Lettre aux cardinaux, archevêques et évêques de France au moment de la défaite (29 juin 1940)

De Salve Regina

Histoire de France
Auteur : Pie XII
Source : Magistère Pontifical - AAS XXXII, 1940, p. 299
Date de publication originale : 29 juin 1940

Résumé : Lettre de soutien et d'espérance, fondée sur l'âme catholique de la France, au moment de la défaite de la France, en juin 1940
Difficulté de lecture : ♦ Facile

Lettre aux cardinaux archevêques et évêques de France

Au moment douloureux de la défaite de la France par l’Allemagne, les cardinaux, archevêques et évêques de France ont écrit au Saint-Père qui a répondu par la lettre suivante, les assurant de sa paternelle affection :


L’expression de dévouement filial que vous Nous faites parvenir au lendemain du désastre sans précédent qui vient de s’abattre sur votre patrie et la prière que vous Nous adressez pour avoir de Nous une parole de réconfort, répondent à Notre vif désir de Nous trouver en ce moment au milieu de vous, très chers fils et Vénérables Frères, pour vous dire l’écho profond éveillé dans Notre cœur de Père par la calamité qui plonge la France dans le deuil. Certes, ce sentiment de toute paternelle affection qui Nous a permis de partager si souvent, de loin comme de près, la joie de vos fêtes religieuses, ne Nous permet pas de rester à l’écart au jour de votre malheur, tandis que les larmes coulent à travers la France aussi abondantes que le sang généreux dont sa vaillante jeunesse lui a fait, au cours de cette guerre, un si noble sacrifice.

Nous voici donc avec vous, pasteurs, prêtres, fidèles, ému de votre sort, mais consolé en même temps de retrouver en vous aux jours de l’épreuve, dans toute sa dignité, l’âme catholique de cette France que la prospérité a pu égarer parfois hors de ses plus nobles traditions, mais que le malheur n’a jamais abattue et a si souvent rapprochée de Dieu pour la rendre plus vigoureuse et consciente à sa grande mission spirituelle et chrétienne. C’est précisément vers cette mission, qui est son plus beau titre de gloire, que Nous voulons vous inviter à élever vos yeux, ainsi que vos meilleures espérances, pour vous rendre plus parfaitement compte qu’en une heure si triste de votre histoire votre rôle providentiel reste dans toute sa valeur.

Oui, les malheurs mêmes par lesquels Dieu visite aujourd’hui votre peuple seront, Nous n’en doutons pas, dans les adorables desseins de sa Providence, la condition propice d’un plus sûr tra­vail spirituel pour le relèvement de la nation tout entière et poux- son plus riche rendement dans la société chrétienne.

N’est-ce pas là la vraie grandeur d’un peuple, aussi bien que de tout homme ayant conscience de sa dignité et de la valeur de la vie ? N’est-ce pas dans la douleur qu’il nous est donné à tous de mieux ouvrir les yeux à la vérité éternelle et de retrouver les che­mins de la sagesse pour notre véritable félicité ?

Or, nous n’ignorons pas de quelles ressources spirituelles la France dispose pour entrer dans cette voie et se ressaisir dans son âme, pour faire de son malheur le levier d’une nouvelle ascension spiri­tuelle, qui sera pour elle le gage d’un solide et durable bonheur.

Ces ressources sont si nombreuses et si puissantes qu’elles n’atten­dront pas – Nous en sommes sûr – la conclusion de la paix pour se mettre en œuvre et donner au monde le spectacle d’un grand peuple, digne de ses traditions séculaires, qui trouve dans sa foi et dans sa charité inlassable la force de faire face à l’adversité et de reprendre sa marche sur le chemin de l’honneur et de la justice chrétienne.

Aussi aimons-Nous à croire que vous tous, chers pasteurs et prêtres de Jésus-Christ, après avoir tout donné à la patrie dans les horreurs de la guerre, vous vous empresserez maintenant de vous rendre à vos postes et, dans la reprise laborieuse de la vie du pays, vous ferez un devoir de vous pencher, comme le bon Samaritain de l’Evangile, sur vos ouailles blessées pour soigner leurs plaies et soulager leurs maux par les moyens sans nombre dont la charité dans votre pays a toujours eu le secret.

C’est dans cette douce confiance que Nous Nous adressons, chers fils et Vénérables Frères, à vos âmes d’évêques et de pères pour porter à la grande famille française, aujourd’hui plus que jamais serrée autour de ses pasteurs, Notre parole de réconfort dans la lumière de ce Dieu qui n’humilie jamais ses enfants si ce n’est pour les redresser dans sa justice et les rendre dignes de lui.

Tandis que Notre cœur s’ouvre à la plus grande pitié pour tous ces chers fils de France et que Nous les embrassons paternellement en Jésus-Christ, Nous envoyons à tous, pasteurs, prêtres et fidèles, comme gage de Notre toute spéciale bienveillance, la Bénédiction apostolique.

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