Les judéo-chrétiens depuis Qumran jusqu'aux origines de l'Islam

De Salve Regina

Les Judéos-Chrétiens depuis Qumran jusqu’aux origines de l’Islam

Au cours de nos recherches sur les origines du Christianisme, sur celles de l’Islam et du Bouddhisme, nous nous sommes constamment trouvés confrontés au Judéo-christianisme, communauté religieuse à la fois omniprésente et insai­sissable. Nous avons pensé qu’il serait bon de l’étudier pour elle-même d’après ce que les docu­ments de l’époque pouvaient nous fournir comme renseignements.

Nous avons eu le sentiment, au cours de nos recherches, de poursuivre une piste où manquent la plupart des flèches. Les documents concernant cette Eglise sont rares, dispersés un peu partout, étagés sur plusieurs siècles. Cependant un examen attentif de ces textes nous montre qu’ils se rejoi­gnent, se confortent mutuellement. Il existe, d’un document à l’autre, une continuité assez remar­quable. Nous savons en effet que les croyances religieuses et les habitudes liturgiques, une fois solidement établies, se transmettent fidèlement de génération en génération et sont donc assez stables. Nous en avons conclu qu’il était nécessai­re de lire les textes rassemblés en les confrontant et en les éclairants les uns par les autres et qu’il fallait leur appliquer une clé intelligible, si l’on ne voulait pas tomber dans l’extravagance ou l’inco­hérence.

Une première difficulté de cette étude pro­vient du fait que nous ne connaissons cette Eglise judéo-chrétienne que par ses ennemis : les accusa­tions et les dénonciations des évêques chrétiens et des rabbins talmudistes, héritiers des pharisiens. Elle se trouvait donc comme « coincé » entre deux mondes religieux qui la rejetaient.

Une deuxième difficulté doit être signalée. Nous ne possédons pas les textes authentiques de cette Eglise. Or il est invraisemblable qu’une communauté si nombreuse, répandue dans tout l’Orient pendant plusieurs siècles, n’ait pas possé­dé des livres de doctrine, des manuels de liturgie, des ouvrages de polémique contre ses ennemis. Nous en avons conclu que toute cette littérature avait été systématiquement détruite au cours des siècles par les évêques chrétiens et par les rabbins. Nous en avons d’ailleurs une preuve par les décrets des Papes qui dénonçaient comme apo­cryphes les livres considérés comme hérétiques. Le décret du pape Gélase est ainsi intitulé : « De libris recipiendis et non recipiendis » avec une « Notitia librorum apocryphorum qui non recipiuntur », dont le texte est repris dans le décret de Gratien. Tout ouvrage rejeté doit être sous­trait à la lecture des fidèles. C’est le sens du mot « apocryphe ».

Nous ignorons aussi les noms des évêques, des prêtres, des maîtres de cette communauté judéo-chrétienne. On peut dire qu’elle a été bien « enterrée » et nous verrons que c’est le mot propre.

Mais voici que, ô merveille, d’un seul coup en 1947, a été « déterrée » toute la littérature judéo- chrétienne des Ebionites, les « Pauvres » de Jérusalem, retirée des grottes de la Mer Morte surplombant leur cimetière, le « cimetière des Saints », celui de Qumran. Enfin nous pouvions prendre connaissance des textes authentiques de cette communauté. Et nous verrons qu’ils sont en parfaite connexion et continuité avec ce que nous savons par ailleurs de leur doctrine.

Hélas ! Ce fut l’occasion pour les historiens, de ressortir la vieille légende des Esséniens. Ainsi la lecture de ces documents a été faussée dès le début par une véritable imposture.


Le mythe des Esséniens[1]

Toute la tradition chrétienne depuis les débuts du Christianisme a affirmé, avec une continuité remarquable, que les Esséniens et les Thérapeutes dont parlent Philon d’Alexandrie et Flavius-Josèphe étaient les premiers moines chré­tiens de Palestine. Il suffit de lire intelligemment les textes de ces deux témoins pour s’en convaincre.

Philon interprète le nom des Esséniens par l’idée de Sainteté. Le mot syriaque Hasaya signi­fie « pieux, saint » et a servi à désigner les moines d’Hébron.

Eusèbe l’affirme dans son « Histoire ecclésias­tique ». Voici comment il résume Philon : « Ils se construisent, dit cet auteur, de petits oratoires retirés dans la campagne, auxquels ils donnent le nom de monastères (μοναστήριον). C’est là qu’ils passent leur vie, loin des autres mortels, dans les exercices de la piété et qu’ils célèbrent les MYSTÈRES augustes. La loi de Dieu, les oracles des prophètes et les autres écrits sont le sujet continuel de leurs méditations. Le jour entier, depuis le lever de l’aurore jusqu’au coucher du soleil, est consacré à de pieux exercices, au chant des psaumes et des saints cantiques. Ils se repro­cheraient de perdre, à soigner leur corps, aucune partie d’un jour qu’ils réservent tout entier à la contemplation des choses célestes. Ils ne prennent donc qu’après le coucher du soleil, une nourriture frugale et peu abondante. Ils ont, de plus, pour animer leur solitude, les écrits des hommes ANCIENS qui ont fondé leur religion et c’est là qu’ils trouvent leur règle de conduite et les modèles qu’ils doivent imiter. »

Nous avons souligné dans ce texte trois mots clefs à bien comprendre. Philon décrit la construction des oratoires comme une nouveauté, inconnue donc du Judaïsme orthodoxe. La vie monastique est totalement absente de toutes les religions antérieures au christianisme et de toute la tradition juive. Le vœu de nazirat, qui pourrait en être rapproché, est provisoire et ne dispense pas le juif pieux du devoir de se marier et de pro­créer, obligatoire dans la loi de Moïse. Seul, le Christ a dit : « Vendez vos biens, renoncez à tout et suivez-moi. »

Les MYSTÈRES ? C’est le nom donné dans la liturgie syro-chaldéenne à la Messe. En Araméen RAZE. Le mot est toujours au pluriel pour désigner les deux Saintes Espèces. Il vient du verbe raz qui signifie : initier à des rites sacrés. L’ordinaire de la Messe, c’est l’Ordre des Mystères, « Taksa d’Razé ».

Les hommes ANCIENS ? Ce sont les prêtres ; en araméen « Quashisha » qui veut dire : vieillard, âgé. C’est le même sens que le mot prêtre, dérivé du grec. Philon précise bien qu’ils ont fondé une nouvelle religion. Ce sont donc ici les Apôtres. Eusèbe ajoute : « Ces écrits dont parle Philon ne sont autres que les Evangiles, les écrits des apôtres et quelques commentaires composés par les doc­teurs du siècle apostolique ». Nous aurons l’occa­sion de les présenter.

Or cette liturgie syro-chaldéenne a été insti­tuée par les Apôtres, en araméen. C’est bien la liturgie des premières communautés chrétiennes qui se répandaient en Orient à l’époque où fut écrit ce livre de Philon, c’est à dire au milieu du premier siècle de l’ère chrétienne.

Continuons notre enquête. Un manuscrit de Philon, recopié au Xe siècle et conservé à la Bibliothèque Nationale, est intitulé : « Sur les fidèles circoncis et convertis au Christianisme, qui mènent en Egypte la vie monastique » qui comporte la mention suivante : « Quelques-uns prétendent que ce livre de Philon (« Sur la vie contemplative ») concerne des moines juifs appartenant à la secte des Nazaréens, d’autres soutiennent qu’il s’agit de juifs convertis, obser­vant la loi de Moïse comme figure de la Loi nou­velle ; d’autres enfin qu’il s’agit de parfaits chré­tiens ». Dans les trois cas ainsi énumérés, nous voyons qu’ils sont tous des disciples de Jésus-Christ.

Cette idée que les Esséniens et les Thérapeutes ont constitué une secte juive anté­rieure au Christianisme a été lancée par les Encyclopédistes au XVIIIe siècle, comme une machine de guerre contre la divinité de Jésus-Christ, devenu simple répétiteur d’une doctrine professée avant Lui et reçue. Aussitôt un érudit bénédictin, Dom Bernard de Montfaucon réagit énergiquement en démontrant par un luxe de preuves remarquables que les Esséniens décrits par Philon étaient des moines Chrétiens.

Les Thérapeutes et les Esséniens priaient tournés vers l’Orient, les mains étendues : « Cela s’observe, dit le P. de Montfaucon, chez les anciens chrétiens, non seulement quant à la pos­ture et à la situation, mais aussi quant à la forme de la prière, que nous trouvons la même dans les constitutions apostoliques et dans les plus anciens hymnes du bréviaire. » En effet, Clément d’Alexandrie, Tertullien, Origène et Eusèbe attes­tent que les premiers chrétiens priaient Dieu les mains étendues (expansis manibus) vers l’Orient. Ils demandaient, suivant le texte des Constitutions apostoliques, un esprit vigilant, une science sans erreurs et que le Saint Esprit des­cendît sur eux pour leur donner possession et connaissance de la Vérité. « Le matin venu, dit Philon, leurs regards et tout leur corps se tour­nent vers l’orient, pour épier les premiers rayons du soleil levant. Quand ils les ont aperçus, ils étendent les mains au ciel, demandant un jour heureux, la connaissance de la vérité et la lucidité de l’intelligence. » Saint Basile met l’usage de prier vers l’orient au nombre des traditions qui ne se trouvent point dans l’Ecriture et n’en sont pas moins inviolables, parce qu’elles sont venues des Apôtres. « Cette pratique spéciale, souvent men­tionnée par les Grecs distinguait les chrétiens des juifs, auxquels il était défendu de se tourner vers l’orient pour prier », sans doute, précise Montfaucon, « à cause du penchant de cette nation pour le culte des faux dieux et particulièrement du soleil et des astres. »

Or cette prière appartient à la liturgie syro-chaldéenne ; c’est même l’un des plus anciens hymnes, le LAKOU MARA (« A Toi, Seigneur »), chanté dans les premières communautés chrétiennes. Pline le Jeune y fait allusion dans sa lettre à Trajan, quand il dépeint les chrétiens de Bithynie : « Ils s’assemblent un jour fixe avant le lever du soleil, chantant alternativement un hymne au Christ comme à un dieu. »

Nous continueront plus loin l’examen de cette liturgie essénienne et nous verrons qu’elle est spécifiquement chrétienne.

Le « Mythe des Esséniens » a été répandu au cours du XIXe siècle dans l’Eglise par les visions d’Anne-Catherine Emmerich, reprise aux ency­clopédistes, grâce au « frère » Clément Brentano, puis divulguée admirablement bien dans la « Vie de Jésus » par Ernest Renan, grâce en particulier à la magie de son verbe et de son style ; elle a été rejetée à cette époque par tous les historiens ecclésiastiques sérieux.

Comment se fait-il donc qu’elle ait été relan­cée à nouveau au moment des découvertes de la Mer Morte ? Nous ne pouvons passer sous silence la présence à Qumran de M. Laperrousaz, grand maître de la Libre Pensée Française, président du Cercle Ernest Renan, qui participe très tôt aux fouilles, en compagnie du P. de Vaux et le détour­na de suivre les premières conclusions portées sur ces trouvailles par un érudit anglais, John Lewis Teacher, qui avait tout de suite remarqué le carac­tère ébionite des textes. A la suite de quoi, tous les ecclésiastiques qui se sont penchés sur ces der­niers ont repris le mythe à l’unanimité, en le développant dans la ligne de la plus grande extra­vagance imaginative. Nommons après M. Dupont-Sommer, les pères de Vaux et Daniélou, les abbés Carmignac et Puêch, parmi une multi­tude d’autres. Le plus scandaleux, c’est l’incons­cience de ces prêtres qui, contre toute vérité, se sont mis à la remorque des mensonges d’Ernest Renan, développant ainsi à l’intérieur de l’Eglise des thèses qui ne peuvent que renforcer le plus profond mépris pour la divinité de Jésus-Christ.

Un religieux, le P. O’Callaghan, il y a quelques années, a pu démontrer que deux frag­ments grecs étaient manifestement chrétiens, attribués à saint Paul et à saint Marc. Grand branle-bas ! Contestations violentes ! Un allemand, le profes­seur Peter Thiede organisa un colloque à Eischtadt en octobre 1991 pour étudier cette nouvelle donne. On aurait pu penser que ces messieurs les érudits allaient examiner les ques­tions posées par cette trouvaille inattendue et gênante : Que sont devenus les manuscrits dont on a retrouvé ces fragments ? Y en avait-il d’autres du Nouveau Testament ? Ce qui parais­sait logique et pouvait mettre en cause l’honnête­té des fouilles. Enfin on allait étudier la présence chrétienne à Qumran ? Point du tout ! Ce col­loque fut l’occasion de renouveler le roman des Esséniens, agrémenté de quelques épisodes nou­veaux, purement imaginaires, bien sûr ! Un seul spécialiste, le P. Schwank, prit la peine de déclarer « qu’aucune découverte archéologique sur la colline sud-ouest de Jérusalem ne peut être considérée comme spécifiquement essénienne. » Il ne fut pas écouté, hélas ! Et la trouvaille du P. O’Callaghan fut consciencieusement « enterrée ». Voilà ce qui s’appelle « du travail bien fait ».


Les « Pauvres » de Jérusalem

Dans les manuscrits de la Mer morte, il n’est jamais question d’Esséniens. Leur nom n’apparaît nulle part dans les textes. La communauté se désigne elle-même par plusieurs noms : les Saints (d’où est tiré le mot : Essénien !), les Justes, les « fils du Juste (bene sedec) », les Elus et surtout les « pauvres », « ébionim ». Ce dernier terme est constamment répété, à longueur de textes. Citons : « C’est dans la main des Pauvres que tu livreras les ennemis de tous les pays… Béni soit son nom, car il a sauvé l’âme des pauvres (ebion) des humbles (ani) et des opprimés (dal) ». On pourrait multiplier les citations. Le mot « ébionim » est donc la véritable signature des auteurs de ces manuscrits.

Si on prend la peine de bien étudier les ébionites, on a la réponse à toutes les difficultés soulevées. Les « pauvres » de Jérusalem s’étaient établis dans des « laures » ou grottes aménagées en cel­lules monastiques dans les Monts de Juda, le long de la route d’Hébron, sur les versants de la vallée du Cédron, au dessus de la ville d’Engaddi, préci­se Pline l’Ancien. Ils formaient la première communauté monastique chrétienne, liée à l’Eglise de Jérusalem, sous l’autorité de saint Jacques le Mineur, premier évêque de la ville, « frère » du Seigneur, dit le « Juste », qui avait fait vœu de nazirat, priait au temple, était vénéré par le peuple. Il était la « colonne » de l’Eglise-Mère. C’est à lui que le Christ est apparu le premier après la résurrection, selon l’Evangile des Hébreux. Il fait partie des trois grands apôtres, Pierre, Jacques, et Jean. Son successeur sera Siméon, fils de Cléophas, toujours cousin du Seigneur. Eusèbe signale que les frères du Seigneur conduisaient toute l’Eglise, en tant que martyrs et parents du Seigneur. »

Ces Ebionites ne connaissaient que l’Ancien Testament, plus l’Evangile dit des « Hébreux » ou des « Nazaréens ». Pendant un siècle environ, jusqu’en 135 après J.C., ils ont vécu là, écrivant les commentaires appelés « apocryphes » de l’Ancien testament. Ils sont les auteurs du Livre d’Hénoch, des Oddes de Salomon, du Testament des douze patriarches, des chants de la Sibylle. Tout cela pour appliquer à Jésus-Christ, le der­nier et le plus grand des prophètes, qu’ils appe­laient le « Maître Juste » (more sedec), toutes les prophéties antérieures.

La Comparaison des textes est assez éloquen­te. Saint Mathieu avait dit : « La bonne nouvelle est annoncée aux pauvres ». (Traduisons : l’Evangile est annoncé aux ébionites). Lorsque saint Paul est venu en 57 à Jérusalem, Pierre, Jacques et Jean lui ont rappelé l’obligation de venir en aide aux Pauvres : « Nous devions seulement songer aux Pauvres, ce que précisément j’ai eu à cœur de faire », il s’agissait de la collecte en faveur des Saints… de porter « vos libéralités à Jérusalem », « une contribution en faveur des Saints de Jérusalem qui sont des Pauvres. »

Les « Pauvres », les « Saints », ce sont les mêmes termes que l’on retrouve à longueur de pages, dans les manuscrits de Qumran. Avoir attribué ces derniers à de supposés Esséniens est de la dernière mauvaise foi. Absolument rien dans les textes ne peut permettre une telle attri­bution[2].

Voici comment est présentés la première com­munauté chrétienne de Jérusalem dans les « Actes des Apôtres » : « Tous les croyants étaient unis et avaient tout en commun. Ils vendaient leurs pro­priétés et leurs biens et en distribuaient le prix à tous, selon les besoins de chacun. Or l’assemblée des croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme et personne ne disait sien ce qui lui appartenait, mais tout était en commun entre eux… Il n’y avait aucun indigent parmi eux, car tous ceux qui possédaient des domaines ou des maisons les ven­daient en apportant le prix qu’ils déposaient aux pieds des Apôtres et l’on distribuait à chacun selon ses besoins. » On voit ici la différence entre le « pauvre » (ebion) qui renonce à ses biens per­sonnels et l’indigent (anaw), pauvre malheureux sans ressources et qui n’existe donc pas chez les chrétiens.

Ce texte est antérieur à 70 après J.C., puisque l’auteur des « Actes » ignore la destruction du Temple. Voici la traduction que Flavius Josèphe a donnée de ce texte dans sa « Guerre Juive » et qu’il attribua aux soi-disant Esséniens : Comptenteurs de la richesse, ils sont admirateurs de la vie commune et l’on ne rencontre chez eux personne qui soit plus riche qu’un autre, car c’est la loi qu’en entrant dans la secte on abandonne à la corporation sa fortune, de sorte que personne ne paraisse dans l’état misérable de la pauvreté, ni dans l’éclat de la richesse. Toutes les possessions étant mises en commun, ils n’ont plus, comme des frères, qu’un seul patrimoine… Entre eux, il n’y a ni achat, ni vente, mais chacun donne à l’autre ce dont il a besoin sans rien donner en échange. Ils peuvent librement se faire assister par qui il leur plaît. Flavius Josephe écrit longtemps après la ruine de Jérusalem et présente la même communauté ou « corporation » des croyants que le texte des « Actes ». C’est donc bien la preuve que ceux qu’il désigne sous le nom d’Esséniens, c’est-à-dire de « Saints » sont les chrétiens de la primitive Eglise.

Étudions la liturgie de ces Ebionites appelés Esséniens. Voici le texte de Qumran : « Et quand ils se réunissent et qu’on a dressé la table pour boire le vin, que personne n’étende la main pour entamer le pain avant que le prêtre (« Cohen ») ne mette le premier la main au pain, car c’est lui qui doit bénir l’entame du pain et du vin. Ensuite, l’Oint d’Israël étendra sa main vers le pain… et toute l’assemblés, chacun selon sa dignité… »

Texte à bien comprendre. Le prêtre officiant est appelé « cohen », ce qui veut dire sacrificateur. Au Temple de Jérusalem, on appelait cohen, le sacrificateur désigné par le Grand Prêtre ce jour-là pour offrir la victime. Dans la liturgie syro-chaldéenne, celle des Apôtres, pratiquée dans l’Eglise primitive, le prêtre, lorsqu’il célèbre les Saints Mystères (nom de la messe), est appelé en araméen, Kahna, du verbe kahen, « sacrifier » et désigné par l’archiprêtre pour la célébration eucharistique. Le prêtre officiant, à Qumran est donc bien un sacrificateur, sa victime, c’est bien le pain et le vin. Le sacrifice du pain et du vin est la définition même de la Messe. Il n’a pu être pra­tiqué avant son institution par Jésus-Christ.

Lorsque le prêtre sacrificateur a béni l’offran­de, l’Oint d’Israël, alors, désigne le Messie, c’est la traduction du mot « Messiah ». On peut le tra­duire également en grec par « le Christ », c’est le mot propre. (Κριστος κυρίυ, c’est-à-dire l’Oint du Seigneur) Dès que le prêtre a touché le pain en prononçant la formule de bénédiction, le Christ (c’est bien Lui) « étend sa main » sur l’offrande. C’est une formule de prise de posses­sion. Il en fait sa chose, son bien propre. Voilà une manière d’exprimer l’idée de transsubstantia­tion, selon le vocable actuel. Parce que, ne l’oublions pas, l’Oint d’Israël a été mis à mort par le prêtre impie », comme nous le savons par ailleurs. Nous verrons même qu’il a été « ressusci­té » et qu’il pouvait donc reparaître à chaque célé­bration.

Précisons encore. Le mot employé ici pour désigner le vin, signifie en fait le « Moût ». Nous savons que St Jacques avait fait le vœu de nazirat, qui comprenait l’obligation de s’abstenir de vin fermenté. Voilà une difficulté à résoudre. Restait le « moût », en grec « γλευκος », « deux », en hébreu « metiqah », vin légèrement fermenté pour qu’il puisse se conserver. L’Eucharistie se célébrait le soir, en veillée. Le jour de la Pentecôte, les apôtres se sont vus accusés « d’être pleins de moût ». C’est donc le même terme que l’on retrouve dans le texte de Qumran.

Nous allons poursuivre cette confrontation des manuscrits de la Mer Morte avec ce que nous savons de l’Eglise primitive à Jérusalem.


Jésus-Christ, le « Maître Juste »

On constate un certain flottement dans la conception que se sont faite les Judéo-chrétiens sur la personnalité du Christ. Certainement, il est divin. On a trouvé à Qumran un fragment de la quatrième grotte où il est « salué du nom de fils de Dieu et appelé Fils du Très Haut ». Mais de quelle divinité s’agit-il ? Il semble que la doctrine de Ebionites ait varié au cours des siècles, comme nous le verrons.

Dans les manuscrits de la Mer Morte on nous dit que « Dieu lui a fait connaître tous les mystères des paroles de ses serviteurs, les pro­phètes » ; que « ceux qui méprisent sa parole seront retranchés du monde, ceux qui n’ont pas reconnu son alliance » ; qu’il est le « prince de la Communauté ». Dieu l’a établi maître de Justice « pour bâtir la communauté de Vérité qui ne chancellera pas », il leur a fait connaître par son Oint, son Esprit Saint ».

L’Oint du Seigneur, c’est le Messie, c’est donc le Christ, puisque ce mot grec traduit exactement l’hébreu « messiah ». Il est aussi le Juste, le « sedec ». Il est également l’Elu. « Il a suscité pour Lui des hommes appelés de son nom afin de sau­vegarder des rescapés ». Précisons encore : « Le Dieu d’Israël, avec son Ange de Vérité, a créé tous les esprits de lumières et de ténèbres. Il vient en aide à tous les fils de lumière. » Le Messie est donc bien considéré comme un Ange, un Envoyé, mais « par son élu, Dieu jugera toutes les nations et ceux qui pratiquerons la Loi seront sauvés à cause de leurs souffrance et de leur Foi au maître de Justice. » Mieux encore : « Ceux qui auront écouté la voix du Maître et se seront confessés, seront dans l’allégresse. Ils se réjouiront. Dieu leur pardonne. Leur cœur se for­tifiera et ils deviendront puissants et Dieu fera rémission pour eux. »

Voilà un bon choix d’expressions appliquées au « Messie » des manuscrits. Il est associé à Dieu, d’une manière vague, imprécise et fluc­tuante, dans la création du monde, dans le juge­ment final des nations, dans la rémission des péchés, dans l’enseignement de la Loi, dans la réalisation de toutes les prophéties dont il est « l’interprète » définitif. Nous retrouverons ces hésitations dans les jugements portés par les Judéo-chrétiens sur la personnalité du Christ.

Enfin le « Maître Juste » a été crucifié et est ressuscité. Les textes de Qumran sont formels et incontestables, comme on dit aujourd’hui. Il est dit dans un commentaire de Nahum :

« Le lionceau furieux qui exerça des ven­geances sur ceux qui recherchent les choses flat­teuses, lui qui suspendait des hommes vivants sur le bois, ce qui ne s’était pas fait en Israël antérieu­rement, mais celui qui a été suspendu vivant sur le bois, on le vénérera. »

Au début de l’ère chrétienne, Hérode le Grand avait fait crucifier en grand nombre les pharisiens qui s’étaient révoltés contre lui. Car « ceux qui cherchent les choses flatteuses », ce sont bien les pharisiens, indignés de voir un asmonéen imposé comme roi par l’Empereur Auguste au peuple juif. Le texte précise bien que la crucifixion était un châtiment nouveau et scan­daleux. Or l’expression « suspendre vivant sur le bois » est courante dan la littérature judéo-chrétienne : « Car notre vie, ζαη ημαν dit Clément d’Alexandrie, a été suspendue (εκρεμάσθη) sur le bois (ξυλον), pour notre foi (εις πιστιν ή μων). » Notre vie, c’est bien Jésus-Christ, le bois, c’est bien la Croix. Ces expressions, comme le signale le Père Daniélou, se retrouvent dans les « Testimonia » où elles désignent la crucifixion.

Quant à la « vénération d’un crucifié », nous avons beau retourner en tous sens l’histoire de l’humanité toute entière, nous ne connaissons que Jésus-Christ et il est impossible, avec la meilleure bonne volonté, de contester le sens du texte. Aussi sommes-nous scandalisés par ces réflexions ajoutées en note dans l’ouvrage de M. Dupont-Sommer sur « Les Ecrits Esséniens », à la page 281 : « La phrase ferait allusion à un person­nage qui aurait souffert le supplice de la croix et serait devenu objet d’invocation. Quel serait cet extraordinaire personnage ? Par qui aurait-il été crucifié ? Rien n’oblige à penser qu’il aurait été l’un des huit cent pharisiens crucifiés par Jannée… »

Il n’est pas possible de se moquer plus effron­tément d’une vérité qui saute aux yeux des moins prévenus. M. Dupont-Sommer pose la question, alors qu’il connaît très bien la réponse. Il a les yeux bouchés par une évidente mauvaise foi. Sa haine du Christianisme est manifeste. Il suggère même une fausse piste pour troubler le lecteur, en évoquent un certain Jannée qui n’a rien à voir avec la question.

Enfin le Messie a été « ressuscité ». Voici le texte du commentaire de Nahum : « Le prêtre impie a porté la main sur le Maître Juste pour le mettre à mort, mais Dieu l’a réveillé en lui envoyant son Esprit. » Il l’a donc réveillé de la mort. Le texte est clair. C’est la résurrection. Il n’y a que Jésus-Christ à qui la chose soit arrivée. On voit déjà s’esquisser une erreur sur la résurrec­tion. Jésus-Christ ne s’est pas ressuscité lui-même par sa propre force divine, mais par celle de son Père. Saint Pierre l’a dit, au jour de la Pentecôte : « Dieu l’a ressuscité en le délivrant des liens de la mort. » Encore dans les Actes des apôtres, il est dit : « Le Dieu de nos Pères a ressuscité ce Jésus que vous, vous aviez fait mourir en le suspen­dant au gibet. » Le Christ ne porte donc pas en lui-même la plénitude de la puissance divine. Voilà le début d’une dérive doctrinale qui abou­tira plus tard à la négation pure et simple de sa divinité.

Ainsi nous pensons que les textes cités dans ces dernières pages sont suffisamment explicites et que le « Maître Juste » décrit dans les manus­crits ne peut être que Jésus-Christ.


La destruction du Temple en 70

Ce fut l’événement-clé de toute l’histoire d’Israël, la catastrophe définitive qui devait mar­quer l’échec final du Judaïsme dont il ne s’est plus jamais relevé. Il y avait là un signe divin. Dieu avait abandonné son peuple élu.

Distinguons trois étapes dans cet abandon par Yahvé.

Dieu était présent dans l’Arche d’Alliance et dans le Saint des Saints au Temple de Jérusalem. Au moment de la mort de Jésus sur la croix, « le rideau du Temple, écrit saint Mathieu ; se déchi­ra en deux, du haut en bas. » Saint Jérôme préci­se le sens de cette déchirure : « Le voile du Temple se déchira en deux pour accomplir ce qui est rapporté par Josèphe, à savoir que les puissances invisibles qui présidaient au Temple avaient dit : Abandonnons ces demeures. » Et l’auteur de l’Epître aux Hébreux fait remarquer : « le Christ entre une fois pour toutes dans le sanctuaire, non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle. » Ceci pour faire comprendre aux judéo-chrétiens auxquels l’auteur s’adresse qu’il ne faut plus regretter le culte du Temple, puisqu’il est périmé.

C’est le début d’une incompréhension qui va progressivement se développer jusqu’à la rupture entre ces derniers et le reste des Eglises chré­tiennes non juives.

La deuxième étape, c’est le siège de Jérusalem par les Kittim, c’est-à-dire les Romains et la destruction du Temple par les soldats de Titus. C’est au cours de cet événement que se situe l’épisode de la mort du prêtre impie, telle qu’elle est présentée dans les textes découverts à Qumran. Il s’agit de Hanan, comme nous l’avons démontré.[3] Il était le fils d’Anne, celui qui avait condamné à mort Jésus-Christ. Il était sadducéen, et il avait fait jeter du haut du mur du Temple, saint Jacques le « Juste », frère du Seigneur, évêque de Jérusalem et Père des Ebionites.

Il fut le dernier grand-prêtre. Monté à l’assaut du Temple pour le reprendre aux Zélotes qui l’occupaient, il fut vaincu, torturé et mis à mort par eux, tandis que les légions romaines atten­daient le massacre final pour donner l’assaut à la ville. Les textes sont formels et précis et ne lais­sent aucun doute : « Le prêtre impie dont on exi­gera justice pour ce qu’il a fait aux Pauvres (ebionim), car Dieu le condamnera à l’extermination comme il a médité d’exterminer les Pauvres (ebionim)… La cité de Jérusalem dans laquelle le prêtre impie a commis des actions abominables et il a souillé le sanctuaire de Dieu… Il a volé le bien des Pauvres (ebionim)… »

Plus loin : « Le prêtre impie, qu’à cause du péché commis contre le Maître de Justice et ses partisans, Dieu a livré aux mains de ses enne­mis… Parce qu’il avait commis un crime à l’égard de son Elu. » Autre texte : « Dieu ne laissera pas impuni le prêtre impie pour le sang qu’il a versé, mais à lui Dieu payera sa rétribution en le livrant aux mains des violents pour exercer sur lui sa ven­geance. »

Précisons encore : « A la fin du temps du repos, le Maître de Justice s’est manifesté à eux pour les engloutir… » Or ce combat des troupes juives, menées par le grand prêtre Hanan à l’inté­rieur du Temple pour en chasser les Zélotes se déroulait le jour des Expiations, jour redoutable pour le grand prêtre. La tradition talmudique a conservé également l’histoire d’un ange du Seigneur dont l’apparition (le texte de Qumran emploie le verbe « hôphia » : il apparut) a entraîné la mort du sadducéen impie, dans le Saint des Saints, le jour de l’Expiation. Enfin, le commen­taire d’Habacuc mentionne le pillage « des der­niers prêtres de Jérusalem dont les trésors sont tombés aux mains des Kittim », c’est-à-dire des Romains.

« Un Ange, dit Flavius Josèphe, gardait le Temple et l’abandonna lors de sa destruction par Titus » et la Didascalie précise : « Quand Dieu abandonna le peuple, il laissa leur Temple déserté, il déchira le voile, il en retira son Esprit Saint et il le répandit sur ceux qui crurent parmi les Gentils… »

Les Judéo-Chrétiens de Jérusalem avaient abandonné la ville et s’étaient retirés en Outre­Jourdain, à Pella. Là aussi, les textes de Qumran sont explicites : « Les pénitents d’Israël ont quitté le pays et se sont exilés, à l’époque finale de la des­truction du pays… Ils sont sortis de la maison de discorde - la ville sainte - et se sont appuyés sur Dieu au temps où Israël était infidèle. »

La tourmente passée, les Chrétiens de Pella sont revenus à Jérusalem ; d’autres se sont fixés dans cette ville, de sorte qu’à partir de 70, les chefs de la communauté judéo-chrétienne sont évêques de Jérusalem et de Pella. « J’ai appris, écrit Eusèbe, par des documents écrits que, jusqu’au siège des Juifs sous Hadrien en 135, il y avait eu à Jérusalem une succession de quinze évêques, que l’on dit avoir tous étés des Hébreux de vieille souche. En effet, l’Eglise entière de Jérusalem était alors com­posée d’Hébreux fidèles. » Et Eusèbe les appelle « évêques de la circoncision ».

Quel était l’état d’esprit de ces Juifs fidèles ? A la fois une grande colère contre les derniers prêtres qui, par leur persécution des chrétiens et des « Pauvres », avaient attiré le châtiment divin sur la ville Sainte, appelée à ce moment la « mai­son de discorde ». Mais aussi une violente haine contre les Romains destructeurs du Temple et outils de la vengeance divine. Cependant ils res­taient marqués par un attachement indestructible aux promesses divines. Ils avaient retenu la pro­phétie de Jésus-Christ, qui prenait brusquement, devant sa réalisation manifeste, un sens renouvelé : « Je reviendra bientôt et je recons­truirai le Temple en trois jours. »

Les judéo-chrétiens étaient soulevés par une immense espérance. Il fallait donc préparer ce retour du Maître et l’aider à réaliser sa promesse. Selon les textes de Qumran, ils attendaient « l’arrivée d’un prophète et des Messies d’Aaron et d’Israël. » L’auteur de l’épître aux Hébreux leur avait bien expliqué que le Messie était déjà venu, qu’il était à la fois roi et prêtre selon l’ordre de Melchisedec (le « roi juste »). Le « melchi-sedec » et le « more sedec » étaient donc bien la même personne. D’ailleurs l’Evangile de l’Enfance, dans saint Luc, précisait bien que Jésus était « fils de David » par les ancêtres de Joseph et « fils d’Aaron », puisque Marie était sa mère et parente d’Elisabeth qui était « des filles d’Aaron ».

Toute cette argumentation biblique ne pou­vait détourner les judéo-chrétiens de cette espé­rance puissante qu’ils mettaient dans la recons­truction du Temple. Il fallait pour cela préparer une armée capable de reprendre la ville aux Kittim. Ils composèrent une « Règle de la Guerre » qui décrivait la quarantaine d’années prévues pour l’extermination des Romains. C’est « le Combat des Fils de Lumière (eux, les Judéo-Chrétien) contre les fils des Ténèbres » (les Kittim ou Romains) pour lequel on organise des camps où les hommes seront regroupés par dix, cent et mille, selon l’ordonnance des légions romaines. Il fallait aussi prévoir les richesses néces­saires à l’armement de la Guerre Sainte. Les « ébionites » étaient bien des pauvres par vœu personnel, mais la Communauté était immensé­ment riche, puisqu’elle collectait les dons envoyés par toutes les autres communautés chré­tiennes de la diaspora.

On a retrouvé ce rouleau de cuivre, sorte de catalogue des trésors cachés à Jérusalem et dans les environs immédiats ainsi que des objets du culte et des vêtements sacerdotaux pour rétablir la liturgie sacrée du Temple. On a noté parmi les lieux de cachette l’emplacement de la tombe du Juste et l’on n’a même pas remarqué que le Juste en question était saint Jacques le Mineur qui, jeté du haut du mur du Temple, avait été enterré tout près.

Ainsi pensait-on préparer le retour du Christ, le « Prince de la Communauté » du rouleau de la Guerre. A la tête des Fils de Lumière, venus de Judée et de la diaspora, il montera du désert, dans la direction de Jérusalem. Il livrera bataille rangée sous les murs de la Ville Sainte, contre les Kittim qui seront venus de la vallée d’Acher. Aidé de l’armée des Anges, il reprendra la ville, recons­truira le Temple et préparera ainsi l’arrivée triom­phale du Messie-Prêtre qui rétablira le culte sacri­ficiel. Rêve grandiose qui se lit dans les manus­crits de la mer Morte.

Hélas ! Au cours d’une troisième étape, cette grande espérance s’écroula d’un seul coup parla faute des Zélotes. Excités par Bar Kochéba, le « Fils de l’Etoile », ils s’efforcèrent de prévenir cette victoire judéo-chrétienne, en lançant leurs hommes contre les Romains, dans une guerre absurde et désespérée. Nous savons par Saint Justin que « dans la dernière guerre de Judée, Bar-Kochéba, le chef de la révolte, faisait subir aux chrétiens, et aux chrétiens seuls, les derniers sup­plices, s’ils ne reniaient et ne blasphémaient Jésus-Christ. »

Le coup fut définitif. L’Empereur Aelius Hadrianus détruisit la ville, expulsa tous les Juifs de Palestine et reconstruisit une ville grecque, « Aelia Capitolina ». Nous sommes en 135 après J.C. Une nouvelle communauté chrétienne s’installa alors dans la nouvelle ville avec un évêque grec du nom de Marc. Une nouvelle com­munauté monastique réoccupa les « laures » des Ebionites et fonda un nouveau monastère. Il nous en reste aujourd’hui les ruines du Khirbet Mird, dans les Monts de Juda, près de la vallée du Cédron, où l’on a retrouvé des fragments de manuscrits grecs du Nouveau Testament.Ces moines chrétiens de rite grec ont rassem­blé, trié et mis de côté les textes judéo-chrétiens et ébionites abandonnées dans les « laures ». Considérés comme hérétiques et donc « apo­cryphes », il fallait les soustraire à la lecture des fidèles. Ils allèrent les jeter dans les grottes-pou­belles ou « gueniza », sur les falaises qui domi­nent leur cimetière, celui des « Saints », près du Wadi Qumran.

Si l’on a pris soin d’étudier l’Eglise judéo-chrétienne de Jérusalem, à la lumière des manus­crits de la Mer Morte, on aura remarqué combien ces deniers s’inscrivent exactement dans la succes­sion des événements. On aura également remar­qué qu’ils ne prennent un sens intelligible que si on les confronte à l’histoire de la Communauté des Ebionites avant leur dispersion par les légions d’Hadrien.

Voilà plus de quarante ans que les historiens qui ont « confisqué » les documents de la Mer Morte s’acharnent à identifier Maître de Justice et Prêtre Impie. Ils n’ont toujours pas trouvé et toutes les hypothèses bâties depuis ce temps-là ont dû être abandonnées. Mais ils refusent obsti­nément de regarder dans la seule direction qui leur donnerait la clé du mystère. Or il n’y a pas de mystère. La clé est toute simple. L’histoire est très claire. Nous croyons avoir suffisamment et définitivement démontré que ces manuscrits sont bien les textes authentiques des « Pauvres » de Jérusalem, les moines ébionites.


La doctrine Judéo-Chrétienne

Après leur expulsion de Palestine, les chré­tiens de Jérusalem et ceux de Pella abandonnèrent la Batanée où ils avaient émigré et partirent s’ins­taller dans le désert de Chalcis, près de la ville de Béré en Syrie. De là ils se répandirent dans toutes les villes d’Orient, mais surtout en Syrie. Ils étaient objet de mépris pour leurs frères restés fidèles aux rabbins qui les appelaient Galiléens mais surtout nazaréens. Ceux-ci, convertis du Judaïsme, ne s’indignaient pas d’être ainsi dénommés, à cause de Jésus de Nazareth et en souvenir des célèbres nazaréens de l’Ancien testa­ment, ces hommes si parfaitement consacrés à Dieu comme l’avaient été Samson et Samuel.

Parmi ces Nazaréens, ceux qui formaient la communauté des « Ebionites » des « Pauvres » donc conservèrent leurs règles monastiques de sorte que leurs communautés constituent des sortes d’églises-synagogues-monastères. Nous savons en effet, par la tradition chaldéenne, que les premières communautés chrétiennes avaient conservé les usages de la liturgie synagogale aux­quels ils avaient ajouté la célébration des Saints-Mystères, c’est-à-dire de la Messe, leurs édifices étaient des synagogues où l’on avait réservé une niche, avec une lampe-veilleuse pour la conserva­tion des saintes Espèces. On l’appelait le Saint des Saints ou Tabernacle.

Saint Jérôme a été frappé par la persistance et la vitalité de ces communautés judéo-chrétiennes pendant plusieurs siècles. Dans une lettre à Saint Augustin, il précise : « Que dirai-je des Ebionites qui feignent d’être chrétiens ? Jusqu’aujourd’hui, dans toutes les synagogues de l’orient, il y a chez les Juifs une secte qu’on appel­le les « Minéens », qui est condamnée par les Pharisiens. On les appelle vulgairement Nazaréens. Ils croient au Christ, fils de Dieu, né de la Vierge Marie et ils disent que c’est lui qui, sous Ponce-Pilate, et a souffert et à a ressuscité. En lui nous aussi, nous croyons, mais tandis qu’ils veulent tout ensemble être juifs et chré­tiens, ils ne sont ni juifs, ni chrétiens. »

Ils étaient condamnés par les rabbins talmudistes sous le nom de « Minéens », c’est-à-dire d’hérétiques. En effet, convertis au Christianisme, ils étaient considérés comme des renégats : « Depuis les apôtres jusqu’à aujourd’hui, écrit Saint Jérôme dans un commentaire d’Isaïe, les chefs des Juifs persévèrent dans leurs blasphèmes et trois fois par jour, dans toutes les synagogues, sous le nom de Nazaréens, ils anathématisent le nom de chrétiens. » Ils avaient ajouté à leurs prières de dix-huit bénédictions, une formule de malédictions contre les « Nezrim », ainsi rédigée par le patriarche Gamaliel II : « Que pour les calomniateurs (les apostats), il n’y ait pas d’espé­rance et que tous ceux qui commettent l’iniquité (le royaume impie) en un instant soient détruits et qu’eux tous (les Nazaréens et les hérétiques) bientôt soient supprimés et humiliés prochaine­ment dans nos jours, les superbes, qu’ils soient effacés du livre des vivants et qu’avec les justes ils ne soient pas écrits, Béni sois-tu, Seigneur, qui brises les ennemis et humilies les superbes. »

Dans les livres juifs, ils étaient encore flétris sous les noms de Samaritains (synonyme d’héré­tiques), d’Edomites (les ennemis les plus abhorrés des Juifs), d’hommes diaboliques, d’impies, d’adorateurs des astres…

Voici comment Saint Irénée les présente dans son « Contra Haereses » : « Ceux qu’on appelle Ebionites admettent que le monde a été fait par le vrai Dieu mais, pour ce qui concerne le Seigneur, ils professent les mêmes opinions que Cérinthe et Carpocrate (c’est-à-dire qu’ils nient sa divinité). Ils n’utilisent que l’Evangile selon Mathieu, rejettent l’apôtre Paul qu’ils accusent d’apostasie à l’égard de la Loi. Ils s’appliquent à commenter les prophéties avec une minutie excessive. Ils pratiquent la circoncision et persévè­rent dans les coutumes légales et dans les pra­tiques juives, au point d’aller jusqu’à adorer Jérusalem, comme étant la Maison de Dieu. »

Les judéo-chrétiens ne connaissent pas le Nouveau Testament. Ils restent fidèles à l’Ancien Testament auquel ils ajoutent l’Evangile de saint Mathieu ; mais au cours des siècles, ils n’avaient pas hésité à en altérer le texte et à y introduire des nouveautés considérées par les évêques chrétiens comme des hérésies. On l’appelait l’Evangile des Nazaréens ou des Ebionites.

Jésus-Christ, disent-ils, est le plus grand des prophètes, mais dans la lignée de l’Ancien Testament. Sans doute est-il Fils de Dieu, puis­qu’il l’a soutenu devant le sanhédrin, mais cette filiation est restée obscure et incertaine chez eux. Saint Jérôme écrit en 415 après Jésus-Christ : « C’est un ouvrage rédigé en syro-chaldéen, mais écrit en lettres hébraïques. Les Nazaréens s’en servent jusqu’à ce jour et l’appellent l’Evangile des Douze, mais la plupart des Chrétiens le nom­ment Evangile selon saint Mathieu, on le trouve dans la bibliothèque de Césarée (Alep, en Syrie). » Saint Jérôme reçut ses premières leçons de langue hébraïque d’un moine ébionite de Béroé, qui avait répudié les pratiques des Nazaréens et lui avait communiqué le texte de cet Evangile.

Les Ebionites avaient suivi Cérinthe et Carpocrate en niant la divinité de Jésus. Ils voyaient en lui un pur homme, issu de la race de David, fils de Marie et de Joseph. A l’aide de la généalogie de saint Mathieu, ils croyaient pouvoir démontrer que le Sauveur était véritablement né de Joseph.

Ensuite, ils ont identifié le Christ avec l’Ange du Seigneur, comme nous l’avons vu dans le texte de Qumran. Hippolyte, dans un commen­taire sur Daniel, veut reconnaître le Verbe dans l’Ange qui descendit dans la fournaise pour défendre les trois enfants : « Cet Ange est celui qui a reçu de son Père la puissance de juger… C’est à cet Ange qu’Isaïe dit : Son nom est Ange du Grand Conseil ! C’est lui qui est apparu à Abraham sur le rocher du Sacrifice, à Moïse sur le mont Sinaï. C’est lui qui annonce les mystères du père. Il est l’Envoyé, le messager de Dieu. Novatien affirme également qu’il est apparu à Agar et s’efforce de concilier la notion d’Ange avec celle de Dieu : « Si donc cette apparition ne convient pas à la personne du Père, dont on ne peut dire qu’il est un Ange, ni à la personne d’un Ange pour ne pas dire qu’il est Dieu, elle convient à la personne du Christ, puisqu’il annonce le dessein de son Père. Les hérétiques (c’est-à-dire les Ebionites) doivent donc com­prendre qu’ils trahissent l’écriture en croyant que le Christ est un Ange sans vouloir le proclamer Dieu, alors qu’ils lisent ses nombreuses visites au genre humain dans l’Ancien Testament. »

Les Nazaréens, dit Théodoret de Cyr, à la fin du V° siècle, « sont des Juifs qui honorent le Christ comme un homme juste (cf. le « more sedec » des manuscrits de la Mer Morte). » Ils nient la possibilité d’un Dieu trinitaire. Basile de Césarée faisait remarquer que les Juifs étaient « exaspérés » par le dogme et l’assimilaient au polythéisme. Ce sont des notions que l’on va retrouver dans le Coran.

Les évêques chrétiens ont lutté avec une éner­gie et une persévérance remarquables contre la tentation de « judaïser » renouvelée parmi les chrétiens. Leurs condamnations et leurs mises en garde répétées pendant plusieurs siècles montrent leur inefficacité. C’est que l’attrait du Judéo- Christianisme était très puissant. Jésus-Christ avait dit : « Ne croyez pas que je sois venu abolir la Loi. Non, je suis venu, non pour abolir mais pour accomplir. » Ce qui pouvait s’entendre de deux façons : La Loi accomplie, achevée, parfaite devenait périmée dans ce qu’elle avait de provi­soire et d’inachevé. Ce fut l’enseignement des apôtres et des évêques qui les suivirent. Mais les Nazaréens ont compris la formule du Christ dans ce sens qu’ils devaient lui rester intégralement fidèles et y ajouter les conseils évangéliques de perfection, tels que les pratiquaient les Ebionites. Pour être « parfait », il fallait rester fidèle à toute la Loi, sans en omettre les moindres préceptes avec une minutie excessive. Cependant, ils reje­taient à l’exemple du Christ, tout ce que les rab­bins y avaient ajouté dans les prescriptions du Talmud. Encore un motif de haine de la part de ces derniers.

Les pratiques juives devaient être rigoureuse­ment appliquées. Au IIIe siècle, les « Homélies Clémentines » précisaient : « Voici ce qui plaît à Dieu, lui adresser des prières, le supplier, quoique tous ses dons soient rendus égaux par la Loi, s’abstenir des repas démoniaques, ne pas manger de viande non égorger rituellement, ne pas tou­cher au sang, éviter toute souillure. » La loi du christ est identifiée à celle de Moïse, l’Eglise de Jérusalem a la primauté sur celle de Rome. Ces « Homélies » écrites à Rome sont l’œuvre d’un ébionite.

Saint Jérôme leur dit, dans un commentaire sur Isaïe : « Que les Ebionites écoutent, eux qui, après la passion du Christ et l’abolition de la loi, pensent qu’elle doit cependant être observée. Qu’ils écoutent, les amis des ébionites qui pen­sent que les sacrifices doivent être offerts par les Juifs seulement et par la race d’Israël » et Théodoret de Cyr mentionnait « qu’ils obser­vaient le sabbat selon la Loi juive et sanctifiaient le dimanche selon notre coutume. » Et Saint Augustin, dans son « Traité sur les hérésies », écrit en 428 après Jésus-Christ protestait contre les Nazaréens qui « tout en confessant que le Christ est fils de Dieu, observant cependant tous les préceptes de la loi ancienne, que les chrétiens ont appris par la Tradition apostolique à ne plus comprendre de façon charnelle, mais spirituelle. » Il ajoute « que les Ebionites disent même que le Christ n’est qu’un homme, qu’ils observent les commande­ments charnels de la Loi, c’est-à-dire la circonci­sion et tous les autres du poids desquels le Nouveau Testament nous a libérés. »

Saint Jérôme, lui aussi, s’est élevé contre l’usage de la circoncision, l’observance du sabbat, l’immolation d’un agneau à la Fête de Pâques et l’observation du jeune du Kippour.

Peine perdue, les Chrétiens restaient attirés par les pratiques judéo-chrétiennes. Les Nazaréens montraient avec conviction qu’il ne fallait pas couper la tradition en deux, qu’il fallait la recevoir et la respecter toute entière jusqu’aux préceptes du Christ compris, si l’on voulait deve­nir « parfait ». Nous retrouverons le même état d’esprit dans la rédaction du Coran.

Enfin les Nazaréens attendaient toujours le retour du Christ, la reconstruction du temple et le rétablissement du culte sacrificiel. Le Messie allait revenir bientôt, redescendre triomphant des cieux, suivi d’une armée d’anges, pour restaurer le trône de David et rétablir le « Royaume ». Alors, eux, les « Saints », les « Pauvres » régneraient avec lui sur les douze tribus et domineraient le monde. Ils attendaient également la venue d’un prophète, annonciateur du Messie. Il s’agissait du prophète Elie, dont le retour devait annoncer la fin du monde. Le Messie n’avait pas pu paraître encore puisqu’il devait suivre le retour d’Elie, comme le dit le prophète Malachie : « Voici que je vais envoyer Elie, le prophète avant que n’arrive mon jour, grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers les fils et le cœur des fils vers leurs pères, de peur que je ne vienne frapper le pays d’anathème. » Or cette prophétie était vénérée chez les gens de Qumran, et reprise par les Juifs caraïtes, leurs héritiers.[4]

Une apocalypse de Pierre, d’origine judéo-chrétienne, faisait déjà allusion au retour d’Enoch et d’Elie et l’apocalypse de Saint Jean avait annoncé : « J’enverrai mes deux témoins prophé­tiser pendant mille deux cent soixante jours, revêtus de sacs… »

Mais les évêques pouvaient opposer à cette attente eschatologique des Nazaréens, le texte même de l’Evangile de saint Mathieu : « En effet, Jésus a déclaré : Oui, Elie doit revenir et tout remettre en ordre, mais je vous le dit, Elie est déjà venu et ils ne l’ont pas reconnu, mais l’on traité à leur guise. Et le fils de l’homme aura de même à souffrir d’eux. Alors les disciples comprirent que ces paroles visaient Jean-Baptiste. » Telle est l’interprétation du Christ sur la prophétie de Saint Malachie. Saint Jérôme nie très nettement la croyance au retour d’Elie. Dans son commen­taire sur Malachie, il écrit : « Les Juifs et les héré­tiques judaïsants (nous dirions le Nazaréens et les chrétiens qui s’efforçaient de les imiter) pensent qu’Elie doit venir avant le Messie qui rétablira toutes choses. Aussi dans l’évangile, cette ques­tion est-elle posée au Christ : Pourquoi les phari­siens disent-ils qu’Elie doit venir ? - Le Christ leur répondit : Il est vrai qu’Elie viendra et si vous voulez le croire, je vous dirai qu’il est déjà venu. Par Elie il voulait dire Jean-Baptiste. » C’est pour­quoi les Pères de l’Eglise ont affirmé que toutes les prophéties ont été accomplies dans le Christ et qu’il n’y a plus à attendre Elie, mais seulement le retour glorieux du Seigneur à la fin des temps.

Nous constatons à nouveau qu’à partir de 135 après Jésus-Christ et de la dispersion des juifs en Orient, nous ne trouvons plus les textes authentiques des Nazaréens et que nous ne pouvons connaître leur enseignement que par les accusations des évêques chrétiens et des Pères de l’Eglise.


Une dérive gnostique

Dispersés en Orient, surtout en Syrie, privés d’une autorité incontestée, comme celle de saint Jacques le Mineur, donc d’un magistère doctrinal stable les communautés des Nazaréens devenaient une proie facile pour les maîtres de la Gnose, nombreux surtout en Syrie.

Le premier responsable de cette dérive doctri­nale, c’est bien évidemment Philon d’Alexandrie. Son Logos platonicien fut assimilé à Jésus-Christ. Il le désignait sous le nom de Premier Ange, le « πρωτος άγγελος » qui avait participé à la création du monde. C’est bien à lui que répond le Prologue de Saint Jean : « Le Verbe était Dieu (et non un Ange), par lui tout a été fait (Il est donc le vrai créateur, et non seulement un participant de cette création) et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui. Il est venu parmi les siens (Il était donc pleinement homme et non ange) et les siens ne l’ont pas reçu mais il a donné à tous ceux qui l’ont reçu (et non pas seulement aux Saints, aux Parfaits) le pouvoir de devenir enfants de Dieu… etc. »

Le prestige de Philon parmi les judéo-Chrétiens a permis à la pensée platonicienne de pénétrer dans la doctrine des Nazaréens et de pré­parer les futures déviations gnostiques.

Le culte de Saint Jacques a été très vite dévié en direction d’un ésotérisme. Clément, dans les « Hypotyposes », le range à côté de Jean et de Pierre parmi ceux qui ont reçu la Gnose du Christ ressuscité. Les « Reconnaissances » clémen­tines, la « Seconde apocalypse de Jacques » trou­vée à Nag Hammadi, la notice le présentent comme détenteur des secrets du Seigneur.

Or plusieurs sectes gnostiques d’origine judéo-chrétienne l’ont vénéré comme la perfec­tion de la Sainteté, les Naasséniens, adorateurs du Serpent, les Elkasaïstes prétendent avoir reçu de Saint Jacques une révélation plus parfaite que les Nazaréens. Jésus, selon eux, était l’homme accompli en qui s’était incorporé finalement le Verbe du Père, devenu l’Eon-Christ.

Jérôme Carcopino nous a présenté naguère les judéo-chrétiens ou Nazaréens de l’hypogée des Innocents dans les catacombes de Saint-Sébastien à Rome. Ils s’appellent les Justes, ils reposent parmi les Bons, - in bonis - έυ αγαθοις - au milieu des Justes - μετα τϖν δικαιϖν ή κοίμησοις, la « dormitio inter dicaeos » - « souviens-toi, Père, avec tous les Justes ». Ils sont les « Innocents » (ex : Nazareus Innoncentius). Ils portent des noms hermé­tiques, donc en référence à la Gnose d’Hermès Trismégiste : « Hermesianus, Titus Flavius Hermes, Marcus Ulpius Hermès, Aelius Hermes ». Ils portent l’ascia au fronton de leurs stèles. Ils sont donc des Nazaréens déjà imprégnés de Gnose, accueillis dans un cimetière chrétien, mais dans un espace réservé et séparé des autres tombes chrétiennes. On aura remar­qué les patronymes de la gens impériale : Titus - Flavius - Aelius (en référence à Hadrien). Nous savons que les gnostiques avaient pris l’usage de représenter le Christ sous la forme d’un Hermès criophore, c’est-à-dire porteur d’a­gneau. Cette hypogée date du second siècle de notre ère.

Plus tard, au troisième siècle, les Pères luttè­rent contre une résurgence du judéo-christianisme à tendance gnostique, la secte arienne des Anoméens, qui assurent que le Fils de Dieu est inférieur au père. « Ecoute, toi aussi, fulmine Saint Basile de Césarée, qui, nouveau circoncis, soutiens le judaïsme en feignant le christianisme. D’où t’es venue l’intolérable impiété de prétendre que le Fils n’est pas semblable au Père ?… Que l’anoméen rougisse de honte, que le juif réfléchis­se, que le fidèle trouve sa joie dans la vraie doctri­ne. » De même Saint Jean Chrysostome partit en guerre contre les chrétiens qui observaient les fêtes juives et fréquentaient les synagogues. Précisons bien qu’il s’agissait des synagogues-églises des Judéo-Chrétiens. Dans ses traités « Homélie contre les Anoméens », « Le Christ-Dieu », « Discours contre les Juifs », (entendons toujours les judéo-chrétiens nazaréens) il proteste contre leurs accusations. Ces anoméens, comme les Nazaréens, accusent le Christ d’appeler Dieu son Père et de se faire l’égal de Dieu, « Du reste, précise-t-il, notre argumentation ne se borne pas à les confondre, elle confondra avec eux les parti­sans de Marcion, de Manès, de Valentin et de tous les Juifs ensemble. »

On le voit, peu à peu les Nazaréens se sont laissés gagner par les élucubrations et les absurdi­tés des grands maîtres de la Gnose. Il leur man­quait un magistère doctrinal solide et immuable.


Un essai d’empire Judéo-Arabe : Palmyre

Nous assistons au IIIe siècle à une première tentative des Judéo-chrétiens imprégnés de Gnose pour convertir les Arabes de Syrie, qui commen­çaient alors à devenir puissants et organisés.

Les Nabatéens s’étaient installés aux confins de la Syrie. Ils attiraient les tribus groupées en confédérations et alliées aux Romains, ils formè­rent sous Trajan, en 106 après Jésus-Christ, une province romaine et développèrent, en plein désert de Syrie, la ville de Palmyre. Elle prit le nom d’Hadriana en 130 après Jésus-Christ, pour flatter l’empe­reur Hadrien et obtenir sa bienveillance. Au IIIe siècle, c’était une belle ville, gréco-romaine imbue de culture hellénique et de néo-platonisme.

Le reine Zénobie, mère de Waballath et régente au nom de son fils s’efforça alors de construire un empire, sous couleur de protéger les intérêts de Rome. Elle s’annexa la Syrie et l’Egypte. Elle était juive, comme le signale Saint Athanase dans son « Histoire des Ariens » et Sozomène affirme qu’elle « pensait comme les Juifs », c’est-à-dire comme les judéo-chrétiens.

Elle entreprit de ramener ces arabes à peine romanisés à la religion des Nazaréens. Pour cela, elle donna au dieu Bel, des babyloniens, adoré à Palmyre, les attributs de Yahveh. Bel devint le Roi des Dieux, le Dieu bon, le Dieu éternel, le Dieu béni à jamais, le Dieu rémunérateur. Il était représenté avec des rayons comme un soleil et Malakbel s’entendait aussi comme le Roi « Bel ».

De plus, elle acceptait dans une sorte de pan­théon, le « Dieu Alexandre », c’est-à-dire l’empe­reur Alexandre Sévère (222-235), divinisé de son vivant. Il était syrien et pratiquait le culte des judéo-chrétiens. Il aurait voulu « élever à Rome un Temple au Christ et le placer au rang des dieux » nous dit l’historien Lampide. Il avait consacré la chapelle de son palais au culte d’Apollonius de Tyane, du Christ, d’Abraham et d’Orphée. Si l’on précise que les gnostiques avaient assimilé le Christ à Orphée, nous voyons bien qu’Alexandre-Sévère suivait la doctrine des Nazaréens. Il avait donc sa statue à Palmyre. Zénobie organisa un culte monothéiste au Dieu Bel, refusant la Trinité chrétienne, reconnaissant Jésus comme un prophète.

Par ailleurs, elle avait attaché à sa cour le phi­losophe Longin, disciple de Plotin, donc néo-platonicien qui avait manifesté dans son « Traité sur le sublime » son enthousiasme pour la Bible juive.

Zénobie, prosélyte juive, avait assimilé son judaïsme et son christianisme à la doctrine des Platoniciens, mais « revue et accommodée » par Philon d’Alexandrie. Il ne s’agissait pas d’un syncrétisme, comme on l’a dit. Formule paresseuse qui évite d’examiner attentivement cette adaptation de Platon au Judaïsme. Il s’agissait très exac­tement de préparer les arabes à adorer le Dieu des Juifs et de ramener les chrétiens à la pratique du judéo-christianisme.

Pour cela, elle fit appel au patriarche d’Antioche, Paul de Samosate. Paul de Samosate était un rhéteur et un aventurier qui s’était fait chrétien et patriarche pour s’enrichir selon l’idéal du « Peregrinus » décrit précédemment par son compatriote Lucien de Samosate. Il avait séduit les chrétiens d’Antioche. Il fut promu patriarche de l’église métropolitaine et « ducenier » de l’Etat, sorte d’officier supérieur administratif et judiciai­re. Il soutenait que Dieu était unique, dont le Verbe et l’Esprit Saint procèdent comme l’intelli­gence et l’action procèdent du l’Etre Suprême. Quand à Jésus, il fut l’homme providentiel qui avait reçu de Dieu la fonction d’éclairer le monde et qui s’était uni mystérieusement à la divine « Sophia » des Gnostiques pour devenir apte à cette grande mission. Le Christ était donc bien divin par adoption et non par nature. Il devenait acceptable pour les penseurs païens et néo-plato­niciens qui l’admiraient comme un philosophe nazaréen, un Socrate galiléen vénéré par le dieu Alexandre-Sévère. La reine Zénobie l’avait com­blé de faveurs et comptait sur lui pour ramener les chrétiens de Syrie à un judéo-christianisme teinté de gnose.

Mais en 270 après Jésus-Christ, les légions de Pannonie proclamèrent empereur Aurélien. Celui-ci, inquiet des manœuvres de Zénobie, lui déclara la guerre, la fit prisonnière et détruisit de fond en comble sa ville de Palmyre. Une tentative avortée de judaïsation des Arabes !


Judéo-Chrétiens, Nanifs et Saracènes[5]

A partir du Ve et du VIe siècles, les docu­ments sont singulièrement muets sur les Judéo- chrétiens. Les évêques chrétiens ne tonnent plus contre la tendance de leurs fidèles à « Judaïser ». Preuve que l’attrait des Nazaréens ne s’exerçait plus sur eux. Les chroniques de l’époque ne s’intéressent plus à leur cas. Mais nous savons, par des études appliquées à des situations analogues, par exemple aux monastères bouddhistes, qu’une même communauté peut recevoir d’un siècle à l’autre des dénominations nouvelles auxquelles les historiens ne font plus attention. Nous avons vu que les rabbins talmudistes traitaient les judéo-chrétiens de renégats, de Galiléens, de Nazaréens, mais aussi de Samaritains, d’Edomite (titre inju­rieux qu’ils réservaient aussi aux Romains), d’ado­rateurs des astres, sans doute parce que les Nazaréens se tournaient vers le soleil pendant leur prière du matin, comme nous l’avons vu. Or, les évêques ont pris l’habitude, à cette époque de distinguer les chrétiens des Juifs, des Samaritains et des Magarites. (Ce sont les arabes convertis au Judéo-christianisme) et les notices qu’ils consa­crent aux Samaritains montrent qu’ils sont les héritiers des Nazaréens, puisque ces évêques leur reprochent de soutenir que « le Messie n’est pas divin ».

Dans les années qui précèdent les débuts de l’Islam, les historiens signalent l’existence des Hanifs. Ce sont des arabes à la recherche de la vraie religion. Ibn Ishac nous dit qu’ils « ne pre­naient pas part aux idoles, qu’ils s’abstenaient de manger ce qui était mort de mort naturelle, s’abs­tenaient du sang et des victimes sacrifiées aux idoles, défendaient d’enterrer vivants les nou­veaux-nés de sexe féminin et proclamaient qu’ils adoraient le Seigneur d’Abraham. »

Le plus célèbre d’entre eux, c’est Ommaya b. Abi, s. Salt. D’après le « Kitab al Aghani », il avait étudié les Ecritures, était revêtu d’un sac, s’inter­disait le vin, ne croyait pas aux idoles. C’était un monothéiste à tendances ascétiques, on dit qu’il se contentait de prendre dans le Judaïsme et le christianisme ce qui lui agréait, qu’il en avait fait une sorte de syncrétisme. Nous rejetons cette conclusion et nous voyons bien que ces Hanifs avaient tout simplement fait le vœu de nazirat, pratiqué par les Ebionites dans les communautés judéo-chrétiennes.

Nous pensons pouvoir affirmer qu’Ommaya est le véritable auteur du Coran, qu’il a composé dans un monastère ébionite sous la dictée ou l’enseignement d’un religieux nazaréen. La tradi­tion syro-chaldéenne désigne ce religieux sous le nom de Sarkis ou Nesteur, surnommé Bahira, c’est-à-dire « le savant ».

Il y a dans le Coran des textes significatifs. En voici un qui nous montre son auteur écrivant à la lueur de la lampe du sanctuaire :

« Allah illumine le Ciel et la Terre. Sa lumière ressemble au luminaire où brûle une lampe. La lampe est dans un vase et le vase scintille comme une étoile brillante. Son aliment c’est le fruit béni d’un olivier qu’on ne trouve ni en orient, ni en occident et dont l’huile éclaire sans que le feu y touche. Lumière sur lumière ! Allah dirige à sa clarté qui il veut ! Il propose aux hommes ses paraboles et connaît toutes choses. (Cette lumiè­re) brille dans les maisons qu’Allah a permis d’éle­ver pour le culte de son nom. C’est là que, matin et soir, le célèbrent des hommes que ni le com­merce ni le trafic ne distraient de l’office divin, de l’accomplissement de la prière et du don des aumônes. (Ces hommes) craignent le jour qui retournera les cœurs et les yeux (le jour donc de la Résurrection) pour recevoir d’Allah la rétribu­tion de leurs actes et l’abondance de sa grâce, oui, Allah rassasie qui il veut sans mesure ! » (24, 35- 38)

Dans ce texte toutes les expressions sont empruntées au judéo-christianisme. La lampe qui scintille dans le sanctuaire comme une étoile brillante révèle dans la nuit la présence divine. L’Eglise, maison d’Allah, est toute bourdonnante de l’office des moines. L’auteur du Coran vou­drait faire partager à ses compatriotes arabes son admiration pour la vie monastique et leur faire adopter les vœux du nazirat. Nous verrons que ce sera un échec total. Maîtres du pouvoir, les chefs arabes rejetteront toute idée de vie ascétique. Les premiers khalifes, ceux de Damas, sont les dis­ciples d’Ommaya et se sont appelés les Omméyades, à commencer par Omar ou Amr, comme nous le verrons.

L’auteur du Coran donne le titre d’Hanif à Abraham lui-même. Il est le premier et le plus grand des Hanifs, c’est l’Ami de Dieu, qui a renoncé même à son propre fils pour se consacrer tout à lui. Il s’est donné à lui-même également le nom de « Ahmed », qui veut dire « bien-aimé » de Dieu. C’est une dénomination qui est plusieurs fois attribuée dans le Coran et même une fois manifestement à Jésus. Il était « Isha », c’est-à-dire, l’Oint de Dieu et Ahmed, son Bien-Aimé. Les Hanifs sont donc les Amis de Dieu et Dieu les aime.

L’auteur du Coran s’est efforcé de faire com­prendre aux Arabes que Jésus n’était pas divin et qu’on ne devait pas l’adorer. C’est un refrain repris obstinément et répété à longueur de sou­rates. Comme nous l’avons montré dans une étude précédente[6], il voulait détourner les Arabes chrétiens, à qui il s’adressait, de l’adoration du Christ :

« On vous dit : Soyez juifs ou chrétiens ! Réponds : Non ! Abraham était de religion hanéfite, il n’associait rien au culte d’Allah ! Dites : Nous croyons en Allah, aux révélations d’Abraham, de Jacob et des tribus, aux livres don­nés par leur Seigneur à Moïse, à Jésus, aux pro­phètes ! Nous n’établissons point de différence entre eux et nous sommes parfaits » (sourate 2, 125-130). Il n’y a pas le moindre syncrétisme dans tout cela et les Hanifs sont bien des religieux qui ont fait le vœu de Nazirat. Nous y revien­drons.

A partir du VIIe siècle, les événements se précipitent et tout l’Orient est secoué par les aller et retours des légions romaines et des armées sassanides. Le grand conflit séculaire de Rome contre les Perses va bientôt prendre un tour dramatique. Pour ne pas faire d’erreur sur ces événements, il faut bien comprendre les textes qui les racontent. L’Arabie, c’est le pays occupé par les Arabes, ce sont les oasis établis aux confins de la Syrie et de la Mésopotamie, où les Saracènes jouent le rôle de policiers du désert pour protéger le Croissant fertile contre les peuplades nomades abonnées au pillage des caravanes. Les textes énumèrent à la suite la Syrie, l’Arabie et la Babylonie. Ils ne distinguent pas non plus suffisamment les Juifs des Nazaréens. Il faudra faire attention que les uns et les autres sont souvent confondus dans la pensée des évêques chrétiens et dans les chroniques de l’époque.

Au début du VIIe siècle, le dernier grand roi sassanide, Chosroès II, organise une grande expédition contre l’empire romain. Ses armées parcourent et saccagent la Syrie, la Palestine et l’Égypte. Elle comprend des soldats Saracènes et juifs. En 614, le général perse, Romizanès, prend Jérusalem et confie l’administration de la ville aux Juifs. L’un d’eux, qui prend le nom de Néhémie, offre un sacrifice sur l’emplacement du Temple. Selon Michel le Syrien, « les Juifs achetèrent pour rien les chrétiens faits prisonniers et se livrant à leur méchanceté, les tuèrent ».

Cet événement capital et inattendu provoqua une immense espérance dans toutes les communautés juives d’Orient. Pour la première fois, les Romains étaient vaincus et la Ville Sainte libérée. Enfin le Temple pourrait être reconstruit et le Messie tant attendu allait enfin paraître. Mais cette joie fut de courte durée. Devant les exi­gences des Juifs, le roi Chosroès les expulsa de Jérusalem et les envoya en esclavage en Perse. Puis l’Empereur Héraclius se réveilla de sa torpeur. Secoué par les reproches indignés du patriarche de Constantinople, il forma une immense armée et partit à la reconquête de son empire saccagé. En quelques années, il eut repris la maîtrise de tout l’Orient. Il reconquit Jérusalem, poursuivit le roi sassanide jusqu’en Mésopotamie. En 627 il avait repris Edesse et Ninive. Chosroès dut capi­tuler et se rendre.

La déception pour les Juifs fut d’autant plus profonde que l’espérance avait été inattendue et la joie intense. C’est de cette époque que date la rédaction du Coran. Son auteur essaye de rendre courage aux Saracènes et aux Juifs abattus et presque démobilisés.

« Oui, dit-il, les Roumis ont été battus aux confins du pays, mais après leur défaite, ils vain­cront dans quelques années. Allah règne avant comme après ! Alors les croyants se réjouiront du triomphe d’Allah. Il secourt qui il veut. » Ne vous découragez pas, vous, les Saracènes qui avez adopté la religion des Hanifs, qui êtes donc des croyants. Reprenez le combat et Allah vous don­nera la victoire.


Les débuts de l’Islam selon les chroniques

Il a paru, en 1977, à Cambridge, une thèse intitulée « Hagarisme » soutenue par deux écri­vains, Patricia Crône et Michaël Cook. Elle n’a pas été traduite en français, mais grâce à la com­plaisance d’un prêtre ami, nous avons pu en prendre connaissance et nous avons été frappé par la convergence d’une multitude de chroniques de l’époque qui nous présentent les débuts de l’Islam sous un jour tout à fait inattendu. En effet, les auteurs, sans s’inquiéter de l’histoire devenue classique de Mahomet, ont rassemblé et mis bout à bout les chroniques syriaques, byzantines, juives, nestoriennes et autres, écrites sur le moment.

Elles ignorent totalement l’histoire de Mahomet et nous montrent à l’œuvre l’action persévérante des Juifs dans le triomphe des Saracènes contre les Romains et leur échec final, au moment de la destruction du Temple à Jérusalem.

Nous avons choisi, parmi ces chroniques, les plus explicites. Voici une chronique arménienne écrite en 660, intitulée « Histoire d’Héraclius par l’évêque Sèbèos ». Elle commence par l’exode des Juifs d’Edesse, chassés de la ville par l’armée d’Héraclius vers 628 :

« Ils partirent dans le désert et vinrent en Arabie, chez les enfants d’Ismaël. Ils cherchèrent leur aide et leurs expliquèrent qu’ils étaient parents selon la Bible. Bien que les Ismaé­lites fussent prêts à accepter cette proximité de parenté, les Juifs ne purent néanmoins convaincre la masse du peuple, parce que leurs cultes étaient différents. En ce temps-là il y avait un Ismaélite appelé Mahmet. Il se présenta lui-même à eux, comme s’il était aux ordres de Dieu, comme un prédicateur, comme le chemin de la vérité et leur enseigna à connaître le Dieu d’Abraham, car il était bien informé et à l’aise avec l’histoire de Moïse. Comme l’ordre venait d’en haut, ils s’unirent tous sous l’autorité d’un seul hom­me, sous une seule loi et abandonnant de vains cultes, revinrent au Dieu vivant qui s’était révélé à leur Père Abraham. Mahmet leur interdit de manger la viande de tout animal mort, de boire du vin, de mentir et de forniquer[7].

Il ajouta : « Dieu a promis ce pays à Abraham et à sa descendance à jamais. Selon sa promesse, il agit en aimant Israël. Vous, vous êtes les fils d’Abraham et Dieu réalise en vous la promesse faite à Abraham et à sa descendance. Aimez seu­lement le Dieu d’Abraham et allez prendre pos­session de votre pays donné par Dieu à Abraham et personne ne pourra vous résister dans le com­bat, car Dieu est avec vous. »

Alors ils se rassemblèrent d’Havila jusqu’à Shir et devant l’Egypte. Ils quittèrent le désert de Faran répartis en douze tribus selon le lignage de leurs patriarches. Ils répartirent dans leurs tribus les 12000 Israëlites, mille par tribus, pour les gui­der au Pays d’Israël. Camp après camp, ils parti­rent selon l’ordre de leurs patriarches ; Nebajoth, Kedar, Abdel, Mihsam, Mishma, Dumah, Massa, Tema, Jetur, Naphish et Kedemah. (Gen. 25, 13- 15) Ce sont les tribus d’Ismaël. Ceux qui res­taient du peuple des enfants d’Israël vinrent les rejoindre et ils constituèrent une puissante armée. Alors ils envoyèrent une ambassade à l’Empereur des Grecs, pour lui dire : Dieu a donné ce pays en héritage à notre père Abraham et à sa descendan­ce après lui. Nous sommes les enfants d’Abraham. Vous avez occupé suffisamment notre pays. Rendez-le nous pacifiquement et nous n’envahirons pas votre territoire. Autrement nous reprendrons ce que vous avez pris avec les intérêts ». C’est-à-dire nous occuperons d’autres territoires. Plus loin, Sèbèos signale que le gou­verneur ismaélite demanda à l’Empereur de renoncer « à Jésus que vous appelez Christ et qui ne put pas même se sauver lui-même des Juifs ».

L’historicité de cette chronique a été contes­tée, parce qu’elle est en contradiction manifeste avec l’histoire classique de Mahomet. Comme nous savons que cette dernière est une légende tardive, la contradiction est pour nous une preuve supplémentaire de sa véracité. On a contesté éga­lement la possibilité pour les Juifs de parcourir toute l’Arabie depuis Edesse. Si on veille à ne pas faire d’erreur sur la notion d’Arabie, on a au contraire ici une remarquable confirmation du fait que cette rencontre entre Juifs et Saracènes avait eu lieu sur l’emplacement de la maison d’Abraham, à Haran, au nord du désert de Syrie, comme le signale une chronique Byzantine. On a vu également le souci de Mahomet de ramener les Saracènes ou Ismaélites au seul culte de dieu, en excluant celui de Jésus, de les ramener aussi à la pratique du nazirat. On a reproché à ce texte ses références à la Genèse dans l’énumération des tribus d’Ismaël et leur regroupement dans le désert. C’est bien la preuve que ces judéo-chré­tiens qui proposaient l’alliance vivaient dans l’espoir de réaliser à nouveau l’exploit de Moïse : la fuite dans le désert, « al Hijr », c’est-à-dire le départ en exil (d’où le mot : Hégire), en direc­tion, non pas de Shur, mais d’Hagra, selon d’autres chroniques, qui serait, en Syrie, l’empla­cement du tombeau d’Abraham ou d’Ismaël.

Le rassemblement des armées pour la recon­quête de la Terre Promise, c’est à dire de Jérusalem. Enfin on a contesté l’entrevue avec l’empereur Héraclius, parce qu’on n’en trouve pas trace dans la tradition byzantine. Il est certain qu’une telle ambassade d’expulsés ne pouvait que provoquer un haussement d’épaules chez un empereur au faîte de son triomphe.

Les auteurs d’« Hagarisme » appuient ce texte sur d’autres chroniques qui le complètent heureu­sement. Citons-en quelques unes.

Une « Didascalie de Jacob » présente un dia­logue entre juifs à Carthage vers 634 : « Un faux prophète est apparu, parmi les saracènes… Ils disent que le prophète est apparu venant avec les Saracènes et proclamant la venue du Oint (donc du Christ), celui qui doit venir. - C’est un impos­teur. Est-ce que les prophètes viennent avec épée et chars ? - Il n’y a pas de vérité à trouver dans ce soit disant prophète, seulement du sang versé. Or il a dit qu’il a la clé du Paradis, ce qui est incroyable. »

Une apocalypse juive du VIIIe siècle, « Les secrets de Rabbi Simon ben Yohay », nous expose ce dialogue : « Quand il vit advenir le royaume d’Ismaël, il commença à dire : N’étais-ce pas assez que le mauvais royaume d’Edom (c’est-à-dire des Romains) nous a fait que nous ayons celui d’Ismaël en plus ? - Ne crains pas, fils d’homme, car le Seul Saint, béni soit-il, établit le royaume d’Ismaël uniquement pour te sauver de ce mal (celui des Romains, appelés Edonites). Il avait levé sur eux un prophète selon sa volonté qui conquerra le pays pour eux et ils viendront et le restaureront dans sa grandeur. - Rabbi Simon répondit : comment savons-nous qu’ils sont notre salut ? Il répondit : Le prophète Isaïe n’a-t-il pas dit : Et il vit une troupe de cavaliers, deux par deux, montant l’un un âne, l’autre un chameau… Mais alors le chamelier (c’est à dire le prophète) marche devant et le royaume se lèvera grâce à celui qui chevauche un âne (c’est-à-dire le Messie). Vu que ce dernier chevauche un âne, cela montre qu’ils sont le salut d’Israël, de même que le salut de celui qui chevauche l’âne. »

C’est une prophétie qui n’avait pas échappé au chef des Saracènes, Omar. Il s’est fait appeler al farouq c’est-à-dire « le rédempteur » et pour sa quatrième visite en Syrie, il rentra à Damas « che­vauchant un âne », pour bien marquer qu’il était lui-même le Messie attendu.

Rabbi Simon ben Yohay continue : « Il sera un amant d’Israël, il réparera ses brèches et les brèches du Temple. » Hélas ! la suite des événe­ments va marquer la rupture entre Omar et les Juifs. Sébèos, l’évêque arménien, relate la querelle entre les Juifs et les Arabes pour la possession du site du Temple. Il précise bien qu’Omar, le roi des Saracènes, de retour de son expédition en Egypte, expulsa tous les Juifs de Jérusalem et d’Arabie. Le dernier espoir de voir rétabli le culte du Temple dans la cité Sainte était définitivement enterré. Les Saracènes lancés par les Juifs dans cette récu­pération de la Terre Promise s’y sont définitive­ment installés en maîtres absolus et en ont chassé ceux qui les y avaient conduit.

Les auteurs d’« Hagarisme » ont cité aussi d’autres chroniques contemporaines qui confir­ment, avec de nombreuses précisions, l’histoire que nous venons d’exposer. Il faudra donc se réfé­rer aux citations de cet ouvrage, si l’on veut com­prendre la suite des événements jusqu’à l’installa­tion définitive en Terre Sainte. Nous arrêtons là notre propre exposé. En effet, à partir de ce moment, les Judéo-chrétiens disparaissent au regard de l’historien.


Conclusion

Comme on le voit, les judéo-chrétiens, héri­tiers de la première communauté chrétienne de Jérusalem ont essayé pendant des siècles de main­tenir haut et ferme le flambeau de leur espoir : le retour à Jérusalem, la reconstruction du Temple et l’attente du Messie d’Aaron et d’Israël, un Messie-Roi et un Messie-prêtre, qui rétablira le culte sacrificiel de Yahvé.

Leur dernière tentative fut de lancer à l’assaut des Roumis les Arabes de Syrie « les Saracènes ». Ce fut, comme le dit très bien le frère Bruno Bonnet-Aymard, l’échec d’un retour. Un échec définitif, ne laissant plus aucun espoir pour l’ave­nir.

Que sont devenus ces derniers judéo-chrétiens ? Il est difficile de le savoir.

Nous avons noté cependant chez les Syro-Chaldéens, réfugiés dans les montagnes du Kurdistan et décidés à résister avec la dernière énergie aux tentatives d’arabisation des Kurdes et des Turcs, un grand nombre d’usages religieux hérités du judéo-christianisme.

Ils s’appellent entre eux, les « Nazaréens » et leur évêque est dénommé « le patriarche de tous les Nazaréens ». Ils sont « des chrétiens convertis du judaïsme, dont la principale erreur consiste à maintenir la nécessité ou la convenance des œuvres de la Loi et qui adhèrent obstinément à la pratique des cérémonies juives. Mais ils rejetaient pour eux-mêmes les additions faites au rituel mosaïque par les docteurs de la Loi et les Pharisiens ». (Mosheim : Eccl. hist. 1.1 p. 170)

On les appelait encore les Syriens, parce qu’ils pratiquaient une liturgie en usage parmi eux et conforme à la première liturgie de l’Eglise d’Antioche.

On les appelait encore, les Nestoriens, mais ils rejetaient cette dénomination, parce qu’ils ne voulaient pas être confondus avec les hérétiques de ce nom, disciples de l’évêque de Constantinople. Nestorius, condamné par le Concile universel en 431 ap. J.C. Ils disaient qu’ils n’avaient jamais soutenu les hérésies qui l’avait fait excommunier. Ils l’approuvaient seule­ment d’avoir élevé la voix contre l’adoration des images et contre le titre de Mère de Dieu donné à Marie, parce que ce titre, annulant implicite­ment l’humanité de Jésus-Christ, nous laissait sans médiateur. Ils nommaient Marie, mère du Christ, et ils ont toujours cru à l’union de la nature divine et de la nature humaine en la per­sonne du Sauveur.

Leurs évêques pratiquaient le vœu de nazirat, laissant croître barbe et cheveux, ne mangeant que la nourriture la plus simple, avec abstinence de viande, évitant les impuretés cérémonielles, respectant le célibat.

Au moment de l’avancée des musulmans dans l’Empire de Perse, un grand nombre d’entre eux se sont enfuis dans les Indes, fuyant l’épée des persécuteurs aux cours du VIIe siècle. Ils ont constitué ce que nous appelons les Chrétiens de Saint Thomas dans le Travancore. Ils portent eux aussi le nom de Nazaréens, ils s’abstiennent de la chair du porc et des autres aliments prohibés par la Loi de Moïse, ils se donnent des noms hébreux, comme Zacharie, Urie, Josué, Mathieu, Luc, Abraham, etc.

Ils ont émigré de l’Asie occidentale, ils affir­ment que Saint Thomas a prêché dans les Indes, attiré par les Israélites qui y étaient déjà installés, car il était l’apôtre de la circoncision avant de se rendre en Inde où, disent les Juifs de Malabar, il prêcha dès 52 après Jésus-Christ.

Nous pensons que les derniers judéo-chrétiens et ébionites, expulsés et persécutés par les Omméyades devenus tout puissants en Syrie et à Jérusalem, ont ouvert les yeux, se sont pleine­ment convertis au Christianisme, reconnaissant enfin la divinité de Jésus-Christ, renonçant au culte du Temple, mais conservant les usages reli­gieux auxquels ils étaient habitués et que les chré­tiens de rite syro-chaldéen les ont accueilli à bras ouverts.


Notes bibliographiques

Aux ouvrages déjà cités dans nos études sur les manuscrits de la Mer Morte (cf. De la Gnose à l’œcuménisme, p 177 et 178) et sur l’Islam (cf. La gnose universelle p 203 et 204) on peut ajouter :

- Joseph BONSIRVEN : Sur les ruines du Temple : Le Judaïsme après Jésus-Christ. (Grasset, 1928)

- Albert GELIN : Les Pauvres de Yahwé. (Cerf, 1953)

- MISSEL CHALDEEN, traduit du texte araméen par Mgr Francis ALICHORAN en 1982

- Ferdinand DELAUNAY : Moines et Sibylles dans l’antiquité judéo-grecque. (Libr. acd. Perrin, 1874), contient le texte complet de la Vie contemplative de Philon, celui du livre d’Hénoch et des chants de la Sibylle.

- Jean DANIELOU : Philon d’Alexandrie (Fayard, 1958)

- Denise JUDANT : Judaïsme et christianis­me : Dossier patristique. (Ed. du Cèdre, 1969), ouvrage essentiel où l’on trouvera les réfé­rences précises des textes que nous avons cités dans notre étude.

- Denise JUDANT : Les deux Israël : essai sur le mystère du Salut d’Israël selon l’économie des deux Testaments ; (Cerf, 1960). L’auteur est une juive convertie.

- Abbé Joseph VARIOT : Les Evangiles apo­cryphes (Berche et Tralin, 1878) donne beau­coup de renseignements sur les diverses édi­tions de l’Evangile des Nazaréens.

- Jérôme CARPOPINO : De Pythagore aux apôtres (Flammarion, 1956). L’auteur décrit, dans sa dernière partie, l’hypogée des Innocents dans la catacombe de Saint Sébastien et étudie les ébionites des Rome et leurs tendances gnostiques.

- Mgr Humberto BENIGNI : Les Juifs et le catholicisme d’après l’Histoire sociale de l’Eglise (in la Revue internationale des Sociétés secrètes oct. 1922 à déc. 1923). De bons développe­ments sur les pauvres de Jérusalem et sur le royaume de Palmyre.

- J.M. LAGRANGE : Palmyre, Histoire, Monuments, Inscriptions, religion (Le Correspondant, 10 sept. 1908)

- Joseph HUBY : Christus, manuel d’Histoire des Religions (Beauchesne, 1934), le chapitre XV par Edmond POWER sur l’islam.

- Frère Bruno BONNET-AYMARD : Le Coran, traduction et commentaire systématique, 2 vol. (Contre réforme catholique, 1988-1990), ouvrage essentiel.

- Patricia CRONE et Mighaël COOK : Hagarism, The Making of the Islamic world (Cambridge Université Press, 1977) autre ouvrage essentiel.

- Asahel GRANT : Les Nestoriens ou les Tribus perdues (Libr. delay, 1843) reportage très inté­ressant d’un séjour parmi les chrétiens nesto­riens du Kurdistan. L’auteur a noté avec préci­sion leurs usages liturgiques.


A propos des manuscrits de la mer morte

Compléments d’informations à la suite des trouvailles des manuscrits 7Q4 et 7Q5

Philon interprète le nom des Esséniens par l’idée de sainteté. Le mot syriaque HASAYA, signifie « pieux, saint » et a servi à désigner les moines d’Hébron. Rappelons qu’en Palestine, les juifs ne parlaient pas l’hébreu, mais l’araméen ou syriaque.

Dans l’Eglise, on a toujours considéré que le mot « Esséniens » désignait les premiers moines chrétiens. Eusèbe l’affirme dans son « Histoire ecclésiastique ». Un manuscrit de PHILON du Xe siècle, conservé à la bibliothèque Nationale est intitulé : « Sur les fidèles circoncis et convertis au Christianisme, qui mènent en Egypte la vie monastique », qui comporte la scolie suivante : « Quelques-uns prétendent que ce livre de Philon concerne des moines juifs appartenant à la secte des Nazaréens, d’autres soutiennent qu’il s’agit de juifs convertis, observant la loi de Moïse comme figure de la loi nouvelle ; d’autres enfin, qu’il s’agit de parfaits chrétiens. » Dans ces trois cas énumérés, il s’agit donc toujours de disciples de Jésus-Christ.

Cette idée que les Esséniens ont constitué une secte juive antérieure au christianisme a été lancée par les Encyclopédistes du XVIIIe siècle. Aussitôt un érudit bénédictin, Dom Bernard de Montfaucon a réagi énergiquement en démontrant par un luxe de preuves remarquables que les Esséniens décrits par Philon étaient des moines Chrétiens.

Les Thérapeutes et les Esséniens priaient tournés vers l’Orient, les mains étendues : « Cela s’observait, dit le P. de Montfaucon, chez les anciens chrétiens, non seulement quant à la posture et à la situation, mais aussi quant à la forme de la prière, que nous trouvons la même dans les constitutions apostoliques et dans les plus anciens hymnes du bréviaire. » En effet, Clément d’Alexandrie, Tertullien, Origène et Eusèbe attestent que les premiers chrétiens priaient Dieu les mains étendues (expansis manibus), vers l’Orient. Ils demandaient, suivant le texte des « Constitutions apostoliques », un esprit vigilant, une science sans erreur et que le Saint Esprit descendît sur eux pour leur donner possession et connaissance de la vérité. - « Le matin venu, dit Philon, leurs regards et tout leur corps se tournent vers l’Orient, pour épier les premiers rayons du soleil levant. Quand ils les ont aperçus, ils étendent les mains au ciel, demandant un jour heureux, la connaissance de la Vérité et la lucidité de l’intelligence. »…. Saint Basile met l’usage de prier vers l’Orient au nombre des traditions qui ne se trouvent point dans l’Ecriture et n’en sont pas moins inviolables, parce qu’elles sont venues des apôtres. Cette pratique spéciale, souvent mentionnés par les Grecs, distinguait les chrétiens des juifs, auxquels il était défendu de se tourner vers l’orient pour prier, « sans doute, dit Montfaucon, à cause du penchant que cette nation avait au culte des faux dieux et particulièrement du soleil et des astres. »

C’est une chose très digne d’être retenue qu’un rite contraire à la religion juive et anathémisée par les prophètes, se retrouve à la fois chez les Esséniens et chez les Chrétiens.

En lisant dans la lettre de Pline le Jeune à Trajan, les aveux recueillis de la bouche des chrétiens de Bythinie, on croirait qu’il s’agit d’Esséniens persécutés : « Ils avaient coutume de se réunir avant l’aurore pour chanter un hymne à Christ, comme à un Dieu… etc. etc. » Relisez cette lettre. Un observateur superficiel et non chrétien décrit la communauté chrétienne dans les mêmes termes que Philon et Josèphe décrivent les Esséniens.

Dans les manuscrits de Qumran, il n’est jamais question d’Esséniens, mais toujours d’Ebionites. Le mot « Ebionim » se retrouve dans tous les textes trouvés là-bas. C’est une signature.

Si on prend la peine de bien étudier les ébionites, on a la réponse à toutes les difficultés soulevées. Les pauvres de Jérusalem s’étaient établis dans les Laures ou grottes aménagées des monts de Juda, sur les versants de la vallée du Cédron. Ils pratiquaient une liturgie en Hébreu, langue sacrée pour des Juifs. Ils ne connaissaient que l’Ancien Testament, plus un évangile, dit des « hébreux » ou des « Nazaréens », connu par Saint Jérôme. Pendant un siècle ils ont vécu là, écrivant les apocryphes dit de l’ancien Testament : Livre d’Hénoch, Oden de Salomon, Testament des Douzes patriarches, etc. Tout cela pour appliquer à Jésus, qu’ils appelaient le Maître de Justice, les prophéties de l’Ancien Testament.

En 70, ils se sont réfugiés à Pella, de l’autre côté de la Mer Morte pour échapper au massacre. Puis, la paix revenue, ils sont retournés dans leurs laures. Mgr Lagier, dans son livre sur « L’Orient Chrétien », donne la liste des évêques de Jérusalem et Pella jusqu’en 135 après Jésus- Christ. Ils portent tous des noms juifs.

Après la révolte de Bar Kochéba et l’expulsion de tous les juifs de Palestine par l’empereur Hadrien, les Ebionites ont dû abandonner leurs Laures des monts de Juda et leur cimetière de Qumran. Sans doute avaient-ils déjà utilisé les grottes des environs pour jeter des manuscrits raturés ou en mauvais état ; La chose n’est pas impossible, puisque c’est un usage proprement juif d’utiliser des « genisah » dans ce but.

Après 135, post Christum, une nouvelle communauté chrétienne s’installe à Jérusalem. La liste des évêques donnée par Mgr Lagier comporte des noms grecs ou latins. Ce sont donc des chrétiens non juifs. Leurs moines vont réoccuper les Laures des ébionites et fonder ce qui deviendra le Monastère de Saint Saba, récupérer les manuscrits ébionites, considérés alors comme hérétiques et les jeter dans des poubelles inaccessibles, dans des grottes au sommet des falaises qui dominent Qumran. Ils continuent à utiliser le cimetière de Qumran pour eux-mêmes. Ils continuent également à jeter dans des poubelles plus accessibles leurs manuscrits détériorés ou raturés. C’est pour cela qu’on a retrouvé dans des grottes ou des cachettes sous le cimetière et autour ces morceaux de manuscrits grecs qu’on nous présente aujourd’hui, 7Q4 et 7Q5, après les avoir longtemps tenus cachés parce qu’ils gênaient la thèse des Esséniens pré-chrétiens… Preuve supplémentaire que cette thèse était un mensonge, puisqu’il fallait l’étayer par un subterfuge…

Il faut donc bien distinguer deux littératures chrétiennes : une littérature judéo-chrétienne en hébreu, langue sacrée, et une littérature grecque plus récente. La connaissance de l’histoire des Ebionites permet de trouver une explication SIMPLE ET NATURELLE aux découvertes actuelles, la plus vraisemblable étant la plus proche de la vérité (Excusez ce pléonasme !) Ces conclusions auxquelles je suis arrivé par une étude de plus de trente ans ont toutes les garanties de la certitude. Les découvertes ultérieures ne pourront que les confirmer. C’est bien ce qui se passe aujourd’hui.

En annonçant la découverte de 7Q4 et 7Q5, on a tout de suite et sans réflexion tiré des conclusions hasardeuses et prématurées. En fait, ces textes grecs chrétiens étaient connus depuis longtemps, mais occultés, car ils rendaient difficile la croyance en la thèse des Esséniens. Ce qui montre la mauvaise foi des spécialistes.

La thèse d’une bibliothèque essénienne déposée à Qumran avant 70 par leurs propriétaires avant de fuir les Romains est une invention romancée de Dupont-Sommer qui l’a imposée tout de suite. Daniélou, Carmignac s’y sont ralliés. Peut-être ignoraient-ils l’existence des manuscrits grecs chrétiens… (?)

Mais puisque cette thèse romancée est fausse, il faut la rejeter complètement et ne pas en garder des éléments que l’on va essayer de faire cadrer avec de nouvelles données, sinon on fausse toute la recherche. C’est comme dans un jeu de mots croisés. Si tel mot assez long apparaît faux parce que l’une de ses lettres ne correspond pas avec la ligne transversale, il faut rejeter le mot entier, sinon le jeu devient impossible.

Nulle part il n’a été prouvé que les manuscrits déposés à Qumran, l’ont été avant 70 ; nulle part il n’a été affirmé ni prouvé que les grottes ont été « obturées » en 68. Je n’ai lu cette affirmation que depuis l’annonce de 7Q4 et 7Q5. Il y a des impossibilités manifestes à une telle hypothèse. Le Midrash d’Habacuc contient un récit de la prise de Jérusalem et de la destruction du Temple, qui n’a pu être écrit qu’après 70, puisqu’il fait état du culte romain des enseignes et que nous savons que les Romains vainqueurs ont rassemblé les enseignes sur le parvis du Temple pour leur offrir un sacrifice avant de mettre le feu au temple. C’était l’abomination de la désolation dans le lieu saint, qui ne pouvait pas être connu avant d’avoir eu lieu. Ceci me paraît décisif pour le dépôt des manuscrits qui put avoir eu lieu à la fin du 1er siècle ou plus tard.

Par ailleurs il est impossible que les Ebionites aient pu détenir des manuscrits chrétiens grecs. Leur langue était l’araméen et leur liturgie était célébrée en Hébreu. Ces textes grecs ont été déposés dans la grotte 7, près du cimetière et non dans les premières grottes situées au haut de la falaise. Il s’agit donc d’un autre dépôt fait par des chrétiens de rite grec. Je ne vois comme explication plausible que la substitution après 135 post Christum d’une communauté chrétienne grecque à Jérusalem après l’expulsion des juifs et donc des judéo-chrétiens par les légions d’Hadrien. Je ne vois pas une autre explication possible et vraisemblable de la chose.

Enfin, il ne faut pas faire d’équivoque sur le mot « occupation des lieux ». Un cimetière est occupé par des cadavres habituellement et occasionnellement par le personnel chargé des travaux d’ensevelissement et d’entretien, mais n’habitant pas sur place, du moins constamment. Donc la présence ou l’absence de certaines pièces de monnaies ne signifie pas grand chose. On ne fait pas de commerce avec des cadavres, me semble-t-il.

Tout ceci ne préjuge pas de la datation des premiers ouvrages grecs du Nouveau Testament, qui peuvent remonter très tôt dans l’usage des communautés chrétiennes de rite grec, mais n’étaient certainement pas utilisés par les judéo-chrétiens et leurs moines, les Ebionites. Il est donc très dangereux de bâtir une telle datation sur une théorie aventureuse qui sera rejetée bientôt par de nouvelles découvertes. La déception risque d’être forte et bien dommageable pour une apologétique appuyée sur l’archéologie. En ce domaine, il faut rester prudent et attendre des confirmations qui ne viendront peut-être pas.

Les conclusions des archéologues sur la période d’occupation de Qumran ne signifient pas grand chose. Comme je l’ai dit, un cimetière est occupé habituellement par des cadavres et de temps en temps par les fossoyeurs et les prêtres qui donnent l’absoute. Celui de Qumran ne fait pas exception. La présence des monnaies signale le passage de ces derniers, mais on n’en peut tirer des conclusions précises en chronologie, parce que l’usage des monnaies se prolonge sur plusieurs générations.

Je pense qu’avant d’être un cimetière ébionite, l’emplacement de Qumran a été occupé par un poste fortifié juif, destiné à protéger la citadelle de Jéricho, jusqu’au début de l’ère chrétienne et abandonnée lorqu’Hérode le Grand eut construit, plus au sud, la citadelle de Massada.

En attendant de nouveaux développements et de nouvelles trouvailles…


Les révélations d’Eisenman et de Wise

Notre étude sur les manuscrits de la MER Morte était achevée lorsque nous avons pris connais­sance du dernier livre de Robert Eisenman et Michaël Wise[8]. Nous avions suivi avec attention les travaux d’Eisenman depuis plusieurs années. Ils viennent de publier des textes de Qumran, connue depuis plus de trente ans, mais restés cachés, « occultés », jamais publiés. Nous allons com­prendre pourquoi…

De l’examen de ces textes, les auteurs de cet ouvrage ont tiré des conclusions remarquables qui rejoignent très précisément celles que nous nous efforçons de promouvoir depuis plus de dix ans.

Ils rejettent fermement la thèse qui soutient l’origine essénienne de ces documents et ils mon­trent les affinités considérables que l’on peut constater entre eux et les écrits judéo-chrétiens, spécialement l’enseignement de saint Jacques le Mineur. Les formules d’Eisenman et de Wise sont très énergiques : « Si nous prenons en compte la nature messianique des textes que nous présentons dans ce livre et les concepts qui leurs sont associés, tels la Justice, la Piété, la Justification, les Œuvres, les Pauvres, les Mystères, ce que nous avons là n’est rien d’autre qu’une image de ce que le christianisme fut effectivement en Palestine. Le lecteur ne pourra toutefois sans doute pas le reconnaître en fait, parce qu’il lui semblera trouver là le contraire du christia­nisme qui lui est familier… La raison en est encore très simple. Nous ne pouvons parler d’un « christia­nisme » per se en Palestine au 1er siècle. Le mot fut seulement forgé, comme le montrent clairement les Actes des Apôtres (11, 26) pour décrire une situation prévalant à Antioche, en Syrie, dans les années cin­quante de notre ère. Plus tard, il fut utilisé pour décrire une large portion du monde d’outre-mer qui était devenue « chrétienne », mais ce christianis­me était complètement différent du mouvement que nous avons sous les yeux - à vrai dire pas com­plètement. »

Il est heureux que les auteurs aient rectifié d’eux-mêmes une absurdité. Entre le christianisme des Judéo-chrétiens et celui des pagano-chrétiens, l’essentiel de l’enseignement du Christ reste iden­tique. On constate seulement des accentuations particulières à la mentalité juive des premiers. C’est bien ce que nous avions expliqué dès le départ. Il était absurde d’opposer l’enseignement du maître de Justice à celui de Jésus-Christ, puisque les manuscrits de Qumran nous donnaient l’interpré­tation ébionite juive de cet enseignement.

Les auteurs continuent : « Nous pouvons dési­gner le premier comme le christianisme de Jacques, du moins à en juger par l’épître attribuée à Jacques dans le Nouveau Testament, dont à la fois Eusèbe et Luther ont senti qu’elle ne devait pas être incluse dans le canon néo-testamentaire. Il va de soi qu’à leurs yeux elle n’aurait pas dû l’être, son orientation générale rappelant celle de bien des documents de Qumran et son texte étant saturé de Qumranismes. »

C’est ce que nous avions déjà noté, il y a plus de dix ans, et les auteurs concluent : « Il est impos­sible de distinguer les idées et la terminologie asso­ciées à la communauté de Jacques le Juste des maté­riaux présents dans ce corpus. » La communauté de Saint Jacques est bien celle des « Pauvres » ou « Ebionites », comme nous l’avons déjà montré. De sorte que « dans la mesure où cette littérature res­semble à l’essénisme, à la pensée zélote, au sadducéisme ou au judéo-christianisme (quelque sens que l’on donne à ce terme), elle peut être dite, selon le cas, essénienne, zélote, sadducéenne ou judéo-chrétienne. La nomenclature est sans importance en l’occurrence peu pertinente. » Ce qui veut dire en bon français que les quatre dénominations sont synonymes.

Résumons nous : Les judéo-chrétiens sont des « esséniens », comme il est précisé ailleurs : « On peut qualifier ce groupe d’esséniens, à condition de redéfinir ce qu’on entend par là, pour prendre en compte son ethos militant, nationaliste et résistant, que certains qualifient de zélote. » Précisons bien : Les Ebionites sont des « Saints » (sens du mot Essénien) ; ils sont pleins d’un zèle puissant pour la reconquête de la Palestine, l’expulsion des Kittim et la reconstruction du Temple, comme nous l’avons vu.

Ils sont aussi des Sadducéens. Mais précisons : « Ce groupe est sadducéen ou mieux (pour rendre la nuance de l’hébreu) « zadocites ». Ces sadducéens-là ne sont pas semblables à ceux que décrivent le Nouveau Testament et Josèphe. Il s’agit de sad­ducéens d’un tout autre genre. » Ils sont disciples de « Zadock », c’est à dire « Le Juste » et nous savons bien qu’il s’agit de Jésus-Christ.

Les auteurs ont publié également un texte resté « occulté » où il est question de « Yesha » ou « Yeshua », qui veut dire « Salut », mais qui est aussi la forme araméenne du nom de Jésus.

Enfin, ils ont publié un cantique de louange au Roi Jonathan. Ils ont précisé qu’il s’agissait d’Alexandre Jannée, à la fois Grand Prêtre et Roi d’Israël : « Beaucoup de monnaies frappées à cette période, disent-ils, portent la mention : Jonathan, Grand Prêtre des Juifs (Yehudim). Celles qui por­tent la mention de Roi sont généralement en grec et donnent son nom Alexandre. Quelques autres por­tent la mention : Le Roi Jonathan. »

La publication de ce cantique de louange détruit de fond en comble la thèse essénienne qui veut identifier le Prêtre Impie avec Alexandre Jannée, telle qu’elle a été imposée par Dupont-Sommer et reprise en chœur par tous les autres.

Voici la conclusion des auteurs : « Dans les théories traditionnelles sur les origines de Qumran, à savoir la théorie essénienne et ses diverses variantes, Alexandre Jannée est souvent signalé comme le candidat le plus à même de remplir le rôle de Prêtre Impie… Alexandre Jannée, ou toute autre figure de combattant du désert dans la tradi­tion maccabéenne, ne peut avoir été le « Prêtre Impie ». Il y a là une contradiction dans les termes et l’admettre supposerait d’avoir totalement échoué à saisir la signification des matériaux qui sont devant nous. »

Conclusion définitive et incontournable. On comprend pourquoi cet hymne de louange à Jonathan a été « occultée » dès le début des foui|les. Mais, hélas ! On comprend également que la thèse essénienne était un mensonge et que ceux qui l’ont imposée en savaient l’inanité. Il y a là une preuve manifeste de mauvaise foi. Nous appelons cela en français une imposture.

Enfin Eisenman et Wise ont noté à longueur de pages les correspondances nombreuses et remar­quables entre les textes de Qumran et les formules du Coran. Il suffisait de lire intelligemment les manuscrits pour y trouver la clé de l’Islam.


« L’héritage des pauvres »

Sous ce titre, la revue « Archéologia » a publié récemment un article tout à fait remarquable, signé : Martine Rossignol[9].

Pour la première fois, nous voyons, soutenues dans un magazine pour grand public, les conclu­sions que nous nous efforçons de promouvoir selon nos faibles moyens.

Article remarquable à double titre. D’abord, il est en contradiction manifeste avec le contenu de l’ensemble du dossier et les thèses habituellement soutenues sur le sujet. Ensuite, l’auteur, malgré des vues très neuves et très suggestives, reste pri­sonnière des thèses dont nous avons parlé, tout en s’efforçant de les dépasser et parfois même de les écarter. Son esprit est manifestement tiraillé entre ce qu’elle commence à comprendre et ce que les historiens continuent à soutenir contre toute vérité.

« Dans les manuscrits de la mer Morte, dit-elle, la communauté IDENTIFIÉE COMME ESSÉNIENNE PAR LES HISTORIENS ne se désigne nulle part elle même par ce nom, mais par plusieurs autres : les Saints, les Nombreux, les Justes, les Elus et surtout, surtout même les Pauvres… »

Après avoir cité les expressions tirées des manuscrits, elle ajoute : « Ces similitudes sont SI FRAPPANTES qu’elles ont incité J.L.Teacher, dès 1951, à se demander si la secte de Qumran était judéo-chrétienne. »

Précisons que J.L. Teacher ne s’est pas conten­té de poser la question, il a clairement affirmé que les manuscrits étaient ébionites.

Puis l’auteur est apeurée par son affirmation et revient en arrière : « MAIS ON PEUT AUSSI RETOURNER LA QUESTION : Les premiers disciples de Jésus et la communauté apostolique de Jérusalem n’étaient-ils pas des membres de la secte essénienne… ? » On peut, bien évidem­ment, supposer n’importe quoi. Encore faut-il avoir quelques indications qui rendent vraisem­blable la supposition. Dans le cas présent, il n’est jamais question d’esséniens, ni dans les textes de Qumran, ni dans les textes chrétiens… La répon­se est très claire : jamais Jésus-Christ, ni les apôtres n’ont fait la moindre référence à de sup­posés esséniens.

Après avoir énuméré des textes du Nouveau Testament, des Actes des Apôtres et des Epîtres de Saint Paul qui confirment magnifiquement les textes de Qumran, l’auteur ajoute : Ce sont LES MEMES NOMS INTERCHANGEABLES QUE DANS LES MANUSCRITS. Les pauvres de Jérusalem, dans les textes en grec sont bien des EBIONIM au sens des textes en hébreu de Qumran… En somme, si le Nouveau Testament ne mentionne pas les Esséniens, dont pourtant ses doctrines sont le plus proche dans le monde juif d’alors, ne serait-ce point parce que la com­munauté judéo-chrétienne qu’il reflète se DESIGNE ELLE-MEME PAR LE VOCABU­LAIRE INTERNE A LA SECTE DE QUMRAN… ? » Voilà qui est clair. Le mot ESSENIENS est surajouté à des formules judéo-chrétiennes, mais il est inutile, puisque les textes des manuscrits et ceux du Nouveau testament emploient le même langage et diffusent la même doctrine.

Hélas ! Martine ROSSIGNOL ajoute : « PREUVE QU’ELLE EN FAIT PARTIE ». Conclusion absurde et contradictoire. Il fallait écrire : « PREUVE QU’ELLE EST ELLE-MEME CETTE COMMUNAUTÉ. »

Et pour essayer de justifier son lapsus (l’expression « faire partie ») elle imagine (com­ment faire autrement ?) que la communauté de Jérusalem avait AJOUTÉ aux affirmations des manuscrits la croyance en Jésus-Christ et consti­tuait donc un « NEO-ESSENISME » ; elle n’a pas vu que le « Maître de Justice » des manuscrits n’était autre que le Christ lui-même.

Dans une deuxième partie de son étude, Martine ROSSIGNOL essaye de trouver des traces judéo-chrétiennes au cours des siècles sui­vants. Elle énumère les « Homélies et Reconnaissances Clémentines ». Elle précise : « LÀ, JÉSUS EST CERTES RÉVÉRÉ, MAIS SEULEMENT COMME PROPHETE », le pro­phète de la Vérité, ayant succédé dans le Judaïsme, « SANS TRACE DE TRINITE. »

Plus loin, l’auteur aborde le problème des ori­gines de l’Islam. « LES EBIONITES, dit-elle, POURRAIENT AVOIR EU UNE DESCEN­DANCE EN ARABIE OU L’ISLAM A FAIT DE MAHOMET UN PROPHETE DANS LA LIGNÉE D’ADAM, MOÏSE ET JESUS… Il est possible, même probable qu’aient persisté en Orient, en Transjordanie, en Arabie, des commu­nautés descendant des Judéo-chrétiens de Jacques, croyant en Jésus seulement prophète. »

Nous précisons : « il est certain » que ces communautés se sont perpétuées au cours des siècles, comme nous l’avons démontré. Et Martine ROSSIGNOL conclut : « SI BIEN QUE L’EXPANSION FULGURANTE DE L’ISLAM QUELQUES SIECLES PLUS TARD SE COMPREND MIEUX SUR UN TEL SUB­STRAT. »

Conclusion remarquable et inattendue pour ceux qui n’ont pas étudié cette progression de l’Islam à travers les pays où s’étaient répandues les communautés judéo-chrétiennes.


  1. Pour bien comprendre les pages qui suivent, il est nécessaire de bien avoir présent à l’esprit ce que nous avons développé dans notre premier livre : "De la gnose à l’Oecuménisme" ; ch. IV, "Un mythe historique destructeur du christianisme".
  2. On reste confondu devant une telle incohérence. Ce sont les mêmes professeurs d’histoire de l’Université Française qui, d’une part, enseignent l’obligation de s’en tenir strictement aux textes authentiques sans les falsifier par des interprétations issues de thèses prématurées et qui, d’autre part, dans le cas qui nous occupe, ont tout de suite et sans référence aux manuscrits découverts imposé avec tout le poids de leur autorité morale la Légende des Esséniens.
  3. Cf. De la Gnose à l’Œcuménisme p. 110 et 111.
  4. Cf. De la gnose à l’œcuménisme p. 105 à 107.
  5. Pour bien comprendre les pages qui suivent, il est nécessaire de bien avoir présent à l'esprit ce que nous avons développé sur l'Islam dans notre troisième ouvrage : La Gnose Universelle, ch. II.
  6. Cf. Étrenne Couvert : La Gnose Universelle, ch. II : Gnose et Islam.
  7. On voit par là que Mahmet voulait ramener tous les arabes à la pratique des Hanifs, en leur imposant le vœu de nazirat. Prétention extravagante qui ne pouvait qu’être rejetée. On ne transforme pas à volonté des arabes en moines !
  8. Robert Eisenman et Michaël Wise : Les manuscrits de la Mer Morte révélés. Choix, traduction et interprétation de 50 textes clés inédits. Traduit de l’américain par Jean-Christophe ATTIAS (Fayard, 1995).
  9. Cf. « les dossiers d’Archéologie », n° 189 de janvier 1994, entièrement consacrés aux manuscrits de la Mer Morte.
Histoire des religions
Auteur : Etienne Couvert
Source : Bulletin de la Société Augustin Barruel n° 27
Date de publication originale : 1995

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