Parole de Dieu : pain des familles – 21 Janvier 1942 –

De Salve Regina

Magistère pontifical sur la famille - Discours aux jeunes époux
Auteur : Pie XII
Date de publication originale : 21 janvier 1941

Difficulté de lecture : ♦ Facile

Votre aimable présence, chers jeunes époux, rappelle à Notre pensée et Nous remet sous les yeux en une vivante image les groupes nombreux d'autres époux venus, comme vous-mêmes aujourd'hui, demander Notre Bénédiction apostolique sur la tendre aurore et les ardentes espérances de leurs nouvelles familles. Au cours de ces audiences, Nous leur avons adressé la parole à plusieurs reprises, et sans doute est-il arrivé que Nos allocutions, parues dans les journaux catholiques ou en petits volumes, vous sont aussi tombées sous les yeux. Aujourd'hui toutefois, outre le désir de Notre Bénédiction apostolique, vous portez peut-être, Nous semble-t-il, cachée dans vos cœurs, une question : vous aimeriez savoir pourquoi Nous avons tant à cœur de prodiguer, chaque fois qu'il s'en présente l'occasion, Nos enseignements aux chers nouveaux mariés. Que pouvons-Nous, que devons-Nous vous répondre ? Vous voulez pénétrer dans Notre cœur, en surprendre les battements, les pensées qui en montent et qui s'enflamment sur les lèvres du Père universel de la famille chrétienne ; d'un Père qui brûle, à l'exemple de Pierre dont il est le successeur, de charité pour le Christ et l'Eglise, son Epouse, de cette charité pleine d'affection pour les brebis et les agneaux ; d'un Père qui voit, dans les jeunes rameaux de la famille chrétienne, se régénérer les fils de Dieu, s'étendre le jardin de la foi et de la grâce, s'élever et se multiplier les fleurs du ciel ; d'un Père qui parle à ses enfants, c'est-à-dire à vous-mêmes, des choses de la famille, et qui voudrait à ce propos ressusciter un vieux et beau souvenir de famille, un souvenir qui remonte aux temps apostoliques, aux origines mêmes de l'Eglise, la puissante Mère de la famille chrétienne.

Un jour, les chefs de cette famille — c'étaient les Douze et à leur tête ils avaient Pierre, dont Nous occupons, quoique indigne, la place — constatèrent, au milieu des fatigues de leur apostolat, que, du fait du nombre sans cesse croissant des disciples, ils n'arriveraient plus à subvenir aux besoins de leur troupeau, spécialement dans l'assistance quotidienne des veuves et dans le service des tables. Ils convoquèrent donc les fidèles et les invitèrent à choisir dans leur foule sept hommes de bonne réputation, pleins de l'Esprit-Saint et de sagesse — les diacres — afin de leur confier cet office, tandis que Pierre et les autres apôtres continueraient à vaquer « à la prière et au ministère de la parole » (Ac 6, 14). Choisis par le Christ et envoyés pour enseigner toutes les nations, les apôtres ne devaient-ils pas, avant tout, rendre témoignage à sa mission divine et transmettre la bonne nouvelle ? De fait, ils ne se dispensèrent jamais de témoigner, soit de vive voix, soit par écrit, au milieu des périls et des persécutions, dans tout l'Empire romain et au-delà, prêts à sceller de leur sang la parole que leur infatigable courage annonçait aux peuples.

Dix-neuf siècles se sont écoulés, et leur parole de voie, de vérité et de vie a passé, d'âge en âge, de pays en pays, de montagne en montagne, de mer en mer, de continent en continent, de peuple en peuple, de bouche en bouche, des terres de Palestine jusqu'aux extrémités du monde, portée par les vaillants hérauts de la foi. Le petit grain de sénevé jeté à Jérusalem a grandi jusqu'à devenir un arbre immense : ses rameaux couvrent la terre et dans sa ramure habitent près de quatre cents millions de croyants.

C'est là ce royaume de Dieu dont l'oraison dominicale nous fait demander l'avènement. Royaume spirituel, sans doute, mais qui se développe et qui travaille en ce monde où nous marchons en pèlerins vers une patrie située plus haut que les étoiles. Royaume immense où s'est épanouie, avide et sûre d'un avenir qui ne se terminera qu'avec les siècles, la petite famille des premières années. Composée d'hommes unis entre eux par des liens visibles et pareille à un immense troupeau sous un souverain Pasteur unique, elle ne peut se passer d'un organisme de gouvernement, d'une subordination de personnes, d'une administration de choses, et nombreux sont les émules des premiers diacres, à Rome et à travers le monde, qui secondent le pape avec un zèle admirable dans l'accomplissement de sa lourde tâche.

Mais, si les soucis du gouvernement de l'Eglise sont bien vastes et bien nombreux, le Souverain Pontife ne saurait oublier pour autant le « ministère de la parole » que saint Pierre considérait comme le principal de ses devoirs d'apôtre avec la prière. Le Christ ne lui avait-il pas dit, à lui et aux autres disciples : « Allez, prêchez à toutes les nations ce que je vous ai enseigné » ? (cf. Matth. Mt 28, 19). Saint Paul ne s'écriait-il pas : « Je dois ma parole aux savants et aux ignorants » ? (cf. Rom. Rm 1, 14). N'est-ce pas par l'ouïe que la foi entre dans les cœurs ? La parole de Dieu n'est-elle point la voie, la vérité et la vie ? Elle est vivante et efficace, plus acérée qu'une épée à deux tranchants, si pénétrante qu'elle va jusqu'à séparer l'âme et l'esprit, les jointures et les moelles ; elle démêle les sentiments et les pensées du cœur (He 4, 12). Nous aimons la parole de Dieu parce qu'en elle c'est le Verbe divin qui resplendit, se manifeste et en quelque sorte s'incarne une seconde fois pour nous.

Sans doute, c'est avant tout lorsque, dans les occasions solennelles, Nous Nous adressons à toute l'Eglise, aux évêques, Nos Frères dans l'épiscopat, que Nous exerçons ce ministère ; cependant, Nous sommes le Père de tous, même des plus humbles ; Nous sommes le Pasteur des brebis, mais aussi des agneaux : comment donc pourrions-Nous renoncer au simple et saint exercice du ministère de la parole et ne point porter à Nos enfants directement, de Notre propre voix, l'enseignement que Nous a confié le Christ Notre Maître ? Dieu n'a-t-il pas mis et allumé dans le cœur de tout prêtre, de tout évêque, par la grâce même de l'ordination sacerdotale et de la consécration épiscopale, la soif inextinguible de ce saint ministère au milieu du peuple chrétien ?

Vous comprenez donc, bien-aimés fils et filles, quelle joie intime et quel profond réconfort possèdent et enflamment Notre âme quand, au milieu des graves soucis de l'Eglise universelle, Nous pouvons venir parmi vous avec la joie d'un Père heureux de parler à ses enfants, avec la joie d'un prêtre qui rompt aux auditeurs que Dieu lui envoie le pain vivant et nourrissant de la parole évangélique et qui coopère ainsi directement à l'œuvre de la grâce pour fortifier, accroître et affermir dans leur esprit la foi, la confiance et l'amour, ces vertus qui sanctifient pour le ciel le cours — joyeux ou triste, selon que Dieu voudra — de leur vie d'ici-bas.

Voilà pourquoi, et c'est ici le fond de Notre cœur que Nous vous ouvrons, voilà pourquoi Nous aimons à Nous entretenir avec vous et Nous ne vous laisserons point partir aujourd'hui sans ajouter quelque enseignement pour vos âmes. A vrai dire, ces confidences que Nous vous avons faites ne renferment-elles pas un enseignement ? Ne vous montrent-elles pas la grande valeur de la parole de Dieu ? Ne vous manifestent-elles pas l'estime où vous devez la tenir lorsqu'elle vous est distribuée même sous une forme des plus simples et des plus sobres et dans la plus humble de vos paroisses ? Saint Paul remerciait le Seigneur de ce que ses chers Thessaloniciens avaient reçu la parole de Dieu non comme parole des hommes, mais, ainsi qu'elle l'est véritablement, comme une parole de Dieu qui déploie sa puissance en ceux qui croient (cf. I Th 2, 13).

Si, en ces temps de vie difficile, un de vos premiers soucis lors de la fondation d'un foyer a été de connaître et de trouver le moyen d'assurer à votre famille le pain quotidien, ne mettez pas moins de sollicitude à procurer aussi à vos âmes l'assurance du pain spirituel. Le plus grave des châtiments dont Dieu menaçait le peuple d'Israël, par la bouche du prophète Amos, était d'envoyer la famine sur la terre : « Non une faim de pain, non une soif d'eau, mais d'entendre les paroles de Dieu... Ils iront de côté et d'autre pour chercher la parole de Dieu, et ne la trouveront pas » (Am 8, 11-12). Plus encore que toutes les difficultés d'approvisionnement matériel auxquelles les circonstances actuelles peuvent vous exposer, craignez, bien-aimés fils et filles, craignez par-dessus tout la faim, la disette de la parole de Dieu. Aimez, recherchez le pain de vos âmes, la parole de la foi, la connaissance de la vérité nécessaire au salut de l'homme, afin que votre intelligence ne se laisse point obscurcir par les erreurs et l'ignorance des fabricants de sophismes et d'immoralité. Que vos âmes, que les âmes de vos fils et de vos filles, ne défaillent point sur le chemin de la vertu, du devoir et du bien, faute de s'être suffisamment nourris de la parole de Dieu, de cette nourriture supersubstantielle qui donne force et vigueur sur le sentier de cette vie et nous permet ainsi de gagner la cité bienheureuse où les élus « n'auront plus ni faim ni soif » (Ap 7, 16).

Ne vous montrez point à l'égard de la parole de Dieu négligents, paresseux ou sourds. L'heure douloureuse que nous vivons est l'heure où Dieu parle sur les terrains sanglants de ce cruel conflit et dans la désolation des cités plus que dans les pieux tressaillements de la joie. Dieu est maître des nuages et des tempêtes, et il les gouverne par sa parole. Dans les nuages, les éclairs et les tonnerres, il parla un jour sur le Sinaï pour promulguer le Décalogue de sa loi que les hommes, par la suite, ont gravement violée. Aujourd'hui, il donne la parole aux vents et aux tempêtes ; il semble se taire alors qu'il passe sur les flots mouvants des mers et des océans, et que grondent les tempêtes, secouant les nacelles que la main des hommes a construites dans leurs arsenaux terrestres. Adorons son passage et son silence. Cette heure de tempête est l'heure du retour à Dieu et du souvenir de Dieu (cf. Ps., lxxvii, 34-35) ; c'est l'heure de la prière, l'heure d'invoquer le Très-Haut ; c'est l'heure où, réalisant une parole de vérité, le Seigneur « renverse les desseins des nations et réduit à néant les pensées des peuples » (Ps 32, 12). Il tient et manœuvre le gouvernail de chaque navire pour le guider à travers les flots vers le bien qu'il a choisi.

En ces moments de graves épreuves, la parole de Dieu accueillie dans l'humilité et méditée dans la ferveur de la prière, est la seule voix qui pénètre le cœur pour en apaiser les craintes et les angoisses et pour l'animer à la confiance et à la résignation. C'est la seule voix qui éclaire l'esprit sur les mystères des insondables desseins de Dieu ; c'est l'unique parole qui réconforte, soutienne et réchauffe vos âmes, chers enfants, l'unique parole qui conserve et stimule la foi, l'espérance et l'amour. Ecoutez-la donc, recueillez-la avidement et docilement des lèvres de vos pasteurs. Afin qu'elle trouve en vous des cœurs bien disposés et qu'elle y produise, selon la parabole de Notre-Seigneur (Mt 13, 8, 23), des fruits en abondance, du trente, du soixante, du cent pour un, Nous demandons au divin Maître que la richesse de sa grâce féconde en vous la bonne semence et Nous vous en donnons le gage, de tout cœur, dans Notre Bénédiction apostolique.

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