Vivre son célibat dans le monde d'aujourd'hui

De Salve Regina

Questions de morale sur le mariage
Auteur : P. Benedict Groeschel, O.F.M.
Source : Le courage d’être chaste, éditions des béatitudes
Date de publication originale : 1997

Difficulté de lecture : ♦ Facile
Remarque particulière : Ière partie : le défi d’une vie chaste (Chapitre 1)

Il y a quelques années une religieuse me partageait son expérience : inscrite à un cours d’université intitulé « La sexualité humaine », elle assistait au cours de façon anonyme. Personne ne savait qu’elle était religieuse. Pour des raisons cachées (et probablement inavouables), on a demandé aux étudiants de partager à toute la classe la rencontre sexuelle la plus sauvage qu’ils avaient connue. Notre sœur se résolut à tenir ferme et à reconnaître la terrible vérité – elle n’avait jamais eu d’expérience sexuelle.

Quand ce tour de ronde exhibitionniste arriva à elle, elle révéla son terrible secret. Les étudiants s’attendaient à tout sauf à cela ! Entre leurs sursauts ahuris et leurs ricanements sceptiques, elle parvint à expliquer qu’elle était religieuse. L’attitude du groupe changea alors totalement… Ses camarades de classe étaient ravis, frappés de respect et émus. Ils étaient tous d’accord pour dire qu’elle ne devait rien changer et ne jamais connaître aucune expérience. Même les plus délurés étaient impressionnés de savoir que quelqu’un, quelque part, avait réussi à garder son humanité tout en étant chaste pour le Royaume de Dieu.

Cet incident révèle l’attraction qu’exerce l’idéal de la chasteté sur ceux qui sont culturellement préparés à le rejeter, mais il n’en reste pas moins vrai qu’une personne mariée ou célibataire qui désire vivre une vie chrétienne chaste va rencontrer une opposition écrasante. En trente ans les films et autres divertissements sont passés d’une absence totale de sexualité à l’exploitation explicite de la convoitise. La plupart des confessions chrétiennes qui avaient clairement défini des codes de mœurs sexuelles ont adopté des attitudes partisanes du libre arbitre que l’histoire pourrait juger aussi sévèrement qu’elle juge la face cachée de la Renaissance Italienne ou du Siècle des Lumières en France.


Une définition utile de la chasteté

Les chrétiens célibataires, qu’ils soient jeunes ou vieux, doivent vivre à contre-courant de la forte marée de la décadence contemporaine. Je ne cherche pas à brouiller les cartes en ouvrant un débat sur le sens de la chasteté. Certains aspects de cette discussion théologique m’intéressent, mais peut-être est-ce seulement parce qu’ils pourraient me donner des occasions dangereuses d’utiliser le sarcasme et l’ironie, contraires à la charité. Je m’appuierai donc sur la définition chrétienne traditionnelle de la chasteté qui a été acceptée par toute une armée d’écrivains moraux et spirituels (nombre d’entre eux ayant été canonisés). Cette définition a été redonnée par le Pape Jean Paul II et se trouve clairement résumée dans la réflexion sur la moralité publiée par les évêques catholiques américains, Pour vivre en Jésus Christ[1], un document essentiel que l’on a malheureusement oublié. Ceci a été récemment redéfini sans ambiguïté par la Sacrée Congrégation pour l'Éducation Catholique[2].

J’utilise les termes célibat chaste et vie chaste de célibataire pour définir tout refus de rapport génital ou sexuel prégénital. Ils impliquent également la décision d’éviter toute relation personnelle ou toute affection humaine qui pourrait s’exprimer génitalement. Il s’agit d’une obligation pour tout célibataire consacré et pour toute personne qui se trouve dans l’impossibilité de contracter un mariage valide.

Le chrétien qui décide de rester célibataire a, en fait, opté pour le même choix de chasteté que le célibataire consacré. La chasteté pour l’ensemble des chrétiens signifie le refus d’une satisfaction sexuelle par auto-érotisme ou par un comportement dévié. Elle ne signifie pas isolement, rejet des amours ou des amitiés humaines, ni refoulement de certaines attitudes non-génitales, liées à l’expression de sa sexualité. La chasteté demande parfois des efforts héroïques pour affronter les aspects sombres et égocentriques de l’être intérieur.

Si vous n’êtes pas d’accord avec l’ensemble de cette définition, ce livre n’est pas pour vous. Si par contre vous vivez ou aimeriez vivre de ces valeurs chrétiennes qui s’enracinent dans les Écritures et dans la tradition de votre foi, ce livre peut vous aider.

Chacun sait que dans le mariage chrétien, les couples s’engagent aussi à une certaine forme de chasteté. Les combats des croyants mariés ou célibataires sont parfois très similaires. Nous considérerons dans ce livre seulement ceux qui souhaitent rester célibataires. Le mot chasteté s’appliquera parfois à l’état de célibat, mais il n’est pas nécessairement réservé exclusivement à cet état.

Les obstacles sur le chemin d’une vie chaste

Par deux fois au cours des dix dernières années, des écrivains satiriques ont fait paraître dans la Revue Littéraire du New York Times des titres imaginaires sur la chasteté, écrits par des écrivains imaginaires, une fois même par une nonne mythique. Dans les deux cas, ces livres se voulaient défenseurs ou guides de la chasteté dans le célibat. Ces titres imaginaires figuraient au milieu d’autres livres intitulés La Cuisine des Gourmets Aborigènes et Comment Construire votre Navette Spatiale.

Tout cela était très drôle, mais j’étais navré de constater le manque de sensibilité de notre époque. Les auteurs de ces satires étaient des gens civilisés qui, j’en suis sûr, n’ont jamais cherché à être blessants. Ils auraient cependant pu réaliser qu’un bon nombre de religieux lisent ces revues littéraires. Leurs grand-mères leur ont sans doute appris, comme l’a fait la mienne, qu’il est incorrect de se moquer des pratiques religieuses d’autrui. Il n’est sans doute jamais venu à l’esprit de ces écrivains et autres railleurs cultivés de la chasteté, qu’un certain nombre de personnes essaient de vivre cette vie qu’ils tournent en dérision.

Les moqueurs font partie de l’environnement (j’hésite à l’appeler culture) dans lequel seule l’infortune peut être à l’origine d’une vie de célibataire. Ceux qui déprécient la chasteté peuvent avoir une grande admiration pour saint François ou Mère Teresa, mais ils n’ont jamais compris que la chasteté fait partie intégrante de la dynamique de vie de ces personnes. Sans doute admirent-ils Ghandi, mais ils ignorent tout des combats qu’il a menés pour observer une entière chasteté alors que sa femme était toujours à ses côtés et très affectueuse. Un célibataire qui n’aura pas le mysticisme de saint François n’attirera que leur mépris.


Incompréhension et moquerie


Les réactions négatives que peut rencontrer le célibataire ne se limitent pas au mépris ; elles vont de la pitié au scepticisme. Quand il s’agit d’une personne jeune qui n’est pas dans une communauté religieuse, les amis et les parents vont vite imaginer qu’elle a un problème psychologique. Même les religieux et les hommes d'Église en âge de se marier peuvent s’entendre dire qu’il est temps de quitter leur communauté et de mener une vie normale dans le mariage. Les jeunes qui veulent tenter une vocation religieuse rencontrent diverses attitudes allant de la compassion au ridicule. La seule conclusion que nous pouvons tirer de tout cela est que la chasteté volontaire n’est pas une vocation pour les lâches.

Quelqu’un qui, à la suite d’une conversion religieuse, est déterminé à vivre chastement après une vie de plaisirs sensuels, hétérosexuels ou homosexuels, saura trouver où s’enracine l’amitié.

Il devra subir des tentatives délibérées visant à le faire chuter à nouveau dans les plaisirs de la chair. Saint Augustin décrit comment à l’âge de dix-sept ans il a essayé d’éloigner de la vie chrétienne un de ses joyeux compagnons, et combien il l’a regretté à la mort du jeune homme. Saint Augustin comprit alors qu’il n’avait pas été un véritable ami[3]. Pourquoi la chasteté suscite-t-elle une telle opposition ? Est­-ce le souci, très humain, de voir quelqu’un rater une partie importante de sa vie ? Je pense à cette délicieuse vieille dame juive qui avait demandé à son mari de m’emmener faire un tour et de m’expliquer « des choses » quand elle avait appris que, encore adolescent, j’allais rentrer au monastère. Est-ce une réaction de ceux qui sont en conflit avec eux-mêmes ; peut-être entendent-ils un appel à la chasteté qu’ils ne peuvent pas ou ne veulent pas accepter ? Ou est-ce encore dû à ce raisonnement américain faux et malsain qui méprise toute personne qui va à l’encontre des valeurs en vogue, parce que la théorie veut que si nous sommes tous d’accord, nous devons avoir raison ? Ou est-ce encore une pulsion qui vient des ténèbres de l’être humain et qui cherche à détruire tout ce qu’il y a de beau chez une autre personne ?

Je me souviens avoir travaillé avec un homme qui avait fait vœu de chasteté religieuse. Une de ses amies le poursuivait littéralement. Je pense que sa motivation consciente était d’apporter un peu d’amour dans ce qu’elle considérait comme une vie sans amour. Il finit par renoncer à son appel et tout abandonner pour l’épouser. Eh bien, aussi incroyable que cela paraisse, elle refusa de le voir après qu’il eût renoncé à ses vœux. Je ne voudrais pas accuser cette jeune femme d’intention mauvaise, mais je la suspecte d’avoir été inconsciemment motivée par le désir de détruire quelque chose qu’elle ne possédait pas.

Ce cas étrange m’a rappelé que j’avais lu dans les travaux de grands psychologues que la plupart des motivations sexuelles sont inconscientes et qu’elles peuvent par conséquent être dangereuses et autodestructrices. Celui qui choisit de se battre pour la chasteté doit chercher au-delà d’un simple besoin sexuel pour savoir quelles sont ses motivations. Le plaisir ou le renoncement au plaisir suffit rarement à justifier les plaisirs sensuels ou la chasteté.

Dag Hammarskjöld, un célibataire qui a essayé d’aller au-­delà de l’hédonisme de la vie quotidienne, a révélé dans son agenda, Markings, son combat pour demeurer chaste et ses motivations religieuses. Voici ce qu’il dit :

« Nous pouvons atteindre le moment où il nous devient possible de reconnaître et de comprendre le péché originel, cette action contraire du mal dans notre nature – c’est-à­-dire, bien que ce ne soit pas dans notre nature, cela en fait partie – ce quelque chose en nous qui se réjouit lorsque le désastre atteint la cause même que nous essayons de servir, ou lorsque le malheur touche ceux-là mêmes que nous aimons. La vie dans le Seigneur ne nous permet pas d’y échapper, mais seulement d’en avoir une plus vive conscience. Nous ne pouvons oser regarder ces ténèbres que lorsque nous nous mettons dans la pleine lumière de l’amour ; nous pouvons alors l’accepter, et souffrir consciemment de ce quelque chose en nous qui souhaite le désastre, le malheur et l’échec de tout ce qui sort de l’étroitesse de notre propre intérêt. C’est pourquoi une relation vivante à Dieu est la condition préalable à la connaissance de soi, qui permet de suivre le bon chemin, de se vaincre soi-même en se pardonnant. »[4]

La pathologie en cause

D’autres objections encore plus subtiles peuvent entraver la chasteté. La plus évidente est peut-être le fait de croire que la chasteté est un idéal impossible. La psychologie contemporaine, particulièrement dans sa forme « pop », a créé l’illusion que l’abstinence sexuelle était impossible, sauf dans le cas d’une pathologie grave.

Il ne fait aucun doute qu’une vie humaine sans sexualité est impossible. Définir la chasteté comme une vie sans sexualité serait renier la nature humaine. Les catholiques qui ridiculisent la chasteté réagissent en fait contre une définition dépassée de la chasteté. Mais si nous définissons la chasteté comme une vie dénuée de comportements génitaux volontaires, nous exprimons une réalité complètement différente. C’est le cas de beaucoup de personnes qui ne présentent aucun symptôme de pathologie grave.

Les inexactitudes de la psychologie pop et son besoin de rassembler un large auditoire expliquent pourquoi les écrivains populaires font rarement de distinction en faveur d’un célibat sain. Des psychologues plus avisés comme Erik Erikson ont fait cette distinction il y a déjà longtemps. Dans son œuvre classique Childhood and Society[5] écrit en 1950, Erikson envisageant la reproductivité comme une forme de maturité, écrit :

« Alors que la tradition philosophique et spirituelle suggère le renoncement au droit à procréer ou à produire, ces personnes se tournent précocement vers les causes "fondamentales", lorsqu’elles sont engagées dans des mouvements monastiques ; cette tradition s’efforce de mettre en place à la fois le lien entre le soin porté aux créatures de ce monde et la charité qui est censée le transcender. »

Même si beaucoup de célibataires ont largement contribué au bien-être de l’humanité tout en menant des vies heureuses et créatrices, le parti-pris demeure que toute vie sans sexualité génitale provient soit d’une mauvaise information, soit d’un handicap psychologique. Il ne fait aucun doute que, dans toute vie humaine normative, l’individu mûr échange sincèrement de l’amour et de l’affection avec un partenaire de l’autre sexe et partage beaucoup d’aspects de sa vie, tout particulièrement dans la haute tâche d’élever la génération suivante. La sexualité génitale est une composante de la vie de la plupart des êtres humains, et c’était certainement sa finalité première. Mais comme le souligne Erikson, on peut utiliser son énergie pour prendre soin des enfants des autres ou pour rechercher Dieu comme premier objet de ses désirs. Ceci peut être le but de célibataires chrétiens qui veulent vivre l’Évangile.

Il est important de ne pas oublier que des personnes qui poursuivraient des buts non-religieux comme la science ou la création, ont renoncé au mariage et apparemment à toute sexualité génitale. Même si ce n’est pas là le sujet de ce livre, ces personnes donnent d’autres exemples de célibat positif et créatif.

Le matraquage sexuel

Tous les célibataires, et en fait tous les chrétiens qui vivent un certain engagement à la chasteté avant et pendant le mariage, vivent dans un monde de matraquage sexuel permanent, par la publicité, les médias et les loisirs. Il ne fait aucun doute que cela rend une vie chaste encore plus difficile. Quelques personnes s’en sortent par un retrait sélectif de la vie, ce qui n’est pas la meilleure façon de traiter le problème. Il vaut mieux être offensif que défensif, et affirmer ses préférences fermement en faisant savoir aux autres lorsque quelque chose constitue une offense ou une atteinte personnelle.

L’une des hypothèses la plus durable et probablement la moins valable de notre civilisation est sans doute celle qui consiste à croire que les rapports sexuels procurent le bonheur. Les médias se chargent de claironner le message, « le sexe apporte le bonheur ». Si cela était vrai nous vivrions dans un paradis sur terre et le monde serait Happy Valley[6].

Je suppose que la moitié des personnes que vous rencontrez dans un bus ou dans un centre commercial, ou même à l’église le dimanche, ont eu des rapports sexuels génitaux au cours des jours précédents. En tant que vieux célibataire je peux vous dire qu’ils ne sont pas tous si heureux. Si le sexe apportait le bonheur, le monde brillerait comme le soleil, au moins la moitié du temps. Les célibataires n’essaient pas de se convaincre que le célibat dans la chasteté est la voie de la béatitude terrestre, mais ils ne veulent pas non plus être privés de la clé du bonheur. S’il existe une clé du bonheur, elle n’est certes pas dans les expériences sexuelles.

La solitude

La solitude – ou conscience douloureuse du besoin de compagnie et de soutien – est sans doute l’un des plus grands obstacles à la chasteté dans la vie de célibataire. De toute évidence le célibataire doit apprécier la solitude, le fait de se retrouver seul. De plus le célibataire doit avoir appris à dépasser cette solitude lorsqu’elle devient une charge.

Et pourtant les meilleures choses de la vie sont souvent organisées pour les couples – y compris les activités religieuses ou en paroisse. Les réceptions, les loisirs, les congés et les vacances rendent souvent la solitude encore plus difficile. Nous verrons plus loin comment un célibataire doit organiser sa vie de façon énergique pour que la solitude ne soit pas une porte ouverte à des désirs ou même à des pulsions sexuels.

 

Le stigmate du célibat

Nous avons déjà vu comment une psychologie mal exercée pourrait amener le célibataire à se sentir handicapé. Ceci vient se surajouter au fardeau de ceux qui doivent leur célibat à la seule malchance, ou en tous cas qui ne l’ont pas choisi. En général on n’inclut pas dans ce groupe les prêtres et les religieux, bien que j’aie déjà rencontré ce sentiment chez certains religieux qui souhaiteraient recommencer leur vie.

Il ne fait aucun doute que bon nombre de célibataires auraient préféré se marier, mais l’occasion ne s’est jamais présentée ou, si elle s’est présentée, elle ne leur a pas semblé bonne. D’autres sont veufs ou divorcés et ne souhaitent pas se remarier. Dans le cas d’un divorce, le remariage peut ne pas être possible à cause de principes moraux et de l’enseignement de l'Église. Pour d’autres le mariage ne leur paraît pas possible, parce qu’ils reconnaissent leur faiblesse psycho-sexuelle, ou bien leurs attirances homosexuelles. Certains souffrent en silence de désirs sexuels aberrants et ne veulent pas compromettre le bonheur de quelqu’un avec leur problème. Beaucoup d’autres souhaitent simplement garder leur indépendance.

J’ai rencontré il y a quelques années une jeune femme très séduisante, qui participait très activement au renouveau charismatique. Nous l’appellerons Marianne. Marianne était profondément engagée dans la vie spirituelle et, en toute connaissance de cause, Marianne avait accepté dans la paix et même dans la joie d’avoir à vivre chastement dans le célibat. Sans aucun regret, elle entra avec reconnaissance dans cet engagement de chasteté.

Quelques années avant de se convertir à cette vie chrétienne, Marianne avait eu plusieurs relations homo­sexuelles. Elle avait vécu sur le seuil discret et respectable de la société « gay ». Personne, en rencontrant cette jeune femme maintenant, ne pourrait lui trouver l’air malheureux ou frustré. Sa personnalité dégage de la détermination, une image positive d’elle-même, l’acceptation de ce qu’elle est, ainsi qu’un souci réel des autres. Et ce n’est pas une façade. Marianne peut prouver qu’une vie chaste peut être épanouissante, créative et joyeuse.

La vocation du disciple chaste

Quelques soient leurs motifs du départ, beaucoup de célibataires que nous avons cités sont des chrétiens convaincus et veulent mener une vie chaste. Ils ont pu dans le passé étourdir leur tentation en se livrant à l’auto-érotisme, ou à des aventures qui n’avaient aucun caractère d’engagement, ou autres comportements insatisfaisants ou moralement opposés. Le choix du célibat leur apportera non seulement la paix avec Dieu, mais aussi un certain sens de l’intégrité et de la noblesse de la vie. Il leur apprendra également, mieux que quoi que ce soit, à avoir toute confiance dans la grâce du Christ et à comprendre la nécessité d’être sauvés de nous-mêmes. Une vie de célibataire non choisie et défigurée par des comportements non chastes est vraiment une grande tristesse. Une vie de chasteté baignée dans l’amour de Dieu et des autres et dans la prière, est la façon la plus estimable d’être disciple, quels que soient les facteurs personnels qui ont poussé la personne à être célibataire.

La différence est évidente entre la vie de couple et le célibat chaste. Le mariage peut être une façon noble d’être disciple du Christ, même si la décision au départ n’était pas très fondée ; les époux peuvent se convertir ensemble et grandir ensemble dans le Christ. La sexualité qui peut être un peu plus que l’expression d’un besoin ou d’une dépendance peut devenir l’expression profonde de la présence sacramentelle du Christ dans une relation d’amour humain. Même si le couple n’atteint pas ces hauteurs, leur relation peut être un combat sincère pour rester disciples, avec des joies et des chagrins, des échecs et des succès vécus ensemble.

De même, quelqu’un qui a choisi le célibat peut ne pas l’avoir du tout envisagé comme un chemin de disciple. J’ai rencontré des prêtres et des religieux qui ne prêtaient guère attention au vœu de chasteté avant de le prononcer ; il était simplement inclus dans le prix de leur admission à la vocation. Le célibataire, laïc ou religieux, peut voir soudain ses efforts de chasteté menacés ou ruinés. C’est alors l’occasion d’une conversion réelle et d’un engagement profond. Même si c’est difficile de mener une vie de célibataire équilibrée, cela en vaut la peine ; il faut de l’intuition, une bonne connaissance de soi, un esprit énergique, et une grande confiance dans la grâce de Dieu. En un mot, une vie chaste – tout comme un mariage chrétien solide – est vraiment un chemin de disciple.

En écrivant ce livre, je me suis inspiré de l’expérience de beaucoup de personnes qui essayent de vivre une vie chaste, malgré tous les obstacles dont nous avons parlé ; je me suis également inspiré de ma propre expérience de ce combat. Pour tous les chrétiens, mariés, célibataires ou religieux, la chasteté n’est pas seulement une lutte contre des besoins et des pulsions physiques. Elle s’intègre dans un effort plus large de recherche de Dieu au-delà et à travers toute chose. La chasteté est un aspect de la pureté d’esprit et de cœur, de pensée et de désir. Comme toute chose dans la vie qui en vaille la peine, la chasteté est un combat qui a ses récompenses. Elles sont résumées dans la béatitude « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt V, 5).


Notes et références

  1. Conférence Nationale des Evêques américains, Washington D.C. Conférence Catholique américaine, 1976.
  2. Educational guidance in human love, Saint Paul Editions, 1983.
  3. Cf. Les Confessions, saint Augustin, Traduction d’Arnaud d’Andilly, Gallimard,1993.
  4. Markings,  : Alfred A. Knopf, 1966, pp. 127-128.
  5. N.D.T. : Enfance et Société. Norton (2ème édition), 1963, p. 268.
  6. La vallée du bonheur.
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