Notre-Dame de l'Ile-Bouchard : Différence entre versions

De Salve Regina

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(Le sourire de marie)
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  | thème                        = Apparitions
 
  | thème                        = Apparitions
 
  | auteur                        = Frère Thomas
 
  | auteur                        = Frère Thomas
  | source                        = extraits de « Il est ressuscité » n° 41
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  | source                        = extraits de ''Il est ressuscité'' n° 41
 
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  | source web                    =  
 
  | date de publication originale = décembre 2005
 
  | date de publication originale = décembre 2005

Version du 30 mars 2011 à 16:57

8-14 Décembre 1947

Novembre 1947. La révolution gronde en France. Le pays est au bord de l’abîme : faillite écono­mique due à une gestion calamiteuse de l’après-guerre, impuissance des pouvoirs publics, grèves à caractère insurrectionnel dans un climat international de guerre froide, tout est prêt pour le Grand Soir que les commu­nistes attendent depuis 1917, en France depuis 1944.

Le maire communiste d’une ville ouvrière du Gard en témoigne : « Les grèves de 1947-1948 ont été ter­ribles. C’était une lutte armée. Les mineurs avaient gardé l’esprit maquisard. Ils avaient de vieux fusils et des bâtons. Nos gars rêvaient toujours à la libération ; ils croyaient que la révolution allait venir. Pour nous, les responsables du Parti, c’était très difficile de contenir nos ca­marades. Ils étaient prêts à tout foutre en l’air. Les socialistes étaient au ministère. » (cité par Dominique Desanti, L’année où le monde a tremblé, 1976, p. 336)

[...] Que l’Immaculée soit intervenue en 1947 dans nos affaires politiques remet en cause l’agnosticisme de notre histoire officielle et le laïcisme bétonné de notre État républicain. Car les faits sont là. [...]


« L'année terrible »

Tout le monde parle du "coup de Prague" du 21 février 1948, où les Soviétiques s’emparèrent de la ville par la force, remettant dans le camp communiste la Tchécoslovaquie qui avait tenté de s’en évader. On sait moins qu’un autre coup se préparait en France, un an plus tôt. Les Sovié­tiques disposaient alors en effet dans notre pays de 1 500 à 2 000 cadres à leur solde, ce qui leur permettait de lire à livre ouvert chez nous (L ‘espionnage sovié­tique en France, P. de Villemarest, NEL, 1971, p.69).

De 1943 à 1947, le parti communiste a consolidé son dispositif de double pouvoir : au gouvernement et dans le pays. Inlassablement, il a renforcé ses structures et amélioré son encadrement. « Il domine la CGT, force primordiale du syndicalisme français. Il a placé ses hommes dans les entreprises nationalisées. Il dispose d’une presse nombreuse, n’est pas dépourvu de moyens financiers, ni d’armements, car peu d’armes ont été rendues après la Libération. » (Le parti communiste veut-il prendre le pouvoir ? Jean-Jacques Becker, 1981, Seuil, p. 189)

Le 5 mai 1947, cinq ministres communistes sont renvoyés par le socialiste Ramadier, pour avoir "trahi" la solidarité gouvernementale, en refusant de voter des crédits pour l’Indochine et en critiquant sa politique anti-inflationniste. C’est la fin du tripartisme et le commencement des troubles sociaux. L’impuissance de l’État provoque la montée en puissance des forces révolutionnaires, par syndicats et partis interposés.

Le ravitaillement devient de plus en plus difficile. La ration quotidienne de pain est réduite à 250 grammes en mai, puis à 200 grammes en août. Les prix des denrées alimentaires flambent. Le pays ne vit plus qu’en achetant des céréales et du charbon aux États-Unis, liquidant pour cela ses dernières réserves moné­taires. Le déficit de la balance commerciale a doublé en deux ans. Les caisses sont vides : le stock d’or est passé de 1 600 tonnes en 1944 à 400 en décembre 1947.

William Clayton, sous-secrétaire d’État américain au Trésor, envoyé par le président Truman pour évaluer la situation en Europe, revient effrayé de sa mission. Le plan Marshall est alors proposé le 5 juin « contre la faim, la misère, le désespoir et le chaos ». L’Union soviétique refuse de s’y associer, accentuant sa mainmise sur les pays d’Europe centrale et s’engageant dans une nouvelle étape de réarmement. C’est le début de la guerre froide.

Le PCF, qui entend revenir au pouvoir, hésite encore à s’engager dans la lutte contre le gouvernement. Mais, du 22 au 28 septembre, une réunion secrète des repré­sentants des neufs partis communistes européens à Sklarska Poreba en Pologne, permet au Kominform, bureau de propagande du communisme international, de les reprendre en main. « Le monde, leur explique Jdanov, est désormais divisé en deux camps antagonistes. Plus aucune alliance n’est possible avec les autres partis de gauche. Il faut combattre à fond le nouvel ennemi : l’impérialisme américain. » Les communistes français, accusés d’avoir cédé au "crétinisme parlemen­taire" ( !) et "oublié" de prendre le pouvoir en 1944, doivent faire leur autocritique.

Le 2 octobre, au vélodrome d’hiver, Maurice Thorez, s’exécute et déclare que le moment est venu « d’imposer un gouvernement démocratique où la classe ouvrière et son parti exercent enfin un rôle dirigeant. Il faut que ça change ! » Les troupes sont prêtes.


L’automne de tous les périls

Les grèves s’intensifient alors dans tout le pays. De violents affrontements éclatent le 12 novembre à Marseille, dans le bassin minier du Nord trois jours plus tard. En quelques jours, le pays entier est paralysé par trois millions de grévistes. Plus de transports. Des sa­botages se multiplient çà et là. Des groupes armés surgissent. Tout est prêt pour la révolution. Comme en Espagne en 1936. [...]

Le 19 novembre, Ramadier démissionne en pleine crise. À défaut de Blum qui n’obtient pas l’investiture de la Chambre, c’est au modéré Robert Schuman que Vincent Auriol s’adresse pour former un gouvernement. Au fond, le président de la République n’est pas mé­content que ce soit un démocrate chrétien qui monte au créneau pour affronter les grévistes et « sauver la Répu­blique ». Schuman est assisté, à l’Intérieur, par le socia­liste Jules Moch, énergique et déterminé, mais qui ne cache pas que la situation est désespérée, vu le peu de moyens en forces de l’ordre dont il dispose.

George Marshall écrit à Truman : « Je me fais beaucoup de souci à propos de cette lutte pour le pouvoir en France. Thorez vient de rentrer de Moscou ; le Kremlin lui a promis du blé. Nous risquons de perdre la France. Les deux prochaines semaines seront cru­ciales. Il faut tout faire pour empêcher un coup d’État communiste. » Et l’ambassadeur américain à Paris de renchérir : « La grève générale en France est supervisée par un agent spécial du NKVD. Les communistes jouent le tout pour le tout» (Nerin Gun, Les archives secrètes américaines, t. II, 1983, p. 115)

Le 27 novembre est créé un CONSEIL NATIONAL DE GRÈVE, composé exclusivement de cégétistes aux ordres de Moscou. Le lendemain, la nouvelle de la mort acci­dentelle du général Leclerc, en inspection en Afrique du Nord, consterne le chef du gouvernement : « Encore cela ! » soupire-t-il. Le 29 novembre, des débats s’ouvrent à la Chambre sur le vote des mesures à prendre d’urgence. À peine Schuman a-t-il pris la parole que des vociférations s’élèvent de l’extrême-gauche :

« Vous avez soif de sang », hurle un député commu­niste. « Salaud ! Chien couché ! Officier boche ! » crie Duclos. Les insultes pleuvent, tandis que les députés communistes, par d’interminables discours et amende­ments, s’efforcent pendant quatre jours de retarder le vote. Dans le pays, l’agitation semble se développer suivant un plan stratégique préparé d’avance.

Dans la nuit du 2 au 3 décembre, l’express Paris-Tourcoing déraille aux environs d’Arras. L’enquête ré­vèle un attentat communiste. Le bilan effraye l’opinion : vingt-quatre morts et une trentaine de blessés. Le 4 décembre, les R. G. de Tours font état d’un projet d’insurrection pour le 10 (L’année 1947, sous la direction de Serge Berstein et Pierre Milza, 2000, p. 396).

Pour donner le change, on négocie au sommet. Le dimanche 7 décembre, le bureau de la CGT au complet se rend chez le ministre du Travail, Daniel Mayer, qui propose l’octroi d’une prime de 1500 francs à tous les salariés. Mais le délégué général Benoît Frachon refuse l’accord et transmet à ses troupes le mot d’ordre : « Tout est rompu, grève générale demain. »

Le lendemain, la Sainte Vierge intervenait en personne, dans un petit village perdu de Touraine : L’Ile-Bouchard. Au moment où des catholiques "engagés" rêvaient de réformes de structures et de militance syn­dicale au coude à coude avec les communistes, le Ciel se manifestait dans une vieille paroisse de Chrétienté, tenue par un excellent prêtre qui avait trois amours dans le cœur : sa paroisse, la Très Sainte Vierge et l’Eucharistie, comme l’a établi un colloque tenu en décembre 2004 à L’Île-Bouchard (Le message de L’Île-Bouchard, mémoire et espérance, p. 75-113).

C’est dans ce cadre traditionnel, paroissial, familial, que sortit le salut de la France.

Ce lundi 8 décembre 1947

« Le lundi 8 décembre 1947, j’allai faire une prière à l’église Saint-Gilles en me rendant à l’école à 1 h avec Jeanne, ma sœur, et Nicole, ma cousine », raconte Jacqueline Aubry, douze ans. Jeanne, sa sœur, a sept ans et demi, Nicole dix ans. Les sœurs de l’école leur ont recommandé de prier ce jour-là spécialement pour la France. « On prit de l’eau bénite dans le bénitier, on fit le signe de la Croix et la génuflexion, puis on alla à gauche par la nef. En passant devant la statue de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus on s’arrêta devant elle et, debout, on récita un "JE VOUS SALUE MARIE". »

Pieuse coutume instituée par le curé de L’Île-Bouchard, l’abbé Ségelle, dévot et apôtre de la petite Thérèse. Plusieurs fois, il est allé en pèlerinage à Lisieux, et quand la châsse de ses reliques est venue à Tours au printemps 1947, il est allé les vénérer avec ses paroissiens. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’était-elle pas, depuis le 3 mai 1944, patronne secon­daire de la France avec sainte Jeanne d’Arc ?

Précisément, l’histoire locale raconte que Jeanne d’Arc fit halte à L’Île-Bouchard, avant d’arriver à Chinon, le 6 mars 1429. Elle franchit le portail nord de l’église Saint-Gilles, et pria devant le maître-autel.

C’est ainsi que les deux "saintes de la Patrie" intro­duisirent les petites filles auprès de leur Reine.

« Puis, on s’avança jusqu’au fond, devant l’autel de la Sainte Vierge. On s’agenouilla à droite, sur les pre­miers prie-Dieu et on récita une dizaine de chapelet. Alors je vis tout à coup à ma gauche, entre le vitrail et l’autel, UNE GRANDE LUMIÈRE, VIVE MAIS NON ÉBLOUIS­SANTE, AU MILIEU DE LAQUELLE APPARUT UNE BELLE DAME, SE TENANT DANS UNE GROTTE ET AYANT À SA DROITE UN ANGE. Sous ses pieds, on lisait l’invocation : "O MARIE, CONÇUE SANS PÉCHÉ, PRIEZ POUR NOUS QUI AVONS RECOURS À VOUS." Je poussai du coude Nicole qui était tournée d’un autre côté et je lui dis :

Regarde donc !

« Nicole regarde ainsi que Jeanne. Elles firent : "Oh !" en mettant leur main droite à leur bouche, puis Nicole s’écria : "Oh ! la belle Dame !"

« Quant à Jeannette, elle fut sidérée par l’Ange :

Oh ! le beau Ange ! Oh ! le beau Ange ! fit-elle les mains jointes en se relevant. »

 


« C'est la même ! »

« Entre le vitrail et l’autel » : le vitrail représente l’apparition de la Sainte Vierge à Bernadette, dans la grotte de Massabielle.

« Se tenant dans une grotte ». De deux choses l’une : ou bien Jacqueline joue la comédie, simulant Bernadette, ou bien c’est la Vierge Marie qui se fait reconnaître ainsi, comme si elle disait : « Je suis Notre-Dame de Lourdes » ou, comme elle se nomma le 25 mars 1858 : « Je suis l’Immaculée Conception, QUÉ SOY ERA IMMACULADA COUNCEPCIOU» Un 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception, c’est clair !

[…] « Ayant à sa droite un ange », comme dans la vision du troisième Secret de Fatima. La seule diffé­rence est que, au cours de cette première apparition à L’Île-Bouchard, l’ange est « à droite » de la belle Dame, tandis qu’à Fatima, il est à gauche.

Ce n’est pas tout. La Sainte Vierge est ici comme une Reine en son royaume. La statue de Notre-Dame des Victoires, qui domine l’autel près duquel apparaît « la belle Dame », rappelle la consécration que fit le roi Louis XIII de son Royaume à Marie, en action de grâces pour les marques de protection qu’elle avait multipliée depuis le début de son règne : triomphe sur les rebelles protestants et les ennemis extérieurs, victoire miraculeuse de La Rochelle (dont le sanctuaire de Notre-Dame des Victoires à Paris est l’ex-voto), et surtout cadeau d’un héritier à la Couronne, à la suite des révélations faites à un humble frère de ce couvent. Il est impossible de séparer Notre-Dame des Victoires de la consécration de la France à Marie : « Sans Notre-Dame des Victoires, pas de vœu de Louis XIII. Notre-Dame des Victoires a valu à la France d’être le Royaume de Marie, elle l’a sauvée et elle continue de la sauver ; parce que la France lui appartient» (Sœur Marie-Angélique, L’ABBÉ DES GENETTES, p. 187)

La statue de Notre-Dame des Victoires fut placée dans l’église de L’Île-Bouchard en 1888, en lien avec l’Archiconfrérie du Très Saint et Immaculé Cœur de Marie, refuge des pécheurs, fondée à Paris en 1836 par l’abbé des Genettes. Dévotion préparant celle qui sera révélée à Fatima : « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé », pour le sauver et lui donner la paix. Et l’on sait que, depuis 1943, l’abbé Ségelle parlait fréquemment à ses paroissiens des appa­ritions de Notre-Dame de Fatima.

De la rue du Bac (l’inscription sous les pieds de la Dame) à Fatima, la continuité est parfaite et L’Île-Bouchard en présente le parfait résumé. Il n’y a plus de doute : « C’est la même ! » comme disait sainte Ca­therine Labouré après les événements de Lourdes.


Le sourire de Marie

« On s’arrêta de prier puis, plutôt effrayées, on sortit de l’église. On aperçut dans la rue Sergine Croizon [treize ans] et sa petite sœur Laura [huit ans et demi] qui allaient à l’école. On leur raconta ce qu’on avait vu et elles rentrèrent avec nous dans l’église pour voir la Dame. »

Les cinq fillettes s’engagent ensemble dans la nef de la Sainte Vierge. Lorsqu’elles sont à la hauteur de la statue de sainte Thérèse, Laura s’écrie : « Je vois une belle Dame et un Ange ! » Mais Sergine, elle, ne voit rien.

Arrivées devant l’autel, elles s’agenouillent devant la belle Dame qui les a attendues. Elles récitent un NOTRE PÈRE, UNE DIZAINE DE CHAPELET et trois fois l’invocation Ô MARIE CONÇUE SANS PÉCHÉ, PRIEZ POUR NOUS QUI AVONS RECOURS À VOUS. Cette prière terminée, la Dame disparaît, après leur avoir souri à toutes, comme à Pontmain, spécialement à Jeanne Aubry, la plus petite. Alors les enfants se lèvent et vont à l’école.

Le premier récit

L’école Saint-Gilles était tenue par des religieuses de Sainte-Anne, institutrices et gardes-malades très aimées de la population. Chassées en 1910 par la République, elles étaient revenues, en habit séculier, dès 1911. Le curé de l’époque avait alors consacré l’école à la Sainte Vierge. « Cette école libre fut un fondement solide pour entretenir, pendant toute la pre­mière moitié du XXe siècle, la formation humaine et chrétienne, et susciter la ferveur religieuse à L’Île-Bouchard. » (Colloque Mémoire et espérance, p. 102)

En arrivant sur la cour de récréation, les enfants racontent à leurs compagnes ce qu’elles ont vu, puis viennent le redire au curé et à sœur Saint-Léon de la Croix, la directrice de l’école. Cette dernière traite Jac­queline de folle et monsieur le Curé lui dit :

« Tu as vu trouble à travers tes grandes lunettes. »

Elle était myope en effet, et portait des lunettes, détail important. Intrigué, le curé se décide cependant à interroger séparément les enfants, en présence de sœur Saint-Léon. Jacqueline raconte :

« J’ai vu une belle Dame vêtue d’une robe blanche, ceinture bleue, voile blanc légèrement brodé autour. Le voile reposait sur le front. Les pieds de la Dame étaient nus et apparents et reposaient sur une pierre rectan­gulaire formant le bas de la grotte dans laquelle elle nous est apparue. À son bras droit était passé un chapelet aux grains blancs montés sur une chaîne d’or et à l’extrémité duquel était suspendu un beau crucifix en or. Les cheveux étaient blonds et longs et retombaient sur le devant, de chaque côté, en formant deux anglaises. La ceinture bleue était un large ruban et les manches de la robe étaient vagues. À ses pieds, cinq roses, de couleur rose, lumineuses, formaient une guirlande en forme de demi-cercle qui se terminait par deux feuilles vertes reposant sur les deux extrémités de la pierre.

« L’Ange se tenait sur une pierre plate de même couleur que la grotte mais en dehors d’elle, le genou droit à terre, à peu de distance de la Dame et à sa droite. Il était vêtu d’une robe blanche et avait des ailes blanches aux bords dorés. Il tenait à la main droite un lis blanc et l’autre main reposait sur sa poitrine. Les cheveux étaient blonds, en forme d’anglaises. »

L’ange, un genou en terre, avec un lys à la main, est donc bien celui de l’Annonciation, tel que le fit peindre Jeanne d’Arc sur son pennon, par un artisan de Tours, en l’honneur de Notre-Dame du Puy et de son jubilé, en 1429.

Les autres petites filles ayant fait la même descrip­tion, monsieur le Curé quitte l’école en leur recomman­dant de rester bien sages. Aussitôt après son départ, Jacqueline s’approche de la sœur directrice et lui dit :

« Ô chère sœur, si vous saviez comme la Sainte Vierge était belle ! »

Puisqu’elle était si belle, réplique la sœur, si j’avais été à ta place je serais restée à l’église. »

Prenant sa maîtresse au mot, Jacqueline invite ses amies à retourner à l’église, en leur disant :

« Allons voir si elle y est encore ! »

Apercevant dans la rue le curé qui rentre chez lui, elles empruntent un chemin détourné, craignant, comme elles l’avoueront plus tard, qu’il ne les empêche de retourner à l’église. Elles n’ont donc pas la conscience tout à fait tranquille. Cependant elles sont comme poussées par une force invincible à retourner à l’église.


« Priez pour la France. »

À peine les enfants sont-elles à genoux devant l’autel de la Sainte Vierge, que la belle Dame, accom­pagnée de l’Ange, se montre de nouveau à elles.

Prenant la parole pour la première fois, avec une expression d’indicible tristesse, elle leur dit :

« Dites aux petits enfants de prier pour la France, car elle en a grand besoin. »

La Dame a insisté sur le mot "France". Poussées par Jacqueline, les deux plus petites demandent :

« Madame, êtes-vous notre Maman du Ciel ? »

Le visage de la Dame s’éclaire d’un sourire, et elle répond d’une voix douce et lente :

« Oui, je suis votre Maman du Ciel. »

En prononçant le mot "Ciel ", la Sainte Vierge a tourné ses yeux bleus très purs vers le Ciel. Jacqueline s’enhardit et demande elle-même à la Dame :

« Quel est l’Ange qui vous accompagne ? »

L’Ange se détourne et répond en souriant :

« Je suis l’ange Gabriel. »

Ce furent les seules paroles prononcées par l’Ange à l’adresse des enfants, pendant toutes les apparitions. Puis la Dame tend la main droite et dit :

« Donnez-moi votre main à embrasser, chacune à votre tour. »

Elles approchent sans crainte et la Dame, se pen­chant, prend lentement leur main droite, l’embrasse sur sa face dorsale, à l’extrémité de l’index, du médius et de l’annulaire et leur dit en les congédiant :

« Revenez ce soir à 5 heures et demain à 1 heure. »

Alors la vision disparaît et les enfants retournent à l’école. Elles remarquent que la trace du baiser de la Dame est restée sur leurs mains et se signale par un ovale blanc. « Dépêchons-nous, dit Jacqueline, la chère sœur sera bien obligée de nous croire, cette fois-ci. » Malheureusement, la trace disparaît à la sortie de l’église pour l’une, à la porte de l’école pour les autres.


Descendue du ciel avec son corps

Nous étions en 1947. Le pape Pie XII se préparait à définir solennellement le dogme de l’Assomption de la Très Sainte Vierge, montée au Ciel avec son corps. Comme c’était un sujet d’ardentes controverses dans l’Église, le Pape allait devoir faire appel à son magis­tère solennel et infaillible. Eh bien, à L’Île-Bouchard, la Reine du Ciel a voulu manifester d’avance la vérité du dogme, qui sera défini le 1er novembre 1950. En embrassant la main des enfants, et en y laissant une trace sensible de son baiser, la Sainte Vierge a voulu faire comme Jésus, son Fils, avec Thomas l’incrédule : Donne ta main et mets-la dans mon côté

[…] Pour nous convaincre, la Sainte Vierge est redescendue du Ciel, avec son corps, elle a pris la main des enfants, avec sa main à Elle ! et y a déposé un baiser avec sa bouche… « Je sentais la chaleur, la tiédeur des lèvres de la Sainte Vierge, témoignera Jacqueline. C’était une totale et vraie pré­sence. » […]


La dame est revenue et nous regarde

Lorsque les enfants arrivent à l’école, la sœur direc­trice demande aux petites d’où elles viennent :

« Nous venons de l’église, répond Jacqueline, vous nous avez dit que nous aurions dû y rester.

« C’est bien, et qu’avez-vous vu ? »

Les fillettes relatent ce qu’elles ont vu et rapportent les paroles de la Dame. Plus troublée qu’elle ne veut le paraître, sœur Saint-Léon demande à 16 heures à Jacqueline et à Nicole de lui raconter, séparément et par écrit, ce qu’elles ont vu et entendu lors des deux apparitions au début de l’après-midi. Les deux copies relatent les mêmes choses, avec les mêmes détails.

Au soir du 8 décembre à 17 heures, un salut du Saint-Sacrement, précédé du chapelet, est donné dans l’église Saint-Gilles. Seule Jacqueline est présente. Pendant la cinquième dizaine, l’enfant manifeste une inquiétude évidente, tournant la tête à droite, à gauche, semblant chercher quelqu’un.

Enfin, quoique cela soit défendu, elle retourne la tête et, de ses yeux suppliants, fixe ceux de sœur Saint-Léon de la Croix comme pour demander quelque chose. La sœur lui fait signe de se retourner vers l’autel. Jacqueline obéit aussitôt. C’est d’ailleurs le début du Salut, et la belle Dame, car c’est elle ! dispa­raît alors, s’effaçant au moment où le curé apporte le Saint-Sacrement sur l’autel de la Sainte Vierge.

Après la bénédiction, lorsque le curé rapporte le bon Dieu au maître-autel et qu’on entonne le chant : "O MARIE ! CONÇUE SANS PÉCHÉ, PRIEZ POUR LA FRANCE", la Dame et l’ange réapparaissent dans la lumière. Sœur Saint-Léon, après avoir congédié les autres enfants, s’approche de Jacqueline qui lui dit :

« Chère sœur, la Dame est revenue, elle est là, elle nous regarde ; que faut-il faire ?

- Mais, où est-elle ? demande la sœur décontenancée.

- Voyons, vous la voyez bien, chère sœur, elle est là. » La sœur conseille alors à Jacqueline de réciter avec elle son chapelet et s’agenouille près d’elle. « Alors je puis dire que c’est la seule fois où j’ai vu la Sainte Vierge tant sourire, racontera Jacqueline. Devant la chère sœur qui avait peur, mais qui avait peur ! elle souriait. »

Lorsque la dizaine est terminée, Jacqueline dit :

« Elle est partie ! »

- Ouf ! » fait la sœur Saint-Léon, qui s’empresse d’aller tout raconter au curé.

Le fait que la Dame ait disparu juste au moment où le Saint-Sacrement était apporté dans sa chapelle frappa le bon abbé Ségelle. « Ce soir, monsieur le Curé com­mença à être touché, racontera Jacqueline. Il fut frappé par le fait que la Sainte Vierge avait disparu au moment où il avait apporté le Saint-Sacrement. La Sainte Vierge s’était effacée pour laisser la place à son Fils. Il se disait : "Une enfant ne peut pas inventer cela." » (cité par le Père Marie-Réginald Vernet, L’Île-Bouchard, la Vierge et ses apparitions, 1992, p. 154)

Le curé Ségelle était de la race des Des Genettes, Peyramale et Guérin, images vivantes du juste Joseph dans leur paroisse, alliant un cœur plein de dévotion à une prudence éclairée, dans un grand esprit de soumission aux lois de l’Église.

Nommé à L’Île-Bouchard le 8 décembre 1921, il y avait développé une ardente dévotion eucharistique et mariale, source d’œuvres multiples, qui faisaient dire aux missionnaires de passage « n’avoir pas vu ailleurs pareille générosité ». Le 15 juin 1944, il organisait le "grand retour" de Notre-Dame de Boulogne dans sa paroisse, précédé d’un triduum de supplications, qu’il concluait par ces mots : « Puisse la France recevoir bientôt le fruit des prières et des sacrifices accomplis dans les deux paroisses. Dieu seul peut la sauverNotre-Dame obtiendra ce salut. »

L’année 1947 fut marquée par une fervente mission pascale prêchée par les montfortains, dont les fruits se firent sentir jusqu’en automne, pendant le mois du Ro­saire, où les fidèles se pressèrent chaque jour nombreux dans l’église. Bref, on priait déjà beaucoup à L’Île-Bouchard, comme à Pontmain, quand la Sainte Vierge y apparut pour exhorter ses enfants à prier davantage.


Pour la France en grand danger

Le mardi 9 décembre 1947, les quatre fillettes es­suient les rebuffades des grandes personnes auxquelles elles racontent leurs visions.

« Que me racontes-tu là ?…

- Tu es folle !

- Tu es une sotte !

- Cesse de me raconter de telles histoires ! »

« Croyez-y pas si vous voulez, moi z’ai vu, z’y crois », répond invariablement Jeannette Aubry. Sa mère, pourtant, lui interdira ce jour-là d’aller à l’église après la classe, pour voir la Dame :

« Je te le défends ! C’est pas la Sainte Vierge que tu vois, c’est le diable. Si tu retournes à l’église à 5 heures, la belle Dame, comme tu dis, t’emmènera et tu ne me verras plus. » Comme à Fatima ! où le curé disait que c’était peut-être le diable.

A 1 heure de l’après-midi, les voyantes se placent, comme la veille, devant l’autel de la Sainte Vierge, et commencent le chapelet. Bientôt la lumière apparaît, « un globe de lumière » s’ouvre et un rideau argenté se déploie, couvrant la moitié du vitrail de gauche et la moitié de l’autel de Notre-Dame des Victoires. Sur ce fond de rideau se détache une grotte et, dans cette grotte, la Dame. À quelque distance, sous une voûte de rocher, l’Ange, à gauche de la Dame, cette fois.

Sous les pieds de la Dame, l’invocation de la veille : "Ô MARIE CONÇUE SANS PÉCHÉ" a été rempla­cée par ces mots : "JE SUIS L’IMMACULÉE CONCEPTION". Des lettres brillantes, en partie cachées par les mains de la Dame, apparaissent sur sa poitrine : MA … CAT.

Les voyantes sont seules dans l’église. Trois amies les attendent dehors. Jacqueline a promis de demander à la Dame si elles pouvaient entrer. Elle le fait.

« Oui, répond la Dame, mais elles ne me verront pas. »

Jacqueline s’empresse d’aller le dire à ses amies. Une femme du village, madame Trinson, survenue sur les entrefaites, se joint aux enfants et pénètre avec elles dans l’église.

Dès le retour de Jacqueline, la Dame levant sa main droite à la hauteur de sa joue, fait signe de l’index d’approcher. Quand les quatre fillettes sont près d’elle, elle les invite à s’approcher d’elle :

« Embrassez la croix de mon chapelet. »

Jacqueline et Nicole, en se haussant sur la pointe des pieds, parviennent à atteindre le crucifix que la Dame tient dans sa main, mais Laura et Jeannette, trop petites, doivent être soulevées à bout de bras par Jacqueline. Ce que celle-ci fait sans aucun effort.

Lorsqu’elles ont, toutes les quatre, baisé le crucifix d’or, elles font très, très lentement, le signe de Croix, à l’imitation de Celle qui vient de les unir d’une manière si simple mais très intime à sa compassion. « Qu’il est impressionnant ce signe de la croix ! » diront-elles.

Puis la Dame, devenue subitement toute triste, dit :

« Je vais vous dire un secret que vous pourrez redire dans trois jours : Priez pour la France qui, ces jours-ci, est en grand danger. »

La France ! C’est bien « pour la France » qu’il faut prier, n’en déplaise à nos théologiens modernes :

« On est aujourd’hui quelque peu gêné par cet as­pect du message. Dans la pastorale actuelle, inviter les fidèles à prier pour la France expose à l’incompréhen­sion et peut provoquer même une certaine irritation (!). On accepte mieux de prier pour l’Europe qui se construit et surtout pour l’humanité entière. » (P. de La Soujeole, colloque Mémoire et espérance, 2004, p. 293)

Non ! Ce n’est pas « pour l’Europe », dont le projet germait déjà dans les cervelles fumeuses de certains démocrates chrétiens comme Schuman ou Bidault, au seul bénéfice de la grande finance internationale, ni pour l’humanité tout entière, mais « pour la France », la seule France ! que la Sainte Vierge est venue demander de prier à L’Île-Bouchard. À la rue du Bac déjà, le globe représentait « la France en particulier ».

Puis la Dame continue :

« Allez dire à monsieur le Curé de venir à 2 heures, d’amener les enfants et la foule pour prier. »

Jacqueline se retourne alors vers madame Trinson, et les trois amies, et leur dit :

« La Sainte Vierge demande la foule. Où donc la prendre ? »

Madame Trinson, très émue, lui répond :

Ne te tourmente pas, ces petites et moi la com­mençons. »


Une école de prière

Alors madame Trinson, les trois fillettes et les voyantes récitent deux AVE MARIA et l’invocation "Ô MARIE CONÇUE SANS PÉCHÉ, PRIEZ POUR NOUS QUI AVONS RECOURS À VOUS." La Dame et l’Ange se sont associés à leur prière jusqu’à ces paroles : "SAINTE MARIE, MÈRE DE DIEU" exclusivement, les laissant dire seules la deuxième partie de l’AVE MARIA.

Aussitôt après, la Dame, redevenue souriante, prend la parole :

« Dites à monsieur le Curé de construire une grotte le plus tôt possible, là où je suis, d’y placer ma statue et celle de l’Ange à côté. Lorsqu’elle sera faite, je la bénirai. »

Et elle disparaît. La vision a duré de huit à dix minutes. Quand le curé apprend que la Dame demande qu’on revienne à l’église à 2 heures, il s’impatiente : « 2 heures ! C’est l’heure de la classe. Qu’elles aillent en classe et qu’elles obéissent à leurs maîtresses ! » Jacqueline revient en pleurs à l’école.

« Sœur Marie de l’Enfant-Jésus, raconte-t-elle, me demande pourquoi je pleure. Je lui raconte les faits. Elle me dit la même chose que monsieur le Curé : il faut obéir. Je lui rétorque : "Mais la Sainte Vierge est au-dessus de monsieur le Curé, il faut lui obéir." La sœur me regarde toute triste. » Rien n’y fait, et il faut attendre la fin de la classe pour retourner à l’église.

Une quarantaine de personnes y sont déjà, adultes et enfants confondus. Au bout d’une dizaine de chapelet, la Dame apparaît et organise elle-même la prière :

« Chantez le "JE VOUS SALUE, MARIE ", ce cantique que j’aime bien»

Elle aime bien ce cantique, parce qu’il se termine par une prière pour la France, comme à Pontmain, où elle ne pouvait cacher sa joie d’entendre le beau canti­que "Mère de l’espérance", qui lui rappelle que la France lui a été consacrée par « un de nos souverains ».

Le cantique terminé, elle reprend :

« Je veux que les personnes qui sont dans l’église s’approchent de moi et prient avec vous. »

Tous se regroupent pour continuer le chapelet. À la fin, la Dame commence elle-même l’invocation :

« O MARIE CONÇUE SANS PÉCHÉ

Et les enfants, suivis par les assistants, reprennent :

PRIEZ POUR NOUS QUI AVONS RECOURS À VOUS. »

À la fin, la belle Dame trace un grand signe de croix, fixant son regard sur chacun.

Il est vraiment touchant de voir la Sainte Vierge organiser elle-même les chants et la prière de ses enfants, comme une bonne mère ou une maîtresse d’école, soucieuse de montrer l’exemple pour bien en­seigner. Elle a inauguré là une véritable "école de la prière".Et cette prière ne laisse pas d’être efficace.


Le jour où la grève recula

Ce même 9 décembre, à la stupéfaction générale, le Comité national de grève de Paris donnait l’ordre de reprendre le travail : « Il faut regrouper et rassembler nos forces pour les combats futurs qui seront rudes. Nous prenons la responsabilité de donner l’ordre de repli général. » Le revirement fut aussi brusque qu’im­prévu. La veille encore, on exhortait les grévistes à « tenir et vaincre », puis brusquement, sans les consulter, l’ordre était donné de cesser la grève.

« Cet aveu de défaite étonna le gouvernement. Lorsque, la veille au soir, Jules Moch en avait été informé par Vidal, directeur des Renseignements géné­raux, il n’avait pas pu y croire. Lorsque, dans le Nord, les responsables communistes l’apprirent, ils refusèrent eux aussi de l’admettre. Annoncée à la radio, la nou­velle fut publiée dans le journal communiste local Liberté. Les syndicats prétendirent alors qu’il s’agissait d’une fausse édition de Liberté imprimée par les soins de la préfecture et de la Direction des Houillères. Il leur faudra deux jours pour se rendre à l’évidence. » (G. Elgey, La République des illusions, 1993, p. 465)

Il est curieux de voir comment chacun des prota­gonistes met en avant sa propre interprétation : pour les démocrates chrétiens, c’est la calme assurance de Robert Schuman, pour les socialistes, c’est la déter­mination de Jules Moch, qui ont fait reculer les grèves. Les communistes, qui ne fournirent aucune explication sur le moment, expliquèrent ensuite que de nouvelles consignes arrivées de Moscou avaient désavoué des grèves qui avaient éclaté plus tôt que prévu et qui avaient "dérapé" de leur objectif initial : la lutte contre l’hégémonie américaine et le plan Marshall.

« Il n’y eut pas de ces "queues de grèves" si diffi­ciles à résorber, comme si tous les participants avaient été convaincus (consciemment ou inconsciemment) du dérapage qui s’était produit, qu’il n’y avait plus qu’à tirer un trait sur une aventure malheureuse, et tâcher de l’oublier. Ce que fit l’historiographie communiste. » (Jean-Jacques Becker, op. cit., p. 235)

Pour nous, nous n’hésitons pas à voir dans la conjonction des événements surnaturels de L’Île-Bouchard avec la fin de la grève générale la marque d’une inter­vention déterminante de la Sainte Vierge, ce qui n’ex­clut pas qu’elle se soit servie de causes secondes.


Un secret pour la France

Le mercredi 10 décembre, la nouvelle s’est répandue dans les environs. Il y a près de cent cinquante personnes dans l’église. Sur le coup de 13 heures, les fillettes se lèvent toutes les quatre. ensemble :

« La voilà ! »

Notre-Dame leur demande de chanter le "JE VOUS SALUE MARIE". Ce qu’elles font sur un air propre à la paroisse. Puis elles récitent une dizaine, de chapelet, suivie de l’invocation "O MARIE CONÇUE SANS PÉCHÉ"

Alors la Dame leur fait signe avec l’index droit de s’approcher et, se penchant, leur dit :

« Baisez ma main ! »

Les enfants, s’étant avancées vers le coin gauche de l’autel, embrassent la main tendue. Jacqueline soulève sans effort, comme la veille, Laura et Jeannette trop petites. Puis Nicole demande :

« En quoi faut-il faire la grotte que vous nous avez demandée hier ?

- En papier pour commencer»

Sur les instances de sa mère, Jacqueline demande : « Madame, voulez-vous faire un miracle pour que tout le monde croie ?

- Je ne suis pas venue ici pour faire des miracles, mais POUR VOUS DIRE DE PRIER POUR LA FRANCE qui, ces jours-ci, est en grand danger. Mais demain vous y verrez clair et ne porterez plus de lunettes»

L’enfant, atteinte d’une myopie légère compliquée de strabisme et d’astigmatisme, souffrait de conjoncti­vite depuis deux ans.

La Dame, prenant un air grave, continue :

« Je vais vous confier un secret que vous ne direz à personne.

- Nous vous le promettons ! » répondent les enfants en choeur.

La confidence est brève. C’est la même pour tous. Nous n’en saurons rien de plus. Ce secret, les voyantes l’ont gardé strictement. Cependant, après les événe­ments de mai 1968 en France, elles se concertèrent et furent d’accord, au vu de la nouvelle situation critique où se trouvait plongé le pays, de le communiquer à l’archevêque de Tours. Ce qui fut fait le 1er juin 1968.

Le Père Vernet écrit : « Selon l’orientation et le but de ces apparitions, il ne peut que concerner, en quelque manière, l’avenir de l’Église et de la France, ainsi que celui de ces fillettes qui eurent le privilège, en ces apparitions, des confidences de leur Maman du Ciel. Mais, comme je l’ai entendu dire de l’une d’entre elles : "De telles grâces se payent fort cher", entendez "en souffrances et en croix". » (op. Cit., p. 44)

La Dame leur dit ensuite :

« Revenez demain à 1 heure. »

Les voyantes le promettent. Alors la Dame disparaît dans un nuage de poussière d’or. Le voile d’argent se replie en forme de boule, laquelle s’enfonce dans le mur. Les enfants se signent et se lèvent. L’apparition a duré environ un quart d’heure.


« Il y aura du bonheur dans les familles. »

En se réveillant, le jeudi 11 décembre, Jacqueline s’aperçoit que ses yeux ne sont pas collés comme à l’ordinaire, et qu’elle voit parfaitement bien sans lunettes. « Comme tous les matins, raconte-t-elle, Maman monte de l’eau bouillie pour me décoller les yeux, mais ce matin, je n’ai plus les yeux collés, plus de croûtes, plus d’humeur… et je vois au loin, je n’ai plus besoin de lunettes. Maman appelle Papa et, devant un tel miracle, ils pleurent et disent merci. On me donne un journal à lire. Papa court chercher monsieur le Curé. En voyant mes yeux guéris, il s’agenouille et pleure. Les voisins sont ahuris et émus, car depuis ma plus jeune enfance, je leur faisais pitié. » (Témoignage de novembre 1979)

À 1 heure de l’après-midi, il y a environ deux cents personnes dans l’église Saint-Gilles. Les quatre fillettes arrivent et, ne trouvant aucune place libre sur les prie-Dieu, elles viennent s’agenouiller devant la Sainte Table, face à l’autel de la Sainte Vierge. Elles ne paraissent nullement impressionnées. Monsieur le Curé, agenouillé sur une marche du grand autel, côté Évan­gile, assiste pour la première fois aux apparitions, ainsi que les trois religieuses de Sainte-Anne.

Dès que les fillettes sont agenouillées, l’apparition se manifeste de nouveau, suivant le mode habituel. La Dame qui, de jour en jour, apparaît de plus en plus belle, sourit et prend aussitôt la parole :

« Chantez le "JE VOUS SALUE MARIE". »

Les quatre enfants chantent le "JE VOUS SALUE MARIE". Puis, sur un signe de la Dame, elles prennent leur chapelet et récitent dix AVE suivis de l’invocation. Sur un signe de monsieur le Curé, Jacqueline prend le papier que lui a remis sœur Saint-Léon et lit les questions qui y sont écrites.

« D’où nous vient cet honneur que vous veniez dans l’église Saint-Gilles ?

C’est parce qu’il y a ici des personnes pieuses et que Jeanne Delanoue y est passée. »

Jeanne Delanoue, fondatrice des Sœurs de Sainte-Anne de la Providence (1666-1736), appelée "la Mère des pauvres", venait d’être reconnue bienheureuse un mois auparavant (le 9 novembre 1947). Il suffit donc, pour attirer les bénédictions du Ciel, de la piété de quelques personnes et du passage d’un saint ? L’enfant aurait pu s’arrêter là et ne pas poser la question suivante puisqu’elle a déjà une réponse qui la résout, mais, par souci d’obéissance, elle continue :

« Est-ce en souvenir de Jeanne Delanoue qui vous aimait tant, qui aimait tant vous prier à Notre-Dame des Ardilliers

Oui, je le sais très bien !

– … et qui est venue elle-même établir ses filles ici ? » La Dame, qui a déjà répondu à cette question, se contente de demander :

« Combien y a-t-il de sœurs ici ?

- Elles sont trois.

- Quel est le nom de leur fondatrice ?

Les quatre voix n’en font qu’une qui s’élève, forte et si bien timbrée qu’elle emplit l’église :

Jeanne Delanoue ! »

On dirait une leçon de catéchisme, avec questions-réponses ! Les enfants contemplent quelques instants la Dame qui les regarde, puis Jacqueline prend de nouveau la parole :

« Madame, voulez-vous guérir les personnes qui souffrent de rhumatismes, de maladies nerveuses, qui souffrent physiquement et moralement ? »

« Il y aura du bonheur dans les familles, répond la Dame, qui ajoute : Chantez maintenant le "JE VOUS SALUE MARIE". »

Les enfants s’exécutent aussitôt. Le chant terminé, le dialogue continue entre la Dame et les voyantes :

« Est-ce que monsieur le Curé va construire la grotte ?

- Oui, Madame.

- Priez-vous pour les pécheurs ? Il faut prier beaucoup pour les pécheurs.

- Oui, Madame, nous vous le promettons.

- Revenez demain à 1 heure.

- Oui, Madame, nous reviendrons demain.

- Ô MARIE CONÇUE SANS PÉCHÉ

- PRIEZ POUR NOUS QUI AVONS RECOURS À VOUS ! »

La Dame bénit alors lentement la foule qui se trouve dans l’église. Les enfants font le signe de la Croix. La Dame et l’Ange disparaissent comme de coutume. L’apparition a duré un quart d’heure.

Ce soir-là, Jacqueline voit arriver chez ses parents deux gendarmes de l’Île-Bouchard. L’un d’eux, pour l’effrayer, lui défend de retourner à l’église. L’enfant répond sans s’émouvoir : « Monsieur, si vous voyiez ce que j’y vois, vous y retourneriez. »

Et madame Aubry d’ajouter : « Elle a commencé d’y aller, elle y retournera jusqu’au bout. »


« Priez beaucoup pour les pécheurs. »

Le vendredi 12 décembre, dès midi, la foule envahit l’église. Chacun veut être au premier rang : chaises, bancs, tout est plein. On compte alors de trois cents à quatre cents personnes.

À 13 heures, les quatre fillettes viennent s’age­nouiller, coude à coude, devant l’autel de la Sainte Vierge et, aussitôt, leur maintien prouve à l’assistance que l’apparition se manifeste de nouveau à elles. La Dame est plus radieuse que jamais. Sa tête est auréolée de rayons lumineux vivement colorés, bleus, rouges, jaunes, verts, rosés, orange. Comme à Fatima. Les enfants nommeront cette auréole "arc-en-ciel ". Le mot MAGNIFICAT apparaît en entier en lettres d’or sur sa poitrine, car elle a baissé les mains.

Se reproduit alors le même rituel de dévotion liturgique dirigé par la belle Dame : le " JE VOUS SALUE MARIE", les invocations, le baisemain, important !

« Priez-vous pour les pécheurs ? demande la voix.

- Oui, Madame, nous prions.

- Bien. Surtout, priez beaucoup pour les pécheurs. »

Alors les enfants prennent leur chapelet et récitent, avec la Dame et l’Ange, dix AVE MARIA suivis de l’invocation "Ô MARIE CONÇUE SANS PÉCHÉ"

Lorsque la prière est achevée, Jacqueline, désignant une jeune fille paralytique du village proche de Saint-Épain qu’on a apportée sur une civière, demande : « Madame, voulez-vous guérir cette jeune fille ?

- Si je ne la guéris pas ici, je la guérirai ailleurs, répond la Dame.

- Ô Madame, reprend Jacqueline, voulez-vous gué­rir une personne très pieuse ?

Comme la Dame ne répond pas, elle continue naï­vement :

- Elle demeure à Angers.

- Je ne suis pas venue, dit enfin la Dame rede­venue toute triste, pour faire des miracles mais pour que vous priiez pour la France qui est en grand danger, ces jours-ci. »

Alors la Dame trace un lent signe de Croix sur la foule et les enfants se signent. Puis l’apparition disparaît. Les enfants, après s’être de nouveau signées, se lèvent et sortent de l’église. Quelle simplicité !

Ce 12 décembre marquait la fin définitive de la grève et la reprise du travail sur l’ensemble du terri­toire. D’où l’apparition du mot complet "Magnificat".


Pas de notre pere ?

Le samedi 13 décembre, dès midi, la foule arrive à pleines rues vers l’église et s’y engouffre. Environ cinq cents personnes remplissent le sanctuaire. Un peu avant 13 heures, les enfants arrivent. Puis la Sainte Vierge, qui prend l’initiative de la prière :

« Chantez le "JE VOUS SALUE MARIE: »

Les enfants chantent, « pour faire plaisir à la Dame », puis la Dame leur fait signe de réciter leur chapelet.

« Commencez tout de suite par les "JE VOUS SALUE MARIE " » , dit-elle.

Et le NOTRE PÈRE ? Pas de NOTRE PÈRE ! Comme si la Sainte Vierge prenait la place du Bon Dieu ! Mais, précisément, c’est cela. Comme à La Salette en 1846, cent ans auparavant : « Je vous ai donné six jours pour travailler, avait-elle dit, Je me suis réservé le septième et on ne veut pas Me l’accorder. » […]

Les enfants récitent dix AVE suivis de l’invocation, et interrogent la Dame du regard pour savoir s’il faut s’arrêter, mais elle leur dit :

« Continuez les "JE VOUS SALUE MARIE"»

C’est ainsi qu’elles récitent cinq dizaines d’AVE, sans PATER ni GLORIA, mais entrecoupés à chaque di­zaine par l’invocation "Ô MARIE CONÇUE SANS PÉCHÉ"

Puis Nicole Robin, sur le désir de sœur Saint-Léon de la Croix, demande tout bas :

« Madame, quand on fera la grotte, faudra-t-il lais­ser l’autel qui est à côté ?

- Oui, laissez l’autel à côté»

Jacqueline qui a dans sa main une gerbe d’oeillets, offerte par une personne de la paroisse pour être pré­sentée à la Dame, dit :

« Madame, je vous offre ces fleurs.

La Dame bénit les fleurs et Jacqueline murmure :

- Oh ! merci.

La Dame demande alors :

- Est-ce que vous me construirez une grotte ?

- Oui, Madame, nous vous la construirons.

La Dame sourit à cette réponse et dit :

- Je reviendrai demain pour la dernière fois»

Sur ces mots, elle disparaît. L’apparition a duré vingt-cinq minutes. Si la Sainte Vierge insiste tant pour avoir "sa" grotte, c’est peut-être parce qu’elle sait que les hommes sont lents à satisfaire ses demandes : la statue de la Vierge au globe et l’ouverture de la cha­pelle de la rue du Bac, la dévotion des cinq premiers samedis du mois à Fatima…


Magnificat !

Dimanche 14 décembre. Dès la fin de la grand-messe, la foule envahit l’église. Plusieurs familles qui ont assisté à la messe ne retournent pas chez elles pour déjeuner, de peur de ne plus trouver ensuite de place.

La foule grossit de plus en plus. Bientôt il n’y a plus une place à prendre, bien qu’on ait enlevé une partie des chaises. La chaire, la tribune, sont pleines. Des grappes humaines s’attachent, s’accrochent aux pi­liers de l’église. Des échafaudages les plus hétéroclites s’élèvent, des gens apportent des échelles doubles qui sont aussitôt garnies jusqu’au faîte. Il y a là plus de deux mille personnes, sans compter celles qui n’ont pu entrer. Toute cette foule est néanmoins disciplinée et récite, sans interruption, quatre chapelets.

Peu avant 13 heures, les quatre fillettes, les bras chargés de fleurs magnifiques, s’avancent, non sans peine, jusqu’à l’autel de la Sainte Vierge et s’age­nouillent, séparées les unes des autres. Bientôt l’appa­rition se manifeste, plus belle que jamais. La récitation du chapelet par les voyantes, à l’initiative de la Dame, sera ponctuée à chaque dizaine d’une parole signifi­cative de la Sainte Vierge. Ainsi, après la première dizaine, Jacqueline lit un papier préparé par le Curé :

« Madame, nous vous demandons de bénir Monseigneur l’Archevêque, ses vingt-cinq années d’épisco­pat, Mgr l’Évêque de Blois, les deux paroisses, les écoles libres, la mission du Carême, les prêtres du doyenné et de donner des prêtres à la Touraine. »

Déjà la lancinante question des vocations ! La Dame regarde les enfants, et eux la regardent en silence, puis la Dame incline la tête en signe d’assentiment.

Alors, les fillettes se lèvent et, sans quitter leurs places, offrent les fleurs qu’elles portent sur leurs bras.

« Madame, nous vous offrons ces fleurs. »

La Dame est souriante mais ne répond rien. Alors Jacqueline insiste : « Prenez-les»

Nouveau silence. La Dame continue de sourire.

« Embrassez-les, supplie Jacqueline. Alors la Dame répond enfin :

- Je les embrasserai mais je ne veux pas les prendre. Vous les emporterez. »

Et la Dame leur ayant fait signe d’approcher, les enfants viennent à ses pieds et Jacqueline présente suc­cessivement sa gerbe de fleurs et celles des trois autres fillettes. La Dame embrasse les fleurs et dit :

« Continuez le chapelet. »

Les enfants reviennent à leurs places et récitent la seconde dizaine. La Dame et l’ange s’unissent à la prière jusqu’aux mots : "Sainte Marie" Jacqueline sort alors un second papier, préparé par une sœur :

- Madame, que faut-il faire pour consoler Notre-Seigneur de la peine que lui causent les pécheurs ?

- Il faut prier et faire des sacrifices»

La troisième dizaine est suivie des invocations.

Ô Madame, demande Jacqueline, je vous en sup­plie, donnez-nous une preuve de votre présence !

- Avant de partir, j’enverrai un vif rayon de soleil, répond la Dame, qui ajoute : Dites à la foule qu’elle chante le MAGNIFICAT. »

Pendant ce chant, la beauté de la Sainte Vierge tour­nant les yeux vers le Ciel est telle, qu’elle ravit à jamais le cœur des enfants. Elle a de quoi être heu­reuse : le danger que courait la France est écarté, sa prière a été exaucée. Le chapelet reprend. À la fin de la quatrième dizaine, la Dame demande qu’on lui chante encore le "JE VOUS SALUE MARIE ". Puis, elle ajoute :

- Priez-vous pour les pécheurs ?

- Oui, répondent les quatre enfants ensemble.

- Récitez une dizaine de chapelet les bras en croix ! »

Alors, avec un ensemble parfait, les enfants mettent leurs bras en croix. Sans hésitation ni respect humain, la foule fait de même. Beaucoup n’avaient pas prié depuis de nombreuses années et certains ont des larmes dans les yeux. La cinquième dizaine achevée, la Dame dit :

« Allez-vous construire la grotte ?

- Oui, oui, nous allons la construire. »


La signature de l’Immaculée

Pendant le dernier chant du "Je vous salue Marie", que termine l’invocation "Ô Marie conçue sans péché, priez, priez pour la France", un rayon de soleil, per­çant un ciel nuageux très bas, a pénétré par une ver­rière, au sud de l’église, et se projette obliquement et progressivement, en éventail, sur l’apparition et sur les quatre enfants dont les visages sont transfigurés. Les fleurs qu’elles tiennent à la main semblent recouvertes de diamants. Le phénomène est inexplicable.

Pour qui serait encore sceptique, ce rayon de soleil miraculeux est la signature de l’Immaculée Conception si l’on se souvient que déjà, le 8 décembre 1854, lors de la définition du dogme de l’Immaculée Conception par le pape Pie IX, le Ciel s’était manifesté de la même manière au Souverain Pontife. Au moment de prononcer les paroles de la définition, la voix de Pie IX se trouva soudain mystérieusement affermie et amplifiée, au point de résonner dans toute la basilique Saint-Pierre. Au même instant, tandis qu’il avait plu jusqu’alors abondamment, le ciel se découvrit et un rayon de lumière vint illuminer le Pontife.

Comme à Fatima, mais d’une manière beaucoup plus modeste, les apparitions de L’Île-Bouchard se terminent par un miracle solaire.

Le chant terminé, la Dame bénit lentement la foule. Inclinées, les enfants se signent. La Dame et l’Ange disparaissent. Le voile d’argent se replie en forme de boule, et la boule toute resplendissante sous la lumière du mystérieux rayon de soleil rentre dans le mur. Bientôt, le rayon de soleil disparaît à son tour. Monsieur le Curé, sortant de sa réserve habituelle, monte sur les marches de l’autel et dit à la foule que « ce rayon de soleil est un rayon envoyé par la Sainte Vierge ».

Les fruits ne se firent pas attendre dans la paroisse : « C’est avec joie que le Curé constate un retour à la pratique religieuse. Beaucoup de paroissiens qui n’avaient pas mis les pieds à l’église depuis de nom­breuses années revenaient aux sacrements. Les prêtres du canton remarquent la même chose. »

Mais surtout, la menace d’une guerre civile suscitée par les "erreurs de la Russie" fut, durant cette semaine du 8 au 14 décembre 1947, définitivement écartée. Les historiens datent de cette fin d’année 1947 le commen­cement du déclin du parti communiste français, et Paul-Marie de La Gorce parle des mois qui suivirent comme d’un « moment de grâce et de détente, dans le destin tourmenté du régime » (L’Après-guerre, 1978). Peut-être aussi comme un avant-goût du « certain temps de paix » promis à Fatima.

Apparitions
Auteur : Frère Thomas
Source : extraits de Il est ressuscité n° 41
Date de publication originale : décembre 2005

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