Le dimanche : Différence entre versions

De Salve Regina

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Pistes de lecture :

  • Catéchisme du Concile de Trente. DMM, 1991, p. 377-388.
  • Jean-Paul II. Lettre apostolique Dies Domini (Le Jour du Seigneur). Téqui, 1998. 90 p.
  • En règle générale, les commentaires du 3e commandement de Dieu ou du 1er commandement de l’Église dans les catéchismes et traités de morale.
  • Beck Robert. Histoire du dimanche de 1700 à nos jours. Éditions de l’Atelier, 1997. 383 p. (Auteur vraisemblablement non catholique).
  • Dimanche, le jour suspendu. Autrement, 1989, p. 87-120. (Recueil d’articles traitant de l’évolution de la législation sur le dimanche de 1793 à la loi actuelle de 1906. Par des auteurs non catholiques).
  • Viguerie, Jean de. Le catholicisme des Français dans l’ancienne France. Nouvel éditions latines, 1988, p. 67-70.




Réfléchir sur le dimanche revêt un caractère actuel particulièrement fort étant donné les attaques d’ordre économique et culturel qui se multiplient contre son caractère chômé entraînant une baisse toujours plus alarmante de la pratique dominicale. Devant le recul de sa sanctification dans les pays occidentaux, Jean-Paul II a multiplié les exhortations à méditer sur le caractère sacré du dimanche, lui consacrant une lettre apostolique entière, ce qui n’avait encore jamais été fait, et invitant à réfléchir sur notre pratique dominicale jusque dans sa dernière lettre apostolique Mane nobiscum Domine qui ouvrait l’année de l’Eucharistie en octobre 2004. L’exhortation a déjà été reprise plusieurs fois par Benoît XVI (notamment aux JMJ).


I.— Histoire et signification du dimanche chômé

1) La Création

Au 6e jour de la Création, Dieu crée l’homme et lui confie le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder, fondant ainsi son travail qui ne deviendra pénible que par la conséquence du péché.

« Au septième jour, Dieu conclut l’ouvrage qu’il avait fait et, au septième jour, il chôma » (Genèse, 2, 2). Le repos de Dieu après l’œuvre des six premiers jours de la Création ne peut pas être interprété comme une sorte d’inaction puisque Dieu ne cesse d’être à l’œuvre dans la Création et que l’acte créateur est par nature permanent. Ce repos exprime plutôt la pause de Dieu devant la plénitude de la réalisation accomplie, un regard contemplatif plein d’une joyeuse satisfaction devant la bonté de l’œuvre (« Dieu vit que cela était bon »). Dans Dies Domini (§11-12), Jean-Paul II voit dans ce repos de Dieu au 7e jour le regard déjà sponsal de Dieu envers l’humanité avec laquelle il veut nouer l’Alliance qui se réalisera progressivement, d’abord avec l’Israël de l’Ancien testament, puis avec l’Église.


2) Le sabbat juif

Le sabbat n’est institué qu’après la libération d’Égypte. Ce mot hébreu signifie “cessation”, “repos”.

Il est ordonné par Dieu dans le 3e des commandements du Décalogue :

« Souvenez-vous de sanctifier le jour du Sabbat. Vous travaillerez et vous ferez tous vos ouvrages pendant six jours, mais le septième jour est le sabbat du Seigneur votre Dieu. Vous ne ferez aucune œuvre servile en ce jour, ni vous, ni votre fils, ni votre fille, ni votre serviteur, ni votre servante, ni vos bêtes de somme, ni l’étranger qui est parmi vous. Car le Seigneur a fait en six jours le ciel, la terre et la mer et tout ce qu’ils renferment et il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat » (Exode, 20, 8-11)

Dans les deux textes bibliques qui énoncent le Décalogue (Exode et Deutéronome), deux raisons commémoratives sont données à la suite du 3e commandement pour en expliquer la raison : la mémoire du 7e jour de la Création et celle de la délivrance d’Égypte, préfiguration du salut (Exode, 20, 11 et Deutéronome, 5, 15).

Plus tard, Dieu ordonne : « Observez mon sabbat, parce qu’il est le signe de l’alliance qui existe entre Moi, vous et toute votre postérité, afin que vous sachiez que c’est moi qui vous sanctifie » (Exode, 31, 13). Le signe de l’Alliance entre Dieu et les hommes est ici clairement affirmé. Le sabbat juif est déjà un repos ordonné au culte de Dieu, à l’Alliance entre Dieu et les hommes.

Ce culte vient comme aboutissement et achèvement du travail de la semaine. Le Catéchisme de Trente précise que ce commandement ordonne de « ne jamais perdre de vue le jour de Fête pendant notre travail », jour où nous devons « rendre compte à Dieu de nos actions et de notre travail de la semaine ».

Le Concile de Trente insiste aussi sur le caractère unique de ce 3e commandement. En évoquant le culte divin et la vertu de religion, il énonce un droit naturel, commun à tous les peuples et qui ne peut être aboli. En étant inscrit parmi les commandements, le principe de réserver un jour de la semaine à Dieu n’est pas une simple disposition de discipline ; c’est « une expression constitutive et indispensable du rapport avec Dieu » (Dies Domini, §13). Mais en fixant un jour plutôt que tel autre pour ce culte, le 3e commandement énonce aussi une loi cérémonielle, disciplinaire et non morale, qui peut évoluer avec le temps, et qui aurait pu être inscrite parmi les innombrables préceptes cultuels juifs si elle n’avait eu ce caractère constitutif de notre rapport à Dieu. Le Catéchisme de Trente montre que ceci est la raison pour laquelle l’Église a pu modifier ce précepte, dès les temps apostoliques, pour réserver au culte divin un autre jour que le sabbat, le dimanche.


3) Substitution du dimanche au sabbat

La substitution du dimanche au sabbat est attestée, et sans doute généralisée, dès le temps des Apôtres. C’est en effet, un « lendemain du sabbat » que le Christ ressuscite, qu’il se fait reconnaître par saint Thomas, et que le Saint-Esprit descend sur les apôtres à la Pentecôte.

Cette substitution parachève la signification spirituelle que contenait déjà le sabbat juif. Elle établit un parallèle théologiquement très riche entre le 1er jour de la Création où Dieu sépara la lumière des ténèbres et la nouvelle création dont la Résurrection constitue les prémices qui parviendront à leur achèvement à l’issue du Jugement dernier lorsque tous les élus jouiront du repos éternel en Dieu. Selon Saint Augustin, le dimanche est autant le 1er jour de la semaine, jour de la Création et de la Résurrection, que le 8e jour, « siècle à venir » au-delà du temps, annonce de la vie éternelle.


(A titre de parenthèse, on ne peut qu’être frappé de la ressemblance entre la façon dont s’est constitué le calendrier de l’ère chrétienne et dont se constitue de nos jours un calendrier profane. L’ère calendaire chrétienne s’est d’abord mise en place en modifiant le sens des jours, du sabbat et du dimanche principalement et ce n’est qu’au bout de six siècle de christianisme qu’on a commencé à compter en années avant et après la naissance du Christ. La Révolution française a tenté deux fois de créer une nouvelle ère en fondant immédiatement un nouvel an 1, d’abord 1789 puis 1793. La brutalité de cette réforme la fait échouer. Mais aujourd’hui, on assiste à l’institution souvent très officielle par les Ministères, par Bruxelles, l’Onu ou l’Unesco de journée en l’honneur de tel ou tel motif profane : journée de la femme, journée du travail, fête de la musique, journée du patrimoine, semaine du goût… qui devient bien souvent un calendrier plus familier à nos contemporains déchristianiser que le calendrier chrétien. Le Singe de Dieu aurait-il retenu les leçons de son échec de la Révolution ?)


Selon la signification théologique du dimanche, la messe, en renouvelant le sacrifice rédempteur du Christ, et le sacrement de l’Eucharistie, en réalisant dès ici-bas notre union au Christ par la communion sacramentelle ou spirituelle, constitue dès lors le cœur du culte rendu à Dieu le jour qu’il s’est réservé. L’Eglise n’a cessé de proclamer avec une force croissante cette obligation d’adorer Dieu le dimanche par l’assistance à la messe. Dès les temps apostoliques (« Ne désertez pas votre propre assemblée » (Épître aux Hébreux, 10, 25), puis à travers des Conciles particuliers au 1er millénaire, et enfin dans le Code de droit canon depuis 1917.


Pendant trois siècles, la sanctification du dimanche s’est faite au prix de nombreux sacrifices puisque le caractère chômé du dimanche n’existait dans aucune région de l’Empire romain avant un édit de 321 donné par Constantin, 1er empereur chrétien.

Depuis cet édit, l’Église a toujours rappelé aux princes et chefs d’État leur obligation d’assurer le respect du dimanche. Le nouveau catéchisme de Jean-Paul II rappelle cette obligation : « Les chrétiens ont à faire reconnaître les dimanches et jours fériés de l’Église comme des jours fériés légaux » (§ 2188).


4) Raisons légales du dimanche chômé en France

La France n’a malheureusement pas toujours répondu aux demandes de l’Église. Depuis le XVIIIe siècle, s’est développé tout un courant favorable au travail le dimanche. Le caractère chômé du dimanche n’est aujourd’hui garanti que par la loi du 13/07/1906, d’esprit laïciste, votée par les mêmes députés qui votèrent la Séparation de l’Église et de l’État.

Au XVIIIe siècle, les “Philosophes” développent un argumentaire économique en faveur du travail du dimanche. L’article “Dimanche” de l’Encyclopédie explique que le dimanche doit être travaillé pour l’enrichissement de tous.

1793-1805 : calendrier républicain instituant décadi contre le dimanche.

1802-1814 : dimanche chômé garanti seulement pour les fonctionnaires.

1814 : les Bourbons rétablissent le caractère chômé du dimanche ; une ordonnance et une loi prévoient des sanctions contre ceux qui font travailler le dimanche.

1830-1880 : depuis Louis-Philippe d’Orléans, les sanctions prévues par les lois de 1814 ne sont plus exécutées. Dans les régions les plus industrialisées, la pratique dominicale recule rapidement au point de faire place à une culture contestataire du “Saint-Lundi” préféré au dimanche dans certains milieux ouvriers. Les zones rurales sont moins touchées.

1880 : abolition des lois de 1814. Le dimanche peut être travaillé comme tout autre jour, l’employeur est juge d’accorder ou non un jour de repos hebdomadaire et libre de fixer ce jour.

1880-1906 : fort mouvement de contestation de la loi de 1880. Les efforts des députés catholiques sociaux échouent pour rétablir la loi de 1814. Leur défense du caractère familial du dimanche trouve cependant des échos à gauche. Des arguments hygiénistes et économiques vantent les bienfaits strictement naturels d’un repos hebdomadaire (temps pour refaire ses forces physiques, entretien de la santé par les promenades dominicales…). Quelques assouplissements de la loi de 1880 sont alors obtenus en faveur des femmes et des mineurs. Ce n’est qu’après la séparation de l’Église et de l’État qui leur donnait une sorte de caution anticléricale auprès de leurs électeurs que les députés concèdent un jour de repos fixé au dimanche pour tout le pays. L’idée d’accorder un jour de repos hebdomadaire librement fixé par les employeurs ou élus locaux est abandonnée pour simplifier le travail de l’Inspection du travail, le dimanche n’est accepté que parce que c’est le jour le plus communément accordé pour les femmes et mineurs et par les entreprises qui donnent déjà un jour de repos. La déchristianisation est déjà suffisamment avancée pour que le dimanche ne revêtent plus pour certains qu’un caractère de jour pour la fête ou la famille. La loi de 1906 n’est vraiment appliquée qu’après la guerre de 14-18.

Depuis la fin des années 1980, se développe une pression des grandes surfaces (hors commerce de bouche dans un premier temps) puis de tout type de commerce pour obtenir une libéralisation ou suppression de la loi de 1906. Outre la rentabilité économique et l’augmentation des emplois, les arguments invoqués reprennent l’argument familial de 1906 en le détournant : cela répondrait à une demande des consommateurs pour faire leurs courses de loisirs et leurs activités culturelles en famille le dimanche. Un rapport du Conseil économique et social en 1989 a cependant détruit chacun de ces arguments : l’abolition de la loi de 1906 entraînerait la destruction des commerces de proximité, l’affaiblissement financier des fournisseurs, le développement du consumérisme et l’exclusion familiale et sociale des employés du dimanche. D’où le statu quo législatif actuel…


II.— La sanctification du Dimanche par la messe

Malgré sa très grande faiblesse, le fondement légal du dimanche chômé nous permet cependant de le vivre de façon pleinement catholique par l’assistance à la messe et par le renoncement aux œuvres serviles.


Obligation de la messe dominicale (et les jours de fête)

L’assistance à la messe peut être bien sûr quotidienne. La charte Domus Christiani invite à une assistance une fois par semaine hors dimanche, mais la particularité du 3e article du Décalogue et du 1er commandement de l’Église est d’exiger un culte extérieur public rendu à Dieu le dimanche.


Rappel : Sont assimilés au dimanche certains jours dit fêtes d’obligation. Le code de droit canon prévoit que certaines fêtes doivent être solennisées et chômées comme un dimanche. Il s’agit de Noël, la Circoncision (1er janvier, remplacée par la fête Maternité divine de ND dans le calendrier moderne), l’Épiphanie, l’Ascension, la Fête-Dieu, l’Immaculée conception, l’Assomption, la saint Joseph, la fête des Saints Pierre et Paul, la Toussaint. Le droit particulier accordé à certaines régions tolère la réduction du nombre de ces fêtes : en France, nous n’avons plus que Noël, l’Ascension, l’Assomption et la Toussaint depuis le concordat de 1801. Ainsi, même si le 1er janvier est chômé, il n’est pas fête d’obligation pour les Français ; mais par dévotion, il est préférable de le fêter comme un dimanche.


Conditions morales pour observer ce précepte :

  • l’intention d’entendre la messe pour rendre un culte à Dieu.
  • une présence véritable assurant un culte public, extérieur et social (d’où l’absence de satisfaction du précepte en suivant la messe à la radio ou à la télévision sinon pour ceux qui sont légitimement empêchés et qui s’en servirait comme d’une aide à prier, cf. rappel de Jean-Paul II dans Dies Domini, § 95). L’assistance à la messe suppose d’être présent au minimum de l’Offertoire à la Communion des fidèles, sans quoi le précepte dominical n’est pas rempli. La dévotion incite naturellement à être à l’heure et à ne pas partir sans action de grâce !
  • dans tout rit pourvu qu’il soit reconnu catholique par Rome.


Déroger à la messe dominicale délibérément, en pleine possession de ses moyens physiques, sans dispense de son curé ou de son confesseur, est une faute grave.

En cas d’impossibilité d’assister à une messe, il faut « s’adonner à la prière durant un temps convenable, seul ou en famille » (Code de droit canon, canon 1248). La lecture de la messe (ordinaire et propre) est généralement recommandée.


III.—La sanctification du dimanche par le renoncement aux œuvres serviles

L’abstention de toute œuvre servile est le second pilier de la sanctification du dimanche.

Pour occuper saintement le reste du dimanche, à l’écart des œuvres serviles et à l’abri de l’oisiveté ou de l’ennui (stigmatisé par de nombreux opposants au dimanche depuis le XIXe), l’Église recommande traditionnellement un certain nombres d’œuvres pieuses qui peuvent se faire en famille.


Instruction religieuse

Le Catéchisme de Trente insiste sur le fait que : « [Le dimanche, les fidèles] doivent aussi écouter avec attention et exactitude les instructions religieuses ».

Depuis le Concile de Latran IV (1215), la prédication publique le dimanche s’est fortement développée. Longtemps sermons et catéchismes se font le dimanche après la messe, voire l’après-midi (cf. conférences de l’Avent et du Carême).

Le prône ou l’homélie tendent cependant à devenir systématique pendant la messe dominicale depuis la fin de l’époque moderne. Elle est rendue obligatoire les dimanches et jours de fête par la constitution Sacrosanctum concilium de Vatican II (1963, § 52).

La charte de Domus Christiani invite à une heure de lecture spirituelle par semaine. Cela peut se faire plus facilement le dimanche et entre dans la tradition des pratiques recommandées par l’Église pour le dimanche. De même, le catéchisme (leçons ou révisions des leçons) peut se faire idéalement le dimanche avec les enfants.


Vêpres

Aucune obligation canonique, même légère, à assister aux Vêpres n’existe. Mais on ne peut ignorer que cette pratique a été très répandue aux temps d’une plus forte christianisation, ni surtout oublier les exhortations contemporaines :

  • dans Mediator Dei (1947), Pie XII écrit  : « L’Église, il est vrai, ne prescrit aux fidèles que l’abstention du travail servile et l’assistance au sacrifice de la messe ; elle ne donne aucun précepte pour l’office du soir (vêpres), mais elle ne l’en recommande pas moins avec insistance et elle ne l’en désire pas moins ». (éd. Téqui, 1997, p. 88-90).
  • exhortation de Pie XII reprise à Vatican II dans Sacrosanctum concilium, § 100, qui ajoute que les fidèles peuvent, d’ailleurs, réciter les Heures individuellement, ce qui peut être à retenir pour nous qui ne pouvons pas toujours trouver des vêpres dans nos paroisses.


Il faut remarquer que toutes les activités pieuses précédemment évoquées peuvent être faites en famille (les enfants de moins de 7 ans ne sont pas soumis à l’obligation de la messe). Chapelet, pèlerinage peuvent y être ajoutés et sanctifier largement le dimanche. L’Église a également toujours insisté sur les œuvres de miséricorde, aumônes, visites aux malades qui peuvent plus facilement se faire le dimanche.

La charte de Domus Christiani invite à se préparer à la messe du dimanche en famille. Cela peut se faire le samedi soir si on dispose de trop peu de temps le dimanche matin avant la messe.


Activités familiales

Ces activités pieuses recommandées par l’Église ne suffisent cependant pas à occuper tout le dimanche. Le clergé a toujours essayé de moraliser les activités non pieuses du dimanche, notamment en luttant contre les bals, cabarets et spectacles (théâtre longtemps interdit le dimanche). Pour cela, les vertus des activités en famille (repas, promenades, visites aux parents isolés ou malades, etc) sont fortement mises en avant par le clergé à partir du XVIIe siècle et dans la continuité de ce courant le nouveau catéchisme ajoute en fin de chapitre sur le 3e commandement que « les chrétiens sanctifieront encore le dimanche en donnant à leur famille et à leurs proches le temps et les soins difficiles à accorder les autres jours de la semaine » (CEC, § 2186).

Ce discours pro-famille développé par le clergé puis les catholiques sociaux nourrit et influence un discours qui n’est pas sans influences sur les députés de 1906

On notera que le dimanche est un jour où les enfants peuvent davantage bénéficier de la présence de leur père et qu’il importe d’en avoir conscience en leur manifestant cette plus grande disponibilité.

Mais cette vie familiale plus intense du dimanche n’est pas la priorité du point de vue de l’Église. De ce fait, il serait absurde de chercher à travailler le dimanche sous prétexte d’obtenir de son entreprise des compensations horaires permettant d’être plus présent en semaine auprès de sa famille.


L’abstention des œuvres serviles

Une fois les devoirs religieux accomplis, les activités familiales elles-mêmes peuvent ne pas suffire à occuper tout le dimanche. Il n’est pas rare que des obligations professionnelles ou des activités manuelles s’offrent ou s’imposent à nous le dimanche. Quel travail tolérer le dimanche ?


Le Catéchisme du Concile de Trente explique que la sanctification du dimanche passe par la cessation des travaux du corps et des affaires temporelles. « Les œuvres serviles de toute espèce sont défendues en ce jour, non parce qu’elles sont indignes ou mauvaises de leur nature, mais parce qu’elles seraient capables de détourner notre esprit du service de Dieu qui est la fin du précepte » (Catéchisme de Trente, p. 385).

A l’époque de la plus forte pratique dominicale en France (1680-1750, d’après les rapports des visites pastorales des évêques dans les paroisses de leur diocèse et la mise en œuvre de la législation royale sur le dimanche), les évêques accordent explicitement des exceptions au repos du dimanche en vertu des prescriptions mêmes du Christ : « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat » (Marc, 2, 27). Les préceptes sabbatiques rigoureux de la loi juive sont tombés. Sauver une bête, une moisson et plus encore un homme est parfaitement licite. Les menus travaux utiles à la sanctification du dimanche sont tolérés. Actes judiciaires, marchés, foires, ventes publiques sont exclus depuis l’édit de 321 mais les exceptions se multiplient pour les petits commerces. Pour le boulanger, le travail n’est toléré avant la Révolution qu’à condition de ne vendre que du pain et non des gourmandises (certains diocèses interdisent son travail). Pour saint Alphonse de Liguori, travailler moins de 2 heures 30 un dimanche n’est pas une faute grave. Après le Concile de Trente, alors que le catéchisme reste exigeant, les moralistes accordent de plus en plus d’autorisations de travailler afin de moraliser les activités profanes du dimanche et de lutter contre des festivités populaires d’une moralité pas toujours parfaite...

Au XXe siècle, le Catéchisme de Jean-Paul II précise que « les nécessités familiales ou une grande utilité sociale constituent des excuses légitimes vis-à-vis du précepte du repos dominical » (CEC, § 2185) précise. Gardes médicales, certains services de sécurité nationale ou locale, tâches ménagères impossibles à remettre au lendemain semblent entrer logiquement dans ces excuses légitimes. Les petits travaux domestiques quotidiens, le petit bricolage ou jardinage, les pratiques sportives, le travail intellectuel ou artistique (musique mais aussi sculpture) sont permis d’après des moralistes du milieu du XXe siècle. D’après eux, ce qui est assimilé à un travail intellectuel de bureau paraît compatible avec le dimanche, non ce qui relèverait de travaux manuels prolongés, du travail d’atelier, de gros travaux manuels, industriels et domestiques (ménage complet de la maison, terrassement…).

En règle générale, pourvu que cela ne devienne pas une habitude, la plupart des dérogeances exceptionnelles paraissent tolérables aux yeux de ces moralistes.


Depuis le Concile de Trente, la rémunération n’est plus un critère systématique de distinction des œuvres serviles lorsqu’il s’agit de travaux d’art ou d’écriture (Dictionnaire de Théologie catholique, t. IV-1, 1924, col. 1323-1325). L’indigence ou la réelle pauvreté peuvent même constituer, pour certains moralistes du XXe siècle, une dispense au précepte d’absence de travail servile. Ce critère de pauvreté n’autorise donc pas ceux qui disposent déjà d’un salaire à exercer leur activité professionnelle habituelle volontairement et longuement le dimanche pour bénéficier de compensation salariale ou de gains supplémentaires.


Conclusion

L’essentiel dans le jugement parfois difficile des activités autorisées le dimanche est de ne pas perdre de vue le culte public qui doit être prioritairement, habituellement et régulièrement rendu à Dieu. Un équilibre doit être trouvé pour assurer de façon certaine la participation au culte public et satisfaire aux devoirs de charité envers sa famille et ses proches. Le Catéchisme de Trente affirme déjà que la sanctification du dimanche revient fondamentalement à « éviter tout ce qui peut entraver le culte divin » et le nouveau catéchisme demande que « les fidèles (s’abstiennent) de se livrer à des travaux ou à des activités qui empêchent le culte dû à Dieu, la joie propre au Jour du Seigneur, la pratique des œuvres de miséricorde et la détente convenable de l’esprit et du corps » (§ 2185). Malgré les exceptions accordées par la discipline ecclésiastique (avant tout pour lutter contre l’oisiveté puis pour répondre à certaines nécessités sociales), Dies Domini invite à redécouvrir le sens profondément chrétien que doivent recouvrir nos activités dominicales et à accepter avec foi et espérance les sacrifices matériels que cela peut entraîner pour ne pas se laisser submerger par des évolutions socio-économiques qui remettraient en cause la possibilité même de sanctifier le dimanche.

Topos de formation familiale
Auteur : Par le groupe Domus Christiani Saint Julien, du Mans

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