VIe JOUR DE DÉCEMBRE

De Salve Regina

Vies de saints
Auteur : Mgr Paul Guérin, camérier de S.S. Pie IX
Source : D'après les Bollandistes, le Père Giry, Surius, Ribadeneira, Godescard, les propres des diocèses et les travaux hagiographiques publiés à l'époque.
Date de publication originale : 1878

Résumé : Tome XIV
Difficulté de lecture : ♦ Facile
Remarque particulière : 7ème édition, revue et corrigée


VIe JOUR DE DÉCEMBRE

MARTYROLOGE ROMAIN.

A Myre, Métropole de Lycie, la naissance au ciel de saint NICOLAS, évêque et confesseur, qui, entre autres miracles qu'il a faits, apparut à l'empereur Constantin, bien qu'il fût fort éloigné du lieu où il était, et, par ses remontrances et ses menaces, le détourna de faire mourir quelques personnes qui avaient réclamé sa protection, et le porta à leur faire grâce. 324. — En Afrique, les saintes femmes Denise, Dative et Léonce, et un homme fort pieux, nommé Tierce ; saint Émilien, médecin, saint Boniface et trois autres, qui furent tous éprouvés par un grand nombre de supplices très cruels, durant la persécution des Vandales, sous Hunéric, roi arien, et méritèrent, par ces peines, d'être mis au nombre des confesseurs de Jésus-Christ. 484. — Au même lieu, saint Majoric, fils de sainte Denise, lequel, étant encore tout jeune, et appréhendant les tourments, fut tellement fortifié par les regards et les paroles de sa mère, qu'il devint le plus courageux de tous, et mourut dans la violence des tortures. Sa mère l'embrassa après son décès, et, l'ayant enseveli dans sa maison, elle faisait ordinairement de longues prières à son tombeau. Ve s. — Le même jour, saint Polychrone, prêtre, qui, du temps de l'empereur Constance, fut surpris célébrant la messe et égorgé par les Ariens. IVe s. — A Grenade, en Espagne, saint Pierre Paschal, martyr, de l'Ordre de Notre-Dame de la Merci pour la Rédemption des captifs, et évêque de Jaén, dont la fête se célèbre le 23 octobre, par décret du pape Clément X 1. 1300. — A Rome, sainte ASELLE, vierge, qui, comme le témoigne saint Jérôme, fut bénie dés le sein de sa mère et passa toute sa vie, jusqu'il une extrême Vieillesse, dans le jeûne et l'oraison. Vers 410.

1. Nous avons donné la vie de saint Pierre Paschal au 23 octobre.

MARTYROLOGE DE FRANCE, REVU ET AUGMENTÉ.

Aux diocèses de Nancy, Paris et Saint-Dié, saint Nicolas, évêque de Myre et confesseur, cité au martyrologe romain de ce jour. 324. — A Cologne, sainte Florentine, vierge et martyre. Époque incertaine. — A Marchiennes (Nord), au diocèse de Cambrai, sainte GERTRUDE ou GÉRÉTRUDE, veuve, abbesse du monastère bénédictin d'Hamage (Hamaticum Sancti Petri). 649. — En plusieurs contrées de la France, saint Sintran (Sintramnus), confesseur. Époque incertaine. — A Langres et à Mataillane, près Valladolid (Vieille-Castille), au diocèse de Valence, le bienheureux Robert, natif de Langres, premier abbé du monastère cistercien de Mataillane. Ses reliques se conservent sous le maître-autel de l'église de ce lieu, 1185. — Dans le Nivernais, saint Gérard ou Girard, premier prieur du monastère de La Charité-sur-Loire (Charitas ad Ligerim, Ordre de Saint-Benoît), au diocèse de Nevers. Malgré les efforts des méchants, Dieu bénit son administration ; la sainteté qu'il avait su inspirer à ses religieux se manifestait au loin, et, de tous les côtés, les seigneurs et les princes appelaient les moines de La Charité pour fonder de nouveaux monastères. Par ses soins, les diocèses d'Auxerre, Nevers, Bourges, Meaux, Rouen, Autun, Paris, Troyes, Orléans, Beauvais, Sens, Châlons et Tours furent dotés de communautés nouvelles ; de son temps encore, différentes colonies de religieux de La Charité se détachèrent pour aller fonder les monastères de Saint-André d'Arenthon, de Vennelot et de Bermondsey, en Angleterre ; de Civitot, à Constantinople ; de Saint Pierre de Ratis, en Portugal ; de Sainte-Croix, à Venise. Après avoir gouverné pendant vingt-huit ans le monastère de La Charité, Gérard fut chargé de la conduite de celui de Joigny. Il y établit une parfaite régularité, puis, sentant sa fin approcher, il obtint d'être complètement déchargé de toute supériorité et revint comme simple religieux à La Charité, où il s'endormit dans le Seigneur 1. 1102.

1. Son corps fut inhumé dans l'église du monastère, derrière le maître-autel. Cette église ayant été incendiée, lorsque le cardinal de Lenoncourt était prieur de La Charité, le cardinal se contenta de faire réparer le chœur, et, à cette occasion, il fit reculer l'autel. En faisant des fouilles pour établir les fondations de cet autel, on trouva un tombeau de pierre. Dom Jacques Maugier, prieur claustral, en fit faire l'ouverture en présence de tous les religieux et des principaux habitants de La Charité ; on y trouva un coffre de plomb sur lequel étaient inscrits ces mots : Ici reposent les ossements du bienheureux Gérard, premier prieur de ce monastère. On trouva en effet dans ce coffre un certain nombre d'ossements. On suppose que ces reliques ont été profanées, au XVIe siècle, par les Huguenots. — Mgr Crosnier, Hagiologie nivernaise.

ADDITIONS FAITES D'APRÈS DIVERS HAGIOGRAPHES.

Chez les Frères Prêcheurs, le bienheureux Pons de Planella, martyr, de l'ordre de Saint-Dominique. Né à Moya, au diocèse de Vich, en Catalogne, il entra dans l'Ordre de Saint-Dominique aussitôt après sa fondation. On lui donna bientôt la charge du couvent de Lérida (Catalogne) qui venait d'être fondé. Il montra un et grand zèle pour le salut des âmes que Grégoire 1X, apprenant les conversions qu'il faisait par sa sainteté et ses prédications, lui confia la mission de s'employer à l'extinction de l'hérésie dans le nord de l'Espagne, alors infecté des erreurs albigeoises. Les sectaires, furieux de ses succès, l'empoisonnèrent d'abord et l'achevèrent ensuite à coups de bâton et de pierres. C'était aux environs d'Urgel, au château de Castelbo. Une grande merveille honora sa sépulture : l'évêque d'Urgel étant venu avec tout son clergé chercher le corps du Martyr pour l'ensevelir dans l'église cathédrale, la cérémonie ne commença qu'au coucher du soleil ; or, pendant les six heures que durèrent l'aller et le retour, le soleil, à l'admiration de tous, demeura immobile à sa place ; mais, à peine les obsèques furent-elles terminées, à l'heure de minuit, qu'il disparut soudain, sans laisser de crépuscule. Ce miracle est représenté sur le tombeau du Bienheureux, élevé sur un autel dans la cathédrale d'Urgel. Ses reliques sont renfermées dans une magnifique châsse du moyen âge. A Moya, sa statue de grandeur naturelle, dressée sur l'autel du Saint-Sacrement de l'église paroissiale, le représente tenant d'une main un vase d'où sort un serpent, symbole du poison qui causa sa mort, et, de l'autre, un soleil, pour rappeler le miracle opéré à sa sépulture. 1242.


SAINT NICOLAS DE PATARE,ARCHEVÊQUE DE MYRE, EN LYCIE, PATRON DES ÉCOLIERS.

324. — Pape : Saint Sylvestre. — Empereur d'Occident : Constantin le Grand.


Si pulsamur incommodis, Nicolaus ingeminatur.

Au moment du danger, invoquons avec confiance le grand saint Nicolas. Saint Bernard, Sermons.

L'Église d'Orient n'a point eu d'évêque plus zélé pour la religion, ni plus éclatant en vertu, ni plus glorieux en miracles que cet illustre métropolitain de Lycie. Saint Jean Chrysostome en faisait tant d'estime et lui portait tant de respect, qu'il a inséré son nom dans sa liturgie, à la troisième oblation, et que, dans la messe du jeudi, après l'avoir appelé la Règle de la foi, l'exemple de la douceur et le maître de la continence, qui a été élevé par son humilité et enrichi par sa pauvreté, il le prie d'être l'ambassadeur du peuple auprès de Jésus-Christ, pour lui procurer le salut éternel. Saint Pierre Damien lui donne cet éloge, qu'il a été l'élu de Dieu dès le sein de sa mère, le nourrisson de la sainteté dès son enfance, la gloire des jeunes gens, l'honneur des vieillards, la splendeur des prêtres et la lumière des Pontifes. Il ajoute que tout l'univers est rempli de ses louanges, et que la mer, aussi bien que la terre, annonce de tous côtés ses prodiges. Le chancelier Gerson dit aussi des merveilles de lui dans un discours académique. Enfin, l'Église universelle ne fait point difficulté de dire, dans l'oraison de son office, que Dieu l'a ennobli par un nombre infini de miracles. Il naquit à Patare, ville de Lycie, qui est une province de l'Asie-Mineure. Euphémius, homme riche, mais extrêmement pieux et charitable, fut son père, et Anne, sœur de Nicolas l'ancien, archevêque de Myre, fut sa mère. Il ne vint au monde que quelques années après leur mariage et lorsqu'ils n'espéraient plus avoir d'enfants. Leur charité pour les pauvres obtint ce que la nature leur refusait. Un messager céleste leur annonça cette heureuse nouvelle, et, en leur promettant un fils pour le soulagement de leur vieillesse, il les avertit de lui donner le nom de Nicolas, qui signifie victoire du peuple, et qui était aussi celui de son oncle. Lorsqu'à sa naissance on le mit dans le bassin, pour le laver, il se leva de lui-même sur ses pieds et se tint en cet état pendant deux heures, les mains jointes et les yeux élevés vers le ciel ; ce qui fait croire à Denis le Chartreux qu'il reçut alors l'usage de la raison, et à saint Michel l'Archimandrite, qu'il avait été sanctifie avant de naître. Il commença à jeûner dès le berceau ; car, au lieu qu'il tétait ordinairement plusieurs fois le jour, le mercredi et le vendredi, qui étaient les jours d'abstinence et de jeûne dans l'Église orientale, en l'honneur de la Passion de Notre-Seigneur, il ne tétait jamais qu'une fois vers le soir. Ces actions extraordinaires étaient des présages de la grande sainteté à laquelle il devait un jour arriver ; mais l'archevêque de Myre, son oncle, en eut une révélation expresse. Car, étant allé à l'église pour remercier Dieu d'avoir donné à sa famille et à sa patrie un enfant de si grande espérance, il fut aussitôt ravi en esprit et il connut que cet enfant était un soleil dont toute la terre serait éclairée ; que Dieu verserait de très grandes grâces dans son âme et qu'une infinité de miracles sortiraient de ses mains, ce qu'il déclara ensuite aux assistants. Le bon naturel de saint Nicolas fut très bien secondé par l'excellente éducation qu'on lui donna. Son père, sa mère et ses maîtres prirent un soin particulier de le cultiver, tant par l'étude des sciences divines et humaines, que par la pratique de toutes les vertus ; et leur culture ne fut pas inutile, puisque, dès qu'il alla à l'école, il était déjà arrivé à un si haut degré de sainteté, qu'il fut jugé digne, dans le conseil de la très sainte Trinité, de faire marcher droite une femme boiteuse. La peste lui enleva ses parents dés sa plus tendre jeunesse, mais cette perte n'amena aucun dérèglement dans sa conduite ; au contraire, il en devint plus austère, plus retenu, plus adonné à l'oraison et plus assidu au service divin. Cependant Dieu lui ayant fait connaître qu'il le voulait dans l'état ecclésiastique et regardant ce passage de l'Écriture comme s'il n'était que pour lui : « Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous avez et donnez-en le prix aux pauvres », il commença à se défaire des grands biens que son père et sa mère lui avaient laissés. Ce fut en ce temps qu'il fit cette action de miséricorde si renommée par toute la terre et dont on publiera le mérite jusqu'à la fin des siècles : un jour, étant averti qu'un des plus nobles habitants de sa ville, qui n'avait pas le moyen de pourvoir ni même de nourrir trois filles nubiles que Dieu lui avait données, était dans le dessein de les prostituer, il résolut d'empêcher cet infâme commerce, en lui donnant du bien suffisamment pour les marier. Il voulut néanmoins le faire secrètement et sans être découvert, soit pour éviter la gloire d'une si grande action, soit pour épargner la honte du malheureux père. Ainsi, prenant la nuit une bourse remplie de pièces d'or, il l'alla jeter dans la chambre de cet homme, par une fenêtre qu'il trouva heureusement ouverte, et cette somme ayant servi à marier honnêtement l'aînée des filles, il en fit de même pour la seconde et ensuite pour la troisième. On ne peut croire l'étonnement du père, lorsqu'il vit la première et la seconde fois les soins que la divine Providence avait de sa famille ; mais il voulut savoir qui était son bienfaiteur ; il veilla pour le découvrir et, l'ayant reconnu lorsqu'il revint la troisième fois, il se jeta à ses pieds, avoua qu'il était extrêmement coupable de s'être défié de la Providence et d'avoir eu des pensées si criminelles contre l'honneur de ses propres filles ; il protesta qu'il en ferait pénitence et qu'il ne cesserait jamais de publier les louanges et les miséricordes de son Seigneur. Saint Nicolas le pria instamment de tenir son action secrète ; mais ses prières furent inutiles, toute la ville en fut informée et le bruit s'en répandit en peu de temps dans toute la province et même dans tout le monde. L'archevêque de Myre, admirant de plus en plus la vertu et la sainteté de son neveu, l'ordonna prêtre et le fit supérieur d'un monastère appelé la Sainte-Sion, qu'il avait fait bâtir auprès de la ville métropolitaine, et, ayant remarqué avec combien de sagesse il s'acquittait de cette charge, il lui confia le soin de tout son diocèse pendant un voyage de piété qu'il fit en Terre sainte. Sa mort étant arrivée peu de temps après son retour, notre Saint pensa à se retirer dans les déserts, pour y vivre séparé du commerce du monde et dans un parfait oubli des choses d'ici-bas. Mais Dieu lui ôta cette pensée et lui fit connaître que sa volonté était qu'il fit seulement un voyage en Terre sainte, à l'exemple de son oncle qui avait achevé de s'y sanctifier. Il prit congé de ses religieux et s'embarqua pour suivre le mouvement du Saint-Esprit. En chemin, il prédit au pilote une horrible tempête que le démon devait exciter, et elle fut en effet si furieuse que tous les passagers croyaient indubitablement être perdus ; mais Nicolas pria pour eux, chassa le démon qui voulait les faire périr et rendit le calme à la mer. Il l'a fait encore plusieurs fois, tant durant sa vie qu'après sa mort, et c'est pour cela que les nautoniers le prennent pour leur patron et leur protecteur et qu'ils l'invoquent singulièrement dans tous leurs voyages. Il ressuscita aussi dans le vaisseau un jeune garçon qui s'était tué en tombant du haut du mât. On dit qu'à Alexandrie il guérit un grand nombre de malades que les habitants lui présentèrent, sur les assurances que ceux de son vaisseau leur donnaient, que c'était un homme tout miraculeux et dont la parole était toute-puissante. Se voyant en Égypte, il rendit une visite au grand saint Antoine, qui remplissait toute cette province de l'odeur merveilleuse de ses vertus, et la vue de ces excellents solitaires, qui menaient auprès de ce saint abbé une vie plus angélique qu'humaine, l'eût arrêté dans le désert si Dieu ne lui avait fait connaître, avant son départ, qu'il le destinait à la conduite des âmes. Il revint donc à Alexandrie et passa de là en Palestine et à Jérusalem, où il visita le mont du Calvaire, le jardin des Oliviers et les autres lieux arrosés du sang de Jésus-Christ. Il y alla toujours nu-pieds, la tête découverte et quelquefois en se traînant à genoux par respect. Il se renferma quelque temps dans une caverne où l'on dit que la sainte Vierge se cacha une nuit avec son divin Fils et saint Joseph, au commencement de la fuite en Égypte, et l'on y a bâti pour cela une petite église sous le nom de Saint-Nicolas. Il visita aussi la grotte de saint Jean-Baptiste, y fit sa prière et l'arrosa de ses larmes. Notre-Seigneur lui ayant fait connaîtra en ce lieu qu'il devait retourner au plus tôt en son pays, il se rembarqua pour la Lycie. Son pilote voulut le tromper et le ramener à Alexandrie ; mais une violente tempête, dont il fut attaqué, lui ayant fait connaître sa faute, il en demanda pardon au Saint ; et, l'ayant obtenu avec le calme qu'il désirait, il le conduisit à un port voisin de Myre. L'arrivée de saint Nicolas dans son monastère causa une grande joie à ses religieux. Leur ferveur se renouvela par ses instructions, et son exemple leur donna un nouveau courage pour travailler à leur perfection. Il fit en leur présence un insigne miracle : il multiplia tellement un morceau de pain, qu'il se trouva suffisant pour la nourriture de quatre-vingt-trois ouvriers qu'il faisait travailler au bâtiment d'une église. Méthodius assure qu'il a fait plusieurs fois ce même miracle. Cependant Dieu, qui le voulait élever sur le chandelier de l'Église, pour répandre avec plus d'éclat les rayons de sa doctrine et de sa sainteté sur tous les fidèles, lui inspira de prendre une maison dans la ville de Myre. Et comme Jean, qui en était archevêque et avait succédé à Nicolas, oncle de notre Saint, mourut en ce temps-là, les évêques de la province s'assemblèrent pour élire un pasteur en sa place. Leurs sentiments sur ce choix furent d'abord partagés ; mais, ayant eu recours à la prière, le plus ancien de tous apprit, par révélation, que le Saint-Esprit avait élu un saint prêtre, qui viendrait le lendemain le premier à l'église, et que l'on appelait Nicolas. Notre bienheureux abbé fut cet homme désigné du ciel. Il vint de grand matin et avant tous les autres aux portes de la cathédrale, sans savoir ce qui s'y passait. Il y fut découvert par le prélat qui avait eu la révélation de l'attendre, et mené à l'heure même aux autres évêques. Tous l'agréèrent et bénirent la bonté de Dieu d'avoir préparé à son troupeau un pasteur de si grand mérite ; enfin, du consentement du clergé et du peuple, il fut solennellement sacré archevêque de Myre. Après la messe pontificale, une femme lui présenta son enfant, qui était tombé dans le feu et y était mort. Il fit sur lui le signe de la croix, et, par la vertu de ce signe, il le ressuscita, en présence de toute l'assemblée, qui était composée d'un grand nombre de prélats, de clercs et de laïques. Il a montré encore, depuis, sa puissance sur les flammes, et c'est de là qu'est venue la dévotion particulière d'invoquer saint Nicolas dans les accidents de feu. Ce grand homme, se voyant élevé à cette dignité, oublia, comme saint Paul, tout ce qu'il avait fait auparavant, et s'appliqua avec une ferveur toute nouvelle à la piété envers Dieu, au service des fidèles et à la mortification de son esprit et de ses sens. L'oraison et le chant des psaumes étaient ses emplois les plus agréables. Il assistait au service divin autant que les affaires de sa charge le lui permettaient. Comme il ne dormait presque point, il passait la plus grande partie de la nuit humilié et saisi d'une sainte frayeur, aux pieds de la Majesté divine. Il prenait lui-même le soin de réveiller sa famille avant le jour, pour vaquer aux exercices spirituels. Le feu de la charité brûlait tellement dans son cœur, qu'on voyait souvent son visage tout enflammé et tout éclatant de lumière, surtout lorsqu'il célébrait les saints Mystères. Sa sollicitude pastorale s'étendait généralement sur tous les besoins de son peuple. Il avait soin des pauvres, des malades, des prisonniers, des veuves et des orphelins. Lorsqu'il ne pouvait pas les visiter et les assister par lui-même, il les faisait visiter et assister par des personnes pieuses qu'il chargeait de ces soins. Sa principale application était de connaître les besoins spirituels de ses fidèles et d'y apporter des remèdes efficaces, et il se servait pour cela d'hommes savants et vertueux, entre autres de ces deux grandes lumières de l'Église grecque, Paul Rhodien et Théodore Ascalonite: Il prêchait souvent contre les vices, et il le faisait avec une éloquence divine qui le rendait victorieux de tous les cœurs. Il avait jeûné deux fois la semaine dès le commencement de sa vie, et, à l'entrée de sa jeunesse, il avait ajouté un troisième jeûne aux deux précédents, avec l'abstinence de chair et de vin ; mais, depuis qu'il fut évêque, il se fit une loi de jeûner tous les jours, de ne manger que le soir et de n'avoir ordinairement sur sa table qu'un seul mets. On y lisait toujours, durant le repas, l'Écriture sainte ou quelque autre livre spirituel. Ses habits étaient rudes et sans ornement, et son lit n'était qu'une natte, une planche ou la terre nue. Cet homme incomparable eut de grands combats à soutenir contre les païens et les hérétiques. L'empereur Licinius, ayant renouvelé en Orient la persécution de Dioclétien et de Maximien, envoya des officiers à Myre pour y rétablir l'idolâtrie et forcer les chrétiens, par toutes sortes de supplices, de l'embrasser. Les uns furent mis à mort, les autres jetés dans des cachots, ceux-ci envoyés en exil et ceux-là dépouillés de tous leurs biens et réduits à la dernière misère. Saint Nicolas voyant ses fidèles entre les mains des loups, n'eut garde de s'enfuir ni de se cacher ; il demeura ferme au milieu de son bercail, afin de fortifier les faibles, de soutenir les chancelants et de relever ceux que la crainte aurait fait tomber. Ce courage fut cause que le président le fit arrêter et mettre en prison, et il n'aurait pas manqué de le faire mourir, s'il n'avait appréhendé un soulèvement du peuple et de mettre toute la ville en combustion ; il se contenta de le bannir en un lieu fort éloigné, où l'on dit qu'il fut enfermé et chargé de chaînes et qu'on lui déchirait tous les jours les membres coups de fouet. C'est pour ce sujet que Nicéphore Calixte le met au rang de ces illustres confesseurs du concile de Nicée, qui portaient sur leurs corps les cicatrices des plaies qu'ils avaient reçues pour le soutien de la foi. Il revint ensuite à son Église, lorsque, Constantin le Grand ayant vaincu Licinius et fait cesser par toute la terre la persécution des idolâtres, les chrétiens eurent une entière liberté de faire les exercices de leur religion. Son voyage ne fut pas sans fruit. Il prêcha de tous côtés Jésus-Christ, fit des miracles sans nombre en témoignage de sa divinité, et convertit une infinité de personnes à la vérité de l'Évangile. L'empereur Léon VI, dans une oraison qu'il a faite à sa louange, écrit qu'il n'a guère moins parcouru de terre pour étendre la lumière de la foi et dissiper les ténèbres de l'idolâtrie que l'apôtre saint Paul ; ce qu'il faut entendre du temps qui a précédé et qui a suivi le retour de son exil. Lorsqu'il fut rentré dans Myre, il travailla plus que jamais à exterminer le culte des faux dieux ; il fit abattre les idoles, démolir les temples, couper les arbres et ruiner les bocages qui leur étaient dédiés ; lui-même prit la cognée en main et coupa en sept coups un arbre d'une prodigieuse grandeur, où Diane était honorée par des superstitions honteuses et abominables. D'autre part, assisté des libéralités de Constantin, il répara les églises chrétiennes qui tombaient en ruines et en bâtit de nouvelles, comme celle de Saint-Dioscore, de Saint-Crescence et de Saint-Léon, martyr. S'il témoigna tant de zèle contre les païens qui rendaient à des créatures l'honneur qui n'est dû qu'à la divinité, il n'en fit pas moins paraître contre les Ariens qui voulaient ôter cet honneur à Jésus-Christ. Lorsque Arius, leur chef, écrivit de tous côtés aux évêques de l'Église grecque pour les engager dans ses erreurs, Nicolas reconnut sa malice et s'y opposa de toutes ses forces, conjointement avec saint Alexandre, patriarche d'Alexandrie, et avec les autres prélats catholiques. Il fut un des trois cent dix-huit évêques qui condamnèrent cet impie au premier Concile général de l'Église, tenu à Nicée, en présence de Constantin le Grand. Après le Concile, saint Nicolas en soutint les décisions avec une vigueur apostolique ; il empêcha les Ariens de répandre leur venin dans son diocèse, conserva inviolablement son troupeau dans la foi des premiers siècles, et ses miracles furent des preuves authentiques et perpétuelles de la consubstantialité du Verbe divin. Saint Bonaventure, dans le sermon qu'il fit sur cet admirable prélat, dit qu'il ressuscita à Myre deux jeunes écoliers de qualité qu'un hôtelier avare et cruel avait égorgés et serrés dans un saloir, afin de profiter de leur argent et de leur corps. D'autres disent qu'il en ressuscita trois sur le chemin de Nicée, qu'un méchant homme avait traités avec la même barbarie et dont il vendait la chair hachée comme de la viande commune. Ces deux prodiges, néanmoins, n'ont aucun témoignage dans l'antiquité ; nous n'avons que la tradition des peuples pour nous en assurer. Peut-être aussi que ce n'a été qu'un seul miracle rapporté différemment par divers auteurs. La province de Lycie et la ville de Myre étant affligées d'une très grande disette de blé qui les réduisait à une extrême famine, ce bon pasteur, qui regardait tous les maux de son peuple comme les, siens propres, connut par révélation qu'un riche marchand en avait plusieurs vaisseaux chargés dans un port de Sicile. Il lui apparut donc en songe et l'avertit de faire voile vers Myre, l'assurant que la nécessité y était excessive et qu'il y vendrait son grain tout ce qu'il voudrait, et, de peur qu'il ne crût que c'était une illusion, il lui mit dans la main trois pièces d'or pour denier à Dieu. Le marchand, les trouvant sur lui à son réveil et voyant bien que personne n'était entré dans sa chambre, crut à cette vision. Aussi il s'embarqua, porta son blé au port de Myre, le vendit à très haut prix et, en gagnant beaucoup, il soulagea extrêmement la ville. D'autres marchands, passant par le même port pour porter des blés à Constantinople, le Saint les pria d'en décharger une partie pour son peuple. Ils répondirent que cela leur était impossible, parce qu'ils devaient tout rendre à Constantinople exactement et par mesure. Mais il les assura que quelque quantité qu'ils lui laisseraient, ils trouveraient toujours leur compte où ils allaient. Sur cette assurance, ils vendirent une partie de leur blé à Myre. Et lorsqu'ils furent arrivés à Constantinople, ils trouvèrent sans aucune diminution toute la quantité qu'ils avaient chargée en l'embarquant. D'ailleurs, le Saint multiplia si prodigieusement les blés qu'il avait fait venir et achetés, que ce qui n'aurait suffi à son peuple que pour quelques jours, se trouva suffisant pour plus de deux années. Il avait un don particulier pour délivrer les innocents de la main des juges qui les avaient condamnés et de la puissance des princes dont, ils étaient près d'être opprimés. Tous ceux qui ont écrit son histoire racontent qu'étant un jour aux portes de Myre avec trois mestres de camp envoyés par l'empereur Constantin, il apprit qu'on allait faire mourir contre toute sorte de justice trois honorables habitants que le président Eustache, corrompu par argent, avait condamnés à mort. Il court aussitôt au lieu du supplice, et les ayant trouvés à genoux, les yeux bandés, les mains liées derrière le dos et prêts à recevoir le coup, il arrête le bourreau, lui ôte son épée, fait venir le juge, le reprend de l'iniquité de sa sentence et, se servant de l'autorité que lui donnait sa puissance épiscopale en vertu des ordres de l'empereur, il la casse entièrement et renvoie ces malheureux dans leurs maisons en pleine liberté. Ces mestres de camp furent présents à toute cette action, admirèrent la force et la générosité du saint prélat et le comblèrent de louanges. Lorsqu'ils furent de retour à Constantinople, quoiqu'ils eussent très bien servi l'empereur en Phrygie, ils ne laissèrent pas d'être accusés d'y avoir fait mal leur devoir et d'être entrés dans une conspiration contre l'État. Leur procès fut fait et, sur de faux témoignages, ils furent jugés criminels et condamnés à perdre la tête. Dans un danger si pressant, se souvenant de ce qu'ils avaient vu à Myre, et ne doutant point que saint Nicolas ne pût secourir les absents aussi bien que les présents, ils lui adressèrent leurs gémissements et leurs larmes, le priant de les assister au plus tôt dans le mauvais pas où ils étaient. Leur demande fut exaucée, car la veille de leur exécution, pendant qu'ils priaient la nuit, cet admirable évêque de Myre apparut en songe à Constantin et le menaça de grands châtiments s'il ne révoquait l'arrêt qu'il avait donné contre ces officiers innocents. Il apparut aussi à Ablave, son premier ministre, qui avait le plus appuyé leur condamnation, et lui fit de semblables menaces. Aussi, dès le matin, ce prince, les ayant fait revenir devant son tribunal, les renvoya absous. Il les chargea même de très riches présents pour saint Nicolas, afin qu'ils lui témoignassent par là leur reconnaissance de ce qu'il les avait délivrés de la mort. Ces présents furent un livre des Évangiles écrit en lettres d'or, un encensoir d'or massif et enrichi de pierreries, deux chandeliers d'or et des gants brodés d'or pour la messe pontificale. Cette histoire a donné sujet à ceux qui sont faussement accusés d'avoir recours à la protection de saint Nicolas. Il y aurait beaucoup d'autres merveilles à rapporter, pour faire voir qu'il était entièrement dévoué au secours des affligés. Mais nous nous contenterons de décrire encore la suivante que nul des historiens n'a omise : des matelots qui étaient à deux doigts de périr par la violence d'une tempête, ayant imploré de tout leur cœur sa puissante intercession, il se trouva à l'heure même dans leur vaisseau et leur dit : « Me voici, je viens à votre aide », Aussitôt il prend le gouvernail et se met à conduire le navire. Il commande à la mer et il en apaise les flots ; et, par ce moyen, il les mène jusqu'au port de Myre, où il disparut. Dès qu'ils furent débarqués, ils allèrent à l'église pour le remercier d'une si grande faveur, et l'aperçurent au milieu de ses clercs. Ils se jetèrent à ses pieds, lui firent le récit de ce qui s'était passé et lui en témoignèrent leur reconnaissance. Le Saint, confus de cet honneur, leur dit : « Rendez à Dieu, mes enfants, la gloire de cette délivrance ; pour moi, je ne suis qu'un pécheur et un serviteur inutile. C'est lui seul qui fait de grandes merveilles » Puis, les prenant en particulier, il leur fit connaître que ce péril leur était arrivé pour quelques péchés secrets dont ils devaient se corriger et faire pénitence. Car, entre les dons que cet homme céleste avait reçus de Dieu, celui de connaître les choses éloignées, les pensées du cœur les plus cachées et ce qui ne devait arriver que dans la suite du temps, était un des plus ordinaires. D'ailleurs, il avait un regard si doux et si charmant, et son visage était couvert d'une lumière si pure et d'un air de sainteté si admirable, que personne n'approchait de lui et n'avait l'honneur de sa conversation, qu'il n'en fût gagné à Dieu. Les hérétiques mêmes étaient touchés et souvent convertis par la vue de je ne sais quel éclat qui sortait de ses yeux. Mais la terre ne méritait pas de posséder plus longtemps un si grand Saint. Dieu lui déclara enfin que le terme de son pèlerinage et le temps de sa récompense approchaient. Il reçut cette nouvelle avec joie, et, pour se rendre plus digne des bénédictions de son maître, après avoir dit adieu à son peuple dans une messe pontificale, il se retira dans le monastère de la Sainte-Sion dont il avait été fait abbé. Ce fut là qu'une petite fièvre l'ayant saisi, il se fit administrer les sacrements ; puis, au milieu des archanges, des anges et des saints patriarches qui se rendirent visibles dans sa chambre, selon le témoignage de saint Michel l'Archimandrite, abbé du même lieu, en disant ces paroles du psaume XXXe : « Je remets, Seigneur, mon esprit entre vos mains », il mourut plein d'années et de bonnes œuvres. Saint Nicolas de Myre a été représenté : 1° debout, tenant un livre fermé ; 2° tenant sa crosse et un livre ouvert : à ses pieds trois bourses, rappelant celles qu'il donna pour marier trois filles pauvres ; 3° apparaissant à un seigneur ; 4° ayant à ses côtés trois enfants, qui sont dans un baquet ; 5° revêtu d'un curieux costume grec et tenant un livre sur lequel sont posées trois houles d'or, d'après une peinture de Sainte-Marie de la Paix, à Rome ; 6° Callot a traité le sujet de la translation des reliques du Saint, où l'on voit un bateau portant un cercueil, accompagné de six cierges ; 7° un album du moyen âge nous montre saint Nicolas en buste, tenant un livre magnifiquement relié, et bénissant de la main droite. Près le Saint, Jésus-Christ et sa Mère sur des nuages. Autour de la figure principale, seize médaillons représentant autant de sujets de la vie du Saint, depuis sa naissance jusqu'à la translation de ses reliques. On y remarque son baptême, son éducation, son entrée dans les ordres, le sujet des trois jeunes filles sauvées du libertinage où la misère allait les faire tomber ; marchant sur l'eau ; ses funérailles, etc. On y voit divers monuments curieux, des églises, un vaisseau, le tout peint sur un fond d'or, exécuté au XVIIe siècle, en Russie ; 8° invoquant la sainte Vierge en faveur des pestiférés ; 9° apparaissant à un empereur qui est malade ; 10° délivrant des possédés ; 11° jetant les trois bourses dans la maison du père des trois filles pour les marier. On voit, dans une chambre, le père dormant dans un fauteuil, et ses trois filles couchées à terre ; 12° couché mort sous un autel. Saint Nicolas est le patron des écoliers et petits garçons, des bateliers, pêcheurs, marins et mariniers, déchireurs de bateaux et débardeurs, voyageurs et pèlerins, brasseurs, tonneliers, ciriers, mal-jugés, (en mémoire de trois hommes condamnés injustement, et qu'il fit délivrer, dit-on, par Constantin). La lecture de sa vie donne l'explication de quelques-uns de ces divers patronages ; les autres ne s'interprètent pas tous aussi facilement.

CULTE ET RELIQUES.

Tout le peuple de Myre et toute la province de Lycie regrettèrent vivement la perte d'un pasteur si aimable et d'un si puissant protecteur. Son corps fut enterré dans l'église de son monastère, dans un sépulcre de marbre ; et il commença aussitôt à en couler une liqueur miraculeuse qui semblait de l'huile à l'endroit de la tête et de l'eau à l'endroit des pieds. Il en coulait encore une en 1719 ; mais elle ne paraissait que d'une sorte, et c'est ce qu'on appela la manne de saint Nicolas. Cette liqueur fut dès lors une source inépuisable de miracles, et elle attira à son tombeau une infinité de pèlerins, dont les uns venaient implorer son secours, et les autres le remercier des grâces qu'ils avaient reçues par ses mérites. Peu de temps après on bâtit des églises en son honneur ; entre autres, une à Rome, à la place du Temple de la Piété, qui était un monument de la vertu d'une fille païenne qui avait nourri du lait de ses mamelles son père ou sa mère arrêté en prison et condamné à y mourir de faim. C'était aussi le lieu où l'on recevait et nourrissait les enfants que leurs parents pauvres avaient exposés. Cette église est maintenant paroissiale et collégiale, elle a un titre de cardinal-diacre. La solennité de saint Nicolas commença dès lors à être fort célèbre dans la province de Lycie au 6 décembre ; et cette solennité abolit peu à peu la fête superstitieuse et abominable qui se faisait à Patare, sous le nom d'Apollon le Pataréen. Nous avons dans l'histoire de notre Saint plusieurs merveilles qui se firent depuis sa mort par son intercession. L'histoire suivante est une des plus mémorables que nous trouvions dans les Actes de l'Église : un jeune homme de Myre ou d'Essorande, en Lycie, dont les parents étaient fort riches et fort pieux envers le Saint, ayant été fait prisonnier par les Sarrasins, le jour même de sa fête, tomba entre les mains du roi de Babylone. Après un an d'esclavage, comme il servait à la table de ce prince, il jeta un profond soupir (c'était un de ces mouvements subits que la misère fait pousser sans faire réflexion devant qui on parle). Le roi lui demanda ce qu'il avait à soupirer. Il répondit qu'on faisait en ce jour la fête de saint Nicolas, et qu'il implorait son secours, afin qu'il l'assistât dans sa peine, comme il en avait assisté une infinité d'autres qui avaient en recours à sa protection. « A quoi penses-tu, misérable », lui répondit le barbare, « y a-t-il quelqu'un qui puisse jamais te délivrer de mes mains ? » A peine eut-il proféré ce blasphème, que cet homme fut enlevé par les cheveux, à la vue de tout le monde, et transporté à Essorande, où il fut rendu à ses parents, qui donnaient alors à dîner aux ecclésiastiques et aux pauvres, en l'honneur du saint évêque, pour obtenir de lui la délivrance de leur fils. Il arriva encore quelque chose de plus merveilleux à un seigneur lorrain, nommé Richecourt, qui était allé, vers l'an 1240, combattre les infidèles dans la Terre sainte. Ce seigneur ayant été fait prisonnier et enfermé durant plusieurs années dans une tour, chargé de grosses chaînes, se recommanda à saint Nicolas ; et, une nuit qui précédait sa fête, il fut enlevé de sa tour durant son sommeil, et, tout enchaîné qu'il était, apporté en son pays devant la porte de la célèbre église de Saint-Nicolas, près de Nancy. Ou invoque avec succès ce glorieux confesseur contre les accidents du feu, et nous pourrions en produire des exemples fort mémorables : mais il suffit d'ajouter qu'on ne l'implore pas avec moins de bonheur dans les pertes que l'on a faites et dans les larcins dont on a souffert ; témoin un vandale, qui, ayant été volé, recouvra tout ce qu'il avait perdu en le prenant pour son médiateur : ce qui lui fit embrasser la foi catholique avec toute sa famille. Le corps de saint Nicolas est demeuré à Myre jusqu'en l'année 1087. A cette époque, comme la ville était tombée au pouvoir des Turcs, des marchands de Bari, port du royaume de Naples, situé sur la mer Adriatique, formèrent le projet d'enlever le corps du Saint : ils se transportèrent à Myre, et, étant entrés dans l'église de Sion, y découvrirent ce précieux trésor. Ils le tirèrent de son sépulcre de marbre, l'enfermèrent, avec beaucoup de respect, dans une châsse qu'ils avaient préparée pour cela, et, l'ayant mis dans leur vaisseau, le transportèrent dans leur ville. Les Vénitiens étaient en chemin pour le prendre pour eux ; mais ceux de Bari eurent le bonheur de les devancer. Dès que les habitants de Bari se virent en possession de cette inestimable relique, ils lui firent bâtir une église magnifique, où, deux ans après, il fut transporté par le pape Urbain II, qui fit en même temps la consécration de ce temple. La liqueur miraculeuse, qui continue de couler des ossements du serviteur de Dieu, se distribue par toute la terre pour le soulagement des malades. Le pèlerinage en est fort célèbre et extrêmement fréquenté. Avant cette translation, la ville de Bari lui était déjà très dévote, et elle tient, par tradition, que saint Nicolas y est venu après le Concile de Nicée, et qu'il a prédit que son corps y serait honoré dans la suite des siècles. Il est aussi un des patrons et des protecteurs de la Lorraine, qui se tient infiniment riche de posséder dans la superbe basilique construite en son honneur, et autour de laquelle s'est formée la ville qui de son nom s'appelle Saint-Nicolas-de-Port, des fragments de ses saintes reliques. D'après l'inventaire du 8 mai 1856, ces reliques consistent en : 1° deux petits fragments d'os indiquant, par leur contexture, qu'ils proviennent d'os longs des membres ; 2° un fragment d'os paraissant provenir d'une portion de côté ; 3° un fragment un peu spongieux provenant probablement d'un os long et gros ; 4° un fragment presque aussi long que le petit doigt d'un adulte, et paraissant provenir d'une portion d'os de l'avant-bras ou du bras. On ne sait ce qu'est devenue la phalange de saint Nicolas, apportée par le chevalier Albert à Varangéville. Un petit fragment d'os du même Saint, et provenant du trésor de Saint-Nicolas-de-Port, est vénéré dans l'église de Charmes-sur-Moselle, au diocèse de Saint-Dié. Un grand nombre d'églises ont été bâties ou consacrées en son honneur. Dans le diocèse de Nevers, il est patron de la paroisse de Courcelles, proche Varzy. Le culte de ce saint évêque a été répandu de bonne heure dans le Nivernais. Nous trouvons dans la ville de Nevers un prieuré de Saint-Nicolas ; on autre prieuré, sous le même vocable, avait été élevé à La Charité-sur-Loire, au-delà des ponts. Le prieuré de Saint-Nicolas de Réveillon, proche Entrains, dépendait de l'Ordre du Val-des-Choux. La cathédrale de Nevers avait un autel dédié à saint Nicolas ; Prémery avait aussi une chapelle sous le même vocable, à l'entrée de la ville. Une chapelle de Saint-Nicolas, avec le titre de vicairie, existait dans l'église de Gimouille ; une autre, avec le même titre, dans l'église de Decize ; la collégiale de Varzy avait une chapellenie sous le nom de ce Saint.

Nous avons complété le récit du Père Giry avec l'Hagiologie Nivernaise, par Mgr Crosnier, et des Notes dues à l'obligeance de Mr. L’abbé J.-B. de Blaye et de M. l'abbé Guillaume, chanoine de Nancy. — Cf. Vie du Saint, par le Révérend Père Dom Joseph de l'Isle, prieur titulaire d'Hareville, Ordre de Saint-Benoît.

SAINTE ASELLE, VIERGE ROMAINE (410).

Saint Jérôme, en écrivant lui-même la vie de cette illustre vierge romaine, a immortalisé sa mémoire ; laissons-lui la parole : « Je veux taire », dit-il, « qu'elle fut bénie de Dieu dès le sein de sa mère ; que son père, dans une vision céleste, qu'il eut durant son sommeil, la vit sous la forme d'un globe de verre plus brillant et plus pur que tous les miroirs des mondains ; et qu'étant encore, pour ainsi dire, dans les langes, elle fut avant l'âge de dix ans consacrée au ciel et destinée le jouir de la béatitude éternelle. Laissons à la grâce les faveurs que cette Sainte n'a pu mériter par son travail. Dieu, qui dispose de tout par sa sagesse infinie, les dispense comme bon lui semble. Il sanctifie Jérémie avant sa naissance, il fait tressaillir Jean-Baptiste dans le sein d'Élisabeth, et il choisit Paul, dans ses décrets éternels, pour porter aux Gentils l'Évangile de son Fils, parce que tel est son bon plaisir. Mais venons à ce qu'elle a entrepris, à ce qu'elle a fait et à ce qu'elle a consommé après douze ans par le secours de cette même grâce. « Elle s'enferma, par le mouvement de l'Esprit-Saint, dans une cellule, où elle persévéra avec beaucoup de constance jusqu'à la fin de sa vie. Quelque étroit que fût ce lieu, elle y jouissait de toute l'étendue du paradis. La même place lui servait pour son oraison et pour y prendre son repos. Ses délices étaient de jeûner, l'abstinence faisait sa réfection ordinaire, et quand elle se voyait obligée, plutôt par une nécessité commune à tous les hommes, que pour contenter son appétit, de prendre quelque nourriture, du pain avec du sel et de l'eau froide étaient tout son aliment, et elle en prenait si peu, que sa faim en était plutôt excitée qu'apaisée. Dès qu'elle eut résolu d'embrasser ce genre de vie et de se consacrer tout entière à Dieu, elle se défit, sans attendre le consentement de ses parents, de ses joyaux et de ses chaînes d'or pour en acheter une robe simple et modeste, qu'elle ne pouvait obtenir de sa mère ; et, par ce pieux commerce, elle fit voir à ses parents qu'ils ne devaient pas attendre une vie mondaine de celle qui condamnait ainsi le siècle par ses habits. Elle vécut si solitaire et si éloignée de la conversation des créatures, qu'elle ne paraissait jamais en public. Elle évita toujours de parler aux hommes ; et, ce qui est admirable, elle se privait même de voir une sœur qu'elle aimait tendrement. « Elle employait ses mains à quelques ouvrages, pour ne point demeurer oisive ; mais, pendant son travail, elle s'entretenait avec son Époux céleste par la prière, ou elle publiait ses louanges en récitant des psaumes avec ferveur. Lorsque la solennité des fêtes, ou quelque dévotion particulière la portait à visiter les églises des saints Martyrs, elle s'y rendait sans être connue, et sa plus grande joie était de n'être vue de personne. Quoiqu'elle jeûnât une grande partie de l'année, et même qu'elle passât quelquefois deux et trois jours sans manger, elle faisait néanmoins une telle abstinence pendant le Carême, qu'on eût dit qu'il n'était tout entier qu'un seul jeûne. Malgré ces austérités, elle ne laissa pas de vivre jusqu'à cinquante ans, sans aucun mal d'estomac, sans douleur d'entrailles, sans ressentir aucun affaiblissement de ses membres, quoiqu'elle reposât toujours sur la dure, et sans que l'âpreté du cilice causât en elle la moindre difformité, mais jouissant d'une santé parfaite et d'une sainteté encore plus abondante. Elle était dans la solitude comme dans un paradis, et elle trouvait, au milieu des troubles de la ville, le repos que les solitaires vont chercher dans les ermitages. Il n'était rien de plus agréable que sa sévérité, ni rien de plus sévère que sa joie. Sa gaieté était triste et sa tristesse charmante. La pâleur qui paraissait sur son visage était un indice de sa pénitence, mais on n'y voyait rien qui ressentit l'ostentation. Ses paroles étaient si bien mesurées, qu'on pouvait dire qu'en parlant elle gardait le silence, et son silence était si judicieux, qu'en quelque façon elle parlait en se taisant. Son marcher était accompagné d'une modestie angélique. Elle était toujours vêtue de la même manière, avec une certaine négligence qui ne tenait rien de l'affectation, et cette même négligence était une propreté chrétienne qui condamnait le luxe et la pompe des personnes du monde. Enfin, par son égalité de vie, elle mérita seule d'être admirée de Rome entière, qui était alors une ville de plaisirs, de luxe et de magnificence, et où l'humilité passait pour une bassesse d'âme. En sorte que les gens de bien donnaient des éloges à sa vertu, et les libertins n'osaient l'attaquer par leurs calomnies ; les veuves la prenaient pour le modèle de leur perfection, les vierges tâchaient de l'imiter, les femmes mariées l'honoraient, les débauchés la redoutaient, et les prêtres la considéraient comme une merveille de sainteté ».

Ce récit est du Père Giry. — Cr. Saint Jérôme, Épîtres XV, CXV, CXL

SAINTE GERTRUDE OU GÉRÉTRUDE,FONDATRICE DU MONASTÈRE D'HAMAGE, AU DIOCÈSE DE CAMBRAI (649).

La Providence avait destiné la bienheureuse Gertrude à voir se former autour d'elle plusieurs générations de Saints, que l'Église aujourd'hui propose à la vénération et à l'admiration des fidèles. Elle n'est guère connue que par les enfants qui lui doivent le jour ; mais, comme dit la sainte Écriture, « la vertu des enfants fait l'éloge de ceux dont ils sont nés ». Sainte Gertrude était fille de Théobald, seigneur de Douai et parent des premiers rois mérovingiens. Elle épousa un seigneur appelé Rigomer, qu'elle paraît avoir perdu de bonne heure : de ce mariage naquirent plusieurs enfants, parmi lesquels les historiens signalent Erchinoald, Sigebert et Adalbaud. Le premier se distingua longtemps à la cour par les charges brillantes qu'il y remplit, et particulièrement par celle de maire du palais qu'il exerça sous la pieuse reine Bathilde. Sigebert épousa sainte Berthe et en eut plusieurs filles qui imitèrent fidèlement ses vertus. Après sa mort, son épouse se retira au monastère de Blangy, en Artois, à l'imitation de sa belle-sœur sainte Rictrude, veuve d'Adalbaud, qui se retira aussi au monastère de Marchiennes, après la mort tragique de son époux. Sainte Gertrude, lorsqu'elle vit ses enfants établis, alla finir ses jours, par les conseils de saint Amand, dans un oratoire bâti à Ramage ; plus tard, Eusébie, l’aînée des filles de saint Adalbaud et de sainte Rictrude, vint vivre auprès d'elle. Là, elle se livra à toutes les œuvres de la piété et de la charité, usant de son influence et de ses richesses pour soulager les pauvres, les malheureux, les affligés, et porter les hommes à la pratique des vertus chrétiennes. La vénérable veuve vécut ainsi jusque dans un âge très avancé, et eut à supporter, comme une dernière épreuve de sa vie si sainte, la perte douloureuse de son plus jeune fils Adalbaud, cruellement assassiné dans la Gascogne. Elle fit généreusement à Dieu le sacrifice de ce fils si cher, qu'elle alla bientôt rejoindre dans le ciel, à l'âge de plus de quatre-vingts ans. Sainte Gertrude laissa la direction de la naissante communauté d'Hamage à sa petite-fille Eusébie qu'elle avait formée elle-même à la vie religieuse. Son corps reposa dans le prieuré d'Hamage jusqu'en 686 : à cette époque, saint Vindicien, évêque de Cambrai et d'Arras, accompagné du bienheureux Hatta, premier abbé de Saint-Vaast, le leva de terre et le transporta dans la nouvelle église, bâtie, en l'honneur de Notre-Dame, par Gertrude II qui avait succédé à sainte Eusébie.

Vie des Saints de Cambrai et d'Arras, par M. l'abbé Destombes.

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