Le don d'intelligence

De Salve Regina

Les vertus
Auteur : M-D Poinsenet
Source : Extrait du livre Les sept voiles de mon bateau, éd. DDB

Difficulté de lecture : ♦ Facile

Chacun sait, bien sûr, son acte de foi. On le récite certainement de temps en temps, au catéchisme, ou bien quand on fait sa prière. Avoir la foi, c’est croire que Dieu existe, non pas seulement parce qu’on voit sa belle création : la mer, les montagnes, les étoiles, les animaux, les plantes… Mais c’est croire, surtout, que Dieu nous a créés pour que nous le connaissions, pour que nous l’aimions. C’est croire qu’il nous a envoyé son Fils, Jésus-Christ, pour nous parler de lui. C’est croire que, après cette vie – qui n’est qu’une préparation à la vraie – il nous en réserve une autre, infiniment plus belle et qui ne finira jamais.

C’est merveilleux de croire. Mais quelquefois, on voudrait voir. C’est un peu comme lorsqu’on passe sous les tunnels du chemin de fer, pour aller en montagne, on sait très bien qu’on va découvrir, en en sortant, un paysage plus beau que celui qu’on a quitté. On aimerait mieux, tout de même, voir les choses tout de suite, comme ceux qui voyagent en avion.

Pourtant, quand le Saint-Esprit vient habiter notre âme, il peut, par le don d’Intelligence, nous faire comprendre et sentir que tout ce que nous croyons, par la foi, sans le voir, est absolument vrai.

Si le péché originel n’avait pas mis les choses sens dessus dessous dans le monde, et d’abord, dans notre âme, nous aurions compris tout de suite, même sans le voir des yeux de notre corps, que Dieu est beaucoup plus réel que tout ce que nous voyons autour de nous. Ce serait normal, puisque c’est lui qui a tout créé.

Nous aurions compris aussi que Dieu est tellement parfait qu’on ne peut rien trouver de plus beau ou de meilleur que lui.

Nous aurions compris enfin qu’il nous aime tellement qu’il lui est impossible de vouloir autre chose que notre bonheur, même quand il permet pour nous la souffrance.

La très sainte Vierge, qui n’a pas été touchée, elle, par le péché originel, a eu tout de suite, ce regard absolument pur qui lui permettait, même en étant sur la terre, – même en étant, comme nous, obligée de croire, – de découvrir Dieu partout.

C’est pour cela qu’elle a accepté, tout simplement, sans se trou­bler, de quitter Nazareth quelques jours avant la naissance de Jésus, pour partir à Bethléem, où elle savait bien qu’elle risquait de ne pas trouver de logement… C’est pour cela qu’elle est restée debout au pied de la Croix. Elle souffrait atrocement, c’est vrai, mais elle con­tinuait de croire, sans comprendre, à l’amour de Dieu pour Jésus, pour elle, pour tous les hommes. Et tandis que tous les amis de Jésus doutaient ou s’affolaient, elle seule conservait en son âme une immense paix.

L’âme que le Saint-Esprit envahit par le don d’Intelligence, comprend déjà les paroles de Jésus : « Bienheureux les cœurs purs, parce qu’ils verront Dieu. »

Pas seulement au Ciel, mais déjà, sur la terre, d’une certaine façon. Oh ! Pas avec les yeux du corps, bien entendu, mais avec ceux de l’âme.

Lorsque Jésus apparaît à ses amis entre sa résurrection et son ascension, ils ne le reconnaissent pas du premier coup. Madeleine croit que c’est le jardinier. Les disciples d’Emmaüs le prennent pour un voyageur étranger. Et les Apôtres sont épouvantés, parce qu’ils croient que c’est un fantôme : quelqu’un qui passe à travers les murs !

Il n’y en a qu’un pour le reconnaître tout de suite : Jean, parce que, justement, il a le cœur pur. Lui, dès qu’il l’aperçoit sur le rivage, le fameux jour de la pêche miraculeuse, il crie : Mais c’est le Seigneur !

C’est que celui qui a le cœur pur, celui qui a le don d’Intelligence, – car les deux vont ensemble – sait reconnaître Dieu partout, à tra­vers tout, dans les grands événements comme dans les petits. Alors tout devient pour lui infiniment simple. Dieu est là. Pourquoi se troubler ?

Thomas n’a que cinq ou six ans. On l’a conduit, comme c’était la coutume alors, chez les moines bénédictins, pour qu’il y fasse ses études. Il y a là toute une bande de petits garçons qui travaillent dans les grandes salles voûtées, penchés sur des livres de parchemin – car l’imprimerie n’existe pas encore – ou jouant, tout comme les garçons d’aujourd’hui, dans le grand jardin de l’abbaye, à l’heure des récréations. Ce qui n’est pas comme aujourd’hui, par exemple, c’est leur uniforme. Puisqu’ils vont à l’office avec les moines, dans la grande église du couvent, ils sont habillés comme eux : la même robe noire, le même scapulaire noir, le même capuchon noir, en plus petit, simplement.

Thomas est très heureux chez les Bénédictins, car il aime beaucoup travailler. A un ou deux ans, quand il pleurait, comme tous les bébés, on ne pouvait le consoler qu’en lui donnant un livre. Alors, il le serrait très fort entre ses petites mains potelées, et tout de suite, il était calmé. Maintenant qu’il sait lire et écrire, il travaille comme le meilleur des écoliers, quoiqu’il soit parmi les plus petits. Il est heureux, c’est vrai. Pourtant quelque chose le préoccupe. On le voit de temps en temps s’arrêter de lire ou d’écrire, et réfléchir, réfléchir…

D’autres fois, au lieu de courir et de jouer, en récréation, il s’en va tout seul, dans une allée, très loin, et il marche comme un petit homme, grave, sérieux : on dirait qu’il cherche la solution d’un problème…

Et c’est exactement cela. Un jour, enfin n’y tenant plus, il s’approche d’un moine qu’il vient de rencontrer. Tout petit, à côté de lui, il lève la tête, et ses yeux ardents se posent sur le visage du religieux : « Mon Père, demande-t-il, mon Père, dites-moi : qu’est-ce que Dieu ? »

Qu’est-ce que Dieu ? Thomas — que l’Église appelle maintenant St Thomas d’Aquin, et qu’elle a donné pour patron aux écoles catholiques du monde entier — Thomas devait passer toute sa vie à chercher la réponse à sa question de petit enfant. Car, pour connaître Dieu tout à fait, pour le connaître « comme il est », il faut être déjà au Ciel.

Mais, par le don d’Intelligence, Thomas comprit tant et tant de choses sur la perfection de Dieu, sur sa splendeur, sur son amour : qu’il écrivit des quantités de livres dont tous les prêtres se servent maintenant encore. Thomas, pourtant, les a écrits il y a huit cents ans !

Mais le plus merveilleux, c’est que, un peu avant sa mort, Thomas, par une véritable illumination du don d’Intelligence, avait compris, tout à coup, que Dieu est tellement plus beau que tout ce que nous pouvons savoir de lui sur la terre, qu’il avouait à un autre Dominicain : « Tout ce que j’ai écrit, ça me fait l’effet d’un petit peu de paille ; à côté de ce que Dieu m’a fait comprendre maintenant. »

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