y laisser entrer! N'avons-nous pas, depuis la Septuagésime, remarqué un crescendo perpétuel ? Chaque semaine nous a fait monter et nous a rapprochés. L'Église, sans doute, nous a ,parlé souvent de la Croix et de la Résurrection du Seigneur, mais elle le faisait toujours sous le voile des signes et des symboles, comme si elle craignait d'exposer ce qu'elle a de plus cher aux regards profanes. Aujourd'hui, enfin, elle soulève le voile et nous pouvons contempler le saint des saints. Bien plus, nous prenons part au plus sublime mystère de l'histoire du salut.

Nous commençons la grande et sainte semaine. Nous pensons à la Croix et à la Résurrection qui sont inséparables. L'oeuvre rédemptrice du Christ ne se termine pas à sa mort, mais se prolonge dans la victoire de sa Résurrection. Nous n'avons donc pas le droit de séparer la Passion du Christ de sa Résurrection. La liturgie ne veut pas seulement être une lamentation sur la mort du Christ et une compassion pour ses souffrances. Ce serait une conception médiévale et moderne de ce temps. Non, dans toute cette semaine, nous entendons des accents de victoire et de joie. Nous voyons, dans la Passion du Christ, une transition qui nous mène à la gloire de la Résurrection. Nous ne comprendrions pas l'ancienne liturgie si nous ne soulignions pas précisément cette pensée. Il n'est pas de jour, pendant toute cette semaine, où nous n'entendions, d'une manière distincte et claire, des thèmes de Pâques et des chants de victoire. Songeons seulement au Dimanche des Rameaux avec les hommages royaux rendus au Seigneur, au Jeudi-Saint avec la messe solennelle de la Cène et la bénédiction des Saintes-Huiles, au Vendredi-Saint avec l'élévation de la Croix comme signe de victoire, au Samedi-Saint qui est le commencement de la solennité pascale.

Extérieurement, quatre jours ressortent particulièrement dans cette semaine: le dimanche des Rameaux et les trois derniers jours. Les trois autres jours, le lundi, le mardi et le mercredi, ne se distinguent guère des jours précédents du temps de la Passion . Le dimanche des Rameaux est la porte d'entrée monumentale qui nous introduit dans les saints mystères de Pâques.

Le dimanche des Rameaux : Station de saint Jean de Latran

Le Roi conduit les siens au combat et à la victoire.

La fête du jour

Le sens de ce jour n'est pas seulement la commémoration de l'entrée de Jésus à Jérusalem. Le sens est plutôt celui-ci : nous voulons accompagner solennellement le Seigneur dans sa Passion. Mais nous ne pouvons le faire que si nous sommes d'abord consacrés comme combattants et martyrs. C'est ce que signifie la cérémonie des Rameaux. Nous ne l'entendrons et nous ne la célébrerons comme il faut que si nous nous représentons vivement que le Christ est au milieu de nous, que nous sommes ses disciples et que nous lui préparons un triomphe. Nous accompagnons le Seigneur du Mont des Oliviers dans la ville sainte où il va souffrir. C'est donc un drame sacré dans lequel nous ne sommes pas seulement spectateurs, mais acteurs. Considérons les personnages et les lieux. Le drame a trois actes qui se passent en trois lieux différents : le premier acte se passe au mont des Oliviers (c'est la bénédiction des palmes dans l'église de rassemblement); le second se passe sur le chemin qui mène du Ment des Oliviers aux portes de la ville de Jérusalem (c'est la procession des Rameaux); le troisième se déroule dans la ville sainte elle-même (c'est la messe dans l'église de station). Les personnages sont : le Christ, les disciples, les enfants. Nous devons nous représenter le Christ comme présent et le voir soit dans le symbole de la croix qui marche devant nous, soit dans la personne du prêtre; autrefois, même, on introduisait dans la procession un âne traînant un petit char dans lequel se trouvait une statue du Christ; on appelait cet âne l'âne des Rameaux. Les disciples, ce sont tous les fidèles. Aujourd'hui, les enfants jouent un rôle important; ils représentent les enfants Juifs qui criaient: hosannah. Maintenant, prenons réellement part au drame sacré.

ler Acte : La bénédiction des Rameaux

Nous nous rassemblons aujourd'hui dans une église plus petite; elle représente le Mont des Oliviers, C'est là que, de fait, la bénédiction des rameaux a lieu; ces rameaux ne sont pas apportés par les fidèles individuellement, ils sont rassemblés sur une table près dé l'autel. La bénédiction des rameaux se fait sous la forme d'une messe qui n'a pas de consécration ni de communion. La consécration est remplacée par la bénédiction même des rameaux; et la communion, par la distribution de ces rameaux. La cérémonie commence; quand le prêtre fait son entrée, nous le saluons comme le Christ, qu'il représente, par le chant des disciples : " Hosannah au Fils de David. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur; ô Roi d'Israël, hosannah dans les hauteurs. " C'est l'Introït. Vient, immédiatement après, l'Oraison Cette oraison envisage les grands événements de la semaine, la mort et la résurrection du Seigneur, et demande la grâce sur la terre et la gloire dans le ciel. On dirait que l'entrée solennelle du prêtre qui s'avance vers l'autel nous fait songer à notre entrée un jour au ciel. Cette pensée nous sera, d'ailleurs, présentée une seconde fois, aujourd'hui, dans la procession des rameaux devant la porte de l'église. Suit la Leçon. Celle-ci nous conduit dans le désert où les Juifs, au sortir de l'Egypte, campèrent dans une oasis de douze sources et de soixante douze palmiers. Nous les entendons murmurer contre Moise et regretter les marmites de viande d'Égypte. Mais nous entendons aussi Dieu leur promettre la manne qui doit les nourrir chaque jour dans le désert. " Demain, vous verrez la gloire de Dieu " (Par ces paroles, l'Église indique la fête de Pâques qui approche). Après la leçon, nous chantons un répons. L'âme pieuse quitte le désert aux soixante-dix palmiers et se rend sur le Mont des Oliviers. Elle voit le Seigneur en agonie au jardin des Oliviers; elle, voit les princes des prêtres se réunir et décider sa mort.. Puis, on chante l'Evangile. L'Évangile nous raconte l'entrée solennelle du Christ à Jérusalem, au milieu des acclamations du peuple. Ensuite, se fait la bénédiction solennelle des rameaux. Dans les oraisons de bénédiction, on explique le sens des branches de palmier et d'olivier. Elles symbolisent le martyre du Christ, mais aussi celui des chrétiens. Le Seigneur va maintenant librement à la mort et nous le suivons en portant une palme à la main. Le prêtre chante alors une préface avec les invocations habituelles. C'est une antique préface des martyrs " qui confessent le grand nom du Fils unique devant les rois et les puissances de ce siècle. " Le Sanctus est chanté et suivi de six Oraisons de bénédiction qui expliquent le sens des rameaux. L'Église rappelle le souvenir de la colombe de l'arche qui apporta le rameau d'olivier comme signe de paix. Elle demande -que les rameaux soient une bénédiction pour tous les fidèles. " Que, dans les maisons où ils seront placés, les habitants reçoivent ta bénédiction; que ta main chasse toute puissance ennemie et protège les tiens. " " Les rameaux ", est-il dit plus loin, " annoncent la victoire du Seigneur sur le prince de la mort; les rameaux nous promettent l'effusion des dons du Saint-Esprit. " Quand la bénédiction des rameaux est achevée, les prêtres doivent les distribuer au peuple. L'Église prévoit une distribution solennelle. C'est notre promotion annuelle à la dignité de chevaliers et de martyrs. En recevant les rameaux, nous nous déclarons martyrs et nous sommes désormais capables de, suivre le Roi des martyrs, Jésus-Christ, dans sa Passion. Pendant la distribution, nous sentons que nous sommes déjà "les enfants des Hébreux " qui allèrent au devant du Seigneur, portant des palmes dans leurs mains.

L'Église n'entend pas accomplir une vaine cérémonie en nous mettant une palme dans la main, pas plus qu'au jour de la Chandeleur quand elle nous remet un cierge. A la Chandeleur, nous nous sommes engagés à être des hommes de lumière; aujourd'hui, nous promettons d'être des martyrs et des confesseurs de la foi. Comprenons-nous bien ce que cela veut dire : être martyr du Christ? Être martyr, cela signifie rendre témoignage au Christ dans nos œuvres et dans notre vie, par la parole et la profession de foi, devrait-il nous en coûter la perte de nos biens, la perte de notre vie... Quand nous suspendons le rameau bénit dans notre chambre, souvenons-nous, toute l'année, que nous sommes voués au martyre.

Encore une remarque. Quelle différence y a-t-il entre l'histoire de la Passion et la célébration de la Semaine-Sainte? Autrefois, le Seigneur a souffert seul; aujourd'hui, il veut conduire ses membres, c'est-à-dire nous, les chrétiens, par la croix à la résurrection. La palme que nous portons à la main signifie : Nous allons, avec le Christ et le Christ en nous, à la Passion et à la Résurrection.


2e Acte : La procession des Rameaux

C'est seulement comme chevaliers du Christ, comme martyrs, que nous sommes dignes de suivre le Seigneur, le Roi des martyrs, dans son combat héroïque Le deuxième acte est donc lui aussi une action importante. Nous accompagnons au combat Je vainqueur de la mort et de l'enfer, tel est le sens de la procession. Nous devons y prendre part avec une profonde émotion. Figurons-nous que nous vivons au temps des martyrs, que l'un des nôtres vient d'être condamné à mort pour la foi et que nous l'accompagnons au lieu de son supplice. Avec quel respect nous suivrions ses pas!

La procession se met en marche, précédée de la croix. Les beaux chants nous rappellent sans cesse que c'est comme disciples du Seigneur que nous accompagnons, dans son entrée dans la ville, " le vainqueur de la mort et de l'enfer ".

Le cortège arrive à la porte de l'église paroissiale; les chantres pénètrent dans l'église et on ferme la porte derrière eux. Le clergé et toute la communauté se rassemblent devant la porte fermée. Alors, le choeur entonne, à l'intérieur de l'église, une hymne de louange au Christ-Roi, et le peuple, qui est au dehors, répète toujours le même refrain. Cette hymne merveilleuse est l'oeuvre de l'évêque Théodulphe d'Orléans; il la composa vers l'an 800 alors qu'il était en prison; c'est un magnifique hommage au Christ-Roi. Quand le chant est fini, le sous-diacre frappe trois fois à la porte avec le pied de la croix; la porte s'ouvre et la communauté entre dans l'église. Cette cérémonie élargit le symbolisme de la procession; c'est toute l'humanité qui arrive au but éternel, au ciel. Depuis le péché originel, les portes du paradis étaient fermées. Mais Jésus est venu sur la terre et, avec sa Croix, il a frappé à la porte du ciel. La porte s'est ouverte et l'entrée au ciel a commencé; elle ne s'achèvera qu'au dernier jour. Ainsi, la procession terrestre devient une procession céleste.

Examinons l'émouvant hommage rendu au Christ Roi devant la porte de l'Église. Le portail de l'Église rappelait aux chrétiens romains les antiques ares de triomphe construits pour les vainqueurs. Le portail doit être, aujourd'hui, un arc de triomphe pour le Christ victorieux. On pourrait, aujourd'hui, parer ce portail de rameaux. On devrait rendre à cet hommage au Christ son caractère populaire. Il faudrait que toute la paroisse soit rassemblée sur la grande place de l'Église et tout le monde, les enfants comme les grandes personnes, devraient chanter: "Gloire, louange et honneur soient à toi, Christ-Roi et Rédempteur, à qui la troupe des enfants chanta un pieux hosannah. "


3e Acte : La Messe

L'Église de station, Saint-Jean de Latran, représente la ville de Jérusalem. Ainsi donc le Christ entre dans la ville sainte et nous, ses disciples, nous le suivons: " Quand le Seigneur entra dans la ville sainte, les enfants des Hébreux annoncèrent la résurrection de la vie " (Antienne au moment de l'entrée dans l'église). Or pourquoi le Christ a-t-il fait son entrée Pour se faire couronner roi? Non; pour souffrir. Aussi le ton de la liturgie change soudain, la messe nous place au milieu de la Passion; toutes les parties de la messe sont d'une profonde tristesse; l'Église nous montre l'image douloureuse du Sauveur souffrant; les chants sont des lamentations que fait entendre le Christ; dans son délaissement complet, il crie vers son Père. Trois hommes récitent le prologue du drame de la Croix : le Roi-prophète, David (Introït, Trait, Offertoire), le docteur des nations et le prédicateur de la Croix, Saint Paul (Epître) et, enfin, l'Apôtre et évangéliste saint Matthieu (Passion).

David

Le prophète royal entonne le célèbre psaume messianique, le psaume 21. De l'avis unanime des Pères de l'Église et même de la Synagogue, ce psaume est directement messianique, c'est-à-dire qu'il traite au sens littéral de la Passion du Christ. Nous le concevons comme une vision de David dans laquelle lui est montrée la scène du crucifiement. Ce psaume nous est d'autant plus cher que le Seigneur, sur la Croix, en a récité un verset, peut-être même le psaume entier. Ce psaume représente le paroxysme de la Passion : le délaissement du Seigneur sur la Croix. En récitant ce psaume, nous nous transporterons en esprit sur le Golgotha et nous nous laisserons pénétrer par l'image douloureuse. Assurément, nous ne pourrons pas appliquer chaque mot et chaque image à une scène particulière de la Passion. Le psalmiste essaie de décrire l'effroyable délaissement du Crucifié; il cherche des expressions et des images qui lui permettront de donner une idée approximative de la terrible réalité. Dans la première partie, nous voyons une hésitation dans les sentiments : d'un côté, l'attachement à Dieu, l'abandon à sa volonté, la confiance, l'obéissance envers le Père; d'un autre côté, le délaissement, la désolation. Dans la seconde partie, nous voyons défiler devant nos yeux divers aspects de la Passion. Le psalmiste aime à représenter les ennemis du Messie sous la figure de bêtes dévorantes. Nous entendons aussi des prophéties littérales : "Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils se sont partagé mes vêtements. " " Ma langue est desséchée comme un tesson. "La fin du psaume amène un changement complet de sentiments : Le calice a été vidé jusqu'à la lie et, maintenant, au milieu des ténèbres, brille déjà un rayon de la gloire de la Résurrection. Le Christ fait entendre un chant d'action de gràces pour la rédemption du monde.

Saint Paul

Le second témoignage est apporté par le grand prédicateur de la Croix, Saint Paul. Dans son Épître à sa chère Église de Philippes, il esquisse à grands traits l'image du Crucifié. Ce passage est peut-être ce qui a été dit de plus magnifique sur jésus. Le verset principal : " Le Christ a été obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la Croix, c'est pourquoi Dieu l'a exalté... " constituera l'antienne des trois derniers jours de la Semaine Sainte et résumera toute la Passion.

Saint Matthieu

Le troisième héraut est Saint Matthieu d'ans son histoire de la Passion. C'est précisément Saint Matthieu qui nous décrit le Seigneur dans tout ce qu'il a d'humain, dans son délaissement, tel que le Prophète l'avait prédit.

Dans de nombreuses églises, la Passion est chantée solennellement par trois prêtres (ou diacres). Le premier représente l'évangéliste; le second, le Christ; et le troisième, les autres personnages, pendant que le choeur représente le peuple. Pendant l'Évangile, les chantres et le peuple doivent tenir les rameaux à la main. C'est une affirmation de fidélité envers le Christ, le Roi souffrant.

Cependant, même dans cette messe, le thème pascal ne fait pas entièrement défaut. A l'Épître, nôtre regard s'élève, par delà le Vendredi-Saint, jusqu'à la gloire pascale du Christ. A l'Offertoire et à la Communion, l'Église fait un rapprochement significatif entre le pain et le vin du sacrifice et la Passion du Christ. Quand la communauté apporte à l'autel le pain et le vin, la Schola chante cette antienne : " Ils m'ont donné du fiel pour nourriture et ils m'ont abreuvé de vinaigre. " Et quand la communauté, au moment de la communion, reçoit la sainte Eucharistie, l'Église répète cette antienne . " Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que ta volonté soit faite " (Com.). (Nous voyons ici que les chants ne se comprennent bien qu'en union avec la procession correspondante). La liturgie d'aujourd'hui a commencé au Mont des Oliviers, elle s'achève au Mont des Oliviers.

Si nous jetons un dernier regard sur la solennité du dimanche des Rameaux, nous verrons que l'Église nous fait gravir trois degrés. Nous préparons un triomphe au Christ, notre Roi vainqueur; nous ne le laissons pas aller seul au combat, nous sommes nous-mêmes promus combattants et, à la messe, nous allons à la mort avec le Christ. Mais tout ne se termine pas à la mort. L'Église nous montre un but plus élevé; si nous l'avons accompagné fidèlement dans la vie et dans la lutte, si " nous avons porté devant les rois son nom sublime " (Préface), nous entrerons avec lui dans le royaume du ciel pour régner éternellement avec lui. C'est aussi le sens symbolique de la procession des Rameaux.

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