Le sacrifice, d'après la Somme Théologique de St Thomas d'Aquin

De Salve Regina

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Les sacrements
Auteur : Abbé Bernard Lucien
Source : Travail personnel
Date de publication originale : 2003

Difficulté de lecture : ♦♦♦ Difficile
Remarque particulière : Numérisation par le groupe Domus Christiani, saint Clément, Nantes

Sommaire

Le sacrifice d’après la Somme Théologique de saint Thomas d’Aquin

Quatre lieux principaux de la Somme Théologique s’offrent à une recherche analytique de l’enseignement de saint Thomas sur le sacrifice :

– le traité de la Loi Ancienne (ST1-2 q98 - q105) ;

– le traité de la vertu de religion (ST2-2 q81 - q100) ;

– la question sur le sacerdoce du Christ (ST3 q22) et celle sur le mode d’efficience de sa Passion (ST3 q48) ;

– le traité de l’Eucharistie (ST3 q73 - q83).


Nous pourrions envisager de suivre tout simplement cet ordre pour mener à bien notre enquête. Mais saint Thomas lui-même nous invite à examiner d’abord les données de la Loi Naturelle, puisqu’elles sont communes et générales, présupposées par les déterminations de la Loi positive divine ou humaine[1]. Or c’est dans le traité sur la vertu de religion que notre Docteur fournit cet enseignement. C’est donc par lui que nous commencerons.


Le sacrifice dans la perspective de la vertu de religion

Rappels sur la vertu de religion

Le sacrifice relève de la religion. Partie potentielle de la justice cette vertu rend à Dieu ce qui lui est vraiment dû, sans pouvoir lui rendre autant qu’il lui est dû. Sur ce second point, elle ne réalise donc pas pleinement l’essence de la justice (ST2-2 q80 a2).

La religion est une vertu spéciale, ordonnée à rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû (q81 a4). Comme l’honneur est dû à quelqu’un en raison de son l’excellence, et que Dieu possède une excellence tout à fait singulière par son absolue transcendance, il suit que l’on doit rendre à Dieu un honneur spécial.

La religion peut en outre jouer le rôle d’une vertu générale, lorsqu’elle ordonne les actes des autres vertus en vue de la Gloire de Dieu (q81 a4 ad2) ; il convient donc de bien distinguer les actes élicites de la religion et les actes impérés par elles (ibid. et q81 a1 ad1).


Saint Thomas précise très formellement (ST2-2 q81 a2 ad2) qu’agir ainsi en vue de la révérence divine [ce que fait la religion] relève du jugement de la raison naturelle ; c’est la détermination de cet agir qui dépend de l’institution du droit divin ou humain.


Il ne faut pas séparer trop brutalement la vertu de religion de l’ordre théologal. Saint Thomas affirme même (ST1-2 q103 a3) que le culte intérieur – auquel est ordonné le culte extérieur – consiste dans la foi, l’espérance et la charité. Cependant il importe, pour ne pas réduire à rien cette vertu, de bien comprendre son humble spécificité par rapport à la Foi, à l’Espérance et à la Charité. Notre Docteur l’explique [ST2-2 q81 a5] : Dieu est objet des vertus théologales, mais il est seulement fin de la religion, dont l’objet est le culte dû à Dieu. Cet objet est un moyen directement en rapport avec Dieu [d’où la prééminence de la religion parmi les vertus morales], mais il appartient à l’ordre créé.

Dans cette perspective, les vertus théologales impèrent l’acte de religion puisque ces vertus ont pour objet la fin elle-même, Dieu, tandis que la religion a pour objet certains actes en vue de la fin (ibid. ad1). Mais, corrélativement, la religion apporte aux vertus théologales une dimension spécifique, celle de l’ordination à la révérence divine dans le culte de latrie.


Une importante conséquence du caractère « moral » de la vertu de religion est qu’elle possède un juste milieu, d’une façon qui d’ailleurs lui est propre[2].


Les actes intérieurs de la religion

Les actes intérieurs de la religion – nous ne faisons que le rappeler – sont la dévotion dans la volonté [q82] et la prière dans la raison pratique [q83].

La dévotion est quelque chose de bien plus fort que ce que le sens moderne véhicule : c’est la volonté d’accomplir avec promptitude ce qui concerne le service de Dieu. Quant à la prière, il s’agit directement de la prière de demande ; elle comporte cependant diverses parties (cf. q83 a17). En revanche, la contemplation ou la méditation est cause, pour ce qui dépend de nous, de la dévotion (q82 a3).


Le culte extérieur

C’est avec l’article 7 (ST2-2 q81) que saint Thomas examine la question du culte extérieur. Ici, notre Docteur utilise le mot de « latrie », qui peut être considéré comme synonyme de « religion », en tant que l’un et l’autre désignent la même vertu[3].


Saint Thomas affirme l’existence de l’acte extérieur de la religion. Mais il faut méditer la raison qu’il en donne, raison qui nous oblige à bien comprendre divers aspects de la fin.

Nous manifestons révérence et honneur à Dieu non pas pour Lui [propter eum], qui possède en Lui-même la plénitude de la gloire et à qui la créature ne peut rien ajouter, mais pour nous [propter nos], car par le fait que nous révérons et honorons Dieu, notre esprit se trouve assujetti à Lui, et c’est en cela que consiste sa perfection ;

en effet, toute chose obtient sa perfection par cela qu’elle se soumet à son supérieur[4], comme le corps par le fait d’être vivifié par l’âme et l’air par le fait d’être illuminé par le soleil.


Or l’esprit humain a besoin, pour s’unir à Dieu, d’être conduit comme par la main par les réalités sensibles : l’apôtre dit en effet, dans l’épître aux Romains, que les réalités invisibles sont intellectuellement conçues par les choses qui ont été faites...

C’est pourquoi il est nécessaire d’utiliser certaines choses corporelles dans le culte divin pour que par elles, comme par des signes, l’esprit humain soit excité aux actes spirituels par lesquels il est uni à Dieu.


Donc la religion possède il est vrai des actes intérieurs qui lui appartiennent comme quasi principaux et par soi, mais aussi des actes extérieurs qui sont comme secondaires et ordonnés aux actes intérieurs.


Ainsi, il faut prêter attention à la signification du « propter » : Dieu est certes la fin de l’acte de religion, et même, en un sens, la fin cui, puisque Dieu est Celui à qui le culte est rendu. Mais il n’est aucunement fin cui en tant que, sous cet aspect, la fin peut inclure indigence, et par là, d’ailleurs, revêtir la formalité de la matière-sujet dans la structure globale de la fin. Saint Thomas a explicité cela en réponse à la seconde objection[5].


Les sacrifices

L’étude des actes extérieurs de la religion commence par ce qui constitue notre sujet propre : les sacrifices. Ces actes extérieurs sont englobés sous la caractérisation : « actes par lesquels certaines choses extérieures sont offertes à Dieu » (q85, prologue).

Dans cet ensemble, saint Thomas distingue d’abord les vœux, par lesquels des promesses sont faites à Dieu (q88), des choses données à Dieu par les fidèles. Cette catégorie est constituée par les sacrifices (q85), les oblations et les prémices (q86) et enfin les dîmes (q87).


Saint Thomas nous fournit donc ici (ST2-2 q85) un véritable petit traité du sacrifice. Quatre conclusions sont établies.


1°) la loi naturelle elle-même commande d’offrir à Dieu un sacrifice (a1).

Je réponds que la raison naturelle enseigne à l’homme qu’il est soumis à quelque supérieur, à cause des défauts qu’il éprouve en lui-même et en quoi il a besoin d’être aidé et dirigé par quelque supérieur. Et quoi que soit ce supérieur, il est celui que tous nomment Dieu.

Or de même que dans les choses naturelles les inférieurs sont naturellement soumis aux supérieurs, ainsi la raison naturelle dicte à l’homme, selon son inclination naturelle, de manifester sujètion et honneur à celui qui est au-dessus de lui, selon son mode. Or le mode qui convient à l’homme consiste à utiliser des signes sensibles pour exprimer certaines choses, car il reçoit sa connaissance du monde sensible.

C’est donc la raison naturelle qui est à l’origine du fait que l’homme utilise certaines choses sensibles en les offrant à Dieu en signe de la sujètion et de l’honneur qui Lui sont dus, de façon similaire à la pratique des hommes offrant quelque chose à leurs maîtres en reconnaissance de leur seigneurie.

Or cela relève de la raison de sacrifice. C’est pourquoi l’oblation du sacrifice relève du droit naturel.


La conclusion de l’article nous fournit une première approche de l’essence du sacrifice. Elle demandera cependant à être complétée, pour bien mettre en lumière la distinction entre simple « oblation » et « sacrifice » au sens propre.


Dans l’ad1, saint Thomas précise : l’oblation d’un sacrifice considérée en général est commandée par la loi naturelle ; la détermination des sacrifices relève de l’institution divine ou humaine.


2°) On ne doit offrir de sacrifice qu’à Dieu (a2)

Le principe qui commande la réponse est important : l’oblation du sacrifice se fait en vue de signifier quelque chose.

Or, le sacrifice qui est offert extérieurement signife le sacrifice spirituel intérieur, par lequel l’âme s’offre elle-même à Dieu (cf. Ps 59, 19 : « L’esprit contrit est un sacrifice pour Dieu») : puisque, on l’a vu (q81 a7, q84 a2), les actes extérieurs de la religion sont ordonnés aux actes intérieurs.

Or l’âme s’offre à Dieu en sacrifice comme au principe de sa création et comme à la fin de sa béatification. Et, selon la vraie foi, Dieu seul est le créateur de nos âmes (ST1 q90 a3 ; q118 a2). En outre, en lui seul consiste notre béatitude[6].

Conclusion : de même qu’on ne doit offrir le sacrifice intérieur qu’à Dieu Seul, de même ne doit-on offrir qu’à lui les sacrifices extérieurs [qui lui sont ordonnés en tant que signes].


Il faut bien peser, dans la doctrine du sacrifice, l’importance de sa signification bien plus formelle que la valeur de la chose matérielle. Cela est bien souligné en réponse à la seconde objection :

Dans l’oblation du sacrifice, on ne considère pas la prix de l ’animal mis à mort, mais la signification, selon laquelle cet acte est posé pour honorer le maître suprême de tout l’unvers. (...)


3°) L’oblation du sacrifice est un acte spécial de vertu (a3)

Certes, les actions relevant de diverses vertus [comme une aumône, une mortification corporelle etc.] peuvent être ordonnées comme à leur fin à la révérence de Dieu[7] ; alors, ces actes élicités par d’autres vertus que la religion peuvent être dits « sacrifices ». En effet, de façon générale, quand l’acte d’une vertu est ordonné à la fin d’une autre, elle participe en quelque façon à sa spécificité.

Il reste que le sacrifice est un acte spécial, méritant une louange propre, en raison de son ordination à la révérence divine : et, pour cela, il relève de soi de la vertu de religion.

Et il existe des actes qui n’ont d’autre motif d’être loués que le fait d’être posés pour révérer Dieu : ces actes sont dits au sens propre « sacrifices », et sont élicités par la religion.


À ce stade, la notion de sacrifice commence à s’enrichir de diverses nuances, mais aussi à pâtir une certaine confusion. Saint Thomas va projeter un ordre lumineux dans ce riche donné, par ses réponses à deux objections. Dans l’ad2, saint Thomas affirme le caractère principal du sacrifice intérieur, distingué tant de l’offrande des biens du corps que de celle des choses extérieures :

Le bien de l’homme est triple.

– Le premier est le bien de l’âme, offert à Dieu par un certain sacrifice intérieur, par la dévotion, l’oraison et les autres actes intérieurs de ce type. Et c’est là le sacrifice principal.

– Le second est le bien du corps, offert à Dieu en quelque façon par le martyr, et par l’abstinence ou la continence.

– Le troisième est le bien dea choses extérieures, dont on offre un sacrifice à Dieu. Cela a lieu directement quand nous offrons immédiatement à Dieu des biens que nous possédons ; et médiatement quand nous donnons à nos prochains de ces biens, pour Dieu.


Puis, avec l’ad3, le Docteur Commun précise comment l’offrande des choses extérieures constitue un sacrifice au sens propre : lorsque cette offrande – signifiant d’ailleurs le sacrifice intérieur – se réalise dans un rite sacré :

On parle proprement de sacrifice lorsque quelque chose est accompli sur les réalités offertes à Dieu, comme lorsque les animaux étaient tués, lorsque le pain est rompu, mangé, bénit. Et le nom lui-même l’indique car sacrifice signifie que l’homme fait quelque chose de sacré.

On parle directement d’oblation lorsque une chose est offerte à Dieu, même si aucune action n’est accomplie sur elle : ainsi dit-on que sont offerts l’argent ou les pains sur l’autel qui ne sont l’objet d’aucune action.

Donc tout sacrifice est une oblation, mais la réciproque n’est pas vraie.


4°) Tous sont tenus d’offrir des sacrifices (a4)

La raison en est que tous sont tenus à ce qui est commandé par la loi naturelle. On peut cependant fournir quelques précisions :

On l’a dit, le sacrifice est double.

• Le premier et principal est le sacrifice intérieur, auquel tous sont tenus, car tous sont tenus d’offrir à Dieu un esprit dévôt.

• L’autre est le sacrifice extérieur ; il se divise en deux.

– L’un n’a pas d’autre valeur que d’être une réalité extérieure offerte à Dieu pour proclamer qu’on Lui est assujetti.

A ce ssacrifice sont teuus différemment ceux qui sont sous la loi nouvelle ou ancienne et ceux qui ne sont pas sous la loi.

Car ceux qui sont sous la loi sont tenus d’offrir des sacrifices déterminés selon les commandements de la loi.

Mais ceux qui n’étaient pas sous la loi étaient tenus de faire quelqu’action extérieure pour honorer Dieu, selon ce qui convenait aux coutumes des hommes parmi lesquels ils vivaient, sans être tenus de façon déterminée à ceci ou à cela.

– Autre est le sacrifice extérieur consistant en ce que les actes extérieurs des autres vertus sont tournés vers la révérence divine. Certains de ces actes tombent sous un précepte qui oblige tout le monde, tandis que d’autres sont surérogatoires et ne s’imposent pas à tous.


Ces ultimes précisions permettent de situer la place du prêtre [sacerdos], sous le régime de la loi divine [Ancienne ou Nouvelle] :

• objection 3 :

En outre, les prêtres [« sacerdotes »] sont ainsi nommés parce qu’ils offrent à Dieu le sacrifice. Mais tous ne sont pas prêtres. Donc tous ne sont pas tenus d’offrir des sacrifices.

• réponse :

Les prêtres offrent les sacrifices ordonnés spécialement au culte divin, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres.

Mais il y a aussi d’autres sacrifices que quiconque peut offrir à Dieu pour soi-même, comme on cela apparaît avec ce que l’on a dit plus haut.


Le sacrifice à la lumière de la Loi Ancienne

Souvent méconnue, l’étude de la Loi Ancienne développée par saint Thomas dans la Prima-Secundae est un modèle d’exégèse théologique. Nous irons tout droit aux passages qui nous concernent.


La Loi Ancienne, bonne quoiqu’imparfaite (q98 a1) fut donnée par Dieu (a2) au seul peuple juif, parce qu’il était seul dépositaire de la Promesse : c’est de lui que viendrait le Messie (a4).

Cette Loi contenait certes des préceptes moraux, commandant des actes de vertu (q99 a2) – et ces préceptes pouvaient alors relever aussi de la loi naturelle (q98 a5) – mais elle comportait en outre des préceptes cérémoniels, ce que saint Thomas justifie ainsi (q99 a3)[8] :

Comme on l’a dit, la loi divine est principalement instituée pour ordonner les hommes à Dieu ; (...)

Or l’homme est ordonné à Dieu non seulement par des actes intérieurs de l’esprit, qui sont croire, espérer et aimer ; mais aussi par certaines œuvres extérieures, par lesquelles l’homme professe être au service de Dieu. Et ces œuvres sont dites appartenir au culte de Dieu[9].


Les préceptes cérémoniels sont donc ceux qui concernent le culte divin et qui apportent des déterminations à ce que demande la seule Loi Naturelle [cf. ST1-2 q99 a3 ad2].

Saint Thomas leur consacre trois questions (q101 - q103), dont la seconde est particulièrement abondante.


Les préceptes cérémoniels en eux-même : caractère primordial des sacrifices

Notre Docteur met d’abord en lumière l’essence et la division de ces préceptes cérémoniels.

Après avoir réaffirmé que leur ratio consiste en ce qu’ils concernent le culte divin (q101 a1), saint Thomas introduit une notion très importante (a2) : ces préceptes sont figuratifs. Il s’appuie, dans le sed contra, sur l’autorité de saint Paul : «Ainsi donc, que personne ne vous critique à propos de nourriture, de boisson, à propos d'une fête, d'une nouvelle lune ou d'un sabbat. Tout cela n'est que l'ombre de ce qui devait venir; mais la réalité, c'est le Christ. » (Col 2.16-17) – ce qui montre d’ailleurs tout ce qu’il y a d’imperfection, pour saint Thomas, dans cette caractéristique d’être « figuratif ».

Pourquoi donc ces cérémonies extérieures et figuratives ? Saint Thomas s’en explique en introduisant la distinction entre le culte de Dieu intérieur et le culte de Dieu extérieur (a2, corpus) :

(...) Le culte de Dieu est double : intérieur et extérieur. En effet, puisque l’homme est composé d’âme et de corps, l’une et l’autre doivent être appliqués au culte de Dieu, en sorte que l’âme honore par un culte intérieur et le corps par un culte extérieur (...). Et comme le corps est ordonné à Dieu par l’âme, ainsi le culte extérieur est ordonné au culte intérieur.


Cette doctrine toute simple permet de comprendre la nécessité et la nature du culte extérieur, selon les divers états de l’humanité eu égard à son union à Dieu. Notre texte continue en effet :

Or le culte intérieur consiste en ce que l’âme est unie à Dieu par l’intelligence et l’affection.

Donc, selon que l’intelligence et l’affection de celui qui honore Dieu Lui sont diversement unies de façon droite, ainsi les actes extérieurs de l’homme sont diversement appliqués au culte de Dieu.


Dans la béatitude, l’intellect humain saisira la vérité divine en elle-même : d’où l’exclusion, par perte de raison d’être, de l’aspect figuratif du culte extérieur [mais non pas de ce culte lui-même] :

Dans l’état de la béatitude future l’intelligence humaine verra la vérité divine elle-même et en elle-même. Alors, le culte extérieur ne consistera pas dans une figuration, mais seulement dans la louange de Dieu, qui procède de la connaissance et de l’affection intérieures (...).


Dans la vie présente, la Vérité divine ne se manifeste pas à nous sans figures sensibles[10] ; avec une variation selon les deux états de la connaissance : Loi Ancienne, Loi Nouvelle.

L’apport de la Loi Nouvelle, à ce sujet, c’est que la voie qui nous conduit à la Patrie est ouverte : elle est le Christ. D’où l’importante conclusion : « Sous le régime de la Loi Nouvelle, cette voie est désormais révélée et il ne faut plus la préfigurer comme à venir, mais la commémorer comme une réalité passée ou présente ; il ne faut plus préfigurer que la gloire , réalité à venir qui n’est pas encore dévoilée. Telle est la pensée de l’épître aux Hébreux (10.1) : « La loi n’est que l’ombre des biens à venir et non la propre image des réalités » ; une ombre en effet est moins qu’une image, et ici l’image appartient à la Loi Nouvelle, l’ombre à la Loi Ancienne. »[11].


On notera la double différence[12] :

dans la Loi Ancienne, les symboles sensibles concernant le Christ ne sont que des ombres, et ils préfigurent ;

dans la Loi Nouvelle, ces symboles ne sont pas des ombres mais des images, et ils commémorent [le Christ - Voie] soit comme réalité passée, soit comme présente.


Concluons : la notion de « symbole sensible »[13] exprime la propriété du culte extérieur en tant que celui-ci découle du culte intérieur d’un homme non encore en possession de la Vérité divine en elle-même.


Les divers types de cérémonies

Après avoir justifié la multiplicité des préceptes cérémoniels (q101 a3), en référence à la multiplicité des inclinations humaines, saint Thomas expose la division de ces cérémonies (a4), ce qui situe plus explicitement la spécificité des sacrifices.


Dans ce passage de la Somme, saint Thomas nous livre un important enseignement : le culte, en lui-même, consiste spécialement dans les sacrifices, qui sont offerts en l’honneur de Dieu.[14]

Les choses sacrées constituent des instruments du culte, les sacrements et les observances concernant en propre les adorateurs eux-mêmes.


Dans la réponse à la troisième objection, saint Thomas affirme que les sacrifices et les sacrements étaient aussi des choses sacrées. L’expression « choses sacrées » regroupe celles qui ne sont ni sacrifices, ni sacrements.

De même, les « observances » désignent une réalité encore plus commune : il s’agissait de manières de vivre non immédiatement ordonnées au culte divin (comme au contraire le tabernacle et ses ustensiles), mais qui « n’en avaient pas moins un caractère cérémoniel, en quelque sorte dérivé, en tant qu’elles conféraient au peuple de Dieu une certaine habilitation pour le culte divin. ».


En réponse à la cinquième objection saint Thomas situe les oblations et les dons dans le voisinage des sacrifices, parce que c’est à Dieu qu’on les offraient, selon Heb 5.1 : "Tout pontife, en effet, est choisi parmi les hommes et établi pour les hommes en médiateur dans leurs relations avec Dieu, avec la charge d'offrir les dons et les sacrifices pour les péchés."

Nous aurons à préciser, par la suite, la distinction entre « oblation » [ou « don »] et « sacrifice ».


Raison d’être de ces préceptes cérémoniels, et spécialement des sacrifices

Dans la question 102, saint Thomas expose longuement ce sujet. Nous ne retiendrons ici que ce qui touche les sacrifices.


Les données communes

D’une façon générale, les préceptes cérémoniels de l’Ancien Testament relevaient d’une double raison d’être. Ils étaient ordonnés d’une part au culte de Dieu selon ce que demandait cette période de l’histoire, et d’autre part à figurer le Christ à venir : raison d’être « littérale » et raison d’être « figurative ». Saint Thomas fournit des détails sur cette double finalité en q102 a2.


Notons que lorsque la signification concerne l’ordre présent [de l’Ancien Testament], on reste dans le domaine de la raison d’être littérale (ST1-2 q102 a2 ad1).


Par ailleurs, les deux raisons d’être sont cumulables pour une même cérémonie (ibid. ad2).


Mais si les deux types de cause se retrouvent toujours à considérer les cérémonies en général, il reste que beaucoup de détails cérémoniels n’ont qu’une signification figurative (ibid. ad3).


Le cas spécifique des sacrifices de la Loi Ancienne

Saint Thomas consacre à ce sujet un article d’une longueur inhabituelle, et surtout examine quatorze objections, ce qui est tout à fait exceptionnel pour la Somme Théologique. Il n’est sans doute pas présomptueux d’y voir l’importance que notre Docteur accordait à la question.


C’est le propre de la Sagesse théologique que de s’efforcer, humblement mais sans pusillanimité, de mettre en lumière les « causes raisonnables »[15], sceau de la divine Sagesse dans le gouvernement divin. Saint Thomas s’y emploie. Et, par le fait même, tout en nous fournissant des éclaircissements utiles pour la compréhension du passé, il nous instruit de données essentielles et pérennes sur le sacrifice dans l’ordre actuel des choses.

Comme on l’a dit plus haut, les cérémonies de la loi ancienne avaient une double cause,

savoir une cause littérale, en tant qu’ordonnées au culte de Dieu ;

et une cause figurative ou mystique[16], en tant qu’ordonnées à figurer le Christ.

Des deux côtés on peut convenablement assigner les causes des cérémonies qui concernaient les sacrifices.


1°) En tant que les sacrifices étaient ordonnés au culte de Dieu, leur cause peut être envisagée doublement.

• D’abord, selon que par les sacrifices était représentée l’ordination de l’esprit à Dieu : à quoi était excité celui qui offrait le sacrifice.

Or il appartient à la droite ordination de l’esprit à Dieu que l’homme reconnaisse que tout ce qu’il a provient de Dieu comme de son premier principe, et qu’il ordonne tout à Dieu comme à sa fin ultime.

Et cela se trouvait représenté dans les oblations et les sacrifices : l’homme les offraient en l’honneur de Dieu, les prenant parmi ses biens, comme pour reconnaître qu’il tenait ses biens de Dieu (...). Donc, dans l’oblation des sacrifices l’homme proclamait que Dieu était le premier principe et le fin ultime de la création des choses, à qui tout deavit être référé.


• Et comme la droite ordination de l’esprit à Dieu demande que l’homme ne reconnaisse pas d’autre premier auteur des choses que Dieu seul, et ne mette sa fin en aucun autre : il s’ensuivait l’interdiction, dans la loi, d’offrir un sacrifice à un autre qu’à Dieu [Exod. 22] (...).

D’où, en ce qui concerne la cause des cérémonies concernant les sacrifices, la possibilité d’en assigner la raison d’une autre façon : savoir en considérant que par là les hommes étaient détournés des sacrifices offerts aux idoles. (...)


2°) Parmi tous les dons accordés par Dieu au genre humain déchu par suite du péché[17], le principal consiste dans le don de son fils [cf. Jn 3] (...).

C’est pourquoi le sacrifice le plus puissant est celui par lequel le Christ s’est offert lui-même à Dieu en odeur agréable [Eph. 5].

Et à cause de cela tous les autres sacrifices étaient offerts dans la loi ancienne pour que soit figuré ce sacrifice principal, unique et singulier, comme le parfait est figuré par les imparfaits. C’est pourquoi l’apôtre dit [Heb. 10] que le prêtre de la loi ancienne offrait souvent les mêmes hosties, qui ne peuvent jamais enlever les péchés, tandis que le Christ a offert une seule hostie pour les péchés, valable pour toujours. Et, puisque on tire la raison de la figure à partir de ce qui est figuré, les raisons des sacrifices figuratifs de la loi ancienne doivent être prises du vrai sacrifice du Christ.


Dans l’ad1, saint Thomas récapitule bien les trois motifs pour lesquels Dieu voulaient les sacrifices de l’Ancien Testament. En effet, comme le dit l'Écriture Sainte (Ps 49, 13 ; Is 1, 11), ce n’était pas parce qu’il aurait besoin des choses offertes mais :

– pour exclure l’idolatrie ;

– pour exprimer la juste ordination de l’esprit humain vers Dieu ;

– pour figurer le mystère de la rédemption des hommes par le Christ.


Dans la réponse aux autres objections, saint Thomas montre de façon précise les convenances détaillées des diverses prescriptions, quant à ces trois raisons principales.


Les fins du sacrifice

La réponse à la huitième objection est l’occasion, pour saint Thomas, de développer la question des fins du sacrifice, sur la base des données révélées de l’Ancien Testament. En effet, en ce temps, divers genre de sacrifices correspondaient à des fins spécifiques :


– L’holocauste, entièrement brûlé, spécialement ordonné à la gloire de Dieu :

(...) Cette sorte de sacrifice était offerte à Dieu spécialement en vue de révérer sa majesté, et en amour de sa bonté ; elle était en concordance avec l’état de perfection dans l’accomplissement des conseils. C’est pourquoi ce sacrifice était entièrement brûlé : pour que, de même que l’animal tout entier, réduit en fumée, s ’élevait dans les hauteurs, ainsi se trouvât signifié que l’homme tout entier, et tous ses biens, étaient assujettis à la seigneurie de Dieu, et devaient lui être offerts.


– Le sacrifice pour le péché ; une partie était brûlée, l’autre était destinée aux prêtres, sauf dans des cas particuliers :

Autre était le sacrifice pour le péché, offert à Dieu selon l’exigence de la rémission du péché ; il était en correspondance avec l’état des pénitents satisfaisant pour leurs péchés.


– L’hostie pacifique, offerte en action de grâces ou pour demander des bienfaits ; une partie était brûlée en l’honneur de Dieu, une autre revenait aux prêtres, la troisième à ceux qui offraient :

Le troisième sacrifice était nommé hostie pacifique ; on l’offrait à Dieu soit comme action de grâces, soit pour le salut et la prospérité des offrants, selon la dette d’un bienfait reçu ou à recevoir. Cela convient à l’état des progressants dans l’accomplissement des commandements.


Saint Thomas donne en outre des explications sur le traitement particulier réservé au sang et à la graisse. Deux sont fondamentales :

De façon générale, on observait cette règle : le sang et la graisse ne veanient ni en l’usage des prêtres, ni en celui des offrants. Le sang était versé au pied de l’autel, en l’honneur de Dieu ; la graisse était brûlée dans le feu.

(...)

La troisième raison se prend de la révérence de Dieu. Le sang en effet est maximalement nécessaire à la vie – c’est pourquoi on dit que l’âme est dans le sang – et la graisse manifeste l’abondance de la nourriture. Donc, pour montrer que la vie et la suffisance de tous les biens nous proviennent de Dieu, on versait le sang et on brûlait la graisse en l’honneur de Dieu[18].

La quatrième raison est que par là était figurée l’effusion du sang du Christ, et l’abondance de sa charité, par quoi il s’est offert à Dieu pour nous.


Il nous faut soigneusement noter l’affirmation répétée de saint Thomas (ad 9 et ad 10) selon laquelle c’est l’holocauste qui était le sacrifice le plus parfait, et le principal. Et cela, parce qu’il était « intégralement consumé en l’honneur de Dieu, et que rien n’en était mangé » ; l’ordre concerne d’ailleurs l’ensemble :

A la dixième objection on répond qu’entre tous les sacrifices le principal était l’holocauste, parce qu’il était totalement brûlé en l’honneur de Dieu, et que rien n’en était consommé.

Le deuxième rang en sainteté était tenu par l’hostie pour le péché, consommée seulement par les prêtres, à l’entrée du temple, le jour même du sacrifice.

Les hosties pacifiques pour l’action de grâce tenaient la troisième place : elles étaient consommées le jour même, mais n’importe où dans Jérusalem.

En quatrième lieu venaient les hosties pacifiques correspondant à un vœu ; les chairs pouvaient être consommées encore le lendemain.

Quartum vero locum tenebant hostiae pacificae ex voto, quarum carnes poterant etiam in crastino comedi.


Et il existe une raison de cet ordre : c’est que l’homme est maximalement obligé envers Dieu à cause de sa majesté ; ensuite, à cause de l’offense commise ; troisièmement, à cause des bienfaits déjà reçus ; enfin, à cause des bienfaits espérés.


Dans les articles 4 à 6, saint Thomas justifie avec encore plus de détails les choses sacrées, les sacrements et les observances de la Loi Ancienne.


De l’imparfait à l’achèvement : la limitation dans le temps des préceptes cérémoniels

Avec la Loi Ancienne, les déterminations des cérémonies sont données par Dieu. Est-ce à dire que ces cérémonies avaient une vertu propre pour justifier ? Saint Thomas le nie catégoriquement (ST1-2 q103 a2).

Ces cérémonies possédaient [en vertu de l’Institution divine] une certaine efficacité contre les impuretés légales, extérieures, corporelles, qui étaient des irrégularités rituelles rendant [selon la Loi de ce temps] impropre au culte divin[19]. Mais elles étaient incapables de laver l’impureté de l’âme, qui est le péché


La justification était certes possible en ce temps, mais par les seuls moyens permettant la conjonction au Christ : la foi vive dans le Christ Sauveur à venir. Les cérémonies étaient précisément – en tant que figuratives du Christ à venir – des protestations de cette foi :

Au temps de la loi, l’esprit des fidèles pouvait être uni par la foi au Christ incarné et souffrant ; et ainsi, par la foi au Christ, ils étaient justifiés. L’observation de ces cérémonies, en tant que figures du Christ, était une certaine proclamation de cette foi. (ibid.)


Il reste que, dans la Loi Ancienne, les sacrifices offerts pour les péchés n’avaient pas de pouvoir contre les péchés :

(...) le péché est remis non par la vertu des sacrifices, mais par la foi et la dévotion des offrants.

(...) Il apparaît ainsi que les cérémonies dans l’état de la loi ancienne n’avaient pas le pouvoir de justifier. (ibid.)


Saint Thomas insiste fortement sur cette disjonction, qui fait toute la différence avec la situation sous la Loi Nouvelle :

A la seconde objection on répond que les prêtres plaisaient à Dieu dans les cérémonies à cause de l’obéissance, de la dévotion et de la foi en la réalité préfigurée, mais NON à cause des choses elles-mêmes considérées selon leur réalité. (ST1-2 q103 a2 ad2).


Cette essentielle imperfection des cérémonies de la Loi Ancienne nous dispose à comprendre ce que saint Thomas enseigne à l’article suivant (a3) : ces cérémonies prennent fin avec la venue du Christ.

Le sed contra rappelle que c’est là l’enseignement formel de l'Écriture Sainte :

«Ainsi donc, que personne ne vous critique à propos de nourriture, de boisson, à propos d'une fête, d'une nouvelle lune ou d'un sabbat. Tout cela n'est que l'ombre de ce qui devait venir; mais la réalité, c'est le Christ. » (Col 2.16-17)

"Si Dieu parle d'une alliance nouvelle, c'est qu'il déclare surannée la précédente. Or, ce qui est suranné et vieilli est près de disparaître." (He 8.13)


L’exposé de la réponse manifeste la raison irréfragable de cette abrogation :

Comme on l’a dit, tous les préceptes cérémoniels de la loi ancienne sont ordonnés au culte de Dieu. Or le culte extérieur doit être proportionné au culte intérieur, qui consiste dans la foi, l’espérance et la charité[20].

Donc, selon la diversité du culte intérieur, il a fallu que soit diversifié le culte extérieur.


Or on peut distinguer un triple état dans le culte intérieur.

– L’un selon lequel la foi et l’espérance portent et sur les biens célestes, et sur les biens par lesquels nous sommes conduits dans les cieux : les uns et les autres étant des réalités futures. Tel fut l’état de la foi et de l’espérance sous la loi ancienne.

– Le second est l’état du culte intérieur dans lequel la foi et l’espérance se rapportent aux biens célestes comme à des réalités futures, mais aux biens par lesquels nous sommes conduits au Ciel comme à des réalités présentes ou passées. C’est l’état de la loi nouvelle.

– Dans le troisième état, les uns et les autres biens sont présents, et rien n’est cru comme absent ni espéré comme futur. C’est l’état des bienheureux.

Dans cet état des bienheureux, aucune réalité concernant le culte divin ne sera figurative ; il y aura seulement l’action de grâces et la voix de la louange. (...)


•Donc pour une raison semblable les cérémonies du premier état, par lesquelles étaient figurés le second et le troisième, ont dû cesser avec la venue du deuxième état ; et il a fallu introduire de nouvelles cérémonies convenant à l’état du culte divin pour ce temps dans lequel les biens célestes sont futurs tandis que les bienfaits de Dieu par lesquels nous sommes conduits au Ciel sont présents.


Il s’ensuit que si la Loi Ancienne a parfois été qualifiée d’éternelle (Cf. Baruch 4, 1), cela doit s’entendre de façon absolue pour les préceptes moraux, mais seulement eu égard à la vérité figurée pour les préceptes cérémoniels (ad1).


Mais, il faut aller plus loin : non seulement les préceptes cérémoniels ont cessé, avec la venue du Christ, mais les observer encore constituerait un péché mortel (a4). La réponse très ferme du Docteur Commun s’appuie sur une vérité immuable :

Toutes les cérémonies sont des proclamations de la foi en quoi consiste le culte intérieur de Dieu. Ainsi l’homme peut proclamer sa foi intérieure par des faits ou par des paroles ; et dans l’une et l’autre proclamation, si l’homme proclame quelque chose de faux, il pèche mortellement.

Et certes, la foi que nous avons au Christ est la même que celle qu’eurent les anciens Pères ; cependant, ceux-ci précédèrent le Christ et nous le suivons : il s’ensuit que la même foi est signifiée par nous et par eux avec des mots différents. Car eux disaient : voici que la vierge concevra et enfantera un fils – ce sont des paroles concernant le temps futur – ; mais nous nous représentons la même chose par des paroles au passé, en disant qu’elle a conçu et enfanté.

De même, les cérémonies de la loi ancienne signifiaent le Christ qui devait naître et qui devait souffrir tandis que nos sacrements le signifient comme étant né et ayant souffert.


Saint Thomas rapelle une vérité élémentaire, parfois obscurcie aujourd’hui : ce serait un péché mortel, aujourd’hui, que de proclamer sa foi dans le Christ à venir, alors que les Anciens le faisaient en toute piété et vérité. Et, de même, ce serait un péché mortel d’observer leurs cérémonies, parce qu’elles proclament le Christ à venir[21] :

De même donc que celui qui, en proclamant sa foi, dirait que le Christ est à naître, pècherait mortellement, alors que les anciens le disaient de façon pieuse et véridique ; de même pècherait-il mortellement celui qui observerait les cérémonies que les anciens observaient pieusement et fidèlement (...).


Le sacerdoce et le sacrifice du Christ

Nous avons déjà cité, dans l’étude des sacrifices dans la Loi Ancienne cette affirmation de saint Thomas (ST1-2 q102 a3) :

C’est pourquoi le sacrifice le plus puissant est celui par lequel le Christ s’est offert lui-même à Dieu en odeur agréable [Eph. 5].

Et à cause de cela tous les autres sacrifices étaient offerts dans la loi ancienne pour que soit figuré ce sacrifice principal, unique et singulier, comme le parfait est figuré par les imparfaits. C’est pourquoi l’apôtre dit [Heb. 10] que le prêtre de la loi ancienne offrait souvent les mêmes hosties, qui ne peuvent jamais enlever les péchés, tandis que le Christ a offert une seule hostie pour les péchés, valable pour toujours. Et, puisque on tire la raison de la figure à partir de ce qui est figuré, les raisons des sacrifices figuratifs de la loi ancienne doivent être prises du vrai sacrifice du Christ.


Les deux études précédentes nous ont fourni les bases solides d’une compréhension de la doctrine du sacrifice. Mais c’est dans l’étude du Sacerdoce de Notre-Seigneur, et du Sacrifice que lui-même a offert, que nous trouverons les lumières les plus hautes sur cette réalité qui, quoiqu’originellement naturelle, ne reçoit en fait son achèvement véritable qu’au plan surnaturel de l’Incarnation Rédemptrice.


Le Sacerdoce du Christ

Pour ne pas amplifier démesurément ce travail, nous ne suivrons pas en détail la doctrine de saint Thomas sur le sacerdoce du Christ (ST3 q22)


Relevons quelques points.


•Je réponds que l’office propre du prêtre est d’être médiateur entre Dieu et le peuple, en tant qu’il transmet au peuple les réalités divines – c’est pourquoi le prêtre [sacerdos] est nommé comme donnant les choses sacrées [sacra dans] – (...) ; et aussi en tant qu’il offre à Dieu les prières du peuple, et satisfait en quelque façon auprès de Dieu pour les péchés ; d’où la parole de l’apôtre [heb. 5] : tout pr^tre est pris parmi les hommes et est établi pour les hommes dans les choses qui ont rapport à Dieu, pour offrir les dons et les sacrifices pour les péchés.

Or cela convient au Christ de façon maximale. Car par Lui les donc sont conférés aux hommes, selon 2 Pie 1, par qui – savoir le Christ – il nous a fait don des précieuses et magnifiques promesses, afin que grâce à elles vous deveniez participants de la nature divine. C’est lui aussi qui a réconcilié le genrre humain avec Dieu, selon ces mots de Coloss. 1, en lui – savoir le Christ – il a plu de faire habiter toute la plénitude, et de réconcilier par lui toutes choses. Donc il convient maximalement au Christ d’être prêtre. (a1)


• Autre remarque : le sacerdoce de la Loi Ancienne était la figure de celui du Christ ; mais précisément, il était nécessaire de marquer la différence entre le figuratif et le vrai, et c’est pourquoi le Christ n’a pas voulu naître de la race sacerdotale :

A la seconde objection on répond que, comme le dit le Damascène (Liv. 3), ce qui est semblable en tous sera le même et non pas exemple. Donc comme le sacerdoce de la loi ancienne était figure du sacerdoce du Christ, le Christ n’a pas voulu naître de la lignée des prêtres figuratifs, pour montrer qu’il ne s’agissait pas absolument du même sacerdoce, mais qu’ils différaient comme le vrai diffère de la figure.


Prêtre et Hostie (a2)

C’est surtout l’article 2 qui met en lumière la vérité centrale, au point de vue de notre présente étude, tournée vers le sacrifice : Jésus fut à la fois prêtre et hostie[22].

La diversification des sacrifices dans la Loi Ancienne manifestait les fins du sacrifice ; toutes se trouvent réalisées à la perfection en Notre Seigneur, à ce double titre.

– Car premièrement nos péchés ont été effacés, selon Rom. 4, il a été livré pour nos péchés.

– Deuxièmement, nous recevons par lui la grâce qui nous sauve, selon Heb. 5, il est devenu cause de salut éternel pour tous ceux qui se soumettent à lui.

– Troisièmement, par lui nous obtenons la perfection de la gloire selon Heb. 10, nous avons l’assurance de posséder, par son sang, l’accès au sanctuaire, c’est-à-dire à la gloire éternelle.


C’est pourquoi le Christ lui-même, en tant qu’homme, fut non seulement prêtre mais encore hostie parfaite, étant à la fois hostie pour le péché, hostie pacifique et holocauste.


Notre-Seigneur réalise donc en lui-même, en son humanité livrée pour nous à la Passion et à la mort, toutes les finalités du Sacrifice, annoncées dans les divers types de la Loi Ancienne.


Certes, Notre-Seigneur ne s’est pas tué lui-même, mais il s’est volontairement offert à la mort, gardant jusqu’au bout le pouvoir sur sa vie :

A la première objection on répond que le Christ ne s’est pas tué, mais qu’il s’est exposé volontairement à la mort, selon Is. 53, il s’est offert parce qu’il l’a voulu. C’est pourquoi on dit qu’il s’est offert lui-même.


• La réponse à la deuxième objection est l’occasion, pour saint Thomas, de préciser l’essence de l’hostie:

L’occision du Christ homme peut être mise en rapport avec deux volontés.

– D’une part, avec la volonté de ceux qui l’ont tué. Et ainsi, elle n’eut pas la raison d’hostie, car on ne dit pas que les meurtriers du Christ ont offert une hostie à Dieu, mais qu’ils ont gravement péché. Une similitude de ce péché se trouvait dans les sacrifices impies des gentils, lorsqu’ils immolaient des hommes aux idoles.

– D’autre part, on peut considérer l’occision du Christ par rapport à la volonté de celui qui souffrait, qui s’offrait volontairement à la passion. Sous ce rapport, elle a raison d’hostie. En cela, elle n’a pas de convenance avec les sacrifices des gentils.


Effets du sacerdoce du Christ

Saint Thomas montre ensuite que l’effet du sacerdoce du Christ fut l’expiation des péchés (a3) : tant du côté de la tache de la faute, détruite par la grâce du Christ (cf. Rom 3, 24-24), que du côté de la dette de la peine, car le Christ a pleinement satisfait pour nous (cf. Is 53, 4).


• L’ad1 de l’article 3 précise que si le Christ fut Prêtre en tant qu’homme, il reste vrai que le même fut Prêtre et Dieu. Et c’est en tant que son humanité opérait dans la vertu de la divinité que son sacrifice était d’une efficacité absolue pour détruire le péché.


• L’ad3 affirme que le sacrifice du Christ apportait l’achèvement, la consommation à tous les autres.


• La réponse à la seconde objection à l’article 4 introduit et précise une distinction extrêmement importante, dans l’acte du prêtre offrant le sacrifice :

A la seconde objection on répond que dans l’oblation du sacrifice de n’importe quel prêtre, on peut considérer deux choses, le sacrifice offert lui-même, et la dévotion de celui qui offre.

Or l’effet propre du sacerdoce est ce qui suit du sacrifice lui-même.

Mais le Christ a obtenu quelque chose par sa passion, non comme par la vertu du sacrifice, qui est offert par mode de satisfaction, mais en vertu de la dévotion par laquelle, selon sa charité, il a humblement supporté la passion.


• L’ad3 redit, indirectement, que le sacrifice du Christ est satisfactoire :

... La figure ne peut être adéquate à la vérité. Donc le prêtre figuratif de l’ancienne loi ne pouvait arriver à perfection telle qu’il n’eût pas besoin d’un sacrifice satisfactoire. Mais le Christ n’en a pas besoin. Donc la raison n’est pas la même dans les deux cas. (...).


La consommation éternelle du sacrifice du Christ (a5)

Pour manifester l’éternité du sacerdoce du Christ, affirmée par le psaume 109, 4 « Tu es sacerdos in aeternum », saint Thomas distingue deux éléments dans l’office du prêtre :

1°) l’oblation même du sacrifice ;

2°) la consommation du sacrifice, qui consiste en ceci que ceux pour qui le sacrifice est offert obtiennent la fin du sacrifice.

Or, la fin du sacrifice offert par le Christ ne consiste pas en des biens temporels, mais en biens éternels, selon Heb 9, 11 : « Cependant le Christ a paru, grand prêtre des biens à venir; (...) ».

C’est pourquoi, conclut saint Thomas, le sacerdoce du Christ est dit éternel.

Le Christ est entré dans le Saint des Saints, c’est-à-dire dans le Ciel, et nous a préparé le chemin d’entrée par la vertu de son sang, qu’il a versé pour nous, ici-bas.


Cette réponse ne doit pas être mal comprise. Ce n’est pas seulement l’effet du sacrifice qui est éternel : c’est bien le sacerdoce lui-même. Et, en effet, celui-ci dure éternellement parce que son effet éternel demeure éternellement sous son influence active. Saint Thomas précise dans l’ad1 :

... Les saints, dans la patrie, n’auront plus besoin d’expiation ultérieure par le sacerdoce du Christ ; mais, ayant déjà expié, ils auront besoin d’être conduits à l’achèvement par le Christ lui-même, dont leur gloire dépend, selon ce que dit Apoc. 21 : la clarté de Dieu l’illumine [savoir : la cité des saints] et sa lumière est l’Agneau.


Les deux réponses suivantes confirment cette signification :

A la seconde objection on répond que, bien que la passion et la mort du Christ ne soient pas à réitérer, cependant la vertu de cette hostie demeure éternellement, car, comme il est dit en Heb. 10, par une oblation unique il a rendu parfaits pour toujours ceux qui sont sanctifiés.

Par quoi apparaît aussi la réponse à la troisième objection. Et l’unité de cette oblation était figurée dans la loi par le fait qu’une seule fois par an le pontife légitime entrait dans le sanctuaire avec l’oblation solennelle du sang, selon Levit. 16. Mais la figure était déficiente par rapport à la vérité en ce que cette hostie n’avait pas une vertu pertpétuelle ; et c’est pourquoi ces hosties étaient réitérées annuellement.


L’excellence du sacerdoce du Christ (a6)

Bien que le sacerdoce légal fût une figure du sacerdoce du Christ, c’est le sacerdoce de Melchisedech qui préfigura l’excellence du sacerdoce de Notre-Seigneur. La dîme, versée par Abraham à Melchisedech (Gen 14, 20) fut le signe de la supériorité de son sacerdoce sur celui qui devait sortir d’Abraham.

L’ad2 donne une précision sur la situation du sacrifice dans la Loi Nouvelle, en introduisant la notion de participation à l’oblation du Christ :

... Dans le sacerdoce du Christ on peut considérer deux choses : l’oblation elle-même du Christ, et la participation à cette oblation.

Quant à l’oblation elle-même, le sacerdoce légal, par l’effusion du sang, figurait de façon plus expressive le sacerdoce du Christ que ne le faisait le sacerdoce de Melchisédec, dans lequel le sang n’était pas versé.

Mais en ce qui concerne la participation à ce sacrifice et à son effet, en quoi on considère principalement l’excellence du sacerdoce du Christ par rapport au sacerdoce légal, elle était préfigurée plus expressément par le sacerdoce de Melchisédech, qui offrait du pain et du vin, signifiant, comme le dit Augustin, l’unité ecclésiastique, que constitue la participation au sacrifice du Christ. D’où, même dans la Loi Nouvelle, le vrai sacrifice du Christ est communiqué aux fidèles sous les espèces du pain et du vin.


La Passion et la mort du Christ comme sacrifice

Le thème principal dans le cadre duquel saint Thomas traite la question indiquée en titre est la Passion du Christ. Notre Docteur, en effet, suit l’ordre chronologique pour son exposé de la théologie du Christ. Il consacre cinq questions à cette Passion (q46 - q49), à quoi on peut joindre la question 50 sur la mort du Christ.

La question 46 examine la nécessité de la Passion du Christ et son essence. La question 47 détermine sa cause efficiente. La question 48 met en lumière les différents modes selon lesquels la Passion du Christ est elle-même efficace : Le mode d’efficience de la passion du Christ. La dernière question détaillera les effets de cette Passion.


Les modes d’efficacité de la Passion sont multiples : elle opère notre salut par mode de mérite (a1), par mode de satisfaction (a2), par mode de sacrifice (a3), par mode de rachat (a4) – et l’on précise qu’être Rédempteur est propre au Christ (a5) –, enfin par mode d’efficience (a6).


Comme nous n’examinerons, dans ce qui suit, que le troisième mode, il est bon de garder présent à l’esprit que ce que nous allons dire entre dans le cadre d’une synthèse plus vaste, afin que l’examen d’un aspect ne nous fasse pas perdre de vue l’équilibre de l’ensemble.


L’efficace de la Passion du Christ par mode de sacrifice

Saint Thomas avait déjà introduit cette perspective dans la question précédente (q47 a4 ad2) :

Ad secundum dicendum quod passio Christi fuit sacrificii oblatio inquantum Christus propria voluntate mortem sustinuit ex caritate[23]. Inquantum autem a persecutoribus est passus, non fuit sacrificium, sed peccatum gravissimum.


A la fin de la présente question (q48 a6 ad3), une synthèse nous est fournie :

A la troisième objection on répond que la passion du Christ,

– en tant que comparée à sa divinité, agit par mode d’efficience ;

– en tant que comparée à la volonté de l’âme du Christ, agit par mode de mérite ;

– selon qu’on la considère dans la chair même du Christ,

- agit par mode de satisfaction, en tant que par elle nous sommes libérés de la dette de peine ;

- par mode de rachat, en tant que par elle nous sommes libérés de l’esclavage de la faute ;

- par mode de sacrifice, en tant que par elle nous sommes réconciliés avec Dieu, comme il sera dit plus loin[24].


Voyons l’enseignement précis de notre article.

Le fait lui-même est pésenté comme révélé, dans le sed contra qui cite : "Progressez dans la charité en suivant l'exemple du Christ qui nous a aimés et s'est livré lui-même à Dieu pour nous en offrande et en sacrifice d'agréable odeur." (Eph 5.2)


Cette vérité tenue dans la foi est alors mise en lumière par ce que nous savons – par la raison ou par la foi – sur le sacrifice :

Je réponds que l’on nomme proprement sacrifice quelque chose qui est fait pour l’honneur dû en propre à Dieu, en vue de lui plaire. D’où l’affirmation d’Augustin [Cité de Dieu, X] : « le vrai sacrifice est toute œuvre accomplie pour que nous adhérions à Dieu en une sainte société, à savoir en relation avec cette fin selon laquelle nous pouvons vraiment être bienheureux ».

Or le Christ, comme il est ajouté dans le même lieu, s’est offert lui-même à la passion pour nous, et cette œuvre – savoir de subir volontairement la passion pour nous – fut maximalement agréée par Dieu, comme provenant de la charité. Il est donc manifeste que la passion du Christ fut un vrai sacrifice.

Et, comme lui-même ajoute ensuite dans le même livre, les sacrifces antérieurs des saints étaient des signes variés et multiples de ce vrai sacrifice, cet unique étant figuré par beaucoup (...) ; et, comme quatre éléments sont à considérer dans tout sacrifice, comme le dit Augustin [De la Trinité, L. 4] savoir à qui on offre, par qui est faite l’offrande, qu’est-ce qui est offert, pour qui est-ce offert, le même qui, vrai et unique médiateur, nous réconcilie avec Dieu par le sacrifice de paix, demeurait un avec celui à qui il offrait[25], faisait un en lui ceux pour qui il offrait[26], était lui-même un seul qui offrait et qui était offert.


De multiples points mériteraient d’être soulignés, mais nous ne retenons qu’un élément central : cette œuvre volontaire du Christ que fut sa Passion fut maximalement agréée par Dieu. Et comme elle était une œuvre accomplie en vue de l’honneur dû proprement à Dieu, pour lui plaire et l’apaiser [ad placandum], il suit que la Passion du Christ fut un vrai sacrifice.

Cette mise en place souligne clairement que l’acceptation divine est requise pour que l’on ait un véritable sacrifice[27].


Comme on l’a déjà annoncé, cette doctrine de la Passion comme sacrifice est encore précisée si l’on envisage l’effet de la Passion qui correspond directement à cette modalité, savoir la réconciliation avec Dieu. C’est ce que fait saint Thomas en q49 a4 :

La passion du Christ est cause de notre réconciliation avec Dieu doublement.

D’une part, en tant qu’elle enlève le péché[28], par quoi les hommes sont constitués ennemis de Dieu, selon Sag. 14, l’impie et son impiété sont semblablement haïs de Dieu ; et dans la psaume, vous avez haï tous ceux qui font l’iniquité.

D’autre part, en tant qu’elle est un sacrifice très agréable à Dieu. C’est en effet là proprement l’effet du sacrifice, que par lui on plaise à Dieu, comme lorsqu’un homme remet l’offense qui lui a été faite à cause d’un hommage accepté, qu’on lui a présenté. (...) De même, le fait que le Christ souffrit volontairement fut un tel bien qu’à cause de ce bien, trouvé dans la nature humaine, Dieu a été apaisé par rapport à toute l’offense provenant du genre humain, en ce qui concerne ceux qui sont unis au Christ qui a souffert, selon le mode déjà expliqué[29].


La dernière remarque est importante : l’effet propre de la Passion comme sacrifice se produit dans les hommes qui sont unis au Christ, et non en dehors de Lui.

D’une façon générale en effet, la Passion produit son effet en ceux à qui elle est appliquée (ST3 q49 a3 ad1) :

... la passion du Christ obtient son effet en ceux à qui elle est appliquée par la foi et la charité, et par les sacrements de la foi. C’est pourquoi les damnés en enfer, qui ne sont pas unis à la passion du Christ selon le mode susdit, ne peuvent percevoir son effet.


En effet, la Passion en elle-même est comme une cause universelle, qui agit sur les sujets par des causes particulières (ST3 q49 a1 ad4) :

... puisque la passion du Christ a précédé comme une certaine cause universelle de la rémission des péchés, comme on l’a dit, il est nécessaire qu’elle soit appliquée à chacun pour la destruction de ses péchés propres. Cela se fait par le baptême et la pénitence, et les autres sacrements, qui ont leur vertu par la passion du Christ, comme cela apparaîtra plus loin [q62 a5].


L’enseignement du De Eucharistia sur le sacrifice de la Messe

Le lecteur moderne de la Somme exprime parfois sa surprise devant la place relativement faible accordée au développement sur l’eucharistie comme sacrifice : une seule question (q83) sur les onze que comporte l’ensemble du traité (ST3 q73 - q83). Encore, cette question est-elle davantage consacrée à la jusification des divers rites de la Messe qu’à l’approfondissement de la théologie du sacrifice.

On peut certes remarquer, face à cette interrogation latente, qu’à l’époque de saint Thomas le caractère sacrificiel de la Messe n’avait pas encore rencontré d’opposition systématique, à la différence de la « présence réelle ».

Mais il convient plus positivement d’observer que les données déjà élaborées par saint Thomas dans les trois lieux que nous avons parcourus fournissent les principes essentiels sur la question, en sorte que peu de choses restent à préciser, surtout si l’on ajoute les développements présents dans le traité de sacramentis in genere. En outre, la pensée de l’eucharistie comme sacrifice demeure présente à l’esprit de saint Thomas tout au long du traité de l’eucharistie, en sorte que les points principaux de la doctrine se trouvent affirmés bien avant la question 83.


Le fait même que l’eucharistie soit le sacrifice de la Loi Nouvelle est reçu comme une vérité incontestée : nous en avons rencontré un beau témoignage dès le traité de la Loi Ancienne, ST1-2 q101 a4 :

A la seconde objection on répond que le sacrifice de la loi nouvelles, c’est-a-dire l’eucharistie, contient le Christ lui-même, qui est l’auteur de la sanctification, (...). C’est pourquoi ce sacrifice est aussi un sacrement. (...)


De même :

Le sacrifice qui est offert quotidiennement dans l’Église n’est pas autre que le sacrifice que le Christ lui-même a offert, mais il est sa commémoration. D’où la parole d’Augustin [Cité de Dieu L. X] : le Christ lui-même est le prêtre qui offre, et lui-même est l’oblation ; et il a voulu que le sacrement de cette réalité soit le sacrifice quotidien de l’Église. (ST3 q22 a3 ad2).


Remarquons seulement, sur ce dernier texte que saint Thomas ne dit nullement que l’Église se contente de commémorer le sacrifice du Christ. Il affirme en toutes lettres deux choses :

1°) un sacrifice est offert quotidiennement dans l’Église ; et

2°) ce sacrifice n’est pas autre que celui du Christ, parce qu’il en est la commémoration.


Efforçons-nous donc de recueillir les lumières projetées sur ce fait par notre Docteur.


Quelques données du De Sacramentis in genere

On sait, et certains modernes y ont insisté avec parfois quelques arrières-pensées tout à fait étrangères à saint Thomas, que notre Docteur reconnaît résolument, dans la Somme, que les sacrements appartiennent au genre « signe ». Cette caractérisation s’impose d’ailleurs dans une vue d’ensemble du sujet, qui découvre la nécessité des sacrements pour le salut du genre humain, donc depuis la chute d’Adam. C’est alors une spécificité des sacrements de la Loi Nouvelle que de causer la grâce : pour eux, cet aspect causal est essentiel – ce qui a quelque peu été oublié par le courant auquel nous faisions allusion en commençant. Pour se convaincre qu’il s’agit bien là de la pensée de saint Thomas, il suffit de se référer à la phrase de présentation qu’il donne dans le prologue de la Tertia Pars :

Puisque, au témoignage de l’Ange, notre sauveur le Seigneur Jésus-Christ, sauvant son peuple de ses péchés, nous a montré en lui-même la voie de la vérité par laquelle nous pouvons parvenir à la béatitude de la vie éternelle en ressuscitant, il est nécessaire, pour l’achèvement de toute l’œuvre théologique, qu’après la considération de la fin ultime de la vie humaine ainsi que des vertus et des vices, notre considération se porte ensuite sur le sauveur lui-même de tous et sur les bienfaits qu’il a accordés au genre humain.

A ce sujet,

il faut d’abord considérer le sauveur lui-même ;

en second lieu, ses sacrements, par lesquels nous obtenons le salut ;

troisièmement la fin de la vie immortelle à laquelle nous parvenons par lui, en ressuscitant. (...).


Or il importe de remarquer, dans notre présente perspective, que pour saint Thomas les sacrements en tant que tels sont ordonnés à deux fins : remède pour le péché et culte divin :

(...) Or la grâce sacramentelle apparaît come principalement ordonnée à deux choses

à enlever les défauts des péchés passéa, en tant qu’ils sont transitoires en acte, mais demeurent comme dette ; et encore

à perfectionner l’âme dans les choses qui concernent le culte de Dieu selon la religion de la vie chrétienne.

Or il est clair, d’après ce qui a été dit plus haut, que le Christ nous a libérés de nos péchés principalement par sa passion, non seulement selon le mode de l’efficience et du mérite, mais encore par mode de satisfaction.

De même aussi par sa passion a-t-il inauguré le rite de la religion chrétienne, s’offrant lui-même comme oblation et hostie à Dieu, comme il est dit en Ephes. V. (...) [ST3 q 62 a5][30]


En ST3 q63 a6 saint Thomas précise que l’Eucharistie constitue, du côté de l’action elle-même, et non du côté de l’agent humain[31], le principal du culte divin [selon la « religion de la vie chrétienne »] et cela précisément en tant qu’elle est le sacrifice de l’Église [le « rite de la religion chrétienne », « initié » par Jésus, par « sa Passion », en « s’offrant lui-même à Dieu comme oblation et hostie »].

En outre, saint Thomas enseigne, dans cet article, sa grande doctrine sur les « caractères » comme participation au sacerdoce du Christ, doctrine on le sait pleinement reçue par Pie XII dans Mediator Dei, en tant qu’ils députent à agir ou à recevoir quelque chose concernant le culte correspondant au sacerdoce du Christ :

A la première objection on répond que par tous les sacrements l’homme participe au sacerdoce du Christ, en tant qu’il perçoit quelque effet qui en provient ; mais ce n’est pas par tous les sacrements que l’on est député à faire quelque chose ou à recevoir quelque chose qui concerne le culte du sacerdoce du Christ. Or cela est exigé pour qu’un sacrement imprime un caractère. [ST3 q63 a6 ad1 ; voir aussi ad2]


L’existence du sacrifice de la Loi Nouvelle est donc bien mise en place, avant le De Eucharistia. Cette existence n’est pas problématique : en effet, saint Thomas a montré que le sacrifice, considéré in genere, relève de la Loi Naturelle : la Loi Divine ne le supprime donc pas, mais le détermine, le perfectionne etc. Tout cela fut dit dès le traité de la Loi Ancienne, mais à propos des rapports généraux entre Loi naturelle et Loi divine[32].


Au fil du De Eucharistia

Saint Thomas étudie in directo l’Eucharistie comme sacrement ; or, comme il l’a établi dans l’examen général, le sacrement est dans le genre signe, la Loi Nouvelle ajoutant la spécificité de la causalité. Ces deux caractères essentiels doivent donc être examinés. Et, tout naturellement, c’est à ces deux points de vue, successivement, que l’eucharistie comme sacrifice nous sera aussi présentée.


L’ordre du signe

L’Eucharisitie-sacrifice se situe d’abord – génériquement – dans l’ordre du signe :

Je réponds que ce sacrement possède une triple signification.

– L’une par rapport au passé, en tant qu’il est commémoratif de la passion du Seigneur, qui fut un vrai sacrifice, comme on l’a dit plus haut. Et à ce point de vue il est nommé sacrifice. (...) [ST3 q73 a4]


A la troisième objection on répond que ce sacrement est dit sacrifice, en tant qu’il représente la passion elle-même du Christ. [ST3 q73 a4 ad3]


Il ne faudrait pas, par crainte du réductionnisme moderniste, s’efforcer de diminuer cet aspect symbolique inhérent au sacrifice de la Messe. Saint Thomas l’affirme maintes fois. Et il le développe bien au-delà de l’acte essentiel de la consécration, puisqu’il l’applique à l’ensemble du rite. Il énonce même ce principe, vraiment fondamental pour la liturgie de la Messe selon l’esprit de l’Église :

À la septième objection on répond que, là où cela a pu se faire sans péril, l’Église a établi, pour ce sacrement, ce qui représente le plus expressément la passion du Christ. (...) [ST3 q83 a3 ad7]


Toutefois, une observation élémentaire nous conduit à un premier approfondissement : le baptême lui-aussi, selon saint Thomas, représente la Passion du Christ :

(...) par le baptême l’homme est configuré à la passion et à la résurrection du Christ, en tant qu’il meurt au péché et commence une nouvelle vie de justice. Et c’est pourquoi il a fallu que le Christ souffrît et ressuscitât avant d’indiquer aux hommes la nécessité de se configurer à sa mort et à sa résurrection. [ST3 q66 a2]


Or, saint Thomas ne dit jamais que le baptême est un sacrifice. Il faut donc, pour justifier la différence, indiquer aussi une différence, dans l’ordre même de la représentation, entre l’eucharistie et le baptême. Saint Thomas bien sûr l’a fait, dès le Commentaire sur les Sentences :

À la quatrième objection on répond que ce sacrement est directement représentatif de la passion du Seigneur, par laquelle le Christ en tant que prêtre et hostie s’est offert à Dieu sur l’autel de la croix. [4 S d8 q2 a1 qla4 ad4]


Cette relation directe de représentation de la Passion n’appartient qu’à l’eucharistie, et il en est ainsi parce que ce sacrement à été spécialement institué pour commémorer cette Passion, qui est la source de tous les sacrements :

À la troisième question il faut dire que dans tout sacrement on doit considérer trois choses, savoir l’origine, sa perfection, et la fin en vue de laquelle il existe.

Or l’origine de tous les sacrements est la passion du Christ, du côté de qui les sacrements se sont écoulés lorsqu’il était suspendu à la croix, comme le disent les saints ; la perfection du sacrement consiste en ce qu’il contient la grâce ; quant à la fin du sacrement, elle est double : fin prochaine, savoir la sanctification de qui le reçoit, et fin ultime, savoir la vie éternelle.

Ces éléments se trouvent selon une certaine excellence dans l’eucharistie.

Parce que ce sacrement existe spécialement en mémoire de la passion du Seigneur – d’où Mat. 26 : chaque fois que vous ferez ceci, vous le ferez en mémoire de moi – il s’ensuit que, quant à l’origine, il est nommé sacrifice ou hostie. (...) [4 S d8 q1 a1 qla3]


On voit donc que ce caractère d’image de la Passion se situe, pour l’eucharistie, au cœur même de l’ordre sacramentel. Et comme c’est dans cette perspective que saint Thomas nous présente l’eucharistie comme sacrifice, on voit qu’il est légitime de parler, comme plusieurs auteurs contemporains le font de « sacrifice sacramentel ».

En particulier, c’est d’abord à ce niveau du sacrifice sacramentel [c’est-à-dire : de la représentation telle qu’elle existe dans un sacrement], comme saint Thomas le fait, qu’il faut affirmer l’immolation non sanglante dans le sacrifice de l’autel :

Là contre, il y a la parole d’Augustin, dans le livre des sentences de Prosper, le Christ a été immolé une seule fois en lui-même, et cependant il est immolé quotidiennement dans le sacrement.


Je réponds que la célébration de ce sacrement est dite immolation du Christ pour une double raison.

Premièrement, parce que, comme dit Augustin, À Simplicien, « Il est usuel que les images soient désignées par les noms des réalités dont elles sont images : ainsi, lorsque l’on voit un tableau ou une paroi peinte nous disons c’est Cicéron, c’est Salluste ». Or, comme on l’a dit plus haut, la célébration de ce sacrement est une certaine image représentative de la passion du Christ, qui est ue vraie immolation. D’où ce que dit Ambroise sur l’épître aux Hébreux : dans le Christ a été offerte une seule fois l’hostie ayant valeur pour un salut éternel. Qu’en est-il donc de nous ? est-ce que nous n’offrons pas chaque jour en souvenir de sa mort ? (...) [ST3 q83 a1]


L’ordre de la causalité

L’ordre des sacrements de la Loi Nouvelle est caractérisé par son efficience causale, au-delà de la seule représentation. Cette propriété doit donc se retrouver dans le sacrifice sacramentel, sacrifice qu’est le plus haut des sacrements.

Et, il faut le noter, c’est précisément parce qu’il est directement et spécialement représentatif de la Passion que le sacrifice de l’autel aura une valeur causale et réelle correspondant au seul Sacrifice divinement voulu et agréé par lui-même qu’il représente : telle est en effet la loi de l’ordre sacramentel :

Je réponds que, comme il a été dit plus haut, les sacrements ont, en vertu de leur institution, [le pouvoir] de conférer la grâce. C’est pourquoi un sacrement apparaît comme institué quand il reçoit la vertu de produire son effet. (...) [ST3 q66 a2]


À la seconde objection on répond que c’est la même parole de Dieu qui a opéré dans la création des choses et qui opère dans cette consécration, mais de façon différente. Car ici elle opère sacramentellement, c’est-à-dire selon la force de la signification. (...). [ST3 q78 a2 ad2]


À la troisième objection on répond que les paroles susdites, par lesquelles s’accomplit la consécration, opèrent sacramentellement. C’est pourquoi la force de conversion qui se trouve dans les formes de ces sacrements, suit la signification, qui se termine avec la prononciation de la dernière parole. (...). [ST3 q78 a4 ad3]


Essayons de percevoir la mise en place, précise et analytique, opérée par saint Thomas.

Dans un passage déjà cité du Commentaire des Sentences (4 S d8 q1 a1 qla3) saint Thomas avait dit que l’eucharistie est appelée « sacrifice et hostie » eu égard à sa référence toute spéciale à la Passion. Dans la Somme, notre Docteur distingue et précise :

À la troisième objection on répond que ce sacrement est dit sacrifice en tant qu’il représente la passion même du Christ. Il est dit hostie en tant qu’il contient le Christ lui-même, qui est hostie agréable, comme le dit Ephes. V. [ST3 q73 a4 ad3]


Cette contenance réelle de la vraie et unique victime agréable à Dieu dans le sacrifice de la Loi Nouvelle avait déjà été soulignée dans le traité de la Loi Ancienne, en relation avec la jonction des deux rationes, sacrifice et sacrement, dans cette unique réalité :

À la seconde objection on répond que le sacrifice de la loi nouvelle, c’est-à-dire l’eucharistie, contient le Christ lui-même, qui est l’auteur de la sanctification : il a en effet sanctifié le peuple par son sang, comme il est dit à la fin de l’épître aux hébreux. C’est pourquoi ce sacrifice est aussi un sacrement. Au contraire les sacrifices de la loi ancienne ne contenaient pas le Christ, mais le préfiguraient, et donc ils ne sont pas dits sacrements. (...) [ST1-2 q101 a4 ad2]


Selon saint Thomas, c’est cette contenance réelle de la victime de la croix, du Christ qui a souffert, qui fait la différence principale entre sacrifice de la Loi Nouvelle et les pures figures de l’Ancien Testament :

Je réponds que le fait que le vrai corps du Christ et [son vrai] sang soient dans ce sacrement ne peut être appréhendé par les sens, mais par la seule foi, (...). Ceci est convenable, d’abord eu égard à la perfection de la loi nouvelle.

En effet les sacrifices de la loi ancienne ne contenaient ce vrai sacrifice de la passion du Christ qu’en figure, selon ce passage d’Heb. X, la loi avait l’ombre des biens futurs, non l’image elle-même des réalités.

C’est pourquoi il fallait que le sacrifice de la loi nouvelle, institué par le Christ, ait quelque chose de plus, en sorte qu’il contienne le Christ lui-même qui a souffert, non seulement en signification ou en figure, mais aussi selon la vérité de la chose. C’est pourquoi ce sacrement, qui contient réellement le Christ lui-même (...) est la perfection de tous les autres sacrements dans lesquels la vertu du Christ se trouve participée. (...) [ST3 q75 a1]


C’est ce lien, typique de l’ordre sacramentel, entre la représentation de la Passion et la contenance réelle de l’Unique Victime agréée par Dieu qui assure l’unité et la distinction de l’autel et de la Croix. Un texte déjà partiellement cité est ici très fort :

À la quatrième objection on répond ce sacrement est directement représentatif de la passion du Seigneur, par laquelle le Christ, en tant que prêtre et hostie, s’est offert à Dieu sur l’autel de la croix. Or l’hostie que le prêtre offre est une avec celle que le Christ a offert selon la réalité, car elle contient réellement le Christ ; le ministre qui offre n’est pas le même réellement[33]; d’où il faut qu’il soit le même selon la représentation ; et c’est pourquoi le prêtre qui consacre, en tant qu’il tient lieu de la personne du Christ, prononce les paroles de la consécration comme dites par la personne du Christ, afin que l’hostie ne semble pas être autre. (...) [4 S d8 q2 a1 qla4 ad4]


On fera évidemment remarquer que le « Christ qui a souffert » demeure présent dans les hosties consacrées même en dehors de la Messe ; faut-il dire alors que le sacrifice se perpétue dans le tabernacle ?

L’erreur vient de la confusion entre le sacrifice comme chose [la réalité sacrifiée, la victime], et le sacrifice comme acte [l’acte d’offrir le sacrifice]. Les deux sont liés, car le sacrifice comme acte doit évidemment avoir pour objet le sacrifice comme chose. Mais au moins dans le cas de Notre-Seigneur, le sacrifice comme chose perdure au-delà de l’acte.

Mais c’est essentiellement en tant qu’acte que la Messe est le sacrifice de la Loi Nouvelle : saint Thomas est formel :

Je réponds que ce sacrement est à la fois sacrifice et sacrement, mais il a raison de sacrifice en tant qu’il est offert ; il a raison de sacrement en tant qu’il est consommé. [ST3 q79 a5]


De même :

À la troisième objection on répond que la consommation relève de la raison de sacrement, mais l’oblation appartient à la raison de sacrifice. C’est pourquoi, du fait que quelqu’un, ou même plusieurs, consomment le corps du Seigneur, il ne s’ensuit pas un accroissement de secours pour les autres. [ST3 q79 a7 ad2]


Cette oblation est-elle diffuse tout au long de la Messe, ou se réalise-t-elle en un acte précis ? Quoiqu’on en ait dit, saint Thomas est là encore très précis. Certes, il montre que de nombreux éléments du rite, dans tout son déroulement, signifient la Passion ; mais il ne reconnaît la ratio sacrificii que dans le rite de la consécration. C’est dans cette action centrale que les oblats, le pain et le vin, sont convertis au Corps et au Sang de Notre-Seigneur, dans un rite directement expressif de l’immolation sanglante de la Croix. Et ainsi, c’est bien l’Unique Victime de la Croix qui est offerte, dans et par un acte sacramentel qui réalise l’offrande sacrificielle, l’immolation non sanglante de la Messe, parce qu’il signifie l’offrande sacrificielle, l’Immolation sanglante de la Croix.

(...) L’opportunité d’offrir le sacrifice ne se prend pas seulement par rapport aux fidèles du Christ, auxquels il faut administrer les sacrements, mais principalement par rapport à Dieu, à qui le sacrifice est offert dans la consécration de ce sacrement. (...) [ST3 q82 a10]


À la première objection on répond que les autres sacrements sont accomplis pour l’usage des fidèles. C’est pourquoi seul celui qui a reçu une charge sur des fidèles est tenu de les administrer. Mais ce sacrement est accompli dans la consécration de l’eucharistie, dans laquelle le sacrifice est offert à dieu, ce à quoi le prêtre est tenu en vertu de l’ordre reçu. [ST3 q82 a10 ad1]


Sans doute quelques-uns ont-ils prétendus que le mot « consécration », en ces passages, possédaient un sens large englobant plus ou moins l’ensemble du rite. Pourtant, dans la description détaillée du rite, saint Thomas dit clairement :

Deuxièmement, il accomplit la consécration par les paroles du sauveur, lorsqu’il dit, celui-ci la veille, etc... [ST3 q83 a4]


Voir aussi :

À la première objection, donc, on répond que bien que le Christ soit tout entier sous chaque espèce, cela n’est cependant pas vain. Car, tout d’abord, cela vaut pour représenter la passion du Christ, en laquelle le sang fut séparé du corps. C’est pourquoi, dans la forme de la consécration du sang on fait mention de son effusion. [ST3 q76 a2 ad1]


Et :

(...) mais dans ce sacrement la consécration de la matière consiste en une certaine conversion miraculeuse de la substance, qui ne peut être accomplie que par Dieu seul. (...)[ST3 q78 a1]


D’ailleurs, cette conclusion est en étroite liaison avec un autre aspect essentiel du sacrifice de la Messe considéré dans son unité avec celui de la Croix : dans l’offrande du sacrifice de la Messe, le prêtre agit directement in persona Christi :

(...) Mais la forme de ce sacrement est prononcée à partir de la personne du Christ lui-même qui parle, pour donner à entendre que le ministre, dans l’accomplissement de ce sacrement, ne fait rien si ce n’est la prononciation des paroles du Christ. [ST3 q78 a1]


Je réponds que, comme il a été dit plus haut, ce sacrement est d’une telle dignité qu’il n’est confectionné que dans la personne du Christ. Or quiconque fait quelque chose dans la personne d’un autre doit le faire par un pouvoir concédé par celui-ci. (...) [ST3 q82 a1]


Et, bien sûr, dans cet agir in persona Christi, le prêtre n’est qu’instrument :

À la première objection, donc, on répond que la vertu sacramentelle se trouve en plusieurs [éléments], et pas seulement en un, comme la vertu du baptême consiste dans les paroles et dans l’eau.

Ainsi la vertu consécrative ne se trouve pas seulement dans les paroles elles-mêmes, mais aussi dans le pouvoir transmis au prêtre lors de sa consécration ou ordination, lorsque l’évêque lui dit : reçois le pouvoir d’offrir le sacrifice dans l’Église, tant pour les vivants que pour les morts. Car la vertu instrumentale se trouve en plusieurs instruments, par lesquels l’agent principal agit. [ST3 q82 a1 ad1]


À la seconde objection on répond que si chacun des prêtres opérait par sa vertu propre, les autres célébrants agiraient en vain, un seul accomplissant de façon suffisante la célébration.

Mais comme le prêtre ne consacre que dans la personne du Christ, et que beaucoup sont un dans le Christ, il suit que le fait que ce sacrement soit consacré par un ou par beaucoup n’a pas d’importance, si ce n’est qu’il faut respecter le rite de l’Église. [ST3 q82 a2 ad2]


Notons que cet agir in persona Christi est propre à la consécration elle-même : les autres prières de la Messe sont faites in persona ecclesiae [et aussi – cf. ST3 q82 a6 – selon la dévotion propre du ministre] :

À la troisième objection on répond que le prêtre, à la messe, dans les prières, parle dans la personne de l’Église, dans l’unité de laquelle il se trouve. Mais dans la consécration du sacrement il parle dans la personne du Christ, dont il tient la place, en cet acte, par le pouvoir de l’ordre.

C’est pourquoi, si un prêtre séparé de l’unité de l’Église célèbre la messe, il consacre le vrai corps et le vrai sang du Christ, parce qu’il ne perd pas le pouvoir d’ordre ; mais parce qu’il est séparé de l’unité de l’Église, ses prières n’ont pas d’efficcacité. [ST3 q82 a7 ad3]


Ainsi, le sacrifice de la Messe est un vrai sacrifice en étant substantiellement identique à celui de la Croix : offrande de la même Victime par le même prêtre Principal, dans un rite qui représente – dans l’ordre sacramentel – l’Immolation sanglante accomplie une fois pour toutte au calvaire.

Cette unité formelle de l’hostie, à quoi il faut joindre le caractère « représentatif » sur lequel saint Thomas insiste beaucoup, font que le sacrifice de l’autel ne s’ajoute pas à celui de la Croix : il le commémore :

(...) De même pour l’affirmation qu’il n’y a pas réitération : là contre, nous offrons quotidiennement.

Je réponds que nous n’offrons une autre [hostie] que celle que le Christ a offert pour nous, savoir son sang. Donc il n’y a pas une autre oblation, mais c’est la commémoration de cette hostie que le Christ a offerte. Lc. XXII, 19 : faites ceci en commémoration de moi. (...) [In Heb 10 lect. 1]


Cette notion si importante de commémoration, ne conduit aucunement à amoindrir la réalité sacrificielle de la Messe. Cette vérité n’était aucunement sujet à discussion pour saint Thomas, on l’a vu abondamment. Le rôle irremplaçable de cette notion est de manifester un autre aspect de l’enseignement révélé, savoir l’unicité du sacrifice de la Croix et donc l’identité substantielle du sacrifice de la Messe avec celui de la Croix.


Cette identité et cette réalité se trouvent confirmées lorsque l’on envisage le sacrifice de la Messe non plus en lui-même, mais dans ses effets. Et puisque le sacrifice de la Croix fut essentiellement un sacrifice rédempteur, saint Thomas considère en général, de façon explicite, l’effet de satisfaction lié à la Messe. Cette efficacité du sacrifice de la Loi Nouvelle permet encore de le distinguer des sacrifices de l’Ancienne Loi, qui étaient seulement figuratifs :

Je réponds que la célébration de ce sacrement est dite immolation du Christ pour une double raison.

Premièrement, parce que, comme dit Augustin, À Simplicien, « Il est usuel que les images soient désignées par les noms des réalités dont elles sont images : ainsi, lorsque l’on voit un tableau ou une paroi peinte nous disons c’est Cicéron, c’est Salluste ». Or, comme on l’a dit plus haut, la célébration de ce sacrement est une certaine image représentative de la passion du Christ, qui est ue vraie immolation. D’où ce que dit Ambroise sur l’épître aux Hébreux : dans le Christ a été offerte une seule fois l’hostie ayant valeur pour un salut éternel. Qu’en est-il donc de nous ? est-ce que nous n’offrons pas chaque jour en souvenir de sa mort ? (...) [ST3 q83 a1]

D’une autre façon, quant à l’effet de la passion, parce que par ce sacrement nous sommes rendus participants des fruits de la passion du seigneur. C’est ainsi que dans une oraison dominicale secrète il est dit : chaque fois que la commémoration de cette hostie est célébrée, l’œuvre de notre rédemption s’exerce.

Donc, en ce qui concerne le premier mode, le Christ pouvait être dit immolé même dans les figures de l’ancien testament, d’où ce qui est dit en Apoc. XIII : « ceux dont les noms ne sont pas écrits dans le livre de vie de l’agneau, qui a été mis à mort depuis l’origine du monde ».

Mais en ce qui concerne le second mode, il est propre à ce sacrement que le Christ soit immolé dans sa célébration. [ST3 q83 a1]


La doctrine de l’efficacité du sacrifice de la Messe est une pièce essentielle de l’exposé de saint Thomas. C’est elle qui achève de manifester que ce sacrifice, s’il est très réellement commémoration de la Passion, n’est pas une commémoration nue et vide.

Je réponds que l’effet de ce sacrement doit être considéré,

• premièrement et principalement à partir de ce qui est contenu dans ce sacrement, qui est le Christ. Lui, de même qu’en venant visiblement dans le monde, il a apporté au monde la vie de la grâce, (...) ainsi, en venant sacramentellement dans l’homme, il opère la vie de la grâce, (...).

• Deuxièmement, il est considéré à partir de ce qui est représenté par ce sacrement, qui est la passion du Christ, comme il a été dit plus haut.

C’est pourquoi l’effet que la passion du christ a réalisé dans le monde, ce sacrement le réalise dans l’homme. C’est ainsi que sur ce passage de Jean XIX : aussitôt il sortit du sang et de l’eau, Chrysostome dit : parce que les mystères sacrés tirent d’ici leur principe, lorsque tu t’approches du calice digne de religieuse révérence, tu dois t’approcher comme pour boire au côté même du Christ. D’où ce que dit le Seigneur lui-même, Matth. XXVI, ceci est mon sang; qui va être versé pour vous en rémission des péchés. (...) [ST3 q79 a1]


Je réponds que ce sacrement est à la fois sacrifice et sacrement, mais il a raison de sacrifice en tant qu’il est offert, et raison de sacrement en tant qu’il est consommé.

C’est pourquoi il a l’effet du sacrement en celui qui le consomme, mais l’effet du sacrifice en celui qui offre, ou en ceux pour qui il est offert.

Si donc on le considère comme sacrement, il a un double effet, (...).

Mais en tant qu’il est sacrifice, il a un pouvoir de satisfaction.

Or dans la satisfaction on considère davantage l’affection de celui qui offre que la quantité de l’oblation ; d’où ce que dit le Seigneur, Luc XXI, au sujet de la veuve qui offrait deux petites pièces de monnaie, qu’elle avait donné plus que tous. Donc, bien que cette oblation, en vertu de sa quantité, suffise à satisfaire pour toute peine, cependant elle est satisfactoire pour ceux pour qui elle est offerte, ou pour les offrants, selon la quantité de leur dévotion, et non pour toute la peine. [ST3 q79 a5]


Je réponds que, comme on l’a d’abord dit, ce sacrement n’est pas seulement sacrement, mais aussi sacrifice.

En effet, en tant que dans ce sacrement est représentée la passion du Christ, par laquelle le Christ s’est offert comme hostie à Dieu, comme il est dit en Ephes. V, il a raison de sacrifice,

tandis que selon que dans ce sacrement la grâce est transmise invisiblement sous une apparence visible, il a raison de sacrement.

Ainsi ce sacrement, pour ceux qui le consomment, est utile par mode de sacrement et par mode de sacrifice, parce qu’il est offert pour tous ceux qui le consomment ; on dit en effet dans le canon de la messe : quand nous recevrons en participant à l’autel, le corps et le sang très saint de votre fils, puissions nous tous être comblés des grâces et des bénédictions célestes.

Mais pour les autres, qui ne consomment pas [ce sacrement], il sert par mode de sacrifice, en tant qu’il est offert pour leur salut, d’où ce passage du canon de la messe : souvenez-vous Seigneur de vos serviteurs et de vos servantes pour qui nous vous offrons, ou qui vous offrent, ce sacrifice de louange, pour eux et pour tous les leurs, pour la rédemption de leurs âmes, pour l’espérance de leur salut.

Et le Seigneur exprime l’un et l’autre mode en disant [Matth. XXVI] : qui pour vous, savoir qui consommez, et pour beaucoup d’autres, sera versé en rémission des péchés. [ST3 q79 a7]


Conclusion

Cet exposé déjà trop long a pourtant dû omettre quelques points essentiels. En particulier, nous voulons rappeler l’importance accordée par saint Thomas à l’offertoire de la Messe, comme offrande de la matière du sacrifice (cf. 4 S d8 q2 a2 qla3, expos. text. et ST3 q83 a4). La Messe est uniment le Sacrifice du Christ et le sacrifice de l’Église, et cette partie du rite est expressément ordonnée à le signifier.


Cependant, les éléments rencontrés au fil de notre parcours suffisent amplement à montrer que, selon le Docteur Commun, le sacrifice occupe une place inaliénable et essentielle dans la religion chrétienne, tant selon la nature des choses qu’eu égard à l’état de déchéance de l’humanité.


Toute tentative d’amoindrissement de cette doctrine mériterait la vive réprimande du psalmiste : « diminutae sunt veritates a filiis hominum » ; toute mise en lumière entre dans la perspective messianique, annoncée avec jubilation en Malachie prédisant en tous lieux l’oblation pure. Toute vie chrétienne, centrée sur le Sacrifice rédempteur réalise l’imitation de Jésus-Christ : par la souffrance avec le Christ, offerte en union avec Lui dans le Saint Sacrifice de la Messe, le Chrétien se dispose à entrer avec Lui dans la Gloire sans fin du sacrifice éternel :

«Si c'est pour cette vie seulement que nous avons placé notre espoir dans le Christ, nous nous trouvons être les plus malheureux de tous les hommes. Mais voici que le Christ est ressuscité des morts; il est les prémices de ceux qui sont morts. En effet, c'est par un homme que la mort est venue; c'est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. Tous meurent en Adam, ainsi tous revivront dans le Christ, mais chacun à son propre rang: comme prémices, le Christ; ensuite ceux qui seront au Christ, lors de son avènement. Puis viendra la fin, quand il remettra le royaume à Dieu le Père, après avoir réduit à rien toute Principauté, toute domination, toute puissance. Car il faut qu'il règne, jusqu'à ce qu'il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. Le dernier ennemi qui sera anéanti, c'est la mort; car Dieu a tout mis sous ses pieds. Mais lorsqu'il dira que tout lui a été soumis, il est évident qu'il faut en excepter celui qui lui a soumis toutes choses. Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même rendra hommage à celui qui lui a soumis toutes choses. Ainsi Dieu sera tout en tous. » (1 Co 15.19-28)


  1. « À la seconde objection on répond que, comme il a été dit plus haut, les préceptes de la loi de nature sont généraux, et nécessitent d’être déterminés. Ils sont déterminés par la loi humaine et par la loi divine ».[ST1-2 q99 a3 ad2].
  2. « À la troisième objection on répond que la religion n’est pas une vertu théologale ni intellectuelle, mais morale, puisqu’elle est partie de la justice. Le milieu, pour elle, ne se situe pas entre des passions, mais selon une certaine égalité entre les opérations qui se rapportent à Dieu. Je ne dis pas une égalité absolue, car on ne peut rendre à Dieu autant qu’on lui doit, mais selon la considération de la capacité humaine et de l’agrément divin. Il peut y avoir du superflu dans les choses qui concernent le culte divin, non pas selon la circonstance de quantité, mais selon les autres circonstances, par exemple parce que le culte divin est rendu à quelqu’un qui n’y a pas droit, où quand il ne le faut pas, ou selon ce qui ne doit pas être d’après les autres circonstances. » Ceci est important à noter, nous ne pouvons nous étendre ici, pour certains aspects du débat autour de la concélébration.
  3. bien que des nuances existent (3 S d9 q1 a1 qla1).
  4. Principe qui devrait bien être médité et compris par ceux qui sont parti en guerre, dans la question de l’insertion du surnaturel dans le naturel, contre la notion de « puissance obédientielle »...
  5. À la deuxième objection on répond que ces réalités extérieures ne sont pas offertes à Dieu comme s’il en avait besoin, selon ce passage du psaume, « Est-ce que je mangerai la viande des taureaux, ou boirai-je le sang des boucs ? » mais elles sont offertes à Dieu comme des signes des œuvres intérieures et spirituelles, que Dieu accepte par elles-mêmes. D’où le mot d’Augustin [Cit. de Dieu, L.X] : « le sacrifice visible est le sacrement du sacrifice invisble, c’est-à-dire le signe sacré ».
  6. Cf. ST1-2 q1 a8 ; q2 a8 ; q3 a1, a7, a8.
  7. Précisément, selon l’ad1, commentant saint Augustin, tout acte de vertu reçoit la raison de sacrifice par le fit que nous le posons en vue d’adhérer à Dieu, selon une sainte société.
  8. Il y avait aussi des précetes judiciaires, qui ne concernent pas notre sujet : ST1-2 q99 a4.
  9. Saint Thomas avance ensuite deux hypothèses étymologiques pour le mot « cérémonie ».
  10. Pour tout ce thème, saint Thomas se réfère à saint Denys.
  11. Traduction Tonneau o.p.
  12. Au point de vue du « signe ». Il y a en outre une différence essentielle au point de vue de la « réalité contenue » : cf. ST1-2 q101 a4 ad2 : « À la seconde objection on répond que le sacrifice de la loi nouvelle, c’est-à-dire l’eucharistie, contient le Christ lui-même, (...). Mais les sacrifices de la loi ancienne ne contenaient pas le Christ (...) »
  13. Saint Thomas n’emploie pas ce mot ici, mais utilise l’expression « figures sensibles », pour les deux états d’ici-bas. Mais, aussitôt après, saint Thomas semble réserver le mot « figure » à l’état de la Loi Ancienne ; pour éviter cette ambiguïté de vocabulaire, nous retenons le mot « symbole » comme équivalent à « figure » dans son sens générique.
  14. Observons – c’est une remarque de vocabulaire, mais importante pour bien comprendre la pensée de saint Thomas – que le mot « sacrifice » désigne dans nos deux textes [cela est surtout manifest dans le second, avec l’exemple des brebis et des veaux] la chose elle-même. Du côté de l’acte, ces sacrifices sont simplement dits « offerts » dans le premier cas, et « immolés » dans le second.
  15. Mentionnées par saint Thomas dans le « sed contra » du présent article.
  16. Noter cette nouvelle précision de vocabulaire, faisant équivaloir « figuratif » et « mystique ». C’est bien ce que l’on appelle aussi le sens « spirituel ».
  17. On voit ici que c’est le péché qui introduit le sacrifice sanglant, en référence au sacrifice du Christ pour la rémission des péchés. Le symbolisme du sang versé ne semble pas requis de soi et absolument par la seule Loi Naturelle, en l’absence du péché.
  18. Il y a ici l’indication d’une convenance, même selon la seule Loi Naturelle et indépendamment du fait du péché, pour le symbolisme du sang versé dans le sacrifice d’adoration.
  19. "Car, si le sang des boucs et des taureaux, si la cendre d'une vache dont on asperge ceux qui ont contracté quelque souillure sanctifient et procurent du moins la pureté du corps," (He 9.13)
  20. On notera le lien établi ici par saint Thomas entre le culte intérieur et les vertus théologales. C’est pourquoi, encore que la vertu de religion en elle-même ne soit qu’une vertu morale, on ne doit pas disjoindre l’adoration [intérieure : la latrie], de l’ordre théologal.
  21. Dans l’ad1, saint Thomas explique que l’abrogation des cérémonies anciennes a connu un certain délai, entre la Passion du Christ et la divulgation de l’Évangile. Dans l’ad2, saint Thomas commente Ga 2, 11, affirmant que saint Pierre a réellement péché en l’affaire où il fut repris par saint Paul.
  22. Sujet développé dans le commentaire sur l’épître aux Hébreux, ch. 9, leçons 3 et 5.
  23. Soulignons la mention de la charité impérant l’oblation du sacrifice.
  24. C’est-à-dire q49 a4.
  25. Notons qu’il y a là un fondement légitime, semble-t-il, pour reconnaître que le Christ offrait aussi à lui-même son sacrifice. rappelons, dans la même perspective, que saint Thomas reconnaît que le Christ, en tant qu’homme, était soumis à lui-même (ST3 q20 a2).
  26. Cette unité réalisée en lui entre le Christ qui offre et ceux pour qui il offre est un point important pour la question de l’offrande du sacrifice eucharistique.
  27. Sur cette imprtante question, cf. M. L. Guérard des Lauriers o.p. : Principes de la théologie du Sacrifice dans Le Sacrifice, p. 30-37. [fascicule polycopié, Atelier artisanal, Monastère de la Croix, Étiolles (Seine et Oise)].
  28. Cela correspond au premier effet de la Passion (a1) : la libération du péché. Cet effet, la Passion l’opère triplement : 1) en provoquant à la charité ; 2) par mode de rachat ; 3) par mode d’efficience.
  29. – a1 ad4 : par le baptême et la pénitence, et les autres sacrements qui tiennent eux-mêmes leur vertu de la Passion du Christ. – a3 ad1 : par la foi et la charité, et par les sacrements de la foi. – q48 a6 ad2 : par la foi et les sacrements de la foi.
  30. Même enseignement en ST3 q63 a6.
  31. Point à retenir pour certains aspects de la discussion sur la concélébration.
  32. Cf. ST1-2 q99 a2 ad1 et ST1-2 q99 a3 ad2.
  33. Dans la Somme, saint Thomas dira, avec plus de force : À la troisième objection on répond que, pour la même raison, le prêtre aussi assume le rôle d’image du Christ, en la personne et en la vertu de qui il prononce les paroles pour consacrer, comme cela est clair d’après ce qui précède. Et ainsi, d’une certaine façon, il y a identité entre le prêtre et l’hostie. [ST3 q83 a1 ad3]
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