Sermon sur l'Epiphanie

De Salve Regina

Révision datée du 14 mars 2017 à 15:52 par Abbé Olivier (discussion | contributions)
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Les temps liturgiques
Auteur : Saint Léon Le Grand (mort en 461)
Source : 7ème sermon sur l’Epiphanie

Difficulté de lecture : ♦ Facile
Remarque particulière : L’enfance humaine du Fils de Dieu est pour nous une leçon d’humilité. L’humilité fut la compagne de toute sa vie, depuis la crèche jusqu’à la croix ; qu’elle le soit aussi pour nous, nous faisant retrouver l’esprit des enfants dont jésus a fait la condition pour entrer dans le Royaume des cieux.


La leçon de l’enfance du Christ : l’humilité

Mes bien-aimés, le rappel des actions du Sauveur des hommes est pour nous d’une grande utilité si, après leur avoir donné l’hommage de notre foi, nous les prenons comme idéal à imiter. Dans l’économie des mystères du Christ, les miracles sont autant de grâces qui viennent à l’appui de l’enseignement, afin que nous puissions suivre l’exemple de Celui que notre esprit confesse par la foi ; même les humbles commencements que le Fils de Dieu accepta en naissant de la Vierge sa mère nous préparent à progresser dans la piété. Les cœurs droits, en effet, reconnaissent en une seule et même personne la petitesse de l’homme et la grandeur de Dieu. Celui qu’un berceau montre enfant, le ciel et les esprits célestes le proclament leur Créateur. Ce petit au corps menu, c’est le Seigneur et le Maître du monde ; il est contenu dans le sein de sa mère, lui qu’aucune limite ne renferme, et cet abaissement même est le remède à nos blessures, le relèvement de notre déchéance : car si deux réalités si distantes ne s’étaient unies en une seule, la nature humaine n’aurait pu être réconciliée avec Dieu.

Les remèdes qui nous ont été donnés nous fixent notre manière de vivre, et la règle des mœurs a été tirée d’une médecine que l’on appliquait à des morts. Ce n’est pas sans raison que les trois mages, conduits par la clarté d’une nouvelle étoile pour adorer Jésus, ne le virent pas en train de commander aux démons, de ressusciter les morts, de rendre la vue aux aveugles, la marche aux boiteux, la parole aux muets, ni d’exercer aucunement sa puissance divine : ils trouvèrent un enfant silencieux, tranquille, confié aux mains de sa mère ; en lui n’apparaissait aucun indice de son pouvoir : il ne montrait qu’un prodige, et un grand : son humilité même. Le seul spectacle de cette enfance sacrée à laquelle se prêtait Dieu, le Fils de Dieu, offrait aux yeux l’enseignement qui devait être proclamé à toutes les oreilles ; ce que ces lèvres ne pouvaient proférer, il suffisait de le voir pour en sentir l’effet. Toute la victoire du Sauveur, cette victoire qui a subjugué le monde et le démon, a commencé par l’humilité et s’est achevée dans l’humilité. Il a inauguré ses jours prédestinés dans la persécution et les a terminés dans la persécution. A celui qui n’était qu’un enfant n’a pas manqué l’occasion de souffrir, à celui qui devait un jour subir la Passion n’a pas manqué la douceur de l’enfance : le Fils unique de Dieu a voulu mettre sous le signe d’un même abaissement de sa majesté et sa naissance d’homme et sa mort par la main des hommes.

Imiter le Sauveur en retrouvant l’esprit des enfants

C’est en faisant valoir le privilège de son humilité que le Tout-Puissant a sauvé notre cause, qui était fort mauvaise ; il a détruit la mort et l’auteur de la mort en ne refusant rien de ce que ses persécuteurs ont voulu lui faire subir : obéissant au Père, il a souffert avec une suprême douceur la cruauté de ses bourreaux. A combien plus forte raison ne devons-nous pas être humbles et patients, nous qui n’avons jamais à endurer que des épreuves méritées ! Qui, en effet, peut se glorifier d’avoir le cœur sans tache, d’être exempt de péché (Prov., XX, 9) ? Saint Jean l’affirme : Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous abusons, la vérité n’est pas en nous (I Jean, 1,8). Existe-t-il un homme tellement préservé du péché que la justice n’ait rien à lui reprocher, la miséricorde rien à lui pardonner ? Bien-aimés, la sagesse chrétienne ne consiste ni à discourir abondamment, ni à discuter subtilement, ni à convoiter des honneurs, elle consiste dans l’humilité sincère et volontaire, celle même que le Seigneur Jésus, depuis le sein de sa mère jusqu’au supplice de la croix, a choisie et enseignée comme étant toute sa force. Un jour que ses disciples, au dire de l’Evangéliste, se demandaient entre eux qui serait le plus grand dans le Royaume des cieux, Jésus appela un petit enfant, le mit au milieu d’eux et dit :En vérité je vous le déclare, si vous ne retournez pas à l’état des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. Qui donc se fera petit comme ce petit enfant, celui-là sera le plus grand dans le Royaume des cieux (Matth., XVIII, 1-4). Le Christ aime l’enfance par laquelle il a débuté dans son âme comme dans son corps, modèle de douceur. Le Christ aime l’enfance, vers elle il oriente les hommes plus âgés, il y ramène les vieillards, il la donne en exemple à tous ceux qu’il élève au royaume éternel.

Mais pour bien comprendre comment peut s’opérer en nous une conversion si admirable, et par quel détour nous devons revenir à l’état d’enfant, écoutons saint Paul qui nous dit : Ne vous montrez pas enfants sous le rapport du jugement, mais faites-vous petits enfants quant à la malice (I Cor. XIV, 20). Ce n’est donc pas aux amusements de l’enfance, ni à ses tâtonnements maladroits qu’il nous faut retourner ; il faut lui demander quelque chose qui convienne encore à la gravité des années, à savoir le rapide apaisement des colères, le prompt retour au calme, l’oubli des offenses, l’indifférence aux honneurs, l’amour de l’union mutuelle, l’égalité d’humeur. C’est un grand bien de ne pas savoir nuire et ne pas aimer la méchanceté : car être injuste et se venger, c’est la prudence de ce monde ; mais ne rendre à personne le mal pour le mal (Rom. XII, 17), c’est la sérénité de l’enfance chrétienne. Bien-aimés, le mystère que nous fêtons aujourd’hui vous invite à ressembler ainsi aux enfants. Le Sauveur, cet enfant qu’adorent les mages, vous convie à l’imitation de cette humilité ; c’est pour montrer quelle gloire il réserve à de tels imitateurs qu’il a consacré par le martyre des enfants nés en même temps que lui ; issus comme lui de Bethléem, et ses égaux en âge, ils sont dès lors associés à sa Passion. Que l’humilité soit donc aimée, que les fidèles évitent en tout l’orgueil ! Que chacun préfère les autres à soi et que personne ne recherche son propre intérêt, mais celui d’autrui (I Cor. X, 24) ; quand tous seront remplis de tels sentiments de bienveillance, le poison de l’envie disparaîtra, car celui qui s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé (Luc XIV, 11). C’est Notre-Seigneur Jésus-Christ qui l’atteste lui-même, lui qui, avec le Père et l’Esprit-Saint, vit et règne comme Dieu dans les siècles des siècles.

Amen.

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