Les attraits de l'amour

De Salve Regina

Texte de méditation

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen
Remarque particulière : Brèves considérations dédiées aux âmes que Jésus appelle à la vie d’union et d’apostolat intérieur avec lui

Sommaire


Premier jour

Première méditation : De la fin pour laquelle nous sommes créés

Premier point

Ce n'est pas pour vous, c'est pour Dieu que vous avez été créée, afin qu'Il soit glorifié en vous, et que votre âme se glorifie en Lui. — Telle est la fin admirable, sublime, pour laquelle vous êtes créée.

Dieu veut se glorifier Lui-même en vous, pour faire éclater sa magnificence, sa puissance, sa bonté. Sa puissance, II la révèle en vous tirant du néant, en vous gratifiant d'une nature apte à le connaître, à l'aimer, à le servir. Sa magnificence apparaît quand II dispose pour vous tout ce qui peut servir aux nécessités de la vie, à l'aliment matériel comme au spirituel, et quant à l'indispensable II joint sans compter l'utile et l'agréable. Quant à sa bonté, elle resplendit merveilleusement en ce que, prévoyant la révolte de l'homme, II n'a pas laissé de le créer, bien qu'Il pût ne pas le faire. Mieux encore : par pure bonté, II a disposé pour vous tous les moyens de salut, II a mis à votre disposition, non l'indispensable seulement, mais l'abondance, et alors qu'Il pouvait vous racheter par une seule larme de son Verbe Incarné, II a voulu, pour démontrer l'étendue de sa bonté miséricordieuse et la force de son amour, que le Verbe Incarné souffrît et mourût sur la croix.

C'est en faisant éclater sa bonté miséricordieuse qu'Il veut se glorifier en vous. Après le péché, en effet, la pensée ne vous serait même pas venue de vous unir à Lui, car vous n'en aviez pas la possibilité. Mais Lui, Lui qui vous a créée pour se glorifier en vous, vous en procure les moyens, et, comme les moyens créés seraient insuffisants, Il accomplit le plus grand des miracles de sa Toute Puissance : Il vous envoie un Dieu Rédempteur. Il envoie sur terre le Verbe Lui-même, afin de pouvoir réaliser en vous la fin pour laquelle vous avez été créée. Il donne au monde un Rédempteur, et désormais personne au monde, quelle que soit l'étendue de ses fautes, ne peut dire : « Je suis impuissant à atteindre ma fin ! » Car nous avons un Rédempteur dont le sang suffirait à racheter non seulement le plus grand pécheur du monde, mais mille mondes d'indignes pécheurs.

C'est pour se glorifier en vous que Dieu vous a créée et II se glorifie en tirant votre âme de l'abîme de misère où le péché l'avait plongée, en la rendant capable de participer aux mérites du Rédempteur, en faisant d'elle le théâtre de sa miséricorde infinie !

II vous a créée pour Lui, mais en raison de votre misère, vous ne pouviez aller à Lui et alors c'est Lui-même qui vient à vous, et qui vous attire à Lui, qui vous attire pour accomplir en vous l'œuvre de sa miséricorde.

Deuxième point

Tout ce que son amour opère en votre âme devient, si vous y correspondez, la glorification de Dieu en vous. — Exécuter un beau travail, modeler une belle statue, quand on a à sa disposition le matériel approprié, n'est ni si difficile, ni si glorieux ! Mais réussir ce même travail avec un instrument plus ou moins réfractaire, voilà qui mérite à l'artiste la gloire, et une grande gloire !

Ainsi en est-il de Dieu en vous : II est d'autant plus glorifié qu'il a fallu plus de temps et plus de patience à sa miséricordieuse bonté pour réaliser son œuvre en votre âme.

Et tout ce qu'Il veut obtenir, c'est à votre amour qu'Il le demande, rien qu'à l'amour, à votre amour pour Lui, le Seigneur, le Maître, le Créateur. Il respecte toujours la volonté de sa créature : II désire, II veut cette glorification de Lui-même en elle ; II en met les moyens à sa disposition ; II lui en fait voir l'utilité, la nécessité, l'excellence ; mais II la laisse libre.

Voilà, âme chrétienne, votre admirable, votre sublime fin : glorifier Dieu en vous par votre correspondance à son amour, et parvenir aussi à votre glorification en Dieu.

Prière

Ô Dieu, qui nous avez créés de rien pour cette fin sublime de trouver en nous, pauvres créatures, votre propre glorification, et qui nous avez donné pour l'atteindre des moyens en surabondance ; faites-nous la grâce de correspondre à votre amour miséricordieux, et de remplir ainsi les admirables desseins de votre volonté sur nous.

Deuxième méditation : Comment ai-je répondu à l'amour ?

Premier point

L'Amour Eternel vous a créée pour faire resplendir en vous ses divines perfections et y trouver ainsi sa glorification.

Mais votre glorification en Lui est impossible si vous ne correspondez à la miséricordieuse bonté dont II use à votre égard. — II vous a créée, II vous a attirée à Lui sans vous, mais II ne peut pas vous sauver sans vous, et sans vous II ne peut vous glorifier en Lui. Il est donc nécessaire que vous correspondiez à son Amour, pour lui permettre de resplendir en votre âme et ainsi de l'amener à sa fin. C'est pour Lui qu'Il vous a créée, pour que vous l'aimiez : mais si vous ne vous rendez à ses appels, si vous n'observez et pratiquez sa loi d'amour, II ne pourra vous conduire au but, qui est votre glorification en Lui.

Ainsi donc il est indispensable que vous correspondiez à son amour, à ses immenses bienfaits ! Si vous vous y refusez, II ne laissera point de se glorifier, Lui, par votre châtiment éternel ; mais vous, vous ne serez point glorifiée.

Pour vous, cette correspondance n'est donc pas seulement indispensable, elle est éminemment bienfaisante. Tout le dommage est pour vous, si vous la refusez ; car Dieu, Lui, n'y perd point sa glorification : dans tous les cas elle reste sauve, bien que ce soit le propre de l'Amour d'incliner toujours au bien de ses créatures, non à leur perte, et de ne permettre celle-ci qu'au cas où l'homme s'obstine absolument à ne pas écouter la voix divine. Ce qu'Il a fait pour nous sauver en témoigne excellemment. N'a-t-il pas, par compassion pour sa pauvre créature, envoyé ici-bas son Fils unique ?

Quelle indignité n'y aurait-il pas à refuser cette correspondance ! Les dons de Dieu ne visent qu'à notre avantage. Dieu Lui-même, en nous créant, ne visait qu'à nous rendre heureux, heureux en Lui. Or c'est là un bonheur que vous ne sauriez obtenir sans correspondre à sa Loi d'amour, sans travailler, pour ce qui vous regarde, à rendre efficace son œuvre rédemptrice. Permettez-Lui donc de vous en appliquer les mérites infinis, permettez-le Lui par votre amoureuse fidélité en tout ce qui peut être utile à cette fin. Vivez en enfant digne d'un tel Père, soumise à toutes ses volontés sur vous. Ce Père très aimant ne sait-Il pas parfaitement ce qu'il faut pour vous rendre à votre tour la plus aimante, la plus fidèle des enfants ? Alors II aimera à reposer sur vous son regard complaisant, II ne se lassera pas d'admirer en vous la gloire que Lui procure votre correspondance à son amour, votre soin filial à utiliser les dons divins pour vous sanctifier, au lieu de les laisser ensevelis dans l'oubli et le mépris.

Deuxième point

Rien n'a été omis du côté de Dieu pour votre glorification en Lui : c'est à vous à faire le reste par votre correspondance aux bienfaits divins.

Si vous savez ainsi vous conformer à sa volonté, Dieu saura, à son tour, vous récompenser suivant vos mérites, et vous goûterez en vous-même le plus suave des contentements : celui d'avoir donné à Dieu l'honneur et la gloire qu'Il attendait de vous, sa créature ; celui d'avoir, du fait de votre sanctification, fait resplendir en vous ses divins attributs et particulièrement sa miséricordieuse bonté.

Ne vous lassez donc pas, âme chrétienne, de considérer l'utilité merveilleuse et l'éminente convenance que présente cette correspondance d'amour à l'Amour de Dieu, à cet Amour qui vous a tirée du néant pour vous rendre heureuse en Lui.

Vous êtes créée pour Dieu, fin sublime, doublement sublime puisque, après avoir converti en un splendide sujet de gloire le néant que vous êtes à sa glorification en vous, Dieu daigne unir votre glorification en Lui. C'est la récompense de votre fidélité à correspondre à son amour.

Dieu mérite que vous Le serviez ainsi, et vous y trouverez vous-même le plus excellent des avantages. Mettez-vous donc, sans tarder, à un ouvrage pour vous si utile et si glorieux pour votre Créateur, à qui soit honneur, louange et gloire éternellement.

Prière

Ô très Sainte Trinité qui, nous créant de rien, nous avez assigné une fin si digne de Vous, si glorieuse à votre suprême bonté et à votre Eternel Amour, accordez-moi la grâce de répondre fidèlement à cet immense amour et d'atteindre ainsi l'unique but de ma vie.

Troisième méditation : Comment l'âme est attirée par l'Amour et rendue docile à son influence

Premier point

Considérez l'Amour en la Très Sainte Trinité. II unit, II lie en un seul Amour les Trois Personnes divines. C'est un seul et unique Amour, appartenant à trois Personnes et les constituant dans l'Unité, parce que l'Amour est égal en chacune des trois. Le même et unique Amour fonde à la fois la Trinité et l'Unité.

Le Dieu tout aimant a créé l'homme pour se glorifier en lui par l'amour que l'homme lui porte, et pour que, par ce même amour, l'homme soit attiré à Dieu et glorifié en Lui.

En vue de cette double glorification, voici le décret de l'Incarnation du Verbe. C'est de la charité de Dieu qu'il procède, de cette charité qui veut, à force d'amour miséricordieux, unir l'homme à Dieu et glorifier l'homme en Dieu ; et c'est en excitant au cœur de l'homme l'amour de reconnaissance qu'Elle attire l'homme à Dieu, qu'Elle l'unit à Dieu, et qu'Elle le rend docile à l'Amour et à la Miséricorde.

L'Amour de Dieu rend l'âme docile quand il la trouve prête à la correspondance d'amour.

C'est par la considération attentive de trois grandes vérités que l'amour de Dieu s'infuse dans l'âme : « Je suis faite uniquement pour aimer Dieu et le servir ; — pour me permettre d'arriver à cette fin, Dieu s'est incarné, II a souffert, et II est mort sur une Croix ; — enfin II est resté et II se livre tout entier à moi dans le Sacrement de son Amour ».

Dieu apporte à présenter ces vérités une insistance particulière ; si l'âme est docile, elle s'y arrête, elle y réfléchit, elle s'efforce d'en pénétrer la profondeur, elle savoure l'immense amour qui s'en dégage ; elle se perd en admiration, il lui prend un vif désir de rendre Amour pour Amour à Celui qui l'a tant aimée ; il lui tarde de pénétrer plus avant dans les abîmes de l'Amour infini, de Le connaître, de L'aimer toujours davantage, de vivre de sa vie, ou plutôt, elle voudrait cesser de vivre pour Le laisser vivre Lui seul en elle comme II lui plaît.

Deuxième point

L'Amour attire à Lui l'âme docile, en elle II peut développer sa vie divine, en elle II peut se glorifier.

Mais tout d'abord que d'obstacles sur son chemin, que d'obstacles même dans les âmes de bonne volonté ! Que d'incertitudes, que d'hésitations avant d'accueillir ces inspirations d'amour ! Que de répugnances dans la nature immortifiée qui s'impatiente de ce continuel et pesant assujettissement à l'amour ! Que de froideurs, de défiances, de craintes, d'appréhensions, de manques d'égards ! Minuties sans doute, mais qui retardent d'autant l'Amour dans son œuvre de destruction et d'édification !

Dieu aime infiniment toutes les âmes, comme en témoigne 1'lncarnation du Verbe qui souffrit et mourut pour elles toutes. Il y a néanmoins, à n'en pas douter, certaines âmes sur qui Dieu arrête un regard de prédilection et de particulier amour : en celles-là, II veut épancher plus abondamment sa vie divine, et, pour les attirer, II met un soin tout spécial à les combler d'amour. Mais de ces âmes II exige en retour un amour tout spécial, un amour qui ignore les craintes, les doutes, les hésitations, un amour qui ne se défie jamais de l'Amour divin. En ces âmes privilégiées les moindres défiances, les moindres hésitations Le blessent au plus intime du Cœur, parce qu'elles le contraignent à retarder en elles son oeuvre d'amour et d'union. Et qu'il y a de ces âmes hésitantes et craintives !

Ames très chères, quittons toute défiance, quittons toute crainte à l'égard de l'Amour. Il est tout puissant, II veut notre sanctification, II veut vivre en nous sa vie divine : ayons foi en Lui, ouvrons-Lui nos âmes pour qu'Il y épanche sa vie ; abandonnons-nous entre ses bras comme l'enfant sur le sein de sa mère ; procurons-Lui la consolation qu'Il cherche depuis si longtemps, et qui est de prolonger sa vie en nous ; aidons-Le à sauver le monde !

Prière

Ô Jésus, Amour, faites de nous ce qu'Il Vous plaira. Esprit Saint, daignez vaincre ces répugnances, ces frissons mortels de la nature que soulève en ces pauvres âmes cette vie de mort continuelle, nécessaire pour préserver en elles votre vie à Vous. Epargnez-leur ces tentations si difficiles à surmonter, ou du moins daignez abréger leurs épreuves. Fortifiez-les, rendez-les dociles à votre inspiration, et donnez-leur de goûter les douces joies de la victoire...

Ô Divin Esprit, que de compassion J'éprouve pour les âmes soumises à de telles épreuves. Triomphez en elles, unissez-les en Vous à la Très Sainte Trinité, faites-les vivre de votre vie d'amour. Ô Esprit d'amour, je vous en prie, je vous en conjure, daignez, armé de votre force, venir au secours de ces âmes angoissées. Beaucoup, je le crains, faute de courage, abandonneraient l'entreprise ; assistez-les, aplanissez promptement les difficultés qui les arrêtent, adoucissez de votre amour les peines qu'elles endurent, donnez-leur la victoire, soyez Vous-même en elles Victorieux, ô Amour, ô Trinité Sainte !

Quatrième méditation : Comment l'Amour s'insinue dans l'âme docile

Premier point

L'Amour respecte notre liberté : s'Il pénètre en nos âmes par ses inspirations, s'Il fait luire à nos yeux l'ineffable beauté de ses perfections, c'est pour provoquer notre choix, non pour le forcer. II se présente ; si l'âme lui prête attention, II s'arrête, II lui parle, II lui fait goûter, II lui fait, pour ainsi dire, toucher du doigt le bonheur d'être aimée de Dieu et de L'aimer ; II lui dit les obstacles qui peuvent entraver cette vie d'amour et d'union, et le moyen de les surmonter, et le bonheur d'une vie d'intimité avec Lui. Il lui propose sa grâce et sa force divine, II l'encourage avec les paroles de l'amour, II lui fait pressentir les délices de cette amoureuse intimité qui s'établira entre elle et Lui quand, la nature une fois domptée, II pourra librement vivre en elle.

Sous l'influence de cet attrait, l'âme se prend d'une haine véhémente pour tous les obstacles qui s'opposeraient à l'union dont l'Amour lui fait comprendre et goûter la suavité : elle se hâte de s'en libérer. Alors, pleine de confiance, non en elle-même, mais en Dieu, elle se met à l'œuvre, forte de la promesse de l'Amour et sûre de vaincre. La lutte peut-être sera longue et rude, des chutes surviendront, à certains jours elle sentira mollir son courage. Mais elle se souviendra de l'Amour et du bonheur d'être unie à Lui, et cette pensée ranimera sa confiance, elle se relèvera avec un courage nouveau, décidée à mener la lutte jusqu'à la victoire complète dont l'Amour daignera couronner ses efforts.

D'ailleurs au sein même de l'épreuve, l'Amour ne l'abandonne pas. Au contraire, l'âme sent alors en elle-même une force qu'elle ne s'explique pas : c'est l'Amour qui combat avec elle, c'est l'Amour qui combat en elle, c'est l'Amour qui la fortifie, qui la soutient, qui l'aide jusqu'à la fin, l'Amour désirant plus encore s'unir à l'âme que l'âme ne désire s'unir à Lui.

Ô Amour, c'est toutes les âmes que vous voudriez attirer à vous. Mais, mon Dieu, qu'elles sont peu nombreuses, celles qui vous laissent pleinement triompher en elles-mêmes ! Ô Amour, faites de moi ce qu'il vous plaira, mais au moins régnez victorieusement, régnez pleinement en ces âmes que vous avez choisies pour les remplir de votre vie eucharistique. Faites-nous entrevoir l'étendue de votre douleur en présence des déceptions qu'éprouve votre amour, et nous, au moins, nous nous efforcerons de le consoler, et de vous laisser vivre à votre guise dans nos âmes. Oui, faites de nous ce qu'il vous plaira, vivez en nous comme il vous plaît.

Deuxième point

Oh ! Quelle douleur pour l'Amour de se voir méconnu, méconnu de ses créatures, méconnu spécialement de ces âmes qu'Il voudrait plus près de Lui !

II s'approche d'elles, II frappe à la porte de leur cœur, II parle doucement, II cherche à s'insinuer, à leur faire comprendre combien II les aime. II sollicite leur amour comme s'Il en avait besoin, II va jusqu'à les caresser, II leur découvre les dangers qu'elles courent à rejeter son appel. Et ces pauvres âmes ne l'écoutent pas, ou si elles l'écoutent, elles ne se sentent pas le courage de renoncer à certaines attaches, si mesquines pourtant, à leurs petites commodités, à tous ces riens dont ce serait un jeu cependant de se séparer. Mais non, elles voudraient allier les deux choses : il leur plairait de suivre l'amour, mais elles ne savent pas se décider, elles ne se sentent pas le courage d'abandonner toutes ces frivolités, et, pour si peu de chose, elles renoncent aux intimités de l'Amour.

Et cependant l'Amour souffre : II vient et revient à ces âmes malheureuses ; II se fait sentir plus fortement à elles ; II use de toutes les délicatesses, de toutes les bontés, de toutes les tendresses de son Cœur pour les convaincre, mais elles ne se décident pas.

« C'est pour votre bien, dit l'Amour, que j'exige ces petites victoires, parce que je veux votre plus grand bonheur, parce que je vous veux toujours plus heureuses avec moi. S'il était possible d'unir les deux : les plus délicates satisfactions de la grâce et celles de la nature, j'y consentirais, puisque votre bonheur n'y perdrait rien, mais cela n'est pas possible. » Pauvres âmes, elles se sentent parfois un peu ébranlées, mais elles n'ont pas la force de se vaincre. Jésus revient plusieurs fois, puis II s'en va, et les grâces de prédilection s'en vont avec Lui. »

Ah ! Si l'on connaissait l'infinie douleur de l'Amour en présence de ces âmes qu'il ne peut améliorer comme II voudrait, rien ne coûterait plus, et toute difficulté semblerait légère à supporter.

Quelle douleur pour l'Amour ! Se voir contraint de laisser languir dans la vulgarité une âme qu'Il aurait voulu élever si haut ! Quelle immense douleur au plus intime du Cœur de Dieu, de ce Dieu très aimant qui, après s'être donné Lui-même tout entier sur la Croix pour notre salut, a voulu demeurer ici-bas notre nourriture, notre soutien, notre compagnon dans le Sacrement de son Amour !

Prière

Ô Esprit Saint, daignez pénétrer toutes les âmes eucharistiques de cette immense douleur que ressent l'Amour à voir la dureté des cœurs qui ne l'écoutent pas. Qu'il ait du moins la consolation de vivre pleinement en elles !

Deuxième jour

Première méditation : De Qui vous êtes Aimée

Premier point

Vous êtes perdue dans l'Amour.

Considérez de Qui vous êtes aimée, considérez l'immense amour de Dieu pour vous. Oh ! quelle immensité !

« Esprit Divin, elle me dépasse, je ne saurais la comprendre ! « 

II ne faut pas que vous la compreniez : la foi vous suffit. Par elle vous entrevoyez ce que vous ne pouvez pas comprendre, vous vous le représentez au moins faiblement, vous en faites pour ainsi dire une lointaine expérience.

Réfléchissez donc à cette merveille. Dieu vous aime, Dieu aime le pauvre néant que vous êtes. Petitesse telle que la vôtre, vous n'en sauriez trouver devant Dieu ; et néanmoins II a daigné fixer sur vous son regard d'amour : vous êtes sa créature, ce titre Lui suffit. Ah ! si vous saviez comme II l'aime cette créature, « sa «  créature ! A-t-il fallu qu'Il l'aimât, pour lui assigner en la créant une fin aussi noble que celle de l'aimer Lui et de Le glorifier, d'être à Lui et d'être unie éternellement à son amour, de sorte que Créateur et créature en viennent à vivre d'un même et unique Amour !

Et c'est de toute éternité qu'Il l'aime ainsi. De toute éternité, II se complaît dans sa fidélité.

De toute éternité Dieu unit à son immense amour le pauvre petit amour de sa créature.

Deuxième point

Regardez maintenant combien vous avez fait souffrir l'Amour.

Il voulait pour ainsi dire vous absorber en Lui ; II ne voulait plus, depuis votre Baptême, aucune séparation entre Vous et Lui. Et quel empressement vous avez mis à rompre cet adorable lien de la Charité divine ! Dès votre premier péché mortel il fut brisé. Et cependant l'Amour voulait de nouveau pénétrer votre âme, II ne pouvait supporter de vous voir loin de Lui, II voulait pour Lui sa petite créature ; et, pour vous ramener, II vous privait de sa paix divine, continuellement II vous envoyait la souffrance : ainsi vous montrait-Il que loin de Lui la vie est un enfer !...

Dieu a donc trouvé le moyen de rentrer dans votre âme. Même depuis lors, même depuis que vous l'avez connu et aimé, que de fois n'avez-vous pas à nouveau rompu ce lien béni de l'Amour ! L'Amour, comme un tendre Père, vous tendait les bras, II voulait dans un transport de tendresse vous serrer sur son Cœur : et vous, pour une bagatelle, vous l'avez repoussé. Dieu en reste blessé au plus intime de Lui-même : II arrête l'élan de sa tendresse, II souffre de votre ingratitude, mais II ne s'éloigne pas. Il aime trop sa pauvre créature, II l'a choisie pour vivre en elle sa vie d'amour : II vient, revient et revient encore, II n'épargne ni les doux reproches, ni les remords, ni les caresses, et finalement la victoire lui reste : l'Ame est à Lui, et II la remplit de Lui-même.

Et la pauvre âme ne peut résister à tant de bonté : «  Faites de moi ce qu'il vous plaît, s'écrie-t-elle ; je suis vôtre ; vivez en moi votre vie divine ; je ne désire rien autre chose ! «  Et considérant que tant d'autres âmes aimées de Dieu ne correspondent pas à ses adorables désirs, elle s'offre à l'Amour, elle veut L'aider et avec Lui sauver ces âmes, les amener, elles aussi, au banquet de l'éternelle félicité.

Prière

Ô Amour, je vous rends grâces. Pour une seule faute vous avez châtié les Anges, et vous avez châtié tant de pécheurs qui peut-être n'avaient pas résisté autant que moi à votre amour ! Moi, vous m'avez épargnée. Ô Amour, je vous rends grâces...

Daignez, ô divin Esprit, faire ressentir à toutes les âmes l'ardeur de votre charité, pour qu'elles y correspondent. Faites-la ressentir particulièrement à ces âmes privilégiées en qui Jésus veut vivre plus intimement sa vie eucharistique, pour qu'elles travaillent, comme autant de Jésus, à sauver le monde.

Ô Dieu, si l'on savait ces vérités, tout le monde voudrait vivre d'amour.

Deuxième méditation : L'Amour vous appelle

Premier point

Dieu vous a fait don de son amour pour que, malgré votre misère, vous Le puissiez aimer d'un amour digne de Lui.

Il a donné au cœur humain le besoin d'aimer, ce besoin intime, ce besoin quasi-infini que nous portons en nous. Seul un amour infini peut rassasier ce cœur créé pour aimer. Dieu le sait mieux que nous, et voilà pourquoi II dit : « Vous aimerez Dieu de tout votre cœur, vous aimerez votre prochain comme vous-même. «  L'Amour ne cesse de vouloir unir en Lui toutes les âmes, parce qu'Il est, Lui seul, le bonheur, le vrai bonheur, l'unique bonheur !

Ce germe d'amour Dieu l'a déposé en vous sans aucun mérite de votre part. Il prévoyait au contraire vos infidélités, vos petites profanations, vos manquements sans nombre. Il l'a déposé en vous comme un germe destiné à se développer et à produire des fruits de vie. Il l'a déposé en vous, ô privilégiée de son Cœur, pour que votre nature rebelle lui fasse un jour sa soumission et qu'Il puisse en sécurité vivre en vous sa vie eucharistique. Et alors son intimité avec vous lui servira à sauver d'autres âmes, de ces âmes qu'Il aime infiniment et qu'Il s'efforce par tous les moyens d'attirer à Lui.

Ame chrétienne, comment avez-vous répondu à tant d'amour ? Jésus ne mérite pas, peut-être, de trouver des âmes fidèles, en qui II puisse vivre comme II lui plaît, dont II puisse se servir à sa guise pour sauver les autres «  Tous les maîtres ici-bas ont droit de se faire servir par leurs domestiques : Dieu, Dieu qui n'est pas simplement Maître, mais Créateur, Dieu seul ne pourra trouver des serviteurs fidèles, et qui Le servent comme II lui plaît dans ses desseins d'amour ?

Ô Dieu, faites de moi ce qu'il vous plaira : je vous appartiens, vivez en moi selon votre bon plaisir. Esprit Saint, éclairez-nous, développez en nos cœurs le germe précieux de votre amour, qu'il porte tous les fruits de vie, de sanctification, de glorification que vous attendez.

Deuxième point

Toutes les créatures de Dieu reçoivent ce germe d'amour. — Voyez l'indigne abus qu'elles en font, voyez-le tourné en amour profane, en amour brutal, en amour égoïste. Et Dieu de son côté voudrait s'unir tous les cœurs. Que fait-Il ? II cherche des âmes qui le comprennent, des âmes en qui II puisse déverser sa douleur après toutes ces défections ; des âmes capables de suppléer et de réparer pour ceux qui manquent à l'amour ; des âmes prêtes à sacrifier leur vie pour sauver les pécheurs, à s'offrir en Victimes d'amour pour le salut de leurs frères. En ces âmes privilégiées, II veut surtout vivre pleinement sa vie eucharistique, offrant avec elles les mérites infinis de sa Personne adorable. Quelle consolation pour son Cœur Sacré quand II rencontre quelques-unes de ces âmes eucharistiques ! Hélas ! elles sont trop rares. Et pourtant Dieu en appelle un grand nombre, mais la plupart se laissent arrêter par le démon, la nature et tous ces petits riens que le démon et la nature nous présentent comme des montagnes insurmontables.

Ames bénies, si vous vous sentez appelées à un si grand honneur, gardez-vous de résister, accordez au Cœur aimant de votre Dieu le réconfort qu'Il sollicite.

Si l'Amour vous appelle, il n'est rien qu'Il ne fasse pour vous. Vous aurez sans doute certaines luttes à soutenir, mais votre bonheur sera tel, quand vous en aurez triomphé, qu'il compensera abondamment toutes vos peines. L'Amour ne vous demande qu'un peu de bonne volonté, un peu de docilité, et Lui-même se réserve de vous récompenser au centuple dans cette vie et dans l'autre.

Oui, cette vie avec Jésus, cette vie eucharistique est possible ! Et elle est facile, et elle est douce, pourvu qu'on s'abandonne à l'Amour. Jetons en Lui tous nos manquements : II brûlera tout, II consommera tout, et nos manquements eux-mêmes lui seront une occasion et un moyen d'aviver en nous toujours davantage sa flamme d'amour ! Ce qu'Il veut et qui est indispensable, c'est une confiance illimitée. Il ne faut jamais se défier de l'Amour. Un instant de réflexion, du reste : songez à ce qu'Il a fait pour vous et à ce qu'Il lui reste à faire ; le plus grand est fait, et le plus difficile ; s'arrêtera-t-il devant le plus facile ? Non, II le fera, si nous voulons. Sans doute II respecte notre liberté ; mais, quand nous voulons sincèrement ce qu'Il veut, quand nous nous unissons à Lui, II s'empresse de fortifier notre volonté, de l'unir à la sienne et nous devenons forts de sa force même.

Prière

Ô Esprit d'Amour, daignez vous-même convaincre les âmes, attirez-les à Vous. Faites d'elles autant de Jésus. C'est à Vous, ô Esprit Saint, de les former comme vous avez formé l'humanité très sainte de Jésus. Préparez donc à cet aimable Sauveur autant de petites humanités qu'Il s'est choisi ici-bas d'âmes eucharistiques. Puisse-t-il ainsi continuer au milieu de nous sa vie d'amour !

Troisième méditation :Comment l'Amour garde et cultive dans l'âme le germe qu'il y a déposé

Premier point

Vous êtes perdue en l'Amour ! Comment Dieu a jeté en votre âme son germe d'amour, vous l'avez vu ; considérez maintenant quelle tendresse II apporte à veiller sur lui, quel soin à le cultiver.—Tous les dangers, II les voit, et comme le plus aimant des Pères, II se hâte d'y pourvoir. Il prend l'âme dès sa naissance, par le Saint Baptême. Il l'adopte en sa divine filiation, II lui donne son Ange pour gardien. Dès lors son amour l'accompagne sans cesse : à peine la raison s'éveille-t-elle qu'Il commence à lui faire sentir l'attrait de ses secrètes inspirations ; par le Sacrement de Confirmation II la remplit de son Esprit et de sa force ; si elle a le malheur de tomber, II lui rend son amitié dans le Sacrement de Pénitence, et pardessus tout II se fait dans la Sainte Communion son aliment, sa nourriture. Et ainsi II ne cesse à toute heure de veiller à ses besoins, de l'entourer de son assistance.

En tout. cela Dieu se laisse guider par l'Amour. Et quel amour ! L'amour de la plus tendre des mères ne peut nous en donner qu'une idée bien faible, bien froide. L'amour de Dieu est si grand, si tendre, si délicat qu'on n'en peut dire, ni comprendre l'étendue, car Dieu est seul à pouvoir se comprendre. Il est seulement une exception, une circonstance ou l'âme peut se faire une idée de l'amour de Dieu, encore cette idée reste-t-elle bien faible : c'est dans les trop courts instants où Dieu Lui-même daigne faire entrevoir son amour.

Si l'ombre seule de cet Amour inFini nous attire et nous subjugue, que sera-ce de sa réalité ?

De là vient l'extrême et inconcevable douleur du Cœur de Dieu, quand l'âme récuse ses avances. Dans l'âme docile II peut toutes les merveilles ; mais si l'âme refuse de correspondre, II est contraint de s'arrêter. Et alors qui dira l'angoisse, la blessure, le déchirement du Cœur de Dieu, et particulièrement du Cœur eucharistique de Jésus, de ce Cœur réel, vivant, palpitant dans le Sacrement d'Amour ?

Ames pieuses que Dieu a daigné choisir pour partager son amour et sa douleur eucharistiques, ayez pitié de votre Dieu : que votre piété filiale, que votre correspondance incessante aux soins de son amour le réjouissent et le consolent, laissez-le développer, laissez-le faire grandir à sa guise son amour en votre cœur ; tous les obstacles qu'Il pourrait rencontrer, arrachez-les ; les moindres eux-mêmes, ne les épargnez pas ; car ce sont ceux-là qui retardent l'accroissement et l'épanouissement de sa vie en vous ! Dites-Lui du fond du cœur : « Faites de moi, Seigneur, ce qu'il vous plaira. Je m'abandonne pleinement, sans réserve, à votre amour ; je veux vous consoler pour tous mes pauvres frères, pour tous les malheureux qui refusent d'écouter votre voix ? « 

Esprit Saint, daignez Vous-même verser en nos âmes la docilité que Vous en attendez. Accordez-la de même à tant d'autres qui en ont besoin parmi vos enfants !

Deuxième point

Considérez à nouveau l'Amour : II aime, II aime toujours. — II ne se relâche jamais de sa tendresse, même à l'égard de sa créature infidèle. Si elle revient à Lui, sans retard II l'embrasse, sans retard II lui pardonne ; et c'est Lui plutôt, c'est Lui-même qui l'appelle, tant qu'elle est loin, pour qu'elle revienne.

Il l'entoure de tous les soins. II l'entoure de tous les moyens pour qu'elle grandisse toujours en son amour.

Quelle négligence par contre, quelle lenteur en la créature pour correspondre à l'amour, pour suivre ses exigences !

Dieu n'a reculé et ne recule devant rien pour augmenter en elle son amour : quant à elle, il semble qu'elle ne recule devant rien pour l'affaiblir. Tantôt c'est par faute plus ou moins volontaire, tantôt par ignorance ou négligence. Toujours est-il que, pour un motif ou pour l'autre, elle omet de répondre au désir divin, au désir immense que Dieu nourrit d'augmenter en elle son amour et sa vie divine, pour en faire aux autres âmes un instrument de salut. La malheureuse n'arrive pas à se persuader que si Dieu l'appelle à cette haute mission, II tient aussi à sa disposition toutes les grâces, tous les secours nécessaires à son accomplissement. Elle hésite, elle tremble, elle fait souffrir Jésus, et se refroidit en elle l'amour qui fait les apôtres.

Âmes très chères, âmes élues, faites votre soumission à l'amour, jetez-vous en Lui, laissez-Le travailler. Contentez-vous de Le regarder, de Le seconder. Il fera tout en vous, tout pour vous, et à la fin II sera Lui-même votre récompense.

Daignez, ô Esprit Saint, arracher ces âmes à leurs doutes, à leurs hésitations, à leurs craintes : donnez-leur pour asile la sécurité de l'amour. Prévenez-les contre le démon et les embûches qu'il dresse sous leurs pas, triomphez vous-même en elles, édifiez-vous une famille eucharistique, et faites en vos délices.

0 Amour, je vous aime. Faites de votre créature ce qu'il vous plaira. Oh ! si je pouvais vous rendre tout l'honneur, toute la gloire que vous ravissent ces âmes qui ont le malheur de ne pas vous aimer. Vous aimer toujours, mon Dieu, ne plus Vous offenser !

N'est-il pas juste, ô mon âme, que vous vous donniez toute à Lui, sans réserve, que vous vous abandonniez à l'Amour comme l'Amour s'est abandonné à vous ? Livrez-vous, abandonnez-vous sans réserve à l'amour, et l'Amour vous découvrira ses merveilles, il dévoilera à vos yeux ses mystères les plus cachés, et dès cette vie vous aurez le privilège d'entrevoir, à travers les obscurités de la foi, au plus profond de tous les mystères, la Vision Divine. Donnez-vous à Lui, vous verrez

Quatrième méditation : L'Œuvre de l'Amour en l'âme qui se livre pleinement à Lui

Premier point

Considérez l'œuvre de l'Amour en l'âme qui se livre pleinement à Lui. Il n'y a plus aucune séparation entre elle et Lui : tout ce qui est à Lui est à elle.

Dieu vit d'amour et c'est d'amour qu'Il fait vivre l'âme fidèle ; il se fait Lui-même son aliment et sa nourriture ; II s'entretient avec elle familièrement comme un ami avec son ami, l'époux avec l'épouse ; II lui fait goûter les ineffables douceurs de son intimité ; II l'entretient de ses divins intérêts, la gloire de Dieu, le salut des âmes ; II lui communique ses propres sentiments pour les âmes et pour la gloire de son Père Eternel ; II l'associe à son apostolat divin ou plutôt ce qu'Il veut, c'est vivre Lui-même dans cette âme, comme elle lui en laisse la liberté.

En cette douée intimité, l'âme finit par se fortifier. Alors Jésus lui parle de sa souffrance ; II éveille en elle le besoin de souffrir et de tout supporter pour sauver le prochain. Il lui montre combien précieuse est la souffrance et les mérites qu'elle fait acquérir ; II lui rappelle tout ce qu'Il a souffert Lui-même et tout ce qu'Il voudrait souffrir encore pour les âmes, et II l'invite, II la presse de s'unir à Lui, de Le laisser vivre et souffrir en elle-même, pour qu'Il puisse continuer par là l'œuvre de la Rédemption comme autrefois quand II était sur la terre. Et l'âme ne peut plus résister, elle se livre en toute propriété à l'Amour qui fait d'elle ce qu'il Lui plaît. Et l'Amour est content, et l'âme est heureuse ; oui, l'âme est heureuse, quand même sa vie serait une souffrance perpétuelle, parce qu'en elle a triomphé l'Amour.'

Les tentations de jadis ne manqueront pas de revenir frapper à la porte de son cœur ; mais elle ne daignera pas leur donner un regard. Il lui échappera encore quelques manquements, quelques chutes peut-être, mais ce seront là faiblesses superficielles, mouvements spontanés de nature ; sans tarder l'âme se ressaisira, elle jettera tout dans l'amour, elle ne se lassera jamais d'aimer, elle aimera toujours plus.

Bienheureuse l'âme qui a su ainsi gagner l'Amour et s'établir en Lui. Qu'elle aille tranquillement son chemin ; il n'y a point pour elle de vraie chute, parce que l'Amour lutte et triomphe pour elle. Qu'elle s'humilie, qu'elle s'anéantisse de plus en plus ; plus elle se fera petite, plus l'Amour grandira et plus profondément II s'enracinera en elle. Ainsi pourra-t-il contenter son immense désir de continuer dans les Ames sa vie eucharistique.

Deuxième point

Mais, nous l'avons dit, l'Amour ne s'arrête jamais. Il va toujours de l'avant et II détruit et II édifie.

Et voici que dans cette âme transformée peu à peu par l'Amour, c'est maintenant l'Amour qui opère, et qui prie, et qui souffre : tout en elle vient de Lui, de telle sorte que ce ne sont plus ses actions à elle, mais les actions de Jésus, et que Jésus peut les présenter à son Père comme les siennes propres, et qu'elles sont douées de la même valeur méritoire ! Voilà d'où vient pour ces âmes le prix de leurs actions. Voilà pourquoi Jésus désire si passionnément vivre en Elles. C'est un travail tout intérieur, mais il n'en est pas de plus réel ni de plus fécond.

0 Amour, grâces mille fois vous soient rendues. Daignez faire connaître à toutes les âmes ces adorables vérités, ces délicatesses infinies de votre amour, pour qu'elles s'ouvrent devant vous, pour qu'elles vous laissent vivre en elles selon votre bon plaisir. Esprit Saint, illuminez tous les cœurs de la divine lumière de vos vérités pour que promptement s'établisse le Règne de l'Amour et qu'il n'y ait plus qu'un bercail. Mais Vous pleurez, divin Pasteur : pourquoi ? Pourquoi semblez-vous si abattu ? «  je pleure de voir le petit nombre des brebis qui m'entourent ! Regarde, regarde combien il en reste loin du bercail, combien aussi, dans le bercail même, me sont infidèles. « 

Prière

Esprit Saint, daignez former promptement ce groupe d'âmes aimantes. Faites-en présent à Jésus pour Le consoler dans sa douleur, pour L'aider à réunir dans son bercail le monde entier.

O Amour, je ne suis rien mais, Vous, faites de moi ce qu'il vous plaira !

Troisième jour

Première méditation : Comment, par la grâce de l'Amour, il devient non seulement facile, mais agréable et doux de marcher à sa suite

Premier point

Tant que l'âme n'arrive pas à sortir d'elle-même, elle a peur de se vaincre, peur de cette victoire totale sur la nature que l'Amour exige. Et la vie semble lui peser ; elle souffre d'une souffrance qui l'accable ; elle avance, mais c'est péniblement et comme malgré elle, parce qu'elle voit qu'il n'y a pas moyen de se sauver autrement. Elle ne l'ignore pas cependant, le peu de force qui lui reste lui vient encore de l'Amour, de cet Amour qu'il lui est arrivé parfois de goûter et d'aimer, de cet Amour qu'elle voudrait posséder. Gémissant de ne le pouvoir atteindre, elle s'efforce, mais trop languissamment, de s'approcher de Lui.

L'énergie de volonté lui manque, elle ne peut tramer sa vie qu'avec peine et ennui.

Telle est l'épreuve qui frappe les âmes appelées à suivre Dieu de plus près et résolues à atteindre la perfection de l'amour.

Qu'en sera-t-il alors de l'âme qui ne connaît point ce désir essentiel ? Ce n'est pas une vie que la sienne, c'est une mort. Elle ne sait pas ce que c'est que la paix : elle la cherche, mais en vain, parce qu'elle la cherche où il est impossible de la trouver. Et combien y en a-t-il de ces âmes qui n'ont nul souci de tendre à leur fin ? Dieu pourtant ne refuse sa grâce à personne, et non seulement elle suffit à nos besoins, mais elle les dépasse, elle surabonde.

Ces pauvres âmes doivent être pour nous, comme elles le sont pour l'Amour, un objet de profonde compassion. Dieu les voudrait à Lui, mais elles n'écoutent pas sa voix. Aidez-Le à les tirer de leur misère : voilà votre mission. Pour y suffire, laissez vivre en vous l'Amour autant qu'Il le désire, livrez-vous toujours plus à l'Amour. Ah ! si vous pouviez voir l'immense joie qui éclate en son Cœur divin quand, sans réserve aucune, vous acceptez de vous livrer à Lui pour le salut des âmes !

Esprit Divin, je vous prie, accordez-moi de pouvoir de plus en plus m'abandonner à l'Amour, et Lui laisser de tout mon être l'entière disposition pour qu'Il fasse de moi et en moi tout ce qu'il Lui plaira pour le salut des âmes !

Deuxième point

Considérez maintenant l'œuvre de l'Amour dans l'âme qu'Il a réussi à s'enchaîner. Elle est heureuse du bonheur même de l'Amour. Victorieux en elle, l'Amour agit seul désormais et sans obstacle. Transportée d'amour, l'âme ne sent plus le poids mortel qu'elle traînait autrefois, elle suit doucement l'Amour au fur et à mesure qu'Il l'entraîne ; s'il plaît à l'Amour de lui imposer des sacrifices, elle ne résiste plus, trop heureuse de donner au Dieu dont elle a tout reçu une faible preuve d'amour. Toujours contente, rien ne lui pèse, rien ne l'accable ; elle va de l'avant, le regard fixé en l'Amour, courageusement, ignorant toute crainte, sûre que l'Amour n'abandonne pas son œuvre. Elle se sent environnée d'un je ne sais quoi de divin ; elle reste, au milieu des épreuves les plus dures, calme et souriante : il semble même qu'alors elle éprouve un surcroît de bonheur. Elle aime : n'appartient-il pas à l'Amour de vouloir rendre autant qu'Il a reçu ?

Oh ! cette prise intérieure de possession par l'Amour, combien elle est désirable !

Elle établit en nous ce Royaume de paix, tant désiré, tant cherché et jamais trouvé, parce qu'on le cherche où il n'est pas.

Prière

Esprit Saint, Esprit d'Amour, daignez imprimer dans les Ames, cette paix qu'apporte l'Amour en sa prise de possession. Faites, par l'attirance de cette paix divine, qu'elles se laissent généreusement transformer et généreusement posséder par l'Amour.

Grâces vous soient rendues, ô Jésus. Daignez accepter la donation que je vous fais à nouveau de tout mon être, servez-vous de moi selon votre bon plaisir, faites que je vous appartienne toujours davantage !

Deuxième méditation : Comment l'Amour, non content d'appeler les âmes innocentes, appelle aussi les âmes pécheresses.

Premier point

C'est la vérité : vous donc qui avez eu le malheur de souiller votre âme par des fautes graves, ne craignez point.

Celui-là même qui écrit ceci sait par expérience combien miséricordieuses sont les voies de l'Amour. Si Dieu vous appelle, allez à Lui promptement ; ne vous laissez pas arrêter par le souvenir de vos fautes, quelque graves qu'elles soient. C'est à dessein que l'Amour vous choisit : II veut faire resplendir en vous sa puissance miséricordieuse. Il vous veut à Lui, II vous veut pour vivre en vous sa vie eucharistique, II vous veut pour vivre en vous comme II vit dans ces âmes virginales qui n'ont pas terni la pureté de leur Baptême.

L'ennemi ne manquera pas de vous suggérer que votre indignité est trop grande ; qu'après toutes vos offenses l'Amour ne saurait vivre en vous comme dans les âmes innocentes ; qu'en vous croyant appelée vous vous trompez vous-même et vous trompez les autres ! Mais rappelez-vous que s'il se plaît à ces suggestions et d'autres semblables, c'est qu'il est précisément votre ennemi et qu'à tout prix il veut empêcher votre bonheur. Non, je vous le dis, non, vous ne vous trompez pas, âmes que l'Amour chérit comme la prunelle de ses yeux ! Allez, Jetez-vous, telle que vous êtes dans l'Amour. Il n'attend que cela pour s'emparer de vous, pour vous mettre au nombre de ses âmes élues et privilégiées : vous deviendrez le trophée de son amour !

O Dieu, s'Il m'était donné de faire connaître aussi lumineusement que vous daignez le faire voir votre immense désir d'attirer à vous les âmes, aucune, aucune d'elles ne pourrait plus résister. Esprit Saint, ce que je ne puis faire, faites-le, je vous en conjure.

Deuxième point

L'Amour attire à Lui l'âme pécheresse elle-même : en quoi sa bonté est plus manifeste et plus éclatante que partout ailleurs ?

Voyez plutôt : dès l'abord l'Amour se trouve par Lui-même uni à l'âme innocente : II n'a qu'à lui continuer son Assistance amoureuse, à faire progresser sa vie d'Amour, à croître Lui-même en elle graduellement, suivant qu'elle est plus ou moins prompte à suivre ses inspirations. Avec l'âme pécheresse il en va tout autrement. L'âme pécheresse a complètement rompu avec l'Amour : il faudra donc avec elle commencer par user de puissance miséricordieuse pour renouer les liens de la charité. A ne regarder que sa puissance, Dieu trouverait autant de gloire à châtier. Mais l'Amour Miséricordieux oblige la puissance à revêtir la miséricorde, la pitié, l'Amour du Père pour le fils ingrat. Et voici qu'Il fonde encore sur l'âme rebelle les plus glorieuses. espérances, II veut l'avoir tout près de Lui, dans sa maison, pour vivre désormais avec elle, pour la nourrir de ses mains, et la nourrir non de viande étrangère, mais de sa propre Chair, de son propre Sang ! II veut encore partager avec son fils sa Vie d'Amour.

Il commence par s'approcher de l'âme. Inspirations secrètes, remords, componction du cœur, désir d'une vie meilleure, désir même d'une vie toute immaculée, tels sont les signes qui l'annoncent, et encore le désir de l'aimer, le désir de s'unir intimement à Lui, notre Dieu, le désir de se donner sans réserve, le désir de s'abandonner totalement, aveuglément à l'Amour, de Le laisser vivre en soi comme il Lui plaît et d'autres pieuses aspirations.

Et ces besoins et ces désirs déterminent dans l'âme un tel contraste qu'il n'y a plus de paix pour elle. D'un côté, elle voit la beauté d'une vie passée en union avec l'Amour, et le bonheur qu'elle goûterait à suivre ses attraits ; de l'autre, elle se sent impuissante et sans cesse entraînée vers en bas. Par moment, il semble qu'elle se décide, et puis elle retourne à sa vie d'autrefois. Que de tempêtes, que de luttes secrètes au fond de son pauvre cœur ! Seule les soupçonne l'âme qui les a expérimentées. Elle prie, elle pleure, elle soupire, elle gémit, mais l'Amour semble rester insensible, et la pauvre âme ne comprend pas que c'est Lui, malgré tout, qui lui parle par ces luttes même qu'elle endure. Car c'est Lui qui les suscite en elle parce qu'Il la veut à Lui ; II la veut au point de lui refuser la paix tant qu'elle ne sera pas définitivement résolue à briser ses misérables liens, et à se laisser enchaîner dans les liens de l'Amour.

Quelquefois Dieu met plus d'insistance à son appel : non que sa voix se fasse plus douce — la pauvre âme ne saurait pas comprendre — mais la lutte se fait plus ardente et plus angoissante. Et Lui, cependant, la regarde ; miséricordieusement II la soutient, II la comble de grâces sans qu'elle s'en rende compte ; et dans les moments d'angoisse extrême, alors que l'ennemi voudrait ravir à la victime toute espérance et la précipiter dans l'abîme, Lui, le Bon Pasteur, l'Amour Eternel, II est là prêt à la sauver. Il insuffle à l'âme un désir immense de s'abandonner, de se jeter éperdument dans les bras de l'Amour, avec la certitude que tout n'est pas perdu, et que la lutte cruelle finira, et qu'alors elle trouvera en Lui son repos. Et cette pensée la réconforte, relève son courage : elle avance de quelques pas dans la victoire sur elle-même.

Ces luttes, ou d'autres semblables, se prolongent plus ou moins suivant que l'Amour le juge nécessaire pour l'âme. Mais l'Amour ne laisse jamais l'âme qu'elle ne s'avoue vaincue par tant de bonté, qu'elle ne se jette à ses pieds, qu'elle ne se confie, qu'elle ne se donne à Lui ; alors II l'embrasse, II la presse sur son cœur, II lui fait goûter la suavité de sa vie d'amour. Et l'âme ouvre enfin les yeux, elle découvre l'Amour et sa vie mystérieuse, elle voit toutes les grâces dont elle a bénéficié sans qu'elle s'en doutât, et elle s'écrie : « 0 Amour, je suis à Vous, je Vous appartiens mille fois. Faites de moi ce qu'il Vous plaira. »

Parfois, quand la lutte menace de s'éterniser et que la décision ne vient jamais, Dieu, dans son Amour miséricordieux, recourt à des moyens extrêmes, qui tout d'abord lui semblent opposés. Il permet que l'âme tombe à nouveau dans quelque faute grave : non certes qu'Il veuille l'y laisser, mais pour qu'elle connaisse l'étendue de sa misère et de sa faiblesse, et que, la connaissant, elle s'avoue vaincue et revienne à Lui. Amour, encore, Amour toujours et qui fait pleurer ! II va, pour le bien de l'âme, jusqu'à supporter d'être gravement offensé : tant il Lui tarde de presser sur son Cœur l'insensée qui l'a frappé.

Prière

O Amour, Amour éternel, Vous seul pouvez montrer tant de miséricorde, Esprit Saint, ouvrez à l'Amour les âmes qui, à cause de leur péché, craignent de se donner à Lui. Découvrez-leur l'immensité de son désir, quelle soif II a de les étreindre, de les perdre en Lui-même pour qu'il n'y ait plus qu'un seul Amour ! . Merci, Jésus, de toutes les grâces dont vous avez comblé ma pauvre âme.

Troisième méditation : Comment Jésus s'efforce de rendre l'âme semblable à Lui

Premier point

Telle est l'œuvre, l'œuvre grandiose, l’œuvre par excellence, et pour ainsi dire unique de la Rédemption : l'âme a besoin d'un modèle, d'un exemple qui l'entraîne, Jésus le donne, et c'est Jésus Lui-même.

Si le Verbe s'était présenté à elle dans sa forme divine, la pauvre âme n'eût osé s'approcher de Lui : II est trop grand ! Alors qu'a-t-Il fait ? II est venu sous la forme d'une petite créature. Elle est incapable de s'élever jusqu'à Lui : c'est Lui qui s'abaisse, qui se transforme pour ainsi dire, qui devient petit comme elle, pour qu'elle puisse s'approcher de Lui, pour qu'elle 'puisse s'unir à Lui.

Et voilà l'Incarnation du Verbe qu'on peut appeler l'anéantissement de Dieu. Pendant neuf mois II se cache dans le sein de la Très Sainte Vierge, II est dans le monde comme s'Il n'y était pas, personne ne pense à Lui, personne ne connaît ce mystère sublime, digne à jamais de toute adoration. La plus grandiose parmi les œuvres de Dieu reste cachée à tous, excepté à la Très Sainte Vierge : Saint Joseph lui-même l'ignore pendant plusieurs mois. Voilà le premier pas de l'Amour vers sa créature, et comment II a voulu tout d'abord la rendre semblable a Lui.

Deuxième point

Ce besoin d'anéantissement, de destruction qu'Il a éprouvé Lui-même, Jésus l'imprime pareillement à l'âme dont II veut d'une façon particulière s'assurer la propriété.

C'est un besoin puissant, intime, violent, qui naît sous l'action divine dans l'âme privilégiée. Alors surgissent à nouveau les combats ! L'âme consent à ce que l'Amour exige, mais la nature frémit ; et quand pour la première fois se fait sentir cette ardeur puissante, ce besoin de destruction, elle sent aussi une angoisse mortelle, comme si réellement elle allait mourir de mort naturelle : c'est comme un frisson de mort qui parcourt les membres. Et cependant, tout d'abord interdite et comme paralysée par la nouveauté de ces impressions, l'Ame se redresse disposée à répondre aux exigences de l'Amour, et aidée de Lui, confiante, elle se met à l'œuvre.

C'est alors qu'elle a besoin de toute son énergie et de toute sa bonne volonté. Mais elle est sûre de l'Amour, et l'Amour la soutient, II lui met devant les yeux son Incarnation, II lui rappelle comment Lui-même, pour donner la vie aux âmes, s'est anéanti, comment, pour les âmes, II a voulu pendant neuf mois vivre caché, annihilé, enfermé dans une étroite prison, comment ainsi II nous a mérité les grâces nécessaires pour mourir à nous-mêmes et vivre d'amour ! II confie à l'âme qu'Il doit faire Lui-même violence à son Cœur pour la soumettre à pareille douleur, qu'Il souffre de lui imposer cette pénible destruction, mais que tout cela est nécessaire pour qu'elle puisse participer à sa vie ; II lui suggère d'offrir ces tourments pour hâter l'heure de l'indispensable mort et parvenir plus tôt à la vie divine de l'amour.

Parfois, pour animer son courage. II lui fait goûter d'avance les délices de cette bienheureuse vie d'amour. Il lui montre combien II l'aime, et quel amour II a pour elle, car il y a amour et amour ! II lui découvre l'immense tendresse de son Cœur pour elle, II lui révèle qu'Il veut la prendre pour son épouse bien aimée, l'unir à Lui-même par des liens plus intimes, l'entourer d'une spéciale prédilection.

Et ces merveilles sont le privilège, non d'une seule âme, mais de toutes celles que Jésus appelle à l'honneur d'être ses épouses. Oui, on peut dire en vérité qu'Il les aime toutes d'un amour singulier, qu'Il a pour chacune d'elles de particulières tendresses et de spéciales délicatesses : en sorte que s'il leur était donné de voir mutuellement les grâces dont elles sont comblées, il leur apparaîtrait que chacune en est remplie et chacune satisfaite, comme les Anges au ciel.

Prière

0 Amour éternel, je Vous aime et je veux Vous aimer toujours davantage. Transformez, surnaturalisez tout ce qu'il y a en mon âme d'affections naturelles, et Vous seul vivez en moi !

0 Divin Esprit, Esprit Saint et Sanctificateur, descendez dans les âmes, formez-les comme il Vous plaît, accordez-leur la grâce de se laisser transformer et sanctifier par Vous !

0 Verbe Incarné, qui voulez continuer dans les âmes votre vie adorable, faites que les âmes choisies par Vous s'abîment elles-mêmes dans votre ineffable anéantissement et qu'elles Vous offrent ainsi une habitation moins indigne de Vous, en laquelle Vous puissiez rendre à Dieu toute la gloire que Vous avez résolu de Lui donner !

Ne craignez pas, chères âmes, ne tremblez pas à ce mot d'anéantissement, de destruction. Cette destruction vous conduit à la vie, à la vraie vie, à la pleine vie de l'Amour, c'est-à-dire à la vie même de la Très Sainte Trinité faisant de votre âme son habitation. 0 Amour ! quand je Vous contemple ainsi anéanti dans le sein de la Très Sainte Vierge, je voudrais à mon tour être réduite à néant et m'unir ainsi à cet anéantissement d'amour que Vous avez affronté pour moi. Bienheureux instant celui que Vous avez choisi, Vous, Verbe Eternel, pour descendre du Ciel dans le sein de la Vierge Marie. Il me semble qu'à cet instant tout s'est transformé. Et en vérité quand le Père Eternel Vous admirait dans votre Incarnation, c'est nous tous qu'il voyait en Vous, et, comme II Vous aimait, Vous, son Verbe, II aimait toute la pauvre humanité. Vous voyant au milieu de nous, II ne pouvait plus nous châtier, II ne pouvait que nous aimer, nous étions comme à l'abri de sa colère, et c'est alors que prit fin la loi de crainte, pour faire place à la loi d'amour. Merci, mon Dieu ; merci, Trinité Sainte, pour l'infinie miséricorde dont Vous avez usé envers les pauvres créatures !

Quatrième méditation : L'Incarnation est la première démarche de l'Amour pour se rendre notre Modèle

Premier point

Quand l'âme s'est laissée attirer à Lui, Jésus la fait mourir à elle-même, pour qu'elle puisse naître à la vie d'amour. C'est pour l'âme l'étape la plus douloureuse : mais le regard fixé sur le Modèle que Lui a préparé l'Amour, soutenue par Lui, elle la franchit.

L'Amour évoque à ses yeux la naissance du Verbe Incarné. Elle le contemple dans sa pauvreté, dans sa misère, dans son apparente impuissance. Elle aussi se voit misérable, pauvre, impuissante. Mais à contempler le Verbe dans la condition où l'a réduit l'amour des âmes, elle s'anime, elle s'oublie elle-même, elle ne sent plus sa propre misère, mais toute adonnée à son Dieu Enfant, elle ne rêve qu'à Lui faire plaisir, à Le contenter, elle s'offre à Lui pour le peu dont elle est capable ! C'est ainsi en vérité que les choses se passent. Il suffit que Dieu soulève un peu le voile, et tout semble facile à l'âme, même l'impossible ; quand, par contre, il faut aller de l'avant dans l'obscurité de la foi, l'âme éprouve une fatigue telle qu'elle est pour ainsi dire insurmontable ! L'âme morte à elle-même et née à la vie d'amour a connu cette fatigue presque insurmontable, elle l'a éprouvée, elle l'a vaincue : il ne lui reste qu'à suivre pas à pas Jésus, son Modèle, l'Amour Incarné.

Elle ne sera pas sans rencontrer d'autres obstacles, il lui faudra souffrir encore et tant souffrir ! Mais elle est avec son Jésus, elle Le voit devant elle, elle ignore la crainte : les obstacles tombent et souffrir est un plaisir ! Elle regarde son petit Jésus qui pleure, qui tremble pour elle et pour les âmes ; elle unit ses petits sacrifices aux sacrifices de Jésus pour Le consoler, pour Le faire, sourire.

Ce sont des petits riens, mais Jésus se contente de peu, pourvu que 1e peu se revête de beaucoup d'amour. Alors II tarit ses larmes et souriant à l'âme qui lui apporte son Présent, II unit le présent de l'âme à ses mérites infinis et l'offre à son Père pour qu'Il daigne augmenter en l'âme généreuse sa vie d'amour et répandre sur le monde entier une pluie de miséricordes.

Deuxième point

0 vous toutes, âmes chéries d'un Dieu incarné, vous surtout, âme pour qui commence à peine la vie d'amour, ne négligez rien dans votre vie, ni les petites actions, ni les grandes, réunissez tout, embaumez tout d'un grand amour, d'un amour qui ne se relâche jamais. Gardez-vous de laisser échapper les occasions de mérite, même les moindres, autant qu'il est en vous, ayez à cœur de présenter au Divin Enfant, pour les âmes, toutes les actions méritoires qui se présentent à vous. Jésus de son berceau vous sourira, et II s'empressera de vous associer à son œuvre de Rédemption.

Et cependant si vous vous rendez coupable d'un manquement, même alors tout n'est pas perdu : hâtez-vous de jeter votre manquement dans l'Amour ; hâtez-vous d'offrir à Jésus un acte d'humilité, de repentir, de confiance en Lui ; offrez-le pour obtenir à d'autres âmes la grâce du relèvement.

Ah ! si nous pouvions obtenir pour les âmes d'être libérées de toute crainte, d'avoir en Jésus une confiance ardente, infinie, une foi assurée, inébranlable en son amour ! de combien s'augmenterait le nombre de ces âmes privilégiées en qui il Lui plaît de vivre sa vie Eucharistique.

Prière

0 Esprit Saint, daignez accomplir par tout l'univers votre œuvre divine. Détruisez, édifiez. Persuadez à tous les cœurs de revenir à l'Amour, à l'Amour éternel, à l'Amour Incarné, descendu sur terre pour nous, pour nous attirer à Lui, pour nous faire vivre sa vie d'Amour.

Très Sainte Vierge, Mère de l'Amour, notre Mère, donnez-nous de comprendre les premières leçons de Jésus, celles qu'Il nous donne de sa crèche : l'amour de la pauvreté, le détachement absolu de tout ce qui est de la terre, l'estime de la souffrance quelle qu'elle soit, grande ou petite. Apprenez-nous comment la vie de l'amour, conçue dans l'anéantissement, naît dans la pauvreté et le dépouillement absolu et commence à s'épanouir dans la souffrance qui l'accompagne jusqu'à la mort sur le Calvaire.

0 petit Jésus, mon Amour, daignez sourire à vos petites âmes, daignez de vos sourires les encourager à l'imitation de votre vie d'amour.

Quatrième jour

Première méditation : L'Amour se laisse présenter au Temple et offrir au Père Eternel pour la Rédemption du genre humain

Premier point

Ce n'est pas Jésus qui se présente Lui-même, extérieurement même ce n'est pas Lui qui s'offre : II est encore trop petit. II se laisse porter, II se laisse offrir par ceux qui en ont reçu la charge. Lui-même ne dit rien : II suit, II laisse faire. Mais II conforme son attitude intérieure à tous les rites extérieurs. Aussi avec quelle complaisance la Très Sainte Trinité se penche sur ces actions qui sont les actions terrestres du Verbe. C'est la première offrande publique, c'est le premier sacrifice digne de Dieu et accepté par Lui pour notre Rédemption. Il semble qu'après cette offrande la Très Sainte Trinité aime d'un amour plus grand l'humanité tout entière : et en effet c'est l'humanité tout entière qu'Elle voit s'offrir à Elle en la personne du Verbe Incarné !

Et si l'on regarde le Cœur à la fois si petit et si grand de l'Amour Incarné, quelle complaisance II trouve à son tour à offrir avec Lui-même, représentée en son Adorable Personne, l'Humanité tout entière : « Ô Père Eternel, semble-t-il dire, ô Trinité Sainte ! Voyez en moi représentée l'humanité tout entière. Je l'aime comme moi-même, autant que moi-même. Aimez-la, vous aussi, ô Père, qui l'avez créée et qui êtes sur le point de la racheter par votre Verbe. Et Vous, Esprit-Saint, daignez la sanctifier comme vous me sanctifiez moi-même. «  Cependant, âme chrétienne, observez en cette offrande la prédilection dont Jésus fait preuve pour les âmes qu'il appelle à être ses coopératrices. Il ne se contente pas de s'offrir pour les racheter, II les offre avec Lui pour les associer désormais à son œuvre de rédemption. Et le Père Eternel les agrée ; Il prend en elles ses complaisances, comme Jésus Lui-même quand Il daigne se les associer. En même temps, du fait de cette offrande, ces âmes privilégiées entrent dans une union plus intime et toute spéciale avec la Sainte Trinité : car la Rédemption étant l'œuvre de la Trinité toute entière, Jésus ne saurait les admettre à coopérer avec Lui sans les prévenir d'une spéciale intimité, pour ainsi dire toute familière, avec les trois Personnes divines. Unies de la sorte avec Elles, ces âmes bienheureuses partagent l'amour même de la Sainte Trinité, répandu en elles par la grâce que mérita Jésus. Il arrive ainsi qu'une pauvre âme, qu'une âme misérable se trouve élevée par l'Amour à la dignité de coopératrice de la Trinité Sainte dans son œuvre la plus admirable qui est la Rédemption. Voilà à quelle grandeur l'Amour porte nos âmes.

Deuxième point

L'Amour pourvoit à tous les besoins de l'âme qu'Il gratifie de sa prédilection. — Elle trouve, dans l'offrande même qu'Il fait d'elle à son Père, une grande leçon. Jésus prend l'âme qui commence à vivre la vie d'amour, II la présente, II l'offre à son Père et à la Très Sainte Trinité. Et l'âme se sent attirée, elle se sent entourée d'une paix et d'une douceur toute nouvelles. Elle voit le Père Eternel qui l'agréé pour sa Fille et pour l'Epouse de son Fils, bien-aimé ; l'Esprit-Saint répand sur elle toujours plus abondamment son Amour vivifiant, et elle sent de plus en plus étroits, de plus en plus intimes les liens qui l'unissent à son Dieu.

Mais ces impressions de l'Amour sont chose nouvelle pour elle, elle n'y est pas habituée : il en résulte chez elle comme une surprise, il en résulte surtout une lutte pénible. L'esprit adhère à l'Amour, l'esprit veut suivre l'Amour, mais la nature se cabre : la pauvre âme croyait déjà morte la nature, elle s'aperçoit qu'elle se trompait. Même au sein de l'amour, il n'y a d'anéanti qu'une partie de la nature, il en reste toujours, pour livrer combat jusqu'à la fin.

Que fera l'âme dans cette rencontre ? Rien, sinon de se laisser porter, présenter, offrir par l'Amour. Elle n'a point à résister, Elle n'a qu'à suivre l'Amour et ceux qu'Il choisit pour le représenter, II lui fait dire à son Directeur les impressions qu'elle éprouve, il lui faut suivre aveuglément les conseils qu'il lui donne, il lui faut s'abandonner dans les bras de l'Amour et se laisser porter comme Jésus se laissa porter dans les bras de sa Mère. La vie d'amour est une vie de lutte continuelle contre la nature, contre le moi : dans cette lutte l'âme a toujours besoin d'être secourue, d'être soutenue : cela lui est indispensable, si elle veut avancer sans crainte dans sa voie. D'où nécessité absolue pour elle, dès le commencement, de s'ouvrir en toute candeur à son Directeur et de se faire connaître sans réserve. C'est là une précaution de la plus grande importance pour qui veut vivre d'amour. Aussi c'est ce que l'ennemi, de toute la force de son pouvoir et de sa malice cherche à empêcher, car, s'il réussit, il est sûr que la pauvre âme, tombant dans l'embarras et la confusion, finira par abandonner la sainte entreprise de sa sanctification.

Prière

Ô Esprit-Saint, de cette erreur daignez prévenir par votre lumière les âmes que Vous avez choisies ! Qu'elles obtiennent d'avancer toujours plus vite dans la voie que Vous avez tracée ! Que Jésus vive en elles toujours plus intense sa vie eucharistique.

Deuxième médiation : Exemple que Jésus donne à l'âme dans sa fuite en Egypte

Premier point

Considérez, dans la Personne du Verbe aimant et souffrant pour l'humanité, l'Amour du Père et du Saint-Esprit. Considérez comment l'Amour entend vous donner de nouveaux exemples et pour vous, pour les besoins de votre âme, acquérir de nouveaux mérites.

Quand l'âme s'est engagée dans la voie de l'amour, mille difficultés surgissent, mille obstacles, toutes choses qu'elle était loin d'attendre ; au moment où, pleine de confiance, elle se flatte d'aller de l'avant, l'ennemi s'approche pour lui barrer la route. Mais Jésus le savait : en cela encore II a voulu se faire notre Modèle. On le cherche, on en veut à sa vie : que fait-Il ? II fuit. Cependant, remarquez-le bien : II fuit, mais II ne fuit pas seul et de Lui-même, I1 est trop petit, Il ne serait pas capable, extérieurement même II semble ignorer tout du péril qu'Il court et qu'on cherche à le tuer.

Il s'enfuit donc, mais c'est porté dans les bras de sa Mère, dans les bras de Saint Joseph : II s'abandonne à eux, II se laisse porter où il leur plaît, ou plutôt partout où il plaît à la Divine Providence. Marie et Joseph aiment Jésus plus qu'eux-mêmes, ils sont les instruments destinés, de par la Volonté de Dieu, à veiller sur le Verbe Incarné : Jésus s'abandonne avec confiance entre leurs mains, II les laisse faire, Il les suit.

L'âme qui débute dans les voies de l'Amour trouve ici le plus grand des exemples. Elle n'est pas encore faite aux ruses de l'ennemi, et, partant, elle ne saurait les distinguer toute seule : elle est encore trop petite. Les différentes impressions qu'elle éprouve se confondent plus ou moins :: elle ne sait d'où elles viennent. Elle ne sait pas encore que, dès son premier jour de vie, l'ennemi a voulu sa mort, elle ne sait pas qu'il cherche à s'insinuer en elle sous des apparences d'amitié et de vertu, et elle se sent troublée, bouleversée, elle ne sait à quoi se résoudre. Qu'elle aille alors avec candeur s'ouvrir de tout à celui que Dieu lui donne pour sa direction intime ; l'ennemi ne manquera pas de lui faire sentir à cet égard une vive répugnance : qu'elle s'en rende maîtresse ! L'âme doit être devant son Directeur comme un livre ouvert, elle doit se livrer à sa conduite, persuadée que c'est Dieu qui parle par sa bouche, puisque Dieu Lui-même s'est obligé à lui donner toutes les grâces dont II a besoin pour la diriger dans les voies de la perfection. Qu'elle le suive docilement, quand le chemin est dur comme quand il est aisé. Qu'elle se laisse pour ainsi dire porter par lui, comme Jésus se laissa porter par Marie et par Saint-Joseph.

Gardez-vous bien surtout, âme chrétienne, de prêter l'oreille aux insinuations trompeuses de l'ennemi qui vient vous suggérer : «  Mon Directeur ne me connaît pas, il ne me comprend pas ! » et le reste.

Faites votre devoir, découvrez avec candeur tous les détails de votre vie intime, et ne pensez qu'à suivre les conseils qui vous sont donnés. Laissez l'ennemi se démener à la porte et dire ce qu'il veut : soyez fidèle, il se lassera, et vous aurez la victoire, une victoire complète. Obéissez toujours, abandonnez-vous ; ne vous préoccupez pas de votre exil, s'il sera long ou court : la divine Providence connaît les besoins des âmes, elle pourvoira aux vôtres. Vous êtes par vocation la coopératrice de Jésus : avec Lui il vous faudra souffrir pour les âmes, avec Lui supporter les souffrances propres à votre enfance dans la vie d'amour.

Deuxième point

Comment Jésus a souffert .

Pour que vos souffrances puissent ressembler à celles de Jésus, arrêtez-vous à considérer, âme chrétienne, comment Jésus a souffert. Voyez la paix, 1e calme, le sourire céleste, divin, qui rayonnent sur son visage : on dirait presque qu'Il ne souffre pas. Mais entrez dans son Cœur : vous verrez à quel point II se ressent des incommodités du voyage et de l'air, à quel point surtout II compatit à la douleur de sa Mère et de Saint Joseph, à leur anxiété de ne savoir dans ce pays étranger où trouver un logement et les choses les plus nécessaires à la vie : II voit leur extrême détresse. En vérité, II jouit de leur amoureux, de leur plein abandon à la Providence, mais II ressent intérieurement ses souffrances propres et les leurs. Toutefois, II ne dit rien. Il s'abandonne à la Providence, Il souffre tout, II offre tout à son Père pour notre rédemption, parce que c'est là, dès le commencement, la volonté du Père et que, dès le commencement, Jésus n'a d'autre nourriture que de faire la volonté de Celui qui l'a envoyé. Il ne regarde pas si elle est douce à accomplir, ou si elle est amère à la nature. Il l'accomplit toujours : c'est ainsi qu'Il commence dès sa plus tendre enfance à produire des fruits merveilleux de Rédemption : II commence en un pays étranger, qui n'est pas moins cher à son Cœur comme tous les pays de la terre, parce qu'Il est venu pour racheter tous les hommes.

Souffrez à votre tour, âme chrétienne, de la même manière : avec calme, avec abandon, avec sérénité, en sorte que personne autour de vous ne puisse s'apercevoir de votre souffrance et l'Amour trouvera en vous ses complaisances, II vous attirera à Lui toujours davantage, II vous serrera plus étroitement sur son Cœur, en vous sa vie, d'amour grandira.

Et si le démon s'en vient vous représenter comme trop élevée, comme impossible pour vous cette vie divine, rentrez en vous-même, gardez tout votre calme ; considérez Jésus, comment II agissait autrefois et comment II agit ; faites vôtre sa paix, son calme et vous éprouverez que la voie d'amour toute semée qu'elle est de souffrances, est cependant la plus facile, parce que l'Amour fait tout, l'Amour rend tout aisé et agréable.

Prière

Daignez, ô Esprit-Saint, descendre en nos âmes avec votre paix. Calmez par cette paix divine les tempêtes que l'ennemi soulève en nous, et ainsi, dans le calme et la sérénité de l'esprit, faites triompher votre vie d'amour.

Ô Marie, notre Mère Très Sainte, portez-nous dans vos bras, comme Vous portiez autrefois Jésus ; défendez-nous des embûches de l'ennemi, obtenez-nous de partager votre abandon absolu, calme et pacifique en l'amour.

Et vous, ô aimable Saint Joseph, nourricier ici-bas de la Sainte Famille, daignez pourvoir encore aux besoins des âmes eucharistiques.

Troisième méditation : Séjour de Jésus en Egypte

Premier point

A peine est-il né, Jésus s'enfuit en Egypte, où II vivra caché pendant plusieurs années.

Là, personne ne le connaît, personne ne songe à l'apprécier, sa vie se passe dans la gêne, la pauvreté ; II se nourrit de privations et de souffrances. En souffrant II regarde le Ciel, et II offre ses souffrances pour les âmes, pour qu'elles aient toutes les grâces de conversion. Il ne laisse pas échapper la moindre occasion de mérite, mais tout se passe entre Lui et son Père : rien ne transparaît au dehors. A peine l'âge le lui permet-il, II commence par de menus travaux à aider sa Mère, à aider saint Joseph. Il les aime d'un amour particulier, d'un amour unique, parce qu'ils sont dans l'œuvre de la Rédemption ses premiers collaborateurs.

Et cependant les témoins de sa vie le voyant si bon, si attrayant dans toutes ses démarches, se prennent d'affection pour Lui, Ils l'entourent, Ils l'écoutent parler, et, à son exemple, sans savoir qui II est, irrésistiblement ils commencent une vie meilleure, plus juste et plus sainte, qui dispose leur cœur à croire à l'Evangile quand il sera venu. En secret ou en public, l'Amour travaille toujours : II n'est jamais oisif.

Arrêtez-vous à considérer l'enseignement qu'il vous donne ici. Menacé de mort aux premiers jours de sa vie, II s'est enfui, II demeure pendant plusieurs années en un pays étranger.

De même quand II pénètre dans une âme avec sa vie divine, presque toujours l'Amour y rencontre un rival, un rival qui veut le tuer à l'instant même où II apparaît pour régner et pour régner tout seul : c'est l'amour propre, qui voudrait tout pour lui, et qui pour lui voudrait cela même qui appartient en propre à l'Amour divin.

Mais l'Amour divin est insulté en cette âme. Dès lors, II la veut toute à Lui, sans réserve, II veut régner sur elle en Maître. Que va-t-il faire ? Pour être libre de son œuvre, II s'enfuit : je veux dire qu'Il se cache aux yeux de l'âme, qu'elle ne Le voit plus, qu'elle ne l'entend plus, qu'elle ne jouit plus de la suavité de son visage, qu'elle est comme abandonnée. C'est l'Egypte de l'âme, où l'âme ne sent plus la présence divine et ses ineffables opérations, où elle souffre toutes les peines et toutes les privations de l'exil. Et c'est ainsi qu'elle commence à voir, à connaître, à distinguer ce qui est de l'Amour et ce qui n'en est pas, ce qui est de Dieu et ce qui est du « moi » ; c'est ainsi qu'elle fait sa première expérience des deux amours, et de leur vie, de leurs opérations, de leurs mouvements respectifs.

Alors même qu'Il est caché, Jésus la favorise de ses enseignements. Vivre en elle la plénitude de sa vie d'amour, tel est son but. Il n'épargne donc rien, pour lui faire gagner des mérites, et la faire avancer en sainteté au milieu même de ces pénibles épreuves. Pour cela, II lui suggère d'offrir ces peines, ces privations, cet apparent abandon pour obtenir que l'Amour daigne hâter son retour, et pour le bien du genre humain tout entier ; II lui dit de ne pas mettre en elle-même sa confiance, de renoncer toujours plus parfaitement à cet amour propre qui est la cause, la seule et unique cause de tous nos maux.

Et l'âme qui de toutes ses forces appelle la vie d'amour, écoute ces bons mouvements, et elle combat courageusement. La paix ne l'abandonne pas, elle attend avec calme le retour de l'Amour : II reviendra quand II le jugera opportun pour le plus grand bien de l'âme, et alors II couronnera ses victoires et II la réjouira sans fin de sa très douce compagnie.

Que l'âme sache donc se garder du trouble et du découragement, quand il plaît à Jésus de lui retirer sa présence sensible. Qu'elle rentre au contraire en elle-même, qu'elle se scrute dans ses replis les plus intimes, pour voir s'il n'y a pas là quelque chose qui offense les regards de l'Amour. Et si, malheureusement, il s'y trouve pour lui un objet de tristesse, qu'elle se mette à l'œuvre, qu'elle combatte, mais qu'elle le fasse humblement, avec calme, sans crainte, confiante en l'Amour et en sa grâce. C'est là l'unique moyen de faire triompher l'Amour et d'arriver enfin à vivre en son aimable compagnie.

Deuxième point

Jésus souffre en secret : tout se passe entre Lui et son Père.

Ainsi doit-il en être de vous, âme chrétienne, dans la rude bataille que l'Amour vous fait entreprendre pour fortifier en vous la vie divine. Tout doit s'y passer entre vous et Lui. A l'exception de votre Directeur qui saura tout, personne ne doit s'apercevoir de vos peines, de vos souffrances, de vos luttes. Souffrez tout, offrez tout pour hâter en vous-même et dans les âmes le règne pacifique, le règne permanent de l'Amour ! Que votre apostolat soit une sorte d'apostolat intérieur ; que ceux qui vous entourent voient dans vos façons, dans votre manière d'être douce et humble, dans votre regard rayonnant de paix et suavité, dans toute votre attitude, qu'ils y voient transparaître un quelque chose qui ne vient pas de vous, mais qui vient de l'Amour.

Et ainsi à votre tour, comme Jésus, vous préparerez le terrain et quand II lui plaira de jeter sa parole intérieure ou extérieure, elle ne sera pas perdue, mais, accueillie comme elle le doit être, elle lèvera en fruits de salut.

L'âme qui veut vivre d'Amour doit nourrir toujours un grand esprit d'abnégation, un grand désir de s'humilier, de s'anéantir : dans la voie de l'Amour, c'est une disposition indispensable. Jésus veut chez elle vivre en Maître ; pas à pas II s'avance et, chemin faisant, II accomplit en la nature son œuvre de transformation et de mortification. S'il trouve l'âme préparée, son œuvre ira plus vite, et plus tôt viendra la complète transformation.

Ame qui vivez d'amour, ne vous effrayez pas de ce mot « destruction » : il exprime pour vous une nécessité.

Prière

Ô Divin Esprit, daignez guider pas à pas l'âme qui vous est chère pour qu'elle ne trébuche pas dans les difficultés qu'elle rencontre sur le chemin de la vie d'amour. Soutenez-la, fortifiez-la, rendez-la victorieuse de toutes les embûches de l'ennemi : donnez-lui, dans la souffrance, de rester calme, résignée, conforme à son Divin Modèle, et confiante en la victoire que Vous tenez pour elle toute préparée, si elle sait courageusement combattre les batailles de la vie.

Quatrième méditation : Retour d'Egypte

Premier point

Considérez l'Amour et son attitude intime à l'heure ou II va quitter l'exil. — II se réjouit que le temps soit venu pour Lui de rentrer en sa patrie, mais II reste égal à Lui-même. Regardez-Le : toujours sur son visage, même paix, même calme, même sérénité.

Avant de partir, une dernière fois, II fixe son regard d'amour sur ces lieux qui l'ont abrité, sur ces âmes au milieu desquelles II a vécu, qui toutes sont chères à son Cœur, et, parce qu'Il veut toutes les racheter, II demande à son Père les grâces les plus abondantes de conversion. Son regard se porte encore sur l'œuvre intime de Rédemption accomplie pendant l'exil : Jésus la voit, II la voit réalisée telle que le Père l'avait voulue, et II remercie le Père, Il se repose en Lui avec complaisance, tandis que le Père, du haut des Cieux, se complaît dans l'œuvre de son Fils.

Dans ce pays sanctifié par sa divine présence, II a donc jeté le germe de l'Amour : le germe se développera en son temps. Content de l'œuvre accomplie, content de cet apostolat qui fut pourtant tout intérieur et tout caché, Jésus s'en va, Jésus prend le chemin du retour.

Long est le voyage. Jésus s'en va bénissant tout sur son passage. Regardez-le : il semble qu'Il veuille répandre partout, pour ceux qui passeront après Lui, parfums et grâces de sanctification ; II ne cesse d'implorer les bénédictions de son Père. Ceux qu'Il rencontre, II les salue d'un regard plein de compassion qui va au cœur et l'impressionne ! Partout où II passe, II répand ses grâces, II fait à tous du bien, et ceux qui ont le bonheur de Le recevoir en leur maison se demandent quelle est cette impression étrange qu'ils ressentent en présence d'un pauvre enfant ! C'est l'Amour qui aime et qui veut les âmes à Lui.

Cependant II va, calme et paisible, sur les pas de Saint Joseph et de sa Mère : sa douce, son aimable compagnie est pour eux la meilleure des consolations, et qui fait évanouir fatigue et lassitude !

II revient en sa terre bénie, parce que c'est la terre choisie par le Père pour l'accomplissement de l'Œuvre Rédemptrice. A peine arrivé, II sent l'allégresse remplir son âme, et voyant devant Lui l'œuvre, toute l’œuvre qui l'attend, II remercie son Père : « Ô Père, me voici, s'écrie-t-Il, pour faire votre volonté ! » Et le Père se complait en Lui : « Celui-ci est mon Fils bien-Aimé, répond-Il, écoutez-Le, c'est l'Amour éternel, envoyé ici-bas pour le rachat du monde. » Et le Père bénit son Fils avec tout le peuple fidèle.

Voilà Jésus en sa patrie. L'Amour est revenu chez lui, mais personne ne Le connaît, personne ne Le reçoit. Il se retire dans sa pauvre petite maison de Nazareth : c'est une nouvelle période de sa vie qui commence, ou plutôt c'est la vie d'Egypte qui continue, pauvre, cachée, dépendante.

Deuxième point

Arrêtez-vous, âme chrétienne, à considérer le contentement de Jésus au souvenir des souffrances passées : II est content, parce qu'Il les a sanctifiées. L'exil est fini, mais les mérites demeurent, ils demeurent pour les âmes.

Apprenez de Lui la sérénité avec laquelle vous devez accueillir tous les événements, qu'ils soient heureux ou malheureux ; rappelez-vous que tout ce qui arrive est permis de Dieu pour notre avancement dans la voie de l'amour.

Voilà donc Jésus de retour : II est content, II remercie son Père, mais encore une fois, aucun changement dans son attitude : II reste doux, aimable, rayonnant de sérénité. S'Il rentre en sa patrie, ce n'est pas pour Lui-même, pour y chercher sa satisfaction ou ses commodités personnelle ;; c'est pour accomplir la volonté de son Père, c'est-à-dire pour accomplir son oeuvre de rédemption, par conséquent pour souffrir jusqu'à la mort.

Il est venu sur la terre pour y porter l'amour de Dieu, pour enflammer tous les cœurs d'un incendie d'amour, comme II dira Lui-même dans la suite. Mais pour que l'incendie d'amour puisse se répandre, il faut d'abord que soit détruit tout ce qui vient du monde et de la nature : pour cela, il faudra que Jésus souffre jusqu'à la mort.

A votre tour, âme chrétienne, combattez généreusement, supportez avec courage les souffrances de l'exil, les souffrances que vous cause l'absence de Jésus, pour qu'Il puisse à son retour trouver en vous ses complaisances comme son Père les trouve en Lui-même ; pour que Jésus, voyant la générosité de vos combats, vous présente à son Père et puisse dire : « Voici ma fille bien-aimée, en qui je mets ma complaisance. Daignez, ô Père, écouter sa prière ; donnez-lui votre bénédiction, et en elle bénissez toutes les âmes que je veux sauver par elle. »

Tels doivent être les sentiments de l'âme qui retrouve, après les avoir perdues, les joies de la présence sensible de l'Amour. Qu'elle ne se contente pas de goûter les douceurs retrouvées, qu'elle mette sa joie à accomplir, de concert avec Jésus, la volonté du Père qui est la rédemption des âmes et cela dans le secret, dans le recueillement de son cœur où l'Amour réside comme en sa maison. L'Amour ne transparaît que par les œuvres, mais ses œuvres rayonnent parce qu'elles sont toutes surnaturelles.

Prière

Ô Père Eternel, accordez-nous la grâce de pénétrer les leçons de l'Amour Incarné, pour que Vous puissiez trouver en nous, comme en Lui, vos complaisances !

Ô Jésus Amour, vivez en nous comme il vous plaît : transformez-nous en Vous !

Esprit Saint, daignez fortifier notre faiblesse, assistez-nous en tout temps, ne permettez pas que nous nous éloignions de votre salutaire conduite.

Cinquième jour

Avertissement pour les méditations suivantes

L'Ame entrée dans la Voie de l'Amour commence désormais à jouir d'une certaine expérience. Grâce à l'Amour qui grandit en elle, elle discerne plus aisément l'œuvre de Dieu et l'œuvre de l'ennemi, dont le prestige ne cesse de s'affaiblir en elle. Tout au moins, si l'ennemi lui livre de rudes assauts, elle le reconnaît sans tarder, et elle le combat sans mollesse. En elle l'Amour propre lui-même perd de sa force, laissant à l'Amour de Dieu le champ libre pour son œuvre de salut.

Et cependant la lutte n'est point finie, elle sera longue encore, bien des fois elle sera rude, mais l'âme sera, au sein de cette lutte, toujours plus calme, toujours plus paisible.

L'œuvre de l'Amour n'est pas uniforme dans toutes les âmes, mais c'est là une règle générale dont chacun à sa manière peut tirer le profit qui lui revient.

Ce qui est indispensable, c'est d'être fidèle et de combattre généreusement, sans crainte, parce que quand l'ennemi voit qu'on n'a pas peur de lui, il en reste tout honteux et il s'enfuit.

Première méditation : Jésus à Nazareth

Premier point

A l'âme qui déjà grandit et se fortifie dans l'Amour, Jésus en sa petite maison de Nazareth donne de nouveaux exemples.

Levez les yeux, entrez dans son Cœur, regardez avec quel amour II entreprend là encore sa mission. Fixez vos regards sur son Visage adorable, ne le quittez pas des yeux ce Visage toujours calme, serein, aimable, reflet divin de son activité intérieure ! II devient les délices de tous ceux qui l'entourent, attirés par je ne sais quoi qu'ils ne comprennent pas, mais qui les ravit. Et si vous pénétrez ensuite dans son intérieur, c'est un spectacle admirable, d'amour qui frappe vos regards : Amour pour le Père céleste à la fois et pour les âmes, puisque la gloire de son Père et le salut des âmes furent l'unique motif de sa venue en ce monde.

Immuablement fixé en son Père, II ne cesse de Lui offrir pour les âmes tous les désagréments de sa vie pauvre et abjecte. Les âmes, voilà son unique préoccupation : Il voudrait les sauver toutes ; mais, parcourant à l'avance les temps, II voit le spectacle désolant de la multitude des damnés, et son Cœur se serre. Ah ! quelle étreinte douloureuse pour son Cœur à la fois si petit et si aimant ! Cette infinie douleur II l'offre à Dieu avec tous les tourments qu'Il devra endurer, et II prie son Père qu'à cet apostolat intérieur, caché, mais si fécond et si agréable au Ciel, II daigne associer une légion d'âmes privilégiées dans lesquelles Il puisse, au cours des siècles à venir, vivre encore la même vie d'Amour.

Et le Père exauce la prière de son Fils, de son Fils unique, de son Fils bien aimé. Et voici que c'est sur vous, âme chrétienne, sur vous qu'Il a posé son regard d'amour et de complaisance, vous qu'Il invite à vous laisser blesser par l'Amour, à répondre à l'ardent désir de l'Amour Incarné, à continuer en vous-même sa vie d'Incarnation, qui est une vie toute consacrée à la gloire du Père.

Votre devoir est de correspondre à la prédilection du Cœur aimant de votre Dieu. Entrez donc, âme chrétienne, en cette salutaire correspondance, réjouissez-vous que Dieu ait daigné faire choix d'une créature aussi indigne et aussi misérable que vous, et maintenant que vous êtes affermie dans la vie d'amour, qu'elle est en vous calme et pacifique comme elle fut en Jésus, mettez-vous à l'œuvre, mettez-vous-y avec une énergie nouvelle, dans le calme et la sérénité intérieurs et extérieurs. Entrez, du plus profond de vous-même, dans l'Amour ; fixez votre regard en son regard divin, et d'un regard d'amour semblable au regard d'amour de Jésus, considérez en quelle disposition l'Amour souffre à Nazareth les désagréments de la vie, tous les désagréments, quels qu'ils soient ; considérez comment II les offre, comment II s'offre Lui-même à son Père ! Attachez-vous, de votre côté, à revêtir d'un prix inFini toutes vos actions, en les revêtant d'amour, d'un amour ardent, fort, persévérant et calme, toutes vos actions, même les plus petites, fût-ce un seul soupir de votre poitrine — et ainsi, rendues précieuses, unissez-les toutes aux mérites de Jésus.

De cette manière, votre Apostolat, tout caché qu'il soit, sera fécond de la fécondité divine elle-même ; Jésus prendra en vous ses complaisances, Jésus vous fera croître sans fin dans sa vie d'amour.

Deuxième point

Gardez-vous bien cependant, chère âme, d'avoir en vous-même une trop grande assurance ! L'ennemi vous a voué une haine éternelle : quand vous vous y attendrez le moins, il viendra, et, s'il le peut, il ruinera l'œuvre de l'Amour. Soyez donc avertie : s'il vous vient sous prétexte de zèle, ou sous tout autre prétexte, un désir trop ardent de vous extérioriser, et si vous en venez, en rêvant précisément du bien que vous pourriez faire ou que vous avez l'intention de faire aux autres, à négliger votre propre perfection, à ralentir et à refroidir votre activité extérieure et votre union intime avec l'Amour, à négliger les moyens assurés que vous avez entre les mains pour en chercher d'incertains et peut-être jamais réalisables, je vous le dis, c'est là un piège qui vous est tendu, et que vous devez fuir, et qu'il faut repousser sans tarder. Si à cela s'ajoutent des incertitudes, des doutes, des mouvements trop vifs, etc.., alors recourez promptement à votre guide : révélez-lui tout, tel que vous le ressentez et, sans crainte de vous tromper, suivez ses conseils.

L'Amour a son temps pour chaque chose. S'Il vous destine aussi à l'apostolat extérieur, II disposera pour cela temps, lieu et moyens : ne le devancez pas. Continuez dans le calme et la paix l'Apostolat intérieur si cher à son Cœur, où II a voulu passer Lui-même presque toute sa vie mortelle, et où II persévère jusqu'à la consommation des siècles, au fond du Tabernacle, en son Sacrement d'Amour. N'oubliez jamais qu'il faut toujours se défier des mouvements et des sentiments trop vifs, rappelez-vous qu'ils ont besoin d'être examinés et étudiés à la lumière de l'Amour... Du reste, suivez l'Amour en toute paix et fidélité et laissez-le faire : c'est assez pour qu'alors, à son exemple, vous répandiez autour de vous la bonne odeur du Christ ; c'est assez pour que, sans même vous en apercevoir, vous enflammiez les cœurs de son feu divin, et prépariez ainsi une multitude d'âmes à la vie d'Amour.

Voyez plutôt Jésus Lui-même : à peine a-t-Il passé quelques semaines à Nazareth, tous ses voisins déjà se prennent d'admiration pour Lui, ils se sentent attirés à Lui, ils envient le sort de Marie et de Joseph qui possèdent un tel fils. L'Amour est ingénieux, il sait tirer profit de tout pour soi-même et les autres ; l'âme adonnée à l'apostolat intérieur doit aller plus loin : elle doit s'oublier elle-même et ne vivre plus que pour les intérêts de l'Amour.

Prière

Père Eternel, daignez regarder d'un même regard d'amour Jésus votre Fils et l'âme consacrée à l'apostolat intérieur. Unissez-la à Lui en un même désir très ardent de votre gloire et du salut des âmes.

0 Jésus, Amour Incarné du Père, ne permettez pas que l'âme aimée de Vous et associée à votre Apostolat intérieur soit victime des pièges de l'ennemi — délivrez-la de ses embûches, afin qu'elle puisse constamment venir en aide à votre œuvre rédemptrice.

Esprit d'Amour, embrasez toujours plus ardemment du feu dévorant de votre zèle l'âme que Vous chérissez, pour que, transformée elle-même en étincelle d'amour, elle embrase à son tour une foule d'âmes.

Deuxième méditation : Jésus se rend à Jérusalem et II demeure dans le Temple

Premier point

Ce n'est point sans peines et sans luttes que l'âme grandit en la vie d'amour. A vrai dire cependant, lorsque l'amour est bien enraciné dans l'âme, il faut voir, dans ces luttes et ces souffrances, des inventions de l'Amour pour éprouver la fidélité de sa bien-Aimée, et la laisser croître en sa vie divine, plutôt que le fait de l'ennemi ou de l'amour propre.

C'est Jésus encore qui, en toutes ces rencontres, donne à l'âme les exemples dont elle a besoin pour son réconfort et sa consolation, les exemples qu'il faut lui présenter en temps opportun pour qu'elle en fasse son profit.

Jésus est arrivé à un âge où II peut accompagner Marie et Joseph au Temple. Considérez en quels sentiments intérieurs II se prépare à cette démarche, en quels sentiments II se rend à Jérusalem pour remplir cette observance de la loi. Il n'y est pas obligé, mais II ne veut pas se distinguer des autres, II veut rester confondu dans la foule. Mais si les hommes ne le distinguent pas, quelqu'un au moins le distingue, c'est le Père Céleste qui, de Là-Haut, Le contemple, perdu dans toute cette multitude, avec une complaisance infinie.

Lui, Fils unique de Dieu, Verbe Incarné, Seconde Personne de la Très Sainte Trinité, Lui, pour sauver son peuple, ce peuple ingrat et infidèle, se confond dans la foule, et pendant que cette foule le prend pour un enfant, rien de plus, un enfant attrayant, si l'on veut, aimable, gracieux, mais un enfant cependant et enfant comme les autres, Lui, le regard fixé en son Père, prie pour ceux qui ne Le reconnaissent pas et demande pardon pour leurs péchés ! II voudrait détourner d'eux les épouvantables châtiments qu'Il voit suspendu sur leur tête et sur leur pauvre cité et, sachant qu'il est impossible de les éloigner, il sent en son cœur, à la pensée de si grands malheurs, les étreintes douloureuses d'une angoisse infinie ! Cette angoisse et cette souffrance, II les offre à son Père pour les âmes qu'Il aime tant et pour lesquelles II va bientôt répandre tout son Sang. Ainsi Jésus ne laisse rien passer sans le sanctifier ; ainsi Jésus tire de tout des fruits abondants de rédemption.

Il arrive finalement au Temple. C'est là qu'autrefois II fut offert au Père Céleste. Il y entre avec une vénération respectueuse et profonde, entendant honorer par son attitude extérieure elle-même la grandeur de Dieu ; entendant aussi, âme très aimante, vous donner l'exemple de la manière dont il faut entrer dans le Lieu-Saint, pour que Dieu en soit honoré, Lui qui mérite un honneur infini. Puis, de Lui-même, et non plus comme autrefois de la main d'autrui, II renouvelle l'offrande solennelle de tout Lui-même à son Père. Le Père Eternel, dont le regard ne quitte pas le Fils Bien-Aimé en qui II met sa complaisance, agrée son offrande et II l'en remercie par une profusion de grâces sur le monde.

(Il faut pour ces considérations que l'âme pénètre dans l'intime même du Cœur de Jésus, — car à les considérer de l'extérieur elles ne feraient aucune impression : c'est l'Amour qui doit les vivifier).

Puis Jésus, avec des sentiments d'infinie piété, accomplit les prescriptions de la loi. Voyez, âme chrétienne, comment à l'imitation de Jésus Amour, vous devez tout sanctifier et de tout tirer des fruits de rédemption pour les âmes confiées à votre apostolat.

Si telle est votre conduite, vous demeurerez vous aussi, comme Jésus, confondue dans la foule — qui, extérieurement, vous tiendra, pour une âme vertueuse sans doute, mais comme les autres. — Et cependant, par votre Apostolat d'Amour, vous ravivrez les regards du Père Céleste, et le Père Céleste, en considération de votre union avec l'Amour, fera descendre sur les âmes une pluie de grâces rédemptrices.

Ce n'est pas seulement dans le Lieu Saint que votre attitude doit respirer le parfum d'une profonde et amoureuse vénération ; c'est partout, parce que l'Amour vivant en vous, vous Le portez partout. Vous devez donc partout avoir pour Lui, non pas tout le respect qu'Il mérite, puisque c'est impossible, mais le respect le moins indigne possible de sa Grandeur infinie. Rappelez-vous toujours que votre apostolat est tout intérieur ; mais, malgré tout, comme celui de Jésus, il doit rayonner, et c'est pourquoi vous êtes tenue de conserver partout ce maintien calme, doux et suave : ainsi transparaîtra la vie de Jésus en vous, ainsi, du dehors même, on pourra apprécier la vie d'intime union avec l'Amour.

Deuxième point

Finies les cérémonies légales, tandis que Marie et Joseph se disposent à repartir, Jésus, à leur insu, demeure au Temple, parce que c'est la volonté de son Père.

Jésus aimait ses parents d'un amour incomparable, et pour rien au monde II n'eût voulu leur causer le moindre déplaisir, mais, le Père Lui manifestant sa volonté, II obéit. Son Cœur aimant ressent d'avance la peine qu'ils éprouveront en s'apercevant de sa disparition, II l'offre à son Père, — II les plaint en son Cœur, II les aime encore plus tendrement, mais la volonté de son Père avant tout ! II est venu pour l'accomplir dans ses moindres détails, II voit que jusqu'alors personne ne l'a remplie parfaitement excepté sa Mère, II veut réparer pour tous.

Telle est la conduite propre de l'Amour : le devoir, la volonté du Père avant tout, le reste passe au second rang, même s'il a toutes les affections du Cœur.

Apprenez, âme chère à Jésus, apprenez à vous modeler sur Lui. Comme Lui, mettez toujours au premier plan la volonté de Dieu, quand même ce devrait être au prix des plus grands sacrifices. Vous commencez maintenant à connaître les voies et les opérations de l'Amour, vous voyez comment II travaille à notre Rédemption : vous qui êtes sa coopératrice, faites vôtres ses actions, sanctifiez vos œuvres comme II a sanctifié les siennes ; ne craignez point, même si pour la cause de Dieu il vous faut faire souffrir les autres ; souffrez de leurs souffrances, mais faites votre devoir. A ceux que vous vous voyez forcée de faire souffrir à cause de Lui, Dieu se chargera d'envoyer les réconforts nécessaires : songez en même temps que, par ces souffrances, ceux que vous aimez gagnent des mérites pour la vie éternelle.

Prière

Amour Eternel, Amour Incréé, daignez remplir les âmes que Vous avez choisies, pour continuer votre apostolat intérieur, de cet immense amour dont vous brûliez pour la volonté du Père, afin qu'il leur soit donné de la remplir toujours, avec vous, calmes et sereines comme Vous, au prix même des plus durs sacrifices du cœur.

0 divin Esprit, daignez accompagner toujours de votre grâce ces chères âmes, rendez-les fortes, qu'elles suivent courageusement toutes vos inspirations, sans se laisser arrêter par les rencontres douloureuses de la vie !

Troisième méditation : La Valeur des Épreuves

Premier point

L'Amour se cache aux yeux de l'âme pour éprouver sa fidélité et pour faire grandir en elle sa vie d'Amour.

Que va faire l'âme fidèle en cet abandon où la laisse son Bien-Aimé ? Jésus aime l'âme qui L'aime, II l'aime pour ainsi dire plus que sa vie mortelle, puisque cette vie mortelle II la sacrifiera un jour pour elle. Il voudrait ne jamais la délaisser, la réjouir toujours de sa douce présence et goûter Lui-même réciproquement sa compagnie. Mais c'est la volonté du Père qu'Il se retire : II se cache donc à l'âme qu'Il aime, II se cache pour éprouver la fidélité qu'elle apporte à Le suivre, pour faire grandir en elle sa vie d'amour et d'apostolat intime. A l'insu de l'âme, pour l'anéantir encore davantage, pour la transformer plus complètement en Lui, II se cache.

Le moment est venu d'accomplir cette volonté, cette volonté douloureuse pour Jésus Lui-même, à cause de la peine qu'elle va entraîner pour l'âme ! Jésus souffre de la souffrance même de l'âme, — et cependant l'ayant munie des grâces nécessaires, II se cache. Mais où se cache-t-Il ? Au loin ? Non, certes, — II se cache dans le temple intime du cœur fidèle, et là II traite avec le Père des propres intérêts de l'Ame, et II suit avec une adorable complaisance ses recherches douloureuses.

Tout d'abord, l'âme semblait ne s'apercevoir de rien, — mais bientôt le malheur se révèle : elle n'entend plus la douce voix de l'Amour, il lui semble que la vie lui manque, elle regarde autour d'elle, elle cherche, mais en vain, le Bien-Aimé de son cœur.

Quelle désolation pour cette âme aimante de ne pouvoir plus trouver en soi son Bien-Aimé, son unique bonheur, Celui pour qui elle a tout sacrifié, tout immolé, pour qui elle serait prête à donner sa vie même !

Elle cherche, elle scrute partout, au dedans et au dehors, pour voir s'il se trouverait quelque chose qui eût pu contrister l'Amour, elle ne trouve rien. Des doutes surgissent en elle, des craintes de n'avoir pas fait tout ce qu'Il exigeait. Elle pense dans son aveuglement et sa misère, l'avoir offensé sans le savoir, elle s'accuse, elle demande pardon avec larmes, elle gémit, elle appelle, mais Lui ne répond pas. Cependant, au milieu de ses angoisses et de ses souffrances, elle se conserve dans le calme et la paix de l'esprit, et c'est dans la patience et la conformité au bon vouloir divin qu'elle continue ses recherches. L'ennemi s'aperçoit bien un peu de son chagrin, mais il ne peut deviner au juste de quoi il s'agit : il tente cependant de dresser là ses embûches, mais l'âme s'en aperçoit, elle combat, elle ne désire qu'une chose : son Amour qu'elle a perdu.

Deuxième point

Ame très aimante, âme très aimée, aimée jusqu'à l'excès par l'Amour, c'est Lui précisément, c'est l'Amour qui vous éprouve ainsi, pour rendre en vous sa vie plus intense. Entrez en union avec la Très Sainte Marie et avec Saint Joseph : eux aussi éprouvèrent les mêmes chagrins, Ils vous accompagneront dans vos recherches, Ils vous aideront à trouver Jésus, à Le trouver dans votre propre cœur et non ailleurs. Jusqu'ici vous L'avez cherché autour de vous, parmi vos anciennes inclinations, vos anciens sentiments, vos anciennes passions, et vos recherches ont été vaines. L'heure est venue de Le chercher où II se trouve !

Las des recherches qu'Ils ont faites, Marie et Joseph entrent dans le Temple, et c'est là qu'Ils aperçoivent leur Amour, calme et tranquille, assis au milieu des Docteurs et disputant avec eux. Le cœur rempli de contentement, ils s'approchent et la Très Sainte Vierge lui exprime son humble, douce et dolente plainte ; et Jésus lui répond les paroles d'éternelle sagesse :; » Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne savez-vous pas qu'il me faut être tout entier aux affaires de mon Père ? » Et, sans plus, II les accompagne, II revient avec eux à Nazareth.

Arrêtez-vous un instant à considérer la réponse de Jésus : elle semble un reproche, elle est en réalité un enseignement divin. Oui, âme fidèle, quand ce ne sont pas vos propres infidélités qui ont causé l'éloignement de Jésus, ne craignez rien : Jésus, se laissera retrouver. Content de vos recherches, content de la fidélité de votre amour, au temps même de son apparent abandon, II vous comblera de grâces nouvelles et de célestes faveurs. A l'imitation de votre Très Sainte Mère et de Saint Joseph, après avoir cherché partout, après avoir appelé de tous côtés votre Bien-Aimé, après vous être fatiguée en la vaine recherche extérieure, entrez donc en vous-même, descendez au plus profond de votre cœur : vous Le trouverez là, calme et serein, qui vous attend pour vous serrer amoureusement sur sa poitrine, pour vous favoriser de sa compagnie, pour continuer en vous, comme dans la maison de Nazareth, sa vie d'apostolat caché, sa vie intense, sa vie profonde, sa vie laborieuse.

Prière

0 Jésus, mon Amour, unissez-moi toujours plus parfaitement à votre vie d'amour et d'apostolat intérieur, faites-moi grandir en elle, de sorte que je ne vive plus, mais que ce soit Vous qui viviez en moi.

Esprit d'Amour, faites-moi, vivre une vie d'amour si intense, que rien ne puisse me séparer de mon Jésus, ni dans le temps, ni dans l'éternité.

Quatrième méditation : Vie intérieure et cachée de Jésus

Premier point

C'est maintenant, âme chrétienne, qu'il faut entrer, avec l'Amour éternel, dans le Cœur de l'Amour Incarné ; — c'est maintenant qu'il faut considérer cette vie cachée, en laquelle II passa tant d'années. C'est maintenant que les âmes choisies vont se voir, de façon particulièrement étroite, associées à Lui, et qu'elles vont entrer en participation de la fécondité de son apostolat caché, — ou pour mieux dire, cet apostolat merveilleux va se continuer et se prolonger en elles.

Non, vous qui brûlez du zèle du salut des âmes, ne portez pas envie à ceux qui héritent des missions extérieures. Ils font du bien parce qu'ils sont où Dieu les veut, mais, je vous le dis, sans l'Apostolat intime, caché, leurs œuvres extérieures ne serviraient pas à grand chose. Jésus en cela encore nous donne l'exemple : pour trois années de vie publique, II a voulu trente ans de vie cachée, d'apostolat intérieur. Chacun doit accomplir l'œuvre que le Père Céleste lui confie — mais vous, chère fille, vous que la Prédilection divine a désignée pour l'apostolat intérieur et caché, estimez-vous, proclamez-vous bienheureuse !

Vous êtes la Privilégiée de l'Amour éternel, sa complaisance, son allégresse. Il y a si peu d'âmes qui consentent à seconder dans toute son extension le désir intime et véhément du Cœur de Dieu ! II y en a tant et tant, aveuglées par les idées fausses, pour qui cette vie intérieure et cachée est une vie inutile, une existence vide, vaine, et pour qui on ne fait rien si on ne se consume en sueurs, en œuvres extérieures, pour le salut des âmes, à l'exemple de Jésus qui est allé pour nous jusqu'au sacrifice de Lui-même ! Ceux qui parlent ainsi sont à plaindre, parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils disent : ils ignorent tout de la vie d'amour, ils ne sont jamais entrés dans l'intime, dans le Cœur de l'Amour, et c'est pour cela qu'ils sont incapables de Le comprendre. Ils ne savent pas renoncer complètement à leur « moi », à leur activité propre qu'ils décorent du nom de zèle, alors que le plus clair du temps elle ne cache autre chose qu'un secret désir de paraître, et l'amour de soi au lieu de l'amour vrai de Dieu. C'est pour cela que si souvent des œuvres bonnes en elles-mêmes, des œuvres qui ont coûté de grands et de réels sacrifices, ne rapportent pas de fruits :,elles étaient tachées d'amour propre, de l'amour maudit de ce « moi » humain qui tue en un si grand nombre d'âmes la vie d'Amour ! Au lieu que ces âmes, si elles reconnaissaient leur erreur, feraient tant de bien !

Sixième jour

Première méditation : Comment Jésus dispose l'Ame à entrer dans sa Vie d'Union et d'Amour

Premier point

Le temps est donc venu pour vous, âme bénie, d'entrer dans le sanctuaire de l'Amour pour y demeurer toute votre vie et y vivre avec Lui d'Amour et d'Apostolat intérieur pour le salut des âmes.

Voyez quel soin l'Amour apporte à votre préparation, sans aucun mérite de votre part, ou plutôt malgré votre indignité. Voyez que de difficultés et de fatigues elle lui a coûtées, non qu'il fût impuissant, car il eût pu en un instant vous attirer à Lui, mais à cause de votre obstination dans la résistance à ses grâces!

Il souffre, Il travaille, Il vous montre ce qui est pour votre âme le plus grand bien, mais Il attend, parce qu'il respecte votre liberté, parce qu'Il veut votre adhésion, pour augmenter par votre libre consentement le poids de vos mérites !

Regardez sa manière de procéder toujours douce, calme et suave : Il ne fait pas violence, I1 attire, puis c'est à l'âme qu'il laisse le choix. Il ne veut rien par force, tout par amour.

Regardez donc comment Il vous a arrachée des mains de l'ennemi ! A la suite de cette première faute, qu'il vous avait fait commettre, et d'où sortit la triste chaîne de vos angoisses et de vos luttes, l'ennemi vous tenait déjà pour sa malheureuse proie ! Mais, ô bonheur ! L'Amour eut compassion de vous. " Non, s'écria-t-Il, cette âme est à moi. C'est moi, moi qui la veux, elle m'appartient ; je l'ai payée de mon sang, je l'ai payée de mon immolation sur le Calvaire et de mon immolation eucharistique: elle est à moi, je la veux et pour toujours ! Non, tu ne l'auras pas, Satan, ennemi de Dieu et des Ames ; pour l'emmener avec toi, tu l'as fait tomber ; mais rappelles-toi que l'enfer a été créé pour toi, non pour les Ames que j'ai rachetées. Bien plus, de celles-ci je veux me servir pour en sauver d'autres. Fatigues et sacrifices, je ne crains rien, je n'épargnerai rien : je la veux à tout prix"

Voilà comment l'Amour parla de vous et ce qu'il disait, I1 l'a fait. Vous pouvez maintenant le constater, âme bénie que l'Amour Incarné a rachetée, plusieurs fois rachetée, peut-on dire, pour que vous ayez 1'Un et l'Autre Lui et vous, le bonheur de vivre ensemble de la même vie.

Votre formation fut donc, comme vous le voyez, douloureuse pour vous comme pour l'Amour à cause de vos continuelles résistances. S'l1 en avait moins rencontré, Jésus aurait eu plus tôt la consolation de vivre en vous.

Ah ! Si les âmes savaient le mal qu'elles se font à elles-mêmes par leur résistance à la grâce, combien plus dociles elles deviendraient ! Sans parler du risque terrible de voir la grâce se retirer d'elles, il y a celui de retarder en elles la vie d'amour, il y a la perte de mérites infinis pour elles et pour les autres, il y a le malheur qu'en ressent l'existence propre toute entière, il y a par- dessus tout la douleur de l'Amour, de l'Amour qui appelle de si ardents désirs l'heure où Il pourra vivre dans l'Ame sa vie divine.

Deuxième point

Considérez encore, d'un côté, ce que vous avez fait personnellement ; de l'autre, ce qu'a fait pour vous l'Amour en cette préparation.

Que dites-vous ? Que pensez-vous ? Ah ! du moins, ma fille bien-aimée, hâtez-vous maintenant de correspondre à l'Amour. Vous Le connaissez, vous Le comprenez, vous êtes descendue dans l'intime de son sanctuaire ; sa vie vous a été révélée et ses ardents désirs et sa Volonté divine ; vous avez compris la beauté et la fécondité merveilleuses de cette vie cachée ; répondez donc, répondez à l'appel et aux grâces de l'Amour. Il est avec vous. C'est Lui qui vit, aime, souffre, s'offre en vous et pour vous au Père Eternel. Vivez pour Lui : laissez-Le vivre, aimer, souffrir en vous pour les intérêts infinis de sa gloire, pour les Ames.

Vous avez désormais cessé de vivre pour vous ; votre vie ne vous appartient plus, elle appartient à l'Amour. Vivez, souffrez, priez pour Lui, pour ses intérêts. Oui, pour Lui. Comprenez l'exacte signification de ce terme : pour Lui  !

La voici : quand une chose vous est donnée pour votre usage personnel, vous dites : elle est à moi, et c'est pourquoi je puis m'en servir pour ce qu'il me plaît. Eh ! bien, vous vous êtes donnez à l'Amour, vous êtes sa chose : vous devez donc, comme telle, Le laisser user de vous pour ce qu'il Lui plaît. Retenez bien cela : " Pour ce qu'il Lui plaît " retenez-le surtout dans les occasions plus accueillantes. Là encore c'est l'Amour qui fera tout, comme Il a tout fait jusqu'ici.

Vous êtes l'âme bienheureuse choisie par l'Amour pour la gloire du Père et le salut des âmes.

Voyez la sublime dignité à laquelle l'Amour a daigné vous élever, du plus profond de l'abîme de misère où vous étiez tombée et où il vous a pris ! Vous souvient-il encore du déplorable spectacle que vous découvrait l'Amour en votre âme pécheresse ! Et s'il le faisait, c'était par un effet de son infinie miséricorde, pour vous tirer de l'abîme et opérer en vous des prodiges. Dites-moi, âme bénie, quel châtiment vous mériteriez si, de toutes vos forces, vous ne correspondiez pas à tant d'Amour.

Prière

O Dieu, Amour infini, ne permettez plus que je m'éloigne de Vous, ne fût-ce que pour un instant ! Absorbez-moi en Vous ; faites-moi don de la bienheureuse impossibilité de me séparer jamais de Vous.

Divin Esprit, daignez continuer à ma misère votre assistance d'amour, Vous qui, par votre oeuvre sanctificatrice, m'avez élevée à l'union de l'Eternel amour.

Deuxième méditation : Les devoirs de la Vie d 'Union et d 'Amour

Premier point

Vous avez vu comment Jésus vous prépara à la vie d'Amour, à la vie d'Union et d'intimité avec Lui-même ; de cette vie, vous avez entrevu la beauté, la sublime fécondité. Vous n'avez maintenant qu'un désir : entrer dans cette vie merveilleuse ; mais attendez encore un instant. Il est indispensable que vous en appreniez d'abord les devoirs, pour voir si vous vous sentez, oui ou non, le courage de l'embrasser et de l'embrasser pour toujours.

O Amour éternel, laissez-moi exprimer tout ce que ressent mon pauvre cœur.

0 Dieu, je me défie de moi-même, je sens ma faiblesse, mais je Vous prie, par l'Amour que Vous avez porté et que Vous portez encore à votre pauvre créature, de ne pas permettre pareil malheur ! Que deviendrait cette malheureuse âme, si après avoir goûté la douceur de votre Amour et compris sa beauté, sur le point d'embrasser votre vie d'amour, elle l'abandonnait ! O Dieu, mon âme est incapable de supporter la pensée d'une si noire ingratitude ! Mieux vaudrait mourir que de vous porter si grand affront, ô mon Amour, après que si amoureusement, si doucement, si patiemment, vous m'avez attirée à Vous, attirée à Vous pour le plus grand bien de mon âme ! Je veux échanger Amour pour Amour, j'en prends la ferme résolution, je veux Vous livrer ma vie comme Vous m'avez livré la Vôtre.

Entendez donc, âme fidèle, quelques-uns des devoirs de votre vie nouvelle. Devoir de fidèle, amoureuse et constante correspondance.

Vous avez déjà compris la nécessité de cette correspondance, vous avez compris combien elle est agréable à l'Amour, combien aussi elle est consolante pour vous, car c'est un besoin essentiel à l'Amour de faire plaisir à celui qu'il aime, et ce besoin vous le ressentez puissamment ! Jésus a tout fait, tout sacrifié pour vous : comment n'auriez-vous pas le devoir de L'en remercier par le doux plaisir de votre reconnaissante correspondance. Elle le consolera, elle lui fera oublier toutes les fatigues qu'il endura pour vous, pour votre formation ; elle attirera sur Vous ses divines complaisances.

Efforcez-vous donc de correspondre toujours à sa grâce, d'y correspondre avec amour et empressement ; que ce soit là un besoin impérieux de votre cœur, pour réconforter le Cœur de Jésus.

Considérez la tristesse de son regard quand Il le porte sur les âmes. Il attend d'elles un peu de fidélité aux grâces dont Il les comble, à ces grâces innombrables qu'il déverse sur chacune d'elles, guidé par son Amour infini, pour le seul plaisir de distribuer sans cesse des bienfaits nouveaux, pour la seule satisfaction de faire du bien aux créatures. Ah ! si l'on pouvait comprendre tout ce que Dieu fait à l'âme de bien, tout ce qu'il lui accorde de grâces pour l'attirer à Lui, non pour son avantage à Lui, mais pour son avantage à elle, il y aurait ici-bas moins d'indifférence et de froideur. Le malheur est que le grand nombre des hommes ne pense même pas aux bienfaits que Dieu répand sur eux sans interruption ! Quelques-uns lui disent un merci quelconque, bien froid, mais de la correspondance à ses grâces, ils n'ont cure !

Vous devez donc encore correspondre à l'Amour pour réparer l'ingratitude de ceux qui ne le font pas, et consoler ainsi le Cœur Divin. Jésus veut vivre en vous, qu'il y trouve tout ce qu'il cherche, puisqu'il ne le trouve pas dans les autres ! Correspondez donc à l'Amour, à tout ce qu'il a fait pour vous, par tout ce que vous pouvez faire pour Lui, en votre nom et au nom des autres.

Soyez la consolation de l'Amour Incarné, comme Lui, Iésus, a été et reste éternelle- ment la joie de son Père.

Prière

O Dieu, daignez faire connaître aux âmes la douleur de votre Cœur pour le peu d'empressement qu'elles apportent à répondre à vos bienfaits, - que chacune d'elles se décide enfin à Vous donner la consolation qui vous est due. Tournez particulièrement vos regards sur les âmes que Vous appelez à l'Apostolat intérieur, faites-leur comprendre votre tristesse et vos désirs et Vous recevrez de leur piété le réconfort que Vous attendez.

Deuxième point

Le devoir de la correspondance, bien entendu et bien pratiqué, comprend tous les autres pour une âme aimante qui vit d'amour et dans l'Amour !

Il comprend celui d'adorer et d'aimer l'Amour ; il comprend celui de réparer, de demander, d'implorer, de supplier avec Lui pour les intérêts de sa gloire ; il comprend celui de l'union intime avec Lui, union de cœur, union de vie, union d'action Si votre correspondance est sincère, constante, universelle, inébranlable, tous ces devoirs seront remplis quand il faudra et comme il faudra, pour la consolation et le réconfort du Cœur très aimant de Iésus qui mettra ses complaisances en votre amoureuse fidélité.

Mais Il est un devoir qui prime les autres et qui est d'une absolue nécessité pour l'accomplissement de tous les autres : c'est l'oubli.

Regardez l'Amour ; faites tout ce qu'Il vous dit ; quand il Lui plait d'agir Lui-même, tenez-vous tranquille dans l'admiration ; suivez-Le partout où Il veut, en tout.

Vous Lui avez livré votre vie pour qu'il en fasse ce qu'Il veut : réjouissez-vous quand Il vous serre sur son Cœur, quand Il vous unit plus intimement à Lui ; réjouissez-vous aussi quand Il vous laisse seule. Que sa vie se déroule en vous comme il Lui plaît ; Il est le Maître. Vous vous êtes donnée, vous vous êtes livrée à Lui pour être sa coopératrice laissez-Le faire en vous son Oeuvre. C 'est 1' exemple que nous donne la Très Sainte Humanité de Jésus : Elle laissa faire le Verbe en Elle, et Il y fit tout ce qu'Il voulut. Faites de même, accomplissez la volonté du Père, et ne pensez à rien autre !

Prière

O Père Eternel, daignez imprimer forte- ment en nos pauvres âmes le sentiment du devoir, de ce devoir qui consiste à accomplir toujours votre Volonté. Donnez-moi de préférer la mort à tout manquement coupable.

Et Vous, Amour Incarné, ne laissez jamais d'accomplir en moi votre oeuvre.

Divin Esprit, rendez-moi toujours plus docile, plus soumise, plus prompte à accomplir en tout temps la volonté de Dieu ! Qu'elle soit ma nourriture.

Troisième méditation : Entrez, l'Amour vous ouvre ses parvis.

Premier point

Un instant tout d'abord de réflexion : à entendre les devoirs que vous impose la vie nouvelle où vous entrez, la nature, sans doute, n'a pu se défendre en vous d'un peu de dégoût. La nature aime la liberté : tout ce qui sent l'assujettissement, même de très loin, lui est un désagrément ; et comme il n'y a genre de vie qui ne comporte ses devoirs, il n'est genre de vie si irréprochable qu’il soit, qui ne rencontre l’opposition de la nature. Mais gardez-vous d'y prêter attention, jusqu'ici l'Amour a tout fait pour vous ; soyez sûre qu'il continuera son Oeuvre jusqu'à la fin, jusqu'à la consommation du sacrifice, jusqu'à l'immolation complète de la victime, jusqu'à ce que vous soyez devenue le froment mûr et nourri, la fine fleur de farine prête à se laisser transformer par l'eau et le feu et à devenir l'Eucharistie de Jésus.

Jésus vous ouvre son Cœur : entrez donc en Lui, l'Amour vous attend : déjà Il vous embrasse, Il vous donne son baiser, Il vous attire à Lui et vous serre sur son Cœur dans le transport de sa joie, dans le transport de son amour pour vous. Et vous constatez, vous, et vous éprouvez combien l'Amour est aimable. Oui, laissez-vous caresser, jouissez du contentement de votre Bien-Aimé, reposez-vous un instant sur son Cœur Divin, goûtez les chastes douceurs, les joies ineffables, le contentement mystérieux de l'Amour, Maître enfin de sa pauvre petite créature.

Après vous être arrêtée à savourer la douceur et l'amour de ses embrassements, arrêtez-vous encore et écoutez sa parole éternelle. Rappelez-vous que Celui qui vous parle est le Verbe du Père, l'éternelle Sagesse. Heureux enfin de régner en Maître sur vous, Il vous fait entendre la voix de son allégresse et de son triomphe :

" O ma fille, ma bien-Aimée, enfin j'ai le bonheur de vous serrer contre mon Cœur divin, tout palpitant d'amour pour vous. Par- fois déjà, j'ai voulu vous révéler ses battements d'amour, mais Jamais vous ne les avez éprouvés d'aussi près qu'aujourd'hui. Enfin, j'ai le bonheur d'étreindre cette fille très aimée contre mon Cœur très aimant ; j'ai le bonheur de vous dire que Je vous aime d'un amour dont l'immensité dépasse toute intelligence et toute imagination. Enfin, je puis vous donner cette joie ineffable de vous dire que je suis content de vous, que désormais Je pourrai vivre en vous, et vous en moi. Votre cœur est bouleversé à la pensée de mon amour pour vous, de ma bonté divine ; mais je vous préviens que jamais vous n'arriverez à exprimer comme vous le voudriez l'immensité de cet amour et de cette bonté ; contentez-vous de dire : ils sont infinis. Voyez, votre Dieu Lui-même semble ne goûter d'autre félicité que celle de vous avoir trouvée, que celle de votre entrée, libre et sans réserve, dans son Cœur Divin. Que pensez-vous, ô ma Fille bien- Aimée, que dites-vous de cette joie procurée à votre Dieu ? Ne vaut-elle pas la peine qu'elle a coûtée ?

Prière

O Dieu, ô mon Unique Amour, laissez- moi me perdre en Vous. Absorbez cette pauvre créature, absorbez-la sans réserve ! O Dieu, ô Amour, que je suis heureuse ! Que votre volonté soit faite, qu'elle soit faite toujours ! Daignez faire que je ne puisse plus jamais me séparer de Vous.

0 Amour Eternel, je Vous appartiens. O Dieu, pourquoi ne Vous ai-je pas connu plus tôt ? Pourquoi, ô Dieu, ne Vous ai-je pas écouté ? Je voudrais trouver des paroles pour exprimer votre félicité et la mienne, mais je ne sais pas les trouver. Quelle parole en serait capable ? Je me tairai donc et Je m'abandonnerai à cette immensité de joie qui m'environne. Je vous dirai seulement cette prière, dans l'intimité et le secret, cette prière d'amour : " O Dieu, daignez appeler à l'union dont Vous m'avez favorisée d'autres âmes, une foule d'autres âmes, pour que sans cesse Vous retrouviez le même bonheur, qui fut le vôtre, quand Vous eûtes la bonté de Vous unir à moi, à ma grande misère ! "

Deuxième point

Maintenant je vois, en vérité, que vos délices sont d’être avec les enfants des hommes. Maintenant je comprends l'immense douleur que Vous cause l'abandon des Ames, de ces Ames surtout qui sont entrées en union plus étroite d'amour avec Vous. Je comprends votre plainte douloureuse : "J'ai cherché des consolateurs et je n'en ai point trouvé : ! " Votre seule consolation est d'étreindre vos enfants sur votre Cœur très aimant, d'unir aux vôtres les battements d'amour de leur cœur, de vivre avec eux d'une même vie, et d'être en un mot mieux compris, mieux aimé en retour pour votre immense amour. Il n'y a point pour Vous sur terre d'autres consolations.

Ames très chères, écoutez les gémissements de l'Amour ; voyez combien Il souffre de votre éloignement ; écoutez la douceur enivrante de cette voix qui vous appelle, écoutez-Le qui vous conjure de revenir entre ses bras paternels, de vous laisser étreindre sur son Cœur très aimant, sur son Cœur passionné d'amour. Venez toutes : Il vous attend, retournez à votre Père, le plus tendre des Pères ; Jetez-vous dans les bras de votre Epoux, le plus aimant des Epoux ; consolez votre Ami, le plus fidèle des amis ; laissez-vous prendre, laissez-vous porter, pauvre brebis perdue, qu'il a retrouvée, sur les épaules de votre Bon Pasteur. Venez toutes, vous qui avez besoin d'être réconfortées. Venez, Il tient prêt le remède salutaire qui remplit l'âme de paix et de force et qui soulage tous les besoins. Mais il faut que vous veniez, il faut que vous vous jetiez à ses pieds, que vous vous abandonniez à Lui.

Par-dessus tout, âme idole, vous qu'il a appelée à sa vie d'Apostolat intime et caché, donnez-vous à Lui, donnez-vous à Lui sans restriction ni réserve, cessez toute résistance à ses plaintes douloureuses, abandonnez- vous entre ses bras, et son bonheur sera indescriptible, et ce bonheur, vous le partagerez vous-même, dès que vous aurez pris la détermination définitive de vous livrer sans retour ; alors vous recevrez l'embrassement des fiançailles divines, de l'entrée en la vie intime de Jésus, dans le sanctuaire mystérieux de son Cœur adorable.

Prière

O Amour, je voudrais que toutes les Ames puissent goûter cette félicité qui est comme un avant-goût de l'embrassement éternel. De cet embrassement dont Vous favorisez l'âme qui entre avec Vous dans la gloire. Ici, c'est l'union qui commence, là, c'est l'Union qui s'achève - mais c'est toujours l'Union à l'Amour Eternel.

O Eternelle Charité, Amour Infini du Père, du Fils et du Saint-Esprit, daignez attirer à Vous, unir à Vous, lier à Vous par le même lien d'amour, toutes les Ames ; rendez-les toutes heureuses de la même félicité sur cette terre, pour les réunir éternellement là-haut dans le Ciel, où, grâce à votre miséricordieuse bonté, éternellement nous vous louerons, éternellement nous chanterons vos gloires et vos triomphes.

Grâces vous soient rendues ! Je suis avec Vous, mon Amour, je ne veux plus me séparer de Vous. O Dieu, quel bonheur m'apporte cette union ! C'est le Paradis sur terre ! Est-il possible que Vous aimiez ainsi les pauvres misérables créatures que nous sommes !

Je Vous aime, je Vous aime, je Vous aime.

AVERTISSEMENT

Jusqu'ici, Ame chrétienne, l'Amour n'a cessé de vous entourer. C'est Lui qui a été le principe de vos oeuvres, c'est sous son impulsion, c'est sous son excitation adorable que vous avez marché. C'est pourtant vous qui continuiez d'agir sous sa divine impulsion, sauf en des cas très particuliers où Il faisait tout sans vous. Maintenant, au contraire, maintenant que vous êtes unie à Lui, non seulement vous vivez et agissez sous son impulsion, et sous l'impulsion de sa grâce, mais c'est avec Lui que vous agirez et que vous vivrez, Il vivra et Il agira avec vous : admirable et mystérieuse collaboration, imitant celle de Jésus avec sa Très Sainte Humanité, durant tout le temps qu'Il passa sur la terre, et qui vous amènera un Jour à la transformation complète en l'Amour.

Il est de toute nécessité pour l'Ame de revenir sans cesse à ces considérations Son regard d'amour, tout faible qu'il soit, se rencontre avec le regard de Dieu qui est un regard d'immense amour : ces deux regards se rencontrent et ils se comprennent. N'en est-il pas ainsi parmi les hommes ? Souvent, c'est assez d'un seul regard pour que les deux personnes qui l'ont échangé se connaissent, se comprennent, s'aiment et commencent à vivre l'une pour l'autre. Cela est encore bien plus vrai de Dieu et des âmes intérieures.

Le regard de l'âme doit être, en effet, un regard intérieur. Car s'il s'arrêtait à l'extérieur, ce serait comme de s'arrêter aux apparences eucharistiques : on voit une petite hostie toute blanche, sans vie, rien d'autre ; mais si c'est avec les yeux de la foi qu'on la regarde, comme elle s'anime et quelle vie admirable s'y révèle ! Ainsi de la vie cachée de Jésus : si vous la regardez au dehors, sans pénétrer dans l'intime de son amour, son Humanité vous apparaît, oui, mais vous ne voyez rien de plus, et sa vie vous semble une vie comme toutes les autres. Si, au contraire, votre regard se fixe dans le regard de son Amour, si vous entrez dans le sanctuaire intime de son Cœur Très Saint, ah ! quelle fécondité, quelle admirable fécondité de vie s'offre à vous !

Que votre méditation soit donc, âme fidèle, un regard d'amour fixant le regard de l'Amour divin, - qu'elle se développe ainsi dans la paix et la sérénité. Pénétrez en ce Cœur adorable et vous y trouverez une vie d'amour que vous ne soupçonniez même pas.

Mais, je vous le répète faites tout cela sans anxiété, que votre regard demeure toujours calme. Regardez Jésus : s'Il veut vous faire entrer en son Amour, entrez ; s'Il veut vous faire attendre, attendez paisiblement. Si l'anxiété vous saisit, c'est signe que vous ne cherchez pas la vie de pur amour, mais qu'il entre dans vos désirs un peu d'intérêt personnel ou d'amour-propre. La paix, le calme, la sérénité, c'est une Règle générale pour l'Ame qui se donne à l'Apostolat intérieur, quelles que soient les volontés de l'Amour.

Quand Jésus vit dans une âme, sa vie ne peut manquer de transparaître au dehors, sa vie, c'est-à-dire ses oeuvres ! Ce besoin de conserver toujours une égalité douce, calme, sereine d'attitude, est une marque de vocation à la vie et à l'Apostolat intérieurs.

Quatrième méditation : Vivez avec l'Amour

Premier point

Vous êtes arrivée, âme bénie, à la réalisation de vos désirs, et en même temps vous avez réalisé les désirs de Jésus infiniment plus forts, infiniment plus pressants que les vôtres Il est la Vie, la vraie Vie, la Lumière éternelle, la Voie infaillible ici-bas, infaillible de l'Infaillibilité d'Amour. Il connaît tout, Il ne craint rien, I1 avance hardiment, et, sur son chemin, Il vivifie tout, Il sanctifie tout. Non seulement, Il est la vraie Vie, mais Il est la Vie même, la Vie d'où découle toute vie, la Vie éternelle : toutes ses œuvres sont des oeuvres de vie, de vie pour les âmes, même la moindre, parce que la moindre de ses oeuvres est informée et revêtue de cette vie qu'll offre au Père en réparation de tant d’œuvres de mort ! S'I1 vous a unie à Lui, c'est pour accomplir en vous des oeuvres de vie, c'est pour que vous l'aidiez dans son Apostolat intérieur ou plutôt c'est pour que Lui-même le continue en vous.

Ici, chère Ame, vous entrez dans le champ clos, universellement redouté et presque universellement incompris : il s'agit de faire cesser autant qu'il se peut votre vie propre, votre activité propre pour faire vôtres la vie et l'activité de Jésus ! Il vous invite à vous unir à Lui, à faire avec Lui quelque acte de réparation, de mortification. En vous, l'âme obéit promptement à l'Amour, attentive qu'elle est toujours à deviner ses désirs adorables pour les réaliser. Mais la nature vit encore au fond de vous-même ; si elle est mortifiée, elle n'est pas morte, et elle ne tarde pas à faire entendre ses protestations.

N'en soyez pas victime, répliquez-lui énergiquement. Pauvre nature, direz-vous, au lieu de vous lamenter, remerciez avec moi le Seigneur, notre unique Amour, du bienfait unique, immense, dont Il nous a comblés. Remercions-Le de nous avoir unis à Lui d'une façon si spéciale et si étroite, en sorte que nous ayons l'honneur et le bon- heur d'abriter en nous l'Amour même de notre Dieu.

Au lieu donc de vous lamenter, réjouissez--vous, réjouissez-vous de votre fidélité, préparez-vous à voir, l'une après l'autre, vos inclinations s'assujettir définitivement au joug de l'Amour, ce joug que l'ennemi voudrait vous faire croire insupportable et qui est, en réalité, infiniment doux et léger.

Deuxième point

Désormais, il faut que vous ayez constamment devant les yeux la Personne adorable du Verbe Incarné, pour apprendre à agir et à souffrir comme Lui : il faut que vous deveniez un autre Jésus.

Ne croyez pas que cela vous soit difficile. Jésus n'a jamais fait de choses extraordinaires ! Ce qu'Il a fait, c'est de s'assujettir aux moindres volontés de son Père ! - Je le vois bien, ma pauvre nature, c'est là précisément ce qui vous coûte : la mortification, cette absolue mortification dans les plus petites choses, dans toutes les petites charges. Mais ce qui est fait est fait : nous nous sommes données, et je veux que ce soit pour toujours.

Songez aux mérites que Notre-seigneur peut acquérir en vous, si vous apportez une continuelle attention à collaborer avec Lui, ou à Le laisser agir à sa guise, si vous renoncez à toutes ces petites satisfactions qui, en fin de compte, ne vous sont pas d'un si grand réconfort, mais au contraire, ne font de bien ni à vous, ni à moi, puisque, en cas de défaillance, j'en ai tout le remords et vous toute la peine ! Songez, ma pauvre nature, songez je vous le répète, aux mérites que Jésus veut acquérir en vous ; songez à cette union, à cette transformation merveilleuse qu'Il rêve pour vous. Vous verrez : c'est l'Amour qui fera tout, et Il vous sera plus doux que vous ne croyez ! L'ennemi voudrait vous faire peur, ne l'écoutez pas.

L'Amour vous aime : pour qui comprend ces simples paroles, c'est assez. Il est sûr que grâces et forces ne lui manqueront pas, et que l'Amour les lui donnera, grandes ou petites, suivant que grands ou petits seront ses besoins.

Ne craignons pas : en avant, en avant toujours, en union avec l'Amour !

Prière

O Père Eternel, donnez-moi d'imiter Jésus votre Fils et mon unique Amour, dans son total assujettissement ! O mon Jésus, il me semble désormais que je puis vous dire avec plus de vérité : " Vous êtes mien, Vous m'appartenez ! " puisque Vous êtes en moi et que je suis en Vous. Daignez continuer votre oeuvre et faire de moi ce qu'il Vous plaît. Jésus, je vous en prie. Esprit Saint perfectionnez toujours plus en votre pauvre créature votre oeuvre divine.

Rendez-moi docile comme un enfant à vos inspirations, pardonnez-moi mes résistances.

Septième Jour

Première méditation : Les Voies admirables de l'Amour

Premier point

L'Amour a donc uni l'âme à Lui-même, Il l'a fait entrer dans le sanctuaire intime de son Cœur Très Saint.

C'est une union d'amour ; union d'âme à âme, de cœur à cœur de vie à vie ; union qui met l'âme dans l'obligation d'agir avec Jésus, de la manière, si l'on veut, dont chaque partie du corps humain agit avec l'autre.

Voyez : si l'âme se sépare du corps, le corps reste mort, il est incapable d'opération vivante, car ce qui donne la vie, c'est l'âme.

Ainsi en est-il, comme nous l'avons vu, de notre union avec l'Amour. Vous êtes, pour ainsi dire, le corps dans lequel Jésus, qui est, pour ainsi dire, l'âme, veut continuer sa vie d'amour ! Si donc vous voulez faire oeuvre divine, comme c'est sa Volonté à Lui, il faut que vous travailliez avec Lui, il faut que vous Le laissiez vivifier toutes vos oeuvres, il faut qu'Il les anime de sa vie divine, il faut que vous n'entraviez en rien son action !

Jésus est la Sagesse Eternelle descendue sur la terre, Il sait les Oeuvres que vous devez accomplir avec Lui. Que votre amour vous tienne unie à Lui par le regard intime de l'âme ! Que votre pensée ne s'éloigne jamais de Lui : conformez au contraire et identifiez vos pensées à ses pensées, vos intérêts à ses intérêts qui sont la gloire de Dieu et le salut des Ames. C'est, en effet, pour le salut des Ames et leur rédemption qu'il a contracté avec vous cette union d'amour si sublime et si étroite, vous l'avez vu qu'elle ne peut se comparer qu'à l'union de l'âme et du corps.

Deuxième point

L'âme est au corps comme le corps est à l'âme, et l'âme s'étend à toutes les parties du corps. Ainsi vous êtes à Jésus comme Jésus est à vous, et Jésus étend son influence vivifiante à votre âme toute entière. Il n'y a qu'une différence, c'est que vous êtes libre et que vous pouvez user de votre liberté pour vous séparer de l'Amour. Vous avez aussi des passions, des inclinations ; bref, vous avez la nature qui peut et pourra toujours, s'il lui plaît, s'opposer à l'union et la briser, cette union admirable qui la fait si grande ! Car l'Amour Lui-même ne peut rien faire de plus grand dans l'âme que de l'associer à sa vie divine qui est la Complaisance du Père Eternel, l'Admiration du Ciel tout entier et la Source de la vie éternelle pour la pauvre humanité. Pauvre humanité dégradée, misérablement perdue pour toujours si l'Auteur lui-même de la vie n'avait eu pitié de sa misère, et ne s'était incarné pour la réhabiliter et lui infuser une vie nouvelle, la seule vraie vie. Considérez la misère extrême de l'humanité, mais considérez-la avec le regard de l'Amour, avec le regard de Jésus. Voyez quelle misère, et combien elle est immense, et comme elle est universelle ! Dites-moi, si par impossible l'Humanité de Jésus, toute unie qu'elle fût au Verbe Eternel, n'avait pas reçu de Lui la vie divine, si par impossible Elle n'avait pas été fidèle comme Elle l'a été à vivre avec Lui, dites-moi, qu'en serait-il advenu de notre pauvre et misérable humanité ? Mais le Verbe s'est uni à Elle, et Elle a laissé le Verbe accomplir en Elle son Oeuvre rédemptrice.

A votre tour, âme très chère, répondez au choix que Dieu a fait de vous : Il veut que vous restiez unie à Lui, Il veut que vous travailliez avec Lui à l’œuvre de Rédemption qu'Il a résolu d'accomplir en vous.

La nature, je le répète, cherchera encore à vous détourner de votre entreprise, surtout dans les commencements. Mais elle est avertie de votre décision : cela suffit, ne l'écoutez plus, laissez-la souffrir et gémir un peu, elle le mérite. Elle vous tourmentera quelque temps, puis elle se calmera, et alors vous pourrez vous livrer paisiblement à la vie d'union, et donner à Jésus le bonheur de continuer en vous sa Vie d'Amour.

Prière

O Dieu, j'admire vos voies et je reste confondue à la vue de tant de faveurs, et si grandes, dont il Vous a plu, malgré ma misère, de me combler. Faites au moins que je corresponde le moins indignement possible à tant d'amour ! O Esprit Saint, lien d'Amour entre le Père et le Fils, soyez aussi le lien d'amour entre Jésus et moi, et faites qu'unie à Lui je devienne, avec Lui, la complaisance du Père Eternel !

Deuxième méditation : Suivez l'Amour

Premier point

L'Amour est venu sur la terre, Il a pris un corps et une âme, Il a vécu et Il est mort pour les âmes, Il est mort sur une croix. Il vous a appelée, Il vous a préparée, Il s'est uni à vous pour continuer en vous sa vie sur terre et continuer la Rédemption. Il vous a appelée, Il vous a préparée, l'heure est venue de travailler, de travailler avec Lui à cet apostolat intime et caché, mais qui aura la fécondité même de l'Apostolat de Jésus, Verbe Incarné, parce que vous travaillez avec Lui, et Il travaille avec vous.

Il est venu pour réparer, pour restaurer, pour rétablir les Ames que le péché a dégradées, et Il ne cesse d'offrir à son Père pour la nature humaine révoltée, cette infinie réparation. Le péché avait tourné la création toute entière contre le Créateur ; Jésus, par son Oeuvre réparatrice, réhabilite l'homme et obtient qu'il se soumette de nouveau à 1'autorité divine. L'homme par son péché avait dit : " Je veux être semblable à Dieu ! "

Dieu réalise ce désir de l'homme : Il envoie au monde son Verbe pour que l'homme puisse connaître plus intimement son Dieu, pour qu'il ait un exemple et un modèle, et qu'il puisse ainsi devenir semblable à Lui.

Voilà le Modèle, l'Exemplaire : faites ce qu'Il a fait, imitez-Le et vous deviendrez semblable à Lui, sinon au Dieu très grand, immense, et éternel, au moins au Dieu Incarné, petit, pauvre et faible comme vous, au Dieu méconnu, méprisé, calomnié, abreuve d'opprobres. Au Dieu qui, pour vous rendre semblable à Lui, pour vous diviniser, se revêt de votre nature, accepte de vivre, comme vous la vivez, votre vie mortelle. La vivre pourtant sans l'avilir comme vous l'avilissez, vous, car Il divinise tout, Il relève tout, jusqu'à l'union avec le Père céleste, par la perfection toute divine avec laquelle Il agit. Devenez donc semblable à Dieu, vous avez le modèle : copiez-Le et vous serez heureuse.

Malheureusement, les désirs humains ne vont guère à ce Modèle divin. L'homme vise à devenir grand, le Modèle l'incline à se faire petit, petit. L'homme recherche les plaisirs et les satisfactions de la vie ; le Modèle qui lui est proposé est la mortification même, l'exemple de toutes les privations. L'homme court après les richesses, Il veut dominer et commander partout : le Modèle est pauvre et soumis, c'est la pauvreté même, la pauvreté la plus absolue, la pauvreté la plus méprisée.

Comment donc suivre l'invitation qu'Il vous adresse : " Suivez l'exemple que je vous ai donné ? " Hélas ! le monde ne comprend pas le " don merveilleux du Père Céleste, il ne le comprend pas, il n'y répond pas. " Les hommes veulent être semblables à Dieu, mais à leur manière. Il ne leur va pas de marcher sur les traces humbles et discrètes du Modèle divin, il ne leur va pas de faire les Oeuvres que Jésus a faites. Il ne leur va pas de s'abaisser et de se mortifier, et, pour eux, c'est s'avilir que de vivre une vie pauvre et humble.

Et pendant ce temps-là, Jésus, Dieu incarné, reste presque tout seul pour manifester sa vie au monde : bien rares sont ceux qui Le suivent, et Il souffre de cet abandon, Il pleure, Il gémit devant le Père du malheur de ces frères égarés qui ne font rien pour répondre à son éternel Amour. Il prie pour eux, et il fait, Lui, ce qu'eux omettent de faire. IL s'attache plus étroite- ment à sa vie mortifiée, humble, cachée, pauvre, méprisée du monde, mais infiniment appréciée de son Père.

Deuxième point

En cette immense amertume, Jésus tourne son regard vers les âmes, son regard chargé de tristesse et qui leur demande s'il n'y en aura pas quelqu'un parmi elles qui consentira à unir sa vie à la sienne, à Lui tenir compagnie, à Lui venir en aide dans l’œuvre du salut des âmes. Non qu'il en ait besoin, car ses mérites sont infinis ; mais parce que la coopération des âmes est nécessaire pour l'application et l'utilisation de ces mérites infinis. Et voilà que, vous laissant fasciner par ce regard chargé d'amour et de tristesse, par ce regard qui vous interroge et qui vous dit : " Ne voulez-vous pas vous mettre au travers de moi pour me garder de ces flèches qui m'assaillent continuellement ? Ne voulez-vous pas les empêcher de me frapper, de me blesser ? " Voilà que, aidée de la grâce, bouleversée, malgré le peu de chose que vous êtes, malgré votre misère, vous n'avez pu résister et vous vous êtes écriée : " Oui, je le veux ! " Alors, Jésus vous a montré sa propre vie, Il vous a révélé à quelle mortification de toutes vos inclinations, de toutes vos passions, de toutes vos tendances, de toutes vos satisfactions, jusqu’aux moindres, à quelle mortification de tout vous-même il faudrait vous soumettre pour l’œuvre réparatrice. Vous avez tout compris, et cependant vous avez répété : " Oui, je le veux ! " Et vous êtes restée ferme en votre résolution et jamais vous ne vous en êtes écartée, même dans les peines, les doutes, les craintes, même dans les chutes ! Rendez grâces au Père, de la miséricorde dont Il a fait preuve à votre égard, en vous choisissant pour une si noble vocation, et désormais, travaillez courageusement avec Jésus, son Amour et le vôtre.

Le plaisir, la satisfaction que vous causez à l'Amour est déjà une compensation plus qu'abondante pour vos petites souffrances.

Quelle satisfaction plus vive pourrait éprouver l'âme que celle de voir l'Amour content ? C'est pourquoi, dans son union à Lui, l'âme qui aime est prête à tout donner et à tout souffrir, pourvu que Jésus soit content.

Ce bonheur de rendre Jésus heureux, ce bonheur est le vôtre, âme fidèle. Cela dit tout, n'est-ce pas ? O Dieu, ô Amour Eternel, non, vraiment, je ne puis rien désirer d'autre en cette vie que d'être unie à vous, que de vivre, de souffrir, d'aimer avec vous. C'est tout ce que je veux, c'est tout ce que j'ai désiré jusqu'ici, je n'ai jamais aspiré à autre chose, c'est là mon rêve, mon paradis sur terre, comme c'est aussi le vôtre ! O Amour, si souffrir avec vous peut se dire en vérité un Paradis, que sera-ce de jouir de Vous éternellement dans la gloire ! O mystères ineffables de ma chère Religion, combien vous êtes doux et beaux et sublimes ! que de suaves vérités enfermées en Notre obscurité !

Prière

O Père Eternel, ravivez sans cesse ma Foi, pour que ma vue se fasse toujours plus claire de vos sublimes vérités ! Fils Eternel du Père; affermissez mon Espérance.

Esprit Saint et Eternel, répandez en moi et répandez en tous les cœurs votre Charité.

Faites que nous brûlions d'amour pour vous, comme Vous brûlez d'amour pour nous.

troisième méditation : Les Fruits admirables de la vie d'amour

Premier point

Suivez l'Amour, et unie à jésus, votre vie portera des fruits admirables de Rédemption pour les âmes. Regardez les âmes, regardez-les avec le regard de Jésus. Comme elles sont belles et précieuses ! Elles méritent tout votre amour, car Jésus, votre Amour, les aime d'un amour infini. Si elles n'avaient été d'une excellence pour ainsi dire infinie, eût-ce été la peine que Jésus fit pour elles tout ce qu'Il a fait ? Certes, cette excellence ne leur convient pas en elles-mêmes, mais elles la tiennent de la ressemblance de Dieu qu'elles portent imprimée sur leur front. C'est à cause de cette ressemblance que la Sagesse Infinie a voulu les réhabiliter, et leur rendre à nouveau possible l'Union divine. Le Verbe ne pouvait supporter que, créée pour une si éminente félicité, l'âme fut frappée d'un châtiment éternel, d'un châtiment infini ! L'amour aimait à l'excès sa créature et Il a révélé l'excès de son Amour quand, venant au monde, Il a choisi une vie aussi crucifiée que la sienne.

Voici donc : le Verbe aime le Père d'un amour infini, le Verbe voit dans les âmes la ressemblance du Père et, à cause de cela, le Verbe aime les âmes. Il les aime uniquement à cause de cette ressemblance, parce que seule cette ressemblance les fait grandes. Il voit le désir du Père qui est de racheter ces pauvres âmes : et, aussitôt, Il contente cet adorable désir. C'est l'Amour qui fait tout en Lui, l'Amour du Père et, pour l'amour du Père, l'Amour des Ames.

Vous aimez l'Amour, l'Amour aime les Ames. L'Amour infiniment tendre que Iésus porte aux âmes vous porte à votre tour à les aimer, parce que c'est son désir que vous les aimiez avec Lui. Et c'est là, précisément, ce qui vous fait dire : " Oui, Jésus, je veux m'offrir avec Vous, hostie vivante, victime immolée, victime sacrifiée pour les âmes. Je veux vous aider à les sauver ; je veux vous donner la consolation de vous en ramener au moins quelques-unes".

Deuxième point

L'Amour de Jésus en vous, c'est encore l'Amour du Père en Jésus ; l'Amour qui fut le principe et la vie de l’œuvre de la Rédemption, cet Amour qui naît de dieu, se répand, puis retourne à Dieu sa première cause ! Regardez l'Amour, comme Il réunit tout en Lui-même comme Il sanctifie tout, comme Il purifie tout et cela pour une fin unique : la Gloire du Père, qui explique toute l’œuvre de la Rédemption. Et maintenant, portez vos regards sur vous-même : séparée de l'Amour, vous êtes un pauvre petit rien ; unie à Lui, voyez quel bien vous pouvez faire, dans l'ordre de votre propre salut comme du salut des âmes, comme de la gloire de Dieu ; unie à Lui, vous êtes la consolation de la Très Sainte Trinité qui, rencontrant tant d'âmes Infidèles, se console avec celles qui ont assez de confiance pour se jeter en ses bras. La Sainte Trinité met en vous sa complaisance, parce qu'en outre vous acceptez d'être unie à son Oeuvre rédemptrice ; vous donnez à Jésus le réconfort d'avoir une coopératrice de plus, et vous réjouissez pareillement l'Esprit Saint, en le récompensant de sa continuelle assistance. Vous êtes ensuite la consolation de la Sainte Eglise, parce que vous l'aidez à réunir en sa bergerie les brebis errantes, et vous répondez à son désir qui est de voir des ouvriers dans la vigne du Seigneur.

Vous êtes le réconfort et la félicité des âmes. Voilà une pauvre âme qui s'en allait sur la voie de perdition : Dieu l'arrête, Il l'entoure de sa miséricorde, Il opère sa conversion, elle meurt dans sa bienheureuse grâce ! Quelle félicité pour elle, quand le Ciel s'ouvre sous ses pas. Et elle pensera : " Il aurait été éternellement perdu pour moi ce séjour bienheureux, si les sacrifices de quelque âme cachée ne m'avaient obtenu miséricorde. " Elle voit, elle voit alors clairement que son salut elle le doit à une âme aimante, qui s'est offerte avec Jésus pour les pécheurs et dont les mérites lui ont été appliqués.

Ainsi les Ames elles-mêmes reçoivent de vous le réconfort et le bonheur. Dites-moi : n'est-ce pas une folie, par peur de souffrances si légères et si courtes, de renoncer à de si grands biens ? Ame très chère, aimez donc comme aime Jésus, souffrez comme souffre l'Amour, immolez-vous comme Lui joyeusement, continuellement ; ne trouvez jamais trop long le temps que Jésus choisit pour vous favoriser de son plus cher régal, la souffrance, la souffrance quelle qu'elle soit. C'est par cette souffrance que Iésus voit se réaliser ses désirs ardents, c'est par elle que vous devenez toujours plus semblable à votre Dieu, au Dieu aimant, au Dieu anéanti, au Dieu plongé dans l'Océan le plus amer des souffrances les plus poignantes. C'est la souffrance qui vous méritera, de sa part, une complaisance sans cesse grandissante ; c'est elle qui l'amènera à intensifier en vous l'union divine, la vie d'amour. Plus vous apporterez de fidélité à imiter son absolue et universelle immolation, plus Il se plaira à grandir en vous-même, et plus Il apportera d'amour à préparer votre complète transformation Eucharistique. Collaborez fidèlement avec l'Amour, veillez à Lui épargner le moindre déplaisir, obtenez qu'il daigne un peu soulever ce voile d'infinie tristesse dont vous le voyez couvert. Trop d'âmes déjà ne craignent pas de le contrister. Vous, du moins, soulagez son Cœur Divin, essuyez ses larmes en les tirant au Père Céleste ; soyez pour Lui la plus pieuse des enfants, la plus aimante des épouses, l'amie la plus fidèle.

Non, ô mon Amour, je ne vous ferai plus souffrir. Je l'ai fait assez jusqu'ici, je veux désormais sans cesse vous réconforter, je veux être votre consolation. O Dieu, ô Amour, quel bonheur d'être avec Vous ! Ames aimées de Dieu, âmes aimées d'un amour éternel et infini, considérez quelle souffrance cause à votre Dieu votre refus d'entrer en son Cœur adorable ; savourez l'amertume qu'apporte à son Amour l'infidélité de vos âmes. Venez, venez toutes, et voyez quel immense bonheur est le sien, quand Il peut vous faire rentrer en grâce et en paix près de son Père, quand il Lui est donné de contempler en vos cœurs, purs de toute tache, son image très Sainte.

Vous surtout, Ames qu'Il appelle à Le suivre dans son Apostolat intérieur et caché, cessez vos résistances, venez à Lui, unisse- vous à son Cœur très aimant, à son Cœur agonisant d'amour et du désir de sauver le monde, de réunir toutes les âmes en son pacifique bercail d'amour. Quand donc donnerons-nous à l'Amour la consolation de présenter à son Père toutes ses brebis, unies en l'Amour Incarné ? C'est à vous, chères Ames, qu'il appartient d'en hâter le jour : à l’œuvre donc avec Jésus ! C'est le devoir. O Dieu, qu'il vienne promptement ce jour heureux !

Prière

Père Eternel, qui êtes avec le Fils et le Saint-Esprit l'Amour même, l'Amour unique et subsistant, daignez accepter, en union avec les mérites de Jésus, le tribut de peine et d'immolation que vous présente votre petite légion d'âmes élues, pour hâter l'heure de votre Règne Pacifique en ce monde.

Quatrième méditation : on ne répond pas à l'Amour

Premier point

Vous avez donc compris, Ame fidèle, l'étendue de ce bonheur qui consiste à suivre l'Amour et à collaborer avec Lui ! Bonheur pour vous, bonheur plus encore pour l'Amour Lui-même qui, de toute éternité, a voulu cette union et, de toute éternité, disposait pour vous les grâces et les secours nécessaires à vos besoins.

Amoureuse Providence de Dieu ! Quelle joie pour un père, s'il pouvait prévoir les besoins de ses enfants et disposer à l'avance tout ce qu'il leur faut ! Mais si, dans la suite, après tant d'amoureuse et bienfaisante prévoyance, si les enfants venaient à faire fi des bienfaits qu'ils reçoivent, vous pouvez imaginer la douleur du Père, d'un père ainsi frustré dans ses plus chères affections ! Et que peuvent alors ces malheureux enfants, sinon reconnaître leur faute et leur folie, sinon se résigner à la misère qui en est la conséquence.

Mais le Père, lui, malgré cette noire ingratitude, le Père les porte toujours dans son Cœur, leur nom est sans cesse sur ses lèvres, Il ne pense qu'à eux, qu'à les consoler, qu'à soulager, s'il le pouvait, la misère à laquelle ils se sont réduits par leur faute ; et sa peine ne connaît aucun adoucissement, tant que l'un de ces malheureux ne ressuscite, tant que l'un d'eux ne revienne vivre à ses côtés. Alors seulement, Il commence à goûter un peu de joie, la vie lui semble moins dure, il voit près de lui quelqu'un qu'il aime et pour qui Il a beaucoup souffert, et, tout de suite, Il se prend à chercher si l'on ne pourrait pas persuader aux autres de revenir pareillement. Et le fils prodigue, admis à nouveau dans l'intimité familiale, commence de son côté à comprendre combien il a coûté de soucis et de souffrances à ce père qui l'aime tant, et Il se met enfin en devoir de rendre amour pour amour. Il n'est chose qu'il ne voudrait faire pour consoler son père, pour le soulager, pour le réjouir ; en toute rencontre, il le prévient de ses soins ; il soufre avec lui et pour lui de l'éloignement de ses frères. " Père, lui dit-il, je veux être en tout votre réconfort, nous souffrirons ensemble, je ne vous abandonnerai plus un seul instant, vous avez déjà trop souffert, c'est moi désormais qui dois souffrir et qui souffrirai, même pour vous.

De toute manière je me sacrifierai, et ne me lasserai point tant que je n'aurai la consolation et la Joie de vous voir content, entouré de vos fils revenus tous au foyer.

Oui, je veux vous donner cette joie ! " Et il fait ce qu'il dit, sans relâche, sans délai, sans regarder à la difficulté ni à quoi que ce soit. Ainsi parle, ainsi agit l'âme aimante quand elle a connu l'Amour.

Deuxième point

Mais à mesure qu'elle avance dans la vie d'union, en même temps que dans l'immolation continuelle de soi, l'Ame fidèle saisit plus clairement encore l'impression douloureuse gravée au Cœur très aimant de son Jésus. Frappée de cette impression elle veut pénétrer plus avant dans l'intimité de ce Cœur Divin, elle veut comprendre ce qu'elle voit pour savoir si elle ne pourrait pas encore plus parfaitement, encore et plus efficacement consoler son cher Amour.

Désormais tout lui est étranger, ce qu'elle désire et ce qui lui suffit, c'est seulement de voir soulevé ce voile d'infinie tristesse qui cache le visage de son Bien-Aimé. Elle s'approche et fixant sur Lui son regard : " Mon amour, s'écrie-t-elle, qu'avez-vous ? Quelle est cette douloureuse impression que j'aperçois au fond de votre Cœur ? Dites-le moi bien, ô mon Bien-Aimé, je veux la dissiper, je veux Vous consoler, je veux voir au fond de votre Cœur, aussi bien que sur votre Visage divin, je veux voir rayonner l'allégresse. " - " Oui, ma bien-aimée, je vous le dirai.

A vous qui m'êtes chère, à vous que j'aime d'un Amour Unique, je veux découvrir mon intime douleur, la plus profonde des douleurs. Laissez que je vous dise, ma bien aimée, voyez : tout péché me cause une souffrance extrême ; cependant, quand il vient d'âmes ordinaires, j'éprouve surtout de la compassion, elles sont tellement plongées dans les choses créées, et puis, bien qu'elles aient toutes reçu des grâces plus que suffisantes pour leur salut éternel, elles n'ont pas été comblées comme d'autres ! Mais, ô ma fille, ô mon doux réconfort - et remarquez que ce sont là les paroles d'un Dieu, de votre Dieu, de votre Amour, ô ma fille, il est des Ames prévenues d'une infinité de grâces, des Ames qui me sont unies par les liens les plus étroits, des Ames qui me sont consacrées - et pourtant qui n'ont cure de mes grâces, et qui négligent de répondre à mon Amour, à l'Amour immense, infini, que je leur porte ; qui, au lieu de penser à moi, leur Amour, ne s'occupent que d'elles-mêmes, et de bagatelles.

Celles-là me blessent au plus intime de moi- même, celles-là causent à mon Cœur très aimant la plus pénétrante des douleurs, une douleur qui l'inonde tout entier. Si elles étaient fidèles, Je pourrais me prévaloir d'elles auprès des Ames. Au contraire, elles gaspillent en pure perte mes mérites et je ne puis leur demander aucun service.

La blessure que j'en ressens est si profonde que vous pouvez à peine la pénétrer.

Regardez-la : il n'est pas de douleur pareille pour mon Cœur très aimant. " O Amour, je ne pourrai donc Vous consoler ! Je le veux pourtant. Dites-moi ce que je dois faire. Votre amour est infini ; Il pourra donc trouver, Il pourra donc me suggérer un remède à votre douleur. Au moins laissez-moi souffrir avec Vous. Imprimez dans mon cour, en l'unissant au vôtre, la même pénétrante douleur. Puisque Je ne puis rien d'autre, Je ferai mienne votre souffrance, et Je l'offrirai à notre Père des Cieux, pour qu'Il daigne en la considérant répandre sur ces âmes bien-aimées des grâces de repentir et de résurrection. Alors elles reviendront à votre Cœur, et, voyant la douloureuse blessure qu'elles y ont elles-mêmes creusée, elles commenceront à Vous mieux connaître et à vous mieux aimer, et à déplorer leur immense folie. Alors elles se donneront à Vous, ô Eternel Amour ; et, unissant véritablement leur vie à la vôtre, elles s'imposeront, elles se sacrifieront avec Vous pour compenser les souffrances qu'elles Vous ont causées, et pour Vous ramener d'autres âmes, converties par leurs prières et leurs sacrifices. " Oui, s'écrieront-elles, maintenant que nous vous connaissons mieux, nous voulons vivre toujours avec Vous, en votre amour, nous voulons Vous consoler, nous voulons de toute manière travailler au retour de nos frères égarés. " Ainsi se comporte l'amour quand il est un amour véritable : à tout prix il veut rendre heureux celui qu'il aime.

Quant à vous, Ame tant aimée de Dieu, attachez-vous à pénétrer toujours plus avant dans le cœur de Jésus, pour disparaître enfin entièrement en Lui, afin qu'en vous il n'y ait plus que Lui à vivre.

Prière

O Amour, faites de moi ce qu'il vous plaît ! Je vous appartiens : agissez en moi, agissez à ma place ; que je meure et que Vous viviez. Je ne m'éloignerai plus jamais de Vous.

Esprit Saint, Esprit de vie et d'Amour, infusez dans les âmes votre souffle vivifiant, formez-les selon les désirs de l'amour. Attirez surtout celles qui, plus que les autres, ont le devoir de consoler l'amour, faites-en des amies fidèles, de dignes épouses. Faites que ce ne soit plus moi qui vive, mais Jésus seul en moi .

Huitième jour

Première méditation : Les opérations de l'Amour

Premier point

Considérez avec quelle douceur, avec quelle suavité, mais en même temps avec quelle force l'Amour agit sur le cœur de l'Ame fidèle.

Il l'a attirée à Lui. Elle, avec une volonté résolue, ferme, inébranlable, a décidé de Le suivre à tout prix : alors, Lui, l'Amour Eternel, Sagesse Incréée, la prend, Il l'étreint amoureusement sur sa poitrine et Il la conduit, pas à pas, vers cette perfection d'amour à laquelle son infinie bonté la destine. Doucement, comme par degrés, IL la fait passer d'un désir d'union à un autre plus ardent d'une union plus étroite, IL ne s'arrête jamais, et plus étroite se fait l'union, plus vif se fait le désir de l'âme et son besoin d'intimité avec Jésus. Que dis-je : son besoin d'intimité ? Il faut dire : son besoin de complète transformation en l'Amour.

Oui, ce qu'elle voudrait, c'est non seule- ment vivre d'amour avec Lui, mais c'est Le laisser vivre Lui seul, et vivre, elle, cachée en Lui. Elle veut mourir, pour que seul vive l'Objet de son amour, qu'elle aime plus qu'elle-même, parce qu'elle le sait digne d'un amour infini.

C'est l'amour qui suscite dans l'âme de sa bien-aimée ces immenses désirs : Il continue son oeuvre, Il la fait avancer de purification en purification vers le but sublime.

L'amour aime l'Ame jusqu'à l'excès. Il l'aime plus qu'elle n'est capable de s'aimer, et c'est Lui qui désire sa transformation complète, c'est Lui qui appelle de ses vœux l'heure où Il pourra l'étreindre dans cet embrassement unique et sublime de la transformation eucharistique. Alors l'Ame ne vit plus que par l'Amour, elle vit parce que l'Amour vit en elle ; elle est comme l'écorce qui cache au-dedans le tronc d'arbre, le tronc de l'arbre de la vie éternelle, Jésus son Amour !

Ame très chère, favorisée de la plus haute et de la plus sublime fortune, celle de posséder Dieu en cette vie comme vous le posséderez un jour dans le Ciel, hâtez- vous de répondre à l'Amour, laissez-vous aller toujours plus généreusement à la douceur et la force de ses attraits, ne craignez pas : de joie en joie, de récompense en récompense, Il vous conduira jusqu'à la plénitude de sa vie en vous !... En vérité, vous ne désirez d'autre récompense que Lui-même, n'est-ce pas ? Ou plutôt vous ne pensez aucunement à la récompense, parce que l'Amour aime pour Lui-même et uniquement par amour l'objet de ses ardeurs.

Pouvoir aimer, pouvoir souffrir pour Celui que vous aimez, voilà pour votre cœur la plus grande des récompenses. Mais parce que ceux qui s'aiment aiment à se faire mutuellement plaisir, Jésus qui est l'Amour infini veut Lui aussi vous être agréable ; et voyant qu'Il est Lui-même l'unique aspiration, l'unique désir de votre cœur, c'est Lui-même qui se donne à vous, en venant en vous vivre sa vie divine.

Deuxième point

Cependant avant de se donner, Il tient à préparer, à disposer votre chère Ame au don merveilleux qu'il lui destine, afin qu'elle soit moins indigne de Le recevoir.

Il sait que ce serait pour vous-même une véritable douleur si, à sa venue en vous, Il trouvait une âme sans préparation. Et c'est Lui qui pense à tout : Il se résigne même à vous faire souffrir quand il le faut, quitte à souffrir Lui aussi de la souffrance qu'Il vous impose. A tout prix, Il veut vous donner la douce satisfaction de Lui présenter une Ame bien disposée, une Ame préparée comme Il le désire.

Voyez les délicatesses infinies, voyez l'infinie tendresse de l'Amour.

O Dieu, ô Amour unique de la pauvre et misérable créature que je suis, - pauvre et misérable, mais aussi heureuse et fortunée, heureuse du bonheur même de l'Amour ! - Que puis-je faire pour reconnaître vos miséricordes ? Je vous aimerai comme Vous m'avez aimée, comme Vous m'aimez ! Je prendrai votre amour, tout l'amour que Vous me portez, je prendrai votre cœur et je le ferai mien, et, avec votre Cœur, je Vous aimerai de votre amour même, de votre éternel amour.

Non contente de faire mien votre amour, je ferai miennes aussi vos souffrances pour les âmes Comment pourrais-je Vous voir souffrir, sans souffrir avec Vous ? Oui, ô mon Amour, je veux souffrir avec Vous. Ce n'est pas assez du désir que Vous suscitez en mon cœur : Je veux souffrir en réalité et à votre place vos propres peines Vous, mon Amour, Vous avez assez souffert : c'est à moi qu'il appartient maintenant de souffrir, reposez-Vous. Voilà mon cœur ; il est petit, aussi petit que Vous voudrez, mais notre Amour, votre Amour éternel pour les Ames, le grandit ; voici mon cœur : je vous le donne ; faites-en ce que Vous voudrez, servez-vous-en comme il vous plaira. Et pourtant laissez-moi Vous dire, car tout est permis à l'Amour, laissez- moi Vous dire, de verser en lui vos souffrances infinies, toutes vos souffrances.

Il est trop petit pour les contenir toutes ? Eh bien ! ouvrez-le, mettez en lui votre propre Cœur, votre Cœur divin. Alors il sera grand de votre infinie grandeur, alors il deviendra capable de souffrir infiniment, et Vous aurez la joie, le soulagement, la consolation d'offrir à votre Père, comme Vous l'avez tant désiré, un cœur humain, un pauvre petit cœur humain orné de mérites infinis. Et le pauvre petit cœur humain devenu grand de votre grandeur même, pourra sans crainte se présenter au Père et demander pour les Ames tout ce qu'il voudra, sûr de tout obtenir parce que, il le sait bien, le Père Céleste ne saurait rien refuser à son Fils bien-Aimé.

O Amour, que vos voies sont admirables ! O Amour à quelle sublime hauteur Vous pouvez élever la dernière des âmes quand elle se laisse gouverner par Vous, sans réserve d'aucune sorte !

Prière

Père Eternel, j'adore vos sublimes et mystérieux desseins sur les pauvres Ames humaines. Donnez-leur à toutes, je vous prie de savoir s'y conformer, et d'aller ainsi Vous bénir un jour et Vous remercier éternellement dans le Ciel.

Jésus, Verbe Incarné, mon Amour, cachez--moi toujours plus profondément en Vous, jusqu'à ce que je disparaisse tout à fait, absorbée dans votre vie d'amour.

Esprit Saint, daignez accorder à toutes les Ames de suivre docilement vos conseils d'amour, de se conformer aux desseins miséricordieux du Père, et de devenir ainsi avec le Fils une seule et même chose, afin que, transformées en Lui, elles s'unissent à Vous de l'unique union de son Amour éternel !

Deuxième méditation : Les merveilles de l'amour en l'âme fidèle

Premier point

L'Ame est perdue en l'Amour, elle agit avec Lui, elle n'a avec Lui qu'une seule et même respiration, un seul et même désir, un seul et même amour pour les Ames qu'elle aime comme Il les aime. Avec Lui, pour elles, elle prie, elle gémit, elle souffre.

Elle est comme une mère qui, à tout prix, veut le bonheur de ses enfants, ce n'est pas assez dire : son amour est plus tendre encore et plus fort, c'est l'amour même de Jésus. Que ne fait-elle pas, que ne voudrait-elle pas faire pour les sauver ? Elle ne cesse d'interroger et de scruter l'Amour de son Dieu, pour voir s'Il ne lui suggérerait pas quelque moyen nouveau de l'aider en son divin apostolat intérieur. Elle apporte à ses mouvements une continuelle attention, de peur de laisser échapper le moindre sursaut de volonté propre, et cette attention même elle se hâte de l'offrir à Dieu pour obtenir que d'autres âmes suivant avec elle et imitant Jésus, entrent dans la même voie d'amour.

Et l'Amour la considère, satisfait de sa piété, de son zèle pour les âmes.

Et la voyant si désireuse de partager ses propres souffrances, Il décide de la contenter.

Et voici que, tout à coup, l'Ame se sent comme privée d'amour : il lui semble qu'elle m'aime plus Jésus, il lui semble même qu'elle a pour Lui de la haine.

O Dieu, quelle douleur pour une Ame aimante ! Se sentir comme poussée à haïr son Dieu, son Amour, l'unique Objet de ses désirs, l'unique Objet de ses soupirs d'amour ! Cependant, parce qu'elle est tout amour et fidélité, elle ne se laisse aller ni à l'effroi, ni au découragement. Elle est forte de la force de l'Amour : s'inclinant donc, elle prend cette lourde croix, elle la baise amoureusement, elle la serre sur son cœur. " O Croix tant aimée, s'écrie-t-elle, ô Croix tant désirée par amour du Sauveur très aimant, laissez-moi me serrer contre vous avec tout le transport de mon âme. Sur votre bois je reposerai ma tête fatiguée, et j'étendrai le pauvre être que je suis, et ainsi j'aiderai mon unique Amour à sauver ses chères Ames, je consolerai par mes souffrances son Cœur affligé, par mon total abandon je ramènerai les Ames à son Cœur très aimant, et Il pourra enfin les étreindre avec un bonheur infini, ces chères brebis que le repentir aura rendues à son divin Amour. " Merci, ô mon Amour ! vous me rendez heureuse de votre félicité même, votre félicité d'amour pour les Ames. Votre félicité d'amour est de souffrir, souffrir pour que les Ames ignorantes, reconnaissant enfin leurs torts reviennent à Vous, souffrir pour les aider à atteindre le bonheur qui est Vous-même. Car Vous ne cherchez que cela, mon Dieu : le bonheur de vos chères Ames.

Deuxième point

Ce bonheur, cet immense bonheur de souffrir pour les Ames est donc, ô mon Dieu, devenu mon partage. Je le serre sur mon cœur comme un présent de Vous et un présent d'un très grand prix, - et je suis fière de le porter comme l'avare est fier d'avoir découvert le plus riche des trésors. Non, cette comparaison va mal au plaisir que j'éprouve, à mon bonheur de souffrir pour les âmes : je suis fière comme Vous, divin Amour, quand vous pouvez étreindre sur votre Cœur de Père débordant d'amour et de tendresse une âme restée longtemps loin de Vous.

O Amour, je vous rends grâces du don que vous m'avez fait ! Ne regrettez pas ma souffrance : au lieu de peser à l'âme aimante, vous savez bien qu'elle est pour elle un soulagement. O Dieu, quel est ce nouveau sentiment qu'éprouve maintenant votre servante ? Devez-vous donc, ô Amour, rester privé encore de cette Consolation ? Pour moi, ô ma Bien-Aimée, souffrir pour les Ames est une félicité, car, vous le savez, c'est le propre de l'Amour d'aimer et de souffrir pour le bien de ce qu'Il aime.

C'est cela qui fait votre propre bonheur : vous m'aimez, et parce que vous m'aimez, vous êtes heureuse de souffrir pour moi, et c'est justice. Mais vous avez un autre bon- heur, non seulement vous aimez, mais vous êtes aimée, non seulement Celui que vous aimez vous rend amour pour amour, mais vous trouvez en moi la plénitude de vie, et tout ce que vous pouvez désirer. Vous trouvez en moi l'Amour que vous aimez et l'Amour qui vous aime.

Songez combien, au contraire, mon Amour à moi est méconnu, délaissé, payé d'ingratitude. Et voilà ce qui ravit à ma souffrance son bonheur : l'Amour n'est pas aimé.

J'aime tant, je souffre tant, j'aime et je souffre sans aucun souci de mon intérêt propre, uniquement pour le bien de vos âmes : et je ne rencontre aucune reconnaissance, comme si l'on me prenait pour un usurier, uniquement préoccupé de ses propres bénéfices.

Instruit à mon école, votre cœur, âme fidèle, comprend ma peine, mon angoisse…

Et pourtant j'aime, j'aime sans cesse, comme aime le Cœur le plus passionné, comme aime la mère la plus tendre. Non, toutes ces images sont insuffisantes pour rendre mon amour, insuffisantes et mortes.

J'aime, j'aime comme aime l'Amour Incarné, comme aime un Dieu anéanti, un Dieu fait Eucharistie, réduit aux viles apparences d'un peu de pain. Voilà l'amour, l'immense amour de Dieu, du Dieu de votre cœur, voilà comme Il aime. Ne vous lassez pas de contempler. Regardez l'Hostie Sainte : que voyez-vous ? L'Amour Eternel transformé en un petit rien. Mais sous cette petite Hostie transparente, que vous montre votre foi ? O Dieu, quelles merveilles d'Amour Vous daignez me révéler. Dans cette toute petite hostie, je vois tout ce que peut faire un Dieu anéanti pour sa pauvre et ingrate créature.

Taisez-vous, pauvres amours humains, disparaissez, vous ne méritez pas ce beau nom, vous le profanez par vos indignités. Venez plutôt, venez voir l'Amour vrai, l'Amour unique, l'Amour éternel de Dieu, et apprenez comment Dieu doit être aimé, et le prochain : il faut aimer Dieu jusqu'à l'excès dans le prochain, et il faut aimer le prochain jusqu'à l'excès pour Dieu.

O voies, ô merveilles de l'Amour, quelle sublimité est la vôtre ! Sans vous lasser, chères Ames, contemplez l'Amour. Apprenez à Le connaître, aimez-le. Commencez à marcher dans ses voies et vous verrez combien suaves elles sont, et combien léger son Joug, et combien aimables ses chaînes.

Prière

O Père Eternel, daignez considérer l'Amour de votre fils pour les Ames ! Agréez ses souffrances, et par elles qu'il vous plaise de ramener les Ames à son Amour et au vôtre.

Jésus, mon Amour, attirez-moi toujours plus près de Vous de votre Apostolat intime, de vos souffrances d'amour pour les âmes. Faites retentir en moi le contrecoup de ces souffrances divines, pour que je Vous aide à sauver les Ames.

Esprit Saint, soyez mon aide, dirigez-moi toujours plus intimement dans les voies de votre Amour Sanctificateur.

Troisième méditation : L'amour de Dieu et l'Amour de l'âme

Premier point

Considérez maintenant les deux amours : celui de Dieu et celui de l'Ame fidèle.

Dieu aime d'un Amour éternel l'Ame qui vit unie à Lui. Quant à l'âme, elle a beau aimer, elle voit que son amour ne cesse jamais d'être un néant, comparé à l'Amour dont elle se sent aimée. Et pourtant elle sent qu'elle aime, elle aussi, qu'elle aime tant, tant, ce Dieu qui est son unique bien.

Mais elle voudrait toujours L'aimer plus, elle voudrait L'aimer autant qu'elle se sent aimée de Lui, elle voudrait L'aimer infini- ment, et sous la poussée de cet immense désir, de ce besoin toujours plus ardent d'amour, elle ne cesse d'avancer dans les profondeurs du Cœur Divin. Son besoin d'amour est comme une pointe subtile et pénétrante qui, quand on la pousse, et qu'elle ne trouve pas d'obstacle, s'enfonce jusqu'au fond. Ainsi l'Ame, poussée par ce besoin d'amour qui la dévore, pénètre de plus en plus dans le Cœur de son Dieu, et elle s'unit, ou plutôt c'est Lui qui s'unit à elle toujours plus intimement, c'est Lui qui, en répondant au désir de l'âme, contente en même temps le penchant amoureux de sa volonté devine, auteur et moteur de toutes choses.

Cependant le même désir continue de grandir, grandit, en sorte qu'il est pour la pauvre âme comme un martyre ! Voir que le Bien-Aimé mérite un Amour infini, sentir en soi le désir et le besoin de le Lui donner, et constater son impuissance, son néant, cette impuissance et ce néant qui se font plus clairs au regard, à mesure qu'on avance dans l'union : quel martyre pour l'âme, quel martyre vrai, quel martyre réel ! Mais insondable merveille d'amour ! Si grande que soit sa peine, si douloureux que soit son martyre, elle ne voudrait le laisser pour rien au monde : cette peine et ce martyre sont sa joie la joie de l'âme enivrée d'Amour pour son Dieu. Son néant, elle le connaît, elle le voit, elle le sent, mais cela ne l'arrête pas : au contraire, elle n'en va que plus vite dans la voie de l'Amour. A mesure qu'elle grandit en la vie d'union et d'amour, elle voit mieux son néant, mais cette vue la console, parce que plus elle se sent petite, plus elle comprend que devient facile l'union à son Bien-Aimé.

L'Amour ne connaît donc pas d'obstacle ; comme un torrent impétueux que rien ne saurait arrêter, il poursuit sa course, audacieux, sûr de lui, entraidant tout sur son passage et jusqu'aux obstacles qui prétendent lui barrer la route ; et il ne s'arrête qu'à la mer, quand il y arrive, quand il s'y jette. Il s’y jette comme en son centre, I1 s'y perd, il y perd toute vie propre, devenant avec elle une seule et même chose comme s'il n'était plus ou comme s'il n'avait jamais été.

Ainsi en est-il de l'Ame aimante. Rien de naturel ni de terrestre ne peut plus l'arrêter. Les yeux axés en Jésus, son Amour, son but, elle va, elle va toujours : les choses elles-mêmes les plus saintes ne l'arrêtent qu'autant qu'elles incarnent à ses yeux la volonté de Dieu. Elle respecte, elle honore, elle vénère toute chose suivant sa qualité et son mérite et suivant les désirs de l'Amour, et puis elle va, entraînant tout du côté où la porte son cœur, vers le Centre de toute vie immatérielle et spirituelle : là enfin elle trouve sa paix, là enfin elle s'arrête.

Deuxième point

Mais son amour ne s'arrête point. Avec la même ardeur que Dieu Lui-même elle continue à aimer ; avec Dieu, unie à Lui, elle aime le cher prochain comme l'aime le Dieu fait homme.

Oui, elle aime comme aime Dieu Lui-même, le Dieu fait homme : et en cet amour elle trouve quelque soulagement à son martyre, quelque repos à son immense désir.

Repos incomplet encore pourtant car, si d'un côté, unie à Dieu, elle peut aimer infiniment plus que laissée à elle-même, de l'autre elle voit bien pourtant qu'elle ne peut aimer son Amour autant qu'elle en est almée. Alors, elle s'abandonne à Lui : " Mon Amour, s'écrie-t-elle, vous voyez mon désir, mon besoin infini : Vous pouvez le contenter. Contentez-le comme I1 Vous plaira. Je languis, je meurs d'Amour pour Vous, donnez-mol part à votre Amour, faîtes que je Vous aime autant que Vous méritez d'être aimé ; détruisez en moi la nature, ô mon Amour, que je puisse enfin Vous aimer sans obstacle ! Mon Jésus, pardonnez à mon Amour la prière qu'il va murmurer : ô Jésus, changez-moi en Vous-même, pour que je puisse Vous aimer, autant que Vous êtes aimable.

Que ne m'est-il donné, ô mon Dieu, de connaître votre Amour ! transformez-moi, immolez-moi ; que je sois devant Vous une hostie d'amour, comme Vous êtes, ô Jésus, devant votre Père ! que je Vous gagne sans cesse de nouvelles âmes ! Que je devienne à votre exemple une victime, une victime sacrifiée, une victime immolée, pour Vous, pour les intérêts suprêmes qui sont les vôtres : la gloire du Père et le salut des Ames !

O Dieu, cette pensée de devenir victime avec Vous calme un peu mon besoin d'amour : il me semble qu'elle me fait entrer en vos désirs, en vos desseins d'amour.

Oui, ma fille, oui, vous entrez ainsi, vous entrez véritablement dans mes desseins d'amour pour les Ames. Vous le savez : mon Cœur a choisi, mon Cœur veut autour de moi une petite légion d'Ames d'élite, et comme autant de petites hosties vivantes, immolées avec moi, en qui je puisse vivre, en qui je puisse m'offrir sans cesse pour la gloire de mon Père et la Rédemption des Ames, en qui je puisse trouver mon repos d'Amour, pendant que ces Ames aimantes et fidèles souffriront pour moi et pour tous ceux que j'ai rachetés, les souffrances intérieures de ma vie mortelle et de ma vie eucharistique. En ce petit nombre d'Ames aimantes, je veux trouver mon Paradis terrestre. Voilà pourquoi votre besoin d'amour se calme : il se calme parce qu'il vous a fait entrer dans mon immense désir, dans ce désir que tant de fois j'ai cherché à satisfaire.

Votre Amour, Ame très chère, a pénétré si profondément dans mon Cœur qu'il y a rejoint ce désir intime, ce désir immense qui est le mien : et voilà pourquoi j'ai voulu vous donner la joie de le satisfaire.

Je veux vous donner cette joie parce que vous me l'avez donnée à moi. Pénétrez donc en ces profondeurs intimes de mon amour et aimez, aimez, aimez toujours plus ardemment.

Prière

O mon Père, qui êtes dans les cieux, ô Père des miséricordes, qui suis-je pour que Vous daigniez me combler de tant de faveurs ! Oh ! oui, je le sais, je le vois, je suis la plus misérable des créatures et c'est pourquoi je suis la plus aimée.

O mon Jésus à cause de mon indignité, je devrais m'éloigner de Vous ; mais, ô mon Amour, vos attraits me retiennent, il faut que je me perde en Vous, mon Unique Amour, mon Unique désir.

Esprit Sanctificateur, je m'abandonne à votre conduite ; exécutez vos desseins d'Amour.

Quatrième méditation : Jésus associe l'âme fidèle à son Apostolat d'Amour

Premier point

O Dieu, combien grand et sublime est votre amour pour nous ! Combien admirables et aimables à la fois sont vos voies, vos desseins d'amour pour tous et chacun de nous ! Songez, âme fidèle, songez que vous êtes aimée d'un Dieu et que ce Dieu vous aime d'un amour infini, d'un amour éternel.

Amour qui s'est posé sur vous dès votre naissance et qui, depuis cet instant, vous poursuit continuellement de son immense tendresse, d'une tendresse qui n'appartient qu'à Dieu. Dieu vous aime de toute éternité : si vous répondez à son amour, Il vous aimera sans fin ; si vous n'y répondez pas, Il sera forcé de vous haïr éternellement.

Ames créées pour un bonheur éternel, ne poussez pas la haine de vous-mêmes jusqu'à refuser d'écouter l'Amour. Considérez tout ce qu'il a fait pour vous, pour vous sauver, pour vous attirer à Lui dans une union éternelle.

N'attendez pas pour vous repentir que tout remède soit devenu impossible. Ecoutez l'Amour, suivez l'Amour : sa compagnie est si douce, sa voie si facile, ses chaînes si aimables ! Faites-en l'expérience, et vous verrez combien doux et léger est le joug de l'Amour.

" Amour " : est-ce que cette parole à elle seule n'est pas pour vous un ravissement ? Elle apporte à l'âme tant de chaleur qu'il semble impossible de résister à son appel. D'ailleurs, il est impossible de vivre sans amour ; l'amour, c'est la vie, c'est toute la force d'activité du cœur ; l'amour, c'est toute la force d'activité de l'âme. Si l'âme est sans amour, elle est sans vie ; et si elle se refuse à aimer son Dieu, ce Dieu qui l'a créée, qui la conserve et qui la gouverne à tout Instant, et qui la porte en son Cœur, qui jamais pourra-t-elle aimer ? Si l'Amour est la vie, l'âme qui est sans amour est aussi sans activité ; et si elle aime des objets indignes de son amour, elle s'abaisse, elle s'affaiblit, elle se rend peu à peu incapable d'aimer, elle profane même l'image de Dieu, cette image qui mérite un amour presque infini à cause de Celui dont elle est le reflet "

Et cependant combien d'âmes s'abaissent ainsi, combien d'âmes s'exposent à cette déformation, âmes qui pourraient procurer à Dieu tant de gloire, et qui restent au contraire esclaves d'elles-mêmes et des passions les plus brutales. Mon Cœur en gémit, plongé dans une amère tristesse : je voudrais me faire entendre, j'appelle ces âmes infortunées, je les prie d'avoir pitié d'elles-mêmes, mais c'est comme si je ne disais rien, je leur envoie les remords, mais les remords eux-mêmes sont vains : pour les faire taire, elles s'enfoncent plus profondément dans leurs péchés ; je les frappe d'infortunes et de malheurs, rien n'y fait : au lieu de se raviver, de reconnaître la main paternelle qui veut les ramener au devoir, elles se révoltent, elles blasphèment ma Providence, cette Providence qui n’épargne rien pour les toucher, les convertir et les rendre à mon Cœur paternel. Tous les avertissements de ma miséricorde échouent lamentablement, ainsi que toutes les inventions de mon Amour. Alors je me tais, j'attends, je souffre, cherchant s'il ne se trouvera pas quelques âmes pour compatir à ma douleur, pour s'unir à mes souffrances intimes, pour s'offrir en victimes innocentes et obtenir le retour de leurs frères égarés.

Deuxième point

Il y a des Ames qui me comprennent, qui sentent en elles-mêmes un besoin intime de répondre à mon appel d'amour, et qui, pourtant, restent là hésitantes.

" Quel est, se demandent-elles, ce sentiment que j'éprouve, cet appel que j'entends ? Est-ce vraiment Jésus qui me parle ? " Et elles goûtent dans leur cœur une paix divine, que jamais encore elles n'avaient éprouvée et que mon amour leur fait sentir comme un signe. Ce signe indique que c'est véritablement moi, moi l'Amour, qui leur parle, qui les appelle, qui les veut, qui les invite à s'unir à Moi, pour passer leur vie en ma compagnie, à s'immoler, à se sacrifier en ma présence pour la rédemption du monde. Sous mon impulsion forte, à la fois douce et tranquille, elles se décident en leur cœur à me suivre. Mais à peine ces enchantements célestes ont-ils pris fin, le doute et la crainte, mille doutes et mille craintes les saisissent. L'ennemi des âmes commence contre elles une guerre acharnée, et elles s'arrêtent ne sachant de quel côté porter leurs pas, et tentées même de ne pas écouter les conseils de leur directeur. Pourtant l'impression ressentie ne s'efface pas, la suavité de mon impulsion continue à les tourmenter. Je les ai appelées et je les veux, et je me ferai leur persécuteur jusqu'à ce qu'elles se donnent à moi, persécuteur aimant qui veut rendre heureux ceux qu'il persécute, heureux du bonheur même de l'Amour Eternel. Ces Ames, je les aime d'un spécial amour de prédilection, et je veux former d'elles mon petit troupeau choisi, celui qui me ramènera le monde. Ames privilégiées, je vous en supplie, je vous en conjure, par l'amour que vous vous devez à vous-mêmes et par l'amour que vous portez à Jésus, suivez son amoureuse impulsion, libérez-vous de tous ces petits riens qui vous embarrassent et qui disparaîtront l'un après l'autre, si vous vous montrez généreuses à suivre l'Amour, à vous unir à Lui. I1 vous attend ardemment, anxieusement, pour vous serrer sur son Cœur, pour vous unir à son Apostolat caché, à son Apostolat d'Amour. Venez à Lui, livrez-vous à Lui, et sacrifiez-Lui en même temps tout ce qui en vous s'oppose à ses désirs.

Et Lui sera tellement heureux de cette complète et absolue victoire, de cette inébranlable résolution par laquelle vous décidez de Le suivre toujours, et de vivre avec Lui, Il sera tellement heureux qu'il multipliera votre force et qu'il anéantira dans le feu ardent de sa charité toutes vos difficultés et qu'il vous comblera de consolation, mais d'une consolation telle que stupéfiée de tant de bontés, d'une bonté si inouïe, que vous vous écrierez : " Seigneur, est-ce possible ? Mes yeux ne me trompent-ils pas ? Est-il croyable qu'une pauvre Ame puisse causer tant de joie à son Créateur !

Pourquoi, ô Amour Eternel, ne Vous ai-je pas écouté plus tôt ? Quelle folie d'avoir pour des futilités retardé le bonheur du Cœur de mon Dieu, du Cœur de mon Père, mon Unique Amour, et mon Bien infini ! Du moins je veux désormais réparer ma folie, je veux Vous aimer d'un amour éternel, et, par mon amour, je veux m'unir à Vous. Je veux souffrir, je veux travailler avec Vous et comme il Vous plaira, je veux le faire pour les Ames, pour vos chères Ames, pour qu'elles aussi puissent avoir part à votre félicité, pour qu'elles aient le bonheur de ne point se perdre éternellement.

Venez donc, Ames très chères, venez consoler l'Amour, apprenez à L'aimer, et quand vous aurez goûté à cette science, vous ne vous arrêterez plus, parce que l'Amour entraîne quand il est véritable, et il ne cesse de grandir. Donnez-vous à l'Amour sans " si " sans " mais ", sans réserve d'aucune sorte, abandonnez-vous entre ses mains, abandonnez-vous à son Cœur. Il vous rendra fortes de sa force mêmes, et bientôt vous ne craindrez plus rien ici-bas : tout au contraire, il n'y aura pour vous de félicité plus grande que de souffrir pour votre Seigneur très aimant, que de vous sacrifier pour Celui qui, sans réserve, s'est sacrifié et immolé pour vous. Et vous, oui, vous-mêmes, vous sentirez le besoin et un besoin puissant de vous donner, de vous offrir à Lui, comme Lui, comme des hosties vivantes, immolées et sacrifiées en sa présence et avec Lui pour la gloire éternelle du Père et pour le salut des âmes.

Le monde a besoin de revenir à son Créateur. C'est la volonté de l'Amour, mais l'Amour a besoin pour cela d'une légion d'Ames qui lui viennent en aide, Il a besoin de victimes qui se tiennent avec Lui devant le Père, les bras levés, implorant sans cesse pitié et miséricorde, pour réparer par 1'innocence et la pureté de leur vie les souillures et les indignités du monde, pour faire contrepoids au mal.

Prière

O Père Eternel, daignez agréer l'offrande de ces victimes pures qui s'immolant à Vous, et hâter la résurrection du monde.

Mon Jésus, faites de moi ce qu'il Vous plaira, mais que je vous donne la félicité que Vous attendez ! Esprit Saint, hâtez l'heureux jour où nous pourrons rendre heureux notre Amour ! Faites passer sur les Ames un souffle puissant et qu'enfin, incapables de résister, vaincues, elles se donnent à Vous.

Neuvième jour

Première méditation : La Mort Mystique

Premier point

Suivez l'Amour, vivez avec l'Amour, laissez vivre l'Amour. Oui, laissez vivre l'Amour ! Vous avez vu son Oeuvre merveilleuse dans l'Ame quand Il daigne l'appeler et la préparer, vous avez vu comment l'Ame elle-même, fascinée de ses doux attraits, se décide à Le suivre, et, de degré en degré, en arrive à pénétrer dans son intimité, à vivre unie à Lui, cœur à cœur, comme deux êtres qui vivraient en un, comme l'âme avec le corps ! Mais l'Amour n'est pas encore satisfait.

" Suivez-moi, a-t-Il dit, et je vous conduirai jusqu'à votre complète transformation en moi-même, jusqu'à votre complète transformation eucharistique, après laquelle c'est moi et moi seul qui vivrai en vous. " Ce désir, ce besoin puissant de l'Amour, vous l'avez senti, vous l'avez compris, vous avez compris qu'il ne Lui suffit pas que vous viviez unie à Lui, que vous vous immoliez, que vous vous sacrifiiez avec Lui ; Il cherche encore et Il veut en outre, Il veut la parfaite félicité de celui qui l'aime. Ce désir, ce besoin puisant de son Cœur, vous l'avez présenté à votre Bien- Aimé ; vous le Lui avez présenté dans le paisible transport de votre fervent amour pour Lui, et Lui, qui n'attendait rien d'autre, Il a daigné l'agréer. Alors, devenue heureuse du bonheur même de Dieu, vous Lui avez chanté en votre cœur l'hymne reconnaissant de vos actions de grâces.

En vérité, quel bonheur pourriez-vous éprouver comparable à celui-là ?

Ma chère fille, vous avez trouvé la félicité même des Elus. Je pourrais même dire que votre félicité dépasse, en quelque sorte, la leur : car il vous reste une joie que les Elus ne peuvent plus avoir et qu'ils vous envieraient s'il était possible : celle de souffrir pour l'Amour. Vous vous êtes donnée à Lui comme la plus humble des victimes ; réjouissez-vous de votre sort, réjouissez- vous de votre bonheur : l'Amour Eternel a accepté votre sacrifice, votre immolation complète de victime d'amour , et c'est Lui qui en sera le Prêtre. C'est Lui qui vous immolera, c'est Lui qui vous sacrifiera, petite victime d'Amour et d'expiation, unie à la grande Victime pour le salut du monde.

Il a besoin de victimes, et Il en trouve si peu. Si peu qui le soient vraiment, si peu qui consentent à se laisser immoler comme il plaît à Jésus, qui acceptent de mourir totalement à elles-mêmes pour Le laisser vivre, Lui, à sa guise, pleinement en leur Ame. Il en est pourtant quelques-unes et Il en fait ses délices, son bonheur, son repos.

Deuxième point

Vous donc qui tenez à rendre heureux l'Amour, en avant ! Jusqu'ici vous avez vécu avec Lui, désormais abandonnez-vous à Lui ; laissez qu'Il accomplisse en vous son oeuvre de totale transformation et qu'Il vive ensuite Lui seul, Roi d'Amour, Roi Pacifique.

Vous voyez, vous sentez d'avance, le bon- heur et la complaisance qu'il trouvera à ce règne d'Amour, à cet empire absolu et total ! Il en a si peu de ces joies ! Vous, au moins, ma petite enfant, vous êtes prête, n'est-il pas vrai ? prête même à l'immolation. Certes, vous n'avez pas fini de lutter ; mais c'est l'Amour qui fera tout. Combattez encore un peu avec Lui et enfin libre de toute entrave, libre entièrement de vous- même, vous chanterez avec Lui l'hymne éternel de victoire. Oui, éternel, car si vous mourez dans l'Amour, l'Amour sera éternellement pour vous toute vie et toute activité !

Quand l'Ame se trouve ainsi heureuse- ment disposée, Dieu permet qu'il s'élève en elle un combat, le combat de la nature qui frissonne à l'idée de mourir complètement à elle-même. Alors, c'est comme un poids mortel qui pèse sur l'Ame : d'un côté, elle voit l’œuvre de l'Amour, elle se sent un amour ardent pour Celui qui a fait en elle de si grandes choses, elle veut le contenter.

Mais, d'un autre côté, elle sent peser sur elle-même le poids de son offrande, cette offrande qui l'a faite victime ; elle sent que, sous peine de mentir à cette vocation libre- ment admise, elle doit en remplir les devoirs et les obligations, comme l'Amour le lui avait rappelé dès le commencement ; mais tout cela répugne à la nature, tout cela lui cause une espèce d'agonie !. Quelles angoisses pour l'Ame, à qui rien n'échappe.

Mais l'Amour n'est pas loin Il reste à ses côtés, l'Ange de Gethsémani la réconforte, et elle peut, courageuse, répéter : " Non, non, je n'aurai pas la bassesse d'abandonner mon Amour, mon Unique Bien, ma Félicité. Il a tout fait jusqu' ici pour moi, Il achèvera son oeuvre. En avant !

" Oui, je suis prête, ô l'Unique Bien de ma vie, faites de moi ce qu'il vous plaira.

Je vous appartiens, je suis votre petite victime. Immolez-la, sacrifiez-la souvent à votre bon plaisir, le n'ai d'autre désir que de voir accomplis les vôtres, vos désirs ardents, mon Dieu, et vos desseins d'Amour sur les Ames ! "

L'Amour obtient tout ce qu'Il veut. Il mettra la dernière main à son oeuvre : achève- ment douloureux à l'Ame, certes, mais, pour cette raison même, plus cher à son Cœur plein d'amour !... La lutte passe, l'Ame finit par se disposer sans réserves et sans retour au sacrifice total, à l'immolation suprême qui fera d'elle une victime d'amour alors, elle entre dans une paix profonde. Non contente d'agréer le touchant sacrifice, l'Amour lui en fait goûter sa miséricordieuse satisfaction par une illusion d'amour qu'elle ressent dans tout son être. Et elle aime, elle aime, elle voudrait s'arracher le cœur pour l'offrir à Jésus, pour obtenir qu'il obéisse plus promptement à ses divines volontés ; elle se répand en soupirs d'Amour, elle appelle à sa suite d'autres Ames, pour les amener à la même félicité, elle prie l'Amour de combler le désir qu'elle a de L'aimer, elle sent son cœur grandir et devenir grand de la grandeur même de l'Amour, de sorte qu'il peut contenir le monde entier et qu'elle peut présenter le monde entier contenu dans son cœur à Jésus pour qu'Il le convertisse.

Mais par dessus tout, son regard et son cœur s'attachent à un petit Groupe d'Ames qui, elle le sait, ont été choisies pour partager son bonheur, pour devenir comme elles, par le choix miséricordieux du Bien-Aimé, des victimes d'Amour. Pour ces Ames elle prie l'Amour divin ; elle voudrait prendre sur elle toute la peine, toutes les difficultés, pour que la voie d'amour leur devienne plus aisée. Elle voudrait avoir toute seule le bonheur de souffrir pour son Amour ; mais comme c'est là désir irréalisable, elle prie que le bonheur de souffrir pour le Bien-aimé dissipe en ces chères Ames toute peine.

Tels sont les sentiments de l'Ame fidèle et aimante, à qui Jésus daigne faire l'honneur de l'appeler comme victime d'Amour immolée et sacrifiée, et qui répond avec un amour sans cesse grandissant à l'appel de Jésus. Elle est heureuse ; elle fait la joie du Cœur de son Seigneur très aimant.

Le Père Eternel se complaît en elle comme en sa Fille très aimée. L'Esprit Saint consommant son oeuvre sanctifiante, l'unit à la Très Sainte Trinité et la fait coopératrice de la Rédemption

Prière

O Dieu, combien Vous êtes grand et combien puissant est votre Amour ! Quand il réussit à faire passer sa flamme dans un cœur et que le cœur se montre docile, c'est comme un incendie qui, se propageant sans cesse, consomme entièrement l'Ame, la détruit, la réduit en cendres, et de ces cendres forme cette hostie pure, immaculée, sainte qui, unie à la Grande Victime, travaille avec elle à éloigner du monde le mal.

Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit, ayez pitié de ma misère, absorbez dans l'abîme de votre Unité et de votre Amour, votre petite victime.

Deuxième méditation : Récompense d'Amour

Premier point

C'est l'Amour qui récompense l'Amour.

Si vous aimez Jésus, Jésus vous récompensera par son Amour même, et c'est en l'Amour de Jésus que vous trouverez votre vraie, votre unique récompense, une récompense infinie, une récompense éternelle, comme Dieu Lui-même. Et cette récompense commence dès que l'Ame d'un cœur sincère se donne à l'Amour, et elle ne cesse de grandir tant que grandit dans l'Ame l'Amour divin. Peut-être n'avez-vous jamais pensé à cette vérité, et pourtant il en est peu d'aussi consolantes. C'est là affaire d'expérience : l'Amour porte avec Lui la paix et le bon- heur Il exige aussi, il est vrai, des sacrifices très lourds ; mais la prompte récompense qu'on en reçoit dans l'augmentation d'amour qui en résulte, fait oublier la peine qu'ils coûtèrent. Aussi l'Ame, loin de reculer, souhaite au contraire de souffrir et d'aimer encore plus : elle le souhaite pour qu'avec le besoin grandisse le bonheur d'aimer ; elle le souhaite aussi parce que c'est le désir et la Joie de l'Amour Lui-même .

" Arrêtez-vous maintenant, Ame fidèle, à considérer quelle différence il y a entre votre récompense et la mienne, entre la récompense de l'amour que vous me portez et la récompense de l'amour que je vous porte. Je vous aime d'un amour infini, c'est donc une récompense infinie que je mérite.

L'homme possèderait-il des milliers de cœurs, possèderait-il même à la fois les cœurs de milliers de mondes, il resterait encore impuissant à m'aimer comme je le mérite. Je ne lui demande pas tant, je lui demande seulement de m'aimer de tout son cœur, de toutes ses forces, de toute son âme : si petite et si misérable soit-elle, je la connais et je m'en contente, ajoutant cependant : " Vous aimerez votre prochain comme vous-même par amour pour moi ! " mais quelle indignité ! et quelle douleur ! Demander si peu de chose, et ne pouvoir même pas l'obtenir ! Je ne demande que cela, et cela même, ce pauvre petit tribut de reconnaissance, je me le vois refuser. Et ce n'est pas pour moi que je le demande, c'est pour les Ames, pour les âmes que j'aime si tendrement, dont j'ai voulu contenter tous les désirs, tous les besoins. Comprenez, Ame fidèle, comprenez mon immense douleur ! Toute cette vie cachée en la petite maison de Nazareth fut une immolation et un sacrifice continuels pour le seul bien des âmes, en présence du Père Céleste ! Les courtes années de mon apostolat extérieur et de ma prédication, je les ai dépensées dans la fatigue et la pauvreté, mendiant ma vie pour racheter la leur, prêchant de paroles et d'exemples, enseignant à tous comment accomplir les oeuvres de vie et comment remplir le commandement d'Amour.

Voilà ce que j'ai fait.

Et voyez : peu m'écoutent, peu m'entendent, et il y en a moins encore à me suivre.

Et, pourtant, aucune doctrine ne peut se comparer à la mienne, non seulement elle répond mieux aux besoins du cœur humain, mais elle seule peut le satisfaire quand il est droit.

J'étais sur le point d'accomplir le Sacrifice suprême, j'allais immoler ma vie elle- même sur l'autel de la Croix.

Et voici une nouvelle invention de l'Amour, une invention admirable, une invention merveilleuse... C'est vrai : je suis mal récompensé, rares sont ceux qui me suivent, mon amour n'est pas compris. Mais j'aime, j'aime jusqu'aux brebis égarées, je les aime à la folie. Je connais le cœur humain, je sais que, quand il aime avec force, il en arrive à désirer de manger la personne qu'il aime pour se l'unir étroite- ment, pour former avec elle un seul être, avoir avec elle une seule vie.

Eh bien ! brûlant du même désir, mon Amour s'est écrié : " Oui ? rares sont les âmes qui m'aiment. Mais, si rares soient- elles, je veux les contenter, je veux contenter leur désir et le mien plus ardent encore que le leur, je veux les voir heureuses, je veux leur donner la joie de se nourrir de la chair immaculée de leur Dieu immolé. Et voici que je leur donne un précepte nouveau : Celui qui mange ma Chair et qui boit mon Sang aura la vie éternelle !

Deuxième point

La foule ne comprit point ce langage nouveau et qui n'appartient qu'à l'Amour, elle trouva que c'était là un discours dur à entendre. Et tant d'âmes imitent cette foule : c'est le plus grand nombre. Elles ne comprennent pas, elles non plus, les paroles de l'Amour.

Mais vous, âme fidèle que dites-vous en votre intimité ? N'est-ce pas votre désir, votre unique désir, de vous nourrir de moi, de faire de moi votre aliment ? Il y a mal- heureusement - je vous le dis, parce que je veux vous dévoiler toutes mes souffrances d'amour, - il y a des âmes qui se disent bonnes, même des âmes qui me sont consacrées, et qui ne comprennent pas mon Amour Eucharistique, qui n'ont pas soif de moi dans la Communion, et qui pensent à peine à ce qu'elles font : une courte préparation avant, un bref remerciement après, puis rien tout le reste de la journée : elles ne se rappellent plus la Communion qu'elles ont faite. Il y a pour mon Cœur dans cette méconnaissance une source d'immense douleur. Je leur ai donné là un moyen sublime de croître en la vie d'amour, et elles ne s'en servent pas.

Et puis, que de communions indifférentes, froides, sacrilèges !

Cette invention d'amour destinée à faire le bonheur des âmes, tourne, hélas ! à leur châtiment !

Il y en a peu qui me reçoivent comme mon Cœur le désire, il y en a cependant et en celles-là mon Amour trouve sa récompense, ses complaisances. Il a vu cette petite phalange, entrant dans mes désirs intimes, se donner, s'immoler sans conditions et sans réserves totalement, pour partager ma vie eucharistique. Il les a entendues, brûlantes d'amour, connaissant mes douleurs intimes et les besoins de mon Cœur. Il les a entendues s'écrier : " O Jésus, Vous Vous êtes fait notre Eucharistie, notre Communion, notre vie : nous voulons être avec Vous, nous voulons être comme Vous de petites hosties d'amour, petites, oui, mais grandies par votre Amour : nous voulons être votre Eucharistie ».

Comme Vous êtes notre aliment, nous voulons être le vôtre : nous nous nourris- sons de Vous, nourrissez-Vous de nous. O Amour, accordez-nous cette consolation, ce bonheur d'être vos petites hosties, de petites hosties immolées avec Vous, votre Eucharistie d'Amour. N'est-ce pas, ô Jésus, que ce sont là aussi. vos désirs ? Nous voulons accomplir votre volonté, nous voulons récompenser votre Amour. C'est peu de chose, il est vrai, mais c'est tout : nous ne pouvons rien vous donner de plus, nous vous faisons le sacrifice complet, le sacrifice total de tout ce que vous nous avez donné. Faites de nous votre aliment, ô Jésus, Amour éternel, et, consommées par votre Amour, nous pourrons vous donner une récompense digne de Vous : notre petit amour, qui dans son humilité est vôtre pourtant, notre petit amour qui a grandi par vos soins, retournant à Vous son Centre, uni en un seul avec le Vôtre, deviendra une récompense digne de Vous - une récompense qui dédommagera un peu notre pauvre cœur, une récompense que seul votre Cœur à Vous a pu inventer !

Prière

O Amour, à mesure que nous avançons, vos inventions se font plus merveilleuses ! Et si elles sont ici-bas pour l'Ame fidèle si sublimes, qu'en sera-t-il au Ciel ? O Charité divine, Fournaise ardente et perpétuelle, descendez en nous consumez- nous comme des hosties d'Amour, faites de nous l'Eucharistie de l'Amour Incarné.

Troisième méditation : l'Amour se livre et se donne

Premier point

Pour vivre avec vous, votre Amour s'est abaissé jusqu'à l'anéantissement, un anéantissement inouï, l'anéantissement eucharistique !

Le Dieu, grand, immense, éternel, s'est anéanti dans le temps ; I1 s'est anéanti pour demeurer avec ses enfants jusqu'à la fin des siècles, pour leur tenir compagnie dans les vicissitudes et les épreuves de la vie, pour être leur secours, leur réconfort et leur viatique sur le chemin de la terre au Ciel... Efforcez-vous de pénétrer cet abîme sans fond !

Il est grand l'anéantissement de l'Incarnation, quand Dieu Lui-même daigne se revêtir de la pauvre nature humaine. Il est grand l'anéantissement de toute sa vie mortelle. Un Dieu caché dans une étable, un Dieu fuyant pour se soustraire à la haine d'un homme : c'est un grand anéantisse- ment. Un Dieu qui vit dans l'obscurité, et qui passe trente ans de sa vie à travailler dans l'atelier d'un menuisier : c'est encore un grand anéantissement. Se faire baptiser comme les pécheurs, se faire baptiser par une créature, si sainte soit-elle, jeûner quarante jours dans un désert ; durant sa vie de prédication soutenant ses forces avec le pain de l'aumône , se faire traiter de démoniaque, de blasphémateur ; se voir trahi, renié de ses plus chers amis, ce sont là des abaissements, des anéantissements admirables !... Un Dieu enchaîné comme malfaiteur, jugé, bafoué, traité de fou, flagellé, couronné d'épines, comparé à un malfaiteur infâme ; chargé de sa croix qu'Il porte entre deux voleurs jusqu'au lieu de son supplice ; et mourant, là, Crucifié, abandonné du Père Lui-même, en but aux railleries et aux outrages d'un peuple ingrat et grossier : quel abaissement, quel anéantissement ! A quoi s'ajouteront encore, pour combler la mesure, la mort et le séjour dans un tombeau. Certes, il y a là, et toute âme chrétienne le voit, toute âme chrétienne le sent il y a dans tout cela un anéantissement sublime, inconcevable, qu'un Dieu seul pouvait affronter...

Pourtant, dans l'intime du Cœur de Jésus, il y a encore des désirs inassouvis : entrez, regardez, vous verrez ce qu'ils sont. Il a essayé parfois de les faire entrevoir : on n'a pas compris. Seul Pierre, brûlant de foi et d'amour, quand le Maître tristement demandait à ses Amls . " Et vous, ne voulez-vous pas vous en aller aussi ? .. " Pierre, sans comprendre non plus, mais sachant que rien n'est impossible à l'Amour, affirme solennellement sa fol . " Et à qui irions- nous, Seigneur ? Vous seul avez les paroles de la vie éternelle ! " Et c'était déjà là un commencement de foi au mystère sublime de l'Eucharistie, mystère de Foi par excellence.

Rares furent les allusions à ce désir immense dans la vie de Jésus : Il en voulut faire cependant quelques-unes, comme pour donner à l'extrême besoin de son Cœur un commencement d'apaisement.

Mais au soir de la dernière Cène, quand Il eut tout préparé avec cet amour et cette tendresse qui caractérisent l'Amour à l'heure où Il va quitter pour toujours une personne chère, quand Il vit réunis près de Lui tous ses chers Apôtres, alors de ses lèvres divines, du plus intime de son Cœur brûlant, tombèrent ces paroles de tristesse et d'amour : " Oh ! combien j'ai désiré de manger cette Pâque avec vous ! "

Et pourquoi, ô divin Maître ?

Pourquoi ? Ah à vous le savez. Parce- que je l'avals choisie pour vous donner la preuve dernière, la preuve suprême de mon amour pour vous ! Et si j'ai attendu pour cela l'heure où l'on tramait ma mort, c'est pour vous montrer que, même au sein des passions les plus brutales, la créature n'est pas abandonnée de son Dieu. Il continue à l'aimer, et c'est même pour Lui, si l'on peut ainsi parler, l'occasion d'épuiser les ressources de sa toute-puissance, d'inventer des moyens nouveaux, des moyens inouïs pour manifester son amour et sa tendresse.

Deuxième point

Seul le Fils de Dieu pouvait opérer ce prodige d'amour.

Les Apôtres l'écoutent. Frappés de cette majesté mêlée de tristesse qui paraît sur son visage, ils comprennent que quelque chose de mystérieux les enveloppe, mais ils ne savent ce que veut faire le Maître. Ils se tiennent prêts, tout au moins, à faire ce qu'il Lui plaira. Avec un amour qui surpasse tout ce que nous pouvons comprendre, Jésus leur lave les pieds ; Il leur lave les pieds pour les rendre toujours plus dignes du Pain Céleste. Il lave les pieds à Judas lui-même, à Judas le traître. Contemplez Jésus, contemplez la Sagesse éternelle agenouillée devant celui qui le trahira et lavant ces pieds indignes. Avec quel Amour Il les couvre de baisers, comme pour donner à Judas le témoignage suprême de sa tendresse et toucher son cœur. Mais, figé dans son obstination diabolique, Judas persiste dans son criminel projet. Et à cette vue le Cœur du Maître se brise, une infinie tristesse voile son visage adorable, et tous s'en aperçoivent, quand Jésus, en un profond soupir, murmure douloureusement : " L'un de vous me trahira ! "

Mais rien ne peut refroidir son ardeur et la véhémence de son désir . Il veut rester avec nous. Alors, rempli d'une majesté souveraine, Il prend dans ses mains divines un peu de pain... Ah ! regardez avec quel Amour ses yeux et son Cœur fixent ce morceau de pain : dans un instant, Il n'y aura plus de pain, il y aura son Corps. C'est le point culminant de son Oeuvre d'Amour après, Il mourra content . Il lève donc au ciel ses yeux tout émus Il remercie son Père d'avoir exaucé son immense désir, et bénissant le pain, Il prononce ces paroles à Jamais mémorables : " Prenez et mangez, ceci est mon Corps " Puis, prenant le calice et rendant grâces au Père, Il le bénit et dit . " Prenez et buvez, ceci est mon Sang. Faites ceci en mémoire de moi " Et Il reste Lui-même, c'est sa personne adorable transformée en Eucharistie qu'Il tient entre ses doigts. Avant tout autre, Il se communie, goûtant le premier à sa propre chair, à sa chair immaculée, anéantie sous l'apparence d'un peu de pain. Il communie ensuite les apôtres qui voient sans comprendre, et qui pourtant se sentent tout fortifiés.

Voilà, âme chrétienne, le testament de l'Amour Incarné : Il se laisse, Il se donne Lui-même, non sous l'aspect charnel, comme tout à l'heure quand Il va se sacrifier sur la Croix, mais sous un aspect nouveau que son Amour a inventé pour rester avec vous : sous l'aspect eucharistique ! Il ne s'agit plus de cacher et d'anéantir seulement la divinité, comme dans l'Incarnation . L'humanité elle-même se cache désormais. Tout Jésus est caché, caché dans une vie mystérieuse, mais Il est là, Il est là réellement avec son Corps vrai et vivant, Il est au milieu de nous. Il s'immole, Il se sacrifie et son amour seul pouvait imaginer un tel sacrifice, une telle immolation. Et tout cela, c'est pour rester au milieu de nous, parce que ses délices sont d'être avec les enfant des hommes.

Et Il n'y aurait point d'âmes à contenter son désir ?... Il s'est fait Eucharistie pour rester avec les hommes, mais les hommes Le laissent seul dans les églises : rares sont les vrais adorateurs, rares ceux qui lui tiennent constamment compagnie. Il cherche des Ames qui consentent à s'associer à sa Vie, des âmes en qui Il puisse réaliser ces paroles : " Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes " ; Il cherche des cœurs en qui Il puisse demeurer, des âmes avec qui Il puisse passer sa vie eucharistique et continuer son immolation en présence du Père, pour le monde ; des âmes dont la piété et l'amour le récompensent de tant d'oublis et de froideurs ; des Ames aimantes qui puissent former sa famille eucharistique et son Paradis sur la terre : un paradis d'Amour réciproque, d'immolation, d'anéantissement dans l'amour, dans l'Amour Eucharistique. Comme les bienheureux au Ciel vivent d'amour au sein de l'Amour glorifié, ainsi ces âmes vivent d'amour au sein de l'amour anéanti.

Prière

Amour Eternel, Sagesse Incarnée, vous connaissez tout, vous pouvez tout : réalisez dans le pauvre néant que je suis les desseins de votre volonté. Je suis prête, j'appelle de mes vœux la réalisation de vos désirs, mais je l'attends de vous. O Dieu, que votre volonté soit faite !

Quatrième méditation : L'Ame, Eucharistie de jésus

Premier point

Jésus a triomphé dans l'âme aimante. Il l'a amenée, peu à peu, là où son Amour l'attendait.

Dans ses desseins éternels d'amour, Il l'avait destinée à la vie d'Union et d'amour ; Il l'avait choisie pour vivre en elle sa vie eucharistique, et avoir ainsi le bonheur de continuer sur la terre son Incarnation, et d'offrir encore, d'offrir toujours pour les âmes, comme au temps de sa vie mortelle, des actions saintes, des ouvres agréables au Père !

L'Ame a répondu à l'Amour, elle n'attend plus que l'heure merveilleuse où, par la mort mystique, elle pourra s'unir à l'objet de son unique amour, Jésus.

Et Jésus l'exaucera : car ce qu'il annonce, Il l'accomplit ; ce qui est impossible à l'âme, Lui est possible à Lui, ce que l'Ame ne comprend pas, Il le comprend pour elle.

De même qu'il s'est anéanti en se cachant sous un peu de pain, de même Il vous anéantira en Lui. Il en va cependant différemment de ces deux agrandissements. Les Saintes Espèces, bien qu'elles renferment l'Amour, l'Amour vrai, l'Amour vivant, d'amour en personne, les Saintes Espèces sont complètement insensibles, elles ne changent pas, elles sont incapables d'aucun mérite. Regardez, qu'elle différence ! L'Ame aimante, admise par Jésus à l'anéantissement eucharistique, consacrée pour ainsi dire et devenue comme l'apparence extérieure et vivante de Jésus-Eucharistie, l'Ame aimante devient l'Aliment dont se nourrit l'Amour, comme Jésus est son aliment à elle et sa nourriture.

Et c'est pour Jésus, une telle joie, un si grand contentement de trouver une Ame aussi dépouillée, aussi anéantie, voulant ne plus vivre elle-même, mais que l'Amour seul vive en elle et par elle, c'est une telle joie pour Jésus qu'Il fait de cette Ame sa nourriture et l'Aliment de son bonheur - et Il se complaît sans fin à voir son Amour aimé, aimé au moins autant que possible à un cœur humain, avec l'aide de la grâce.

Alors commence pour l'Ame la joie d'une familiarité continuelle avec son Dieu anéanti. Elle vit de Lui, elle vit en Lui, elle Le laisse vivre en elle comme I1 veut...

Tout ce qui est à l'Amour est à elle ; elle partage ses peines, ses souffrances comme ses joies ; elle est perdue dans son anéantissement eucharistique. Elle adore Dieu avec les adorations de Jésus, elle répare avec ses réparations, elle aime avec son Amour, elle rend grâce avec ses actions de grâces les peines que le cœur de Jésus ne peut plus ressentir, elle les ressent pour Lui, elle les Lui offre, car c'est pour Lui seul qu'elle les ressent et pour qu'il ait la joie de les présenter au Père, en les revêtant de ses mérites infinis. Elle est l'humble consolatrice du Cœur Eucharistique, sa petite hostie, sa véritable eucharistie d'Amour, car Il trouve en elle tout ce qu'Il attend d'elle ! L'Amour s'est fait Eucharistie pour devenir la nourriture de l'Ame, pour s'unir à elle, pour lui communiquer sa vie d'amour - et c'est dans ce but qu'il s'est immolé, anéanti.

L'Ame aimante fait de même : elle aime, et pour réaliser avec son Amour l'union par- faite, aidée de la grâce qui agit puissamment en elle, elle s'anéantit ; et, devenue toute petite par cet anéantissement, elle disparaît en l'Amour de son Dieu pour que Lui seul paraisse désormais ; elle Lui offre l'Aliment qu'Il désire, l'Aliment qui seul est capable d'entretenir sa Vie, c'est-à-dire l'accomplissement de la volonté du Père.

" Ma nourriture, a-t-Il dit, est d'accomplir la Volonté de mon Père céleste "

Il n'est donc pas vous le voyez, Ame fidèle il n'est pas si difficile, ni si dur de mourir complètement à soi-même pour faire vivre en soi l'Amour seul - il n'est pas si pénible de disparaître en l'Amour pour Lui donner l'Aliment qu'Il désire, l'accomplisse ment total de sa Volonté Sainte !

Deuxième point

O Vous que Dieu aime comme son Fils vous aime, - car tout ce qui attire les complaisances du Fils, attire de même les complaisances du Père ; vous qui, en suivant l'Amour, êtes entrée dans ses desseins les plus intimes ; vous qui avez commencé à vivre cette Vie qu'Il désire plus que nous, cette vie d'union et d'amour eucharistique qui est son Paradis eucharistique ; heureuse êtes-vous, Ame fidèle !

Mais, ne l'oubliez pas, l'Amour ne s'arrête jamais, Il entraîne avec Lui tout ce qu'Il rencontre. Priez donc, priez et suppliez pour que d'autres âmes le suivent avec vous ; apprenez-leur combien aimables sont les voies de l'Amour ; et, avec toute la puissance de votre charité, efforcez-vous d'attirer les âmes, un grand nombre d'âmes, à ce Cœur Eucharistique qui est le Centre de toutes vos affections et de tous vos désirs ; édifiez-Lui son petit paradis, où Il puisse se consoler de tant d'oublis, de tant d'ignorances, de tant d'ingratitudes ; en somme, réunissez-Lui ce petit troupeau à l'aide duquel Il veut sauver le monde. Petit troupeau caché, mais fécond en Apostolat de la fécondité même de l'Amour eucharistique qui seul agit en Lui.

O chères petites âmes, allons à l'Amour, disparaissons en Lui, et, avec la force de Celui qui s'anéantit dans l'Eucharistie, combattons, souffrons, prenons sur nous ses souffrances eucharistiques : à tout prix, faisons triompher dans tout l'univers l'Amour anéanti. Son anéantissement fait notre puissance ; offrons-le au Père Céleste, offrons-le toutes ensemble et prions pour qu'en considération d'un tel excès d'amour Il daigne avoir pitié du monde.

La Victime Divine est sans cesse immolée ici-bas et c'est Elle qui retient loin de la terre les châtiments justement mérités.

Mais le Père Eternel n'accorde pas toutes les grâces de conversion qu'Il voudrait, Il ne les accorde pas, parce que trop rares sont les Ames innocentes, les Ames aimantes, les Ames qui consentent à Lui offrir sans interruption l'Hostie propitiatrice, l'Hostie expiatrice.

Nous du moins, mes chères Sœurs en l'Amour Eucharistique, nous du moins, consacrons-nous à cette oeuvre sublime. Tenons- nous sans cesse aux côtés de Jésus : laissons-Le penser à nous, Il y pensera mieux que nous ne le saurions faire nous-mêmes.

Disparaissons en l'Amour Eucharistique, et nous serons heureuses, nous serons heureuses de la félicité même des Elus dans le ciel, parce que nous serons plongées dans l'Amour même qui est le Centre de toute félicité au ciel et sur la terre. Allons donc et mourons en Lui ! Quel bonheur, que cette mort qui mène à la vraie vie, à Jésus ! et qui, en quelque sorte, donne la vie à Jésus Lui-même, puisqu'elle la donne à des âmes auparavant mortes à son Amour, mortes à sa grâce.

O Amour, quelle puissance est la vôtre quand on sait Vous comprendre et vous suivre !

Prière

0 Père, Fils et Saint-Esprit, Trinité Sainte, Amour unique dont la diffusion nous unit en l'Unité de Dieu, daignez introduire l'être pauvre et misérable que je suis dans l'Unité de l'Amour Eucharistique, et faites qu'en Lui et par Lui je travaille à votre diffusion dans les Ames afin d'unir les âmes à Lui.

O Marie, ma Mère, daigniez m'unir à Vous, à Vous la première Hostie d'Amour et d'Union Eucharistique, à Vous, l'Adoratrice par excellence. Apprenez-moi à faire comme Il le veut, sa Volonté !


Dixième jour

Première méditation : Abîme d'Amour

Premier point

Dirigez votre regard intérieur sur le Cœur Eucharistique de Jésus, pénétrez, en ce Divin Cœur, votre Unique Amour. Quel abîme d'amour, de miséricorde, de pardon ! Vous l'entrevoyez, mais vous n'arrivez pas à le pénétrer jusqu'au fond : il n'en a pas, il est infini. Considérez quel regard de complaisance Il arrête sur l'âme aimante et fidèle qui l'a suivi pas à pas jusqu'au bout, jusqu'à l'accomplissement parfait de ses desseins d'amour. Cependant l'âme ne comprend pas encore tout le travail de l'Amour en elle-même. Elle se sent aimée, aimée d'un Amour immense qui la pénètre tout entière, mais les voies mystérieuses de cette union nouvelle ne lui sont pas connues. Elle voudrait interroger Jésus, mais Jésus prévient sa demande. Il sait que dans la connaissance de ses opérations d'amour, l'âme puisera une force nouvelle, une force nouvelle pour aimer, une force nouvelle pour remercier en son Cœur le Dieu qui la comble d'un si grand amour. Et c'est pourquoi, avant même qu'elle ait eu le temps de l'interroger, Jésus lui répond ; à ses yeux devenus plus pénétrants parce que l'Amour les a purifiés, Il dévoile les bienfaits divins : comment Lui, l'Amour Eternel du Père, la Sagesse Incréée, à l'heure du baptême déposa dans le cœur de sa créature le germe précieux de son Amour ; comment la chaleur vitale de la grâce féconda ensuite ce germe délectable jusqu'à ce que l'âme, par sa fidélité à correspondre aux bienfaits de l'Amour, devint elle-même capable de le développer, de le faire grandir de degré en degré jusqu'à complète maturité. A cet instant, Jésus devait intervenir pour la faire mourir à nouveau, et donner à sa créature une forme toute nouvelle : la forme même de Jésus qui est la forme de victime eucharistique ! Et que fera-t-Il pour opérer cette transformation ? Il découvre à l'âme comment, dès l'instant où Il la connut suffisamment disposée par les soins de l'Amour au travail de l'Amour lui-même, Il commença sans tarder son oeuvre de patience et de tendresse. Il lui rappelle que, pour vivre sa vie de grâce, il faut mourir à la nature, aux passions et aux inclinations propres ; Il lui rappelle que, comme le grain de froment qui doit pourrir pour pouvoir ensuite germer, grandir, et porter des fruits elle doit aussi par la mortification du vieil homme, mourir pour que germe en elle la semence de vie, d'amour et de grâce que Jésus y avait jetée. Tout cela, elle voit qu'elle l'a accompli avec l'aide de la grâce. Elle ne l'a pas accompli sans peine, mais l'Amour a triomphé : ce fut sa première mort, l'anéantissement en elle de la nature ! Eclos dans l'âme, fécondé des grâces les plus abondantes, entouré des soins de jésus, l'Amour grandit et l'âme sent un besoin nouveau de s'unir à Celui qu'elle aime ! Et ce besoin la rapproche de Lui, il lui prend un vif désir de l'imiter dans sa vie, elle s'arrête à considérer ses exemples, elle apporte une sincère bonne volonté à marcher sur ses traces. Témoin de cet empressement, Jésus l'excite encore de sa grâce divine. Il la pousse à entreprendre plus résolument encore cette vie de conformité à ses exemples, aux exemples qu'Il est venu donner sur la terre pour aplanir le chemin ! Et Il va de l'avant, et ce n'est pas seulement une vie d'imitation qu'Il lui fait désirer, c'est la vie d'union avec Lui. Par tous les moyens - impressions intérieures, regards d'amour, attraits de toute sorte - Il la pousse à entrer dans sa Voie. Et enfin, après diverses épreuves plus ou moins dures, après un temps plus ou moins long de purification, Il contente son désir, ce désir qu'il avait Lui-même déposé dans l'Ame fidèle, et Il l'introduit dans son Cœur, Il lui donne son baiser d'amour, et la vie, l'heureuse vie d'union commence. Vie d'union, vie d'amour, vie de pensées et souffrances communes qui fait le bonheur de l'Ame et de son Amour, et qui la prépare en même temps à la mort et à une vie nouvelle ! Quand l'Ame se trouve ainsi unie à son Amour, Il la fait jouer et Il la fait souffrir avec Lui, et Il la fait grandir en sa vie jusqu'à ce qu'il excite en elle un nouveau désir et lui imprime un mouvement nouveau. L'Amour n'est Jamais rassasié. Quand l'Ame aime fortement elle s'écrie : " Je ne veux plus vivre, le veux que seul mon unique Amour vive en moi !" Or, c'est l'Amour qui suscite en elle cette idée, et Il part de là pour lui faire comprendre qu'elle doit mourir à elle-même : pour que l'Amour vive seul, il faut que la mort soit consommée. Et l'Ame prie alors l'Amour de réaliser en elle son désir, et l'Amour exauce la prière de l'Ame. Il lui décrit sa vie eucharistique, Il lui suggère l'idée de se faire à son tour l'Eucharistie de Jésus, et elle se prend à le désirer ardemment, et elle ne rêve plus qu'à la réalisation de ce divin idéal.

Deuxième point

L'Amour a préparé sa victime, l'Amour doit en être le sacrificateur comme Il l'a été de Lui-même. A cet effet Il découvre graduellement à l'Ame sa tendresse et les désirs de son Cœur, mais Il la laisse libre, Il n'exerce sur elle aucune contrainte. L'Ame se trouve donc préparée, les épreuves et les souffrances ont servi à la purifier, à changer en vie de grâce les funestes inclinations de la nature corrompue. Divinisée tant par les souffrances et les épreuves envoyées de Dieu que par la vie d'union à l'Amour, elle est comme un froment déjà moulu, comme une farine prête à se faire pétrir par Jésus. Mais Lui veut que l'offrande de l'Ame vienne d'elle-même et qu'elle soit toute spontanée, Il augmente donc en l'Ame le désir et l'amour : c'est l'amour qui doit tout faire. Personne n'est venu suggérer à Jésus d'instituer l'Eucharistie ; c'est son amour seul qui l'y a poussé, son amour pour nous, son amour qui ne voulait pas laisser orphelins de pauvres enfants. L'âme ne tarde pas à le comprendre, son amour n'y peut plus tenir : " Il n'y aura donc personne, s'écrie-t-elle, qui réponde à tant d'Amour ! O mon Amour, Amour anéanti, pour rester avec nous. Vous Vous êtes mis dans cet état, et les hommes ne comprennent pas, et les hommes vous délaissent ! O Amour Eternel, moi, votre humble servante, je veux répondre à votre désir d'Amour. Exaucez-moi ! Il y a si longtemps que j'appelle cet heureux moment : achevez en moi l’œuvre que Vous avez commencée, je Vous appartiens, je ne veux plus avoir en moi . d'autre vie que la vôtre ; emparez-vous de moi, vivez en moi Vous seul ! " L'Amour n'attendait que cet absolu renoncement, cette mort totale à toute vie propre, cette disparition complète de l'Ame en Lui : Il accepte, et pour l'Ame commence cette vie cachée en l'Amour Eucharistique, qui est la fécondité même. Et l'Ame comprend qu'elle ne saurait trouver sur la terre de vie meilleure. Certes, elle n'en est pas à ne plus ressentir les peines et les souffrances de ce monde : elle les ressent, mais perdue qu'elle est dans l'Amour, tout lui devient doux et facile. Elle a devant les yeux les souffrances d'amour de son Dieu : cette vue l'encourage à tout supporter pour consoler son Amour et Lui venir en aide. De plus en plus elle s'abîme en Lui, le reconnaissant comme le seul auteur de sa félicité. Sa vie, tout comme les espèces eucharistiques, n'est qu'un voile derrière lequel se cache la vie réelle et véritable de Jésus, avec cette différence que les espèces eucharistiques ne sauraient correspondre à l'amour par des actes de vie, tandis que l'Ame prête à Jésus sa propre vie, puisque c'est Lui qui agit en el1e... O heureuse immolation, heureux anéantissement qui dispose l'âme à vivre de la vie eucharistique de Jésus !

Prière

O Amour Eternel, qu'avez-vous fait ? Véritablement votre amour pour nous va presque à la folie ! Et personne n'ira jusqu'à la folie pour répondre à votre amour ? Acceptez, je vous prie, la pauvre créature que je suis. Je veux imiter votre folie d'amour, je veux m'anéantir, me consumer en Vous. Je veux me perdre en Vous et y disparaître entièrement pour que Vous seul viviez en moi !

Deuxième méditation

Douleur d'amour Premier point L'Amour est satisfait : enfin l'âme est dans son Centre, elle s'y est jetée sous l'impulsion de l'Amour, et là elle est heureuse, heureuse du bonheur même des Elus, parce qu'elle rend heureux l'Amour anéanti. N'est-ce pas Lui qui a tout fait tout fait pour communiquer à l'âme sa vie eucharistique, tout fait pour que l'âme devienne son Eucharistie. Ainsi l'Amour Eternel et Incarné se réjouit de la félicité de l'âme, et l'âme se réjouit de la félicité du Dieu anéanti. L'anéantissement de son Dieu la touche sans cesse davantage et sans cesse excite en elle plus d'Amour. Elle se rendait compte même auparavant de cet anéantissement, mais elle n'en pénétrait pas la profondeur ! Maintenant qu'elle est perdue en Lui, certes, elle demeure encore bien incapable de le comprendre et de le mesurer dans tous ses aspects, mais elle n'en a pas moins une vue beaucoup plus claire et beaucoup plus vaste. Elle voit mieux à quel abandon Jésus s'est assujetti entre les mains de ses créatures. Il se cache sous de faibles apparences et Il demeure là immobile, jusqu à ce qu' il plaise à son Ministre de Le prendre. Et alors Il se laisse porter où le Prêtre veut bien Le conduire, soit pour communier une Ame sainte, soit pour Le poser sur une langue sacrilège. Il s'abandonne, Il sait que telle pauvre âme le recevra avec froideur, que beaucoup omettront de répondre à son Amour, qu'à peine communiés ils ne penseront plus à Lui ; que fermant leur cœur à ses mouvements d'amour, ils s'arrêteront peut-être à des pensées indignes, tout au moins à des pensées inutiles et à des futilités : Il se soumet, Il ne résiste pas. Mais Il soufre - et la douleur de Jésus en ces rencontres n'échappe pas à l'âme qui vit plongée en son Amour eucharistique. Elle saisit de même l'amertume de cette douleur, quand elle voit Jésus contraint de se laisser porter par les mains indignes de Prêtres qui correspondent mal à la sublimité divine de leur vocation ! Elle voit la blessure cruelle que Jésus en reçoit, et son amoureuse compassion pour ces pauvres prêtres, qui, ayant en leurs mains le salut du monde et la Rédemption même, s'en servent si mal, si indignement, et, au lieu de travailler à apaiser l'Amour offensé, se transforment eux-mêmes en instruments d'iniquité. Quelle tristesse pour le Cœur Eucharistique ! Seule peut la comprendre l'âme qui vit par amour animée dans ce Divin Cœur. Une autre blessure se révèle à ses yeux dans les profondeurs du Cœur Eucharistique : celle qu'y imprime la tiédeur avec laquelle osent le recevoir certaines de ses Epouses bien-Aimées, certaines de ces Ames qui lui sont consacrées et qui Lui ont juré une éternelle fidélité. Au lieu de se montrer épouses aimantes, qui ne vivent pas tant que l'Epoux divin tarde à les visiter elles restent froides pour Le recevoir, livrées à la routine, omettant de raviver leur fol et leur amour pour s'approcher de Lui. Elles restent là distraites, plongées dans mille soucis extérieurs, lutant de futilités et de riens, et pendant ce temps-là elles laissent l'Amour dans la solitude. Lui pourtant les aime, parce qu'elles sont ses épouses et qu'Il veut être un Epoux fidèle, gardant inviolablement ses promesses. Il voudrait les combler de grâces d'amour, Il voudrait les remplir de Lui-même ; Il voudrait, Lui, l'Epoux, s'entretenir familièrement avec elles, recevoir leurs confidences et leur faire les siennes, échanger contre les leurs ses peines, ses tristesses et ses joies, leur parler de ses intérêts et entendre parler des leurs, les consoler et en être consolé. Il voudrait qu'elles prissent à cœur ses intérêts, commençant par s'aimer elles-mêmes, et s'aimant avant tout par amour pour Dieu - c'est-à-dire à cause de l'amour que Dieu leur porte et en vue de leur propre sanctification. Hélas ! ô douleur, ô ingratitude ! ces pauvres âmes perdent au contraire leur temps : et si ce n'est pas le mal qu'elles font, elles ne font pas non plus le bien. Et l'Amour soufre. Il frappe à la porte de leur cœur, Il frappe encore, et Il attend pour voir si tout de même on ne répondra pas ; Il attend qu'elles reviennent à une vie plus fervente, moins indigne du beau nom d'épouses ! Voilà les souffrances les plus intimes de l'Amour Eucharistique, celles qui pénètrent le plus profondément en son Cœur, en son Cœur vivant, réel, vrai, en son Cœur de chair, au sein de son anéantissement sacramentel. Il en souffre davantage parce qu'elles lui viennent d'êtres plus chers, parce qu'elles lui viennent de ces Ames qu'Il s'était choisies, dont Il avait voulu faire ses auxiliaires dans l’œuvre de la Réparation et de la Rédemption - et qui n'ont pas répondu à son appel.

Deuxième point

Mais l'Ame aimante découvre encore dans le Cœur Eucharistique d'autres souffrances, et des souffrances qui Lui viennent encore de ceux qu'Il aime, de ses enfants. Elle voit ces êtres sacrilèges qui, moins par haine pour Lui que par passion de l'or, dérobent les vases sacrés où Il repose et jettent dans la boue son corps très Saint. Le Cœur de Jésus est plein de compassion pour ces malheureux, Il offre pour eux l'affront qu'Il reçoit - mais l'offense demeure immense et très sensible à son Amour ! Son amour même ne cesse pour ainsi dire d'être son bourreau, son amour pour ces pauvres âmes dévoyées : car par amour Il voudrait les sauver, et c'est pourquoi Il va jusqu'à s'abandonner entre leurs mains. Il pourrait faire des miracles, comme Il en fit autrefois, pour se soustraire à eux ; mais, dans son adorable Providence, Il juge meilleur de se taire. Les Ames sont libres, Il se refuse à les contraindre, sinon dans les rares occasions où son Infinie Sagesse juge convenable d'agir autrement. L'âme que Dieu a choisie et qu'Il appelle à partager ses souffrances d'amour découvre encore d'autres indignités, d'autres scélératesses, à ce point qu'elle en vient à désirer davantage de vivre cachée en son Jésus, à ce point surtout qu'elle voudrait Le cacher Lui-même, Le faire disparaître pour qu'il n'en soit plus la victime. Elle voit des Ames sans foi, des Ames vendues au démon, se diriger vers la Table Sainte, recevoir le Pain Sacré, et s'en aller Le porter en des lieux indignes pour l'outrager. Et Lui s'abandonne encore, Il se livre à ces misérables, Il les laisse faire de son Corps immaculé tout ce qu'ils veulent... Et l'Ame s'en- fonce dans le cœur de son Dieu, elle veut y répandre le baume de son amour et de sa compassion, elle voudrait cacher ce Cœur divin pour que la douleur ne l'atteigne pas. Mais Jésus lui répond : " Ne suis-je pas la victime d'expiation ? La victime d'expiation appartient à tous, chacun en est le Maître et peut en faire ce qu'il veut... Tout ce que j'endure, je l'offre pour leurs âmes, leurs âmes si chères à mon Cœur. " Elle volt encore les blasphèmes, les obscénités, les scandales, les péchés de toutes sortes qui ne cessent de se commettre dans le monde, et qui comme autant de flèches empoisonnées blessent notre très aimant Jésus au plus profond de son cour Eucharistique, de ce Cœur qui sent et qui souffre, parce qu'Il est un Cœur vrai, vivant, réel ! Et Jésus, l'Amour Eucharistique, ne leur cache pas son perpétuel Calvaire, son Gethsémani d'Amour Il leur laisse voir comment Il reçoit tout, comment Il s'abandonne à tout, non sans une infinie tristesse dans le cœur. Continuellement Il semble répéter : " Mon Ame est triste jusqu'à la mort ! " A la vue de tant de souffrances et d'une tristesse si profonde, l'âme remercie Jésus de la miséricorde dont Il a usé envers elle ; elle s'enflamme toujours plus du désir de Le consoler, de Le laisser vivre en elle, de disparaître en Lui ; et pour avoir le bon- heur de Lui plaire elle se met à l'imiter plus que jamais, comme Lui elle s'abandonne, elle se livre à l'abandon eucharistique qui consiste pour elle comme pour Lui dans l'oubli de soi, Intérieur et extérieur. Elle se livre à l'abandon extérieur en ne se lamentant jamais, en ne s'inquiétant nulle- ment de ce qui arrive d'heureux ou de mal- heureux autour d'elle, en se remettant toujours de ce qui la regarde à ceux qui en sont chargés . Elle se livre à l'abandon intérieur, en se confiant de plus en plus à l'Amour, en se donnant à Lui toujours plus complètement, toujours plus fortement, en Le laissant faire en elle-même tout ce qu'il veut. Elle est fixée en Lui, perdue en Lui, attentive uniquement à faire ce qu'il dit et ce qu'Il voudra lui dire, occupée tout le reste du temps de son rôle paisible de Consolatrice, tirant son amour et sa compassion à Jésus, l'Unique Bien, à Jésus qui souffre en son Sacrement d'Amour. Heureuse l'âme qui entre ainsi dans les désirs de son Bien-Aimé : elle devient la Consolatrice de son Dieu, elle devient l'admiration du Ciel, et en même temps 1'Apôtre, le Missionnaire du Cœur de Jésus - et si son Apostolat est caché, il n'en sera que plus fécond et Il hâtera l'heureux moment tant désiré par l'Amour où se trouvera enfin réuni le bercail unique, le bercail pacifique ! Voilà votre partage, chère âme, voilà votre bonheur et votre gloire. Suivez l'Amour. Lui-même vous introduira dans ce petit troupeau choisi qui l'aide à ramener aux Pâturages de vie les brebis égarées. Prenez courage : en avant, en avant par amour pour Jésus, par amour pour vous-même ; par l'amour que vous Lui devez, et par l'Amour que vous vous devez à cause de Lui. N'allez pas par lâcheté, pour des futilités, perdre de si grands biens, des biens infinis. Rappelez-vous toujours que Dieu est tout-puissant, et que l'Amour se charge de conduire Lui-même ses oeuvres à bonne fin : de votre part, il suffit que vous ne vous opposiez pas, que vous travailliez avec Lui, que vous Le laissiez faire. Oh ! si l'on comprenait l'importance de ces simples paroles : laissez faire Jésus ! Combien plus de Saint le monde compterait, et combien plus d'âmes à parcourir généreusement les sentiers de l'Amour. Et si parfois la nature qui, malgré tout, reste toujours la nature, si parfois le démon toujours jaloux, cherchent à vous arrêter dans votre course généreuse et que vous ne sachiez à quoi vous résoudre, Je vous en prie, ne vous troublez pas. Faites comme l'enfant, jetez-vous dans les bras de l'Amour, appuyez vos lèvres contre la blessure ouverte en son Côté, et là nourrissez- vous jusqu'à ce que, réconfortée, vous puissiez continuer votre chemin. Courage, chère Ame, perdue en l'Amour et disparue en Lui vous ne périrez pas Il vit, Lui seul vit : vous n'aurez donc rien à craindre.

Prière

O Père très aimant qui, en me créant, me destiniez à cette vie sublime, ayez pitié de votre pauvre enfant. Amour Eucharistique, vivez Vous seul, vivez toujours, vivez comme il Vous plaira en ma pauvre Ame. Faites d'elle, en elle et par elle ce que Vous voudrez. Esprit d'Amour, achevez votre Oeuvre !

Troisième méditation : Le Paradis Eucharistique

Premier point

L'Amour Eternel de Dieu, uni à l'Humanité du Verbe, Incarné en Elle, a accompli l’œuvre de la Rédemption. Toute Ame a une mission à remplir dans le monde, et qui lui a été confiée par le Père Céleste. A sa mort elle recevra la récompense qu'elle aura méritée, suivant le plus ou moins de fidélité, suivant le plus ou moins d'amour qu'elle aura mis à satisfaire Jésus et à remplir sa Mission. L'Ame rebelle, qui aura refusé de se soumettre à la juste volonté de Dieu sera châtier de l'enfer. Mais vous, vous qui êtes entrée dans le Cœur même de l'Amour, vous qui avez répondu à ses sollicitudes infinies, regardez les tendresses, regardez les délicatesses qu'I1 a pour vous. Il n'attend pas la mort pour vous récompenser ; votre récompense commence dès maintenant ! Elle commence, je vous l'ai dit, avec cette paix et cette félicité du cœur que Dieu réserve toujours, en une plus ou moins grande abondance, à ceux qui le servent fidèlement - et elle se continue par cette anticipation du Paradis dont Il vous favorise. Car le Paradis Eucharistique où Il vous fait entrer peut fort bien se comparer au Paradis du ciel : il y a cette différence que l'un est un Paradis de gloire et l'autre un Paradis de souffrance, mais c'est toujours un Paradis, parce que l'un et l'autre vous plonge dans le même amour ! Essayons de les confronter ! Les Bien- heureux et les Anges dans le Ciel sont heureux du bonheur de Dieu Lui-même : ils le voient, et cette vue leur suffit pour être heureux ; car elle suffit pour les plonger en Lui, dans ses infinies perfections dont la beauté, la grandeur, l'immensité sont tel- les que l'humaine intelligence ne saurait ici-bas s'en faire une idée, si humble soit- elle ; - l'âme aimante seule, parce que la foi l'a peu à peu habituée à se flaire une idée des choses célestes, l'âme aimante seule peut, et de façon bien imparfaite, les soupçonner. Donc, c'est la vision de Dieu qui fait tout le bonheur des élus, et ce bonheur est infini. Tous les bienheureux du Ciel et tous les Anges sont heureux en Dieu. Tous adorent, louent et remercient l'Amour Eternel qui se fait leur bonheur et ces louanges, en même temps qu'elles servent à la gloire de Dieu, contribuent à augmenter la félicité dont ils jouissent. De même la félicité de chaque âme bienheureuse contribue à la félicité de toutes les autres, parce qu'en elles toutes resplendit l'Amour de Dieu glorifié dans chacune d'elles et toutes ensemble rendent gloire à Dieu de leur félicité : c'est la perfection de l'ordre. Et l'Amour Eternel ne cesse de les combler de nouveaux et admirables bienfaits. Entrez maintenant, âme très chère, dans le Paradis eucharistique, et regardez ; l'Amour s'est fait Eucharistie parce que ses délices sont d'être avec les enfants des hommes. Pour être heureux, il Lui suffit de trouver des âmes qui consentent à Lui tenir compagnie, à prendre leur part de ses douleurs, à reconnaître son amour par l'amour et la fidélité. L'âme aimante qui pas à pas l'avait suivi dans sa voie d'amour, lui a procuré ce bonheur : Il a trouvé en elle ses délices, et, l'âme, à son tour, a trouvé en Lui sa félicité, elle l'a trouvée au sein même des épreuves les plus lourdes, et les plus angoissantes, parce que, nous l'avons vu, souffrir pour l'Amour est une félicité ! Mais l'Amour ne se contente pas pour sa bien-Aimée de cette félicité ; pour la récompenser Il lui en veut procurer une plus grande et plus intense, une qui approche celle même des bienheureux dans le Ciel : la félicité de l'Union eucharistique. Pour aller jouir de la félicité du Ciel, il faut mourir, pour jouir du bonheur de l'Union eucharistique, il faut mourir aussi. Là il s'agit de mort corporelle, ici il s'agit de mort mystique. Entre l'instant de la mort corporelle et l'entrée au Ciel, nous ne pouvons comprendre ce qui se passe en l'âme et pour l'âme. Ainsi en est-il au cours de cette mort de l'âme, mort mystique, mais réelle, qui se termine à l'union eucharistique. L'âme ne s'explique pas ce qui se passe en elle et pour elle, elle avait bien senti ce besoin immense de ne plus vivre elle-même, de se donner totalement à l'Amour pour que Lui seul vive en elle ; elle s'était préparée suivant les inspirations de l'Amour, elle avait dit à l'Amour (qui en ce temps-là faisait semblant de ne pas l'écouter) : Jésus, faites de moi ce que Vous voudrez, je m'abandonne totalement à votre Amour, vivez en moi, vivez seul sur ma mort, faites-moi disparaître en Vous, elle se sentait déjà unie à Jésus, et voici que, tout à coup, elle sent en elle-même un changement nouveau, elle n'est plus seulement unie à Lui, elle se sent abîmée en Lui, de manière à n'être plus pour ainsi dire qu'une seule chose avec Lui

Deuxième point

Voilà le Paradis de l'âme, le Paradis de l'Amour et de l'Union eucharistique ! L'âme est heureuse de la félicité même de Jésus, son Dieu et son Amour. Et Lui, dans son anéantissement, jouit de la voir si fidèle à Lui répondre ; Il trouve en elle ses délices, Il y trouve la récompense de son immense Amour si souvent incompris. A chaque instant, c'est un nouveau témoignage de bonté et d'amour qu'Il lui donne. Il la serre sur son Cœur, Il la laisse reposer sur sa poitrine, comme autrefois Saint Jean l'Apôtre bien-Aimé. Unions d'amour eucharistique, embrassements d'amour dans lesquels l'âme, perdant l'usage de ses sens, s'oublie elle-même et disparaît pour ainsi dire, et tant d'autres unions et tant d'autres caresses de l'amour divin qui font oublier la terre et désirer le Ciel : Jésus multiplie tout ce qui peut resserrer l'unité de l'âme avec Lui. Son bonheur est si grand, son amour si fort qu'elle commence à trouver dur de vivre ici-bas, non certes à cause des fatigues et des souffrances, mais par la force de l'amour ! Et si l'Amour Lui-même ne soutenait la nature, la nature finirait par défaillir. Mais Jésus, à qui rien n'est caché, fait en sorte d'adapter la nature à ses divines opérations, opérations à la fois mystérieuses et réelles, comme mystérieuse et réelle est à la fois la présence de Jésus sous les espèces eucharistiques. Transportée du fait de ces amoureuses communications en un vrai paradis, l'âme devient la petite Hostie d'Amour du Dieu de l'Eucharistie. Et Lui, admettant l'âme au paradis de son Amour anéanti, répand sur elle à pleines mains cette pluie de grâces qu'il ne peut donner à d'autres, également chères à son Cœur, mais infidèles à son Amour. L'âme devient le Paradis de son Seigneur très aimant. Son désir à Lui est de trouver des âmes en qui Il puisse librement opérer ; des âmes qui Lui laissent la liberté de les sacrifier à sa guise, sans qu'il y ait de leur côté la moindre opposition ; des âmes en qui Il puisse épancher sa Vie Eucharistique pour continuer en elles son oeuvre Rédemptrice. Voilà le Paradis de l'Amour anéanti ! Cette réciproque correspondance d'Amour est tout le Paradis Eucharistique, sublime Paradis qui ne connaîtra de changement qu'en l'éternité bienheureuse, car alors l'Amour sera glorifié, maintenant Il est souffrant, bien qu'Il soit connu, compris et récompensé. Ainsi abîmée dans l'amour eucharistique, l'âme voudrait voir s'augmenter le nombre des fidèles de l'Eucharistie. Elle le voudrait pour que s'augmente la joie de Jésus en même temps que le bonheur des âmes L'amour véritable est uniforme dans ses bienfaits. Préparant ici-bas l'union céleste, il doit, toutes proportions gardées, produire dans les âmes les mêmes effets et les mêmes fruits qu'il produira là-haut. S'il en était autrement, il faudrait de toute nécessité conclure qu'il n'est pas l'amour véritable. Ainsi que l'âme aimante prenne garde s'il lui arrive de porter envie aux autres, parce qu'elles lui semblent plus favorisées, ou il s'agit d'une tentation, ou son Amour de Dieu n'est pas véritablement ce qu'il doit être. Aimer, c'est tendre à l'union, à la transformation, à l'absorption de soi-même, pour que seul vive et seul règne l'Objet aimé. L'Amour favorise qui Il veut ; personne ne peut prétendre à pénétrer ses desseins cachés, mais toujours adorables ; que chacun prenne ce qu'Il lui donne et qu'il se tienne content, sans regarder ni désirer autre chose, si ce n'est l'Amour Lui-même. L'Amour est toute Sagesse et toute Puissance : abandonnons-nous à Lui, à son amoureuse conduite, laissons-Le faire. Il nous conduira où il lui plaît, Il nous unira à Lui-même, Il nous transformera en Lui, Il fera de nous les instruments bien aimés de son Apostolat intérieur et Il se servira de nous pour convertir les âmes. Voilà comment l'Amour dès ici-bas, sait vous récompenser ! Voilà comment Il vous fait sur terre partager la récompense des bienheureux dans le Ciel ! Voilà comment déjà Il vous fait jouir de Lui-même, de Lui- même Unique félicité, Centre de toute activité et de toute vie au Ciel et sur la terre, parce que tout a été fait par Lui et rien n'a été fait sans Lui. Unie à Lui, abîmée en ce bienheureux centre d'amour, vous êtes Apôtre et votre Apostolat intérieur sera fécond, car il sera l'Apostolat de l'Amour lui-même qui opère en vous.

Prière

Père Eternel, daignez agréer l'offrande que vous fait de son Apostolat intérieur cette pauvre et misérable créature abîmée dans l'Amour de votre Verbe Incarné. Agréez cet Apostolat, bénissez-le, rendez-le fécond de votre fécondité même. Père Eternel, pardonnez à l'ardeur de mon Amour qui se croit tout possible, parce qu'il s'oublie lui- même et qu'il se perd dans l'Amour Incarné à qui vous ne pouvez rien refuser. Esprit Divin, faites passer dans les âmes votre souffle vivifiant, attirez-les ; formez-les, comme Jésus le désire, à l'Apostolat intérieur, donnez-leur la force d'accomplir en tout et partout la Volonté divine.

Quatrième méditation : Le paradis Eucharistique (suite)

Premier point

Considérez, âme fidèle, qu'au Ciel cesse toute indigence, les Elus sont heureux et abîmés dans l'éternelle félicité. L'Ame aimante, perdue en l'Amour Eucharistique, a rejoint non pas son idéal, c'est trop peu dire, mais l'admirable idéal de Jésus qui, pour son bonheur, a réalisé les inventions les plus inouïes ! Il a voulu la rendre aussi heureuse que peut l'être une pauvre âme humaine entre les bras de l'Amour ? Pour cela, en son Eternelle Sagesse, Il a décrété de l'attacher par l'Union la plus étroite à son sacrifice et à son état eucharistique, et de s'en faire ainsi une auxiliaire dans la conquête des âmes ! Elle y trouve elle-même son bonheur, et un accroissement merveilleux de son bonheur tant ici-bas qu'un jour au Ciel. Jésus est donc parvenu à son but : l'âme s'est perdue en Lui ; elle est entrée, comme nous disions, dans le Paradis Eucharistique, Paradis de souffrances d'Amour, mais Paradis véritable pour l'Ame qui aime, et Paradis pour l'Amour anéanti Lui-même, car la correspondance d'amour qu'il établit fait leur bonheur réciproque. Ce Paradis de la terre présente même en quelque sorte un avantage sur celui du Ciel, un avantage qui fait le bonheur de l'amour, et le bonheur de l'Ame aimante en même temps, pour ainsi dire, que son tourment. En ce Paradis, le désir de l'Ame ne cesse de grandir, plus elle aime, plus elle veut aimer, et ce désir sans cesse grandissant fait sa joie en même temps que son tourment. A mesure que l'âme découvre et comprend les innombrables manifestations de l'Amour, à mesure qu'elles se révèlent à son regard comme si elle les voyait de ses propres yeux - bien que cette vue, sauf en de rares exceptions, soit seulement mystique - son amour augmente, son amour grandit. Et pourtant elle n'aime pas encore comme elle voudrait, comme elle sent et voit que l'Amour mériterait d'être aimé. C'est alors que cette âme privilégiée et véritablement bienheureuse imagine toutes les inventions pour payer, à l'Amour anéanti, le tribut d'amour qu'elle voudrait Lui offrir et qu'elle n'achèvera jamais ! En quoi l'Amour lui-même daigne lui venir en aide ! Il enflamme ses désirs Il lui suggère des affections d'une valeur Infinie. Mon Jésus, daignez faire pour moi des actes d'amour infini, de remerciement infini, de réparation infinie. Et l'âme offre à Jésus l'Amour éternel du Père, à la Très Sainte Trinité l'Amour et l'Adoration du Cœur Eucharistique de Jésus : elle offre tout cela comme son bien propre, elle offre tout cela pour rendre, autant au moins qu'il est possible, à l'humaine créature, amour pour amour. Ce sont toutes les Ames qu'elle voudrait amener à Jésus. A chaque instant elle veille pour ne laisser échapper aucune des suggestions de Jésus. Adoration, réparation, amende honorable, union de repos et d'amour, voilà à quoi elle passe sa vie.

Deuxième point

Comme son divin Armant, tout en gardant la plus grande paix et le plus grand calme d'esprit, l'âme est d'une activité merveilleuse ! Elle fait sienne l'activité même de l'Amour, en l'ordonnant comme Lui au salut des Ames. Elle les aime, ces chères Ames, tant aimées de son Epoux, et tout lui semble possible ! Elle se fait l'Apôtre enflammé, le Missionnaire infatigable de l'Amour. Son Apostolat n'est pas celui des oeuvres extérieurs, car d’œuvres extérieures elle en fait ce qu'en comportent ses devoirs d'état, ni plus ni moins, y trouvant d'ailleurs une occasion de grand mérite, car elle s'en acquitte avec beaucoup d'amour. Non, son Apostolat propre est celui de la vie intérieure : dans sa prière elle conjure l'Esprit Saint d'inspirer aux Ames la fidélité à l'Amour , elle prie Jésus de l'envoyer aux Prédicateurs et de donner par Lui à leur prédication l'action de sa grâce, cette onction qui touche les cœurs et les convertit ; elle Lui demande que sa Divine Parole tombe en terrain favorable, afin qu'elle y puisse germer ; elle le prie tantôt pour une nation, tantôt pour une autre, sollicitant pour chacune d'elles des grâces abondantes de conversion. Elle plie de même les Anges Gardiens : qu'ils daignent insuffler dans les Ames l'Amour de Jésus, la fidélité à son appel ; qu'ils aillent par tout le monde garder le troupeau de Jésus. Pour faire plaisir à sa Bien-Aimée, Jésus parfois laisse voir à l'Ame combien son zèle lui est agréable et quels beaux fruits de conversion produisent ses prières. Lui-même daigne lui suggérer de se livrer à des heures, à des journées de prière ou de réparation pour diverses intentions ou besoins particuliers. L'activité de cette Ame, perdue en l'Amour, est vraiment admirable. On sent que c'est Jésus Lui-même, l'Amour Eternel, qui l'anime, que ce n'est pas elle qui agit et qui vit, mais LuI qui agit et vit en elle. L'Apostolat Eucharistique de Jésus s'est établi en elle, et, en toute vérité, elle a le droit de s'écrier : " Ce n'est plus moi qui vis, c'est Jésus qui vit en moi , car de moi- même je n'ai plus ni mouvement, ni opération, je me tiens en repos jusqu'à ce que l'Amour me dise : Fais ceci ou bien fais cela ! " Et Jésus se sert de cette Ame fidèle pour offrir en elle son Adoration réparatrice, ses demandes, ses supplications, ses actions de grâce, pour le salut du monde entier, pour la conversion des pécheurs, en compensation de tant d'actes d'honneur et de gloire que les hommes ne songent pas à rendre à Dieu .Elle est avec Lui la petite Hostie élevée entre Ciel et terre pour éloigner les châtiments. Voilà jusqu'où peut aller l’œuvre de l'Amour dans l'Ame qui correspond fidèle- ment à la douceur de ses attraits ! Oh ! si dans le monde le nombre de ces âmes était plus grand ! L'Amour triompherait, l'Amour arracherait au Père la réalisation du plus cher désir de son Cœur : la conversion du monde entier, le retour de toutes les brebis à l'unique et pacifique bercail d'amour ! Ames très chères, ne refusez pas de correspondre à l'Amour ! Allez à Lui généreusement. Ne laissez pas échapper pour des riens, pour une crainte sans fondement, la glorieuse couronne qui vous est offerte. N'écoutez pas les suggestions trompeuses de l'ennemi qui cherche à vous éloigner de l'Amour parce qu'il veut votre ruine. Jetez-vous dans l'Amour, faites ce qu'il vous demande, remettez-vous, comme un enfant, entre ses bras : Il vous soutiendra, Il vous portera Il vous conduira pour votre bonheur à la victoire complète, à la couronne de gloire et d'Amour, qui est Lui-même. Allez à Lui : on n'y arrive pas, il est vrai, sans combat, sans labeur, sans effort, mais avec l'Amour il n'est rien d'impossible. L'Amour est fort : ne doutons pas de Lui. Confiance ! Confiance ! Confiance ! Reposons sur Lui notre confiance en toute sécurité : Il nous sauvera, Il nous sanctifiera, Il nous couronnera. Ah ! qu'il est doux, et facile, et désirable de cheminer avec Jésus pour guide, Jésus, notre Unique Amour, Jésus Eucharistique !

Prière

Amour Eternel, Père, Fils et Saint-Esprit, qui nous avez créés de rien pour une fin si grande et si sublime, telle que votre glorification en Vous, par le moyen de l'Amour. Qui Vous glorifiez en nous par l'Amour que Vous nous portez, et en qui nous nous glorifions par l'Amour que nous Vous portons, et par l'offrande que nous Vous faisons de tous nos actes, et par notre fidélité à Vous obéir en fils bien Aimés et très aimants. Daignez nous accorder la grâce de correspondre à vos moindres désirs par l'accomplissement amoureux, de votre volonté, Afin, qu'ayant trouvé en nous votre glorification, Vous puissiez un jour nous glorifier dans le Ciel, pendant que nous bénirons éternellement vos miséricordes !

Dernière méditation : La Récompense

Premier point

L'Ame qui vit ainsi abîmée dans l'amour et toute occupée à cette admirable activité qu'est l'activité eucharistique, n'a plus d'autre pensée que la gloire de son Dieu, égale- ment prête à tout faire et prête à s'abstenir de tout pour Lui et pour ses chères Ames. A la récompense, elle ne pense pas, ou à peine, étant déjà suffisamment récompensée par son Amour même. Mais l'Amant divin, juste Rémunérateur des moindres bonnes oeuvres, Jésus, Lui pense à récompenser sa bien-Aimée ! Il lui prépare dans le Ciel une récompense éternelle, Il tient prête pour elle la couronne appropriée à ses mérites et à sa fidélité, la couronne qu'Il posera un jour sur son front aux applaudissements du Ciel, admirant tout entier l’œuvre grandiose et sublime de l'Amour divin en elle. Unie à Jésus sur la terre, elle n'en sera point séparée au Ciel : alors, tout au contraire, Il la plongera plus profondément encore en son Cœur divin, comme une perle précieuse destinée à rehausser d'un nouvel éclat sa beauté adorable ; et tous les Anges, et tous les Bien- heureux, ravis de joie et d'admiration, contempleront le sublime ouvrage de la grâce et de l'Amour de leur Dieu ! Et l'Ame, que dira-t-elle en se voyant ainsi comblée par son amour ? Ah ! combien alors elle bénira ses souffrances, et les violences qu'elle s'est faites pour suivre l'Amour pour rester unie à Lui, pour vivre avec Lui, pour accepter la mort totale d'elle- même et laisser vivre en elle Jésus seul. Alors elle comprendra dans sa plénitude la miséricorde de Jésus à son égard, la miséricorde de Jésus quand, amoureusement, Il l'attirait à Lui et la faisait vivre en Lui ! " Ah ! s'écriera-t-elle, Jésus, mon Seigneur, mon Unique Amour, qu'ai-je fait pour mériter tant de bonheur et tant de gloire ? C'est vous, ô mon Amour, qui avez tout fait ; je n'ai fait que Vous suivre en surmontant avec l'aide de votre grâce toutes les oppositions de la nature ! "

Deuxième point

Cela est vrai, répondra Jésus ! Mais si vous n'aviez pas répondu à mon appel, si vous n'aviez pas suivi mes attraits d'amour, vous ne m'auriez pas aidé à sauver mes chères Ames. Je ne fais donc maintenant que vous donner la récompense due à vos mérites : vous avez voulu vous associer à mon Apostolat intérieur, il est juste que vous obteniez la gloire des Apôtres bien- aimés de mon Cœur. Avec Moi, vous jugerez le monde. Puis Jésus découvrira à son Elue le grand nombre d'âmes qui ont été sauvées par sa coopération ; et celle-ci rendront grâce à Dieu d'avoir inspiré à son Apôtre une si grande charité, reconnaissant que, si elles jouissent à cette heure de la gloire, c'est à sa compassion qu'elles le doivent. Et ce spectacle sera pour l'Ame l'occasion d'un nouvel accroissement de gloire ! Voyant tout le bien que l'Amour opéra en elle et par elle, elle s'abîmera plus encore en Lui, elle Lui rendra gloire et honneur, elle Lui chantera sa reconnaissance, elle bénira les souffrances qu'Il lui fit partager, reconnaissant qu'elles ne sont véritablement rien à côté de la félicité présente, à côté de la gloire qu'elles lui ont méritée, à côté de l'accroissement éternel de gloire qu'elles ont apporté à l'Amour. A leur tour les Ames sauvées par elle ne cesseront de répéter à l'Amour le Cantique éternel de leur reconnaissance, et ce cantique aura éternellement sa répercussion dans l'Ame de l'Apôtre qui fut entre les mains divines le docile instrument de leur bonheur. Telle est, en un trop faible aperçu, la récompense que Jésus réserve à l'âme aimante et fidèle, qui ne pense qu'à plaire à l'Amour, à Le laisser vivre en elle comme il Lui plaît, à devenir sa petite hostie, la petite hostie dont Il se sert à sa guise pour le bien des âmes qu'Il aime ! Si cette âme, une fois admise à la gloire éternelle, revenait au monde et vous parlait, que dirait-elle ? "Ame très chère, s'écrierait-elle, écoutez l'Amour, laissez vivre en vous l'amour, disparaissez dans l'Amour, comme une petite hostie d'amour immolée, anéantie pour les âmes qu'Il aime. Et un jour, après avoir en cette vie goûté le bonheur et la douce récompense de vivre continuellement en la compagnie de Jésus, de Le voir content, de l'aimer, de travailler pour Lui, vous serez couronnée, et Lui-même posera sur votre front une couronne de gloire dont la beauté dépasse toute espérance ! " Laissez l'Amour vous sanctifier à sa guise- Suivez-Le.

Appendices

Appendice I : Examen de l'âme sur la docilité qu'elle a mise à correspondre à l'amour

Jetez un regard, Ame fidèle, sur votre vie passée : quelle a été votre docilité à l'égard de Dieu et de son immense amour pour vous ?

1. Remontez au temps qui vit les premières lueurs de votre raison. N'avez-vous pas, alors qu'à peine vous commenciez à saisir quelque chose de Dieu, de la foi, de notre sainte Religion, n'avez-vous pas senti le besoin de les aimer et d'embrasser leurs enseignements ? Ce besoin, si vous l'avez senti, avez-vous eu soin de le cultiver ? C'était là le germe d'amour déposé par Dieu en vous et qui ne demandait qu'à se développer. N’avez-vous pas, au contraire, prêté l'oreille aux récriminations de la nature et aux astuces du démon, de ce perfide qui, dès le premier instant, sans se laisser deviner, cherchait à s'infiltrer dans l'âme pour y développer son influence et étouffer l'Amour. Comment avez-vous résisté à ses premières attaques ? Avez-vous été forte ? Ou bien, dès cet instant, avez-vous laissé la victoire à l'ennemi ? Si ce malheur est arrivé, comment vous êtes-vous ensuite comportée vis-à-vis des intimes sollicitations de l'Amour, qui douce- ment vous rappelait ? Car après la défaite il ne vous a point délaissée ; Il vous a, au contraire, sans tarder, sollicitée de revenir, Il vous a pour cela envoyé les remords de conscience, Il vous a ravi cette grande et douce paix de l'âme dont vous jouissiez, ne cessant de vous répéter que l'abandonner c'était vous tromper, parce qu'il vous aime, tandis que le démon ne vous veut que du mal ! Avez-vous été docile à ces douces sollicitations ? 2. Jetant un regard sur vos premières années, voyez comment l'Amour n'a cessé en toute rencontre de vous entourer de 1'assistance la plus attentive. Gomment y avez- vous répondu ? Ah ! malheureusement que d'infidélités à déplorer ! N'est-il pas vrai qu'elles sont innombrables, que vous perdriez votre temps à vouloir les compter, et qu'il est impossible de dire ce qu'elles furent !... Et pourtant l'Amour aurait pu vous abandonner, Il n'avait pas besoin de vous, Il ne trouvait aucun avantage à combler de tant de faveurs son ingrate créature ! Mais l'Amour ne cherche pas son propre intérêt. Il sait que l'âme a besoin de Lui, qu'elle a besoin de L'aimer, qu'elle ne peut être heureuse qu'en L'aimant. Voilà pourquoi, loin de l'abandonner malgré son ingratitude Il redouble ses sollicitations et plus que jamais Il fait sentir à l'âme qu'il la veut à Lui. 3. Là commence pour l'âme un nouveau trait de la bonté et de l'Amour de Dieu à l'égard de sa Créature. Vous, pauvre Ame, qu'avez-vous fait ? Avez-vous correspondu à l'Amour ? Avez-vous cédé sans retard à son appel, adhéré sans réserve à ses désirs ? Navez-vous pas plutôt, maintes fois, fait pleurer l'Amour, en étouffant sa voix pour écouter celle de la nature ou du monde ? Combien de fois n'avez-vous pas résisté à la voix divine, spécialement quand il s'est agi de votre vocation ? L'Amour vous faisait sentir dans l'intime du cœur la douceur de son attrait , vous l'aviez sentie dans un moment de solennel recueillement, et, au fond de l'âme, vous ne pouviez plus douter ! Comment vous êtes-vous comportée quand le démon a prétendu vous suggérer que ce n'était point là la voix du Seigneur, quand par mille ruses perfides il s'efforçait de vous incliner à l'opposé de l'appel divin ?... Rappelez-vous, et en présence de toutes vos résistances, de tous vos doutes, de toutes vos craintes et pusillanimités, restez confondue ! Rappelez-vous encore toutes les dissipations, non seulement les dissipations innocentes, mais peut-être aussi les dissipations coupables, que vous imaginiez pour étouffer la voix intime qui vous parlait, pour ne plus l'entendre, pour être libre de suivre la nature et le monde... Et vous auriez peut-être réussi dans votre malheureuse entreprise, si la voix de l'Amour éternel ne s'était pour ainsi dire acharnée à vous poursuivre. Vous cherchiez à l'étouffer, elle semblait se taire un instant, elle se taisait le temps que, perdue dans vos dissipations, vous ne l'écoutiez plus - mais à peine vous retrouviez-vous seule, à peine aviez-vous eu le temps de rentrer en vous-même, qu'elle était là de nouveau, vous répétant que l'Amour vous voulait à Lui, qu'Il vous aimait avec une tendresse incompréhensible, qu'Il attendait votre totale donation, non pour son bien à Lui, mais pour le vôtre à vous. Et n'est-il pas vrai que plus vous résistiez, plus actif Il se faisait, et plus aimant et plus patient et meilleur ? N'ayant aucun besoin de vous, ne voyez- vous pas qu'il aurait pu, dès le premier refus, vous abandonner à vous-même et vous laisser vivre à votre guise ? Qu'il aurait pu, du moins, le faire après ses multiples avances et vos multiples refus ? Il y avait peut-être obligation pour Lui de dépenser tant d'amour et de peine à rechercher votre consentement, alors qu’Il ne vous allait pas de le lui donner ? Voyez ! Voyez toutes les délicatesses dont l'Amour s'est servi pour provoquer votre pauvre consentement. Et tout cela parce que l’œil de la charité divine s'était posé sur vous, sur votre misère et que la voyant si grande, Il en avait eu compassion ! Cette pauvre âme, avait-Il dit, je la veux à moi. D'elle-même, elle irait sans aucun doute à la perdition. Mais Je l'environnerai de tant d'amour qu'elle ne pourra pas ne pas s'en apercevoir et qu'elle finira par céder. Ainsi, Je me glorifierai en elle, et je la rendrai en moi éternellement heureuse ! 4. Enfin, il est venu le jour bienheureux où lasse d'avoir tant résisté, l'esprit accablé, et peut-être aussi justement indignée contre vous-même en raison de quelque manquement plus important ou de quelque péché plus grave, humiliée et repentante, vous avez résolu d'en finir avec vous-même, et d'un plein consentement adhéré à l'appel de l'amour. Quelle joie alors de sentir l'Amour finalement victorieux en vous-même ! Mais dans la suite, comment avez-vous correspondu à l'Amour ? Lui avez-vous laissé sa pleine liberté d'action ? Avez-vous fidèlement secondé ses impulsions ? Il ne ces- sait de vous engager à pratiquer la vertu, à vous faire une solide piété, à donner au monde le bon exemple. Comment lui avez- vous obéi ? Pensez-y bien, non pour vous décourager, mais pour mieux comprendre et mieux pénétrer l'Amour immense dont Dieu vous a aimée, pour réparer votre froideur passée, en l'aimant à l'avenir au moins de toutes vos forces. 5. Et quand Jésus vous a invitée à quitter le monde pour Le suivre de plus près, pour vous unir plus intimement à Lui, comment l'avez-vous écouté ? Vous êtes-vous sur le champ préoccupée de chercher et de trouver la Sainte Maison qu'Il vous destinait, pour y habiter avec Lui tous les jours de votre vie ? Peut-être avez-vous résisté, parce qu'il vous semblait trop pénible de tout quitter famille, parents, amis... oubliant tout ce que l'Amour avait fait pour vous, et l'aimable vigilance dont Il continuait à vous entourer pour vous libérer des embûches de l'ennemi et de l'emprise des affections naturelles, si légitimes soient-elles ? Que d'âmes défaillent à l'heure de ce pas décisif, trompées qu'elles sont misérablement par le démon ! Le perfide leur fait croire que c'est une folie d'abandonner père, mère, famille et tant d'êtres chers, à qui les lient des liens particuliers de tendresse et d'amitié, comme s'il était impossible de vivre sans eux. Enfin il fait tant et si bien qu'il finit par les aveugler, et qu'elles cèdent et qu'elles abandonnent l'Amour : un jour elles s'apercevront combien elles furent trompées, mais, hélas ce sera trop tard. Et ces âmes étaient meilleures que vous ! Vous donc, comment avez-vous résisté à ces tentations et à d'autres semblables ? Quelle générosité, quel courage avez-vous mis à répondre à l'immense, à l'infatigable amour de Dieu pour vous ?.. Vous avez suivi ses impulsions, il est vrai, mais que de faiblesses, que de lâchetés dans les combats ? Que indécisions, que de vacillations, que de découragements dans l'exécution des volontés divines ? Que serait- il arrivé, si Jésus continuellement ne vous avait entourée de son amoureuse et forte vigilance ! Songez à quelle misère, volontairement, vous vous seriez exposée, car à ne pas suivre l'appel de Dieu il y a grave danger pour l'âme ! Ah ! quelle n'a pas été l'inverse miséricorde de Dieu à votre égard ! 6. Si par une grâce singulière et un privilège spécial de l'Amour, en remontant le cours de votre vie jusqu'à vos plus tendres années, vous ne trouvez aucune infidélité à déplorer, alors surtout du fond du cœur remerciez-Le, et reconnaissez que vous êtes tenue à son égard à plus d'amour encore ! Car Il n'a pas fait moins pour vous que pour ces pauvres âmes qui ont résisté à la grâce. Pour elles, Il a été amoureusement, patiemment miséricordieux ; mais pour vous n'a-t-il pas été amoureusement, tendrement prodigue de ses dons ? N'est-ce pas Lui qui vous a empêchée de tomber ? N'est-ce pas en raison de ses adorables desseins sur vous que vous avez triomphé, et, parce que peut- être si vous étiez tombée comme d'autres, vous n'auriez pas eu la force de vous relever ! Quel admirable privilège que le vôtre, Ames saintes qui jamais n'avez offensé l'Amour ! Mais aussi à quelle fidélité vous êtes tenues, du fait de ce privilège absolu- ment gratuit ? 7. Vous avez donc abandonné le monde ; vous êtes où Dieu vous veut. De quelle manière vous êtes-vous comportée en ce nouveau genre de vie, en cette vie d'union à l'Amour. Lui, après tant de fatigues pour vous conquérir et vous posséder près de Lui, espérait pour récompense votre fidélité et votre amour ? N'avez-vous point déçu son espoir ? A-t-il pu toujours être content de vous ? Qu'en dit votre conscience ! Hélas ! combien de fois ne vous est-il pas arrivé à vous aussi de faire souffrir l'Amour ! Oui, remarquez bien ces paroles : vous avez fait souffrir l'Amour ! Autrefois Il souffrait sans doute de vos infidélités, mais c'est surtout de la compassion qu'I1 éprouvait pour vous. Maintenant, que des liens plus étroits vous unissent à Lui, maintenant que vous Lui avez Juré, amour et fidélité, Il exige que votre fidélité soit entière, Il en est Jaloux, et tout manquement à votre parole le fait souffrir, immensément souffrir ! Que d'infidélités pourtant dans votre vie, depuis votre donation complète à l'Amour ! .Vous vous êtes donnée complètement, mais vous n'avez pas vécu cette donation complète ! Que de petites réserves, que d'attachement à vous-même, à votre amour propre, que de petites satisfactions, permises sans doute, mais que l'Amour vous demandait de Lui Immoler ! Il vous le demandait pour établir de vous à Lui une plus grande intimité, et vous le Lui avez refusé ! Que de petites résistances dans le secret du cœur aux suggestions de l'Amour ! " Voyez, disait-Il, cette inclination : elle est un obstacle à mon oeuvre en votre âme, sacrifiez-la et Je vous en récompenserai ! " Avant d'obtenir cette victoire, que de luttes, mon Dieu, que de patience, il vous a fallu ! et tout cela parce qu'à votre servante ce petit sacrifice semblait trop grand, et elle continuait à Vous résister ! Quel bonheur pourtant, pauvre âme, quand vous aviez fait à Jésus l'offrande qu'Il vous demandait ! Et ainsi en a-t-il été de vos aversions, de vos penchants, de vos désirs de domination, que sais-je ? Jésus vous en demandait le sacrifice, pour pouvoir librement vivre en vous sa vie divine. Mais hélas ! de votre part, que de répugnances, que de résistances ! 8. Descendez plus encore dans l'intimité de votre cœur. Comment vous êtes-vous comportée vis-à-vis des attraits intimes de l'Amour ? Après vous avoir demandé le sacrifice de tout ce que la nature voulait lui refuser, Il a pénétré dans l'intime de votre esprit, Il vous a fascinée de ses attraits divins, Il vous a découvert ses souffrances intimes, les souffrances de son amour méconnu, méprisé, délaissé ; Il vous a demandé le sacrifice complet de vous-même pour établir en vous la plénitude de sa vie ; Il vous a fait comprendre le bonheur qu'apporte avec elle cette vie et en même temps la mort qu'elle exige, la mort à laquelle vous deviez vous assujettir pour laisser vivre en vous Jésus, pour devenir et rester membre mystique de son Corps, membre mystique mais réel et véritable, suivant qu'il l'avait désiré. Et vous, fascinée par ce bonheur et cet honneur suprême, vous vous êtes sentie de toutes les forces de votre esprit poussée à aller au devant, et vous avez dit : " Oui, ô Jésus, ô Amour Eternel, je suis vôtre ! " Mais en même temps quel frisson mortel dans la pauvre nature ! Pourtant l'Amour a triomphé. Il devait être le Maître absolu : qu'en sera-t-Il ? De nouveau surgissent les doutes, les craintes, les résistances. On veut et on ne veut pas. L'Amour exerce ses attraits, mais la nature résiste et l'ennemi avec elle, et ils voudraient l'empêcher de régner. Vous seule, n'est-il pas vrai, vous seule pourriez témoigner du nombre de vos infidélités, comme des infinies tendresses de l'Amour à votre égard, de l'Amour qui veut vous rendre heureuse, heureuse de sa propre félicité. 9. Du fond du cœur, demandez pardon à l'Amour, et ce que vous avez refusé de faire jusqu'ici, faites-le sans tarder. Que vos infidélités ne soient pas pour vous un motif de découragement, qu'elles vous soient seule- ment un motif d'humilité : humiliez-vous, et ayez confiance, ayez confiance et ne craignez rien. L'Amour vous a aimée, Il vous aime, Il vous aimera jusqu'à la fin. S'il a permis de votre part tant de résistance, c'est pour faire resplendir en vous de manière plus éclatante sa bonté, c'est pour que vous ayez un motif de plus de L'aimer, de L'ai- mer fortement et sans la moindre réserve, de Le laisser vivre en vous, de vivre en union intime avec Lui comme le membre avec le corps. Et en vérité, lorsque vous vous laissez entièrement dominer par son esprit, ce n'est plus vous qui vivez, c'est l'Amour de Jésus, c'est Jésus qui vit en vous. Sans doute vous n'avez pas, comme l'eurent certaines âmes saintes, le privilège de conserver en vous les espèces eucharistiques ; néanmoins vous pouvez dire qu'Il vit en vous, parce que ce n'est plus de vous-même que vous agissez, mais seulement sous son impulsion à Lui ! Vous vivez de sa vraie vie eucharistique, comme tant de fois vous en avez eu le désir ; vous devenez sa Coopératrice, vous faites vôtres ses intérêts, vous travaillez avec Lui ; que dis-je, c'est Lui qui opère en vous et par vous le salut du monde. Vous devenez avec Lui victime d'amour, victime d'adoration, d'expiation, de réparation et d'impétration en présence du Père Eternel. C'est l'activité devine qui vous anime, puisque c'est l'Amour divin qui opère en vous ! Et tout cela n'est pas une vaine supposition ; c'est une réalité. Quand l'âme veut ce que veut l'Amour et rien autre, sa puissance devient sans limite . Jésus ne lui refuse rien et Il accomplit des merveilles. Rien n'est impossible à l'Amour. Qui aime comprend ; à qui n'aime pas, tout reste inutile.

Appendice II : Intimes souffrances de l'Epoux des Ames en son Cœur Eucharistique

Ame très chère, ouvrez votre cœur, ce cœur si petit que mon Amour a fait si grand, grand comme le Cœur même de votre Epoux Divin, puisqu'en vertu de la donation totale que vous avez faite de vous-même, ce n'est plus vous, c'est Dieu, c'est le Cœur de Dieu qui vit en vous ! Ouvrez donc votre cœur, ouvrez-le à l'Amour Eternel, laissez l'Amour Eternel se déverser en vous, laissez-Le déverser en vous le torrent, l'océan d'amertume dont Il est abreuvé ; laissez-Le, ô mon Epouse aimée, vous qui en avez compassion, vous qui l'aimez ! Ne mérite-t-il pas d'être aimé, cet Epoux Divin ? Regardez, voyez l'infinie tendresse de son amour pour vous, Lui, le Verbe Eternel, le Fils unique du Père, Il s'incarne, Il s'abaisse jusqu'au néant, pour- quoi ? Pour devenir votre Epoux, à vous sa pauvre petite créature, à vous, ingrate et infidèle à son amour, à vous qui, après les témoignages infinis d'amour que vous avez reçus de Lui, hésitez encore à vous donner définitivement. Vous hésitez, vous remettez : Lui pourtant ne cesse pas de vous aimer, de vous entourer de toutes ses délicatesses d'amour : tout cela est trop évident, vous le savez, vous le voyez, vous ne pouvez le nier, et que faites-vous ? Voyez l'obstination et l'endurcissement de votre nature. Elle ignore l'Amour, elle ne le comprend pas, elle est toute matérielle : il faut que vous vous éleviez au-dessus d'elle, il faut que vous suiviez l'Amour. Ne craignez pas les illusions : ce que vous sentez est la réalité même, votre foi est là qui en rend témoignage : vraiment votre Ame est la privilégiée de l'Amour divin, vraiment Il la comble de ses délicatesses les plus choisies. Vous le sentez, la foi vous en rend témoignage, donc plus d'hésitation : loin de vous tous les doutes, toutes les incertitudes, toutes les craintes. Préparez-vous à être l'objet des complaisances divines et la confidente des souffrances de Jésus, votre Epoux, le Verbe Incarné, qui daigne venir demander à sa créature réconfort, soulagement et consolation. Oui, mon Epouse bien-Aimée et très aimante, vous pouvez consoler votre Dieu. Vous le pouvez en L'aimant d'un amour tendre, délicat, compatissant, comme est le sien à votre égard. En L'aimant avec son propre Cœur, pour Lui rendre tout l'amour qu'il mérite, pour comprendre mieux ses peines d'amour, pour les partager et les faire vôtres, pour souffrir à sa place et le laisser se reposer en votre amour. Oui, vous pouvez réconforter votre Dieu, et Il vous le demande. Ecoutez ces plaintes douloureuses, Il va vous parler : " O ma bien-Aimée, voici pour moi la douleur des douleurs. Entre toutes les âmes j'ai choisi quelques privilégiées, Je les ai formées avec Amour, Je les ai préparées à devenir pour moi des épouses aimantes, qui puissent, unies à moi, vivre avec moi ma vie d'amour. Ces âmes, je veux les élever à l'honneur, à la dignité d'épouses de leur Dieu. Elles commencent par m'écouter et me suivre : avec l'aide puissante de ma grâce, elles quittent le monde, elles quittent tout, et elles viennent en ma maison. Elles commencent bien, mais cela ne suffit pas : il faut persévérer. Judas lui aussi a bien commencé, mais comment a-t-il fini ?... Pendant quelques années elles restent assez ferventes, puis elles se lassent, puis elles se relâchent. Je leur fais sentir alors que je les veux plus près de mon Cœur, que mon Amour aspire à les combler de tendresses, mais qu'il faut pour cela qu'elles se donnent sans réserve, qu'elles renoncent à leur satisfaction propre, qu'elles n'aient plus qu'un désir, celui d'aimer, d'aimer uniquement leur Dieu très aimant, de Le laisser librement agir en elles-mêmes pour qu'il les rende toujours plus belles et plus glorieuses, pour qu'il en fasse ses épouses véritables et qu'Il partage avec elles sa vie de souffrances et de délices ! Je leur promets ma grâce, une grâce surabondante, je leur donne l'assurance que je les soutiendrai, que c'est moi qui ferai tout, que je les inonderai, pour leur donner courage, de mes délices d'amour, que je ne cesserai de leur faire entendre l'amoureuse tendresse de ma voix. Mais, ô dureté du cœur humain : tout cela est inutile. Elles secouent pour un instant leur torpeur, elles goûtent les douceurs que mon amour met à leur portée, mais quant à mourir à elles-mêmes, elles en frissonnent, elles ne s'en sentent pas le courage, elles disent qu'une perfection si haute n'est pas faite pour elles, et elles se tournent d'un autre côté : elles se plongent dans les choses extérieures, elles se dissipent, elles font tout pour étouffer ma voix, disant : semblable perfection n'est pas pour nous, ne peut pas être pour nous ! Jésus les appelle, mais elles ne l'écoutent plus. Et Jésus ? Jésus pleure !... Il les aime encore, Il les aime toujours, elles restent pour Lui des âmes choisies, des âmes privilégiées entre toutes, dont Il comptait se servir pour glorifier immensément le Père ! Voici qu'Il est déçu, et par qui ? Par une épouse ! Non par une âme dont Il se soit fait seulement l'Ami, par une Ame dont Il s'est fait l'Epoux Intime une Ame qu'Il a traitée en épouse bien-aimée, qu' Il a comblée de délicatesses infinies, qui a reçu ses confidences d'Amour pour le salut du monde. Et voici qu'Il est contraint de la voir rester toujours imparfaite au milieu du petit troupeau ; au lieu de faire ses délices, elle lui est une source de déceptions. Et pourquoi ? Parce que, sachez- le bien, Ame fidèle, parce qu'elle refuse de se prêter aux largesses divines ! Une épouse qui fait à l'Epoux céleste l'affront de ne se point laisser parer comme Il le veut, de refuser les dons qu'Il lui présente avec tant de délicatesse et d'Amour ! Ah ! quel glaive de douleur pour le Cœur Divin ! Le refus de son épouse le contraint de retenir ses dons et ses grâces, mais Il aime, et ces dons et ces grâces qu'Il est contraint de retenir sont pour Lui autant de glaives aigus qui le tourmentent. Il ne peut pas ne plus aimer cette âme, malgré l'indélicatesse de son refus ; son Amour sincère et pur, ne pouvant s'épancher sur elle, reste comme prisonnier en Lui, et Lui cause le plus grand des tourments. Jésus, c'est L'Amour divin de l'Ame. Il l'a aimée, Il l'a aimée jusqu'à la folie de la Croix, jusqu'à la folie de l'anéantissement eucharistique, Il est allé jusque là pour vivre avec elle ; Il l'aime encore jusqu'à la folie de tomber pour elle en une continuelle agonie, parce qu'elle ne se laisse pas combler de ces faveurs célestes, parce qu'elle ne se laisse pas édifier en elle ce chef- d'œuvre de grâce et d'Amour que son Cœur Divin avait conçu pour rendre son épouse heureuse sur la terre et éclatante de gloire dans le Ciel. Mais, Jésus, êtes-vous donc obligé à tant de souffrances pour une pauvre petite Ame ? J'aime, répond le Sauveur, j'aime. C'est la loi de mon Amour : aimer, aimer toujours, aimer, quand mes épouses me rendent amour pour amour, quand leur fidélité vient consoler mon Cœur et satisfaire ce besoin tout divin que j'ai de partager avec elles mes richesses, et de les revêtir de grâce et de beauté suivant les goûts de mon Amour. Et voyez jusqu'où va mon désir à leur égard : jusqu'à ne plus vouloir aucune distinction entre elles et moi, jusqu'à partager avec elles ma vie d'amour, jusqu'à leur demander de ne plus vivre en elles- mêmes, mais de me laisser vivre uniquement en elles, pour qu'elles aient part à m'a divine beauté et deviennent semblables à moi. Oui, je les aime? ces âmes fidèles, je les aime jusqu'à la folie. Mais je n'ai pas moins d'amour pour les autres, les infidèles. Elles refusent mes dons, elles repoussent les avances de mon Amour, elles restent à la porte de mon Cœur. Mais cela n'empêche pas mon Cœur de les aimer, de les aimer comme toutes les autres, ni mon regard d'être tourné sans cesse vers elles, pour voir si, profitant d'un instant favorable, je ne pourrais les éclairer enfin, leur faire comprendre le tort qu'elles se font à elles- mêmes, leur montrer combien il serait facile pour elles de devenir des âmes aimantes, de devenir mes Amies, mes Confidentes, mes Epouses, de leur apprendre enfin quelle amère douleur me cause le refus qu'elles opposent aux dons précieux de mon amour. Je les suis à tout instant d'un œil de miséricordieuse compassion, cherchant si je ne trouverais pas une occasion d'attirer leur regard sur les tristesses du mon Cœur, une occasion de les toucher, une occasion de les avertir. En attendant mon Cœur agonise en proie aux douloureuses tortures de l'Amour . Et telles, ces pauvres âmes, se disent mes épouses parce qu'elles en portent l'habit, et parce qu'elles en ont fait profession en prononçant leurs vœux ; mais en réalité elles ressemblent parfois à des bourreaux. Sans doute, elles ne font pas le mal, elles ne commettent pas de péchés graves. Mais est-ce que cela suffit au cœur d'une épouse ? Est-ce que cela suffit pour plaire au divin Epoux, pour consoler son cœur aimant et son Amour incompris ? Les Epouses fidèles ne partagent-elles pas tout dans la vie de leur époux ? Ne vivent-elles pas pour Lui comme Il vit pour elles ? Ce n'est pas le mariage qui rend heureux les époux sur la terre, c'est l'amour réciproque, c'est la fidélité qu'ils se sont jurée dans l'amour. Supposez une épouse qui se contenterait de ne pas faire de mal à son mari, qui repousserait par ailleurs de sa part toute manifestation de tendresse, qui refuserait de partager sa vie, qui ferait fi de sa confiance et pour qui la communion de sentiments et d'aspirations ne compterait pas : quelle vie en résulterait pour le malheureux époux sinon un perpétuel martyre ! Il y a pas d'amour conjugal sans communauté de biens, de vie, de sentiments, d'aspirations, de confiance, en dehors de là, il n'y a que le chagrin. Voici donc où en arrive l'Ame qui refuse les tendresses de son divin Amant, de son devin Epoux : elle devient, pour ainsi dire, le bourreau de son cœur adorable. Ames très chères, de grâce réveillez-vous, cessez de tourmenter le cœur aimant de votre Epoux. Il n'attend que votre détermination, que votre consentement ; aussitôt Il oubliera tout le tort que vous Lui avez fait, Il vous comblera à nouveau de ses faveurs divines, et jointes à ses épouses fidèles, vous deviendrez à votre tour les Consolatrices de son Amour souffrant, et de sa souffrance d'amour. Courage ! Courage ! Oubliez votre misère, jetez-la dans le Cœur de votre Epoux, Fournaise ardente de miséricorde, et aussitôt tout sera détruit : il ne restera que l'Amour, le pur Amour pour le divin Amant des âmes. Vous vivrez heureuses de sa propre félicité, et Lui au comble du ravissement, se complaira dans votre fidélité, dans la sincérité de votre retour, dans votre amour d'épouses véritables. Vous commencerez vraiment la vie d'union et d'amour, et Jésus commencera en vous sa mission d'amour pour votre salut à vous, pour la beauté de votre intérieur, et pour le salut des âmes que vous lui aiderez à sauver. Quelle vie de paix, quelle vie d'amour ! Expérimentez-la, chères Ames, goûtez à ses charmes, voyez de vos yeux. L'Epoux divin bien vite vous découvrira combien plus de douceur il y a à souffrir près de Lui, qu'à jouir loin de Lui, s'il est permis alors de parler de jouissance, car quelle jouissance pourrait-il y avoir en dehors de la vie d'amour avec Jésus ? Là est la vraie, la pure jouissance, même au milieu des peines continuelles ; car l'Amour, c'est la vie, et sans amour il n'y a point de vie ! Il n'y a point de vie sans amour, il n'y a point de joie, lors même qu'on n'aurait point à souffrir : ce qui est impossible, car manquer d'amour est déjà en soi une souffrance.

Appendice III : En quoi consiste pour l'âme fidèle la Rénovation des Vœux.

L'Amour ne dit jamais : c'est assez. Il grandit, Il ne cesse de grandir tant que l'Ame est fidèle, tant qu'elle est docile à son action. Il n'y a rien de plus apte que l'Amour, à détruire, à anéantir, et vivifier ! L'Ame aimante, éprise des attraits de son Bien- Aimé voit bientôt les tendances de notre pauvre nature, sinon détruites en elle, au moins transformées par la chaleur divine et changées en des tendances toutes spirituelles qui, continuellement, la portent et l'inclinent là où est son trésor, le Centre unique de ses aspirations, son unique Epoux Jésus. Jésus aime cette âme d'un amour de prédilection. Ses tendresses pour elle sont véritablement divines : seule peut les comprendre celle qui a le bonheur d'en être l'objet. Il ne la traite pas cependant en enfant faible et gâtée ; son divin Amour traite l'Ame aimante en Ame forte ; ces tendresses ne s'épuisent pas toutes en ces Joies et douceurs spirituelles après lesquelles soupire la nature et qui facilement iraient à l'affaiblir et à nourrir l'amour propre. Jésus, dans les tendresses qu'il lui prodigue, se montre à la fois Dieu bon et Dieu fort ; Il la traite comme Il a été traité de son Père ; n'est-elle pas son épouse ? L'épouse doit partager la vie de l'époux. Voilà donc que l'époux divin suscite en l'Ame de son épouse ses propres sentiments, Il lui révèle sa vie d'amour et de souffrance, et sa mission divine de Rédemption pour la gloire du Père. Il lui montre de quoi est faite la vie véritable d'Amant divin ; Il lui montre cela pour que, fascinée, elle mette toutes ses forces à devenir, autant qu'elle le peut, avec l'aide de la grâce, la digne Epouse d'un Epoux divin, d'un Dieu anéanti, Immolé, méprisé, oublié inconnu, mort par amour et qui n'est pas aimé. Et l'Ame goûte plus ces spectacles présentés par Jésus que toutes les Joies et douceurs sensibles ; et ce n'est plus seulement vers l'imitation qu'elle se sent attirée, c'est vers la conformité, c'est vers l'unité. Elle n'oublie pas son néant et son impuissance ; mais elle est épouse, épouse aimée, épouse aimante, et, si elle ne peut rien d'elle-même, elle peut tout en l'Amour. L'Amour qui vit en elle est divin, non humain. Ne dites pas qu'elle n'est que néant : elle n'est que néant en elle-même, mais non pas dans l'Amour ; dans l'Amour, elle est l'épouse de Jésus, Jésus vit en elle sa vie divine, cette vie merveilleuse que d'elle-même jamais elle n'aurait osé espérer, ni désirer ! La voilà donc épouse : par là, elle est tout, elle peut tout, il lui suffit de ne point résister, il lui suffit de rester l'épouse aimante et fidèle. Jésus l'a serrée sur son Cour, Jésus l'a unie à Lui-même, Il a mis en elle son Amour, et c'est ainsi qu'elle est devenue son épouse. Son amour à elle, tout petit et tout froid, s'est uni à celui de l'Epoux divin ; Il s'est perdu en Lui comme une petite goutte d'eau dans la mer. C'est l'Amour qui lie l'âme à Dieu, c'est l'Amour qui serre entre la pauvre créature et le Dieu tout-puissant ce nœud indissoluble d'épouse à époux. Si une âme se consacrait à Dieu par les vœux de religion, sans Lui présenter son humble amour pour qu'Il l'unisse au sien, il en résulterait sans doute des liens extérieurs, mais ces liens serviraient peu à l'âme, ou même ne lui serviraient pas du tout ; car ils n'entraîneraient pas pour elle la vie d'union avec l'Epoux divin. Les époux de ce monde sont une seule chose entre eux, et c'est juste : les Oeuvres de Dieu sont parfaites, autrement, elles ne sauraient être fécondes. L'Epouse de Jésus ne doit pas être au-dessous des épouses de la terre ; elle doit même les surpasser, car il ne s'agit pas pour elle d'union corporelle, bien qu'elle consacre son corps lui-même et s'engage à le conserver totalement à son Epoux divin, mais d'une union spirituelle, d'esprit à esprit, d'amour à amour. Son esprit doit se perdre dans l'esprit de Jésus, et son humble amour dans l'immense amour de Jésus : ainsi vivra-t-elle vraiment en épouse. Sans cette union intime et profonde, l'Ame consacrée ne peut vraiment se dire l'épouse du Christ : elle le sera extérieure- ment, en apparence, elle ne le sera pas vrai- ment, en réalité ; elle le sera aux yeux des créatures, elle ne le sera pas aux yeux de Dieu et des habitants du Ciel. Sans cette union intime d'esprit et d'amour, l'Ame ne saurait avoir part à la divine fécondité de son époux. Et pourtant Jésus l'a épousée, tout au moins Il l'a appelée, pour en faire véritablement son épouse, pour la rendre féconde, pour en faire la mère des Ames et sa coopératrice dans le grand oeuvre de la Rédemption humaine. Si cette union fait défaut, c'est l'essentiel qui fait défaut, c'est l'essentiel qui fait défaut de ce qui constitue l'épouse véritable. Jésus n'a que faire d'épouses stériles : son Esprit divin a horreur de la stérilité ; toutes ses actions sont fécondes, de la fécondité la plus admirable, pour les âmes. Il ne saurait donc se trouver à l'aise dans une âme qui ne veut pas Le laisser produire ses oeuvres de vie. Jésus a épousé l'âme pour qu'elle vive de sa propre vie, pour lui faire part de la plénitude, de l'exubérance de sa vie, de cette vie qu' Il dépense pour les âmes. L'âme qui l'aime, qui est unie à Lui d'esprit et d'Amour et qui vit uniquement de son esprit et de son amour, comprend pourquoi Jésus l'a voulue pour épouse. Elle s'unit à Lui en tous ses désirs, à mesure qu'Il les lui manifeste ; elle ne cesse de s'offrir, de se donner, de se donner encore, pour que Jésus fasse de sa pauvre épouse ce qu'il Lui plaît. C'est tout ce que Jésus demande, Il Lui suffit qu'elle Le laisse faire, qu'on lui laisse toute sa liberté d'action. Il est content, il conduira sa bien-aimée jusqu'aux cimes les plus hautes de la perfection, Il la portera même, s'Il voit les forces lui manquer, Il ne cessera de la soutenir. Pour la rendre semblable à Lui, Il imprimera en elle ses divines souffrances en même temps que son immense amour pour les âmes, et son immense désir de leur salut qui est la joie et l'honneur du Père Céleste. Parce qu'elle est son épouse bien-Aimée, Il l'associera à la vie qui est la sienne en l'adorable Trinité, en union et communication avec le Père et le Saint Esprit. En sa qualité d'épouse, de coopératrice, et, pour ainsi dire, de corédemptrice, Il la rendra participante de la vie même de la Très Sainte Trinité. N'est-ce pas la prière qu'Il faisait à son Père : " Faites, ô Père, que ceux que Vous m'avez donnés soient un avec moi, comme Je suis un avec Vous ! " Cette prière vise particulièrement les Apôtres et les Ames consacrées, les épouses de Jésus. Or qu'est ceci : être un avec Jésus, être un avec la Très Sainte Trinité, sinon laisser l'Esprit de Dieu produire en l'âme ses divines opérations, ses opérations merveilleusement fécondes, tant pour l'âme elle-même que pour son prochain ? Ce prochain qu'elle doit aimer comme l'aime son Epoux divin, vivant uniquement pour le sauver ! Voila ce qu'est l'épouse toute aimante de Jésus : un être divinisé, restant pourtant avec sa pauvre nature qui la cache, comme l'Hostie consacrée sous ses humbles apparences cache le Dieu Eternel Incarné. En vous aussi, Epouses du Christ, se cache le même Dieu ; mais en vous Il ne veut pas rester inactif, Il veut agir, Il veut se servir de vous pour manifester au dehors sa vie divine Il veut vivre en vous afin d'offrir au Père Eternel pour les Ames les oeuvres qu'Il accomplit en vous et qu'il revêt de ses mérites infinis, quand vous Lui laissez son entière liberté d'action. Ame très chère, c'est dans la sincérité de votre cœur que vous vous êtes consacrée à Dieu. A l'heure où, prononçant ces vœux tout divins, vous vous consacriez totalement et indissolublement au Dieu d'Amour, vous brûliez en vérité du désir de L'aimer et d'être toute à Lui. Pourtant, dites-mol, compreniez-vous toute l'importance de l'acte que vous posiez ? Non, certes Vous le regardiez sans doute comme un grand acte, vous l'accomplissiez dans la parfaite sincérité de votre Pauvre cœur ; mais alors vous n'aviez pas compris la sublimité de cette vie qui appartient aux épouses du Christ. Jésus vous a appelée. Vous avez senti que rien ne pouvait mieux assurer votre salut éternel que de répondre à son appel ; pour cela, vous avez surmonté tous les obstacles, ceux de l'extérieur et ceux bien plus redoutables de l'intérieur. C'était là une bonne décision, mais ce n'était que le premier pas. Jésus, votre Epoux très aimant, vous voulait plus grande, moins misérable- cent vêtue. Il voulait parer sa petite épouse de ses propres joyaux, pour la rendre digne d'être présentée devant le trône du Père Eternel, pour obtenir de Lui qu'il daigne l'accueillir comme sa elle bien-aimée et l'Epouse de son Fils unique ; et ainsi la faire entrer en la Très Sainte Trinité et lui donner part à sa vie ineffable. Jésus s'empare donc de son Epouse. Avec son Amour Il pénètre sa volonté, et l’œuvre de destruction commence avec l’œuvre d'embellissement. L'Ame fidèle ressent un déchirement indicible à tous les coups que porte l'Amour pour la libérer de ses imperfections, mais elle ressent aussi à l'instant même un soulagement bienfaisant, car Jésus restaure et guérit en même temps qu'Il frappe ; et ainsi peu à peu, si l'âme persévère en sa fidélité, elle deviendra l'épouse très aimante et l'objet des divines prédilections de son Epoux. Jésus, se complaisant en elle, comme en son propre ouvrage, la présentera au Père Eternel ; Il la présentera comme son Epouse vraie et intime ; et le Pète Eternel l'accueillera comme Il accueille Jésus son Fils ; elle aura part à l'ineffable baiser de l'Amour divin et à l'Union éternelle du Père avec le Fils et l'Esprit Saint. Ame véritablement heureuse et privilégiée, elle vivra pour ainsi dire en famille au Sein de la Trinité, partageant les oeuvres et le bonheur de Jésus. Chaque fois que l'Ame renouvelle les liens sacrés d'amour qui l'attachent à son Epoux, il y a pour elle une nouvelle et vraie consécration. Sans doute, matériellement parlant, il s'agit de la simple rénovation des vœux jadis prononcés ; mais cette rénovation, dans cette confirmation du premier sacrifice, l'âme au fond d'elle-même entend se consacrer à nouveau et devenir la victime d'une consécration nouvelle, dont le mode lui est maintenant connu et qu'elle ne soupçonnait pas autrefois. Jésus ne cesse d'instruire l'âme qui l'aime, et celle-ci, à mesure qu'elle apprend du nouveau, à mesure que lui sont révélés des modes nouveaux et plus intimes d'union avec l'Amour, y trouve motif à de nouvelles donations d'elle-même, à des donations véritables, dont elle ne se faisait tout d'abord aucune idée. Et, comme ici-bas l'Amour peut toujours grandir et toujours révéler de nouvelles merveilles d'union, l'Ame aimante et fidèle, tout le temps de son séjour sur la terre, pourra se livrer à de nouvelles et véritables consécrations. Et ce qui pour les âmes communes devient un acte d'habitude, ou à peu près, sera pour elle toujours une vraie consécration, une consécration non seulement aussi agréable à Dieu que la première, mais plus agréable, parce que le soin de l'âme à ne jamais arrêter l'action de la grâce divine donne à Jésus le plaisir de rendre l'âme toujours plus belle et par conséquent plus almée de Lui, parce qu'Il lui permet de contenter l'ardent désir de son Cœur très aimant, qui est de l'inonder de grâces et de vivre en elle toujours plus abondamment sa vie Ineffable. Epouse de Jésus, soyez donc, en toute vérité, telle que l'exige l'honneur du nom qui vous est donné. L'Epouse ne doit faire qu'un avec l'Epoux : un d'esprit, d'amour et de volonté ; un de désir, d'action et de fécondité. L'Epouse doit faire les délices de l'Epoux ; l'épouse aimante et fidèle de Jésus doit faire, avec la complaisance de son divin Epoux, les complaisances de la Très Sainte Trinité. Elle est la coopératrice de Jésus et, pour ainsi dire, la corédemptrice, la mère des Ames ! Quel tort fait à vous-mêmes, âmes consacrées à l'Amour Eternel, si vous ne correspondez pas à l'a sublimité de votre vocation ! Jésus, votre divin Epoux, vous a appelées à partager sa vie ; Il a disposé et remis entre vos mains tous les moyens, toutes les ressources dont vous avez besoin : en lui faisant l'injure de ne pas correspondre à son amour, vous vous faites à vous-même un tort inestimable, car vous restez pauvre et misérable au milieu des plus grandes richesses. Ne faites pas cette injustice, ne faites pas tort à l'Amour et à vous-même. Laissez-Le faire, Il se charge de tout. Hâtez-vous de répondre aux avances de Jésus.

Appendice IV : Confiance et courage

Tombant dans les pièges de l'ennemi, les âmes se laissent quelquefois dominer par une crainte exagérée qui les porte à douter de l'amour de Dieu pour elles. Cette tentation est des plus funestes et l'âme doit s'en garder comme d'un des empêchements les plus graves à l'accomplissement de l'a volonté de Dieu sur elle et sur le monde entier. « Je veux, dit Jésus, je veux que les âmes bannissent toute crainte, toute défiance. Quand même Je ne leur témoignerais pas en tant de manières et si délicatement ma divine tendresse, elles devraient se confier en Moi, au seul souvenir de tout ce que j'ai fait et souffert pour elles durant ma vie. Où trouveront-elles jamais Amour comparable au mien ? "Si un seul acte de foi et de confiance me suffit de la part des plus grands pécheurs pour leur dire aussitôt : Allez en paix, vos péchés vous sont pardonnés, pourquoi demeurer là toujours repliée sur vous-même et perdre le temps à vous décourager pour des fautes qui, jetées en l'abîme de mon Cœur, moyennant un acte d'amour et de repentir, seraient effacées et anéanties ?...Vous n'en devriez même pas garder le sou- venir, sinon pour apprécier et goûter davantage la bonté infinie de mon amour qui, par l'application de mes mérites, vous a valu la grâce du pardon. Vos manquements m'affligent moins que votre défiance... La honte qui vous empêche de recourir à mon Cœur après une chute, voilà ce qui m'afflige en vous, voilà ce qui me cause la plus profonde des blessures ! Ne voyez-vous pas, âme si chère à votre Dieu, ne voyez-vous pas que cette honte, loin d'être une preuve d'humilité, vient au contraire d'un véritable orgueil que le démon vous fait prendre pour de l'humilité, afin de vous maintenir dans le péché et de multiplier le nombre de vos manquements. Le démon n'a rien tant à cœur que de vous éloigner de Moi : pour y réussir il met en jeu toutes les ruses, il fait valoir tous les prétextes, même ceux qui, de prime abord, sembleraient justes et saints, dans le seul but de vous priver de tout secours et de vous faire tomber en fautes plus graves. " Ame très chère, considérez votre Dieu que l'Amour a réduit à la condition d'un petit enfant gémissant, tremblant de froid sur un peu de paille. C'est Lui qui vous prie, vous supplie avec toute la force de son éternelle charité de croire à son amour, de ne jamais vous défier de Lui, de ne pas accueillir les faux prétextes que l'ennemi vous suggère dans le seul but de vous arracher à son étreinte. " Non, ne me faites pas cet affront de vous défier de moi. Je vous aime, je vous aime d'un amour tel qu'aucun être créé ne peut le comprendre ni l'imaginer, je vous aime d'un amour infini. " Lorsque, par faiblesse et fragilité naturelles, vous tombez en quelque faute, lors- que, dans mes secrets desseins, je permets cette chute pour en tirer ensuite votre plus grand bien, je veux que, loin de vous décourager, vous vous jetiez, par un acte de confiance sans bornes, entre les bras de ma miséricorde sans douter du pardon, puisque mon désir de vous l'accorder dépasse infiniment celui que vous pouvez avoir de l'obtenir. Mon pardon vous est acquis bien avant que vous le demandiez, puisque ce sont les souffrances de ma vie qui vous l'ont mérité et obtenu. Reconnaissez donc l'Amour de votre Dieu, reconnaissez-le en arrachant de votre cœur le plus grave des obstacles à l'accomplissement en vous de mes volontés. Considérez le tort que ce man- que de confiance vous cause, considérez la blessure profonde qu'il ouvre en l'intime de mon cœur. Souvenez-vous que mon Amour vous a choisie pour accomplir en vous et par vous ses desseins de miséricorde : vous m'appartenez, c'est pourquoi je vous veux, et c'est pourquoi je ne cesserai de vous poursuivre amoureusement, je vous enlèverai toute paix, jusqu'à ce que, sûre enfin de mon amour pour vous et pour toutes les âmes, vous y répondiez par une confiance absolue, et jusqu'à ce que, résolue à me suivre toujours, vous vous livriez totalement à Moi. " Il est un autre obstacle que le Roi d'Amour rencontre dans l'exécution de ses desseins miséricordieux : c'est le manque de courage de la part des Ames qu'Il choisit pour ses coopératrices. Très grave obstacle, et dont le démon se sert, comme il se sert de la défiance, pour entraver l’œuvre de Dieu. Il sait fort bien, dans sa malice, qu'en portant les âmes à la défiance, il les porte au découragement et que le découragement les engourdit, les paralyse, et qu'ainsi l’œuvre de Dieu est empêchée en elles, tout au moins retardée. Il met donc tout en oeuvre pour faire valoir ces deux armes. Avec son adresse infernale, il prend aussi pour auxiliaire la paresse, et, sous prétexte qu'il est impossible de suivre les pressants attraits de l'Amour divin, il réussit par ses insinuations à Le supplanter ! Et pourtant les Ames savent, elles savent par expérience combien suffisante est la grâce de Dieu, et que le secours tout puissant de l'Amour ne fait jamais défaut. Pourquoi donc écoutent-elles les inspirations malignes du démon ? Pourquoi laissent-elles la crainte, la défiance, le découragement investir leur cœur ? Ne savent-elles plus que le grand désir de l'Amour est de les aider à marcher dans ses voies et à accomplir parfaitement ses desseins ? La vraie défiance de soi est certainement une vertu et une vertu nécessaire. Mais, loin d'être pour l'âme une source de découragement, elle la remplit d'une confiance sans bornes en l'Amour de Jésus ; elle lui donne l'inébranlable assurance que cet Amour miséricordieux accomplira en elle son oeuvre malgré toutes les difficultés, malgré toutes les répugnances de la nature. L'Ame véritablement défiante d'elle-même est, par là même, confiance en Dieu ; elle est sûre de la Toute-puissance de l'Amour, et son assurance est toute divine ; et voilà pourquoi elle se croit tout possible en l'Amour et par l'Amour. C'est alors que ce divin Amour peut agir librement et accomplir son oeuvre. Sous son influence ineffable l'Ame avance, elle avance toujours, malgré les répugnances, malgré les obstacles, malgré les chutes ; car les chutes elles-mêmes, loin de l'arrêter, deviennent, grâce à la défiance qu'elles lui inspirent vis-à-vis de sa propre faiblesse et à la confiance vis-à-vis de Dieu, autant de degrés par lesquels elle s'élève dans la vie d'union. Ah ! si l'on comprenait combien il est lâche de se décourager pour des futilités ! l'ennemi ne réussirait pas si facilement à tromper les âmes et ses insinuations infernales ne recevraient aucune attention ! Ames très aimées de Jésus, croyez à son amour, fiez-vous à Lui. N'ayez aucune crainte, gardez-vous du découragement qui n'est qu'un artifice du démon, défiez-vous de vous-mêmes, mais de cette défiance vraie, humble et sincère qui vous portera infailliblement à vous confier en l'amour de votre Epoux, à vous reposer en Celui qui, vous ayant appelées à sa suite, vous a aussi préparé toutes les grâces et les secours nécessaires à l'accomplissement de ses desseins miséricordieux. Jésus, votre Amour, n'ignore point combien répugne à la nature cette mort totale qu'il exige de vous. Il connaît les angoisses mortelles de cette vie de souffrance et d'immolation qu'Il vous propose et qu'il vous demande d'accepter. Il l'a connaît en ses moindres détails, et Il est prêt à vous soutenir de sa grâce toute puissante. Bien plus, Il fera Lui-même tout ce qu'Il demande, si, bannissant toute crainte, tout découragement, vous savez, avec une confiance parfaite vous livrer à Lui et Le laisser agir. Si vous aimez votre divin époux, si vous voulez être ses consolatrices, secondez ses désirs, rejetez loin de vous cette froideur diabolique dont l'ennemi voudrait vous envelopper ; rendez vains les effets de Satan. Non, il n'empêchera pas l'accomplissement des desseins de Dieu ; le divin Amour doit triompher pleinement en tous les cœurs, régner sur tous les esprits et réunir dans un seul bercail le monde entier. Donnez à Jésus votre Epoux les consolations qu'Il attend de vous : c'est pour cela qu'il vous a tant aimée, c'est pour cela qu'Il vous a prodigué les témoignages de la plus tendre dilection. Ce qu'I1 vous demande est si peu de chose : pourriez-vous le Lui refuser et vous priver ainsi de si grands biens ? Mettez- vous à l’œuvre, combattez avec ardeur, et vous verrez s'évanouir les difficultés et ce qui auparavant semblait impossible vous deviendra facile. Pour se faire d'un objet une idée exacte, il faut le regarder à la lumière du soleil. Au sein des ténèbres, il est facile de se tromper. Allons à la lumière de l'Amour, tout change d'aspect à sa clarté, les impossibilités s'évanouissent, la voie devient lumineuse et facile ! Oui, croyons à l'Amour et nous verrons des merveilles... Si Dieu vous a choisie, ce n'est pas qu'Il vous ait trouvée digne d'accomplir ses desseins, mais c'est précisément que vous en êtes indigne et incapable et qu'Il veut seul agir en vous. Voilà la véritable source de votre force, de votre assurance divine, de votre confiance sans bornes Dieu vous a choisie parce que, étant vous-même absolument indigne et impuissante, la gloire de ses opérations lui reviendra toute entière. Que vous reste-t-il à alléguer pour excuser vos défiances, vos doutes, votre pusillanimité ?... Votre impuissance est précisément la condition de cette oeuvre divine destinée à la gloire du Tout-Puissant. Laissez donc la glace de vos défiances se fondre aux rayons de ce divin Soleil... Il vous a choisie, Il vous veut, vous n'avez pas le droit de résister à ses désirs, gardez-vous de les contrarier. Jésus vous aime, mais si obstinément vous Lui refusez toute correspondance, si vous ne voulez jamais entrer dans ses voies, Il tournera ses regards vers d'autres âmes, Il les choisira à votre place et alors que ferez- vous ? Pensez-y bien : Dieu vous appelle, Il vous veut, Il vous aime... Aimez-Le à votre tour, répondez à sa tendre prédilection, par la donation totale de vous-même.

Petit règlement de Vie intérieure

Ames chrétiennes, désireuses d'aimer Dieu et de vous unir à Lui, particulièrement en son abaissement eucharistique, si véritablement vous voulez plaire au Sacré-cœur de Jésus, par une vie conforme à ses désirs adorables, adoptez ce petit règlement de vie : il vous attirera les prédilections du Roi divin. Jésus établira en vous son règne d'amour ; Il vous choisira pour ses coopératrices, pour ses humbles apôtres, et par votre apostolat caché, mais fécond, vous l'aiderez à sauver le monde, et à le réunir en l'unique bercail. Ce petit règlement peut apporter une direction utile à toutes les âmes de bonne volonté, à toutes les âmes désireuses d'aimer Notre-seigneur Jésus-Christ, de s'unir à son Cœur Eucharistique, d'embrasser cette vie de mortification et de sacrifice indispensable au développement en nous de l'esprit de Dieu. C'est un règlement facile, à la portée de tous, et dont la pratique sera profitable aux âmes pour leur avancement dans la voie d'amour de jésus-Hostie, et par conséquent dans la voie du salut et de la sanctification. On y trouve en abrégé les vérités fondamentales de notre sainte Religion et 1a manière pratique de vivre de ces vérités, selon les désirs du Cœur de Jésus, conformément aux besoins actuels des âmes et de la société. Ames désireuses de consoler le Cœur de Jésus, caché et anéanti en son Sacrement d'Amour, usez de ce petit règlement. En vous sanctifiant vous-mêmes il vous aidera à sanctifier beaucoup d'autres âmes, à allumer en elles la flamme de la divine charité ! Le matin, dès votre réveil, après le signe de la croix qui est une invocation à la Sainte Trinité, faites sans retard la communion Spirituelle, faites-la dans le temps même où vous vous habillez ; ravivez votre foi, donnez un regard plein d'amour à votre Jésus qui daigne s'unir spirituellement à vous ; mettez-vous à genoux pour recevoir sa bénédiction. Récitez ensuite votre prière du matin, qui doit être simple et courte. Par exemple : le Pater, l'Ave, le Credo, avec les actes de Foi, d'Espérance, de Charité, et la rénovation succincte des promesses du Baptême, en cette manière, si vous voulez : Mon Dieu, je vous aime par-dessus toutes choses, et par amour pour vous, je renonce de nouveau au monde, à la chair, au démon, afin de vivre selon votre adorable volonté. Cela fait, vous pouvez vaquer à vos occupations, aux soins du ménage. Mais veillez à vous conserver dans le recueillement et l'union à Jésus. Que ce recueillement soit comme une préparation à la méditation, à la Sainte Messe, et à la Sainte Communion...Si vous ne pouvez assister à la Sainte Messe, tâchez cependant, après avoir pris l'avis de votre directeur, tâchez de communier chaque jour. C'est le désir du Cœur de Jésus. Si vous en avez la commodité, faites votre méditation avant la Sainte Messe. Si, en raison de vos occupations, vous devez entendre la Sainte Messe de bonne heure, tâchez cependant que la matinée ne passe pas, sans que vous ayez médité au moins pendant une demi-heure : Jésus ne manquera pas de vous aider, et soyez sûre que, si vous êtes attentive et fidèle aux inspirations de l'Esprit Saint, vos affaires n'auront point à en souffrir. Cela fait, poursuivez en la manière suivante : de 8 heures à midi, efforcez-vous de demeurer modestement recueillie, pensant à la Communion que vous avez eu le bon- heur de faire ; entrez avec Jésus dans le Tabernacle de votre cour, priez-Le de s'y reposer tranquillement, pendant que les puissances de votre âme lui font une petite cour d'honneur. Après avoir passé quelque temps de la sorte, tâchez de faire une Communion Spirituelle pour toutes les pauvres âmes qui n'ont jamais ou presque jamais le désir de recevoir Jésus. Oh ! qu'il y en a de ces âmes ! Faites au moins deux fois le jour cette charité au Cœur Eucharistique de Jésus, et si l'Amour vous inspire d'en multiplier les actes, suivez son inspiration. Suivez-la aussi quand Il daigne vous suggérer des actes d'amende honorable, de réparation, et sur- tout d'amour. De même quand Il vous pousse à faire des heures d'adoration et d'amour envers Jésus-Hostie, comme s'Il était exposé en votre cœur ! Cependant, si, au commencement, vous ne sentez pas ces inspirations, n'en ayez point de préoccupation ! Il suffit que vous fassiez avec une foi vive les deux Communions Spirituelles dont nous parlions : une dans la matinée, l'autre vers le milieu de l'après-midi. Appliquez-vous sans cesse à vous détacher de vous-même, ne vous préoccupant de vos fautes elles-mêmes et de vos imperfections que pour vous en corriger, et vous abandonnant pour le reste avec une humble et amoureuse confiance entre les mains de Dieu. A midi, après l'Angélus, faites un court examen sur votre petit règlement et renouvelez les promesses du Baptême. Faites chaque jour une visite à Jésus dans son Sacrement d'Amour. Si vous ne pouvez vous rendre à l'église, faites-la spirituelle- ment au lieu où vous vous trouvez. Ne l'omettez jamais. Demeurez modestement recueillie au sein de vos occupations. De temps en temps entretenez-vous familièrement avec Jésus en un colloque d'amour réciproque et fécond. Faites des heures d'apostolat intérieur, " envoyez " Jésus aux âmes. Lisez chaque jour quelques pages d'un livre traitant de la vie spirituelle, et, si vos occupations vous le permettent, consacrez une heure de votre journée à un silence tout spécial dont vous profiterez pour vous tenir en esprit devant la petite porte du Tabernacle, disant simplement . Jésus, faites que je vous aime ! puis aimez, aimez, aimez. Et parfois interrompez votre silence d'amour pour dire au Sauveur : O mon Jésus, accordez-moi de Vous faire aimer de tous les cœurs. Faites que toutes les âmes accomplissent parfaitement votre sainte volonté .. Cette pratiqua si facile sera plus efficace encore que la lecture spirituelle pour augmenter en vous l'union à Jésus-Hostie. Elle ne demande pas de temps, elle n'exige que de l'Amour. Si cependant vous avez la possibilité de faire quelque lecture, gardez-vous de l'omettre : faites de votre lecture une méditation, c'est-à-dire faites-la avec réflexion, pensez que le Saint-Esprit est près de vous pour vous instruire, soyez attentive et fidèle à ses inspirations. La lecture terminée, livrez-vous à l'Apostolat intérieur et caché, si fécond, vous le savez ! Il n'est pas requis d'ailleurs de choisir pour cela des heures spéciales - l'union eucharistique suffit. Dites seulement : O mon Jésus, envoyez votre Divin Esprit à tous vos Prêtres ; faites que leurs paroles soient pour les âmes des paroles de vie, qui les remplissent de votre Esprit. Accordez à toutes les Ames et à chacune en particulier cette humble et amoureuse docilité qui hâtera l'avènement de votre Règne d'Amour. À la fin de la journée, entrez à nouveau en union intime avec Jésus-Hostie, et faites une courte méditation. Je dis courte, car si vous avez été fidèle à votre petit Règlement, arrivée au soir, vous éprouverez, bien plus que le besoin de méditer, vous éprouverez le besoin de vous reposer sur la poitrine de Jésus et de le faire reposer sur votre cœur. Le soir, en plus de vos courtes prières, faites avec repentir et confiance un bref et amoureux examen des fautes que vous avez pu commettre dans la journée, puis encore la Communion Spirituelle. Demandez ensuite à Jésus sa bénédiction, agenouillez-vous pour la recevoir, unissez-vous intimement à Lui. S'il vous arrive de vous éveiller durant la nuit, ne manquez pas de dire : O Jésus, par votre Charité infinie et avec le cœur de tous les hommes, je vous aime ! Voilà un acte d'amour bien simple et très efficace ! Le matin. quand vous vous réveillez, que votre premier mouvement soit un acte d'amour pour Jésus qui est si près de vous. Jésus bénira cet acte d'amour, Il le rendra fécond, et grâce à lui, bien d'autres cœurs répèteront avec vous : " O Jésus, je vous aime ! Jésus, je vous aime ! Jésus, je vous aime ! Le Cœur Eucharistique désire cette union avec Lui ! N'est-ce pas là le but qu'il visait en instituant son Sacrement d'Amour ! Enfin, lorsque vous vous levez, renouvelez avec toute la ferveur dont vous êtes capable le même acte d'amour. Voilà un petit Règlement de vie intérieure qui fera de vous, si vous l'observez fidèlement une Ame eucharistique dans toute la vérité et la beauté du terme !

Acte de consécration

O Cœur Eucharistique de Jésus, que l'Amour a réduit à cet état d'anéantissement incomparable, afin de continuer parmi les hommes le Sacrifice de la Rédemption et de nous procurer l'Aliment, la Force et l'Ami fidèle dont nous avons besoin dans le chemin difficile du salut, si horriblement traversé par l'ennemi des Ames ; accordez à votre humble, faible et misérable épouse de partager vos sentiments adorables, d'entrer en vos sublimes vues, de s'approprier vos divins intérêts. Voici que, agenouillée en votre Présence, le regard plongé dans la douleur d'amour qui étreint votre Cœur très aimant, comprenant que Vous avez des desseins particuliers sur chaque Ame et sur le monde entier, je vous donne, dédie et consacre, par une nouvelle consécration d'amour, tout mon être intérieur et extérieur, afin de hâter l'accomplissement de vos immenses désirs et de vos amoureux desseins sur le monde. Puissent mes efforts, ô Cœur très aimant, vous apporter, en vous permettant de hâter l'avènement de la paix et de l'amour, la joie après laquelle vous soupirez et que vous avez en vue, quand vous nous demandez cet acte de consécration ! Acceptez, ô Cœur très aimant, l'offrande et la donation totales que chacune de nous vous fait d'elle-même conformément à vos désirs, protestant ne vouloir plus vivre que pour vous et vos divins intérêts, afin que, après avoir hâté l'avènement sur terre de votre Règne d'amour, nous puissions en jouir heureusement dans le Ciel. O Cœur très aimant, Cœur Eucharistique, que votre Règne arrive ! Que votre Règne s'établisse sur le monde entier.

Ainsi-soit-il.

Que les Ames fidèles s'enflamment du désir tout divin de vivre cet acte de consécration ! Elles obtiendront ainsi du Cœur Sacré de Jésus l'accomplissement de ses desseins d'Amour sur le monde entier, elles hâteront l'avènement sur terre de son Règne de paix et d'amour.

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