Le rite de 1965 (étude critique)

De Salve Regina

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Réforme des rites avant 1969
Auteur : Abbé Sébastien Dufour
Date de publication originale : 2001

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen
QUELQUES NOTES SUR LE RITE DE 1965
OU
« LA PREMIERE ETAPE DE LA REFORME LITURGIQUE »


L’annonce par le Cardinal Castrillon-Hoyos (lors d’une audience accordée à l’association Una Voce le lundi 4 septembre 2000[1] et réitérée dans une entrevue publiée dans le mensuel la Nef[2]) de la possibilité d’un aménagement du missel de 1962 dans le sens des rubriques de 1965 a relancé le débat au sujet de ce rite[3].


Débattre ou simplement s’arrêter sur le rite de 1965 qui n’a eu qu’une brève existence (1965-1967 : date du passage à une liturgie intégralement en vernaculaire) ne doit pas être réservé aux seuls spécialistes de l’histoire de la liturgie.

Au contraire, il concerne tout catholique soucieux de l’intégrité de la foi « sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu »[4] et qui s’interroge sur la liturgie en tant que celle-ci a des conséquences sur celle-là en vertu du principe « lex orandi, lex credendi »[5].


Cela fait quelques années déjà que plusieurs prêtres « Ecclesia Dei » ont commencé à préparer de leur propre initiative[6] la « réforme de la réforme » et l’ont même anticipée en utilisant, ainsi qu’en promouvant le rite de 1965.

Pour ces prêtres, le rite de Paul VI et le rite Romain traditionnel ne peuvent coexister éternellement dans l’Eglise latine et il faut trouver une solution.

Ils pensent que le rite de 1965 est un bon compromis entre les deux : la première partie de la messe est en gros celle du rite de Paul VI ; l’Offertoire et le Canon sont ceux du rite Romain traditionnel. Donc l’essentiel paraît rester sauf.


Pourtant nous allons voir que ce rite ne peut être une solution acceptable car, par l’esprit qui le sous-tend et qui en est à l’origine ainsi que par les gestes liturgiques qu’il impose, il ne peut être qu’une étape plus ou moins longue vers la nouvelle messe.

De plus son utilisation habituelle risque de créer un troisième rite ce qui ne manquera pas d’accentuer les divisions entre les fidèles et entre les prêtres et ainsi d’aggraver la situation actuelle: le remède apporté pourrait s’avérer pire que la « maladie » elle-même.


Le meilleur moyen de porter un regard un regard objectif sur les faits est tout simplement de consulter les livres parus en 1965 pour présenter ce nouveau rite aux prêtres.

Le titre lui-même de notre article « Le rite de 1965 ou : la première étape de la réforme liturgique[7] » peut sembler polémique pourtant il n’est pas de nous, il est de Pierre Jounel personnalité bien connue du mouvement liturgique[8] et l’un des grands « pontes » du C.N.P.L (Centre National de Pastorale Liturgique). Celui-ci l’emploie en sous titre de son ouvrage : Les rites de la messe en 1965[9], qui a pour but de justifier la réforme de 1965 et de commenter les rubriques de ce nouveau rite ( le ritus servandus, le de defectibus et l’Ordo Missae).

Il est intéressant de noter intégralement une partie de son introduction qui a le mérite de bien résumer la différence entre le rite de 1962 et celui de 1965 :

« Lorsqu’en 1962 la Congrégation des rites publia une nouvelle édition typique du Missel Romain, afin de l’adapter au Code des rubriques de 1960, on se félicita des multiples corrections apportées au rites de la messe, mais personne n’eut l’impression d’une nouveauté. Le ritus servandus in celebratione Missae était mis à jour, simplifié sur quelques points, clarifiés ici ou là dans sa rédaction ; il ne différait pas essentiellement de celui qu’avait promulgué la pape saint Pie V en 1570. Quant à l’Ordo Missae, il n’avait subi aucune modification[10].

Au contraire, le 7 mars 1965, prêtres et fidèles ont découvert une liturgie nouvelle, en célébrant pour la première fois la messe conformément au Ritus servandus et à l’Ordo Missae promulgués le 27 janvier de la même année sous l’autorité conjointe du Conseil pour l’application de la Constitution liturgique et de la Congrégation des rites. Sans doute l’usage nouveau de la langue du pays était-il pour beaucoup dans cette découverte, mais les rites eux-mêmes se présentaient sous un jour inconnu jusqu’alors : la célébration de la liturgie de la Parole en dehors de l’autel, le fait que le célébrant ne récitait plus en privé les textes proclamés par un ministre ou chantés par l’assemblée, constituaient des innovations capitales. Elles auraient autant surpris un contemporain de saint Louis qu’un chrétien du 19ième siècle, car il faut remonter au premier millénaire pour retrouver une vision aussi nette des structures fondamentales de la messe [11].

Mais depuis le 7 mars, certains problèmes que pose la réforme de la liturgie ont mûri étonnamment vite. Dans la célébration face au peuple, recommandée par l’instruction Inter Oecumenici[12], des gestes hérités du moyen âge, comme les multiples baisers de l’autel, les signations des oblats, les génuflexions répétées, ou encore la récitation du Canon à voix basse, sont devenus un véritable fardeau pour les prêtres (sic !) qui, jusqu’alors, avaient observé les rubriques en toute quiétude. On découvre dans cette tension que, si le Ritus servandus de 1965 comporte des nouveautés indéniables, il demeure tributaire des rubriques codifiés en 1570, surtout en ce qui concerne la liturgie eucharistique. Entre la liturgie du Concile de Trente et celle du IIe Concile du Vatican, il constitue un rituel de transition. »[13]

Un peu plus loin l’auteur développe cette idée dans un paragraphe spécial :

« Le Ritus servandus de 1965 appartient, d’un certain point de vue, à la lignée du Ritus de 1570. Il en conserve le plan et en reproduit fréquemment les termes. Dans le commentaire qui suit on a pu donner pour le plus grand nombre des articles du nouveau Ritus la référence à l’article correspondant de l’édition de 1962. Mais, si le Ritus de 1965 reproduit souvent la lettre de celui de saint Pie V, il est d’un autre esprit (…)

Le Ritus de 1965 a voulu restaurer sans plus tarder la liturgie de la Parole : celle-ci est célébrée au siège du célébrant et à l’ambon ; les lectures sont assurées par le ministre compétent ;  le graduel peut être psalmodié par un chantre-lecteur avec réponse du peuple (voir le Graduale simplex) ; (…) ; la prière universelle vient enfin couronner l’ensemble du rite. Le futur Ordo Missae[14] n’aura rien à ajouter à une telle ordonnance. Dans l’attente du nouveau lectionnaire, dont le Concile a ordonné la préparation (C 51), les rites sont déjà en place pour une digne célébration de la parole de Dieu[15] . »[16]

Enfin Jounel conclut son introduction :

« Héritier de la liturgie d’hier, instaurant aujourd’hui des éléments essentiels de la liturgie de demain, le Ritus servandus de 1965 est un rituel de transition. » [17]


Cette explication du père Jounel n’est pas marginale, bien au contraire le Père Elhinger publie la même année un livre intitulé : La Réforme liturgique. Décisions et directives d’application[18] dans lequel il affirme clairement que le rite de 1965 par sa nature même ne constitue qu’une étape et non pas une adaptation du rite Romain traditionnel destinée à perdurer :

« S’agit-il de retouches de circonstances, ou d’un effort cohérent, intégré dans un projet d’ensemble, porté par un esprit [19] ? D’avance nous sommes sur du caractère définitif de ces réformes. Elles sont la première partie d’un projet de restauration plus vaste. Le travail est partiel, il n’est pas provisoire. Le Consilium n’a pas voulu toucher à des questions qui ont encore besoin de mûrir, comme le rite de l'Offertoire, de la fraction ou du renvoi de l’assemblée, car il a voulu réaliser du définitif. (…)

L’Instruction Inter Oecumenici assure la transition entre la liturgie d’avant le Concile, et la restauration plus profonde ; elle n’est pas une adaptation de circonstance, mais une étape. »[20]


« Rituel de transition », « liturgie nouvelle », « étape » etc. ces expressions employées par les deux auteurs cités sont claires et dévoilent ce qu’est en réalité le rite de 1965, et cela par l’un de ceux qui ont contribués à sa création. Car il s’agit ici d’avis autorisés et non pas d’interprétations fantaisistes du nouveau rite de 1965 : nous rappelons que le père Jounel a eu une rôle très important dans la rédaction de ce rite puis dans celui du rite de Paul VI[21].

Les deux explication concordent pour affirmer que le rite de 1965 n’est qu’une étape, une transition entre le rite Romain traditionnel qui ne doit pas perdurer et le rite de Paul VI : la « liturgie de la Parole » façon moderne est déjà mise en place, il ne reste plus qu’à s’attaquer à l’Offertoire et au Canon Romain : les mêmes principes erronés mènent inévitablement aux mêmes conclusions fausses.

Exactement les mêmes arguments seront repris pour justifier le nouveau rite de Paul VI : retour aux origines, adaptation pastorale etc.


A l’instar de Jounel (« il est d’un autre esprit ») et d’Elhinger (« porté par un esprit ») , Monseigneur Pietro Marini, Maître des Cérémonies de l’actuel souverain Pontife, affirmait en 1995 dans la revue Ephemerides liturgicae n°109 que le rite Romain traditionnel et le rite de 1965 n’avaient pas le même esprit :

« Pour ce qui est de l’esprit, on ne retrouve pas le Ritus servandus de 1570 dans celui de 1965. »[22]

On peut objecter que l’esprit n’est rien par rapport au texte. Il suffit pourtant de constater la différence qu’il y a entre Vatican II et l’ « esprit de Vatican II » : c’est au nom de cet « esprit » que tout a été bouleversé dans l’Eglise depuis trente ans.[23]

De la même façon il y a le rite de 1965 lui-même et il y a l’esprit qui le sous-tend.


Nous constatons par ailleurs que les textes précédents ne peuvent qu’infirmer la thèse, largement répandue chez certains «réformateurs de la réforme», selon laquelle le rite de 1965 est le fruit définitif de la constitution conciliaire sur la liturgie et que tout le monde fut étonné par la promulgation d’un nouveau missel en 1970. Il suffit en effet de lire les livres de présentation et d’explication du rite de 1965 (comme ceux cités ci-dessus) ainsi que les revues ecclésiastiques de l’époque pour s’en rendre compte.

Le Concilium travaillait depuis 1964 à la réforme complète des livres liturgiques. Il ne s’est pas arrêté en 1965. Certes la révélation dans la presse de la messe expérimentale du père Jounel ( Cf. note 14) arrêta toute autre réforme immédiate de la messe[24]. Pourtant les membres du Concilium poursuivirent leurs travaux de telle sorte qu’au Synode Romain de 1967 fut présentée la « messe normative » qui, malgré son refus par cette assemblée, sera maintenue et promulguée après quelques changements mineurs.


Passons maintenant aux réformes mises en œuvre dans le rite de 1965[25].

1) Dans l’Ordo de la messe en général :

- Suppression du psaume Judica me au début de la messe.

- Le dernier Evangile est supprimé.

- Les prières récitées ou chantées par la schola ou le peuple ne sont plus dites par le célébrant en particulier.

- Introduction de la prière universelle au début de l’offertoire.

- A la messe solennelle, le sous-diacre ne tient pas la patène mais celle-ci reste sur l’autel. Il n’utilise donc plus le voile huméral pour emmener le calice de la crédence à l’autel au début de l’offertoire. Le sous-diacre ne portant plus la patène lors du Canon, il encense l’hostie et le calice à l’élévation comme aux messes de Requiem.

- L’encensement du clergé est simplifié : tous les ordres, à l’exception de l’ordre épiscopal, sont confondus et encensés en une seule fois pour chaque côté du chœur.

- Le célébrant n’est plus encensé par le diacre après l’Evangile.

- On ne génuflecte plus dans le Credo à « Et incarnatus est … et homo factus est ».


- On chante la secrète à la messe chantée, et dans les autres messes, on la dit à haute voix.

- La doxologie à la fin du Canon est chantée ou dite à voix haute, les signes de croix sont supprimés et à la fin, le prêtre ne fait la génuflexion qu’après l’Amen du peuple.

- Le Pater peut être récité ou chanté par le peuple avec le célébrant [26].

- Le Liberas nos après le Pater est dit à voix haute.

- En distribuant la sainte communion, on emploie la formule brève Corpus Christi. Puis le célébrant donne la communion sans faire le signe de croix avec l’hostie.


- Il est permis de célébrer la messe chantée avec l’assistance du seul diacre, sans sous-diacre.

- Il est permis aux évêques de célébrer la messe chantée à la manière des simples prêtres.

- Le prêtre ne se signe plus que trois fois, car les signations suivantes ont été supprimées : Adjutorium nostrum, Introït, fin du Gloria, fin du Credo, Sanctus et Libera nos.

- Le célébrant quelle que soit la messe (chantée, solennelle, basse), préside à son siège « la liturgie de la parole » comme le fait l’évêque lorsqu’il célèbre pontificalement au trône. Après l’encensement du début de la messe, il ne revient à l’autel qu’à l’offertoire.

- Les baisers liturgiques ont été supprimés par l’Instruction Inter Oecumenici.

- Du fait également de l’Instruction Inter Oecumenici, la messe peut être dite face au peuple[27].

- Aux deux élévations le servant de messe ne soulève plus la chasuble du célébrant.

- Le servant ne sonne plus la cloche au Sanctus et au Per ipsum.

- La communion sous les deux espèces ayant été introduite, les fidèles peuvent désormais communier debout [28].

- Le prêtre lit ou chante l’oraison de postcommunion au milieu de l’autel avec le missel à sa gauche (le missel est à cette place depuis le début de l’offertoire et y reste jusqu’à la fin de la messe).


2) Les lectures et les chants entre les lectures :

- Aux messes célébrées avec peuple (lues, chantées ou solennelles), on ne récite ni ne chante l’Epître vers l’autel et l’Evangile vers le nord, mais on les récite vers le peuple à partir de l’ambon ou de la grille du chœur [29].

- Aux messes non solennelles célébrées avec peuple, les leçons et l’Epître, avec les chants entre les lectures, peuvent être lus par un lecteur capable ou un servant, tandis que le célébrant restera assis et l’écoutera.

- Le prêtre reste à la banquette pendant toutes les lectures. Il y bénit le sous-diacre et le diacre ; il y impose l’encens et le bénit en restant assis. Il entonne de la banquette le Gloria et le Credo. Il préside enfin la prière universelle à partir de la banquette, à moins qu’il ne le fasse de l’ambon ou bien de la grille du chœur.


3) Le rôle accordé au vernaculaire dans la messe :

- Dans les messes soit chantées, soit lues, les leçons, l’Epître, l’Evangile et la prière universelle doivent être lues en vernaculaire.

- Le Kyrie, le Gloria, le Credo, le Sanctus et l’Agnus Dei peuvent être récités ou chantés dans la langue du pays.

- Tout le propre de la messe peut être récité ou chanté en vernaculaire : l’antienne d’entrée (Introït), l’oraison de la collecte, le graduel, l’Alleluia et son verset, le trait, la séquence, l’antienne d’offertoire, la secrète, l’antienne de communion et l’oraison de postcommunion.

- Ce qu’il reste des prières au bas de l’autel peut être dit en vernaculaire: Confiteor, Misereatur, Indulgentiam etc.

- En outre les acclamations, les salutations et les formules de dialogue comme la préface peuvent être dites en vernaculaire (Dominus vobiscum remplacé par « Le Seigneur soit avec vous », l’Oremus par « Prions le Seigneur » etc.)[30] .

- Le Pater et le Libera nos peuvent être récités ou chantés en vernaculaire par tout le peuple[31].

- Le « Domine non sum dignus » peut être dit en vernaculaire.


A la fin de cette liste des changements opérés dans le rite de 1965, on ne peut s’empêcher de penser à ce que Mgr Klaus Gamber a écrit sur les multiples petits changements intervenus dans le rite de Paul VI :

« Somme toute, la question est la suivante : qu’a-t-on voulu obtenir à l’aide de ces modifications dont certaines sont minimes ? Peut-être a-t-on tout simplement voulu réaliser les idées favorites de quelques spécialistes en liturgie, mais alors au prix d’un rite vieux de 1500 ans ! » [32] Ce qui est le cas également pour la réforme que nous étudions actuellement.

Il faut noter que parmi tous ces changements, certains sont plus importants que d’autres. Les trois innovations les plus discutables sont l’usage du vernaculaire pour tout ce qui est dit à voix haute par le célébrant ou par l’assemblée, la coupure en deux de la messe de telle sorte que le prêtre laisse l’autel jusqu’à l’offertoire et les choix multiples laissés au prêtre lui permettant d’adapter la liturgie (selon quels critères ?).


Pour la question de l’usage du vernaculaire dans la liturgie et du problème des traductions nous renvoyons aux nombreux ouvrages et articles parus sur ce sujet depuis trente ans [33].

Mais il est à noter que, paradoxalement, plusieurs prêtres mettant en avant l’usage du latin dans leur apologie du rite traditionnel, ne rêvent que d’une chose : dire en vernaculaire tout ce qui est dit à voix haute à la messe c’est à dire tout ce que les fidèles entendent[34].

On perd déjà en cela dans le rite de 1965 l’unité qui caractérise le rite Romain traditionnel.

De plus, si l’usage du vernaculaire est introduit pour « unifier » les deux communautés, quelle traduction utilisera-t-on dans de telles assemblée : le vouvoiement ou le tutoiement ? « Ne nous laissez pas succomber à la tentation » ou « ne nous soumet pas à la tentation ? « Consubstantiel au Père » ou « de même nature que le Père » ? etc.

Le lecteur peut imaginer la cacophonie qu’entraînerait une telle réforme : les fidèles traditionnels voulant garder à juste titre les traductions traditionnelles et les fidèles modernes les leurs. Encore des divisions en perspective.


Nous avons vu que dans le rite de 1965 après les prières au bas de l’autel (ou du moins ce qu’il en reste), le célébrant se rend directement à la banquette ou à l’ambon et il y reste jusqu’à l’offertoire.

La conception des réformateurs sur la messe va entraîner sa coupure en deux parties bien distinctes[35] : l’autel est réservé à la « liturgie eucharistique » , la « liturgie de la Parole » quant à elle se passe intégralement hors de l’autel (mis à part l’encensement du début de la messe).

Cette coupure est ce qui choque le plus de prime abord dans le rite de Paul VI et déja dans celui de 1965.


Jusqu’au rite de 1962 compris, le prêtre célébrant la messe solennelle est toujours à l’autel : c’est de là qu’il entonne le Gloria et le Credo, qu’il chante la collecte. Il y bénit le sous-diacre et le diacre ainsi que l’encens pour les différents encensements lors de la messe. Il n’est à la banquette que durant l’épître et les chants du chœur.


Par contre dans le cas de la messe pontificale au trône (celle de l’évêque dans son diocèse), le pontife ne va pas à l’autel jusqu’à l’offertoire (mis à part évidemment l’encensement du début de la messe). Il siège au trône qui est originellement une cathèdre donc un lieu fixe éloigné de l’autel.

En effet, l’évêque dans son diocèse représente le Christ souverain pontife, lui seul a le droit d’occuper le trône. Il a non seulement la plénitude du sacerdoce mais aussi le pouvoir de juridiction.

Les gestes liturgiques vont bien évidemment exprimer cela : le Saint Sacrement est enlevé du tabernacle du maître autel, on génuflecte devant l’évêque lors de la cérémonie et ,comme nous le disions, celui-ci ne se rend pas à l’autel mais reste au trône (qui se trouve du côté de l’évangile qui est le côté le plus digne) où il accomplit les fonctions pontificales et cela jusqu’à l’offertoire : il célèbre hors de l’autel.

La messe pontificale au trône est en quelque sorte une manifestation de l’Eglise : à partir du renouvellement du sacrifice de la Croix se structure toute l’Eglise avec l’ensemble du clergé par ordre hiérarchique entourant l’évêque qui représente à la simultanément le Christ-prêtre, le Christ-pasteur et le Christ-docteur de la foi.

On comprend alors l’importance de la liturgie dans l’Eglise : « Acte de l’Eglise, la liturgie se modèle sur la constitution même de l’Eglise. »[36]


Si un évêque célèbre hors de son diocèse, dans ce cas il a le pouvoir d’ordre mais n’a pas le pouvoir de juridiction et pour cette raison il ne célèbre pas au trône (à moins que l’ordinaire du lieu le lui cède), mais au faldistoire qui est un siège mobile que l’on place dans la dépendance immédiate de l’autel du coté droit. Dans ce cas l’évêque y exerce les mêmes fonctions que l’évêque au trône mais à proximité de l’autel, retournant souvent vers celui-ci, manifestant ainsi que le pôle organisateur de la célébration demeure l’autel.


Dans le cas du prêtre à la messe solennelle, il y a une similitude entre le faldistoire et la banquette : ils sont tous deux placés à proximité de l’autel du coté droit. La différence est que le faldistoire de l’évêque est orienté face aux fidèles (comme l’était l’antique cathèdre) tandis que la banquette est perpendiculaire à l’autel.

Alors que le trône se trouve en haut d’un ou plusieurs degrés, la banquette reste in plano.

Elle doit être mobile et l’usage de ne pas la laisser entre deux cérémonies est répandue.

Le prêtre ne se trouve à la banquette que pendant les chants exécutés par le chœur ainsi que durant l’épître et c’est de l’autel qu’il accomplit les actes présidentiels[37] propres au célébrant. L’absence de juridiction est signifiée par cette présence du prêtre à l’autel pour toutes les fonctions proprement sacerdotales : son pouvoir sacerdotal est comme lié à l’autel, il découle de l’autel.

Cela est particulièrement visible lorsque le prêtre bénit avec sa main droite l’encens, le diacre ou le sous-diacre, sa main gauche étant posée sur l’autel.

Certes l’usage contraires a existé, mais il demeure une exception et était perçu comme tel car on parlait à son sujet de privilège : « Le pontife reste au trône jusqu’à l’offertoire, et il y récite ou chante pendant ce temps-là, tout ce qui doit être récité ou chanté. De ce même privilège jouissent également dans l’Eglise de Reims, tous les célébrants même non évêques Ils ne récitent ni ne chantent rien à l’autel avant l’offertoire, mais sur un pupitre placé au coté de l’autel. » [38]


Une étude historique du Père Emmanuel OSB au 3ième colloque du CIEL[39] (d’où est tiré l’essentiel de notre matière sur ce sujet) expose clairement ce problème et conclut :

« Au début de cette étude nous avons posé la question suivante : ‘‘La règle en vigueur jusqu’en 1962 (présidence à l’autel pour le simple prêtre) est-elle universellement attestée dans l’histoire de la messe romaine, ou rencontre-t-on des exceptions ? ’’

Au terme de notre enquête, nous pouvons répondre : Pour autant que les textes accessibles aujourd’hui nous permettent d’en juger, la messe romaine, aussi bien dans l’usage de la curie que ceux des diocèses et des ordres religieux, nous montrent le simple prêtre se tenant à l’autel pour le Gloria, la collecte et le Credo, et ce jusqu’en 1962. L’Ordo missae de 1965, s’écarte donc de la pratique en usage –de manière quasi générale- jusqu’alors en plaçant le simple prêtre au siège pour cela. »


Le cas que nous étudions est particulièrement représentatif du lien qu’il existe entre la théologie et la liturgie.

Le pouvoir d’ordre et le pouvoir de juridiction qui sont des notions théologiques sont clairement manifestés lors de la messe pontificale au trône par des gestes liturgiques.

Le pouvoir d’ordre sans le pouvoir de juridiction est de la même façon exprimé par la messe pontificale au faldistoire.

Enfin la messe solennelle du simple prêtre exerçant son pouvoir d’ordre à partir de l’autel montre l’absence de la plénitude du sacerdoce chez celui qui n’a pas reçu l’épiscopat.


La quasi totalité des théologiens actuels et le magistère depuis cinquante ans soutiennent que l’épiscopat est un ordre bien distinct du sacerdoce [40].

La conception médiévale est qu’il n’y a pas de différence de degré entre le sacerdoce et l’épiscopat, le prêtre a reçu de par son ordination tous les pouvoirs épiscopaux mais ceux ci sont liés[41]. On parle à ce sujet de la non-sacramentalité de l’épiscopat.

Pourtant au niveau du signe, c’est à dire de la liturgie, on constate un mouvement inverse : Alors que le rite Romain traditionnel rend nettement visible la différence de degré entre la prêtrise et l’épiscopat et cela par les très nombreuses variations entre la messe pontificale et la messe solennelle, le nouveau rite de 1965 (comme celui de Paul VI) ne manifeste plus distinctement la différence entre le prêtre et l’évêque.

Les prêtres ont désormais des privilèges pontificaux : ils peuvent présider à la banquette, on devrait dire « pontifier à la banquette ». Quant aux évêques, ils peuvent désormais célébrer une messe solennelle comme de simples prêtres sans aucune différence liturgique avec celle de ces derniers, sans aucun geste exprimant la plénitude du sacerdoce qu’ils ont reçu.

Pourtant, comme l’affirmait un liturgiste en conclusion d’une étude sur le cérémonial papal : « Des rites significatifs qui entourent la célébration sacramentelle, saint Thomas d’Aquin dit que certains sont accomplis en vue de représenter la Passion du Christ, que d’autres se réfèrent au Corps mystique qui est signifié par ce sacrement, que d’autres enfin expriment la dévotion et la révérence dues à ce mystère.[42] L’aspect cérémoniel nous semble consister surtout en la manifestation de la structure hiérarchique de l’Eglise dans la célébration du sacrement. On en conclura que les livres liturgiques (…) envisagent la célébration eucharistique comme l’acte par excellence dans lequel l’Eglise s’accomplit. Ils s’organisent et se structurent autour de l’acte central du sacrifice sur la base d’une tradition théologique et d’une tradition liturgique intimement liées, hélas aujourd’hui contestées. »[43]


Avec 1965 arrive le règne des vel, vel, vel et cela fait la joie du père Jounel :

« Nous avons relevé que le Ritus servandus de 1570 refusait au célébrant toute liberté dans l’appréciation des conditions concrètes de célébration. Or le Ritus de 1965 offre constamment le choix entre plusieurs solutions : par exemple, après le Kyrie le célébrant se rend au siège « à moins que, selon la disposition de chaque église, il ne semble meilleur qu’il reste à l’autel jusqu’à l’oraison inclusivement » (RS 23) ; de même, plusieurs cas sont prévus pour les lectures ; le célébrant fait l’homélie et il dirige la prière universelle « à son siège, à l’autel, à l’ambon ou au cancel », de manière à assurer dans les meilleures conditions la participation des fidèles (RS 50,51). »[44]

Les fidèles devront-ils s’habituer à entrer dans une église desservie par un prêtre « traditionnel », comme les autres fidèles dans n’importe quelle paroisse, sans savoir à quoi ressemblera leur messe dominicale ?

Comment ne pas se sentir comme un « cobaye » entre les mains de prêtres qui ne manqueront pas de faire des « expériences liturgiques » et de laisser libre cours à leur fantaisie, à leur humeur du jour, bref à leur subjectivité [45].


Prenons l’exemple du Pater chanté ou récité par tous dans le rite de 1965 (point qui n’est pas en soi important), pourquoi vouloir à tout prix changer l’usage traditionnel établi dans nos communautés à l’unanime satisfactions des fidèles?

N’est-ce pas pour habituer nos fidèles aux changements, pour les faire entrer dans une mentalité nouvelle, dans ce nouvel « esprit » ?


Nous avons affirmé le lien profond qui existe entre le dogme et la liturgie, il y a en effet un lien intime entre les deux « tout comme l’âme ne fait qu’un avec le corps et que la pensée s’exprime, au travers d’une mystérieuse unité, par la parole prononcée. Le dogme et la liturgie ont pour finalité ultime et commune le salut des âmes, lequel est identique à la seule fin vers laquelle puisse tendre l’homme. »[46]

La liturgie suit parallèlement le progrès du dogme. Par conséquence, s’il y a un développement de la liturgie, celui-ci correspond à un progrès du dogme[47]. Dans le cas qui nous intéresse quel développement du dogme justifie un tel changement dans la liturgie ? Peut-on vraiment qualifier de progrès une telle évolution ?

Dans les réformes successives des années 60, on n’a plus voulu considérer le dogme et continuer à bâtir sur ce roc, on a préféré s’aventurer sur les sables mouvant d’une histoire des rites archéologisante, de la sociologie[48], de la « pastorale moderne »[49], de l’œcuménisme etc.

Ainsi pour toutes les raisons mentionnées dans ce travail, il ne nous est pas possible d’accepter le rite de 1965, il conduit au rite de Paul VI car provient des mêmes principes.

De plus dans la période de crise que traverse l’Eglise, il est important de ne rien changer dans la liturgie[50]. Le pape St Pie V l’avait bien compris lorsqu’il codifia le rite Romain, cela le figea certes mais avant tout le protégea de l’hétérodoxie. Nous devrons attendre des temps meilleurs avant de d’accepter quelques changements, changements qui ne viendront d’ailleurs que de l’autorité : Rome[51].


  1. Revue Una Voce N°214 sept-oct 2000.
  2. N° 111 du mois de Décembre 2000 : « …l’usage du missel de 1962 , avec quelques possibilités dans le sens des rubriques de 1965. » p.19.
  3. Revue Una Voce N°209 Nov-déc 1999 abordait déjà la question dans un article de Yves Toul : Missel tridentin … ou rite hybride ? Dom Chalufour OSB évoque également le rite de 1965 dans son ouvrage La sainte messe, hier, aujourd’hui et demain, abbaye ND de Fontgombault, 2000.
  4. Hb 11,5.
  5. A ce sujet le professeur Michael Ewbank affirme : « De par la constitution métaphysique même de l’homme, il y a une certaine influence réciproque entre la foi et les rituels liturgiques. Celle-là anime ceux-ci et s’exprime par leur intermédiaire, ceux-ci précisent et explicitent celle-là. » Aspects historiques et théologiques du missel romain, Actes du 5ième congrès du CIEL, Versailles 1999, p.40. Le cardinal Stickler quant à lui écrivait en préface de La réforme liturgique en question de Mgr Gamber : « Etant donné le lien étroit existant entre la foi et la liturgie – Lex orandi, lex credendi – cette dernière obéit à des lois analogues à celles de la foi elle-même, à savoir qu’elle exige d’être préservée avec grand soin, et donc qu’elle est essentiellement orientée vers la conservation. » Editions sainte Madeleine, 1992, p.9. « conservation » : puisqu’il y a équation entre le donné de la foi et son expression liturgique, la fixité de l’un implique la fixité de l’autre. « Le Nord est fixe, disait déjà Charles Péguy, on ne perfectionne pas le Nord ! »
  6. Rome ne leur a pas confié la charge de préparer l’éventuelle « réforme de la réforme », ils n’agissent en rien ex officio. D’ailleurs le Cardinal Ratzinger affirme dans un entretient accordé au mensuel Spectacle du Monde n°464 de janvier 2001 qu’une telle réforme n’est pas opportune : « Il semble que changer n’est pas la priorité. C’est l’erreur qu’on a commise après le Concile. » p.70.
  7. C’est ce qu’Annibale Bugnini appellera « les premiers pas » (les premiers pas vers la nouvelle messe ) dans son livre : The Reform of the Liturgy :1948-1975, p.101.
  8. Il était à l’époque professeur à l’Institut Supérieur de Liturgie de Paris. Il fut consultant à la commission conciliaire préparatoire sur la liturgie dans la sous-commission s’occupant des sacrements et des sacramentaux et il eut un rôle très important dans la rédaction du schéma préparatoire. Entre 1964 et 1970 il a pris part à la réforme du missel, du bréviaire, du calendrier, du pontifical, des sacrements etc. Il eut un rôle actif dans la rédaction de la « messe normative » qui aboutira au rite de Paul VI. Consultant à la sacrée congrégation du culte divin en 1969 et rédacteur de la constitution apostolique Missale Romanum de la même année. Renseignements : The Reform of the Liturgy (1948-1975) d’Annibale Bugnini.
  9. Desclée, 1965.
  10. C’est pour cela que le rite de 1962 est considéré plus comme un butoir que comme le nec plus ultra de la liturgie.
  11. C’est un saut de plus de quinze siècle qu’il faudrait faire pour retrouver la liturgie idéale pour le père Jounel comme si le Saint Esprit n’avait pas pendant tous ces siècles de foi inspiré le développement du culte chrétien. Il serait bon de relire à ce sujet ce que dit le Pape Pie XII sur l’archéologisme dans l’encyclique Mediator Dei de 1947. On ne peut pas en lisant cette phrase de Jounel ne pas penser à cette réflexion que le Cardinal Ratzinger fait au sujet du nouveau rite : «A la place d’une liturgie fruit d’un développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication. On n’a plus voulu continuer le devenir et la maturation organiques du vivant à travers les siècles, et on les a remplacés – à la manière de la production technique – par une fabrication, produit banal de l’instant. » La réforme liturgique en question de Mgr Gamber , p.8.
  12. du 26 septembre 1964.
  13. Les rites de la messe en 1965, p.5.
  14. Il s’agit du nouveau rite de Paul VI qui sera promulgué cinq ans plus tard. Plutôt que de parler du rite de Paul VI nous devrions parler de la « nouvelle messe » car il ne s’agit pas seulement d’un rite, mais aussi d’une conception « nouvelle » de la messe, du sacerdoce, des rapports de l’homme à Dieu et de la foi en général. En Octobre, Novembre et Décembre 1965, c’est à dire au moment même où est publié son livre, le père Jounel participe à plusieurs réunions à Rome durant lesquelles sont présentés plusieurs projets de ce que serait le rite post-1965. Le 22 octobre il célèbre une messe « expérimentale » en Français dans une chapelle à Rome. « Malheureusement, cette expérience fut révélée. Plusieurs organes de presse rapportèrent ce fait et cela entraîna des plaintes. Le résultat fut que tout travail sur l’Ordo Missae fut arrêté jusqu’au Synode de 1967. » déplore Annibale Bugnini dans The Reform of the Liturgy, p.152.
  15. La « célébration de la parole de Dieu » dans le rite Romain traditionnel serait-elle indigne ? Il suffit d’observer les gestes liturgiques accompagnant le chant de l’épître et celui de l’Evangile à la messe solennelle ou à la messe pontificale pour constater combien le rite traditionnel met davantage en valeur la proclamation de la Sainte Ecriture que le nouveau rite.
  16. Op. cit. p.19.
  17. Op. cit. p.19.
  18. Le Centurion, 1965.
  19. Toujours ce même « esprit » réformateur.
  20. La réforme liturgique : Décisions et directives d’application, p.9.
  21. Le livre d’Annibale Bugnini fournit des renseignements très intéressants sur les personnes ayant eu un rôle quelconque dans les deux réformes liturgiques : celle de 1965 et celle de 1968. Ce sont d’ailleurs ces mêmes personnes qui sont à l’origine des deux rites, c’est pour cela qu’on retrouve dans l’un et dans l’autre le même « esprit ».
  22. P. Marini : Il Consilium in piena attivita in un clima favorevole (ottobre 1964-marzo 1965). p.120.
  23. C’est pour cela qu’il ne sert à rien d’avancer – par exemple – les textes de Sacrosanctum Concilium pour demander le maintient ou le rétablissement du grégorien ou du latin dans les paroisses : tout interlocuteur ecclésiastique objectera l’ « esprit » du Concile plus importante que la « lettre ».
  24. Cf. The Reform of the Liturgy, p.152 note 30.
  25. Nous ne commentons pas systématiquement les rubriques du missel de 1965 paragraphe par paragraphe, cela aurait été trop fastidieux. Le lecteur pourra s’y reporter lui-même.
  26. C’est une idée fixe chez les réformateurs que de faire chanter le Pater par tous les fidèles. Contrairement à l’usage oriental et Gallican, l’Eglise Romaine avait réservée dès le 6ième siècle le chant du Pater au célébrant, comme en témoigne St Grégoire le Grand dans une lettre à Jean de Syracuse, (Registrum 9,26): « La prière du seigneur, chez les Grecs, est dite par tout le peuple ; chez nous par le prêtre seul. » Cette pratique est confirmée par St Augustin : « Dans l’église, on récite chaque jour à l’autel de Dieu cette oraison dominicale, que les fidèles écoutent. » Sermo 58.
  27. Voir le livre de Klaus Gamber : Tournés vers le Seigneur aux éditions Sainte Madeleine ; ainsi que le chap.6 de La Réforme liturgique en question aux mêmes éditions.
  28. Rite de la communion sous les deux espèces, n°4-8.
  29. C’est à l’époque médiévale que s’est introduit l’usage de chanter l’épître vers l’autel, car « l’autel c’est le Christ ». Selon l’interprétation allégorique, la lecture de l’épître précède celle de l’évangile comme St Jean-Baptiste précède le Christ. Ainsi le sous-diacre représente symboliquement St Jean-Baptiste, lequel, par sa prédication de la pénitence, désigne le Christ, c’est à dire l’autel. Cette explication peut sembler étrange a une personne issue d’une société désacralisée qui a perdu cette forme de langage propre à exprimer une réalité spirituelle qu’est le symbolisme. Mais pour un fidèle immergé dans une chrétienté cela avait un sens et cela peut encore avoir un sens pour nous si nous savons voir derrière le geste liturgique la réalité spirituelle qu’il représente. Pour l’Evangile le symbolisme est encore plus riche. Avant de chanter, le diacre pose l’évangéliaire sur l’autel puisque l’Evangile doit être la parole du Christ, le symbole du Christ, il doit donc venir de l’autel (l’autel c’est le Christ). Puis le diacre chante l’Evangile vers le nord : la « Lumière du monde » est proclamée face aux ténèbres. Pius Parsch disait « Dans l’Evangile c’est le Christ qui apparaît et qui nous parle. Ne considérons pas tant l’Evangile comme un enseignement, mais plutôt comme une épiphanie (apparition ou manifestation) du Christ. » Le guide dans l’année liturgique, p.16, Casterman 1944.
  30. L’usage de langue vernaculaire dans la liturgie est classé par Dom Guéranger parmi les hérésies antiliturgiques dans son livre Les institutions liturgiques publié en 1840. « [Otez la langue latine] et allez voir si le peuple ira longtemps écouter le soi-disant primat des Gaules crier : ‘‘Le Seigneur soit avec vous’’ ; et d’autres lui répondre : ‘‘Et avec votre esprit’’ » .
  31. Cf. note 26.
  32. La Réforme liturgique en question p.52.
  33.  Compendium Missae etc.
  34. Le latin ? D’accord ! Mais pour le prêtre, pas pour les fidèles.
  35. Ils sont rejoints en cela par les «réformateurs de la réforme ». Voir l’article de l’abbé de Servigny dans la revue Tu es Petrus n°58-59. Note 10, page 42.
  36. Initiation à la liturgie du père Dalmais o.p, 1963, pp.63-74.
  37. « Sacerdos enim oportet praeesse », Pontifical Romain, de Ordinatione Presbyteri.
  38. De antiquis Ecclesiae ritibus de Dom Martène. Lib.I, Cap.IV, Art.4
  39. Le célébrant et l’autel avant et après Vatican II, p.131-144
  40. Constitution Sacramentum Ordinis de Pie XII (30-XI-1947) et Vatican II Lumen Gentium, 21.
  41. Pour St Thomas l’épiscopat n’est pas un ordre sacramentel (IV sent., d.24, Q.3, a.2, sol.2)
  42. IIIa, Q.83, a.5
  43. L’auteur poursuit : « Or, à cette Tradition, ainsi qu’à tout ce qu’elle a engendré dans l’ordre de la civilisation et de la culture, en tant que chrétiens vivants dans l’espace et le temps, nous nous sentons profondément liés. » Vénération et administration de l’Eucharistie. Actes du second congrès du C.I.E.L.1996. pp 229-230
  44. Les rites de la messe en 1965, p.17.
  45. Yves Toul disait dans un article d’Una Voce N°209 : «  Il est heureux que le pape Jean Paul II ait accordé, dans le motu proprio du 2 juillet 1988, l’usage du seul missel de 1962 « sans aucun mélange entre les textes et les rites », précise l’Indult du 3 octobre 1984. Les catholiques attachés à la tradition tridentine sont ainsi garantis contre les dérives éventuelles. Les prêtres peuvent se consacrer à la célébration du saint sacrifice sans se voir astreints à des « messes à la carte » en fonction des milieux, porte ouverte au subjectivisme. Les fidèles, de leur côté, n’ont pas à craindre d’être des ’’ cobayes’’ d’expériences liturgiques. » p.198.
  46. M. Ewbank dans Aspects historiques et théologiques du missel romain, p.40
  47. La liturgie affirme également le dogme face à l’hérésie, comme l’introduction de la prière de l’offertoire Suscipe sancta Trinitas pour lutter contre les hérésies christologiques. Histoire des prières de l’offertoire par Dom Tirot, p.25.
  48. Le livre du Père Nichols : Liturgie et modernité, montre que la culture déchristianisée des années 60 est à l’origine de la réforme liturgique. Il se sert des apports historiques, sociologiques, anthropologiques et linguistiques découverts depuis la réforme liturgique pour en faire la critique et en saper les bases scientifiques maintenant dépassées.
  49. La pastorale du au rite romain traditionnel ne doit pas être si mauvaise puisqu’elle a converti les cinq continents et qu’elle continue de la faire partout où celui-ci est maintenu.
  50. Comme en temps de « crise spirituelle » il est important de ne rien changer comme l’affirme St Ignace de Loyola dans ses exercices spirituels (il conseille même de faire de l’agere contra…)
  51. Le cardinal Ratzinger ne souhaite pas – comme nous le disions dans la note [6] – la réforme du missel romain traditionnel, l’éventuelle « réforme de la réforme » ne concernant que le nouveau rite et non le missel traditionnel. C’est ce qu’il a affirmé en juillet 2001 à l’abbaye de Fontgombault comme nous le rapporte la Correspondance Européenne, n°65, 31 juillet 2001 : « La question liturgique a été le thème d’une réunion d’étude à l’abbaye de Fontgombault du 21 au 24 juillet sous la présidence du cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Etaient présents les évêques de Versailles et de Namur, Mgr Perl, secrétaire de la commission Ecclesia Dei, les pères abbés du Barroux, de Fontgombault, de Randol et de Triors, les supérieurs de la Fraternité St Pierre et de la Société St Jean (USA). Les chanoines réguliers de la Mère de Dieu, l’Institut du Christ-Roi, la Fraternité St Vincent Ferrier, les Légionnaires du Christ et la Société St Vincent de Paul étaient représentés. Des laïcs dont le professeur Spaemann, participaient également aux travaux. Le cardinal Ratzinger a voulu ramener le problème liturgique à ses fondements théologiques en soulignant la nécessité de retrouver la dimension du sacré et le vrai sens de la liturgie, fondée sur le concept de sacrifice. Le cardinal a aussi précisé que ce qu’on appelle « la réforme de la réforme » et dont beaucoup parlent beaucoup concerne seulement le nouveau rite et non la messe traditionnelle. Il a ainsi fait siennes les observations du professeur Spaemann : ce qui doit être modifié aujourd’hui, ce n’est pas la liturgie traditionnelle, qui reste le point de référence, mais la liturgie réformée, qui a tendance à se décomposer en une multitude de rites. » Résumé par la lettre d’information Foi et Tradition, n°45.
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