Catéchisme du Concile de Trente : Première partie : Différence entre versions

De Salve Regina

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Sommaire

Préface des Auteurs du Catéchisme

Nécessité des Pasteurs dans l’Église — Leur autorité, leurs fonctions. — Principaux articles de la doctrine chrétienne.

Notre intelligence et notre raison sont ainsi faites que lorsque nous voulons étudier les vérités qui regardent Dieu, nous pouvons, grâce à un travail approfondi et une sérieuse application, arriver à la connaissance d’un certain nombre de ces vérités ; mais lorsqu’il s’agit de l’ensemble des moyens capables de nous faire atteindre le salut éternel pour lequel Dieu nous a créés et formés à son image et à sa ressemblance, jamais aucun de nous n’a pu les découvrir ou les apercevoir par la seule lumière naturelle.

Sans doute, selon l’enseignement de l’Apôtre  on voit se manifester, dans les œuvres visibles de la création, certains attributs de Dieu tels que son éternelle Puissance et sa Divinité. Mais ce mystère , qui est demeuré caché aux générations des siècles antérieurs, dépasse de beaucoup l’intelligence de l’homme ; et si Dieu n’eût pas soin de le manifester à ses Saints — à qui il Lui a plu de révéler avec le don de la foi les richesses et la gloire cachées dans son Verbe fait homme, notre Seigneur Jésus-Christ, — jamais notre esprit n’aurait pu parvenir à la connaissance d’une Sagesse si parfaite.

§ I. — L’ÉGLISE A BESOIN DE PASTEURS.

Mais comme la Foi vient de l’ouïe, il est facile de voir combien, dans tous les temps, il a été nécessaire pour se sauver, d’avoir recours aux soins et au ministère d’un maître autorisé. Car il est écrit:  Comment entendront-ils sans prédicateurs ? et comment y aura-t-il des prédicateurs, si on ne les envoie ? Aussi bien depuis que le monde est monde, le Dieu de toute clémence et de toute bonté n’a-t-il jamais manqué à ceux qui sont les siens. Mais  Il a parlé à nos pères en plusieurs occasions, et en diverses manières, par les Prophètes, et selon les temps et les circonstances, Il leur a toujours montré un chemin sûr et droit pour les faire arriver au bonheur du ciel. De plus, comme Il avait promis d’envoyer  un Docteur de la justice pour éclairer les nations et porter le salut jusqu’aux extrémités de la terre, Il nous a parlé en dernier lieu  par la bouche de son Fils, dont Il nous a ordonné d’observer les préceptes, lorsqu’une voix  descendue du ciel, partie du trône même de la gloire, est venue nous enjoindre à tous de L’écouter. Puis ce même Fils nous a donné des Apôtres, des Prophètes, des Pasteurs et des Docteurs,  pour nous faire entendre la parole du salut, afin qu’on ne nous vit pas comme des enfants, emportés de tous côtés et flottant à tout vent de doctrine, mais qu’en nous tenant fermement attachés au fondement inébranlable de notre Foi, nous fussions  comme un véritable édifice de Dieu, dans le Saint-Esprit.

§ II. — AUTORITÉ DES PASTEURS.

Et afin que personne ne fût tenté de recevoir la parole de Dieu annoncée par les ministres de l’Église comme la parole des hommes, et non comme la parole même de Jésus-Christ, notre Sauveur a voulu attacher une si grande autorité à leur enseignement qu’Il a dit un jour:  qui vous écoute, M’écoute, qui vous méprise, Me méprise. Et, sans aucun doute, Il ne voulait pas appliquer cette déclaration à ceux-là seuls à qui Il parlait alors, mais encore à tous ceux qui succéderaient légitimement aux Apôtres dans les fonctions de leur ministère. C’est à tous ceux-là qu’Il a promis son assistance  de tous les jours jusqu’à la consommation des siècles.

§ III. — FONCTIONS ET DEVOIRS DES PASTEURS

Jamais la prédication de la parole de Dieu ne doit être interrompue dans l’Église Mais c’est surtout à l’époque où nous vivons que la piété et le zèle doivent se renouveler en quelque sorte et s’augmenter encore, pour nourrir et fortifier les Fidèles avec le pain vivifiant d’une pure et saine doctrine. C’est qu’en effet nous avons vu se répandre dans le monde ces faux prophètes dont le Seigneur a dit:  Je ne les envoyais pas, et cependant ils allaient ; Je ne leur parlais pas, et cependant ils prophétisaient. Leur but est de dépraver le cœur des Chrétiens, par des enseignements insolites et étrangers.  Leur impiété, fortifiée de tous les artifices de Satan, s’est avancée si loin qu’il paraît presque impossible de l’arrêter et de la borner. Et si nous n’avions pleine confiance dans la promesse remarquable que notre Seigneur a faite de bâtir son Église sur un fondement si solide que  les portes de l’enfer ne pourront jamais prévaloir contre elle, dans ce temps où elle est attaquée de toutes parts par tant d’ennemis, et battue en brèche sur tant de points, nous aurions raison de craindre de la voir succomber. Car, sans parler de ces belles provinces qui gardaient jadis avec tant de respect et de fermeté la vraie Foi catholique que leurs ancêtres leur avaient transmise, et qui, après avoir déserté le chemin de la vérité, marchent maintenant dans l’erreur, avec la prétention de se rapprocher d’autant plus de la vraie piété, qu’elles s’éloignent davantage de la Foi de nos Pères, y a-t-il une contrée assez lointaine, un lieu assez fortifié, un coin du monde chrétien assez reculé où cette peste n’ait cherché à se répandre par des moyens cachés ?

En effet, ceux qui ont entrepris d’infester l’âme des Chrétiens fidèles ont parfaitement compris qu’ils ne pourraient jamais s’expliquer au grand jour avec eux, ni faire arriver aux oreilles de tous leurs paroles pleines de poison. Aussi ont-ils essayé d’un autre moyen pour semer plus facilement et plus su loin leurs erreurs impies. Outre ces gros livres à l’aide desquels ils ont essayé de détruire la foi catholique — livres faciles à réfuter toutefois, avec un peu de travail et d’habileté, à cause même des hérésies évidentes qu’ils renfermaient — ils ont fait paraître un très grand nombre de petits traités qui, sous les couleurs de la vraie piété, ont surpris et égaré trop facilement la bonne foi des âmes simples.

C’est pourquoi les Pères du Concile cuménique de Trente, voulant absolument combattre un mal si grandet si funeste par un remède efficace, non seulement ont pris soin de bien définir contre les hérésies de notre temps les points principaux de la doctrine catholique, mais de plus ils se sont fait un devoir de laisser, pour l’instruction des chrétiens sur les vérités de la Foi, une sorte de plan et de méthode que pourraient suivre en toute sûreté dans leurs églises ceux qui auraient la charge de Docteur et de Pasteur légitime.

Un certain nombre d’auteurs, nous le savons, ont déjà traité ces matières avec autant de piété que de science, cependant ces Pères ont cru qu’il importait extrêmement, que par l’autorité du Saint Concile, on vit paraître un livre, où les Pasteurs et tous ceux qui sont chargés d’enseigner pourraient puiser des vérités d’une certitude absolue, et les transmettre ensuite aux Fidèles pour leur édification.

Ainsi comme il n’y a  qu’un seul Seigneur et une Foi, il n’y aurait qu’une seule et même manière, une seule et même règle, pour apprendre au peuple la Foi chrétienne et tous les devoirs qu’elle impose.

Les vérités qui entreraient dans ce plan sont très nombreuses. Il ne viendra à l’idée de personne que le Saint Concile ait eu la prétention d’expliquer dans le détail, et en un seul livre, tous les dogmes de notre Foi. Ceci appartient aux théologiens, qui font profession de transmettre par l’enseignement, la religion tout entière, avec son histoire et ses dogmes. Au surplus, c’était un travail énorme et qui n’aurait pas rempli le but du Concile. Cette sainte assemblée en effet (en décrétant ce catéchisme) a voulu simplement donner aux Pasteurs et aux autres Prêtres ayant charge d’âmes, la connaissance des choses qui appartiennent en propre au ministère d’une paroisse, et qui sont le plus à la portée des fidèles. Voilà pourquoi ils n’ont dû s’occuper ici que de ce qui pourrait seconder le zèle et la piété de certains Pasteurs qui peut-être ne seraient pas assez sûrs d’eux-mêmes dans les points les plus difficiles de la science divine.

Mais avant d’en venir à l’explication de chacun des articles qui doivent composer cet abrégé de notre Foi, l’ordre même de notre travail nous oblige à faire ici quelques déclarations que les Pasteurs auront soin de ne pas perdre de vue. Ces explications leur feront connaître exactement quel doit être le terme de leurs pensées, de leurs labeurs et de leurs études, et en même temps les moyens à employer pour arriver sûrement au succès désiré.

Or ce qui semble primer tout le reste, c’est qu’ils n’oublient jamais que toute la science du Chrétien, ou plutôt, comme le dit notre Seigneur, que  toute la Vie Éternelle elle-même consiste en ce seul point: Vous connaître, Vous, le seul Dieu véritable et Jésus-Christ que Vous avez envoyé. Aussi le vrai Docteur de l’Église s’appliquera-t-il avant toutes choses à faire naître dans l’âme des Fidèles le désir sincère  de connaître Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. Il fera en sorte de leur persuader et de graver dans leur cœur cette Foi inébranlable qu’ il n’existe point sous le ciel d’autre nom par lequel nous puissions nous sauver, puisque c’est Lui qui est l’hostie de propitiation pour nos péchés.

Et comme  on ne peut être sûr de Le connaître véritablement qu’autant qu’on observe ses commandements, la deuxième obligation, qui ne peut être séparée de celle que nous venons de marquer, sera de bien mettre en lumière que la vie des Fidèles ne doit point s’écouler dans le repos et l’oisiveté, mais que nous devons marcher sur les traces de notre Sauveur et chercher sans relâche et de toutes nos forces la justice, la piété, la foi, la charité et la douceur. Car si  Jésus-Christ s’est livré Lui-même pour nous, Il l’a fait pour nous arracher à toute sorte d’iniquité, pour faire de nous un peuple pur, agréable à ses yeux, ami fervent des bonnes œuvres. C’est ainsi que l’Apôtre ordonne aux Pasteurs de Le faire connaître et de Le proposer en exemple.

Mais notre Maître et Sauveur ne s’est pas contenté de parler, Il a voulu de plus prouver par sa conduite que  la Loi et les Prophètes se résumaient tous dans l’amour. D’autre part l’Apôtre a formellement enseigné que  l’amour est la fin des commandements, et la plénitude de la Loi. Personne ne peut donc mettre en doute que c’est un devoir, et un devoir primordial d’exhorter le peuple fidèle à l’amour de Dieu et de son infinie bonté pour nous. Ainsi, enflammé d’une véritable ardeur divine, ce peuple pourra s’élancer vers le Bien suprême, le Bien parfait dont l’amour et la possession produisent la vraie et solide félicité dans le cœur de tous ceux qui peuvent s’écrier avec le Prophète:  Qu’y a-t-il dans le ciel et qu’ai-je désiré sur la terre, si ce n’est Vous, Seigneur ? C’est là en effet cette voie excellente que nous montrait Saint Paul lorsqu’il résumait toute sa doctrine et toute sa prédication, dans  la charité, qui ne périt point. Aussi qu’il soit question de Foi, d’Espérance ou de toute autre vertu, il convient d’insister toujours avec tant de force sur l’amour pour notre Seigneur Jésus-Christ, que chacun soit en quelque sorte obligé de comprendre que toutes les œuvres de perfection et de vertu chrétienne ne peuvent avoir d’autre source et d’autre terme que ce saint Amour.

§ IV. — MANIÈRE D’INSTRUIRE LES FIDÈLES

Mais si dans toute espèce d’enseignement, il importe de prendre telle ou telle méthode, cette vérité trouve surtout son application lorsqu’il s’agit d’instruire le peuple chrétien. C’est qu’en effet il faut tenir compte de l’âge, de l’intelligence, des habitudes, de la condition. Celui qui enseigne  doit se faire tout à tous, pour gagner tout le monde à Jésus Christ ; il doit se montrer lui-même un  ministre et un dispensateur sûr, et à l’exemple du  serviteur bon et fidèle, il doit mériter d’être établi par notre Seigneur dans des fonctions plus considérables.

Surtout qu’il ne s’imagine pas qu’une seule sorte d’âmes lui est confiée, et que par conséquent il lui est loisible d’enseigner et de former également tous les Fidèles à la vraie piété, avec une seule et même méthode et toujours la même ! Qu’il sache bien que les uns sont en Jésus-Christ comme des enfants nouvellement nés, d’autres comme des adolescents, quelques-uns enfin, comme en possession de toutes leurs forces. Il devra donc s’appliquer à reconnaître et à distinguer ceux qui ont besoin du lait de la doctrine, et ceux qui demandent une nourriture plus forte. Ainsi, il pourra distribuer à tous et à chacun ces aliments spirituels qui augmentent la vie de l’âme, jusqu’à ce que  nous soyons tous parvenus à l’unité d’une même Foi, d’une même connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’hommes parfaits, et à la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus Christ. Au surplus, c’est à tous les Chrétiens que l’Apôtre a voulu se donner lui-même en exemple sur ce point lorsqu’il dit qu’ il se doit aux Grecs et aux Barbares, aux savants et aux ignorants. Il voulait montrer à tous ceux qui sont appelés au ministère de la prédication, qu’ils doivent, en transmettant l’enseignement des mystères de la Foi et des règles des mœurs, proportionner leurs paroles à l’esprit et à l’intelligence de leurs auditeurs. Ainsi, après avoir nourri d’un aliment spirituel les esprits les plus élevés, ils ne laisseront point périr de besoin ceux qui, encore enfants  demanderaient un pain qui ne leur serait point rompu.

Personne ne doit donc laisser refroidir son zèle pour instruire, parce que, de temps en temps, il faudra expliquer ces vérités qui paraissent simples et élémentaires- et que l’on aborde avec d’autant moins de plaisir qu’on se plaît davantage dans l’étude de vérités plus élevées. Mais si la Sagesse elle-même du Père éternel a bien voulu descendre ici-bas, dans l’abaissement de notre chair, pour nous enseigner les lois de la vie surnaturelle, quel est celui que la charité de Jésus-Christ ne portera pas à se faire petit parmi ses frères, et à imiter comme lui les soins de la mère pour ses enfants ? quel est celui qui ne désirera assez ardemment le salut de son prochain pour vouloir, comme Saint Paul le dit de lui-même,  leur donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais encore sa propre vie ?

Or, toutes les vérités que l’on doit enseigner aux Fidèles sont contenues dans la parole de Dieu, soit celle qui est écrite, soit celle qui a été conservée par tradition, L’Écriture et la tradition voilà donc ce que les Pasteurs devront méditer jour et nuit. Et ils n’auront garde d’oublier cet avertissement que Saint Paul adressait à Timothée, et qui s’applique à tous ceux qui ont charge d’âmes:  Appliquez-vous à la lecture, à l’exhortation et à l’instruction ; car  toute Écriture inspirée de Dieu est utile pour instruire, pour reprendre, pour corriger, pour former à la justice, pour rendre l’homme de Dieu parfait, et propre à toutes les bonnes œuvres.

§ V. — PRINCIPAUX ARTICLES DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE.

Tout ce que Dieu nous a révélé est considérable et varié. Et tout, dans cette révélation, ne se comprend point assez facilement, et même, quand on l’a compris, ne reste pas assez bien gravé dans la mémoire, pour qu’on puisse en donner toujours une explication satisfaisante. C’est donc avec une profonde sagesse que nos Pères ont ramené toute la doctrine et toute la science du salut à quatre points principaux qui sont le Symbole des Apôtres, les Sacrements, le Décalogue, et l’Oraison Dominicale.

En effet tout ce que nous devons croire et connaître de la doctrine, de la création et du gouvernement du monde, de la récompense des bons et de la punition des méchants, toute, cela est contenu dans le Symbole.

Quant aux signes et aux moyens que Dieu nous donne pour obtenir sa grâce, nous les trouvons dans les sept Sacrements.

Les préceptes divins qui ont tous pour fin la Charité sont inscrits dans le Décalogue.

Enfin tout ce que nous pouvons désirer, espérer ou demander pour notre bien est renfermé dans l’Oraison Dominicale. Ainsi lorsque nous aurons expliqué ces quatre articles, qui sont comme les lieux communs de la sainte Écriture, il ne manquera presque plus rien au Chrétien pour connaître ce qu’il est obligé de savoir.

En conséquence, nous croyons devoir avertir les Pasteurs que chaque fois qu’ils auront à mettre en lumière un passage de l’Évangile ou de toute autre partie de l’Écriture sainte, ils pourront toujours le ramener à l’un de ces quatre points, et y prendre comme à sa source l’explication désirée.

Par exemple, s’il s’agit d’interpréter l’Évangile du premier Dimanche de l’Avent:  Il y aura des signes dans le soleil et dans la lune, etc., ils trouveront ce qui se rapporte à cette vérité dans l’article du Symbole: Il viendra juger les vivants et les morts. Par ce moyen ils feront connaître en même temps aux Fidèles, et le Symbole, et l’Évangile Ainsi, dans tout son enseignement et ses commentaires, le Pasteur pourra prendre et conserver l’habitude de tout ramener à ces quatre points principaux, qui selon nous renferment toute la moelle des Saintes Écritures et même tout le Christianisme.

Quant à l’ordre de l’enseignement, il y aura lieu de choisir celui qui paraîtra le mieux approprié aux temps et aux personnes.

Pour nous, à l’exemple des saints Pères qui, voulant initier les hommes à la connaissance de Jésus-Christ et de sa doctrine, commencèrent toujours par la Foi, nous avons jugé à propos d’expliquer tout d’abord ce qui regarde cette vertu.


Première partie — Du symbole des Apôtres

Chapitre premier — De la Foi et du Symbole en général

§ I. — DE LA F0I.

Le mot de Foi dans la Sainte Écriture a plusieurs significations. Ici nous le prenons pour cette vertu par laquelle nous donnons un assentiment plein et entier aux vérités révélées de Dieu. Personne ne peut raisonnablement douter que cette Foi dont nous parlons ne soit nécessaire pour le salut, car il est écrit: Sans la Foi, il est impossible de plaire à Dieu . En effet, la fin dernière de l’homme c’est-à-dire le bonheur auquel il doit tendre — est beaucoup trop élevée pour qu’il puisse la découvrir par les seules lumières de son esprit. Il était donc nécessaire que Dieu Lui-même lui en donnât la connaissance. Or cette connaissance n’est autre chose que la Foi, par laquelle, et sans hésitation aucune, nous tenons pour certain tout ce que l’autorité de la Sainte Église notre mère nous propose comme révélé de Dieu. Car il est impossible de concevoir le moindre doute sur les choses qui viennent de Dieu, puisqu’Il est la Vérité même. De là, il est facile de comprendre combien la Foi que nous avons en Dieu est différente de celle que nous accordons au témoignage des historiens qui nous racontent des faits purement naturels. Mais si la Foi admet des degrés divers en étendue et en excellence, comme il paraît dans ces passages de l’Écriture: Homme de peu de Foi, pourquoi avez-vous douté ?  — Votre Foi est grande.  — Augmentez en nous la Foi.  — La Foi sans les œuvres est une Foi morte.  — La Foi qui opère par la charité.  — elle ne reconnaît aucune diversité d’espèces, et la même définition convient parfaitement à tous les degrés qu’elle peut avoir. Quant aux fruits qu’elle produit et aux avantages qu’elle nous procure, nous le dirons dans l’explication de chacun des articles.

§ II. — DU SYMBOLE.

Ce que les Chrétiens doivent savoir tout d’abord, ce sont les vérités que les Saints Apôtres, nos maîtres et nos guides dans la Foi, inspirés par l’Esprit de Dieu, ont renfermées dans les douze articles du Symbole. Après avoir reçu de Notre-Seigneur l’ordre d’aller remplir pour lui les fonctions d’ambassadeurs, et de se répandre dans le monde entier pour prêcher l’Évangile à toute créature,  ils jugèrent convenable de composer une formule de Foi chrétienne, afin que tous eussent la même croyance et le même langage, qu’il n’y eût ni division ni schisme parmi ceux qu’ils -allaient appeler à la même Foi, et que tous fussent consommés dans un même esprit et un même sentiment. Et cette profession de Foi et d’Espérance chrétienne qu’ils avaient composée, ils l’appelèrent Symbole, soit parce qu’ils la formèrent de l’ensemble des vérités différentes que chacun d’eux formula, soit parce qu’ils voulurent s’en servir comme d’une marque, et d’un mot d’ordre, qui leur ferait distinguer aisément les vrais soldats de Jésus-Christ des déserteurs et des faux frères, qui se glissaient dans l’Église, pour corrompre l’Évangile

§ III — ARTICLES DU SYMBOLE.

Les vérités due la Foi chrétienne enseigne et que les Fidèles sont obligés de croire fermement, sort en particulier, soit en général, sont assez nombreuses. Mais la première et la plus essentielle de toutes, celle qui est en même temps comme le fondement et le faîte de l’édifice, et que eu Lui-même nous a enseignée, c’est l’unité de l’Essence divine, la distinction des trois Personnes, et la diversité des opérations que l’on attribue plus particulièrement à chacune d’Elles. Le Pasteur montrera que toute la doctrine de ce Mystère est renfermée en abrégé dans le Symbole des Apôtres. En effet, ainsi que l’ont remarqué nos ancêtres, qui ont traité ces matières avec beaucoup de soin et de piété, le Symbole semble précisément avoir été divisé en trois parties, afin que dans la première il fut question de la première Personne divine et de l’œuvre admirable de la Création ; dans la Seconde, de la seconde Personne divine et du mystère de la Rédemption des hommes ; dans la troisième enfin, de la troisième Personne divine, source et principe de notre Sanctification. Ces trois parties sont distinctes quoique liées entre elles. D’après une comparaison souvent employée par les Pères, nous les appelons articles. De même, en effet, que dans nos membres il y a certaines articulations qui les distinguent et les séparent, de même, dans cette profession de Foi, on a donné avec beaucoup de justesse et de raison le nom d’articles aux vérités que nous devons croire en particulier et d’une manière distincte.


Chapitre deuxième — Premier article du Symbole

JE CROIS EN DIEU LE PÈRE TOUT PUISSANT, CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE.

Voici le sens de ces paroles: je crois fermement et je confesse sans aucune hésitation Dieu le Père, c’est-à-dire la première Personne de la Sainte Trinité, qui par sa vertu toute puissante a créé de rien le ciel et la terre et tout ce qu’ils renferment, et qui, après avoir tout créé, conserve et gouverne toutes choses. Et non seulement je crois en Lui de cœur et je Le confesse de bouche, mais encore je tends à Lui de toute l’ardeur et de toute la force de mon âme, comme au Bien souverain et parfait. Ce premier article n’est pas long ; mais chacun des mots qui le composent cache de grands mystères. Et ces mystères, c’est au Pasteur à les approfondir et à les expliquer avec le plus grand soin, afin que les Fidèles ne viennent, s’il plaît à Dieu, qu’avec crainte et tremblement, contempler la gloire de son infinie Majesté.

§ I. — JE CROIS.

Croire ici n’est pas la même chose que penser, imaginer, avoir une opinion. C’est, selon l’enseignement de nos Saints Livres, un acquiescement très ferme, inébranlable et constant de notre intelligence aux mystères révélés de Dieu. Ainsi, en ce qui nous occupe en ce moment, celui-là croit qui s’est formé sur une vérité quelconque une conviction et une certitude exemptes de tout doute.

Et qu’on n’aille pas s’imaginer que la connaissance qui nous vient de la Foi soit moins certaine, sous le prétexte que nous ne voyons pas les vérités qu’elle nous propose à croire. Si la lumière divine qui nous les fait connaître ne nous en donne pas l’évidence, cependant elle ne nous permet pas d’en douter:  Car le même Dieu qui a fait sortir la lumière des ténèbres, a éclairé assez nos cœurs pour que l’Évangile ne fût point voilé pour nous, comme il l’est pour ceux qui périssent.

Il suit de là que celui qui est en possession de cette connaissance céleste de la Foi, est délivré du désir des investigations de pure curiosité. Car lorsque Dieu nous a ordonné de croire, Il ne nous a point proposé de scruter ses jugements, ni d’en examiner les raisons et les motifs, mais Il nous a commandé cette Foi immuable par laquelle notre esprit se repose entièrement dans la connaissance qu’il a de la vérité éternelle. En effet, Dieu seul est véritable, dit l’Apôtre,  et tout homme est menteur. Si donc il y a de l’orgueil et de l’insolence à ne point ajouter foi aux affirmations d’un homme sage et prudent, et à exiger qu’il prouve ce qu’il avance par des raisons ou par des témoins, quelle ne sera pas la témérité, ou plutôt la folie de celui qui, entendant la voix de Dieu Lui-même, osera demander les preuves de la céleste doctrine du salut ? II faut donc faire notre acte de Foi, non seulement sans aucun doute, mais encore sans chercher de démonstration.

Le Pasteur enseignera également que celui qui dit: Je crois, exprimant par cette parole l’assentiment intime de son esprit, qui est l’acte intérieur de la Foi, ne doit point se borner à cet acte de Foi, mais qu’il est tenu de manifester au dehors par une profession ouverte les sentiments qu’il porte dans son cœur, comme aussi de les avouer et de les publier devant tout le monde avec joie et empressement. tous les Fidèles doivent avoir cet esprit qui inspirait le Prophète quand il disait:  J’ai cru, et c’est pourquoi j’ai parlé. Ils doivent imiter les Apôtres qui répondaient aux princes du peuple:  Nous ne pouvons pas ne pas dire ce que nous avons vu et entendu, et s’encourager soit par ces admirables paroles de Saint Paul:  Je ne rougis point de l’Évangile, car il est la force et la vertu de Dieu pour sauver tous les croyants ; soit par celles-ci qui prouvent particulièrement la vérité que nous établissons:  On croit de cœur pour être justifié, mais on confesse de bouche pour être sauvé.

§ II. — EN DIEU.

Ces paroles nous font connaître immédiatement l’excellence et la dignité de la sagesse chrétienne, et par là même tout ce que nous devons à la bonté divine, qui daigne nous élever par les vérités de la Foi, comme par autant de degrés, à la connaissance de l’objet le plus sublime et le plus désirable. Il y a en effet une différence énorme entre la philosophie chrétienne et la sagesse du siècle. Cette dernière, guidée par la seule lumière naturelle, peut bien, il est vrai, s’élever peu à peu, à l’aide des effets et des perceptions des sens ; mais elle ne parvient qu’à force de travaux et de peines à contempler les choses invisibles de Dieu, à Le reconnaître et à Le comprendre comme la cause et l’Auteur de tout ce qui existe. La première, au contraire, augmente tellement la pénétration naturelle de l’esprit, qu’il peut aisément s’élever jusqu’au ciel, et là, grâce à la splendeur divine qui l’éclaire, contempler tout d’abord le foyer éternel de toute lumière, et ensuite les autres choses placées au-dessous de lui. nous éprouvons alors avec une joie parfaite que  nous avons été appelés réellement des ténèbres à une admirable lumière, comme dit le prince des Apôtres, et que  notre Foi nous cause un ravissement ineffable.

C’est donc avec raison que les Fidèles font d’abord profession de croire en Dieu, dont la Majesté, selon l’expression de Jérémie  est incompréhensible, qui habite, dit à son tour l’Apôtre , une lumière inaccessible, que personne n’a vu ni ne peut voir ; Dieu enfin que nul homme ne pourrait voir sans mourir, comme II le dit lui-même à Moïse.  C’est qu’en effet, pour que notre âme puisse s’élever jusqu’à Dieu qui est infiniment au-dessus de tout, il faut de toute nécessité qu’elle soit entièrement dégagée des sens. Mais cela ne lui est pas possible naturellement en cette vie.

Malgré tout, Dieu ne s’est pas laissé Lui-même sans témoignage, dit l’Apôtre , car c’est Lui qui nous fait du bien, qui nous envoie les pluies du ciel et les saisons favorables aux, fruits ; c’est Lui qui nous donne en abondance la nourriture dont nous avons besoin et qui remplit nos cœurs de joie. Voilà pourquoi les philosophes n’ont pu concevoir en Lui rien d’imparfait ; ils ont repoussé bien loin comme indigne de Lui toute idée de corps, de mélange et de composition. Ils ont placé en Lui la plénitude de tous les biens, et ils L’ont regardé comme cette source inépuisable et perpétuelle de bonté et de charité qui répand sur toutes les créatures ce que nous y voyons de beau et de parfait ; ils L’ont appelé le Sage, l’Auteur et l’Ami de la vérité, le Juste, le Bienfaiteur suprême. Ils Lui ont donné plusieurs autres noms qui renferment la souveraine et absolue perfection. Enfin ils ont reconnu en Lui une puissance immense, infinie, qui s’étend à tout et partout.

Mais ces vérités sont bien plus solidement établies, et plus clairement exprimées dans nos saintes Lettres, comme par exemple dans ces passages:  Dieu est esprit ; ou bien,  soyez parfait comme votre Père céleste est parfait. — tout est à nu  et à découvert devant ses yeux. — Profondeur  des trésors de la sagesse et de la science de Dieu. — Dieu est Vérité.  — Je suis la Voie,  la Vérité et la Vie. — Votre droite, Seigneur,  est pleine de justice. — Vous ouvrez la main  et Vous remplissez de bénédictions tout ce qui respire. — Où irai-je  pour me cacher à votre esprit ? Où fuirai-je devant votre face ? Si je monte au ciel, Vous y êtes ; si je descends dans les enfers, je Vous y trouve ; si le matin je prends mes ailes pour voler jusqu’aux extrémités de la mer, c’est votre main qui m’y conduit. Enfin Dieu nous dit Lui-même: est-ce que Je ne remplis pas le ciel et la terre ?  

Telles sont les conceptions vraiment grandes et magnifiques que les philosophes eux-mêmes se sont formées de la nature de Dieu par l’observation du monde créé, et qui se trouvent si conformes à l’enseignement de nos Livres saints. Et cependant, pour comprendre combien nous avions besoin, même sur ce point, de la révélation d’en haut, il nous suffira de remarquer que ce qui fait l’excellence de la Foi, ce n’est pas seulement, comme nous l’avons déjà dit, de dévoiler promptement et sans peine aux plus ignorants et aux plus grossiers la science que de longues études seules pourraient faire connaître aux savants ; mais de plus la connaissance qu’elle nous donne de la vérité est bien plus certaine, plus claire et plus exempte d’erreur, que si elle était le résultat des raisonnements humains. Mais c’est surtout dans la notion qu’elle nous fournit de la substance divine que nous touchons du doigt sa supériorité. En effet, la simple contemplation de la nature ne peut pas faire connaître Dieu à tout le monde, tandis que la lumière de la Foi Le révèle toujours d’une manière infaillible à ceux qui croient.

Or, tout ce que la Foi nous enseigne sur Dieu est contenu dans les articles du Symbole. nous y trouvons l’unité dans l’Essence divine et la distinction dans les trois Personnes. nous y voyons de plus que Dieu est notre fin dernière et que c’est de Lui que nous devons attendre un bonheur céleste et éternel, selon la parole de Saint Paul, que  Dieu récompense ceux qui Le cherchent. Et bien longtemps avant l’Apôtre, le Prophète Isaïe, pour faire entendre quelle est la grandeur de cette béatitude, et combien l’intelligence humaine est incapable de la connaître par elle-même, avait soin de nous dire:  Non, depuis l’origine des siècles, les hommes n’ont point conçu, l’oreille n’a point entendu, aucun œil n’a vu, excepté vous, Seigneur, ce que Vous avez préparé à ceux qui Vous aiment.

D’après ce que nous venons de dire, il faut faire profession d’admettre qu’il n’y a qu’un seul Dieu, et non plusieurs. nous reconnaissons que Dieu est la bonté souveraine et la perfection même. Or, il est impossible que la perfection absolue convienne à plusieurs. Car celui qui manque de la moindre chose pour arriver jusqu’au souverain et à l’absolu, est par là même imparfait, donc il ne saurait être Dieu. Cette vérité est affirmée en maints endroits dans la sainte Écriture Ainsi, il est écrit:  Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est le seul Dieu. De plus, c’est un précepte du Seigneur:  Vous n’aurez point d’autres dieux devant Moi. Souvent Dieu nous fait entendre par le Prophète Isaïe  qu’Il est le premier et le dernier, et qu’il n’y a point d’autre Dieu que Lui. Enfin l’Apôtre Saint Paul atteste aussi très nettement  qu’il n’y a qu’un Seigneur, une Foi, un Baptême.

L’Écriture sainte donne parfois le nom de dieux à des êtres créés. n’en soyons pas étonnés. Car lorsqu’elle appelle dieux les Prophètes et les Juges, ce n’est pas dans le sens absurde et impie des païens qui se sont forgé plusieurs divinités, c’est simplement pour exprimer, selon cette façon habituelle de parler, ou quelque qualité éminente, ou bien une fonction sublime à laquelle Dieu les avait élevés. — La Foi chrétienne croit donc et professe qu’il n’y a qu’un seul Dieu, par nature, par substance et par essence. C’est la définition même du Concile de Nicée, qui a voulu confirmer cette vérité dans son Symbole. Puis, s’élevant encore plus haut, cette même Foi chrétienne reconnaît l’unité de Dieu, tout en adorant en même temps la Trinité dans son unité, et l’unité dans sa Trinité. C’est le Mystère dont nous avons maintenant à nous occuper, d’après les termes suivants du Symbole.

§ III. — LE PÈRE

On donne à Dieu le nom de Père pour plusieurs raisons. Il convient donc d’expliquer tout d’abord en quel sens on le Lui attribue plus spécialement ici. Quelques-uns, même de ceux dont la Foi n’avait pas éclairé les ténèbres, avaient compris cependant que Dieu est une substance éternelle, que tout émane de Lui, qu’Il gouverne et conserve, par sa Providence, l’ordre et l’état de tout ce qui existe. Et de là, voyant que les hommes appellent Père celui qui est l’auteur d’une famille, et qui continue de la diriger par ses conseils et par son autorité, ils donnèrent également ce nom de Père à Dieu, qu’ils reconnaissaient comme le Créateur et le Gouverneur de toutes choses.

Les Saintes Écritures elles-mêmes emploient ce mot lorsque, en parlant de Dieu elles Lui attribuent la Création, la Puissance suprême et cette Providence qui régit si admirablement l’univers. nous y lisons en effet:  N’est-ce pas le Seigneur qui est votre Père, qui est votre Maître qui vous a faits et tirés du néant ? Et aussi:  N’est-ce pas Lui qui est notre seul Père ? n’est-ce pas Dieu seul qui nous a créés ?

Mais c’est dans les livres du nouveau testament qu’Il est appelé bien plus souvent et d’une manière bien plus spéciale le Père des Chrétiens, puisqu’ils n’ont pas reçu l’esprit de servitude qui fait vivre dans la crainte, mais l’esprit d’adoption des enfants de Dieu, par lequel nous crions: Père ! Père !  — Car le Père nous a témoigné tant d’amour que nous sommes appelés, et que nous sommes réellement les enfants de Dieu.  — Que si nous sommes enfants, nous sommes héritiers de Dieu, et cohéritiers de Jésus Christ , — qui est le premier-né de plusieurs frères  — et qui ne rougit pas de nous appeler ses frères.  

Ainsi, soit que l’on considère Dieu d’une manière générale par rapport à la création et à la Providence, soit qu’on s’arrête spécialement à l’adoption spirituelle (qu’il a faite) des Chrétiens, c’est à bon droit que les Fidèles font profession de Le reconnaître pour leur Père.

Mais outre ces explications que nous venons de donner, le Pasteur ne manquera pas d’avertir les Fidèles qu’en entendant prononcer ce nom de Père, ils doivent élever leurs âmes vers des mystères plus sublimes encore. En effet tout ce qu’il y a de plus caché et de plus impénétrable dans cette lumière inaccessible  que Dieu habite, ce que la raison et l’intelligence humaine ne pouvaient ni atteindre, ni même soupçonner, les oracles divins commencent à nous le faire entrevoir par ce nom de Père.

Ce nom nous indique qu’il faut admettre dans l’Essence divine, non une seule Personne, mais plusieurs réellement distinctes. Il y a en effet trois Personnes dans une seule et même Divinité: celle du Père qui n’est engendré d’aucune autre ; celle du Fils qui est engendré du Père avant tous les siècles ; celle du Saint Esprit qui procède du Père et du Fils, de toute éternité. Le Père est dans l’unité de la nature divine la première Personne, et avec son Fils unique et le Saint Esprit il forme un seul Dieu, un seul Seigneur  non point une seule Personne, mais une seule nature en trois Personnes. Et il n’est pas permis de penser qu’il y ait entre ces Personnes la moindre différence, la moindre inégalité: toute la distinction que l’on peut concevoir entre elles vient de leurs propriétés respectives. Le Père n’est point engendré ; le Fils est engendré du Père ; le Saint Esprit procède de l’un et de l’autre. Ainsi nous reconnaissons une seule et même nature, une seule et même substance pour les trois Personnes,  mais de telle sorte que dans notre profession de Foi relative au Dieu véritable et éternel, nous adorons avec toute la piété et tout le respect possibles, la distinction dans les Personnes, l’unité dans la Substance, et l’égalité dans la Trinité.

Voilà pourquoi, lorsque nous disons que le Père est la première Personne, il ne faut pas croire que nous entendons supposer dans la Trinité quelque chose de premier et de dernier, de plus grand et de plus petit. A Dieu ne plaise qu’une pareille impiété entre jamais dans l’esprit des Fidèles, puisque la Religion chrétienne proclame dans les trois Personnes la même éternité, la même gloire et la même majesté. Mais comme le Père est le principe sans principe, nous affirmons avec vérité et sans aucune hésitation qu’Il est la première Personne ; et parce qu’Il n’est distingué des autres Personnes que par la propriété de Père, c’est à Lui seul aussi qu’il appartenait d’engendrer le Fils de toute éternité. Aussi c’est pour nous faire souvenir en même temps que Dieu a toujours été, et qu’Il a toujours été Père que nous joignons ensemble, dans cette profession de Foi, et le nom de Dieu et le nom de Père.

Mais comme il n’y a rien de plus périlleux que de chercher à pénétrer des vérités si hautes et si délicates, ni de plus grave que de se tromper en voulant les exprimer, le Pasteur aura soin d’enseigner aux Fidèles qu’ils doivent retenir scrupuleusement les mots d’Essence et de Personne, consacrés en quelque sorte à l’expression propre de ce Mystère, et ne point oublier que l’unité est dans l’Essence et la distinction dans les Personnes. De plus, il faut éviter sur ce point les recherches subtiles et curieuses, selon cette parole:  Celui qui voudra scruter la majesté sera accablé par l’éclat de la gloire. Il doit nous suffire de savoir d’une manière certaine par la Foi que Dieu Lui-même nous a enseigné cette vérité, (car ne pas croire à ses oracles serait une insigne folie et un malheur extrême). Allez, dit Notre-Seigneur Jésus-Christ à ses Apôtres,  enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. — Et l’Apôtre Saint Jean nous dit également:  Il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel, le Père, le Verbe et l’Esprit, et ces trois ne font qu’Un.

Que celui donc qui par la grâce de Dieu croit ces vérités, prie avec persévérance et conjure Dieu le Père qui a créé toutes choses de rien,  qui dispose tout pour notre bonheur,  qui nous a donné le pouvoir de devenir ses enfants, qui a révélé à l’esprit de l’homme le mystère de la Sainte Trinité, oui, qu’il demande sans cesse la grâce d’être admis un jour dans les tabernacles éternels, pour y contempler cette ineffable fécondité du Père qui, en se considérant et en se connaissant Lui-même, engendre un Fils qui Lui est égal et semblable ; pour y contempler aussi ce bien éternel et indissoluble par lequel l’esprit de charité qui est l’Esprit-Saint, amour parfaitement égal du Père et du Fils, procédant de l’un et de l’autre, unit ensemble et toujours Celui qui engendre et Celui qui est engendré ; pour y voir enfin l’unité d’Essence dans la Trinité divine et la parfaite distinction dans les trois Personnes.

§ IV. — TOUT PUISSANT

Les Saintes Écritures emploient ordinairement différents mots pour exprimer la Puissance infinie de Dieu et sa Majesté souveraine, afin de nous montrer avec quelle religion et quelle piété nous devons honorer ce nom trois fois saint. Mais le Pasteur aura soin d’enseigner avant tout que la perfection qui Lui est le plus fréquemment attribuée est celle de Tout-Puissant. Parlant de Lui-même Dieu dit  Je suis le Seigneur Tout-Puissant. Et Jacob envoyant ses fils vers Joseph faisait cette prière:  Puisse mon Dieu Tout-Puissant le fléchir à votre égard ! Il est écrit dans l’Apocalypse:  Le Seigneur Tout-Puissant qui est, qui était et qui doit venir. Ailleurs: Le grand jour est appelé le jour du Dieu Tout-Puisssant. D’autres fois, plusieurs mots servent à signifier la même chose. Ainsi par exemple:  Rien n’est impossible à Dieu. —  La main de Dieu peut-elle, être impuissante ? —  Vous pouvez, Seigneur, tout ce que Vous voulez. Et plusieurs autres expressions qui, sous des formes différentes, sont de véritables synonymes du mot Tout-Puissant.

Nous entendons donc par là qu’il n’existe rien, que l’esprit ne peut rien concevoir, que l’imagination ne peut rien se figurer, que Dieu n’ait le pouvoir de réaliser. Car non seulement il peut opérer tous ces prodiges qui tout grands qu’ils sont, ne dépassent pas néanmoins nos conceptions d’une manière absolue, comme de faire tout rentrer dans le néant, ou de créer de rien, en un instant, plusieurs autres mondes ; mais sa Puissance s’étend aussi à une foule d’autres choses beaucoup plus hautes que la raison et l’intelligence de l’homme ne peuvent pas même soupçonner.

Cependant, quoique Tout-Puissant, Dieu ne peut ni mentir, ni tromper, ni être trompé, ni pécher, ni périr, ni ignorer quoi que ce soit. Ces choses ne se rencontrent que chez les êtres dont l’action est imparfaite. Et précisément parce que l’action de Dieu est toujours d’une perfection infinie on dit qu’Il ne peut pas les faire. Réellement une pareille faculté est un effet de la faiblesse, et non d’un pouvoir souverain et illimité, tel qu’Il le possède. Ainsi donc nous croyons que Dieu est Tout-Puissant, mais en ayant grand soin, dans notre pensée, d’écarter loin de Lui tout ce qui ne serait pas en harmonie et en rapport avec la perfection suprême de sa nature.

Mais que le Pasteur montre bien que l’on a eu les plus sages raisons d’omettre dans le Symbole les autres attributs de Dieu, et de ne proposer à notre Foi que celui de sa toute-Puissance. En effet, dès que nous Le reconnaissons comme Tout-Puissant, nous avouons par là même qu’Il a la science de tout et que tout est soumis à son empire et à sa volonté. De plus, si nous croyons fermement qu’Il peut tout faire, nous sommes obligés par une conséquence nécessaire de tenir pour certaines en Lui ces autres perfections sans lesquelles il nous serait impossible de concevoir sa Puissance souveraine.

Enfin rien n’est plus propre à affermir notre Foi et notre espérance que la conviction profondément gravée dans nos âmes que rien n’est impossible à Dieu. Car tout ce qu’on nous proposera ensuite à croire, les choses les plus grandes, les plus incompréhensibles, aussi bien que les plus élevées au-dessus des lois ordinaires de la nature, dès que notre raison aura seulement l’idée de la toute-Puissance divine, elle les admettra facilement et sans hésitation aucune. Et même, plus les oracles divins annonceront des choses prodigieuses, plus nous nous sentirons portés et empressés à les accepter ; que s’il s’agit de biens à espérer, jamais la grandeur de l’objet promis à nos désirs ne rebutera notre confiance. Au contraire, nous verrons s’agrandir nos désirs et nos espérances, en nous rappelant souvent que rien n’est impossible à un Dieu Tout-Puissant.

Et cette Foi doit nous soutenir et nous fortifier, surtout lorsque nous aurons à faire une œuvre difficile (une sorte de miracle), pour le bien et l’utilité du prochain, ou que nous voudrons obtenir de Dieu par la prière quelque grâce spéciale. Notre-Seigneur a voulu nous enseigner lui-même le premier de ces devoirs lorsque reprochant à ses Apôtres, leur incrédulité, Il leur disait:  Si vous avez de la Foi comme un grain de sénevé, vous direz à cette montagne Passe d’ici là, et elle y passera, et rien ne vous sera impossible. Et l’Apôtre Saint Jacques nous rappelle ainsi le second:  Que celui qui prie le fasse avec Foi et sans hésiter ; car celui qui hésite est semblable au flot de la mer qui est agité et poussé par le vent de tous les côtés. Que cet homme-1& donc ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur.

D’ailleurs, sous d’autres rapports, cette Foi nous est également très utile et très avantageuse. D’abord elle nous forme admirablement, et en toutes choses, à la modestie et à l’humilité de l’âme, selon cette parole du Prince des Apôtres:  Humiliez-vous sous la main puissante de Dieu. De plus, elle nous apprend à ne pas trembler  là où il n’existe aucun sujet d’effroi, et à ne craindre que Dieu seul , qui nous tient en son pouvoir, nous et tous nos biens.  et notre Sauveur Lui-même n’a-t-il pas dit:  Je vous montrerai qui vous devez craindre: craignez celui qui après avoir tué le corps peut vous précipiter dans l’enfer. Enfin cette même Foi nous sert à nous rappeler et à célébrer avec reconnaissance les immenses bienfaits de Dieu envers nous. Car il pourrait croire à la toute-Puissance de Dieu, et en même temps être assez ingrat pour ne pas s’écrier souvent:  Le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses.

Au surplus, si, dans cet article, nous appelons le Père « tout Puissant », personne ne doit s’imaginer — car ce serait une erreur — que nous lui attribuons ce nom, à Lui-seul, et que nous refusons de le donner également au Fils et au Saint-Esprit. Car de même que nous disons que le Père est Dieu, que le Fils est Dieu, que le Saint-Esprit est Dieu, sans dire pour cela qu’il y a trois Dieux, mais en confessant réellement un seul Dieu ; de même lorsque nous affirmons que le Père est tout Puissant, que le Fils est tout Puissant, que le Saint Esprit est tout Puissant, nous ne reconnaissons pas trois tout puissants, mais un seul. Et nous attribuons cette qualité au Père pour cette raison particulière qu’Il est la source de tout ce qui existe ; comme nous disons du Fils qu’il est la Sagesse, parce qu’Il est le Verbe éternel du Père, et du Saint-Esprit, qu’il possède la bonté, parce qu’Il est l’amour du Père et du Fils. Et cependant ces qualités, et toutes les autres semblables, selon l’enseignement de la Foi catholique, peuvent s’appliquer également aux trois Personnes divines.

§ V. — CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE.

Ce que nous avons à dire maintenant de la création de toutes choses, nous fera aisément comprendre combien il était nécessaire de donner tout d’abord aux Fidèles la notion d’un Dieu Tout-Puissant. Car il est d’autant plus facile d’admettre une œuvre si prodigieuse que l’on doute moins de la puissance infinie du Créateur. Or Dieu n’a pas formé le monde avec une matière préexistante, Il l’a tiré du néant, sans nécessité ni contrainte, librement et de son plein gré. Le seul motif qui L’a déterminé à l’œuvre de la création, c’est sa bonté, qu’Il voulait répandre sur les êtres qu’Il allait produire. Car Dieu, souverainement heureux en Lui-même et par Lui-même, n’a besoin de rien, ni de personne, comme le proclame David en ces termes:  J’ai dit à mon Seigneur, Vous êtes mon Dieu, et Vous n’avez pas besoin de mes biens. Et comme il n’a obéi qu’à sa bonté, quand Il a fait tout ce qu’Il a voulu , de même pour former l’univers, Il n’a pris ni modèle ni dessein qui ne fût en Lui. Son intelligence infinie possède en elle-même l’idée exemplaire de toute choses. Et c’est en considérant au dedans de Lui cette idée exemplaire, c’est en la reproduisant pour ainsi dire, que l’Ouvrier par excellence, avec cette Sagesse et cette Puissance suprêmes qui Lui sont propres, a créé dès le commencement l’universalité des choses qui existent. Il a dit, et tout a été fait ; il a ordonné, et tout a été créé .

Par ces mots « le ciel et la terre », on entend tout ce que le ciel et la terre renferment. Car non seulement Dieu a formé les cieux dont le Prophète a dit qu’ils sont l’ouvrage de ses doigts , mais c’est Lui qui les a ornés de la clarté du soleil, de la lune et de tous les autres astres, pour les faire servir de signes, afin de distinguer les saisons. les jours et les années . C’est Lui aussi qui a donné à tous les globes célestes un cours si constant et si réglé, qu’on ne peut rien voir de plus rapide que leurs perpétuels mouvements, ni de plus régulier que ces mouvements eux-mêmes.

Dieu créa également de purs esprits et des Anges innombrables pour en faire ses serviteurs et ses ministres. Il les orna et les enrichit des dons de sa grâce et de sa puissance. Quand la Sainte Écriture nous raconte que le démon ne demeura pas dans la vérité , Elle nous fait entendre clairement que lui et les autres anges apostats avaient reçu la grâce dès le commencement de leur existence. Saint Augustin l’affirme nettement:  Dieu, dit-il, créa les Anges avec une volonté droite, c’est-à-dire avec un chaste amour qui les unissait à Lui, formant à la fois leur nature, et y ajoutant la grâce comme un bienfait. D’où il faut conclure que les Anges saints ne perdirent jamais cette volonté droite, c’est-à-dire l’amour de Dieu. Quant à leur science, voici le témoignage de nos Saints Livres.  O mon Seigneur et mon Roi, Vous avez la sagesse d’un Ange de Dieu, et Vous connaissez tout ce qui est sur la terre. Pour exprimer leur puissance, le saint roi David nous dit:  Les Anges sont puissants en vertu, et ils exécutent les ordres de Dieu. Aussi l’Écriture sainte les appelle souvent les vertus, et l’armée du Seigneur.

Mais, bien qu’ils eussent tous reçu ces dons célestes qui faisaient leur gloire, plusieurs cependant, pour avoir abandonné Dieu leur Père et leur Créateur, furent bannis de leurs sublimes demeures, et renfermés dans une prison très obscure, au centre de la terre, où ils subissent la peine éternelle due à leur orgueil. Ce qui a fait dire au prince des Apôtres:  Dieu n’a point épargné les anges pécheurs, mais Il les a précipités dans l’enfer et chargés de chaînes, pour y être tourmentés, et pour y attendre le jugement.

Dieu affermit aussi la terre sur sa base, et par sa parole Il lui fixa sa place au milieu du monde. Il éleva les montagnes, Il creusa les vallées, et pour que la violence des eaux ne pût l’inonder, Il posa des bornes à la mer pour l’empêcher de la submerger. Ensuite Il la revêtit et la para de toutes sortes d’arbres, de plantes et de fleurs, Il la peupla d’animaux de toute espèce, comme il avait fait auparavant pour la mer et les airs.

Enfin Il forma le corps de l’homme du limon de la terre et, par un pur effet de sa bonté, Il lui accorda le don de l’immortalité et de l’impassibilité, qui n’était pas essentiellement attaché à sa nature. Quant à l’âme , Il la fit à son image et à sa ressemblance, la doua du libre arbitre, et régla si bien tous les mouvements et tous les désirs du cœur, qu’ils devaient toujours être soumis à l’autorité de la raison. A cela II voulut joindre le don admirable de la justice originelle, et enfin Il lui soumit tous les animaux.

Pour instruire les fidèles de ces vérités, le Pasteur n’aura d’ailleurs qu’à consulter l’histoire sacrée de la Genèse.

Ainsi donc ces mots de création du ciel et de la terre doivent s’entendre de la création de toutes choses. Déjà le Prophète David l’avait dit en ce peu de mots:  Les cieux sont à Vous, et la terre Vous appartient. C’est Vous qui avez formé le globe de la terre et tout ce qui le remplit. Mais les Pères du Concile de Nicée l’ont exprimé bien plus brièvement encore en ajoutant au Symbole ces simples mots: visibles et invisibles. Et en effet tout ce que renferme l’ensemble des choses, tout ce que nous reconnaissons comme l’œuvre de Dieu, peut, ou bien tomber sous les sens, et nous l’appelons visible, ou seulement être aperçu par l’intelligence et la raison, et alors nous l’appelons invisible.

§ VI. — PROVIDENCE.

Mais en reconnaissant que Dieu est l’Auteur et le Créateur de toutes choses, n’allons pas croire que son œuvre une fois achevée et terminée par Lui, ait pu subsister sans sa Puissance infinie. De même en effet que pour exister, tout a eu besoin de la souveraine Puissance, de la Sagesse et de la Bonté du Créateur, de même il est nécessaire que l’action de la Providence s’étende constamment sur tout ce qu’Il a créé. Et s’Il ne conservait son œuvre avec cette même force qu’Il a employée pour la former au commencement, elle rentrerait aussitôt dans le néant. L’Écriture nous le déclare en termes formels, lorsqu’elle dit à Dieu  Comment quelque chose pourrait-il subsister, si Vous ne le vouliez ainsi ? Ce que Vous n’avez pas appelé, comment se conserverait-il ?

Et non seulement Dieu, par sa Providence, soutient et gouverne toute la création ; mais c’est Lui qui en réalité communique le mouvement et l’action à tout ce qui se meut et à tout ce qui agit ; et de telle sorte qu’Il prévient, sans l’empêcher, l’influence des causes secondes. C’est une vertu cachée, mais qui s’étend à tout, et comme dit le Sage,  qui agit fortement depuis une extrémité jusqu’à l’autre et qui dispose tout avec la douceur convenable. Ce qui a fait dire à l’Apôtre en prêchant aux Athéniens le Dieu qu’ils adoraient sans Le connaître:  Il n’est pas éloigné de chacun de nous ; c’est en Lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être.

Nous en avons assez dit sur ce premier article. toutefois, il nous reste à ajouter que l’œuvre créatrice est commune aux trois Personnes de la Sainte et indivisible Trinité. Car si, d’après l’enseignement des Apôtres dans leur Symbole, nous savons et proclamons que le Père est Créateur du ciel et de la terre, d’autre part nous lisons du Fils dans les saintes Écritures:  que tout a été fait par Lui ; et du Saint-Espritque l’Esprit du Seigneur était porté sur les eaux. Et encore  que les cieux ont été affermis par le Verbe de. Dieu, et que toute leur beauté est l’effet du Souffle de sa bouche.


Chapitre troisième — Du second article du Symbole

ET EN JÉSUS-CHRIST SON FILS UNIQUE, NOTRE SEIGNEUR.

Le genre humain trouve dans la foi et la confession de cet Article des avantages immenses et merveilleux. nous en avons une preuve dans cette parole de l’Apôtre Saint Jean:  Quiconque confessera que Jésus est le Fils de Dieu, demeurera en Lui, et lui en Dieu. Mais notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même avait pris soin de nous en donner une autre, lorsqu’Il avait proclamé d’une manière si éclatante le bonheur du prince des Apôtres:  Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car ce n’est ni la chair ni le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux. C’est ici en effet le fondement le plus solide de notre Salut et de notre Rédemption.

§ I. — PÉCHÉ ORIGINEL.

Pour mieux apprécier les fruits merveilleux que nous recueillons de cet Article, il faut nous rappeler la perte lamentable que firent nos premiers parents de cet état si heureux dans lequel Dieu les avait placés. Que le Pasteur s’applique donc à bien expliquer aux Fidèles la cause commune de nos misères et de nos malheurs. A peine Adam eut-il désobéi à Dieu et transgressé le précepte qui lui disait:  Tu peux manger de tous les fruits du jardin, mais ne touche pas à l’arbre de la science du bien et du mal ; car le jour où tu mangeras de son fruit tu mourras de mort ; aussitôt il tomba dans cet affreux malheur qui lui fit perdre la sainteté et la justice dans lesquelles il avait été créé, et lui-même devint sujet à une foule d’autres maux que le Saint Concile de Trente a énumérés tout au long . D’autre part il ne faut pas oublier que ce péché et son châtiment ne se sont point arrêtés en Adam, mais qu’il a été, lui, comme la source et le principe qui les a fait passer justement à toute sa postérité.

Cependant le genre humain étant tombé de si haut, rien ne pouvait le relever et le remettre dans son premier état, ni les forces des hommes, ni celles des Anges. A ses malheurs, à sa ruine il ne restait de remède que le Fils de Dieu Lui-même, avec sa Puissance infinie. Seul Il pouvait, en se revêtant de l’infirmité de notre chair, détruire la malice infinie du péché, et nous réconcilier avec Dieu dans son sang.

Or la foi et la confession de ce mystère de la Rédemption est, et a toujours été si nécessaire aux hommes pour les conduire au salut, que Dieu a voulu le révéler dès le commencement: Au moment de la condamnation générale qui suivit de si prés le péché, Il fit briller l’espérance de la Rédemption dans les paroles dont Il se servit pour prédire au démon sa propre ruine, par la délivrance même de l’homme:  Je mettrai des inimitiés entre toi et la femme, entre ta race et la sienne. Elle te brisera la tête, et toi tu chercheras à la blesser au talon.

Souvent, dans la suite, Dieu confirma cette promesse, et fit connaître ses desseins d’une manière plus positive, surtout lorsqu’il voulait témoigner à certains hommes une bonté particulière. Abraham entre autres parmi les patriarches, reçut plusieurs fois de Lui la révélation de ce mystère. Mais ce fut principalement à l’heure oh il allait immoler son fils Isaac pour Lui obéir, qu’il Le connut clairement. Dieu lui dit en effet:  Puisque vous avez fait cela, et que vous n’avez point épargné votre fils unique, Je vous bénirai, et Je multiplierai votre race comme les étoiles et comme le sable qui est sur le bord de la mer. Votre postérité possédera les villes de vos ennemis, et toutes les nations de la terre seront bénies en votre race, parce que vous avez obéi à ma voix. De telles paroles faisaient aisément conclure qu’un des descendants d’Abraham délivrerait un jour le genre humain de l’effroyable tyrannie de Satan, et lui apporterait le salut. Or ce Libérateur annoncé ne pouvait être que le Fils de Dieu, sorti, comme homme, de la race d’Abraham. Peu de temps après, le Seigneur, pour conserver le souvenir de cette promesse, refit la même alliance avec Jacob, petit-fils d’Abraham. En effet ce patriarche vit dans un songe une échelle dont le pied reposait sur la terre, dont le sommet touchait le ciel, et le long de laquelle les Anges de Dieu montaient et descendaient . Et Dieu Lui-même appuyé sur cette échelle lui disait:  Je suis le Seigneur Dieu d’Abraham ton père, et le Dieu d’Isaac. La terre sur laquelle tu dors, Je te la donnerai à toi et à ta postérité, et tes descendants seront comme la poussière de la terre. tu t’étendras vers l’Orient et vers l’Occident, vers le nord et vers le Midi, et toutes les tribus de la terre seront bénies en toi et en ta race.

Et dans la suite Dieu continua de renouveler le souvenir de sa promesse et d’exciter l’attente du Sauveur, non seulement chez les descendants d’Abraham, mais chez beaucoup d’autres hommes. Dès que le gouvernement juif, avec sa religion, fut bien établi, le peuple connut plus clairement cette promesse. Car d’une part des objets muets figuraient, et de l’autre des hommes prédisaient les biens extraordinaires que Jésus-Christ notre Sauveur et Rédempteur devait nous apporter. Les Prophètes, dont l’esprit était éclairé par une lumière céleste, annoncèrent d’avance au peuple la naissance du Fils de Dieu, ses œuvres admirables, (œuvres qu’Il a opérées pendant sa vie humaine), sa doctrine, ses mœurs, sa vie, sa mort, sa résurrection. Et tous ses autres mystères. Et ils parlaient clairement de toutes ces choses, comme s’ils les avaient eues sous les yeux. De sorte que si nous supprimons la distance qui existe entre le passé et l’avenir, nous confondrons ensemble les prédictions des Prophètes et les prédications des Apôtres, la Foi des anciens patriarches et notre propre Foi:

Mais il est temps d’expliquer chacun des mots de ce second article.

§ II. — EN JESUS-CHRIST.

Jésus est le nom propre de celui qui est Dieu et homme tout ensemble. Il signifie Sauveur ; et ce n’est ni le hasard, ni le jugement et la volonté des hommes qui Lui ont donné ce nom, mais l’ordre et le dessein même de Dieu. L’Ange Gabriel en effet avait dit à Marie, en annonçant qu’elle serait sa Mère:  Voilà que vous concevrez dans votre sein. Et vous enfanterez un fils, et vous L’appellerez du nom de Jésus. Plus tard ce même Ange, non seulement fit un devoir à Joseph, Époux de la Sainte Vierge, de donner ce nom à l’Enfant, mais encore il lui apprit pourquoi Il devait être ainsi nommé « Joseph, fils de David, lui dit-il , ne craignez point de prendre avec vous Marie votre épouse, car ce qui est né en elle est du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils, et vous L’appellerez du nom de Jésus, parce que c’est Lui qui délivrera son peuple de ses péchés. »

Il est vrai que plusieurs personnages de nos Saintes Écritures ont aussi porté ce nom. tel fut Josué, fils de Navé, qui remplaça Moise, et qui eut le privilège, refusé à son prédécesseur, d’introduire dans la terre promise le peuple que ce dernier avait tiré de la servitude d’Égypte. tel fut également Jésus, fils de Josédech, le grand-prêtre.

Mais n’est-ce pas avec infiniment plus de justesse que ce nom de Jésus convient à notre Sauveur ? Lui qui a donné la lumière, la liberté et le salut non plus à un seul peuple, mais à tous les hommes de tous les siècles: qui ne les a pas seulement délivrés de la faim et de la domination de l’Égypte et de Babylone, mais qui les a tirés des ombres de la mort où ils étaient assis, qui a brisé les liens si durs du péché et du démon ; qui leur a rendu, après l’avoir reconquis pour eux, le droit à l’héritage du royaume céleste, et les a réconciliés avec Dieu le Père. Les personnages appelés aussi Jésus n’étaient que la figure de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a comblé le genre humain de tous les bienfaits que nous venons de rappeler. De plus, tous les autres noms sous lesquels les Prophètes avaient prédit que Dieu voulait désigner son Fils, sont renfermés dans le seul nom de Jésus. Car chacun d’eux n’exprime que sous un point de vue spécial le salut qu’Il devait nous apporter, au lieu que le nom de Jésus exprime, à Lui seul, toute l’étendue et tous les effets de la Rédemption du genre humain.

Au nom de Jésus on a ajouté celui de Christ qui signifie oint. C’est tout ensemble un titre d’honneur, et un mot qui désigne une fonction. Ce n’est pas un nom propre, car il est commun à beaucoup de personnes. Ainsi, dans l’antiquité, nos pères appelaient Christs les Prêtres et les rois, parce que, à cause de la dignité de leur charge, Dieu avait ordonné qu’ils reçussent l’onction sacrée. Ce sont les Prêtres en effet qui doivent recommander le peuple à Dieu par des prières assidues, ce sont eux qui Lui offrent des sacrifices et apaisent son courroux par leur intercession. Les rois sont chargés de gouverner les peuples ; c’est à eux qu’il appartient de faire respecter les lois, de protéger la vie des innocents et de punir l’audace des coupables. Et comme chacun de ces ministères semble représenter ici-bas la majesté du très Haut, ceux que l’on choisissait pour en faire des Prêtres ou des rois devaient recevoir l’onction de l’huile sainte. Ce fut également la coutume de conférer cette onction aux Prophètes, véritables interprètes et ambassadeurs du Dieu immortel, chargés de nous découvrir les secrets du ciel, et de nous exhorter à la réforme de nos mœurs par des instructions salutaires et par la prédiction de l’avenir.

Or Jésus-Christ notre Sauveur en venant dans le monde a pris tout à la fois ces trois charges, ces trois fonctions de Prophète, de Prêtre et de Roi. Voilà pourquoi Il a reçu le nom de Christ, et l’onction propre à ces trois ministères. Et Il a reçu cette onction non de la main des hommes, mais par la vertu même de son Père céleste, non pas une onction d’huile terrestre, mais d’huile purement spirituelle ; c’est-à-dire que la grâce, les dons et la plénitude du Saint-Esprit se répandirent dans son âme très sainte avec une telle abondance, que jamais aucune autre créature ne sera capable de les recevoir à un si haut degré. C’est ce que le Prophète exprime très bien, lorsque s’adressant au Rédempteur Lui-même, il Lui dit:  Vous avez aimé la justice et haï l’iniquité ; c’est pourquoi Dieu, votre Dieu Vous a donné urge onction de joie plus excellente qu’à tous ceux qui la partagent avec Vous. C’est ce que nous montre plus clairement encore Isaïe par ces paroles qu’il fait dire au Sauveur:  L’Esprit du Seigneur est sur Moi parce que le Seigneur m’a donné l’onction, et qu’Il m’a envoyé pour L’annoncer à ceux qui sont doux.

Jésus-Christ a donc été le Prophète et le Maître suprême qui nous a enseigné la volonté de Dieu, et dont la doctrine a fait connaître au monde son Père céleste. Et ce nom de Prophète lui convient avec d’autant plus de vérité et de justice, que tous ceux qui ont eu l’honneur de le porter comme Lui, n’ont été que ses disciples, envoyés spécialement pour annoncer la venue de ce grand Prophète qui, Lui, venait sauver les hommes.

Le Christ a été Prêtre aussi, non selon l’ordre des prêtres de la tribu de Lévi dans l’ancienne Loi, mais comme l’a chanté David:  Vous êtes prêtre éternel, selon l’ordre de Melchisédech. Saint Paul, dans son épître aux Hébreux, explique cette parole avec le plus grand soin .

Enfin nous reconnaissons en Jésus-Christ un Roi. non seulement comme Dieu, mais comme homme et revêtu de notre propre nature. n’est-ce pas de lui que l’Ange a dit:  Il régnera à jamais dans la maison de Jacob, et son règne n’aura point de fin. Or, ce règne est un règne spirituel et éternel. Il commence sur la terre pour se consommer dans le ciel. Et on peut dire que tous les devoirs que la royauté Lui impose, Jésus-Christ les remplit d’une manière admirable envers son Église Il la gouverne, Il la protège contre les attaques et les embûches de ses ennemis ; Il lui communique non seulement la sainteté et la justice, mais encore la force et les moyens de persévérer. Et bien que tous les hommes, bons et méchants, soient également compris dans ce royaume, bien que tous sans exception soient de droit ses sujets et Lui appartiennent, cependant ceux d’entre eux qui observent ses préceptes et mènent une vie pure et innocente, éprouvent d’une manière particulière les effets de la bonté et de la bienfaisance infinie de notre Roi. Au reste si ce royaume Lui est échu, ce n’est ni par droit de succession, parce qu’Il descendait de rois illustres, ni par aucun autre droit humain. II est Roi, parce que Dieu a réuni dans sa personne tout ce que la nature humaine peut renfermer de puissance, de dignité et de grandeur. Oui, c’est Dieu qui a mis entre ses mains l’empire du monde, et si, dès cette vie, Il commence à exercer son autorité sur toutes les créatures, ce n’est qu’au jour du jugement que cette autorité obtiendra une soumission pleine et entière.

§ III. — SON FILS UNIQUE.

Ces mots nous proposent à croire et à contempler en Jésus-Christ des mystères plus sublimes encore, à savoir qu’il est Fils de Dieu, et vrai Dieu comme son Père qui L’a engendré de toute éternité. De plus, nous reconnaissons et confessons en Lui la seconde Personne de la Sainte Trinité, parfaitement égale en toutes choses aux deux autres ; car aucune inégalité, aucune dissemblance ne peuvent exister, ni même se concevoir entre les Personnes divines, puisque nous faisons profession de croire qu’elles n’ont toutes trois qu’une seule et même essence, une seule et même Volonté, une seule et même Puissance. nous avons la preuve de cette vérité dans un grand nombre de textes de la Sainte Écriture, mais surtout dans cette parole de Saint Jean, qui est si lumineuse : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu.

Mais lorsqu’on nous dit que Jésus est le Fils de Dieu, il faut bien nous garder de penser qu’il y a quelque chose de mortel et de terrestre dans sa naissance. L’acte par lequel Dieu le Père engendre son Fils de toute éternité est incompréhensible et dépasse absolument notre intelligence. nous devons le croire fermement, l’honorer avec la plus sincère piété, et, frappés d’étonnement devant un tel mystère, nous écrier avec le Prophète:  Qui pourra raconter sa génération ? — Ce qu’il faut donc croire, c’est que le Fils est de même nature que le Père, qu’Il possède la même Puissance et la même Sagesse, ainsi que nous le confessons d’une manière plus explicite dans ces paroles du Symbole de Nicée: Et en Jésus-Christ, son Fils unique, né du Père avant tous les siècles, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait.

On a coutume d’employer un certain nombre de comparaisons pour essayer d’expliquer le mode et la nature de cette génération éternelle, la plus juste semble être celle qui se tire de la formation de notre pensée dans notre âme. Aussi Saint Jean donne-t-il au Fils de Dieu le nom de Verbe . De même en effet que notre esprit, en se comprenant et en se contemplant, forme de lui-même une image, que les théologiens appellent Verbe, ainsi nous pouvons dire — autant que les choses divines et les choses humaines peuvent se comparer entre elles — que Dieu, en se connaissant et en se contemplant Lui-même, engendre son Verbe éternel. Au reste il est préférable de s’arrêter simplement à ce que la Foi propose, c’est-à-dire croire et confesser avec sincérité que Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme tout ensemble ; que comme Dieu Il est engendré du Père avant tous les siècles, que comme homme Il est né dans le temps de la Vierge Marie sa mère. toutefois, en admettant cette double naissance, nous ne reconnaissons qu’un seul Fils. Car Jésus-Christ n’est qu’une seule et même Personne, qui réunit en elle la nature divine et la nature humaine.

Du côté de la génération divine, Il n’a ni frères ni cohéritiers, puisqu’Il est le Fils unique du Père, tandis que nous, nous ne sommes que ses créatures et le fragile ouvrage de ses mains. Du côté de sa génération humaine, il en est beaucoup à qui non seulement Il donne le nom de frères, mais qu’Il traite réellement comme tels, puisqu’Il les admet à partager avec Lui la gloire de l’héritage de son Père. Ce sont ceux qui. L’ont reçu par la Foi, et qui manifestent cette Foi qu’ils professent, par leur conduite et par les œuvres de la charité. C’est pourquoi l’Apôtre l’appelle le premier né d’un grand nombre de frères .

§ IV. — NOTRE-SEIGNEUR.

Parmi toutes les choses que la Sainte Écriture nous dit de notre Sauveur, il n’est pas difficile de reconnaître que les unes Lui conviennent comme Dieu, et les autres comme homme. Car II a reçu nécessairement de ces deux natures distinctes leurs propriétés différentes. Ainsi nous disons de Lui qu’Il est Tout-Puissant, éternel, immense, parce qu’il est Dieu. Et nous disons de Lui qu’Il a souffert, qu’Il est mort, qu’Il est ressuscité, parce que ces vérités ne peuvent s’appliquer évidemment qu’à la nature humaine. Mais il y a certains attributs qui conviennent aux deux natures, comme par exemple le nom de Seigneur que nous Lui donnons ici. Et si ce nom de Seigneur peut s’appliquer à la nature divine et à la nature humaine, c’est avec grande raison que nous appelons Jésus-Christ notre Seigneur.

Et d’abord, de même qu’Il est Dieu éternel comme le Père, ainsi, comme le Père, Il est le maître de toutes choses. Et comme Lui et son Père ne sont pas l’un un Dieu, et l’autre un autre Dieu, mais absolument le même Dieu, ainsi Lui et son Père ne sont pas deux Seigneurs différents, mais le même Seigneur. Ensuite les raisons ne manquent pas pour Lui faire donner comme homme le nom de Seigneur. En premier lieu, par cela seul qu’Il a été notre Rédempteur et qu’Il nous a délivrés de nos péchés, II a conquis sur nous assez de puissance pour être vraiment notre Seigneur et pour en porter le titre. C’est ce que l’Apôtre nous enseigne:  Il s’est humilié Lui-même ; Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix: c’est pourquoi Dieu L’a élevé, et Lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchît, au ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue reconnût que le Seigneur Jésus est dans la gloire de Dieu le Père. Enfin Lui-même, après sa Résurrection, n’a-t-il pas dit:  Toute puissance M’a été donnée au ciel et sur la terre ? — en second lieu, on L’appelle encore Seigneur, parce qu’Il a réuni en Lui, dans une seule Personne, la nature divine et la nature humaine. Union admirable qui Lui méritait, même sans mourir pour nous, d’être établi comme souverain Seigneur de toutes les créatures en général, et spécialement des Fidèles qui Lui obéissent, et qui Le servent de toute l’affection de leur cœur.

Le Pasteur devra donc exhorter les Fidèles à ne jamais perdre de vue, que c’est de Jésus-Christ que nous avons pris notre nom de Chrétiens, que nous ne pouvons ignorer les immenses bienfaits dont Il nous a comblés, puisque Lui-même a bien voulu nous les faire connaître par la Foi, et que, par conséquent nous sommes tenus en conscience, et plus que tous les autres hommes, de nous consacrer pour toujours à notre Rédempteur et Seigneur, et à nous dévouer à Lui, comme des esclaves à leur maître.

Nous l’avons en effet promis à la porte de l’Église, lorsque nous avons reçu l’initiation chrétienne par le Baptême. nous avons déclaré que nous renoncions à Satan et au monde, pour nous donner entièrement à Jésus-Christ. Mais si, pour mériter d’appartenir à la milice chrétienne, nous avons dû nous vouer à Notre-Seigneur par des serments si solennels et si sacrés, de quel supplice ne serions-nous pas dignes si après être entrés dans l’Église, après avoir connu la Volonté de Dieu et sa Loi, après avoir reçu la grâce des Sacrements, nous avions le malheur de vivre selon les maximes et les préceptes du monde et du démon, comme si, au jour de notre purification baptismale, nous nous étions donnés au monde et au démon et non pas à Jésus-Christ notre Seigneur et notre Rédempteur ? Quel cœur ne se sentirait enflammé d’amour pour un Maître si grand, et en même temps si bon pour nous, si dévoué à notre bonheur ? Car bien qu’Il nous tienne en sa puissance et sous sa domination, comme des esclaves qu’Il a rachetés par son Sang, cependant Il nous témoigne tant de charité, qu’Il daigne nous appeler ses amis  et ses frères, et non point ses esclaves. Voilà sans contredit une des raisons les plus fortes, et peut-être même la meilleure, pour nous obliger à Le reconnaître, à L’honorer et à Le servir toujours, comme notre véritable Seigneur.


Chapitre quatrième — Du troisième article du Symbole

QUI A ÉTÉ CONÇU DU SAINT-ESPRIT, EST NÉ DE LA VIERGE MARIE.

Les explications que nous venons de donner (dans l’article précédent) sont très suffisantes pour faire comprendre aux Fidèles quelle grâce immense et quel bienfait signalé Dieu a accordés au genre humain, en nous arrachant à la servitude du plus cruel tyran, et en nous rendant la liberté. Mais si cous réfléchissons aux voies et moyens qu’Il a employés spécialement pour arriver à ce but, nous ne trouverons rien de plus frappant, rien de plus magnifique que sa bonté et sa libéralité envers nous.

Ce sera donc dans ce troisième article que le Pasteur commencera à montrer la grandeur de ce Mystère que l’Écriture Sainte nous invite si souvent à méditer, comme le fondement même de notre Salut. Et d’abord, il enseignera, suivant le sens des paroles qui l’expriment, que nous croyons, et faisons profession de croire que Jésus-Christ notre Seigneur et le Fils unique de Dieu, en prenant pour nous un corps humain dans le sein d’une Vierge, n’a pas été conçu comme les autres hommes, humainement, mais par une intervention surnaturelle, par la vertu seule du Saint-Esprit . De sorte que la même Personne demeurant Dieu, comme elle l’était de toute éternité, est devenue homme ce qu’elle n’était pas auparavant .

Et ce qui prouve clairement que ces paroles ont bien ce sens, c’est la profession de foi du Saint Concile de Constantinople: Jésus-Christ, dit-il, est descendu des cieux pour nous autres hommes, et pour notre salut ; Il s’est incarné dans le sein de la Vierge Marie, par le Saint-Esprit, et Il s’est fait homme. C’est également de cette manière que Saint Jean l’Évangéliste a expliqué ce profond mystère. Il en avait puisé la connaissance sur le sein même du Sauveur. Après avoir déclaré la nature du Verbe divin en ces termes:  Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu, il termine par ceux-ci: et le Verbe s’est fait chair, et Il a habité parmi nous. En effet le Verbe, qui est une des Personnes divines, a pris la nature humaine d’une manière si complète, que les deux natures n’ont plus fait en Lui qu’une seule et même hypostase, une seule et même Personne. Et toutefois dans cette admirable union, chacune des deux natures a conservé ses opérations et ses propriétés, et l’illustre Pontife Saint Léon a eu raison de dire: La gloire de la nature divine n’a point absorbé la nature humaine, et l’élévation de la nature humaine n’a rien fait perdre à la nature divine.

§ I. — QUI A ÉTÉ CONÇU DU SAINT-ESPRIT.

Mais comme il est essentiel de bien expliquer les mots, le Pasteur aura soin d’enseigner que si nous disons que le Fils de Dieu a été conçu du Saint-Esprit, nous ne prétendons pas dire pour cela que cette Personne de la Sainte Trinité ait seule opéré le mystère de l’Incarnation. II est vrai que le Fils seul a pris la nature humaine, mais les trois Personnes divines, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ont eu part à ce Mystère.

C’est en effet une règle absolue de la Foi chrétienne que dans les choses que Dieu fait hors de Lui, tout est commun aux trois Personnes ; que l’une n’agit point sans l’autre. La seule chose qui ne soit pas commune aux trois Personnes divines, et qui ne puisse pas l’être, c’est le mode de procession. En effet, le Fils n’est engendré que du Père, tandis que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. Mais dans tout ce qu’elles produisent hors d’elles. les trois Personnes agissent également et sans aucune différence. Et ceci s’applique précisément au mystère de l’Incarnation.

Il n’en est pas moins vrai que parmi les choses qui sont communes aux trois Personnes, c’est un usage dans nos Saints Livres, d’attribuer les unes à telle Personne, les autres à telle autre, par exemple au Père la souveraine Puissance, au Fils la Sagesse, et l’Amour au Saint-Esprit. Et comme le mystère de l’Incarnation est la preuve sans réplique de l’amour immense et particulier que Dieu a pour nous, c’est pour cela que nous l’attribuons spécialement au Saint-Esprit.

Au reste, il convient de remarquer que dans ce mystère certaines choses sont au-dessus de la nature, tandis que d’autres lui sont entièrement conformes. Ainsi nous croyons que le corps de Jésus-Christ a été formé du sang très pur de la Vierge sa mère. Et nous ne voyons en cela qu’une œuvre purement naturelle, car c’est le propre de tout corps humain d’être formé du sang de la mère. Mais ce qui dépasse l’ordre naturel et même l’intelligence de l’homme, c’est que la Bienheureuse Vierge n’eut pas plus tôt donné son consentement aux paroles de l’Ange, en disant:  Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole, que sur-le-champ le corps très saint de Jésus-Christ fut formé en elle, qu’une âme jouissant pleinement de la raison fut unie à ce corps et que dans un seul et même instant Il fut Dieu parfait et homme parfait. Or personne ne saurait douter que cet effet si extraordinaire et si admirable ne soit l’œuvre du Saint Esprit. Car selon les lois ordinaires de la nature, l’âme raisonnable ne vient s’unir au corps qu’après un temps déterminé.

Ce qui n’est pas moins digne de notre admiration, c’est que, au moment même où l’âme de Jésus-Christ s’unissait à son corps, la divinité s’unissait également à l’un et à l’autre: et ainsi comme le corps fut aussitôt animé que formé, de même aussitôt la divinité fut unie au corps et à l’âme.

D’où il suit que dans le même instant Jésus-Christ fut Dieu parfait et homme parfait, et que la très Sainte Vierge put vraiment et proprement être appelée Mère de Dieu, et Mère d’un homme, puisque dans le même moment elle avait conçu un Dieu homme. C’est ce que l’Ange lui avait bien marqué, en lui disant:  Voilà que vous concevrez dans votre sein et que vous enfanterez un fils à qui vous donnerez le nom de Jésus. Il sera grand, et on L’appellera Fils du Très Haut. L’événement d’ailleurs ne faisait que confirmer la prophétie d’Isaïe:  Une Vierge concevra et enfantera un fils. Sainte Élisabeth avait la même pensée, lorsque, remplie du Saint-Esprit et instruite par Lui de la conception du Fils de Dieu, elle disait à Marie:  D’où me vient ce bonheur que la mère de mon Dieu daigne venir me visiter ?

Mais de même que le corps de Jésus-Christ fut formé, comme nous venons de le dire, du plus pur sang de la plus pure des Vierges, et cela non humainement, niais par la vertu seule du Saint-Esprit ; de même aussi son âme, dès le premier instant de sa conception, reçut la plénitude de l’Esprit de Dieu, avec l’abondance de tous ses dons. Car, selon le témoignage de Saint Jean,  Dieu ne Lui donna pas son esprit avec mesure, comme Il fait pour les autres hommes qu’Il veut bien enrichir et sanctifier par sa grâce, mais Il versa dans son âme une telle abondance de grâces, qu’il nous est possible à tous de recevoir de sa plénitude. 

Cependant il ne faut pas dire que Jésus-Christ est le Fils adoptif de Dieu, quoiqu’Il ait reçu cet esprit qui confère aux Saints la qualité d’enfants adoptifs de Dieu. Il est Fils de Dieu par nature, et dès lors ni la grâce de l’adoption, ni le titre de fils adoptif ne peuvent aucunement Lui convenir.

Telles sont les explications que nous avons cru devoir donner sur l’admirable Mystère de la conception du Fils de Dieu.

Et si les Fidèles veulent en retirer des fruits salutaires, ils doivent se rappeler souvent et méditer dans leur cœur ces vérités si importantes: que Celui qui a pris notre chair est Dieu, qu’Il s’est fait homme d’une manière si surnaturelle que notre esprit ne peut comprendre ce mystère, et encore moins l’expliquer ; qu’enfin Il a voulu se faire homme, pour nous faire redevenir enfants de Dieu. Et après avoir bien réfléchi, et avec attention, sur les mystères renfermés dans cet article, qu’ils s’appliquent à les croire et à les adorer d’un cœur humble et soumis, sans chercher à les scruter et à les pénétrer. (Ces sortes de curiosités sont rarement sans danger.)

§ II. — QUI EST NÉ DE LA VIERGE MARIE

C’est la seconde partie de notre article. Le Pasteur l’expliquera avec le plus grand soin. Car les Fidèles Sont obligés de croire, non seulement que Notre-Seigneur Jésus Christ a été conçu par l’opération du Saint-Esprit, mais encore qu’il est né de la Vierge Marie, et que « est elle qui L’a mis au monde. C’est avec une joie profonde et une vive allégresse que nous devons méditer ce mystère de notre Foi. La parole de l’Ange qui le premier en fit con naître au monde l’heureux accomplissement nous y invite. Je vous annonce, dit-il,  un grand sujet de joie pour tout le peuple. Et avec cette parole, le cantique des Anges:  Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Alors en effet commençait à s’accomplir la magnifique promesse que Dieu avait faite à Abraham  de bénir un jour toutes les nations dans sa postérité. Car Marie que nous reconnaissons hautement et que nous honorons comme véritable Mère de Dieu, puisque la personne qu’elle a enfantée est Dieu et homme tout ensemble, Marie descendait de David.

Mais si la conception du Sauveur est au-dessus de toutes les lois de la nature, sa naissance ne l’est pas moins ; elle est divine. Et ce qui est absolument prodigieux, ce qui dépasse toute pensée et toute parole, c’est qu’il est né de sa Mère qui est demeurée toujours Vierge. De même que plus tard Il sortit de son tombeau, sans briser le sceau qui Le tenait fermé, de même qu’il entra, les portes fermées, dans la maison où étaient ses disciples, de même encore — pour prendre nos comparaisons dans les phénomènes ordinaires — que les rayons du soleil traversent le verre sans le briser ni l’endommager, ainsi, mais d’une manière beaucoup plus merveilleuse, Jésus-Christ naquit de sa Mère qui conserva le privilège de la Virginité. nous avons donc bien raison d’honorer Marie à la fois comme Mère et comme Vierge. Ce privilège inouï fut l’œuvre de l’Esprit Saint, suivant la profession de foi du Saint Concile de Constantinople citée plus haut: « Jésus-Christ s’est incarné dans le sein de la Vierge Marie, par le Saint-Esprit, et Il s’est fait homme ».

L’Apôtre Saint Paul appelle quelquefois Jésus-Christ le nouvel Adam, et Le compare au premier. En effet, de même que tous les hommes sont morts dans celui-ci,  ainsi tous sont rappelés à la vie dans Celui-là. Et de même encore que le premier a été le père du genre humain, selon l’ordre de la nature, de même le second est pour tous les hommes l’Auteur de la grâce et de la gloire. Par analogie, nous pouvons également comparer la Vierge-Mère à Eve, et montrer les rapports qui existent entre la première Eve, et Marie qui est la seconde ; comme nous venons de le faire entre le premier Adam et le second qui est Jésus-Christ. Eve, en croyant au serpent,  attira sur le genre humain la malédiction et la mort ; Marie, en ajoutant foi aux paroles de l’Ange, obtint pour les hommes, de la bonté de Dieu, la bénédiction et la vie.  Par Eve, nous naissons enfants de colère ; par Marie, nous recevons Jésus-Christ, qui nous fait renaître enfants de la grâce. A Eve il a été dit:  tu enfanteras dans la douleur ; Marie donne naissance à notre Seigneur Jésus-Christ et elle ne souffre pas, et, comme nous l’avons dit tout à l’heure, elle conserve le privilège de la Virginité parfaite.

Mais puisque la conception et la naissance du Rédempteur devaient renfermer des merveilles si grandes et si profondes, ne convenait-il pas que la divine Providence nous en instruisît d’avance par des figures nombreuses et des oracles formels ?

C’est pourquoi les Saints Docteurs ont appliqué à ce mystère beaucoup de textes de la Sainte Écriture, et principalement ceux-ci:  cette porte du sanctuaire qu’Ezéchiel vit fermée ;  cette pierre qui, dans Daniel se détache de la montagne, sans que les hommes y mettent la main, et devient elle-même une grande montagne qui couvre toute la terre ;  cette verge d’Aaron qui fleurit seule au milieu de toutes les verges des chefs d’Israël ;  enfin ce buisson que Moïse vit brûler sans se consumer.

Quant à la naissance même du Sauveur, elle est racontée par Saint Lue dans tous ses détails. nous n’avons donc pas à y insister ici davantage. Le Pasteur la trouvera dans cet Évangéliste Ce qui devra l’occuper surtout sera de graver fortement dans l’esprit et le cœur des Fidèles la connaissance de ces mystères qui ont été écrits pour notre instruction ;  afin que d’une part, le souvenir d’un si grand bienfait les porte à la reconnaissance envers Dieu, qui en est l’auteur, et d’autre part, que le spectacle d’une humilité si étonnante et si parfaite, devienne pour eux un exemple à imiter.

En effet, quoi de plus utile, quoi de plus propre à réprimer l’orgueil et la vanité de notre esprit, que la pensée fréquente (et comme la vue) d’un Dieu qui s’humilie jusqu’à communiquer sa gloire aux hommes, et se revêtir de leur faiblesse et de leur fragilité ? d’un Dieu qui daigne se faire homme ? d’une Majesté souveraine et infinie qui s’abaisse à servir l’homme, pendant que les colonnes du ciel, comme dit l’Écriture  tremblent de frayeur au moindre signe de sa Volonté, et qui consent à naître et à vivre sur la terre, pendant que les Anges L’adorent dans le ciel ? Or, puisque c’est pour nous que Dieu a fait toutes ces choses, que ne devons-nous pas faire, nous, de notre côté, pour Lui obéir ? Avec quel empressement, avec quelle allégresse ne devons-nous pas aimer, embrasser et remplir tous les devoirs que l’humilité nous impose ? Ah ! de grâce, recueillons les salutaires leçons que Jésus-Christ nous donne en naissant, et avant même d’avoir prononcé une seule parole ! Il naît pauvre ; Il naît comme un étranger, dans un lieu qui ne Lui appartient pas ; Il naît dans une vile étable ; Il naît au milieu de l’hiver. Car voici ce que nous rapporte Saint Luc:  Pendant qu’ils étaient là, il arriva que le temps s’accomplit où elle devait enfanter, et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’enveloppa de langes, et elle le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait point de place pour Lui dans l’hôtellerie. L’évangéliste pouvait-il cacher sous des termes plus humbles, cette majesté et cette gloire qui remplissent le ciel et la terre ? Il ne dit pas seulement qu’il n’y avait point de place dans l’hôtellerie, mais qu’il n’y en avait point pour Lui, pour Celui qui a dit:  La terre est à Moi et tout ce qu’elle renferme. Et un autre Évangéliste a dit également:  Il est venu chez lui, et les siens ne L’ont pas reçu.

En contemplant ces mystères, les Fidèles n’oublieront pas que si Dieu a daigné se revêtir de la bassesse et de l’infirmité de notre nature, c’était pour élever le genre humain au plus haut degré de gloire. En effet, pour bien comprendre l’éminente dignité, même la supériorité que Dieu, dans sa bonté, a voulu accorder à l’homme, ne suffit-il pas de reconnaître que Jésus-Christ, qui est véritablement Dieu, est aussi véritablement homme ?

Et cela est si vrai qu’il nous est permis de nous glorifier que le Fils de Dieu est réellement notre chair et nos os, privilège qui n’appartient pas aux esprits bienheureux, car dit l’apôtre,  Jésus-Christ ne s’est point approprié la nature angélique, mais celle des enfants d’Abraham.

Enfin prenons garde qu’il ne nous arrive pour notre malheur ce qui arriva à Bethléem, et que, comme notre Seigneur ne trouva point de place dans l’hôtellerie pour y naître, de même Il n’en trouve pas davantage dans nos cœurs pour y prendre naissance, non plus selon la chair, mais selon l’esprit. Car Il souhaite ardemment de venir en nous, à cause de l’extrême désir qu’il a de notre salut. Et de même encore qu’il s’est fait homme, qu’Il est né, qu’il a été sanctifié, qu’il a été la sainteté même par la vertu du Saint-Esprit, et d’une manière toute surnaturelle, ainsi il faut que nous naissions  non du sang et de la volonté de la chair, mais de Dieu ; qu’ensuite  nous marchions comme des créatures nouvelles dans un esprit nouveau, et que nous conservions cette sainteté et cette pureté de cœur, qui conviennent si bien à des hommes régénérés par l’esprit de Dieu. De cette manière nous pourrons reproduire en nous-mêmes quelque image de cette Conception et de cette naissance si sainte du Fils de Dieu, que nous croyons d’une Foi ferme, et que nous adorons et admirons en même temps comme la Sagesse de Dieu  qui est cachée dans ce Mystère.


Chapitre cinquième — Du quatrième article du Symbole

QUI A SOUFFERT SOUS PONCE PILATE, A ÉTÉ CRUCIFIÉ, EST MORT, ET A ÉTÉ ENSEVELI.

Pour montrer combien la connaissance de cet article est nécessaire, et avec quel zèle le Pasteur doit exhorter les Fidèles à se rappeler le plus souvent possible la Passion du Sauveur, il suffit de citer ces paroles du grand Apôtre dans lesquelles  il fait profession de ne savoir rien autre chose que Jésus-Christ crucifié. Le Pasteur devra donc employer tous ses soins et tous ses efforts à bien faire ressortir cette vérité, afin que le souvenir d’un si grand bienfait fasse impression sur les Fidèles et les porte à reconnaître et à admirer sans réserve la bonté et l’amour de Dieu pour nous.

§ I. — QUI A SOUFFERT SOUS PONCE-PILATE

La première partie de cet article (on parlera de la seconde un peu plus loin) nous propose à croire que notre Seigneur Jésus-Christ a été crucifié dans le temps où Ponce Pilate gouvernait la Judée, au nom de l’empereur Tibère. En effet Il fut arrêté, accablé de railleries et d’injures, tourmenté de diverses manières, et enfin attaché à une croix. Et il n’est pas permis de douter que son âme, dans sa partie inférieure, n’ait été sensible à ces tourments. Car par le seul fait qu’Il avait revêtu la nature humaine, nous sommes obligés de reconnaître qu’Il ressentit dans son âme la plus vive douleur. Aussi dit-il Lui-même:  mon âme est triste à en mourir. Sans doute la nature humaine se trouvait unie en Lui à une personne divine, mais il n’en est pas moins vrai qu’Il souffrit toute l’amertume de sa Passion, comme si cette union n’avait pas existé. Les propriétés des deux natures furent conservées dans la Personne unique de Jésus-Christ. Par conséquent ce qui, en Lui, était passible et mortel, demeura passible et mortel ; et ce qui était impassible et immortel, c’est-à-dire la nature divine, ne perdit rien de ses qualités essentielles.

Quant au soin particulier avec lequel on a voulu rappeler ici que Jésus-Christ souffrit dans le temps où Ponce Pilate gouvernait la Judée, réduite en province romaine, le Pasteur ne manquera pas d’en donner la raison ; c’est que la connaissance d’un événement si considérable, et en même temps si nécessaire pour l’humanité, devenait beaucoup plus facile pour tous, en précisant l’époque certaine de son accomplissement. C’est ce que l’Apôtre Saint Paul avait fait.  De plus, il faut voir dans ces paroles l’accomplissement de cette prophétie du Sauveur disant de Lui-même:  Ils le livreront aux Gentils pour être outragé, flagellé et crucifié.

Ce fut également par un conseil particulier de Dieu qu’Il voulut mourir sur une croix. Ne fallait-il pas que la vie nous revînt par où la mort nous était venue ?  Le serpent qui avait triomphé de nos premiers parents avec le fruit d’un arbre, fut vaincu à son tour par Jésus-Christ sur l’arbre de la Croix. Les Saints Pères ont longuement développé un bon nombre de raisons que nous pourrions reproduire, pour faire comprendre toutes les convenances de ce genre de mort, plutôt que tout autre. Mais le Pasteur avertira les Fidèles qu’il leur suffit de croire que Jésus-Christ a choisi la Croix pour y mourir, parce qu’il la trouvait la plus convenable et la mieux appropriée à la Rédemption du genre humain. En effet, il n’y avait rien de plus honteux ni de plus humiliant. Et ce n’étaient pas seulement les païens qui regardaient ce supplice comme abominable, et Plein de honte et d’infamie ; la loi de Moïse elle-même prononçait l’anathème contre celui qui est pendu au bois

Le Pasteur n’oubliera pas non plus de raconter l’histoire des souffrances de Jésus-Christ, si soigneusement décrites par les Évangélistes. tout au moins il fera connaître aux Fidèles les points principaux de ce mystère, c’est-à-dire ceux qui semblent plus nécessaires pour confirmer la vérité de notre Foi. C’est sur cet article en effet, que la Foi et la Religion chrétienne reposent comme sur leur base. Si l’on a soin de bien l’établir, tout le reste se soutient parfaitement. Car si l’esprit humain trouve ailleurs des difficultés, c’est sans contredit dans le mystère de la Rédemption qu’il en rencontre le plus. nous avons peine à concevoir que notre salut dépende de la Croix et de Celui qui s’y laissa clouer pour notre amour. Mais c’est en cela même, selon l’enseignement de l’Apôtre, qu’il faut admirer la souveraine Providence de Dieu. Car  voyant que le monde, avec sa sagesse, ne L’avait point reconnu dans les œuvres de sa divine Sagesse, il lui a plu de sauver par la folie de la prédication ceux qui croiraient. Il n’y a donc pas lieu d’être surpris que les Prophètes, avant son arrivée dans le monde et les Apôtres, après sa Mort et sa Résurrection, aient fait tant d’efforts pour persuader aux hommes que Jésus-Christ est leur Rédempteur, et pour les amener à reconnaître la puissance de ce Crucifié, et à Lui obéir.

On peut dire que le mystère de la Croix, humainement parlant, est plus que tout le reste, en dehors des conceptions de la raison ; voilà pourquoi, depuis le péché d’Adam, Dieu n’a point cessé d’annoncer la mort de son Fils, tantôt par des figures, tantôt par des oracles de ses Prophètes. Ainsi, pour dire un mot des figures, Abel  tué par la jalousie de son frère, Isaac  offert par son père en sacrifice, l’agneau  immolé par les Hébreux à leur sortie d’Égypte, le serpent  d’airain que Moïse fit élever dans le désert, voilà bien autant de figures qui représentaient par avance la Passion et la Mort de notre Seigneur Jésus-Christ ! Quant aux Prophètes, presque tous les ont prédites ; et leurs prophéties sont trop connues pour que nous ayons à les rapporter ici. Mais outre celles de David , qui a embrassé dans ses Psaumes tous les mystères de notre Rédemption, est-il possible d’en trouver de plus claires et de plus évidentes que celles d’Isaïe ?  et ne dirait-on pas que ce voyant raconte des faits accomplis, bien plus qu’il ne prophétise des événements futurs ? 

§ II. — EST MORT, ET A ÉTÉ ENSEVELI.

Le Pasteur enseignera que ces paroles nous obligent à croire que Jésus-Christ, après avoir été crucifié, mourut véritablement et fut enseveli. Et ce n’est pas sans raison que les Apôtres ont fait de cette vérité un article spécial de leur Credo. Car il s’est trouvé des hommes, et en certain nombre, pour soutenir que notre Seigneur n’était pas mort sur la Croix. Les Apôtres, ces personnages si saints et si vénérables, ont donc fait preuve de sagesse en établissant ce point particulier de notre Foi pour repousser cette erreur. Du reste, l’authenticité du fait ne laisse aucune place au doute. tous les Évangélistes sont d’accord pour dire que Jésus-Christ rendit l’esprit. Au surplus, notre Sauveur étant vraiment et parfaitement homme pouvait par là même mourir véritablement. Or l’homme meurt, lorsque son âme se sépare de son corps. Ainsi lorsque nous disons que Jésus-Christ est mort, nous entendons que son âme a été séparée de son Corps. Mais nous n’admettons pas que la Divinité en ait été séparée. non, car nous croyons fermement, au contraire, et nous faisons profession de croire qu’après la séparation du Corps et de l’Âme, la divinité demeura inviolablement unie au Corps dans le sépulcre, et à l’Âme dans les enfers. Or  Il convenait que le Fils de Dieu mourût, afin que par sa mort, Il détruisît celui qui avait l’empire de la mort, c’est-à-dire le démon, et qu’Il délivrât ceux que la crainte de la mort tenait pendant toute la vie dans un état de servitude.

Mais ce qu’il y a d’extraordinaire dans la Mort de Jésus-Christ, c’est qu’Il mourut précisément en Maître de la mort, au moment même où Il avait décrété de mourir, et de plus que sa mort fut l’effet de sa volonté, et non de la violence de ses ennemis. Il avait, en effet, non seulement réglé et arrêté sa mort, mais encore Il en avait fixé le lieu et le moment. Isaïe avait dit de Lui:  Il a été offert (c’est-à-dire immolé), parce qu’Il l’a voulu. Lui-même, avant sa Passion disait à son tour:  Je laisse mon âme pour la reprendre de nouveau. Personne ne Me l’enlève mais je la quitte de Moi-même. J’ai le pouvoir de la quitter, et J’ai le pouvoir de la reprendre. Et pour le temps et le lieu de sa mort, voici comment Il s’en explique lorsque Hérode Lui tendait des embûches pour Le faire périr:  Allez dire à ce renard — Je chasse les démons, et J’opère des guérisons aujourd’hui et demain et le troisième jour Je mourrai. Et cependant il faut que Je marche aujourd’hui et demain et le jour suivant: car il ne faut pas qu’un Prophète périsse hors de Jérusalem.

Ce ne fut donc ni malgré Lui ni par contrainte, ce fut au contraire par sa pleine volonté qu’Il s’offrit Lui-même, et qu’il dit en s’avançant vers ses ennemis:  c’est Moi ! et ce fut de son plein gré qu’Il endura tous les tourments injustes et cruels dont ils L’accablèrent.

Rien n’est plus capable de nous émouvoir et de nous toucher profondément que le souvenir et la méditation de toutes ses souffrances et de toutes ses tortures. Si quelqu’un avait souffert pour nous toutes sortes de douleurs, non pas volontairement, mais par nécessité et par contrainte, peut-être pourrions-nous ne voir dans ces souffrances qu’un bienfait relatif. Mais au contraire, s’il s’agissait de quelqu’un qui, pour nous, uniquement pour nous, aurait bien voulu souffrir la mort de son plein gré, et lorsqu’Il pouvait s’y soustraire, ce trait de bonté serait si beau et si grand, que le cœur le plus reconnaissant, non seulement ne saurait exprimer, mais même ressentir, toute la gratitude qu’Il mériterait. Quelle est donc l’excellence de la charité de Jésus-Christ envers nous, et comment mesurer tout ce qu’il y a d’immense et de divin dans le bienfait de la Rédemption ?

Nous confessons ensuite qu’Il a été enseveli. Mais nous ne considérons pas ces paroles comme une vérité particulière qui offrirait des difficultés nouvelles, après les explications que nous avons données sur sa mort. En effet dès lors que nous croyons que Jésus-Christ est véritablement mort, il n’est plus difficile de nous persuader qu’Il a été enseveli. Si donc on a ajouté ces mots, c’est d’abord afin de supprimer tout prétexte de doute sur sa mort, car l’une des plus grandes preuves de la mort d’un homme, c’est le fait même de sa sépulture. C’est en second lieu afin de rendre plus sensible et plus éclatant le miracle de sa Résurrection.

Mais par ces paroles nous ne reconnaissons pas seulement que le Corps de Jésus-Christ a été enseveli, nous admettons de plus, et surtout ainsi que l’Église nous le propose à croire , que c’est un Dieu qui a reçu la sépulture, comme nous disons en toute vérité, selon la règle de la Foi catholique, que Dieu est mort, que Dieu est né d’une Vierge. Et de fait, puisque la Divinité de Jésus-Christ n’a pas été séparée de son Corps renfermé dans le tombeau, nous avons le droit de dire que Dieu a été enseveli.

En ce qui regarde le genre et le lieu de cette sépulture, le Pasteur se contentera du texte des saints Évangiles. toutefois il fera ici deux observations très importantes: la première, que le Corps de Jésus-Christ dans le tombeau fut exempt de toute corruption, ainsi que le Prophète l’avait annoncé en ces termes:  Vous ne permettrez point, Seigneur, que votre Saint éprouve la corruption. La seconde, c’est que toutes les parties de cet article, la Sépulture, la Passion et la Mort ne conviennent à Jésus-Christ qu’en tant qu’Il est homme, et non en tant qu’Il est Dieu. Car la souffrance et la mort sont le triste apanage de la nature humaine. Cependant ces choses sont attribuées à Dieu dans le Symbole, parce qu’il est clair qu’on peut les dire avec raison de la Personne qui est tout à la fois Dieu parfait et homme parfait.

§ III. — CAUSES DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST.

Ces vérités ainsi exposées, les Pasteurs auront soin de développer, sur la Passion et la mort de Jésus-Christ, certaines considérations propres à faire méditer aux Fidèles, la profondeur d’un si grand mystère.

Et d’abord, ils diront quel est Celui qui a enduré toutes ces souffrances. C’est Celui dont la dignité est telle que nous ne pouvons ni la comprendre ni l’expliquer -, Celui dont Saint Jean a dit  qu’Il est le Verbe qui était en Dieu ; Celui dont l’Apôtre Saint Paul a fait ce magnifique éloge , qu’il a été établi de Dieu héritier de toutes choses, que les siècles ont été faits par Lui ; qu’Il est la splendeur de la gloire et le caractère de la substance du Père ; qu’Il soutient tout par la parole de sa Puissance, qu’Il nous a purifiés de nos péchés, et qu’en conséquence, Il est assis à la droite de la Majesté suprême, au plus haut des cieux. Et, pour tout dire en un mot, Celui qui a souffert pour nous, c’est Jésus-Christ, Dieu et homme tout ensemble. Oui, c’est le Créateur qui souffre pour ses créatures ; c’est le Maître qui souffre pour ses esclaves. C’est Celui qui a créé les Anges, les hommes, le ciel et tous les éléments, enfin  Celui en qui, par qui, et de qui toutes ces choses subsistent. Il ne faut donc pas nous étonner que lorsque l’Auteur de la nature fut si violemment agité par tant de tourments, l’édifice tout entier n’ait été ébranlé, et que, selon le récit de l’Écriture,  la terre ait tremblé, que les rochers se soient fendus, que les ténèbres aient couvert toute la surface de la terre, et que le soleil se soit obscurci. Mais si ces créatures muettes et insensibles ont pleuré la mort de leur Créateur, quelles larmes ne doivent pas verser les Fidèles, et de quelle douleur ne doivent-ils pas être pénétrés, eux qui sont  les pierres vivantes de la maison de Dieu ?

Il faut ensuite exposer les causes de la Passion, afin de rendre plus frappantes encore la grandeur et la force de l’Amour de Dieu pour nous. Or, si on veut chercher le motif qui porta le Fils de Dieu à subir une si douloureuse Passion, on trouvera que ce furent, outre la faute héréditaire de nos premiers parents, les péchés et les crimes que les hommes ont commis depuis le commencement du monde jusqu’à ce jour, ceux qu’ils commettront encore jusqu’à la consommation des siècles. En effet le Fils de Dieu notre Sauveur eut pour but dans sa Passion et dans sa Mort de racheter et d’effacer les péchés de tous les temps, et d’offrir à son Père pour ces péchés une satisfaction abondante et complète.

Il convient d’ajouter, pour donner plus de prix à son Sacrifice, que non seulement ce divin Rédempteur voulut souffrir pour les pécheurs, mais que les pécheurs eux-mêmes furent les auteurs et comme les instruments de toutes les peines qu’Il endura. C’est la remarque de l’Apôtre Saint Paul dans son épître aux Hébreux:  Pensez, dit-il, en vous-mêmes à Celui qui a Souffert une si grande contradiction de la part des pécheurs élevés contre Lui, afin que vous ne vous découragiez point, et que vous ne tombiez point dans l’abattement.

Nous devons donc regarder comme coupables de cette horrible faute, ceux qui continuent à retomber dans leurs péchés. Puisque ce sont nos crimes qui ont fait subir à Notre-Seigneur Jésus-Christ le supplice de la Croix, à coup sur ceux qui se plongent dans les désordres et dans le mal  crucifient de nouveau dans leur cœur, autant qu’il est en eux, le Fils de Dieu par leurs péchés, et Le couvrent de confusion. Et il faut le reconnaître, notre crime à nous dans ce cas est plus grand que celui des Juifs. Car eux, au témoignage de l’Apôtre,  s’ils avaient connu le Roi de gloire, ils ne L’auraient jamais crucifié. Nous, au contraire, nous faisons profession de Le connaître. Et lorsque nous Le renions par nos actes, nous portons en quelque sorte sur Lui nos mains déicides.

Enfin la Sainte Écriture nous enseigne que Notre-Seigneur Jésus-Christ a été livré à la mort par son Père et par Lui-même. Le Prophète Isaïe fait dire à Dieu le Père:  Je L’ai frappé à cause du crime de mon peuple. Et, quelques lignes plus haut, le même Prophète plein de l’Esprit de Dieu, voyant dans l’avenir le Sauveur couvert de plaies et de blessures, s’écriait:  Nous nous sommes tous égarés comme des brebis. Chacun de nous a suivi sa voie, et le Seigneur a mis sur Lui les iniquités de nous tous. Puis en parlant de Dieu le Fils, il dit:  S’Il sacrifie sa vie pour le péché, Il verra une longue postérité. Et l’Apôtre Saint Paul confirme cette vérité par des paroles encore plus décisives, tout en voulant nous montrer d’ailleurs ce que nous avons à espérer de la Miséricorde et de la Bonté infinie de Dieu:  Celui, dit-il, qui n’a pas épargné son Propre Fils, mais qui L’a libéré pour nous tous, comment, avec Lui, ne nous aurait-il pas aussi donné toutes choses ?

§ IV. — DOULEURS DE JÉSUS-CHRIST DANS SON CORPS ET DANS SON AME.

Ici le Pasteur devra expliquer combien furent cruelles les douleurs de la Passion. Hélas ! nous n’avons qu’à nous rappeler  cette sueur qui coulait du corps du Sauveur jusqu’à terre en gouttes de sang, à la pensée des tortures et des supplices qui L’attendaient pour comprendre qu’il était impossible de rien ajouter à de pareilles souffrances. Car si la seule pensée des tourments qui Le menaçaient fut assez douloureuse pour exciter en Lui une sueur de sang, que ne souffrit-Il pas lorsqu’Il les endura réellement ? Il est donc bien certain que notre Seigneur Jésus-Christ ressentit dans son Corps et dans son Âme les plus cruelles douleurs.

Et d’abord il n’y eut aucune partie de son Corps qui n’éprouvât des tourments extrêmes. Ses pieds et ses mains furent cloués à la Croix, sa tête fut percée par la couronne d’épines et frappée à coups de roseau ; son visage fut souillé de crachats, et meurtri par les soufflets ; tout son Corps enfin fut battu de verges.

Ce n’est pas tout. Des hommes de tous rangs et de toutes conditions  conspirèrent contre le Seigneur et contre son Christ. Juifs et Gentils furent également les instigateurs, les auteurs et les ministres de sa Passion.  Judas Le trahi. Pierre Le renia. tous ses autres disciples L’abandonnèrent.

Voyons-Le maintenant sur la Croix. Faut-il déplorer la cruauté, ou l’ignominie d’un tel supplice, ou ces deux choses ensemble ? Certes, on ne pouvait inventer un genre de mort ni plus honteux, ni plus douloureux. Il était réservé aux grands criminels, aux derniers des scélérats, et la lenteur de la mort y rendait encore plus aigu le sentiment des douleurs les plus violentes.

Mais ce qui augmentait également l’intensité de ses souffrances, c’était la constitution et les qualités même du Corps de Jésus-Christ. Formé par l’opération du Saint-Esprit ce Corps était incomparablement plus parfait et plus délicatement organisé que celui des autres hommes. Voilà pourquoi aussi sa sensibilité était beaucoup plus vive, et Lui faisait ressentir plus profondément tous ces tourments.

Quant aux souffrances intimes de l’âme, personne ne peut douter qu’elles n’aient été extrêmes en Jésus-Christ. Lorsque les Saints avaient à subir des persécutions, ou étaient livrés aux supplices, leur âme recevait de Dieu des consolations ineffables qui les ranimaient au milieu des tourments et leur donnaient la force d’en supporter patiemment toutes les rigueurs. On en vit même quelquefois qui éprouvaient alors dans leur cœur la joie la plus vive. Je me réjouis, disait l’Apôtre , dans les maux que j’endure pour vous, et je complète dans ma chair ce qui manque aux souffrances de Jésus-Christ, en souffrant moi-même pour son Corps qui est l’Église. Et ailleurs  : Je suis rempli de consolations, et je surabonde de joie dans toutes mes tribulations. Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ voulut boire le calice amer de sa Passion, sans mélange d’aucune douceur. Bien plus, Il laissa goûter, en quelque sorte, à la nature humaine dont Il s’était revêtu, toute la rigueur des tourments, comme s’Il n’avait été qu’un homme, et non pas un Dieu.

§ V. — FRUITS DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST.

Arrivé ici le Pasteur n’a plus qu’à expliquer — mais avec soin — les avantages et les biens que la Passion du Sauveur nous a procurés.

En premier lieu, Jésus-Christ par ses souffrances nous a délivrés du péché. Il nous a aimés, dit Saint Jean  et Il nous a lavés de nos péchés dans son sang. Et encore, comme dit l’Apôtre , Il nous a fait revivre avec Lui, nous remettant tous nos péchés, effaçant l’arrêt de condamnation écrit et porté contre nous, l’abolissant et l’attachant à la Croix.

Ensuite Il nous a arrachés à la tyrannie du démon. Voici maintenant le jugement du monde, dit le Sauveur Lui-même , et le prince de ce monde va en être chassé, et Moi, quand j’aurai été élevé de la terre, J’attirerai tout à Moi.

En troisième lieu, Il a payé la peine qui était due pour nos péchés.

De plus, comme on ne pouvait offrir à Dieu un sacrifice qui fût plus digne ou plus agréable, Il nous a réconciliés avec son Père , Il L’a apaisé, et nous L’a rendu favorable.

Enfin, en enlevant nos péchés, Il nous a ouvert la porte du ciel que le péché commun à tous les hommes avait fermée. C’est ce que l’Apôtre nous marque bien dans ces paroles:  Nous avons la confiance d’entrer dans le Sanctuaire, par le Sang de Jésus-Christ. Et l’Ancien testament ne manquait pas de symboles et de figures qui exprimaient la même vérité. Ainsi  les citoyens qui ne pouvaient rentrer dans leur pays qu’à la mort du grand prêtre, étaient l’image des Justes à qui l’entrée dans la Céleste Patrie était interdite, malgré toute leur sainteté, jusqu’à la Mort du Souverain et Éternel Pontife, Jésus-Christ. Mais depuis que le Rédempteur l’a subie, cette Mort, les portes du ciel sont ouvertes à tous ceux qui, purifiés par les Sacrements, et possédant la Foi, l’Espérance et la Charité, deviennent participants des mérites de sa Passion.

Le Pasteur montrera que tous ces avantages, tous ces divins Bienfaits nous viennent de la Passion de notre seigneur. En premier lieu, parce que sa mort fut une satisfaction pleine et entière qui Lui fournit le moyen admirable de payer à Dieu son Père toute la dette de nos péchés. Et ce prix qu’Il paya pour nous, non seulement égale notre obligation, mais lui est infiniment supérieur. En second lieu, parce que le sacrifice de la Croix fut infiniment agréable à Dieu. A peine Jésus-Christ l’eut-Il offert que la colère et l’indignation de son Père furent entièrement apaisées. Aussi l’Apôtre a-t-il soin de nous faire remarquer que la Mort du Sauveur fut un vrai Sacrifice  Jésus-Christ nous a aimés, dit-il, et Il s’est livré Lui-même pour nous en s’offrant à Dieu comme une Victime et une Oblation d’agréable odeur. En troisième lieu, enfin, parce que la Passion fut pour nous cette Rédemption dont parle le prince des Apôtres, quand il dit : ce n’est ni par l’or ni par l’argent corruptibles que vous avez été rachetés de la vanité de votre vie, que vous avez héritée de vos pères, mais par le Sang précieux de l’Agneau Saint et Immaculé, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et Saint Paul dit à son tour : Jésus-Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, en devenant malédiction pour nous.

Outre ces avantages si précieux, la Passion nous en fournit encore un autre d’un prix inestimable. Elle met sous nos yeux les exemples les plus frappants de toutes les vertus: la patience, l’humilité, une charité admirable, la douceur, l’obéissance, un courage surhumain à souffrir pour la justice, non seulement des douleurs, mais la mort elle-même. Et nous pouvons dire en vérité, que notre Sauveur, dans le seul jour de sa Passion, voulut représenter en Lui toutes les vertus dont Il avait recommandé la pratique pendant le cours entier de sa prédication.

Voilà ce que nous avions à dire ici sur la Passion et la Mort si salutaires de Notre-Seigneur Jésus-Christ ! Puissions-nous méditer sans cesse ces mystères au fond de nos cœurs ! Puissions-nous apprendre par là à souffrir, à mourir, à être ensevelis avec ce divin Sauveur ! C’est alors que purifiés des souillures du péché, et ressuscitant avec Lui à une vie nouvelle, nous mériterons, par sa Grâce et par sa Miséricorde, de participer un jour à la gloire de son Royaume céleste.


Chapitre sixième — Du cinquième article du Symbole

QUI EST DESCENDU AUX ENFERS, ET LE TROISIÈME JOUR EST RESSUSCITÉ DES MORTS.

Il importe extrêmement, disons-le bien haut, de connaître la gloire de la sépulture de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont nous venons de parler dans l’article précédent ; mais il importe bien plus encore de connaître les victoires éclatantes qu’Il a remportées sur le démon vaincu et sur l’enfer dépouillé ! C’est ce que nous allons expliquer en même temps que sa Résurrection. Sans doute ces deux vérités pouvaient fort bien être séparées. Mais pour suivre l’usage et l’autorité des Pères, nous avons cru devoir les réunir.

§ I. — IL EST DESCENDU AUX ENFERS.

La première partie de cet article nous propose à croire qu’aussitôt après la Mort de Jésus-Christ son âme descendit aux enfers, et y demeura aussi longtemps que son Corps resta dans le tombeau.

Mais ces paroles nous obligent aussi à reconnaître et à croire, que la même Personne de Jésus-Christ était en même temps dans les enfers et au fond de son tombeau. Et ce point de notre Foi n’étonnera personne, surtout si l’on veut se rappeler comme nous l’avons dit tant de fois, que, bien que l’Âme eût quitté le Corps réellement, jamais pourtant la Divinité ne fut séparée ni de l’Âme ni du Corps.

Le Pasteur pourra jeter une grande lumière sur les premiers mots de cet article, s’il a soin d’apprendre et de bien expliquer aux Fidèles ce qu’ils doivent entendre par cette expression: les enfers, qui ne signifient pas ici le sépulcre, comme quelques-uns l’ont pensé avec autant d’impiété que d’ignorance. En effet, l’article qui précède nous enseigne positivement que Notre-Seigneur Jésus-Christ a été enseveli. Par conséquent les Apôtres n’avaient aucune raison, en nous transmettant la règle de la Foi. de répéter la même vérité, d’une manière différente et beaucoup plus obscure.

Ce mot: les enfers, désigne donc ici ces lieux, ces dépôts cachés où sont retenues prisonnières les âmes qui n’ont pas encore obtenu la béatitude céleste. C’est dans ce sens que l’Écriture Sainte l’emploie dans beaucoup d’endroits. Ainsi nous lisons dans l’Apôtre Saint Paul:  Au nom de Jésus, tout genou fléchit au ciel, sur la terre et dans les Enfers. Et dans le Livre des Actes, Saint Pierre nous assure que  Jésus-Christ ressuscita, après avoir été délivré des douleurs de l’Enfer.

Mais ces lieux ne sont pas tous semblables. L’un est une prison affreuse et obscure, où les âmes des damnés sont tourmentées avec les esprits immondes par un feu perpétuel et qui ne s’éteint jamais. Ce lieu porte le nom de géhenne, d’abîme ; c’est l’Enfer proprement dit.

Il y a un autre enfer où est le feu du Purgatoire. C’est là que les Aines des justes se purifient dans des souffrances qui durent un temps déterminé, en attendant qu’elles soient dignes d’entrer dans la Patrie éternelle,  car rien de souillé ne peut y pénétrer. Cette vérité s’appuie sur le témoignage des Écritures et sur la tradition apostolique en même temps qu’elle est confirmée par les décrets des saints Conciles.  Les Pasteurs auront soin de la prêcher souvent et de l’établir sur les raisons les plus solides. Car nous sommes dans un temps où les hommes ne veulent plus supporter la saine doctrine

Un troisième enfer est celui où étaient reçues les Aines des Saints avant la venue de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et où elles jouissaient d’un séjour tranquille, exemptes de toute douleur, et soutenues par l’heureuse espérance de leur rédemption. Or, ce sont précisément ces Aines saintes, qui attendaient leur Libérateur dans le sein d’Abraham, que Jésus-Christ délivra lorsqu’Il descendit aux enfers.

Et il ne faut pas s’imaginer que Notre-Seigneur descendit aux enfers uniquement par sa Puissance et par sa Vertu, et que son Âme n’y pénétra pas réellement. nous devons croire au contraire, et de la manière la plus formelle, qu’elle y descendit véritablement et qu’elle y fut présente substantiellement. C’est le témoignage positif de David:  Vous ne laisserez pas mon Âme dans l’Enfer.

Mais en descendant aux enfers, Jésus-Christ ne perdit rien de sa Puissance ; et l’éclat de sa Sainteté ne fut point obscurci. Au contraire, cet événement ne servit qu’à mettre en évidence la vérité des magnifiques descriptions tracées par les Prophètes, et à faire voir de nouveau qu’Il était vraiment le Fils de Dieu, comme Il l’avait déjà prouvé Lui-même par tant de prodiges. C’est ce que nous comprendrons aisément, si nous prenons soin de comparer ensemble les différentes causes qui ont fait descendre aux enfers Jésus-Christ et les autres hommes. Les hommes y étaient venus en captifs. Lui, Il était libre au milieu des morts,  libre et vainqueur, puisqu’Il venait terrasser les démons qui y retenaient les hommes enfermés et enchaînés à cause de leurs péchés.

Parmi tous ces prisonniers, les uns enduraient les peines les plus cruelles ; les autres, quoique exempts de châtiments, souffraient cependant de la privation de Dieu, et ne pouvaient qu’espérer sans cesse la Gloire qui devait les rendre heureux. Jésus-Christ, Lui, non seulement n’y souffrit point, mais Il n’y parut que pour délivrer les Saints et les Justes des douleurs de leur triste captivité, et pour leur communiquer les fruits de sa Passion. Ainsi donc sa descente aux enfers ne lui fit rien perdre de sa Dignité, ni de sa Puissance souveraine.

Ces premières explications données, le Pasteur devra ensuite exposer que Notre-Seigneur Jésus-Christ descendit aux enfers, non seulement pour enlever aux démons leurs dépouilles, et briser les chaînes des saints Patriarches et des autres Justes, mais encore pour les introduire avec Lui dans le Ciel. Ce qu’Il fit d’une manière admirable et infiniment glorieuse. Car sa seule Présence répandit immédiatement au milieu d’eux une lumière resplendissante, les remplit d’une joie et d’une allégresse ineffable, et les mit en possession de cette béatitude qu’ils désiraient tant, et qui consiste dans la vue de Dieu. Alors se trouva vérifiée la promesse que Notre-Seigneur avait faite au bon larron:  Aujourd’hui même tu seras avec Moi en Paradis.

Cette délivrance des Justes, le Prophète Osée l’avait prédite longtemps auparavant:  ô Mort, avait-il dit, je serai ta mort ; ô enfer, je te déchirerai. Le Prophète Zacharie l’avait également annoncée en ces termes:  Vous aussi, par le Sang de votre Alliance, vous avez tiré vos captifs de la fosse, où il n’y a point d’eau. Et enfin l’Apôtre Saint Paul exprime la même vérité en disant de Notre-Seigneur Jésus-Christ:  Il a désarmé les Principautés et les Puissances, Il les a exposées en spectacle avec une pleine autorité, après avoir triomphé d’elles en sa propre personne. — Mais pour mieux comprendre encore la portée de ce Mystère, nous devons nous rappeler souvent que les Justes, non seulement ceux qui vécurent après Notre-Seigneur, mais encore ceux qui L’avaient précédé depuis Adam, et ceux qui viendront après Lui jusqu’à la fin des siècles, tous ces justes, sans exception, ont été sauvés par le bienfait de sa Passion. Voilà pourquoi avant sa Mort et sa Résurrection, les portes du Ciel n’avaient jamais été ouvertes à personne. Les Âmes des Justes, en se séparant de leurs corps, étaient portées dans le sein d’Abraham, ou bien comme il arrive encore aujourd’hui à celles qui, en quittant ce monde, ont quelque souillure à laver et quelque dette à payer, elles allaient se purifier par le feu du Purgatoire.

Enfin une dernière raison pour laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ descendit aux enfers, c’est qu’Il voulait y manifester sa Force et sa Puissance, aussi bien qu’au ciel et sur la terre, afin qu’il fût absolument vrai de dire  qu’à son nom tout genou fléchit au Ciel, sur la terre et dans les Enfers.

Qui n’admirerait ici la Bonté infinie de Dieu envers les hommes ? qui ne serait saisi d’étonnement en voyant son Fils unique non seulement endurer pour nous la mort la plus cruelle, mais encore pénétrer jusqu’aux plus basses parties de la terre, afin d’en arracher les Âmes qui lui étaient chères et de les conduire au séjour du bonheur ?

§ II — IL EST RESSUSCITÉ DES MORTS.

Cette seconde partie de l’article cinquième veut être expliquée avec le plus grand soin. Le Pasteur y prendra garde. C’est l’avertissement de l’Apôtre:  Souvenez-vous que Notre-Seigneur Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts. Or cette recommandation de Saint Paul à Timothée s’applique évidemment à tous ceux qui ont charge d’âmes.

Voici maintenant le sens de cette partie de l’article: Après que Jésus-Christ, le sixième jour, à la neuvième heure, eut rendu l’esprit sur la Croix, et que le même jour, vers le soir, Il eut été enseveli par ses disciples — lesquels avec la permission du Procurateur romain Ponce Pilate, avaient descendu son Corps de la Croix, et L’avaient transporté dans un sépulcre neuf, au milieu d’un jardin voisin — le troisième jour après, qui était le Dimanche, de grand matin son âme se réunit de nouveau à son corps. Ainsi, après être resté mort durant ces trois jours, Il reprit la vie qu’Il avait quittée en mourant, et ressuscita.

Et, par ce mot de Résurrection, il ne faut pas seulement entendre que Jésus-Christ s’est réveillé d’entre les morts, comme cela est arrivé à plusieurs autres, mais qu’Il est ressuscité par sa propre Force, par sa Puissance personnelle, ce qui ne peut convenir qu’à Lui seul, car il est contraire à la nature, et personne n’a jamais eu ce pouvoir, de passer par sa propre vertu de la mort à la vie. Cela était réservé à Dieu seul, à sa souveraine Puissance. L’Apôtre nous le dit:  S’Il a été crucifié dans son infirmité d’homme, c’est par sa Puissance de Dieu qu’Il est revenu à la vie. Et en effet, la Divinité n’ayant jamais été séparée, ni du Corps de Jésus-Christ pendant qu’Il était dans le tombeau, ni de son Aine pendant qu’elle était descendue aux enfers, ce Corps et cette Aine conservaient une Vertu divine. Et c’est par cette Vertu divine que le Corps pouvait être réuni à l’Aine, que l’Aine pouvait retourner au Corps, et que Jésus-Christ pouvait revivre et ressusciter des morts par sa propre puissance.

David, rempli de l’Esprit de Dieu, avait annoncé ce prodige quand il avait dit:  Sa droite et son bras puissant l’ont sauvé. Notre-Seigneur Lui-même nous en avait donné l’assurance de sa propre bouche:  Je quitte mon âme pour la reprendre de nouveau. J’ai le pouvoir de la quitter, et J’ai le pouvoir de la reprendre. C’est pour confirmer cette vérité qu’Il disait aux Juifs:  Détruisez ce temple, et dans trois jours Je le rebâtirai. Sans doute les Juifs croyaient qu’Il parlait de ce magnifique temple de pierre qu’ils avaient sous les yeux ; Lui, voulait parler du temple de son corps, comme le dit saint Jean en termes formels. Et si nous lisons dans quelques passages de nos Saints Livres que Jésus-Christ a été ressuscité par son Père , ces paroles se rapportent à Lui, comme homme ; de même qu’il faut rapporter à sa divinité ces autres paroles de la sainte Écriture  Il s’est ressuscité par sa propre vertu.

Il y a encore ceci de particulier dans la Résurrection de Jésus-Christ, c’est qu’Il a été le premier de tous qui ait participé à ce bienfait divin. Voilà pourquoi la Sainte Écriture L’appelle  le premier né d’entre les morts, et le premier né des morts. Et Saint Paul nous dit de Lui:  Le Christ est ressuscité d’entre les morts, comme les prémices de ceux qui dorment. Car si la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme qu’arrive la résurrection. Et de même que tous meurent en Adam, ainsi tous revivront en Jésus-Christ, mais chacun dans son rang, Jésus-Christ d’abord comme les prémices, puis ceux qui sont à Jésus-Christ.

Ces paroles doivent s’entendre de la résurrection parfaite, qui détruit pour nous toute espèce de nécessité de mourir une seconde fois, et nous met en possession d’une vie immortelle. Or, dans ce genre de résurrection, Jésus-Christ tient le premier rang. S’il n’était question en effet que de ce retour à la vie qui n’enlève pas la nécessité de mourir une seconde fois, plusieurs, avant Jésus-Christ, étaient ressuscités aussi ; mais en revenant à la vie ils étaient toujours obligés de mourir de nouveau ; Jésus-Christ, au contraire, vainquit et dompta tellement la mort par sa Résurrection qu’Il ne pouvait plus mourir. C’est l’enseignement formel de Saint Paul:  Jésus-Christ ressuscité des morts ne meurt plus. Et la mort désormais n’aura plus d’empire sur Lui.

§ III. — LE TROISIÈME JOUR.

Ces mots sont ajoutés à l’article. Le Pasteur aura soin de bien les expliquer aux Fidèles, afin qu’ils ne s’imaginent point que Notre-Seigneur Jésus-Christ demeura trois jours entiers dans le tombeau. En effet, Il n’y fut renfermé qu’un jour entier, une partie du jour précédent et une partie du jour suivant. Cela suffit pour que nous puissions dire en toute vérité qu’Il resta trois jours dans le sépulcre et qu’Il ressuscita le troisième jour.

Pour montrer qu’Il était Dieu, Il ne voulut pas différer sa Résurrection jusqu’à la fin du monde ; pour prouver qu’Il était vraiment homme, et réellement mort Il ne ressuscita pas immédiatement après sa mort, mais seulement le troisième jour après. Cet intervalle de temps Lui parut suffisant pour garantir la réalité de sa mort.

Les Pères du premier concile de Constantinople ont ajouté ceci: selon les Écritures Ces mots sont empruntés à l’Apôtre, et les Pères dont nous parlons ne les ont transportés dans le Symbole de leur Foi que parce qu’ils avaient appris du même Apôtre combien le mystère de la résurrection était nécessaire.  Si Jésus-Christ n’est pas ressuscité, dit Saint Paul aux Corinthiens, notre prédication est vaine, et vaine aussi est votre Foi. Et encore: Si Jésus-Christ n’est pas ressuscité, votre Foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés. Aussi Saint Augustin plein d’admiration pour cet enseignement de notre Foi, s’écriait:  C’est peu de croire que Jésus-Christ est mort ; les païens, les Juifs, les méchants le croient. Oui, tous croient qu’Il est mort, mais ce qui caractérise la Foi des Chrétiens, c’est sa Résurrection. Ce qui fait sa grandeur, c’est que nous croyons qu’Il est ressuscité. Voilà pourquoi Notre-Seigneur parlait si fréquemment de sa Résurrection. Et même Il ne s’entretenait pour ainsi dire jamais de sa Passion avec ses disciples, sans ajouter quelques mots sur sa Résurrection. Ainsi, après avoir dit:  Le Fils de l’homme sera livré aux gentils, Il sera outragé, fouetté, couvert de crachats, et mis à mort après avoir été flagellé, Il terminait en disant: et le troisième jour Il ressuscitera. Et lorsque les Juifs Lui demandaient de prouver sa doctrine par un signe, par un prodige quelconque, Il leur répondit:  que nul autre signe ne leur serait donné que celui du prophète Jonas,  et que comme Jonas avait été trois jours et trois nuits dans le ventre d’une baleine, ainsi le Fils de l’homme serait trois jours et trois nuits dans le sein de la terre.

Mais pour mieux pénétrer la profondeur et le sens de cet article, nous devons étudier et savoir trois choses: 1° le pourquoi la Résurrection de Jésus-Christ était nécessaire ; 2° quels étaient la fin et le but de cette Résurrection ; 3° enfin, quels fruits et quels avantages nous en avons retirés.

§ IV. — CAUSES, FIN ET FRUITS DE LA RÉSURRECTION.

Et d’abord, il était nécessaire que Jésus-Christ ressuscitât, pour faire éclater la justice de Dieu. En effet, Dieu se devait à lui-même de glorifier Celui qui, pour obéir, S’était volontairement humilié et avait accepté tous les outrages. C’est la raison même que nous donne l’Apôtre écrivant aux Philippiens:  Il s’est humilié Lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu L’a élevé.

Une seconde raison de la Résurrection, c’est qu’elle était nécessaire pour fortifier en nous la Foi sans laquelle l’homme ne saurait être justifié. Car ce qui prouve le mieux que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, c’est sa Résurrection d’entre les morts, et par sa propre vertu.

En troisième lieu, la Résurrection de Notre-Seigneur était nécessaire pour nourrir et soutenir notre espérance. En effet, par le seul fait que Jésus-Christ est ressuscité, nous avons le droit d’espérer d’une manière certaine que nous aussi nous ressusciterons. Car les membres doivent, de toute nécessité, partager le sort de la tête. C’est à cette conclusion que l’Apôtre veut arriver dans ses lettres si motivées aux Fidèles de Corinthe  et de Thessalonique  ; c’est également le raisonnement du Prince des Apôtres, qui nous dit:  Béni soit Dieu le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés par la Résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, en nous donnant l’espérance vive d’un héritage incorruptible !

Enfin, ajoutons que la Résurrection du Sauveur était nécessaire pour achever le mystère de notre Salut et de notre Rédemption. Par sa mort, Jésus-Christ nous avait délivrés de nos péchés ; par sa Résurrection, Il nous rendait ces biens précieux que le péché nous avait fait perdre. Voilà pourquoi l’Apôtre n’a pas manqué de dire:  Jésus-Christ a été livré pour nos péchés, et Il est ressuscité Pour notre justification. Afin que l’œuvre de notre salut fût complète, la Résurrection de Notre-Seigneur était donc nécessaire, aussi bien que sa mort.

Par tout ce que nous avons dit jusqu’ici, il est facile d’apprécier les avantages considérables que la Résurrection de Notre-Seigneur nous a procurés.

Et d’abord, nous voyons dans ce prodige un Dieu immortel, plein de gloire, vainqueur de la mort et du démon, car tous ces titres appartiennent à Jésus-Christ ; nous le croyons fermement, et nous faisons profession de le croire.

Ensuite la Résurrection du Sauveur nous mérite et nous assure notre propre résurrection. D’une part elle en est la cause efficiente, et d’autre part elle est le modèle d’après lequel nous devons tous ressusciter. Voici en effet ce que nous affirme l’Apôtre en parlant de la résurrection des corps:  La mort est venue par un homme, et la résurrection des morts arrivera aussi par un homme. Tant il est vrai que tout ce que Dieu a fait dans le mystère de notre rédemption, Il l’a fait en se servant de l’humanité de son Fils comme d’un moyen efficace. Ainsi sa résurrection a été comme un instrument pour opérer la nôtre. Et nous disons encore qu’elle est le modèle de la nôtre, parce qu’elle est la plus parfaite. De même que le corps de Jésus-Christ, en ressuscitant, s’est élevé dans sa transformation à une gloire immortelle, de même aussi nos corps, aujourd’hui faibles et mortels, seront, après la résurrection, revêtus de gloire et d’immortalité. Car, dit l’Apôtre,  nous attendons le Sauveur Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui réformera notre corps humilié, en le rendant semblable à son corps de gloire.

Ce que nous venons de dire du corps peut s’appliquer à l’âme morte par le péché. La Résurrection de Jésus-Christ est le modèle de la sienne. L’Apôtre nous l’enseigne clairement:  De même, dit-il, que Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts par la gloire de son Père, ainsi devrons-nous marcher nous-mêmes dans une vie nouvelle. Car si nous avons été entés en lui par la ressemblance de sa mort, nous y serons entés aussi par la ressemblance de sa Résurrection. Et un peu plus loin il dit encore : Nous savons que Jésus-Christ ressuscité d’entre les morts ne meurt plus, et que la mort n’aura plus d’empire sur Lui. Car s’Il est mort pour le péché, Il n’est mort qu’une fois ; et maintenant qu’Il vit, Il vit pour Dieu. Ainsi considérez-vous vous-mêmes comme morts au péché, et comme ne vivant plus que pour Dieu en Jésus-Christ.

Nous avons donc deux choses à faire pour imiter la Résurrection de Jésus-Christ. D’abord, après nous être lavés des souillures du péché, nous devons embrasser un nouveau genre de vie, où l’on puisse voir briller la pureté des mœurs, l’innocence, la sainteté, la modestie, la justice, la charité et l’humilité. Ensuite, il est nécessaire de persévérer dans cette vie nouvelle, de manière à ne jamais nous écarter, avec la grâce de Dieu, de la voie de la justice.

Or, les paroles de l’Apôtre que nous venons de citer ne nous apprennent pas seulement que la Résurrection de Jésus-Christ nous est proposée comme modèle de la nôtre, mais qu’elle nous donne en réalité la vertu de ressusciter un jour, et que, en attendant, elle nous communique les lumières et les forces nécessaires pour persévérer dans la sainteté, dans la justice et dans l’accomplissement des préceptes divins. De même en effet que la mort de notre Sauveur est un modèle de la mort au péché, et que, de plus, elle nous donne la vertu de réaliser en nous ce genre de mort ; de même aussi sa Résurrection nous procure les forces suffisantes pour acquérir la justice, pour servir Dieu dans la piété et dans la sainteté, et pour marcher définitivement dans cette vie nouvelle où nous entrons. Voilà en effet ce que Notre-Seigneur a surtout voulu obtenir par sa Résurrection, c’est que nous, qui auparavant étions morts avec Lui au péché et au monde, nous puissions ressusciter avec Lui à une vie toute nouvelle et parfaitement réglée.

Quelles sont les marques principales de cette résurrection spirituelle ? L’Apôtre a voulu nous en prévenir.  Si, dit-il, vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ, cherchez ce qui est en haut, où Jésus-Christ est assis à la droite de son Père. C’est bien nous montrer clairement que ceux qui ne cherchent et désirent la vie, les honneurs, le repos. les richesses que là où est Jésus-Christ, ceux-là sont vraiment ressuscités avec Lui. Et quand il ajoute : Aimez les choses du ciel et non celles de la terre, n’est-ce pas nous donner encore une autre marque pour reconnaître si vraiment nous sommes ressuscités avec Notre-Seigneur ? Comme le goût indique habituellement les dispositions du corps, et son degré de santé, de même dès que quelqu’un  goûte tout ce qui est vrai, tout ce qui est honnête, tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, dès qu’il éprouve au dedans de lui-même la suavité des choses célestes, c’est la preuve qu’il est vraiment ressuscité à une vie nouvelle et spirituelle, avec Notre-Seigneur Jésus-Christ.


Chapitre septième — Du sixième article du Symbole

IL EST MONTÉ AUX CIEUX, IL EST ASSIS A LA DROITE DE DIEU, LE PÈRE TOUT PUISSANT

Le Prophète David, rempli de l’Esprit de Dieu, et contemplant l’Ascension si heureuse et si glorieuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ, invite tous les hommes à célébrer ce triomphe avec les transports de la joie la plus vive, de l’allégresse la plus entière, et il s’écrie:  Toutes les nations, battez des moins pour applaudir, louez Dieu, et poussez des cris de joie: Dieu est monté (au ciel) au milieu des acclamations. Ces paroles peuvent faire comprendre au Pasteur avec quel soin il doit expliquer ce mystère, et avec quel zèle il doit porter les Fidèles, non seulement à le connaître et à le croire, mais encore à l’exprimer autant qu’il est possible, avec la grâce de Dieu, dans leurs actes et dans toute leur conduite.

§ I. — IL EST MONTÉ AU CIEL.

Pour expliquer comme il convient ce sixième article, qui traite spécialement du grand mystère de l’Ascension, il faut d’abord prendre les premiers mots: Il est monté au ciel, et en faire voir clairement le sens et la portée.

Or voici ce que les Fidèles doivent croire sans hésiter et très fermement sur la Personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est que, après avoir achevé et consommé le mystère de notre Rédemption, Il monta au ciel, comme homme, en corps et en âme. ? Car, comme Dieu, Il y avait toujours été, puisque par sa divinité Il occupe et remplit tous les lieux.

Mais que le Pasteur dise bien que Notre-Seigneur est monté au ciel par sa propre vertu et non par une force étrangère, comme Elie  qui y fut transporté sur un char de feu, ou comme le Prophète Habacuc , ou le diacre Philippe , qui portés en l’air par la puissance divine, parcoururent ainsi des distances considérables. Et ce n’est pas seulement comme Dieu que Jésus-Christ fit son ascension par cette vertu toute-puissante qu’Il tenait de sa divinité même, mais aussi comme homme. Sans doute un pareil prodige dépasse les forces naturelles, mais la puissance dont son âme bienheureuse était douée, pouvait transporter son corps partout où elle voulait. Et son corps, déjà glorifié, obéissait sans peine aux ordres de l’âme dans tous les mouvements qu’elle lui imprimait.

Voilà pourquoi nous croyons que Jésus-Christ est monté au ciel par sa propre vertu, et comme homme et comme Dieu.

La seconde partie de notre article est celle-ci:

§ II. — IL EST ASSIS A LA DROITE DU PÈRE TOUT-PUISSANT

Remarquons tout d’abord que ces mots renferment un trope, c’est-à-dire un de ces changements de signification très usités dans la Sainte Écriture. Pour s’accommoder à notre manière de nous représenter les choses, cette figure prête à Dieu des membres d’homme, des affections humaines , bien qu’il soit impossible de rien concevoir en Lui de corporel, puisqu’Il est esprit. Mais parce que, parmi les hommes, placer quelqu’un à sa droite, c’est lui donner la plus grande marque d’honneur, on a transporté l’idée de cette coutume aux choses spirituelles, et pour mettre dans tout son jour la gloire que Jésus-Christ s’est acquise, et qui L’élève comme homme au-dessus de toutes les créatures, nous disons qu’Il est assis à la droite de son Père.

De même encore cette expression être assis ne représente pas ici la forme et la position du corps, elle signifie la possession ferme et constante de la puissance royale et de la gloire infinie que Jésus-Christ a reçue de son Père. Car, dit l’Apôtre , son Père, après L’avoir ressuscité d’entre les morts, L’a fait asseoir à sa droite dans le ciel, au-dessus de toutes les Principautés, de toutes les Puissances, de toutes les Vertus, de toutes les Dominations et de tout ce que l’on peut trouver de plus grand, soit dans le siècle présent, soit dans le siècle futur, et Il a mis toutes choses sous ses pieds. De telle paroles font voir manifestement que cette gloire est tellement propre et particulière à notre Seigneur, qu’elle ne peut convenir il aucune autre créature. Et c’est ce qui a fait dire ait même Apôtre dans un autre endroit : Qui est celui des Anges à qui Dieu a jamais dit: asseyez-vous à ma droite ?

Les Pasteurs auront soin d’expliquer plus longuement le sens de cet article, en rapportant l’histoire de l’Ascension, telle que saint Luc  l’a décrite avec une exactitude admirable au livre des Actes des Apôtres ; et, dans leurs explications, ils devront faire remarquer avant tout que les autres mystères de Jésus-Christ se rapportent à l’Ascension comme à leur fin, et qu’ils y trouvent leur perfection et leur complet achèvement. De même en effet que tous les mystères de notre religion commencent à l’Incarnation, de même aussi le séjour du Sauveur parmi nous se termine à son Ascension.

Les autres articles du Symbole qui s’appliquent à Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous montrent son humilité, et ses prodigieux abaissements. En effet, on ne saurait rien imaginer de plus bas et de plus abject pour le Fils de Dieu, que d’avoir pris notre nature avec toutes ses faiblesses, et d’avoir bien voulu souffrir et mourir pour nous. Mais aussi en proclamant dans l’article précédent qu’Il est ressuscité d’entre les morts, et, dans celui-ci, qu’Il est monté au ciel et qu’Il est assis à la droite de Dieu son Père, nous ne pouvons rien dire de plus magnifique ni de plus admirable pour célébrer sa Gloire et sa divine Majesté.

Ces développements une fois donnés, il reste à expliquer soigneusement pourquoi Jésus-Christ est monté aux cieux.

§ III. — CAUSES ET RAISONS DE L’ASCENSION DE NOTRE-SEIGNEUR.

Notre-Seigneur est monté au ciel, en premier lieu, parce que son Corps devenu glorieux et immortel par sa Résurrection, ne pouvait plus se contenter du séjour de cette terre basse et obscure, il Lui fallait désormais les hauteurs et les splendeurs du ciel. Et cela, non seulement pour entrer en possession de ce Royaume et de ce trône de gloire qu’Il avait conquis par son Sang, niais encore pour y prendre soin de ce qui regarde notre Salut.

En second lieu, Jésus-Christ est monté au ciel pour prouver que son Royaume n’était réellement pas de ce monde . Les royaumes de ce monde sont terrestres et passagers ; ils ne se soutiennent que par l’argent et par l’épée. Le Royaume de Jésus-Christ n’est pas terrestre, comme les Juifs l’attendaient ; il est spirituel et éternel. Et notre Sauveur nous a bien montré que ses trésors et ses richesses sont purement spirituels, puisqu’Il a voulu placer son trône dans le ciel, dans ce royaume où les plus riches, et ceux qui possèdent une plus grande abondance de biens sont ceux qui cherchent avec le plus de zèle les choses de Dieu. L’Apôtre Saint Jacques ne nous assure-t-il pas que  Dieu a choisi les pauvres de ce monde, pour leur donner les richesses de la Foi et l’héritage du Royaume qu’Il a promis à ceux qui L’aiment ?

Il est une troisième raison pour laquelle Jésus-Christ est monté au ciel, c’est qu’Il voulait exciter dans nos cœurs la pensée et le désir de L’y suivre. De même qu’Il nous avait laissé dans sa Mort et dans sa Résurrection le modèle d’une mort et d’une résurrection spirituelles, ainsi par son Ascension, Il veut nous apprendre et nous persuader que tout en restant ici-bas, nous devons par la pensée nous transporter jusque dans le ciel, et reconnaître, comme dit Saint Paul, que nous ne sommes sur la terre  que des hôtes et des étrangers, à la recherche de notre patrie , et comme les membres de la cité des Saints et de la maison de Dieu. En effet, dit encore le même Apôtre , nous vivons déjà dans le ciel.

Quant aux biens ineffables que la Bonté de Dieu a répandus sur nous par ce mystère, le divin Prophète David, d’après Saint Paul lui ?même, les avait célébrés longtemps auparavant quand il chantait:  en montant au ciel, Il a emmené captifs une multitude d’esclaves, et Il a versé ses dons sur les hommes.

En effet, dix jours après son Ascension, Il envoya le Saint-Esprit qui, par sa vertu et sa fécondité, produisit cette multitude de fidèles que nous voyons. Ainsi Il accomplit véritablement les magnifiques promesses qu’Il avait faites en disant à ses Apôtres:  Il vous est avantageux que Je m’en aille, car si Je ne m’en vais point, le Consolateur ne viendra point vers vous, mais si Je m’en vais, Je vous L’enverrai.

Il est encore monté au ciel, selon la pensée de l’Apôtre,  afin de se présenter maintenant pour nous devant la Face de Dieu, et de remplir auprès de son Père l’office d’Avocat, Mes petits enfants, dit Saint Jean , je vous écris ceci, afin que vous ne péchiez point ; mais si quelqu’un pèche, nous avons pour Avocat auprès du Père, Jésus-Christ, qui est juste, et qui est Lui-même la Victime de propitiation pour nos péchés. Or, rien n’est plus propre a inspirer une joie solide et véritable aux Fidèles, que de voir Jésus-Christ devenu le défenseur de leur cause et leur intercesseur dans l’affaire du Salut, Lui qui jouit auprès de son Père d’un pouvoir et d’une faveur sans bornes.

En dernier lieu, Jésus-Christ nous a préparé  dans le ciel la place qu’Il nous y avait promise et c’est au nom de tous et comme notre Chef qu’Il a pris possession de la gloire céleste.

En entrant dans le ciel, Il nous en a ouvert les portes, que le péché d’Adam avait fermées, et Il nous a préparé un chemin sûr pour nous conduire au bonheur éternel, ainsi qu’Il l’avait prédit à ses Apôtres pendant la Cène. Et ce fut pour montrer encore mieux la sincérité de ses promesses par leur accomplissement, qu’après avoir arraché à l’enfer les âmes des Saints, Il les emmena avec Lui dans le séjour de la béatitude éternelle.

A tous ces dons célestes, si précieux et si nombreux, qui sont pour nous le fruit de l’Ascension du Sauveur, viennent encore se joindre plusieurs autres avantages.

D’abord, l’Ascension met le comble au mérite de notre Foi, car la Foi s’applique aux choses qui ne se voient point, et qui dépassent la raison et l’intelligence de l’homme. C’est pourquoi notre Foi aurait perdu beaucoup de son mérite, si Notre-Seigneur ne nous avait pas quittés, puisque Lui-même proclame  bienheureux ceux qui croient, quoiqu’ils n’aient point vu !

Ensuite l’Ascension est très propre à confirmer en nous la vertu d’Espérance. C’est qu’en effet, si nous croyons que Jésus-Christ, comme homme, est monté au ciel, et qu’Il a fait asseoir la nature humaine à la droite de Dieu le Père, nous avons un puissant motif d’espérer que nous, qui sommes ses membres, nous y monterons aussi, et que nous nous réunirons à notre Chef. Lui-même d’ailleurs nous en a donné l’assurance par ces paroles:  Mon Père, Je veux que là où Je suis, ceux que Vous M’avez donnés soient avec moi.

Un des plus grands avantages que nous procure encore l’Ascension, c’est d’avoir entraîné vers le ciel l’amour de notre cœur et de l’avoir enflammé du feu du Saint-Esprit. On a dit très justement que  là où est notre trésor, là aussi est notre cœur. Si donc Notre-Seigneur Jésus-Christ eût continué à demeurer avec nous sur la terre, nous aurions borné toutes nos pensées à Le voir dans son humanité, et à vivre dans sa compagnie ; nous n’aurions regardé en Lui que l’homme, qui aurait été si bon pour nous, et notre affection pour Lui eût été toute naturelle. Mais en montant au ciel, Il a spiritualisé notre amour, et par le fait comme nous ne pouvons plus être avec Lui que par la pensée à cause de son absence, nous l’honorons et nous l’aimons comme Dieu. C’est ce que nous apprend, d’une part l’exemple des Apôtres: tant que le Sauveur fut avec eux, ils n’avaient pour Lui que des sentiments tout humains. C’est ce que nous confirme, d’autre part, le témoignage de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même:  Il vous est avantageux que Je m’en aille, dit-il à ses Apôtres. Car cet amour imparfait qu’ils avaient pour Lui, pendant qu’Il était avec eux, devait être perfectionné par un amour divin, c’est-à-dire par la venue du Saint-Esprit en eux. Aussi ajoute-t-il aussitôt:  si Je ne m’en vais point, le Consolateur ne viendra point vers vous.

Il convient d’ajouter à ce que nous venons de dire que l’Ascension a marqué sur la terre le véritable développement de la maison de Jésus-Christ, c’est-à-dire de son Église, qui allait être dirigée et conduite par le Saint-Esprit. Pour Le représenter auprès des hommes, il mit à la tête de cette Église, comme premier Pasteur et comme souverain Prêtre, Pierre le prince des Apôtres, et de plus Il établit  des Apôtres, des Prophètes, des Évangélistes, des Pasteurs et des Docteurs: et de la droite de son Père où il est assis, Il ne cesse de distribuer à chacun les dons qui lui conviennent. C’est l’enseignement formel de l’Apôtre.  La grâce, dit-il, est donnée à chacun de nous selon la mesure du don de Jésus-Christ.

Enfin ce que nous avons dit précédemment de la Mort et de la Résurrection de Notre-Seigneur, est également vrai de son Ascension: Il faut le faire remarquer aux Fidèles. C’est qu’en effet, quoique nous soyons redevables de notre Salut et de notre Rédemption à la Passion du Sauveur, quoique ses mérites aient ouvert aux justes la porte du ciel, cependant son Ascension n’est point seulement un modèle placé devant nos yeux pour nous apprendre à élever nos âmes, et à monter en esprit dans le ciel, elle nous donne aussi une force et une vertu divine qui nous rend capables d’atteindre réellement le but.


Chapitre huitième — Du septième article du Symbole

D’OÙ IL VIENDRA JUGER LES VIVANTS ET LES MORTS.

Notre-Seigneur Jésus-Christ remplit à notre égard trois offices, trois ministères d’une importance capitale, et bien propres à relever l’honneur et la gloire de l’Église, ce sont ceux de Rédempteur, d’Avocat et de Juge. Dans les articles qui précèdent nous avons fait voir que par sa Passion et sa Mort Il a racheté tous les hommes, que par son Ascension Il est devenu à jamais leur Avocat et leur Défenseur. Il nous reste à montrer maintenant qu’Il est aussi leur Juge.

§ I. — CERTITUDE DU JUGEMENT.

Voici le sens et la portée de cet Article: Au dernier jour, Notre-Seigneur Jésus-Christ jugera le genre humain tout entier. Les Saintes Écritures, en effet, mentionnent deux avènements du Fils de Dieu: le premier, lorsque pour nous sauver Il a pris notre nature, et s’est fait homme dans le sein d’une vierge ; le second, quand, à la consommation des siècles, Il viendra pour juger tous les hommes. Ce dernier avènement est appelé, dans l’Écriture, le jour du Seigneur. Le jour du Seigneur, dit l’Apôtre,  viendra comme un voleur dans la nuit, — personne ne connaît ce jour ni cette heure, dit le Sauveur Lui-même . Pour prouver la réalité de ce jugement, Il nous suffira de citer cette parole de l’Apôtre:  nous devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu’il aura faites, pendant qu’il était revêtu de son corps. L’Écriture est remplie d’une foule de témoignages que les Pasteurs trouveront partout, et qui non seulement prouvent cette Vérité, mais peuvent la rendre sensible aux Fidèles. Et si, d’après ces témoignages, dès le commencement du monde, tous les hommes ont désiré très ardemment ce jour du Seigneur où Il revêtit notre chair, parce qu’ils mettaient dans ce mystère l’espoir de leur délivrance, aujourd’hui que le Fils de Dieu est mort et qu’Il est monté au ciel, nos soupirs et nos désirs les plus ardents doivent être pour cet autre jour du Seigneur,  où nous attendons la réalisation de la bienheureuse espérance et l’Avènement glorieux du grand Dieu.

§ II. — DEUX JUGEMENTS, L’UN PARTICULIER ET L’AUTRE GÉNÉRAL.

Pour bien mettre en lumière cette vérité, les Pasteurs auront soin de distinguer deux temps différents où chacun de nous doit nécessairement comparaître devant Dieu, pour rendre compte de toutes ses pensées, de toutes ses actions, de toutes ses paroles, et pour entendre, séance tenante, la sentence de son Juge.

Le premier arrive au moment où nous venons de quitter la vie. A cet instant-là même, chacun paraît devant le tribunal de Dieu, et là il subit un examen rigoureux sur tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il a dit, tout ce qu’il a pensé pendant sa vie. C’est ce qu’on appelle le Jugement particulier.

L’autre arrivera lorsque tous les hommes réunis ensemble, le même jour et dans le même lieu, comparaîtront devant le tribunal de leur Juge. Là, sous les yeux de tous les hommes de tous les siècles, tous et chacun entendront le Jugement que Dieu aura porté sur eux. Et cette sentence ne sera pas la moindre peine et le moindre châtiment des impies et des scélérats. Au contraire, les Saints et les Justes y trouveront une partie de leur récompense, puisque leur conduite y sera manifestée, telle qu’elle aura été pendant la vie.

Ce jugement s’appelle le Jugement général. Mais ici il faut nécessairement montrer pourquoi, après un Jugement particulier pour chacun, les hommes doivent subir encore un Jugement général pour tous.

§ III. — RAISONS DU JUGEMENT GÉNÉRAL.

Les hommes, en mourant, laissent habituellement des disciples, ou des amis qui imitent leurs exemples, s’attachent à leurs maximes, défendent leur conduite et leurs actions. De là une augmentation nécessaire dans leurs peines et leurs récompenses d’outre-tombe. Mais cette influence bonne ou mauvaise que le plus grand nombre d’entre eux continue d’exercer après la mort, ne peut finir qu’au dernier jour du monde. La Justice demande donc qu’une enquête rigoureuse soit faite sur toutes ces paroles, toutes ces actions dignes de louange ou de blâme. Ce qui est impossible sans un jugement général de tous les hommes.

Une autre raison, c’est que souvent la réputation des bons est attaquée, pendant que les méchants reçoivent les louanges dues à l’innocence. La Justice divine veut que les bons recouvrent, dans une assemblée générale de tous les hommes, et par un jugement solennel, l’estime qu’ils méritent, et qui leur a été injustement ravie ici-bas.

D’autre part, chez les bons comme chez les méchants, les corps ne sont jamais étrangers aux actes de cette vie. Le bien et le mal appartiennent donc à nos corps d’une certaine manière, puisque nos corps ont été l’instrument de l’un et de l’autre. Voilà pourquoi il était de toute convenance de décerner pour les corps, aussi bien que pour les âmes, les récompenses ou les châtiments éternels que tous les deux méritent. Or ce double but ne peut être atteint qu’avec la Résurrection et le Jugement général de tous les hommes.

Enfin, comme sur cette terre, l’adversité et la prospérité, sont presque indifféremment le partage des bons et des méchants, il fallait prouver que la Sagesse et la Justice infinie de Dieu conduisent et gouvernent toutes choses.

Or ce n’était pas assez qu’il y eût dans l’autre monde des récompenses pour les bons et des châtiments pour les méchants, ces récompenses et ces châtiments devaient être décernés dans un Jugement publie et général. C’était le moyen de les faire connaître à tous d’une manière très éclatante, et d’obliger tous les hommes à rendre à la Justice et à la Providence de Dieu les louanges qu’elle mérite. n’avait-on pas vu plus d’une fois les justes eux-mêmes, pendant leur séjour sur cette terre, se plaindre injustement de cette Providence, lorsque les méchants auprès d’eux vivaient au sein de l’opulence et des honneurs ? Mes pieds ont chancelé, disait le Prophète David lui-même , mes pas se sont presque détournés de la voie, parce que j’ai vu avec jalousie et avec regret la paix des pécheurs. Voilà, dit-il un peu plus loin, voilà que les pécheurs et les heureux du siècle ont acquis les richesses, et j’ai dit: C’est donc en vain que j’ai gardé mon cœur pur et que j’ai conservé mes mains innocentes, puisque je suis frappé de plaies tout le jour, et que je suis châtié dès le matin. Et cette plainte. plusieurs autres l’ont fait entendre comme lui. Il fallait donc de toute nécessité un Jugement général, pour que les hommes ne disent pas: Dieu se promène dans le ciel, sans se soucier des choses de la terre . C’est donc avec raison que l’on a placé cette Vérité au nombre des douze Articles de notre Foi, pour affermir la croyance de ceux qui auraient pu douter de la Justice et de la Providence de Dieu.

D’ailleurs, il était souverainement utile de proposer ce Jugement de Dieu aux bons et aux méchants, pour consoler les uns et effrayer les autres, pour empêcher les premiers de se décourager en leur faisant connaître la Justice de Dieu, et pour détourner les seconds du mal par la crainte des éternels supplices.

Aussi Jésus-Christ, notre Dieu et Sauveur, en parlant du dernier jour, a-t-il déclaré Lui-même qu’il y aurait un Jugement général. Il en a marqué les signes avant-coureurs , afin qu’en les voyant arriver, il nous fût possible de connaître que la fin du monde est proche. Puis au moment même où Il montait au ciel, il envoya des Anges consoler par ces paroles ses Apôtres attristés:  Ce Jésus qui vient de vous quitter, et de s’élever dans le ciel, reviendra un jour de la même manière que vous L’avez vu y monter.

§ IV. — POURQUOI LE JUGEMENT DONNÉ A JÉSUS-CHRIST.

Nos Saints Livres affirment que ce Jugement a été réservé à Notre-Seigneur Jésus-Christ, non seulement comme Dieu, mais comme homme. Il est vrai que le pouvoir de juger est commun aux trois Personnes de la Sainte Trinité, cependant nous l’attribuons spécialement au Fils, comme nous Lui attribuons la Sagesse. Que le Fils doive donc juger le monde comme homme, c’est ce qu’Il nous assure Lui-même:  Comme le Père, dit-Il, a la vie en Lui-même, ainsi il a donné au Fils d’avoir aussi la vie en Lui-même ; et il lui a donné la puissance de faire le Jugement, parce qu’il est le Fils de l’homme.

Il était d’ailleurs de toute convenance que ce Jugement fût exercé par Jésus-Christ. Puisqu’il s’agissait de juger des hommes, ces hommes ne devaient-ils pas voir leur Juge des yeux de leur corps, entendre de leurs oreilles la sentence prononcée, et connaître enfin leur Jugement par leurs propres sens ? n’était-ce pas aussi une justice à rendre à Jésus-Christ ? Sur la terre, Il avait été jugé et condamné de la manière la plus inique par des juges pervers, ne devait-Il pas après cela se montrer à son tour à tous les yeux, assis sur son tribunal pour juger tous les hommes ? C’est pourquoi le prince des Apôtres, après avoir exposé dans la maison de Corneille les principales vérités de la Religion chrétienne, après avoir enseigné que Jésus-Christ avait été attaché à la Croix et mis à mort par les Juifs et que le troisième jour Il était ressuscité, a soin d’ajouter:  Et Il nous a ordonné de prêcher au peuple, rendre témoignage que c’est Lui qui a été établi de Dieu le Juge des vivants et des morts.

§ V. — SIGNES PRÉCURSEURS DU JUGEMENT.

Trois principaux signes, nous dit la sainte Écriture, doivent précéder le Jugement général: la prédication de l’Évangile par toute la terre, l’apostasie, et l’Antéchrist. En effet, Notre-Seigneur Jésus-Christ nous déclare que  l’Évangile du Royaume sera prêché dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations, et alors viendra la consommation. A son tour, l’Apôtre nous prévient  de ne pas nous laisser séduire, en croyant que le jour du Seigneur est proche. Car tant que l’apostasie ne sera point arrivée, et que l’homme dit péché n’aura point paru, le Jugement n’aura pas lieu.

Pour ce qui regarde la forme et la nature du Jugement, les Pasteurs s’en feront facilement une juste idée, en l’étudiant dans les prophéties de Daniel, les saints Évangiles, et l’Apôtre Saint Paul.

§ VI. — LA SENTENCE DES BONS ET CELLE DES MÉCHANTS.

Il faut ici examiner et peser avec le plus grand soin les termes mêmes de la sentence du Souverain Juge. Jésus-Christ, notre Sauveur, jetant un regard de complaisance sur les bons placés à sa droite, leur dira avec une bonté infinie:  Venez, les bénis de mon Père ; possédez le Royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. Il est facile de comprendre que l’on ne peut rien entendre de plus agréable que ces paroles, surtout si on les compare à la condamnation des méchants, et si l’on réfléchit en soi-même que cette sentence appelle les Saints et les Justes, des fatigues au repos, d’une vallée de larmes à des joies ineffables, de toutes les misères de la vie à la béatitude éternelle qu’ils auront méritée par l’exercice de la Charité.

Se tournant ensuite vers ceux qui seront à sa gauche, Il laissera éclater contre eux sa Justice en ces termes:  Retirez-vous de Moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé au démon et à ses anges. — Ces premiers mots: retirez-vous de Moi, expriment la plus grande peine qui frappera les réprouvés, celle d’être chassés et privés entièrement de la vue de Dieu, sans être consolés par l’espérance de rentrer jamais en possession d’un Bien si parfait. C’est cette peine que les théologiens appellent la peine du dam, parce que les damnés dans l’enfer seront privés pour toujours des splendeurs de la vue de Dieu ? Le mot qui vient ensuite: maudits, augmente encore cruellement leur effroyable malheur. En effet, si, au moment de les chasser de sa Présence, Dieu avait daigné laisser tomber sur eux la moindre bénédiction, ils en auraient éprouvé un grand soulagement. Mais, hélas ! ils n’ont rien de pareil à attendre pour adoucir leur souffrance, et la Justice divine, en les bannissant, n’aura que trop raison de les accabler de toutes ses malédictions.

Dans le feu éternel. Ces mots désignent un autre genre de peine, que les théologiens appellent la peine du sens, parce que les sens du corps en sont les organes, comme dans le supplice des verges, des fouets, ou d’autres plus graves. Mais si, de tous les tourments, le plus sensible et le plus douloureux est celui du feu, et si, d’autre part, on ajoute à cela que ces tourments n’auront jamais de fin, on demeurera convaincu que la punition des damnés est le comble de tous les châtiments. Et ce qui fait mieux sentir encore l’excès de leur malheur, ce sont ces mots qui terminent la sentence du Souverain Juge:  qui a été préparé au démon et à ses anges. notre nature est ainsi faite que nous supportons plus facilement tous les maux qui nous atteignent, lorsque nous tombons sur des compagnons d’infortune dont la prudence et la bonté peuvent les adoucir en quelque manière. Mais quel ne sera pas le terrible malheur des réprouvés lorsque, au milieu de leurs tortures, ils se verront dans l’impossibilité de s’arracher à la compagnie des démons, ces êtres si pervers ? Cependant la sentence de condamnation portée contre eux par le Sauveur sera parfaitement juste, puisque, dans leur impiété, ils auront négligé tous les devoirs que la vraie piété leur imposait, refusé de donner à manger à celui qui avait faim, à boire à celui qui avait soif, repoussé les étrangers sans leur donner l’hospitalité, n’auront point vêtu celui qui était nu, ni visité les prisonniers et les malades.

Voilà des vérités que les Pasteurs doivent redire aux Fidèles le plus souvent possible, afin de les en pénétrer. Rien de plus puissant, si on les croit fermement, pour réprimer les mauvaises passions du cœur, et pour éloigner les hommes du péché. Aussi l’Ecclésiastique nous dit-il:  Dans toutes vos œuvres, souvenez-vous de vos fins dernières, et vous ne pécherez jamais. C’est qu’en effet, il faudrait être poussé au mal avec une violence extraordinaire, pour n’être pas ramené à l’amour de la Vertu par cette pensée qu’un jour il faudra paraître devant le Juge, qui est la Justice même, et Lui rendre compte non seulement de toutes ses actions, de toutes ses paroles, mais même de ses pensées les plus secrètes, et subir le châtiment qu’elles auront mérité. Le juste au contraire ne peut que se sentir de plus en plus porté à la pratique de la Sainteté. Sa joie sera grande, même au sein de la pauvreté, de l’ignominie et des tourments, s’il élève ses pensées vers ce jour glorieux où, après les combats de cette vie pleine de misères, il sera proclamé vainqueur devant tout l’univers, introduit dans la Patrie céleste et comblé d’honneurs divins et éternels. Ici les Pasteurs n’ont donc plus qu’à exhorter les Fidèles, et ils n’y manqueront pas, à ordonner leur vie le mieux possible, à s’exercer à toutes les œuvres de la piété, afin qu’ils puissent attendre avec une parfaite confiance ce grand jour du Seigneur, et même le désirer avec la plus vive ardeur, comme il convient à des enfants (qui veulent aller vers leur Père).


Chapitre neuvième — Du huitième article du Symbole

JE CROIS AU SAINT-ESPRIT.

§ I. — NÉCESSITÉ DE LA FOI AU SAINT-ESPRIT.

Jusqu’ici nous avons parlé de la première et de la seconde Personne de la Sainte Trinité, et nous avons donné sur ce double sujet les explications convenables. Il s’agit maintenant d’exposer ce que le Symbole nous enseigne sur la troisième Personne qui est le Saint-Esprit. C’est un point qui réclame tout le zèle et toute l’application des Pasteurs.

Car il n’est pas plus loisible aux Chrétiens d’ignorer ou de mal connaître cet Article, que les Articles précédents. Aussi l’Apôtre  ne voulut-il point laisser un certain nombre d’Ephésiens dans l’ignorance où ils étaient par rapport au Saint-Esprit. Leur ayant demandé s’ils L’avaient reçu, ils lui répondirent qu’ils ne savaient même pas s’il y avait un Saint-Esprit. Aussitôt il leur fit cette question: Quel Baptême avez-vous donc reçu ? Ces paroles nous montrent que les Fidèles sont rigoureusement obligés d’avoir une connaissance spéciale de cet Article. Et le premier fruit qu’ils en retireront c’est que s’ils considèrent sérieusement que tout ce qu’ils possèdent, ils le doivent à la libéralité et à la bonté de l’Esprit-Saint ils deviendront plus humbles et plus modestes dans leurs pensées et leurs sentiments sur eux-mêmes, et ils placeront toute leur espérance dans le secours de Dieu. Or, n’est-ce pas là, pour le Chrétien, le premier pas vers la Sagesse, et par suite vers le Bonheur éternel ?

§ II. — CE QUE C’EST QUE LE SAINT-ESPRIT.

Pour commencer, il faut bien expliquer d’abord quelle idée et quel sens on attache ici au mot Saint-Esprit. C’est qu’en effet il peut s’appliquer aussi bien au Père et au Fils. (Tous deux sont esprits, et tous deux sont Saints, et nous faisons profession de croire que Dieu est esprit.) D’autre part, on donne également ce nom aux Anges et aux âmes des justes. Il faut donc prendre garde qu’il n’y ait ni équivoque, ni erreur dans l’esprit des Fidèles. Par conséquent il est nécessaire de leur apprendre que par le Saint-Esprit on entend ici la troisième Personne de la Sainte Trinité. C’est ainsi qu’on L’appelle quelquefois dans l’Ancien testament, et très souvent dans le nouveau. David dit à Dieu dans sa prière:  n’éloignez pas de moi votre Saint-Esprit. Le Sage s’écrie:  qui connaîtra vos desseins Seigneur, sinon celui à qui Vous donnerez la Sagesse, et à qui Vous enverrez d’en haut votre Esprit-Saint ? — Dans un autre endroit, il dit:  Dieu a créé la Sagesse dans le Saint-Esprit. — Dans le nouveau testament  Jésus-Christ ordonne de baptiser les nations au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Nous y lisons que la très Sainte  Vierge a conçu par le Saint-Esprit. Enfin Saint Jean nous renvoie à Jésus-Christ pour qu’Il nous baptise dans le Saint-Esprit  ; sans parler d’un grand nombre d’autres textes de nos Saints Livres où nous rencontrons la même expression.

Et personne ne doit trouver étrange qu’on n’ait pas donné de nom particulier à la troisième Personne de la Sainte Trinité, aussi bien qu’à la première et à la seconde. Si la seconde Personne a un nom qui Lui est propre, si elle s’appelle le Fils, c’est que sa naissance éternelle du Père s’appelle proprement génération, comme nous l’avons dit dans les précédents articles. Et du moment que cette naissance peut porter le nom de génération, nous avons le droit d’appeler Fils la Personne qui émane, et Père, celle de qui elle émane. Mais comme l’émanation de la troisième Personne n’a pas de nom qui Lui soit propre, et qu’on L’appelle simplement aspiration et procession (qui sont des noms communs), par cela même, la Personne ainsi produite manque nécessairement de dénomination particulière. Et la raison en est que tous les noms que nous donnons à Dieu, nous sommes forcés de les emprunter aux choses créées. Et comme d’autre part nous ne connaissons pas, dans les créatures, d’autre communication de nature et d’essence que celle qui se fait par voie de génération. il nous est impossible d’exprimer par un nom propre cette communication que Dieu fait de Lui-même et de son Être tout entier par voie d’amour. C’est pourquoi la troisième Personne de la Sainte Trinité porte la dénomination commune d’Esprit-Saint ; dénomination d’ailleurs qui Lui convient parfaitement, parce que, d’une part, c’est elle, la troisième Personne, qui répand dans nos âmes la vie spirituelle (la vie de l’Esprit) et parce que, d’autre part, sans le souffle et l’inspiration de cet esprit très Saint, nous ne pouvons rien faire qui mérite la Vie Éternelle

Le sens du mot Saint-Esprit étant bien expliqué, il faut ensuite enseigner au peuple que le Saint-Esprit est Dieu, comme le Père et le Fils, qu’Il leur est égal en toutes choses, Tout-Puissant comme eux, éternel comme eux, et comme eux d’une perfection, d’une grandeur, d’une bonté, d’une sagesse infinie, en un mot qu’Il a la même nature. Cette égalité est suffisamment indiquée par ce petit mot: en, que nous employons, quand nous disons: Je crois en l’Esprit-Saint. Ce mot nous le plaçons en effet devant le nom de chaque Personne de la Sainte Trinité: (Je crois en Dieu, et en Jésus-Christ) c’est une manière d’exprimer la plénitude et la force de notre Foi.

Du reste cette Vérité a pour elle les témoignages les moins douteux de la Sainte Écriture. Par exemple, lorsque Saint Pierre dans les Actes des Apôtres, dit:  Ananie, pourquoi Satan a-t-il tenté votre cœur, au point de vous faire mentir au Saint-Esprit ? il ajoute aussitôt: ce n’est point aux hommes que vous avez menti, mais à Dieu ; donnant ainsi le nom de Dieu à Celui qu’il venait d’appeler le Saint-Esprit. De même l’Apôtre écrivant aux Corinthiens applique au Saint-Esprit le nom de Dieu qu’il venait de prononcer.  Il y a, leur dit-il, diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. Et il ajoute: oui, c’est un seul et même esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons comme il Lui plaît. De plus, le même Apôtre attribue au Saint-Esprit, dans le Livre des Actes, ce que les Prophètes rapportent à Dieu seul. Isaïe avait dit:  J’ai entendu cette voix du Seigneur: qui enverrai-je ? Puis, Il me dit: Va, dis à ce peuple: votre cœur s’appesantit, et vos oreilles deviennent sourdes, et vous bouchez vos yeux pour ne pas voir, et vous fermez vos oreilles pour ne pas entendre. Or, l’Apôtre, citant ces paroles, (et s’adressant aux Juifs) s’exprime ainsi  ce que le Saint-Esprit a dit par la bouche du Prophète Isaïe est bien vrai.

D’un autre côté, lorsque nous voyons la Sainte Écriture joindre la Personne du Saint-Esprit à la Personne du Père et du Fils, comme dans l’endroit où elle ordonne de conférer le Baptême au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, aucun doute n’est plus possible sur la vérité de ce mystère ; car si le Père est Dieu, et si le Fils est Dieu, nous sommes obligés de reconnaître que le Saint-Esprit l’est aussi, puisque l’Écriture Le met sur le même rang que le Père et le Fils.

De plus, le fait d’être baptisé au nom d’une créature quelconque ne peut procurer aucun avantage. Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés, dit l’Apôtre ?  et en parlant ainsi, il voulait faire entendre évidemment qu’un baptême de ce genre serait inutile pour le Salut. Si donc nous sommes baptisés au nom du Saint-Esprit, nous devons confesser qu’Il est Dieu.

Ce même ordre des trois Personnes divines, qui nous fournit la preuve de la divinité du Saint-Esprit, se remarque également dans cette Épître de Saint Jean, où nous lisons  Il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel le Père, le Verbe et l’Esprit-Saint, et ces trois ne sont qu’une seule et même chose. Cet ordre se retrouve aussi dans cet éloge magnifique de la Sainte Trinité qui termine les Psaumes et les Cantiques sacrés: Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit !

Enfin ce qui confirme puissamment cette Vérité, c’est que l’Écriture Sainte attribue d’une manière formelle au Saint-Esprit tout ce qui, selon les données de la Foi, n’est propre qu’à Dieu seul. Ainsi elle lui reconnaît des temples:  Ne savez-vous pas, dit l’Apôtre, que vos membres sont les temples du Saint-Esprit ? elle lui attribue le pouvoir de sanctifier , de vivifier  et de scruter les profondeurs de Dieu , de parler par les Prophètes , d’être partout  ; autant de perfections qui ne conviennent qu’à Dieu.

Ce n’est pas tout. Il faut de plus expliquer aux Fidèles, et avec beaucoup de soin, non seulement que le Saint-Esprit est Dieu, mais encore qu’il est la troisième Personne dans l’Essence divine, parfaitement distincte du Père et du Fils, et produite par la Volonté de l’un et de l’autre. C’est l’enseignement même de la Foi. Car sans parler des autres témoignages de l’Écriture, la forme du Baptême  que notre Sauveur nous a apprise, montre très clairement que le Saint-Esprit est une troisième Personne qui subsiste par elle-même dans la nature divine, et qui est distincte des deux autres. Ainsi le déclare l’Apôtre, quand il dit:  que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et la Charité de Dieu, et la communication du Saint-Esprit soient avec tous. Amen ! Mais ce qui plus que tout le reste met cette vérité en pleine lumière, c’est la déclaration formelle du premier Concile œcuménique de Constantinople. Pour réfuter l’hérésie absurde et impie de Macédonius, les Pères de ce concile ajoutèrent au symbole de Nicée ces mots si importants: je crois au Saint-Esprit Notre-Seigneur, qui donne la vie, qui procède du Père et du Fils, qui est adoré et glorifié avec le et le Fils, qui a parlé par les Prophètes. En confessant que le Saint-Esprit est notre Seigneur, ils montrent par le fait combien Il est au dessus des Anges, qui sont cependant les plus nobles esprits que Dieu ait créés, tous, au témoignage de S Paul, des esprits administrateurs, envoyés pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui doivent être les héritiers du salut.  Ils disent encore qu’Il donne la vie, parce que de son union avec Dieu l’âme tire une vie plus réelle, que celle dont jouit le corps par son union avec l’âme. Et comme l’Écriture Sainte attribue au Saint-Esprit cette union de l’âme avec Dieu, il est clair qu’on a parfaitement raison de lui donner le nom d’Esprit vivifiant.

Pour expliquer les paroles qui suivent: Qui procède du Père et du Fils, il faut bien faire entendre aux Fidèles que le Saint-Esprit procède de toute éternité du Père et du Fils comme d’un principe unique. Cette vérité est proposée à notre Foi par les définitions mêmes de l’Église, dont un Chrétien n’a jamais le droit de s’écarter, et elle est confirmée par l’autorité de nos Saints Livres et des Conciles. En effet, Notre-Seigneur Jésus-Christ parlant du Saint-Esprit, dit:  Il Me glorifiera parce qu’Il recevra de ce qui est à Moi. Et lorsque nous voyons dans la Sainte Écriture qu’il est appelé tantôt l’Esprit du Christ, tantôt l’Esprit du Père ; qu’Il est envoyé, tantôt par le Père, tantôt par le Fils,  c’est bien la preuve manifeste qu’il procède également de l’un et de l’autre. Celui qui n’a pas l’Esprit de Jésus-Christ, dit Saint Paul, n’est point à Lui.  et dans l’Épître aux Galates, il appelle encore le Saint-Esprit, l’Esprit de Jésus-Christ:  Dieu, dit-il, a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie, mon Père, mon Père. De son côté, Notre-Seigneur, dans Saint Matthieu, l’appelle l’Esprit du Père:  Ce n’est pas Vous qui parlez, mais l’Esprit de votre Père. Et dans la Cène, Il s’exprime ainsi:  le Consolateur que Je vous enverrai, C’est l’Esprit de vérité qui procède du Père, et qui rendra témoignage de Moi. Ailleurs, Il nous annonce en ces termes que le même esprit-Saint sera envoyé par le Père:  le Père L’enverra en mon nom. toutes ces expressions s’entendent évidemment de la procession du Saint-Esprit, il est donc bien clair et bien certain qu’Il procède du Père et du Fils.

Voilà ce qu’il faudra dire de la Personne du Saint-Esprit.

§ III. — DES CHOSES QUI SONT SPÉCIALEMENT ATTRIBUÉES AU SAINT-ESPRIT.

Mais de plus les Pasteurs devront expliquer avec soin certains effets admirables, certains dons excellents que la Foi lui attribue, et qui sortent et découlent de Lui comme de la source éternelle de la Bonté. Il est vrai que toutes les opérations extérieures de la Sainte-Trinité sont communes aux trois Personnes. Cependant il en est quelques-unes que l’on attribue plus particulièrement au Saint-Esprit, pour nous faire comprendre qu’elles viennent de l’immense Charité de Dieu envers nous. Le Saint-Esprit en effet procède de la Volonté de Dieu, comme par un embrasement d’amour, et dès lors il est facile de concevoir que les effets qui Lui sont spécialement attribués doivent découler de l’Amour infini de Dieu pour nous.

C’est pour la même raison que le Saint-Esprit est appelé don. Car on appelle don ce qui est accordé libéralement gratuitement et sans espoir de récompense. Ainsi tous les biens, toutes les grâces que nous avons reçues de Dieu, et qu’avons-nous que nous n’ayons reçu de Lui, dit l’Apôtre ?  ? nous les tenons de la libéralité du Saint-Esprit. Et cela nous devons le reconnaître avec une sincère et pieuse gratitude.

Les effets produits par le Saint-Esprit sont nombreux. Car sans parler ici de la création, de la propagation des créatures, du gouvernement du monde ? sujets que nous avons traités dans le premier article du Symbole ? nous venons de démontrer à l’instant qu’on Lui attribue proprement la vivification spirituelle, et les paroles suivantes d’Ézéchiel sont un véritable témoignage en faveur de cette Vérité:  Je vous donnerai mon esprit, et vous vivrez.

Voici comment Isaïe énumère les effets (ou les dons) principaux du Saint-Esprit, et ceux qui Lui conviennent plus spécialement: Il L’appelle:  l’Esprit de Sagesse et d’intelligence, l’Esprit de Conseil et de Force, l’Esprit de Science et de Piété, l’Esprit de crainte du Seigneur. Effets que l’on nomme communément les Dons du Saint-Esprit, et auxquels on donne aussi quelquefois le nom même de Saint-Esprit. C’est pourquoi, remarque judicieusement Saint Augustin,  « lorsque nous rencontrons le mot de Saint-Esprit dans la Sainte Écriture, il faut bien voir s’il s’agit de la troisième Personne de la Sainte Trinité, ou seulement de ses effets et de ses opérations. Car ces deux choses diffèrent autant l’une de l’autre que Dieu Lui- même diffère de la créature. »

Il convient de faire ressortir ces commentaires avec un soin particulier, car ces dons du Saint-Esprit sont pour nous comme une source divine où nous puisons les préceptes de la Vie chrétienne, et par eux encore nous pouvons savoir si le Saint-Esprit habite vraiment en nous.

Entre ces dons magnifiques celui qui, dans notre esprit, doit passer avant tous les autres, c’est la Grâce qui nous justifie,  et qui nous marque du sceau de l’Esprit-Saint, qui a été promis, et qui est le gage de notre héritage.  C’est cette grâce en effet qui nous attache à Dieu par les liens les plus étroits de l’amour, qui allume dans nos cœurs le zèle ardent de la piété, qui nous fait entreprendre une vie nouvelle, qui nous rend participants de la nature divineet nous fait mériter le nom et la qualité réelle d’enfants de Dieu .


Chapitre dixième — Du neuvième article du Symbole

JE CROIS LA SAINTE EGLISE CATHOLIQUE, LA COMMUNION DES SAINTS.

Pour comprendre immédiatement avec quel soin, avec quelle attention les pasteurs devront travailler à bien expliquer aux fidèles ce neuvième article du Symbole, deux considérations sont nécessaires et suffisantes. La première, c’est que, suivant la remarque de Saint Augustin, les prophètes ont parlé plus clairement et plus longuement de l’Église que de Jésus Christ, car ils prévoyaient qu’il y aurait beaucoup plus d’erreurs volontaires et involontaires, sur ce point que sur le mystère de l’Incarnation. En effet, il ne devait point manquer d’impies pour prétendre, à l’imitation du singe qui veut faire croire qu’il est homme, pour prétendre avec autant d’orgueil que de méchanceté qu’eux seuls sont catholiques, que l’Église Catholique est parmi eux, et seulement parmi eux. -- La seconde considération, c’est que celui qui aura gravé profondément dans son cœur la foi à la vérité de l’Église, n’aura pas de peine à éviter le terrible danger de l’hérésie. On n’est pas hérétique par le fait seul qu’on pèche contre la Foi, mais parce qu’on méprise l’autorité de l’Église, et qu’on s’attache avec opiniâtreté à des opinions mauvaises. Si donc il est impossible qu’un Chrétien soit atteint de cette horrible peste de l’hérésie, tant qu’il continue à croire ce que cet article propose à sa Foi, les Pasteurs doivent redoubler d’efforts pour instruire les Fidèles de ce mystère, les prémunir par là même contre les artifices de l’ennemi, et les aider à persévérer dans la Foi. Au reste cet article dépend du précédent. Après avoir montré que toute sainteté vient de l’Esprit Saint comme de sa source et de son Auteur, nous reconnaissons maintenant, par voie de conclusion, que la sainteté qui est dans l’Église ne peut sortir que de Lui.

§ I — CE QUE C’EST QUE L’EGLISE

Le mot Église vient du grec. les Latins l’ont emprunté à cette langue, et après la publication de l’Évangile, ils l’ont consacré exclusivement aux choses saintes. Voyons quel en est le sens. Il signifie proprement convocation. Mais avec le temps les auteurs l’ont emprunté souvent pour désigner une assemblée, une réunion d’hommes, sans examiner si ces hommes admiraient le vrai Dieu, ou les fausses divinités. nous lisons au livre des actes que le greffier de la ville d’Éphèse, après avoir apaisé le peuple, lui dit:  Si vous avez quelque autre affaire à proposer, nous pourrons la traiter dans une assemblée légitime. Ainsi l’assemblée du peuple d’Éphèse est appelée légitime, bien que ce peuple fût adonné au culte de Diane. Et non seulement ce nom d’Église est donné aux nations qui ne connaissent pas Dieu, mais quelquefois même il est appliqué aux assemblées des méchants et des impies. Je hais l’Église des méchants, dit le prophète,  et je ne m’assiérai point avec les impies. Mais dans la suite, l’usage ordinaire de la Sainte Écriture fut de consacrer ce mot à désigner uniquement la société chrétienne et les assemblées des fidèles, c’est à dire de ceux qui ont été appelés par la foi, à la lumière de la vérité et à la connaissance de Dieu, qui ont dissipé les ténèbres de l’ignorance et de l’erreur, qui adorent avec piété et sainteté, le Dieu Vivant et Véritable, et qui le servent de tout leur cœur. Enfin, pour tout dire en un mot, l’Église, selon S Augustin , c’est le peuple fidèle répandu dans tout l’univers. Mais ce mot de l’Église renferme de véritables mystères, et des mystères très importants. En effet, si nous l’entendons dans le sens de convocation, nous voyons aussitôt briller à nos yeux la douceur et la lumière de la Grâce divine, et nous sentons combien l’Église diffère de toutes les autres sociétés. Celles-ci ne se soutiennent que par la raison et la prudence humaines ; celle là repose sur la Sagesse et le Conseil de Dieu même. Car Dieu nous a appelés intérieurement par l’inspiration de son Saint Esprit, qui ouvre les cœurs, et extérieurement par les soins et le ministère des Pasteurs et des prédicateurs. Et nous voyons bientôt que la fin de cette vocation, c’est la connaissance et la possession des choses éternelles, si seulement nous remarquons qu’autrefois le peuple fidèle, sous la loi de Moïse, se nommait synagogue, c’est-à-dire troupeau. Car, dit Saint Augustin,  ce nom lui avait été donné parce que, comme les animaux qui cherchent à se grouper pour vivre, il n’avait en vue que des biens terrestres et périssables. Au contraire, le peuple chrétien s’appelle non pas synagogue, mais assemblée, ou convocation, parce qu’il méprise les choses terrestres et périssables, pour ne s’attacher qu’aux biens célestes, et qui ne passent pas.

Il est encore d’autres noms mystérieux qui servent à désigner la Société des Chrétiens. Ainsi l’Apôtre Saint Paul l’appelle la Maison et l’Édifice de Dieu. Je vous écris, dit-il à Timothée,  afin que, si je viens à tarder trop longtemps, vous sachiez comment vous devez vous conduire dans la maison du Dieu Vivant, la colonne et le fondement de la Vérité. L’Église est appelée ici maison parce qu’elle est comme une famille, qui n’est gouvernée que par un seul, le Père de famille, et dans laquelle tous les biens spirituels sont communs. On lui donne encore le nom de troupeau des brebis de Jésus-Christ  qui en est le Pasteur et en même temps la porte de la bergerie ; celui d’épouse de Jésus-Christ:  Je vous ai fiancés, dit l’Apôtre aux Corinthiens, à un Époux unique, Jésus-Christ, pour vous présenter à Lui comme une vierge pure. Ecoutons-le dire aux Ephésiens:  Maris, aimez vos épouses, comme Jésus-Christ aime l’Église Puis, en parlant du Mariage: Ce Sacrement est grand, je dis en Jésus-Christ et dans l’Église Et enfin celui de Corps de Jésus-Christ, comme on peut le voir dans les Épîtres aux Ephésiens  et aux Colossiens . Ces différents noms sont très propres à exciter les Fidèles à se rendre dignes de la Clémence et de la Bonté infinie de Dieu, qui les a choisis pour en faire son peuple.

§ II. — DEUX PARTIES DE L’ÉGLISE, L’UNE TRIOMPHANTE, L’AUTRE MILITANTE.

Après ces explications, il sera nécessaire d’énumérer les diverses parties qui composent l’Église, et de marquer les différences qui existent entre chacune d’elles. Ainsi les Fidèles connaîtront mieux la nature, les propriétés, les dons et les grâces de cette Église, si chère à Dieu, et ils ne cesseront de louer son nom trois fois Saint.

Il y a dans l’Église deux parties principales: l’une que l’on appelle triomphante, et l’autre militante.

L’église triomphante est cette Société si brillante et si heureuse des esprits célestes, et de tous ceux qui ont remporté la victoire sur le monde, la chair, et le démon notre ennemi acharné, et qui maintenant délivrés sans retour des misères de la vie, jouissent de la Béatitude éternelle.

L’Église militante est la Société de tous les Fidèles qui vivent encore sur la terre. On l’appelle militante parce qu’elle est obligée de soutenir une guerre incessante contre les ennemis les plus cruels, le inonde, la chair et Satan.

Toutefois, il ne faut pas pour cela croire qu’il y a deux Églises non, l’Église est une, mais elle est composée de deux parties. De ces deux parties, l’une a précédé l’autre, et elle est déjà en possession de la céleste Patrie. La deuxième marche chaque jour à la suite de la première, jusqu’à ce que, enfin, elle se réunisse à notre Sauveur, et se repose au sein de l’Éternelle Félicité.

L’Église militante renferme deux sortes de personnes, les bons et les méchants. Les méchants participent aux mêmes Sacrements et professent la même Foi que les bons ; mais ils diffèrent d’eux par la conduite et les mœurs. Les bons ne sont pas ceux qui sont unis seulement par la profession de la même Foi et la participation aux mêmes Sacrements, mais ceux qui sont attachés les uns aux autres par l’esprit de Grâce et le lien de Charité. C’est d’eux qu’il est dit:  Le Seigneur connaît ceux qui sont à Lui. Les hommes peuvent bien aussi, d’après certaines conjectures, présumer qui sont ceux qui doivent être rangés parmi les bons, mais ils ne peuvent jamais l’affirmer avec certitude. Aussi faut-il se garder de penser que Notre-Seigneur Jésus Christ a voulu parler de cette portion de l’Église, lorsqu’il nous renvoie à l’Église et nous ordonne de lui obéir. Puis qu’elle est inconnue, comment savoir, sans crainte de se tromper, à quel tribunal il faudra recourir, et à quelle autorité on devra se soumettre ? L’Église comprend donc indistinctement les bons et les méchants, comme la sainte Écriture et les Pères nous l’enseignent, et comme l’Apôtre le marquait en disant:  Il n’y a qu’un corps et qu’un esprit. Ainsi entendue, l’Église est connue de tout le mon de. C’est  la ville située sur la montagne, et que l’on aperçoit de toutes parts. Elle ne doit être ignorée de personne, puisque tous doivent lui obéir. Et ce qui prouve encore qu’elle comprend non seulement les bons, mais même les méchants, c’est ce que l’Évangile nous apprend par plusieurs paraboles, par exemple quand il nous dit que le Royaume des cieux, c’est-à-dire l’Église militante,  est semblable à un filet jeté dans la mer,  à un champ dans lequel on a semé l’ivraie sur le bon grain,  à une aire où l’on garde la paille avec le froment,  à dix vierges dont les unes sont folles, et les autres prudentes. Et, longtemps auparavant, l’Arche de Noé  où étaient renfermées toutes les espèces d’animaux, purs ou impurs, était déjà la figure et l’image de l’Église Cependant quoique la Foi catholique enseigne comme une vérité constante et hors de doute, que les méchants aussi bien que les bons font partie de l’Église, elle veut aussi que l’on montre aux Fidèles combien leur condition est différente. Les méchants en effet ne sont dans l’Église que comme la paille confondue dans l’aire avec le bon grain, ou comme des membres morts sur un corps vivant.

§ III. — QUI SONT CEUX QUI N’APPARTIENNENT PAS A L’ÉGLISE.

De ce que nous venons de dire il résulte que trois sortes de personnes seulement sont exclues de l’Église: premièrement les infidèles, ensuite les hérétiques et les schismatiques, et enfin les excommuniés. — Les infidèles, parce que jamais ils n’ont été dans son sein, qu’ils ne l’ont point connue, et qu’ils n’ont participé à aucun Sacrement dans la société des Chrétiens. — Les hérétiques et les schismatiques, parce qu’ils l’ont abandonnée, et que dès lors ils ne peuvent pas plus lui appartenir qu’un déserteur n’appartient à l’armée qu’il a quittée. Cependant, on ne saurait nier qu’ils ne restent sous sa puissance. Elle a le droit de les juger, de les punir, de les frapper d’anathème. — enfin les excommuniés, parce qu’elle les a chassés de son sein par sa Communion, tant qu’ils ne se convertissent pas. Pour tous les autres, quelque méchants et quelque criminels qu’ils soient, il n’est pas douteux qu’ils font encore partie de l’Église Et c’est une vérité qu’on ne saurait trop redire aux Fidèles, afin que si par malheur la vie de leurs Chefs spirituels devenait scandaleuse, ils sachent bien que même de tels Pasteurs appartiendraient toujours à l’Église, et ne perdraient rien de leur autorité.

Il est assez ordinaire de donner le nom d’Église à de simples parties de l’Église universelle. Ainsi l’Apôtre parle de l’Église de Corinthe, de la Galatie, de Laodicée, de Thessalonique. Il appelle même Église des familles particulières de Chrétiens. Ainsi il ordonne  de saluer l’Église domestique de Prisca et d’Aquila, et dans un autre endroit,  Aquila et Priscilla, dit-il, avec l’Église qui est dans leur maison, vous saluent très affectueusement dans le Seigneur. II s’exprime de la même manière en écrivant à Philémon. 

Quelquefois le mot d’Église ne désigne que les Prélats et les Pasteurs.  S’il ne vous écoute pas, dit Jésus Christ, dites-le à l’Église, c’est-à-dire à ses Pasteurs. Enfin, le lieu où s’assemble le peuple pour entendre la Parole de Dieu, ou pour accomplir quelque devoir religieux, ce lieu même est appelé l’église: Mais dans cet article, l’ensemble de tous les chrétiens bons et méchants, ceux qui doivent obéir aussi bien que ceux qui commandent, tous sont également compris sous le nom d’Église

§ IV. — CARACTÈRES PROPRES DE L’ÉGLISE, UNITÉ.

Le moment est venu de faire connaître aux Fidèles les propriétés et les caractères de l’Église Rien n’est plus propre à leur faire sentir quel immense bienfait Dieu leur a accordé en les faisant naître et grandir dans son sein.

Le premier caractère que lui donne le Symbole, de Nicée, c’est l’Unité.  Ma colombe est unique, dit l’Époux des Cantiques, elle seule est belle. Or, lorsque nous disons qu’une si grande multitude d’hommes, répandue en tant de lieux divers, est une, c’est parce que, comme le dit l’Apôtre écrivant aux Ephésiens,  Il n’y a qu’un Seigneur, une Foi, un Baptême. En effet, l’Église n’a qu’un seul Chef, un seul conducteur invisible, Notre-Seigneur Jésus-Christ, établi par le Père Éternel,  Chef (ou tête) de toute l’Église qui est son corps ; et un seul Chef visible qui est le successeur légitime de Saint Pierre sur le siège de Rome.

Tous les Pères sont unanimes sur ce point que ce Chef (cette tête) visible de l’Église était nécessaire pour établir et conserver son unité. Saint Jérôme l’avait admirablement compris, et il le dit très bien contre Jovinien,  un seul est choisi, afin que le Chef une fois constitué, il n’y ait plus de prétexte au schisme. Et dans sa lettre au Pape Saint Damase: que l’envie, que l’ambition et la grandeur romaine disparaissent I je parle au successeur d’un pécheur et au disciple de la Croix. ne suivant d’autre premier Chef que Jésus-Christ, je suis uni de communion à votre Sainteté, c’est-à-dire à la Chaire de Saint Pierre. Je sais que l’Église a été bâtie sur cette pierre. Quiconque mange l’Agneau hors de cette Maison est un profane ; tous ceux qui ne seront pas dans l’Arche de Noé au temps du déluge, périront dans les eaux.

Longtemps avant Saint Jérôme, Saint Irénée avait parlé dans le même sens ;  et Saint Cyprien traitant à son tour de l’Unité de l’Église s’exprime ainsi:  Le Seigneur dit à Pierre:  « Moi, je dis à toi que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église » — Ainsi Il bâtit son Église sur un seul. Et si, après sa Résurrection, Il accorde un pouvoir égal à tous ses Apôtres ; s’Il leur dit:  comme mon Père M’a envoyé, Je vous envoie ; recevez le Saint-Esprit ; cependant pour rendre l’unité plus frappante, il veut dans son Autorité souveraine, que cette unité, dés son origine, ne découle que d’un seul.

Optat de Milève dit à Parménion:  Vous ne pouvez vous excuser sous prétexte d’ignorance ; car vous savez que la chaire épiscopale de Rome a été donnée d’abord à Saint Pierre, qui l’a occupée comme Chef de tous les Apôtres. C’est dans cette chaire unique que l’unité devait être conservée par tous, de peur que chacun des Apôtres ne prétendit se rendre indépendant dans la sienne. Dés lors celui-là est nécessairement schismatique et prévaricateur, qui ose élever une autre chaire contre celle-ci qui est unique.

Puis c’est Saint Basile qui écrit:  Pierre a été placé pour être le fondement. Il avait dit à Jésus-Christ: vous êtes le Christ, Fils du Dieu Vivant: et à son tour il lui fut dit qu’il était Pierre, quoiqu’il ne fût pas pierre de la même manière que Jésus-Christ, qui est la figure immobile, mais seulement par la Volonté de Jésus-Christ. Dieu communique aux hommes ses propres dignités. Il est prêtre, et Il fait des prêtres, Il est pierre, et Il donne la qualité de pierre, rendant ainsi ses serviteurs participants de ce qui lui est propre.

Écoutons enfin Saint Ambroise: Si quelqu’un objecte à l’Église qu’elle peut se contenter de Jésus-Christ pour Chef et pour Époux unique, et qu’il ne lui en faut point d’autre, la réponse est facile. Jésus-Christ est pour nous non seule ment l’Auteur mais encore le vrai Ministre intérieur de chaque Sacrement. C’est vraiment Lui qui baptise et qui absout, et néanmoins, Il n’a pas laissé de choisir des hommes pour être les ministres extérieurs des Sacrements. Ainsi, tout en gouvernant Lui-même l’Église par l’influence secrète de son esprit, Il place aussi à sa tête un homme pour être son Vicaire et le dépositaire extérieur de sa Puissance. A une Église visible, il fallait un Chef visible. Voilà pourquoi notre Sauveur établit Saint Pierre Chef et Pasteur de tout le troupeau des Fidèles, lorsqu’Il lui confia la charge de paître ses brebis. toutefois Il le fit en termes si généraux et si étendus qu’il voulut que ce même pouvoir de régir toute l’Église passât à ses successeurs.

Au surplus c’est un seul et même esprit, écrit l’Apôtre aux Corinthiens,  qui communique la grâce aux Fidèles, comme l’âme anime tous les membres d’un même corps. Travaillez, disait-il aux Ephésiens, en les exhortant à conserver l’unité,  travaillez avec soin à conserver l’unité de l’esprit dans le lien de la paix, vous ne faites qu’un corps et qu’un esprit. De même en effet que le corps humain se compose de plusieurs membres, et que tous ces membres sont animés par une seule âme qui communique aux différents organes leurs propriétés spéciales, aux yeux celle de voir, aux oreilles celle d’entendre, ainsi le Corps mystique de Jésus-Christ, qui est l’Église, est composé de tous les Fidèles.

Il n’y a également qu’une seule Espérance à laquelle nous sommes tous appelés comme l’atteste encore l’Apôtre au même endroit,  puisque nous espérons tous la même chose, à savoir la Vie Éternelle et Bienheureuse. Il n’y a qu’une seule Foi que tous doivent garder et professer publiquement.  Qu’il n’y ait point de schismes parmi vous, dit Saint Paul. Il n’y a qu’un Baptême enfin  qui est le sceau de la Foi chrétienne.

§ V. — SAINTETÉ DE L’ÉGLISE.

Le second caractère de l’Église, c’est la Sainteté. Vous êtes la race choisie, dit Saint Pierre, la nation Sainte. — Or, nous disons que l’Église est sainte :

1° Parce qu’est est vouée et consacrée à Dieu. C’est l’usage en effet d’attribuer cette qualité aux objets corporels ou matériels, par le fait qu’ils sont destinés et employés au culte de Dieu. Ainsi, par exemple, dans la Loi ancienne, les vases, les vêtements et les autels, aussi bien que les premiers-nés qui étaient consacrés au très-Haut. étaient appelés Saints.

Et il ne faut pas nous étonner que l’Église soit appelée sainte quoiqu’elle renferme beaucoup de pécheurs. Les Fidèles sont saints, parce qu’ils sont devenus le peuple de Dieu, et qu’ils sont consacrés à Jésus-Christ par la Foi, et par le Baptême qu’ils ont reçu ;ils sont saints, bien que trop souvent ils commettent des fautes et ne tiennent pas tout ce qu’ils ont promis. Ainsi ceux qui ont embrassé un art, continuent de porter le nom de leur profession, alors qu’ils n’en observent pas les règles. Voilà pourquoi Saint Paul donne aux Corinthiens le nom de sanctifiés et de saints, tout en trouvant au milieu d’eux des Chrétiens qu’il traitait de charnels, et à qui il adressait des reproches encore plus sévères. 

2° L’Église est sainte parce qu’elle est unie à un Chef saint dont elle est le Corps  ; à Notre-Seigneur Jésus Christ, Source de toute Sainteté, qui répand sur elle les dons du Saint-Esprit et les trésors de la Bonté divine. Aussi Saint Augustin, expliquant ces paroles du Prophète David : « Conservez mon âme, parce que je suis saint », dit-il admirablement:  « Qu’il ne craigne pas, ce corps mystique de Jésus-Christ, qui ne fait vraiment qu’un seul homme, qu’il ne craigne plus d’élever la voix de toutes les parties de la terre, et de dire avec son Chef, et sous son Chef: je suis saint ; car il a reçu la grâce de la Sainteté, la grâce du Baptême et de la Résurrection des péchés. » Et un peu plus loin: « S’il est vrai que tous les Chrétiens et les Fidèles baptisés en Jésus-Christ aient revêtu Jésus Christ comme l’Apôtre l’assure dans ses paroles: Vous tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous avez revêtu Jésus-Christ  ; s’il est vrai qu’ils soient devenus les membres de son Corps, et que cependant ils osent dire qu’ils ne sont pas saints, ils font injure au Chef dont les membres sont saints. »

3° enfin, l’Église est sainte parce qu’elle seule possède le culte du Sacrifice légitime et le salutaire usage des Sacrements, ces instruments efficaces de la Grâce divine par lesquels Dieu nous communique la Sainteté. En dehors d’elle, il est impossible d’être vraiment saint. II est donc de toute évidence que l’Église est sainte . Oui, et elle est sainte, précisément parce qu’elle est le Corps de Jésus Christ qui la sanctifie, et qui la purifie dans son Sang .

§ VI. — L’ÉGLISE EST CATHOLIQUE.

Le troisième caractère de l’Église, c’est qu’elle est catholique, c’est-à-dire Universelle. Et ce nom lui convient parfaitement, car, dit Saint Augustin,  par la lumière seule de la Foi, elle s’étend depuis l’orient jusqu’au couchant. Elle n’est point comme les États de la terre, ou les diverses hérésies, bornée aux frontières d’un royaume ou à une race d’hommes, Scythes ou barbares, libres ou esclaves, homme ou femme,  elle renferme tout dans les entrailles de, sa charité. C’est pourquoi il est dit de notre Seigneur :  Vous nous avez rachetés et rendus à Dieu dans votre Sang, en nous tirant de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, de toute nation, et vous avez fait de nous un Royaume à notre Dieu. C’est de l’Église que David disait:  Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage, et les limites de la terre pour bornes de votre empire. Et ailleurs:  Je me souviendrai de Rahal et de Babylone qui me connaîtront, et une multitude de nations naîtront dans son sein.

D’ailleurs tous les Fidèles qui ont existé depuis Adam jusqu’aujourd’hui, tous ceux qui existeront tant que le monde sera monde, en professant la vraie Foi  appartiennent à cette même Église établie sur les Apôtres et les Prophètes. Car tous ont été placés et fondés sur Jésus Christ, la Pierre angulaire, qui des deux peuples n’en a fait qu’un, et qui a annoncé la Paix à ceux qui étaient loin. — Une autre raison qui fait nommer l’Église Catholique, c’est que tous ceux qui désirent obtenir leur Salut éternel, doivent s’attacher à elle, et entrer dans son sein, comme autrefois il fallut entrer dans l’arche , pour éviter de périr dans les eaux du déluge: C’est donc là une des marques les plus certaines pour distinguer la véritable Église de celles qui sont fausses.

§ VII. — L’ÉGLISE EST APOSTOLIQUE.

Voici un dernier caractère propre à nous faire distinguer la véritable Église, elle vient des Apôtres, dépositaires du grand bienfait de la révélation. Sa doctrine n’est point une chose nouvelle, et qui commence, non, c’est la vérité transmise autrefois par les Apôtres, et répandue par eux dans tout l’univers. Il est donc évident pour tous que le langage impie des hérétiques d’aujourd’hui est absolument contraire à la Foi de la véritable Église, puisqu’il est si opposé à la doctrine prêchée par les Apôtres, et depuis eux jusqu’à nous. Voilà pourquoi les Pères du Concile de Nicée, pour faire comprendre à tous quelle était l’Église catholique, ajoutèrent au symbole, par une inspiration divine, le mot Apostolique. Et en effet, le Saint-Esprit qui gouverne l’Église, ne la gouverne que par des ministres apostoliques (c’est-à-dire par les successeurs légitimes des Apôtres). Cet esprit fut d’abord donné aux Apôtres, mais ensuite, grâce à l’infinie Bonté de Dieu, il demeura toujours dans l’Église . Et comme elle est la seule qui soit gouvernée par le Saint-Esprit, elle est aussi la seule qui soit infaillible dans la Foi et dans la règle des mœurs. Au con traire toutes les autres qui usurpent le nom d’Églises sont sous la conduite de l’esprit du démon, et tombent nécessairement dans les plus funestes erreurs de doctrine et de morale.

§ VII. — FIGURES DE L’ÉGLISE DANS L’ANCIEN TESTAMENT.

Les figures de l’Ancien testament possèdent une vertu merveilleuse pour toucher le cœur des Fidèles, et pour leur remettre en mémoire les vérités les plus importantes. Aussi les Apôtres n’ont-ils pas manqué de s’en servir dans ce but. Voilà pourquoi à leur tour, les Pasteurs se garderont bien de négliger un moyen d’instruction si utile.

Or, parmi toutes ces figures, la plus expressive est l’Arche de Noé . Construite par l’ordre formel de Dieu, elle était par là même une figure de l’Église Sur ce point aucun doute n’est possible. Dieu a établi et fondé son Église dans des conditions telles que ceux qui y entreraient par le Baptême seraient préservés de la mort éternelle, tandis que ceux qui demeureraient hors de son sein périraient ensevelis sous leurs crimes ; tel fut le sort de ceux qui n’étaient point dans l’Arche.

Une autre figure encore, c’est cette grande cité de Jérusalem dont les saintes Écritures emploient souvent le nom pour signifier la sainte Église C’était dans ses murs seulement qu’il était permis d’offrir des sacrifices à Dieu. C’est également dans la Sainte Église de Dieu, et nulle part ailleurs, que se trouve le véritable culte, le véritable Sacrifice, le seul qui Lui soit agréable.

§ IX. — COMMENT LA VÉRITÉ DE L’ÉGLISE EST UN ARTICLE DE FOI.

Enfin, les Pasteurs auront soin d’apprendre aux Fidèles pourquoi c’est un article de Foi de croire à l’Église La raison et le sens sont bien suffisants pour s’assurer qu’il y a sur la terre une Église c’est-à-dire une société d’hommes dévoués et consacrés à Jésus-Christ. Pour en être convaincu, la Foi ne semble pas nécessaire. Les Juifs et les turcs eux-mêmes savent que l’Église existe. Mais pour les Mystères qu’elle renferme, — ceux dont nous venons de parler, et ceux dont nous parlerons dans le sacrement de l’Ordre — l’esprit a besoin d’être éclairé par la Foi pour les saisir et la raison seule ne saurait l’en convaincre. Ainsi cet article ne surpasse pas moins que les autres la portée naturelle et les forces de notre esprit. nous avons donc raison de dire que ce n’est point par l’intelligence, mais par les lumières de la Foi que nous connaissons l’origine, les dons et l’excellence de l’Église C’est qu’en effet cette Église n’est pas l’œuvre de l’homme. C’est le Dieu immortel qui l’a fondée sur la pierre inébranlable. Le Prophète David nous le dit expressément:  Le très-Haut l’a établie Lui même. Aussi est-elle appelée l’héritage de Dieu  et le peuple de Dieu . Son pouvoir ne lui vient pas non plus des hommes, mais de Dieu, et de même que la nature est incapable de lui donner ce pouvoir, de même aussi, c’est la Foi et non la nature qui nous fait admettre qu’elle a reçu les clefs du Royaume des cieux , la puissance de remettre les péchés  d’excommunier les pécheurs , de consacrer le vrai corps de Jésus-Christ , et enfin que les citoyens qui demeurent dans son sein, n’ont point ici-bas de demeure permanente, mais qu’ils cherchent la cité future où ils doivent habiter un jour .

Nous sommes donc rigoureusement tenus de croire que l’Église est Une, Sainte et Catholique.

Mais si, en croyant aux trois personnes de la Sainte Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, nous mettons en elles notre Foi et notre confiance, ici au contraire, nous parlons autrement, et nous faisons profession de croire une Église Sainte, et non pas en une Église sainte. Et par cette manière différente de nous exprimer, nous conservons la distinction nécessaire entre le Créateur et les choses qu’il a créées, et nous attribuons à sa divine bonté tous les dons que l’Église possède.

§ X. — LA COMMUNION DES SAINTS.

Saint Jean l’Évangéliste, écrivant aux Fidèles sur les mystères de la Foi, leur donne la raison pour laquelle il les instruit de ces vérités ;  c’est afin, leur dit-il, que vous en triez en société avec nous, et que notre société soit avec le Père et avec Jésus-Christ son Fils. Or, cette société est la Communion des Saints, dont il est question dans cet article. Et plût à Dieu que les Pasteurs eussent le même cèle que Paul et les autres Apôtres, pour répandre cet enseignement ! Car ce n’est pas seulement une sorte de développe ment de l’article précédent, et une doctrine féconde par elle-même en fruits excellents, cet enseignement est aussi pour nous un guide et un maître dans l’usage que nous devons faire des vérités contenues dans le symbole. En effet, nous ne devons les étudier et les sonder, ces vérités, que pour nous rendre dignes d’être admis dans cette grande et heureuse Société des Saints, et pour y persévérer ensuite constamment, remerciant avec joie Dieu le Père, de nous avoir rendus dignes, par la lumière de la Foi, du sort et de l’héritage des Saints .

Il convient donc de bien montrer tout d’abord aux Fidèles que cette partie de l’article est un développement plus complet de ce que nous avons dit précédemment de la Sainte Église catholique. Comme cette Église est gouvernée par un seul et même esprit, tous les biens qu’elle a reçus deviennent nécessairement un fonds commun.

Le fruit de tous les Sacrements appartient à tous. Car les Sacrements, et surtout le Baptême qui est comme la porte par laquelle les hommes entrent dans l’Église, sont autant de liens sacrés qui les unissent tous et les attachent à Jésus-Christ.

Et ce qui prouve que la Communion des Saints n’est rien autre chose que la Communion des Sacrements, ce sont ces paroles des Pères du Concile de Nicée ajoutées au Symbole: Je confesse un seul Baptême . Car tous les autres Sacrements, et l’Eucharistie en particulier, sont inséparables du Sacreraient de Baptême. Et même le nom de communion peut s’appliquer à chacun d’eux, car chacun d’eux nous unit à Dieu, et nous rend participants de la nature divine, par la grâce qu’il nous communique. Mais ce nom convient mieux à l’Eucharistie qu’à tout autre, parce que c’est elle principalement qui consomme cette communion.

Il est encore une autre espèce de communion à considérer dans l’Église La Charité en est le principe. En effet, comme cette vertu ne cherche jamais ses intérêts propres , elle l’ait tourner au profit de tous les œuvres saintes et pieuses de chacun. Ainsi l’enseigne Saint Ambroise, en expliquant ces mots du Psalmiste:  Je suis uni de cour à tous ceux qui vous craignent. « Comme un membre, dit-il, participe à tous les biens du corps, ainsi celui qui est uni à ceux qui craignent Dieu, participe à toutes les bonnes œuvres. » C’est pourquoi Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans la Prière qu’Il nous a enseignée, nous ordonne de dire notre pain et non pas mon pain, et ainsi du reste, pour nous montrer que nous ne devons pas seulement penser à nous, mais encore au bien et au salut de tous les autres.

Pour marquer cette communauté de biens dans l’Église, nos Saints Livres emploient souvent la comparaison si juste des membres du corps humain. En effet, il y a plu sieurs membres dans le corps de l’homme , et néanmoins, ils ne font qu’un seul corps. Et ils remplissent tous, non la même fonction, mais la fonction particulière qui leur est propre. tous non plus n’ont pas la même dignité, et leurs fonctions ne sont ni également utiles, ni également honorables ; cependant aucun d’eux ne se propose son avantage et son utilité particulière, mais l’avantage et l’utilité du corps tout entier. D’autre part, ils sont si étroitement unis et si bien associés entre eux, que si l’un de ces membres éprouve une douleur quelconque, tous les autres l’éprouvent de même par affinité et par sympathie. Si au contraire il est heureux, tous les autres partagent son bonheur . Or nous pouvons contempler ce spectacle dans l’Église Elle renferme bien des membres différents et des nations diverses, des Juifs, des Gentils, des hommes libres et des esclaves, des riches et des pauvres. Mais dès qu’ils ont reçu le Baptême, ils ne font tous qu’un seul corps, dont Jésus-Christ est le Chef.

De plus, chacun dans l’Église a sa fonction déterminée . Les uns sont apôtres, les autres sont docteurs, mais tous sont établis pour l’avantage de la Société entière. Les uns ont la charge de commander et d’enseigner, les autres ont le devoir d’obéir et de se soumettre.

Cependant ces biens si précieux et si multiples, ces dons de la divine Largesse vont toujours à ceux qui vivent chrétiennement, gardent la Charité, pratiquent la Justice, et sont agréables à Dieu.

Quant aux membres morts, c’est-à-dire les malheureux esclaves du péché et privés de la grâce de Dieu, ils ne perdent pas, malgré tout, l’avantage de faire encore partie du corps de l’Église ; mais comme ils sont morts, ils ne reçoivent point les fruits spirituels qui appartiennent aux Chrétiens vraiment justes et pieux. néanmoins, par cela seul qu’ils sont toujours membres de l’Église, ils se trouvent aidés, pour recouvrer la Grâce qu’ils ont perdue et la Vie spirituelle, par ceux qui vivent de la vie de l’esprit ; et ils recueillent certains fruits de salut, dont demeurent privés ceux qui sont entièrement retranchés du sein de l’Église

Les biens qui sont ainsi communs à tous, ne sont pas seulement les dons qui nous rendent justes et agréables à Dieu. Ce sont encore les grâces gratuites, comme la science, le don de prophétie, le don des langues et des miracles, et les autres dons de même nature. Ces privilèges qui sont accordés quelquefois même aux méchants, ne se donnent jamais pour un intérêt personnel, mais pour le bien et l’édification de toute l’Église Ainsi le don des guérisons n’est point accordé pour l’avantage de celui qui en jouit, mais au profit des malades qu’il guérit. Enfin tout ce que le vrai Chrétien possède, il doit le regarder comme un bien qui lui est commun avec tous, et toujours il doit être prêt et empressé à venir au secours de l’indigence et de la misère du prochain. Car  si celui qui possède, voit son frère dans le besoin, sans le secourir, c’est une preuve manifeste qu’il n’a pas la Charité de Dieu en lui.

De là il est évident que ceux qui font partie de cette Communion jouissent déjà d’un bonheur appréciable, et peuvent répéter en toute vérité avec le Prophète David:  Que vos tabernacles sont aimables, Seigneur, Dieu des vertus ! Mon âme soupire et tombe comme en défaillance en pensant à la Maison du Seigneur. Heureux, ô mon Dieu, ceux qui habitent dans votre Maison ! 


Chapitre onzième — Du dixième article du Symbole

JE CROIS LA RÉMISSION DES PÉCHÉS.

Il n’est personne qui, en voyant ce dogme de la Rémission des péchés au nombre des articles du Symbole, puisse douter un seul instant qu’il se trouve en face d’un mystère tout divin, et absolument nécessaire au Salut. nous l’avons démontré précédemment: sans une Foi ferme à tout ce que le Symbole nous propose à croire, il n’y a point de piété possible. Cependant, si cette vérité, qui est déjà bien assez claire par elle-même, avait encore besoin de quelques preuve, il suffirait de rapporter les paroles que prononça notre Seigneur, peu de temps avant son Ascension, lorsqu’il ouvrit l’intelligence de ses Apôtres, pour leur faire comprendre les Écritures:  Il fallait, dit-il, que le Christ souffrît, et qu’Il ressuscitât le troisième jour d’entre les morts, et que la Pénitence et la Rémission des péchés fussent prêchées en son nom, dans toutes les nations à commencer par Jérusalem.

En méditant ces paroles, les Pasteurs n’auront pas de peine à voir que s’ils sont obligés de transmettre aux Fidèles toutes les Vérités de la Religion, le Seigneur leur fait un devoir strict et rigoureux d’expliquer avec le plus grand soin ce chapitre de la Rémission des péchés.

§ I. — IL Y A DANS L’ÉGLISE UN POUVOIR DE REMETTRE LES PÉCHÉS.

Le devoir du Pasteur sera donc d’enseigner ici que non seulement on trouve la Rémission des péchés dans l’Église Catholique, selon cette prophétie d’Isaïe:  Le peuple qui habitera dans son sein sera purifié de ses péchés, mais encore que l’Église elle-même a le pouvoir de remettre les péchés. Et lorsque les prêtres usent légitimement de ce pouvoir, et selon les règles prescrites par Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous devons croire que les péchés sont remis et pardonnés.

Au moment où nous faisons notre première profession de Foi, en recevant le saint Baptême qui nous purifie, le pardon que nous recevons est si plein et si entier, qu’il ne nous reste absolument rien à effacer, soit de la faute originelle, soit des fautes commises par notre volonté propre, ni aucune peine à subir pour les expier. Mais néanmoins la grâce du Baptême ne délivre personne des infirmités de la nature.  Au contraire nous avons encore à combattre les mouvements de la concupiscence qui ne cesse de nous porter au mal ; et dans cette lutte, à peine pourrait-on trou ver un homme dont la résistance fût assez rigoureuse, et le soin de son salut assez vigilant, pour échapper à toute blessure. Si donc il était nécessaire que l’Église eût le pouvoir de remettre les péchés, il fallait aussi que le Baptême ne fût pas pour elle l’unique moyen de se servir de ces clefs du Royaume des cieux qu’elle avait reçues de Jésus Christ ; il fallait qu’elle fût capable de pardonner leurs fautes à tous les vrais pénitents, quand même ils auraient péché jusqu’au dernier moment de leur vie. nous avons dans nos Saints Livres les témoignages les plus positifs en faveur de cette vérité. Ainsi dans Saint Matthieu le Seigneur dit à Pierre:  Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel. Il dit de même à tous les Apôtres:  Tout ce que vous lierez sur la terre, sera lié dans le. ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre, sera délié dans le ciel. Saint Jean, de son côté, nous assure que Jésus-Christ, après avoir soufflé sur les Apôtres, leur dit:  Recevez le Saint-Esprit: les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez.

Et il ne faut pas s’imaginer que ce pouvoir de pardonner s’applique seulement à certaines espèces de fautes. non. Il n’en est aucune, si criminelle qu’elle soit, ou qu’on la suppose, que la Sainte Église ne puisse remettre.  Il n’est personne, si méchant et si coupable qu’il soit, qui ne doive espérer avec assurance son pardon, pourvu que son repentir soit sincère. Ce pouvoir non plus n’est point limité de telle sorte, que l’on puisse en user seulement dans un temps déterminé. Quelle que soit l’heure à laquelle le pécheur veuille revenir au bien, il ne faut pas le rejeter. C’est le précepte formel de Notre-Seigneur  Lorsque le prince des Apôtres lui demanda s’il fallait pardonner plus de sept fois, Il lui répondit: non pas sept fois, mais soixante-dix-sept fois sept fois.

§ II. — A QUI A ÉTÉ CONFIÉ, DANS L’ÉGLISE, LE POUVOIR DE REMETTRE LES PÉCHÉS.

Si nous envisageons ce pouvoir dans ceux qui doivent l’exercer, nous lui trouvons des limites. En effet Notre-Seigneur n’a pas voulu confier à tous les Chrétiens une fonction si haute et si sainte, Il en a chargé uniquement les Évêques et les Prêtres. — Si d’autre part nous considérons ce pouvoir dans la manière de l’exercer, il est également limité. Ce n’est que par les Sacrements administrés chacun selon la forme requise, que les péchés peuvent être remis. L’Église n’a pas reçu le droit de les pardonner autrement. Ainsi dans la Rémission des péchés, les Prêtres et les Sacrements sont de purs instruments dont Notre-Seigneur Jésus-Christ, unique Auteur et Dispensateur de notre Salut, veut bien se servir, pour effacer nos iniquités et nous donner la grâce de la justification.

§ III. — LE POUVOIR DE REMETTRE LES PÉCHÉS EST UN GRAND BIENFAIT.

Afin que les Fidèles soient en état d’apprécier, comme il convient, ce grand Bienfait de l’infinie Miséricorde de Dieu envers son Église, et par suite d’en profiter avec tout l’empressement du zèle et de la piété, les Pasteurs s’efforceront de mettre en pleine lumière l’excellence et l’étendue d’une pareille Grâce. Et ils n’auront pas de peine à atteindre ce but, s’ils ont soin de bien montrer quelle est la puissance capable de remettre les péchés, et de faire passer les hommes du mal au bien.  Il est certain que pour produire un tel effet, il ne faut rien de moins que la Vertu de Dieu, cette Vertu immense et infinie que nous croyons nécessaire pour ressusciter les morts, et pour créer le inonde. Et même, au sentiment de Saint Augustin , faire d’un impie un juste doit passer pour une œuvre plus brande que de créer de rien le ciel et la terre. Si donc il faut une puissance infinie pour créer, à plus forte raison, une puissance infinie est nécessaire pour opérer la rémission des péchés.

Nos pères ont donc eu grandement raison d’affirmer que Dieu seul peut remettre aux hommes leurs péchés, et qu’un si grand prodige ne peut être que l’ouvrage de sa Bonté et de sa Puissance souveraines. C’est Moi, dit le Seigneur Lui-même par un Prophète,  c’est Moi-même qui efface les iniquités. En effet la Rémission des péchés semble soumise à la même loi que l’acquittement d’une dette. Une dette ne peut être remise que par le créancier lui-même. Or, c’est envers Dieu que nous contractons une obligation par le péché. ne lui disons-nous pas tous les jours dans notre prière:  Remettez-nous nos dettes ? Il est donc bien clair que c’est Lui, et Lui seul, qui peut nous pardonner nos péchés.

Avant l’Incarnation du Fils de Dieu, ce pouvoir admirable et vraiment divin n’avait jamais été donné à une créature. Jésus-Christ notre Sauveur, vrai Dieu et vrai homme, est le premier qui l’ait reçu, comme homme, de Dieu son Père. Afin que vous sachiez, dit-Il,  que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés, levez-vous, dit-Il au paralytique, prenez votre lit et allez dans votre maison. Il s’était fait homme pour accorder aux hommes le pardon de leurs péchés.

Mais avant de remonter au Ciel, pour y être assis à jamais à la droite de son Père, Il laissa ce pouvoir dans son Église aux Évêques et aux Prêtres. toutefois, comme nous l’avons déjà remarqué, Notre-Seigneur Jésus-Christ remet les péchés, de sa propre autorité, tandis que les autres n’exercent ce pouvoir que comme ses ministres. Si donc tout ce qui porte le cachet de la Puissance infinie doit nous remplir d’admiration et de respect, comment pour rions-nous ne pas sentir tout le prix de ce Bienfait si pré cieux que Jésus-Christ dans sa bonté a voulu nous accorder ?

Le moyen même que Dieu notre Père a choisi dans sa Clémence, pour effacer les péchés du monde, est aussi très propre à nous faire comprendre l’étendue d’une pareille faveur. Car si son fils unique a versé son Sang, c’était pour nous purifier de nos crimes ; Il a subi Lui-même de sa pleine et propre Volonté le châtiment que nous avions mérité par nos iniquités ; le Juste a été condamné pour les pécheurs ; l’Innocent a souffert pour les coupables la mort la plus affreuse.  Réfléchissons en nous-mêmes que  nous n’avons pas été rachetés par l’or ni par l’argent qui sont sujets à la corruption, mais par le Précieux Sang de Jésus-Christ, le véritable Agneau sans tache et sans souillure, et nous n’aurons pas de peine à voir que rien de plus salutaire ne pouvait nous être accordé que cette faculté de remettre les péchés. C’est qu’en effet il y a dans ce pouvoir que Dieu nous a donné une preuve de son admirable Providence et en même temps de son amour infini pour nous.

Voici également une pensée très précieuse en fruits de salut pour tous ceux qui voudront s’y arrêter. Celui qui a le malheur d’offenser Dieu par un péché mortel perd immédiatement tous les mérites qu’il avait pu acquérir par la Mort et la Croix de Jésus-Christ, et l’entrée du Ciel qui déjà lui avait été fermée une fois, mais que la Passion du Sauveur avait de nouveau ouverte à tous, lui est dès lors interdite. Comment ne pas être frappés de la plus vive frayeur à la vue de notre misère lorsque notre esprit s’arrête sur cette triste réalité ? C’est alors qu’il faut reporter notre pensée sur ce pouvoir admirable que Dieu a donné à son Église Et si nous croyons fermement, d’après cet article du Symbole, que la faculté a été accordée à tous de rentrer avec le secours de la Grâce, dans la dignité de leur premier état, il est impossible de ne pas concevoir la joie la plus vive, l’allégresse la plus entière, et de ne pus rendre à Dieu d’immortelles actions de grâces. Et certes,’si nous avons l’habitude de trouver bons et désirables les remèdes que l’art et la science des médecins nous préparent, quand nous sommes attaqués de quelque maladie grave, combien ne devons-nous pas trouver plus agréables encore les remèdes que Dieu dans sa Sagesse a bien voulu mettre à notre disposition pour guérir nos âmes et leur rendre la vie de la Grâce ? D’autant que ces divins remèdes ne donnent pas seulement une espérance douteuse de guérison, comme ceux des hommes, mais qu’ils procurent infailliblement la santé spirituelle à tous ceux qui la désirent.

§ IV. — COMMENT LES FIDÈLES DOIVENT FAIRE USAGE DE LA RÉMISSION DES PÉCHÉS.

Après avoir fait connaître aux Fidèles l’excellence d’un pouvoir si étendu et si admirable, il y aura lieu de les exhorter à en profiter avec beaucoup de soin pour le plus grand bien de leurs âmes. Il est difficile que celui qui ne fait pas usage d’une chose utile et nécessaire, ne semble pas la mépriser. Il ne faut pas oublier que Notre-Seigneur Jésus-Christ n’a donné à son Église le pouvoir de remettre les péchés, que pour mettre à la disposition de tous ce Remède salutaire. Comme personne ne peut se purifier sans le Baptême, de même, après avoir perdu la grâce baptismale par le péché mortel, nul ne peut la recouvrer, qu’en recourant à cet autre moyen d’expiation qui s’appelle le sacrement de Pénitence.

Mais il faut bien avertir les Fidèles qu’une si grande facilité de pardon, si étendue du côté des fautes, et si illimitée au point de vue du temps, ne doit point les rendre plus libres pour se livrer au péché, ni plus lents pour se repentir. Dans le premier cas ils seraient évidemment convaincus de mépris injurieux pour cette Divine Puissance, et par conséquent ils seraient indignes de la Miséricorde de Dieu. Dans le second il y aurait grandement à craindre qu’ils ne fussent surpris par la mort, et par conséquent que leur foi à la Rémission des péchés ne devint inutile, parce que leurs retards et leurs atermoiements leur en auraient justement fait perdre tous les avantages.


Chapitre douzième — Du onzième article du Symbole

JE CROIS LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR

§ I. — PREUVE DE LA RÉSURRECTION.

La preuve manifeste de la force et de la valeur de cet article pour confirmer la vérité de notre Foi, c’est que nos Saintes Écritures ne se contentent pas de le proposer à la croyance des Fidèles, mais ont soin de l’appuyer sur plusieurs raisonnements. Ce qu’elles ne font presque jamais par rapport aux autres articles. D’où nous devons conclure que la Résurrection de la chair est en quelque sorte le fondement le plus solide de nos célestes espérances. Si les morts ne ressuscitent point, dit très bien l’Apôtre Saint Paul,  Jésus-Christ non plus n’est point ressuscité ; par conséquent, notre prédication est vaine, et notre Foi est vaine aussi. Le Pasteur devra donc apporter autant de zèle à établir et à expliquer cette Vérité, que tant d’impies en ont mis à essayer de la détruire. La connaissance en sera très utile et très avantageuse aux Fidèles ; nous le ferons voir tout à l’heure.

Remarquons d’abord que la résurrection des hommes prend ici le nom de résurrection de la chair. Et ce n’est pas sans raison. Les Apôtres ont voulu par là confirmer cette vérité — qu’il faut nécessairement admettre — l’immortalité de l’âme. Et comme ils pouvaient craindre qu’on ne vînt à s’imaginer que cette âme périssait avec le corps, et qu’ensuite elle était rappelée à la vie avec lui, — malgré les nombreux passages de l’Écriture qui attestent son immortalité — ils n’ont à dessein parlé dans cet article que de la Résurrection de la chair. Il est vrai que nous voyons plus d’une fois dans la Sainte Écriture le mot chair désigner l’homme tout entier, comme dans ce texte d’Isaïe:  toute chair est comme du foin ; et dans celui-ci de Saint Jean:  Le Verbe s’est fait chair. Mais ici il ne désigne que le corps afin de bien nous montrer que des deux parties qui composent l’homme, l’âme et le corps, le corps seule ment est sujet à la corruption et retourne à la poussière d’où il a été tiré, tandis que l’âme est absolument incorruptible. Dès lors, comme personne ne peut ressusciter sans avoir auparavant passé par la mort, il est impossible, à proprement parler, de dire que l’âme ressuscite.

Une autre raison encore a fait employer ici ce mot, chair: on voulait réfuter l’hérésie d’Hyménée et de Philéte, deux hérétiques du temps de Saint Paul, qui prétendaient que lorsque la Sainte Écriture nous parle de la résurrection, il ne s’agit point de la résurrection des corps, mais de cette résurrection spirituelle qui nous fait passer de la mort du péché à la Vie de la Grâce. Or les termes même du pré sent article ont précisément pour effet de détruire cette hérésie, et d’établir nettement la vérité de la Résurrection des corps.

Les Pasteurs auront soin de faire ressortir cette vérité par des exemples tirés de l’Ancien et du nouveau testament, ainsi que de l’histoire de l’Église Elie et Elisée dans l’Ancien testament, dans le nouveau, les Apôtres, et beau coup d’autres personnages rappellent des morts à la vie, sans compter ceux que Jésus-Christ a ressuscités Lui-même. toutes ces résurrections confirment la doctrine enseignée dans cet article. En effet si nous croyons qu’un bon nombre de morts ont été rappelés à la vie, pourquoi ne pas croire également que tous le seront un jour ? A vrai dire le premier fruit que nous devons retirer de ces miracles est de croire plus fermement au dogme de la Résurrection.

Cette vérité d’ailleurs a pour elle dans l’Écriture de nombreux témoignages, qui se présenteront naturellement à l’esprit de ceux qui sont quelque peu versés dans la connaissance des Livres Saints. Les plus remarquables de l’Ancien testament sont, dans le livre de Job: Je verrai mon Dieu dans ma chair , et dans les prophéties de Daniel: Ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour la Vie Éternelle, les autres pour l’Opprobre éternel . A son tour le nouveau testament nous parle clairement de la Résurrection des corps en plusieurs en droits, par exemple dans Saint Matthieu lorsqu’il nous rapporte la dispute de Notre-Seigneur avec les Sadducéens . Et dans Saint Jean quand il nous raconte le jugement dernier . A cela il faut joindre ce que l’Apôtre écrivait aux Corinthiens et aux Thessaloniciens, en traitant spécialement cette question , et  bien que la Résurrection soit absolument certaine par la Foi, cependant il sera très avantageux de montrer par des exemples, et par le raisonnement, que ce que l’Église nous propose à croire dans cet article n’a rien de contraire à la nature, ni à la raison.

Saint Paul, répondant à cette question: comment les morts ressusciteront-ils ? « Insensés que vous êtes, dit-il,  ne voyez-vous pas que ce que vous semez ne prend pas de vie, s’il ne meurt auparavant ? et quand vous semez, vous ne semez point le corps de la plante même qui doit naître, mais la graine seulement, comme celle du blé ou d’autre chose semblable ; et Dieu lui donne le corps qu’Il veut. Un peu après il ajoute: le corps est semé dans la corruption, et il ressuscitera incorruptible.

A cette comparaison de l’Apôtre, Saint Grégoire fait voir qu’on en peut joindre beaucoup d’autres.  Tous les jours, dit-il, la lumière disparaît à nos yeux, comme si elle mourait, et tous les jours elle se montre de nouveau, comme si elle ressuscitait. Les plantes perdent leur verdure, et la reprennent ensuite, comme si elles revenaient d la vie ; les semences meurent en pourrissant, et elles ressuscitent, en germant.

Les écrivains ecclésiastiques apportent en outre un certain nombre de raisons très propres, ce semble, à démontrer la Résurrection des corps.

La première est que nos âmes, qui ne sont qu’une partie de nous-mêmes, sont immortelles, et conservent toujours leur propension naturelle à s’unir à nos corps. Dés lors il paraîtrait contraire à la nature qu’elles en fussent séparées à jamais. Or ce qui est contraire à la nature, et dans un état de violence, ne peut pas durer toujours. Par conséquent il est de toute convenance que l’âme soit réunie à son corps, et par conséquent aussi il faut que le corps ressuscite. C’est le raisonnement dont voulut se servir notre Sauveur lui-même, dans sa dispute contre les Sadducéens, lorsque de l’immortalité des âmes, il conclut à la Résurrection des corps. 

Une seconde raison se tire de la Justice infinie de Dieu, qui a établi des châtiments pour les méchants et des récompenses pour les bons. Mais combien quittent cette vie, les uns avant d’avoir subi les peines dues à leurs péchés, les autres sans avoir revu en aucune manière les récompenses méritées par leurs vertus ? Il est donc de toute nécessité que les âmes soient de nouveau unies à leurs corps, afin que ces corps qui ont servi d’instruments pour le bien comme pour le mal, partagent avec les âmes les récompenses et les punitions méritées: C’est la pensée que Saint Jean Chrysostome  a développée avec le plus grand soin dans une homélie au peuple d’Antioche. De son côté, l’Apôtre Saint Paul traitant le même sujet, avait dit:  Si c’est pour cette vie seulement que nous espérons en Jésus Christ, nous sommes les plus misérables des hommes. Paroles qui ne doivent point s’entendre des misères de l’âme, car l’âme est immortelle, et quand même les corps ne ressusciteraient pas, elle pourrait cependant posséder le bonheur dans la Vie future. Il faut donc les rapporter, ces paroles, à l’homme tout entier. Si en effet le corps ne doit pas recevoir sa récompense pour les peines qu’il en dure, il est impossible d’échapper à cette conclusion que ceux qui souffrent dans cette vie toutes sortes d’afflictions et de maux, comme les Apôtres, sont, à coup sûr, let plus malheureux de tous les hommes.

Le même Saint Paul enseigne cette vérité aux Thessaloniciens, et en termes beaucoup plus clairs encore:  nous nous glorifions en vous, dans toutes les Églises, à cause de votre patience et de votre Foi, au milieu même de toutes les persécutions et de toutes les tribulations qui vous arrivent. Elles sont des marques du juste jugement de Dieu, et elles servent à vous rendre dignes de son Royaume pour lequel aussi vous souffrez. Car il est juste devant Dieu qu’il afflige à leur tour tous ceux qui vous affligent maintenant, et que vous, qui êtes dans l’affliction, Il vous fasse jouir du repos avec nous, lorsque le Seigneur Jésus descendra du ciel avec les Anges, ministres de sa puissance, lorsqu’Il viendra au milieu des flammes pour tirer vengeance de ceux qui ne connaissent point Dieu, et qui n’obéissent point à l’Évangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Ajoutez à cela qu’il n’est pas possible à l’homme, tant que l’âme est séparée du corps, de posséder une félicité entière, et au comble de tous les biens. Si la partie, séparée du tout, est nécessairement imparfaite, l’âme séparée du corps est dans le même cas. D’où il suit que la Résurrection du corps est nécessaire, pour que rien ne manque à la félicité de l’âme. Avec ces raisons et d’autres du même genre, le Pasteur pourra donner sur ce point aux Fidèles des lumières suffisantes.

Mais il faudra de plus qu’il leur explique soigneusement, selon la doctrine de l’Apôtre, qui sont ceux qui doivent ressusciter . De même que tous meurent en Adam, dit-il aux Corinthiens, de même tous seront vivifiés en Jésus Christ. tous ressusciteront donc, sans distinction de bons et de mauvais, mais ils n’auront pas tous le même sort . Ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la Vie Éternelle, et ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour leur condamnation.

Et quand nous disons tous, nous entendons, et ceux qui seront morts avant le Jugement dernier, et ceux qui mourront alors. L’opinion qui affirme que tous les hommes mourront, sans en excepter un seul, est celle de l’Église, et la plus conforme à la vérité, au dire de Saint Jérôme.  Saint Augustin est du même avis . Et ce sentiment n’est point en opposition avec ces paroles de l’Apôtre aux Thessaloniciens:  Ceux qui sont morts en Jésus-Christ ressusciteront les premiers. Puis nous qui sommes vivants, et qui seront demeurés en vie jusqu’à ce moment, nous serons enlevés avec eux sur les nuées, pour aller au devant de Jésus-Christ dans les airs. Saint Ambroise pour expliquer ce passage, ajoute:  La mort nous saisira comme un sommeil dans cet enlèvement même. A peine l’âme sera-t elle sortie du corps qu’elle y rentrera. nous mourrons pendant le temps même que nous serons enlevés, afin qu’en arrivant devant le Seigneur sa Présence nous rende nos âmes, parce que les morts ne peuvent pas être avec le Seigneur. Cette opinion a pour elle aussi le témoignage et l’autorité de Saint Augustin, dans son livre « de la cité de Dieu. » 

§ II. — ÉTAT DES CORPS RESSUSCITÉS.

Une autre chose très importante à connaître, et que les Pasteurs devront expliquer avec tout le soin possible, c’est que chacun de nous ressuscitera avec son propre corps, c’est-à-dire avec le même corps que nous avons sur la terre, et qui aura été corrompu dans le tombeau et réduit en poussière. Ainsi l’enseigne l’Apôtre.  Il faut, dit-il, que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité. Car le mot, ce corps, désigne nettement le corps que nous avons maintenant. Job a prédit aussi le même miracle, et sans la moindre obscurité.  Je verrai Dieu dans ma chair, dit il, je le verrai moi-même, je Le contemplerai de mes propres yeux, moi et non un autre.

La même conclusion se déduit de la définition même de la Résurrection. Qu’est-ce en effet, selon Saint Jean Damas cène,  que la Résurrection, sinon le retour à l’état d’où l’on était déchu ? — enfin si nous voulons considérer les raisons que nous avons établies plus haut de la nécessité de la Résurrection, aucun doute sur ce point ne sera plus possible. nous devons tous ressusciter, avons-nous dit, afin que nos corps reçoivent,  suivant ce qu’ils auront fait, le bien ou le mal. Donc il faut que l’homme ressuscite avec ce même corps qu’il aura employé au service de Dieu, ou au service du démon, afin que dans ce même corps égale ment, il obtienne la couronne et la récompense de son triomphe, ou bien qu’il ait le malheur de supporter les peines et les châtiments qu’il aura mérités.

Et non seulement notre propre corps ressuscitera, mais tout ce qui appartient à l’intégrité de sa nature, à l’orne ment et à la beauté de l’homme lui sera restitué. nous avons dans Saint Augustin un excellent témoignage en faveur de cette Vérité. Alors, dit-il,  il ne restera rien de défectueux dans le corps. Ceux qui auront trop d’embonpoint et d’obésité, ne reprendront point toute celte masse de chair: tout ce qui dépassera une juste proportion sera réputé superflu. Au contraire, tout ce que la maladie ou la vieillesse aura détruit dans le corps, sera réparé par la Vertu divine de Jésus-Christ. Il en sera de même des corps naturellement maigres et décharnés ; non seulement le Seigneur les ressuscitera, mais il leur rendra tout ce que les maux de la vie leur avaient ôté. Dans un autre endroit le même Saint Augustin dit encore:  L’homme ne renaîtra pas alors avec tous ses cheveux, mais avec tous ceux que la convenance demandera, selon ce que nous lisons dans l’Évangile, que tous les cheveux de notre tête sont comptés,  c’est-à-dire tous les cheveux que la Sagesse Divine jugera à propos de nous rendre.

Nos membres surtout seront rétablis et remis tous en place, parce qu’ils sont tous nécessaires à l’intégrité du corps humain. Ainsi les aveugles de naissance, ou ceux qui le seront devenus par accident, les boiteux, les manchots, les infirmes de toute sorte, tous ressusciteront avec un corps parfait et complet. Autrement, l’âme qui a un si grand désir de s’unir au corps, n’aurait pas la satisfaction qu’elle réclame. Et cependant nous croyons fermement qu’à la Résurrection tous ses désirs seront satisfaits et remplis.

De plus n’est-il pas certain que la Résurrection est, avec la Création, l’un des principaux ouvrages de Dieu ? Si donc au commencement tout fut créé dans un état parfait, il faut bien reconnaître qu’il en sera de même dans la Résurrection.

Et cela n’est pas seulement vrai des Martyrs, dont Saint Augustin a dit expressément:  Ils ne resteront pas sans leurs membres. Cette mutilation ne pourrait être dans leurs corps qu’un défaut choquant. Et ceux qui auraient eu la tête tranchée devraient ressusciter sans tête. Ils porteront encore, il est vrai, dans leurs membres, les traces du glaive ; mais ces cicatrices glorieuses, comme celles de Jésus-Christ, brilleront avec plus d’éclat que l’or et les pierres précieuses. — Les méchants aussi ressusciteront avec tous leurs membres, même avec ceux qu’ils auraient perdus volontairement. Plus en effet ils auront de membres, plus leurs souffrances seront multipliées. Ce ne sera pas pour leur avantage qu’ils seront rétablis dans leur premier état, mais pour leur malheur et leur châtiment. Le mérite de nos actes n’appartient pas à nos membres, mais à la personne qui possède ces membres. Par conséquent, ceux qui auront fait pénitence recouvreront tous leurs membres pour que leur récompense en soit augmentée, et ceux qui auront méprisé la pénitence, pour l’augmentation de leur supplice. — Si les Pasteurs savent méditer cette doctrine avec attention, ils ne manqueront ni de motifs, ni de paroles pour exciter les Fidèles à la piété, et les enflammer d’amour envers Dieu. Ainsi, en présence des peines et des misères de la vie, ils tourneront leurs regards et leurs espérances vers cette Résurrection si heureuse et si glorieuse qui est promise aux Justes et aux Saints.

§ III. — QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITÉS.

S’il est vrai que les corps qui ressusciteront doivent être, quant à la substance, les mêmes que la mort aura détruits, cependant il faut que les Fidèles sachent bien que leur condition sera notablement changée. En effet, sans parler ici de tout le reste, la différence capitale entre leur premier et leur deuxième état, c’est que nos corps qui étaient auparavant sujets à la mort, deviendront immortels, dés qu’ils auront été rappelés à la vie, sans distinction de bons et de méchants. Admirable restauration de notre nature dont nous sommes redevables à la victoire que notre Seigneur Jésus-Christ a remportée sur la mort. La Sainte Écriture est formelle sur ce point: Il anéantira la mort à jamais, dit Isaïe en parlant de Jésus-Christ . Osée Lui fait dire:  Ô mort, Je serai ta mort. Saint Paul, expliquant cette parole, ne craint pas d’affirmer  qu’après tous les autres ennemis, la mort même sera détruite.

Nous lisons dans Saint Jean:  Il n’y aura plus de mort. Il était en effet de suprême convenance que les mérites de Jésus-Christ, qui ont détruit l’empire de la mort, fussent infiniment plus efficaces et plus puissants que le péché d’Adam . — enfin la Justice Divine demandait que les bons fussent pour toujours en possession de la Vie. bienheureuse, tandis que les méchants, souffriraient leurs éternels tourments, chercheraient la mort sans la trouver, et la désireraient sans pouvoir l’obtenir .

L’immortalité sera donc commune aux bons et aux méchants.

De plus les corps des Saints, après la Résurrection, posséderont certaines prérogatives, certaines qualités très brillantes qui les rendront bien plus excellents qu’ils n’étaient auparavant. nos Pères en comptent quatre principales conformément à la doctrine de l’Apôtre .

La première est l’impassibilité, c’est-à-dire ce don précieux qui les préservera de toute espèce de mal, de douleur, en un mot de toute chose fâcheuse. La rigueur du froid, l’ardeur de la flamme, la violence des eaux, rien ne pourra leur nuire. Le corps est semé corruptible, dit l’Apôtre,  il se relèvera incorruptible. Si les théologiens ont employé ce mot d’impassibilité plutôt que celui d’incorruptibilité, c’est qu’ils voulaient n’exprimer par là que ce qui convient aux corps glorieux. Les damnés en effet ne partageront point avec les Saints l’impassibilité. Au contraire leurs corps, malgré leur incorruptibilité pourront souffrir du chaud, du froid, et de mille autres tourments.

La seconde est la clarté qui rendra les corps des Saints aussi brillants que le soleil. Notre-Seigneur l’affirme nettement dans Saint Matthieu:  Les justes brilleront comme le soleil dans le Royaume de mon Père. Et pour enlever tout doute sur ce point, il opère devant ses Apôtres le miracle de la transfiguration . Saint Paul, pour exprimer cette qualité, se sert tantôt du mot de clarté, tantôt du mot de gloire.  Jésus-Christ, dit-il, reformera notre corps vil et abject, en te rendant semblable à son Corps glorieux. Et dans un autre endroit:  le corps est semé dans l’ignominie, il ressuscitera glorieux. Les Israélites, dans le désert , virent une image de cette gloire sur le front de Moise, lorsque sortant de l’entretien qu’il avait eu face à face avec Dieu, il parut devant eux avec un visage si lumineux, que leurs yeux ne pouvaient en soutenir l’éclat.

Or cette clarté n’est qu’un rayon de la souveraine félicité de l’âme rejaillissant sur le corps tout entier, et le corps sera heureux du bonheur de l’âme, comme l’âme n’est heureuse que parce qu’elle participe à la félicité même de Dieu. Mais il ne faut pas croire que ce don de clarté sera également distribué à tous, comme le don de l’impassibilité. Les corps des Saints seront tous impassibles de la même manière, mais ils n’auront pas tous le même degré de clarté. Car, dit Saint Paul , autre est l’éclat du Soleil, autre celui de la lune, autre celui des étoiles. Et de même qu’une étoile diffère d’une autre en clarté, ainsi en sera-t-il de la Résurrection des morts.

La troisième qualité des corps des Saints sera l’agilité. Elle délivrera le corps du poids qui l’accable dans la vie présente. Ainsi ce corps pourra se porter partout où il plaira à l’âme avec une facilité et une vitesse incomparables. C’est l’enseignement formel de Saint Augustin dans son ouvrage de la Cité de Dieu, et de Saint Jérôme dans son commentaire sur Isaïe -. C’est pourquoi l’Apôtre a dit:  Le corps est semé dans l’infirmité, mais il ressuscitera dans la puissance.

La quatrième est la subtilité. Elle rendra le corps entièrement soumis à l’empire de l’âme ; il sera son serviteur, toujours prêt à lui obéir au moindre signe. C’est l’affirmation très nette de l’Apôtre Saint Paul:  ce qui est semé en terre, dit-il, est un corps animal, et ce qui ressuscitera sera un corps spirituel. tels sont à peu près les points principaux qu’il faudra mettre en lumière, en expliquant cet article.

§ IV. — FRUITS A TIRER DE CET ARTICLE.

Afin que les Fidèles soient en état de bien apprécier tous les fruits qu’ils peuvent retirer de la connaissance de tant et de si grands Mystères, il y aura lieu d’abord de leur déclarer qu’ils doivent toute leur reconnaissance à Dieu qui a daigné révéler ces choses aux petits, pendant qu’Il les a cachées aux sages . Combien en effet d’hommes éminents par leur sagesse, et distingués par leur science, qui n’ont été que de pauvres aveugles vis-à -vis d’une Vérité si incontestable ? Si donc le Seigneur nous a découvert ces secrets, auxquels nous n’avons pas même le droit d’aspirer, quel motif pour nous d’exalter, par des louanges continuelles, sa Bonté et sa Clémence infinies !

En second lieu, voici un autre avantage très appréciable que nous retirerons de la méditation de cet article, c’est que, à la mort de ceux qui nous sont unis par les liens du sang ou de l’amitié, il nous sera plus facile de consoler les autres, et de nous consoler nous-mêmes. L’Apôtre Saint Paul ne manqua pas de se servir de ce moyen, lorsqu’il écrivit aux Thessaloniciens sur les morts qu’ils pleuraient .

Troisièmement, la pensée de la Résurrection nous apportera également la meilleure consolation dans toutes les peines et les misères de la vie. C’est l’exemple que nous a laissé le saint homme Job, qui ne se consolait de ses afflictions et de ses malheurs, que par l’espérance de voir le Seigneur son Dieu, au jour de la Résurrection .

Enfin il n’y a peut-être pas de vérité plus capable de porter les fidèles à faire tous les efforts possibles pour mener une vie sainte, et pure de tout péché. En effet, s’ils pensent sérieusement à ces richesses incalculables qui doivent suivre la Résurrection, et qui les attendent, ils n’auront pas de peine à s’adonner avec ardeur à la pratique de la vertu et de la piété. — et au contraire, rien ne peut être plus efficace pour réprimer les mauvaises passions, et pour détourner l’homme du mal, que de lui rap peler fréquemment les châtiments et les supplices qui frapperont les méchants, lorsque, au dernier jour, ils ressusciteront pour être condamnés .


Chapitre treizième — Du douzième article du Symbole

JE CROIS LA VIE ETERNELLE

Les Saints Apôtres, nos guides et nos maîtres, ont voulu que le Symbole, cet abrégé de notre Foi, se terminât par l’article de la Vie Éternelle C’est qu’en effet, d’une part, après la Résurrection de la Chair, les Fidèles n’ont plus à attendre que la récompense de la Vie Éternelle, et, d’autre part,. ils doivent sans cesse avoir devant les yeux cette félicité si pleine et si complète, et en faire le but et la fin de toutes leurs pensées et de tous leurs désirs.

C’est pourquoi, en instruisant les peuples, les Pasteurs ne perdront aucune occasion de leur rappeler ces magnifiques récompenses de la Vie Éternelle, Par ce moyen ils les exciteront sûrement, non seulement à supporter en leur qualité de Chrétiens, les choses les plus difficiles, mais même à les trouver faciles et agréables, et à servir Dieu avec une obéissance plus prompte et plus joyeuse.

§ I — QU’EST-CE QUE LA VIE ÉTERNELLE ?

Les paroles qui servent à exprimer dans cet article le bonheur qui nous attend cachent plus d’un mystère. Il faut donc les expliquer avec soin, afin que chacun puisse les comprendre selon la portée de son intelligence.

Les Pasteurs devront donc apprendre aux Fidèles que ces mots, la Vie Éternelle, ne désignent pas tant l’éternité de la vie des Saints — puisque les démons et les méchants vivront éternellement comme les bons — que l’éternité de leur béatitude ; béatitude qui comblera tous leurs désirs. C’est ainsi que les comprenait ce docteur de la Loi qui, dans l’Évangile,   demanda à notre Divin Sauveur ce qu’il avait à faire pour posséder la Vie Éternelle Comme s’il eût dit: que faut-il que je fasse pour parvenir au lieu où l’on jouit d’une parfaite félicité ? C’est dans ce sens que les Saintes Écritures emploient ces paroles. On peut s’en convaincre par de nombreux exemples.

La raison principale qui a fait donner ce nom de Vie Éternelle au bonheur souverain et parfait, c’est qu’on voulait écarter absolument l’idée que ce bonheur pût consister dans des choses corporelles et caduques, qui ne peuvent être éternelles. Ce mot de béatitude n’exprimait point assez par lui-même ce que nous attendons, d’autant qu’il s’est rencontré des hommes enflés d’une vaine sagesse, qui n’ont pas craint de placer le Souverain Bien dans les choses sensibles. Mais chacun sait qu’elles vieillissent et passent ; tandis que le bonheur n’est limité par aucun temps. Au contraire ces choses sensibles sont tellement opposées au bonheur, que plus on se laisse prendre par le goût et l’amour du monde, plus on s’éloigne de la félicité véritable. Aussi est-il écrit:  N’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, la Charité du Père n’est pas en lui. Et un peu plus loin:  Le monde passe et sa concupiscence avec lui.

Voilà ce que les Pasteurs s’efforceront de graver dans le cœur des Fidèles, afin qu’ils n’aient que du mépris pour les choses périssables, et qu’ils soient bien persuadés qu’il n’y a point de vrai bonheur en ce monde, où nous ne sommes que des étrangers, et non de vrais citoyens . Nous pouvons sans doute nous dire heureux dès ce monde, par l’espérance, lorsque, renonçant à l’impiété et aux désirs du siècle, nous vivons ici-bas avec tempérance, justice et piété, attendant la bienheureuse espérance et l’arrivée de la gloire du grand Dieu, et de notre Sauveur Jésus-Christ . Mais un grand nombre d’hommes, qui étaient pleins de sagesse à leurs propres yeux, n’ont pas compris cette Vérité, et ils ont cru qu’il fallait chercher le bonheur sur cette terre. En quoi ils ont été de pauvres insensés qui sont tombés ensuite dans les plus grands malheurs .

Ce mot de Vie Éternelle nous fait comprendre également que le bonheur une fois acquis ne peut plus se perdre, quoi qu’en aient dit plusieurs contre toute vérité. En effet, la vraie félicité renferme tous les biens, sans aucun mélange de mal. Et s’il est vrai qu’elle doit remplir tous les désirs de l’homme, il faut nécessairement qu’elle soit éternelle. Celui qui est heureux peut-il ne pas désirer ardemment de jouir sans fin de ce qui fait son bonheur ? et sans l’assurance d’une félicité stable et certaine, ne sera-t-il pas malgré lui en proie à tous les tourments de la crainte ?

Enfin cette même expression de Vie Éternelle est bien propre à nous faire concevoir combien est grande la félicité des Bienheureux qui vivent dans la céleste Patrie ; cette félicité est si grande que personne, excepté les Saints eux-mêmes, ne saurait s’en faire une juste idée. Car dès qu’on emploie, pour désigner un objet, un terme qui est commun à plusieurs autres, c’est une marque évidente qu’il manque un mot propre pour exprimer cet objet d’une manière complète.

Si donc nous désignons le bonheur des Saints par des mots qui ne s’appliquent pas plus nécessairement à eux, qu’en général à tous ceux qui vivront éternellement, nous sommes en droit d’en conclure que c’est une chose trop élevée et trop excellente, pour qu’il soit possible d’en donner, par un mot propre, une idée assez étendue. II est vrai que dans la Sainte Écriture, nous trouvons un bon nombre d’expressions différentes pour le désigner, comme Royaume de Dieu , de Jésus-Christ , des cieux , Paradis , cité sainte, nouvelle Jérusalem , maison du Père .

Mais il est évident qu’aucun de ces noms ne suffit pour en exprimer toute la grandeur.

Les Pasteurs ne laisseront donc point échapper l’occasion qui leur est offerte ici d’exhorter les Fidèles à la piété, à la justice, et à l’accomplissement de tous les devoirs de la Vie Chrétienne, en faisant briller à leurs yeux ces récompenses incomparables que l’on désigne sous le nom de Vie Éternelle La vie en effet compte toujours parmi les plus grands biens que notre nature puisse désirer. C’est donc avec raison que l’on a exprimé de préférence le souverain Bonheur par l’idée de la Vie Éternelle Et lorsque cette vie, qui pourtant est si courte, si calamiteuse, si sujette à tant de misères, qu’elle mériterait plutôt d’être appelée une véritable mort, lorsqu’une pareille vie, disons-nous, ne laisse pas d’être pour nous le bien le plus cher, le plus aimé, le plus agréable, avec quel zèle, avec quelle ardeur ne devons-nous pas nous empresser vers cette Vie Éternelle, qui détruit tous les maux, et nous offre l’abondance parfaite de tous les biens ?

§ II. — NATURE DU BONHEUR ÉTERNEL.

Selon les saints Pères  la félicité de la Vie Éternelle, c’est à la fois la délivrance de tous les maux, et la possession de tous les biens.

En ce qui concerne les maux, nos Saints Livres sont clairs et formels. Ainsi il est écrit dans l’Apocalypse:  Les Bienheureux n’auront plus ni faim, ni soif ; le soleil, ni aucune chaleur ne les incommodera plus. Et ailleurs:  Dieu essuiera toutes les larmes de leurs yeux ; il n’y aura plus ni mort, ni deuil ni cris, ni douleur, parce que le premier état sera passé.

En ce qui concerne les biens, leur gloire sera immense, et en même temps ils posséderont tous les genres de joie et de délices. Mais aujourd’hui il est impossible que nous comprenions la grandeur de ces biens ; ils ne peuvent se manifester à notre esprit.

Pour les goûter, il faut que nous soyons entrés dans la joie du Seigneur. Alors nous en serons comme inondés et enveloppés de toutes parts, et tous nos désirs seront satisfaits.

L’énumération des maux dont nous serons délivrés semble beaucoup plus facile à faire, remarque Saint Augustin  que celle des biens et des plaisirs dont nous jouirons. Cependant les Pasteurs devront s’employer à expliquer clairement et brièvement ce qu’ils croiront propre à allumer dans le cœur des Fidèles le désir d’acquérir cette félicité souveraine: Pour cela ils auront à distinguer, avec les meilleurs auteurs ecclésiastiques, deux sortes de biens qui composent la Béatitude éternelle, les uns qui tiennent à la nature même du bonheur, les autres qui n’en sont que des conséquences. D’où le nom de biens essentiels qu’ils donnent aux premiers, afin que leur enseignement soit plus précis, et le nom de biens accidentels qu’ils réservent aux seconds.

La véritable béatitude, celle qu’on peut appeler essentielle consiste dans la vision de Dieu et la connaissance de sa Beauté, principe et source de tout bien et de toute perfection. La Vie Éternelle, dit Notre-Seigneur Jésus-Christ,  c’est de vous connaître, vous, le seul Dieu véritable, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ. Paroles que saint Jean semble expliquer quand il dit:  Mes bien-aimés, nous sommes maintenant les enfants de Dieu ; mais ce que nous serons un jour ne paraît pas encore. nous savons que lorsque Jésus-Christ se montrera, nous lui serons semblables, parce que nous Le verrons tel qu’Il est. Il nous fait entendre en effet que la béatitude consiste en deux choses: à voir Dieu tel qu’Il est en Lui-même et dans sa propre nature et à devenir nous-mêmes comme des dieux. Ceux qui jouissent de Dieu conservent toujours, il est vrai, leur propre substance, mais en même temps ils revêtent une forme admirable et presque divine, qui les fait paraître plutôt des dieux que des hommes.

Et il n’est pas difficile de concevoir la raison de cette transformation. Les choses ne peuvent se connaître qu’en elles-mêmes et dans leur essence, ou bien par des images et des ressemblances. Or, rien n’étant réellement semblable à Dieu ; il n’y a aucune image, aucune ressemblance de Dieu capable de nous donner de lui une connaissance parfaite. Par conséquent personne ne peut voir sa nature et son essence, à moins que cette essence divine elle-même ne vienne s’unir à nous. C’est ce qui signifient ces paroles de l’Apôtre:  Nous voyons maintenant comme dans un miroir et par des énigmes, mais alors nous verrons face à face.

Ce que Saint Paul entend par énigmes, dit Saint Augustin,  c’est une image propre à nous faire connaître Dieu. Saint Denis l’enseigne nettement aussi  quand il assure que les images des choses inférieures ne peuvent servir à faire connaître les choses supérieures. Et en effet comment l’image d’une chose corporelle pourrait-elle nous révéler la nature et la substance d’une chose incorporelle, puisque les idées et les images doivent nécessairement être moins grossières et plus spirituelles que les objets qu’elles représentent. Il est facile de nous convaincre de cette vérité, en remarquant ce qui se passe dans la connaissance que nous avons de chaque chose. Si donc rien de créé ne peut nous fournir une image aussi pure, aussi spirituelle que Dieu Lui-même, il s’ensuit qu’aucune image ne peut nous donner une connaissance exacte de l’Essence divine.

D’ailleurs toutes les créatures sont bornées et limitées dans les perfections qu’elles peuvent avoir. Dieu au contraire est infini. Par conséquent l’image des choses créées ne saurait représenter son immensité. Il ne reste donc qu’un moyen, et un seul, de connaître l’Essence divine, c’est que cette essence s’unisse à nous, qu’Elle élève notre esprit d’une manière merveilleuse, et qu’Elle l’élève assez haut pour nous rendre capables de la contempler en elle-même et face à face.

C’est la lumière de la Gloire qui réalisera en nous cette merveille, lorsque nous serons éclairés par sa splendeur, et que nous verrons Dieu qui est la vraie lumière, dans sa propre lumière.  Les bienheureux contempleront éternellement Dieu présent devant eux ; et ce don, le plus excellent et le plus admirable de tous, les rendra participants de la nature divine, et les mettra en possession de la vraie et définitive Béatitude.   Béatitude à laquelle nous devons avoir une foi si grande que le Symbole des Pères de Nicée nous ordonne de l’attendre de la Bonté de Dieu, avec la plus ferme espérance, j’attends la Résurrection des morts et la Vie du siècle à venir.

Ces choses sont tellement divines qu’il nous est absolument impossible de les concevoir et de les exprimer. Cependant nous pouvons en trouver quelque image dans les choses sensibles. Ainsi le fer que l’on soumet à l’action du feu, prend la forme du feu ; et bien qu’il ne change pas de substance, cependant il est tout autre, et semble n’être plus que du feu. De même ceux qui ont été introduits dans la gloire du Ciel sont tellement enflammés par l’amour de Dieu que, sans changer de nature, ils diffèrent néanmoins beaucoup plus de ceux qui vivent sur la terre que le fer incandescent ne diffère de celui qui est froid. Pour tout dire en un mot, la félicité souveraine et absolue, que nous appelons essentielle, consiste dans la possession de Dieu. Que peut-il manquer en effet au parfait bonheur de celui qui possède le Dieu de toute Bonté et de toute perfection.

A cette Béatitude essentielle, il se joint encore quelques avantages accessoires, communs à tous les Saints. Avantages qui sont plus à la portée de nos moyens, et qui, par le fait, sont ordinairement plus puissants pour remuer nos cœurs et exciter nos désirs. De ce nombre sont ceux que l’Apôtre avait en vue, quand il écrivait aux Romains : Gloire, honneur et paix à quiconque fait le bien ! en effet, outre cette gloire qui se confond avec la béatitude essentielle, ou du moins qui en est inséparable, il est une autre espèce de gloire dont jouiront les Saints. C’est celle qui résultera de la connaissance claire et distincte que chacun aura du mérite et de l’élévation des autres.

Ne sera-ce pas aussi un très grand honneur pour les Saints d’être appelés par le Seigneur, non plus ses serviteurs,  mais ses amis, ses frères,  et les enfants de Dieu ?  et dans ces paroles que notre Sauveur adressa aux élus:  Venez, les bénis de mon Père, possédez le Royaume qui vous a été préparé, Il y a autant de tendresse et d’amour, elles sont si honorables et si glorieuses que nous avons le droit de nous écrier:  Seigneur, Vous honorez vraiment trop vos amis !

De plus Jésus-Christ les comblera de louanges devant son Père céleste et devant les Anges.

Enfin, si la nature a gravé dans tous les cœurs le désir d’obtenir l’estime de ceux qui brillent par leur sagesse — précisément parce qu’ils sont les témoins et les juges les plus capables d’apprécier le mérite — quelle augmentation de gloire pour les Bienheureux de ce qu’ils auront les uns pour les autres l’estime la plus profonde ?

Ce serait un travail sans fin d’énumérer les plaisirs dont les Saints seront comblés au sein de la gloire. II n’est même pas possible de les concevoir tous. Cependant les Fidèles doivent être bien persuadés que tout ce qu’ils peuvent éprouver et même désirer ici-bas d’agréable, qu’il s’agisse des joies de l’esprit, ou bien des plaisirs qui se rapportent à l’état normal et parfait du corps, ils posséderont tout sans exception, et avec une pleine abondance, mais d’une manière si élevée et si incompréhensible que, suivant l’Apôtre  l’œil n’a rien vu, l’oreille n’a rien entendu, et le cœur de l’homme n’a jamais rien conçu de semblable.

Ainsi le corps, auparavant grossier et matériel, quand il aura perdu sa mortalité dans le ciel, et qu’il sera devenu subtil et spirituel, le corps n’aura plus besoin de nourriture.

De son côté, l’âme trouvera une volupté ineffable à se rassasier de cet aliment éternel de la Gloire, que le Maître de ce grand festin distribuera à tous.

Qui donc pourrait désirer encore des vêtements précieux, ou les ornements des rois, alors qu’ils ne seront plus d’aucun usage, et que tous les Saints se verront revêtus d’immortalité, brillants de lumière et couronnés d’une éternelle Gloire ?

Sur la terre, on est heureux de posséder une maison vaste et magnifique, mais peut-on imaginer rien de plus vaste et de plus magnifique que le Ciel qui brille de toutes parts, et qui reçoit sa splendeur de la Lumière même de Dieu ? Aussi, lorsque le Prophète se représentait la beauté de ce séjour, et qu’il brûlait du désir d’arriver à ces heureuses demeures: Que vos tabernacles sont aimables, s’écriait-il, Seigneur Dieu des vertus !  Mon âme soupire et se consume du désir de la maison du Seigneur. Mon cœur et ma chair brûlent d’ardeur pour le Dieu Vivant.

Tels sont les sentiments et le langage que les Pasteurs ne doivent pas seulement désirer pour les Fidèles, mais travailler sans cesse à leur inspirer. Car, dit le Seigneur Jésus, il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père , et chacun, selon ses mérites, y recevra une récompense plus ou moins grande. Celui qui sème peu  recueillera peu ; celui qui sème beaucoup, moissonnera beaucoup. Il ne suffira donc pas d’exhorter les Fidèles à mériter cette béatitude. Il faudra encore leur représenter fréquemment que le moyen le plus sûr de l’acquérir, c’est de s’armer de la Foi et de la Charité, de persévérer dans la prière et dans la pratique si salutaire des Sacrements, et enfin de remplir, envers le prochain, tous les devoirs de la Charité. C’est le moyen assuré d’obtenir de la Miséricorde de Dieu, qui a préparé cette Gloire bienheureuse à ceux qui L’aiment, l’accomplissement de cette prophétie d’Isaïe:  Mon peuple habitera dans une paix délicieuse ; il sera tranquille sous ses tentes, et jouira du repos au milieu de l’abondance.

Grands catéchismes
Auteur : Catéchisme du Concile de Trente
Date de publication originale : 1564-1566

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen
Remarque particulière : Cette version ne comprend pas les notes. Scanné d’après le reprint que les éditions Dominique Martin Morin ont fait du numéro 136 (septembre-octobre 1969) de la revue ‘Itinéraires’. (‘Itinéraires’ reprenait sans rien y changer le texte des éditions Desclée et Cie, imprimatur à Tournai, le 17 juillet 1923.). Les définitions dogmatiques postérieures à la rédaction du Catéchisme du Concile de Trente (Immaculée Conception, Infaillibilité pontificale, Assomption), qui figurent en annexe, ont été ajoutées dans la réédition de 1984.
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