La composition du Coran

De Salve Regina

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Apologétique
Auteur : abbé Frédéric Roseau

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen


Le présent article inaugure une série d’articles qui paraîtront à  intervalles plus ou moins régulières. Notre but n’est pas de faire une analyse critique de la situation actuelle de monde face à l’Islam, mais plutôt d’étudier l’histoire et la théologie de cette religion qui se présente comme une des plus importantes s’opposant à notre Religion Catholique. Nous nous efforcerons donc d’être objectifs et d’étudier l’Islam sans parti pris de quelque sorte. Les faits parleront d’eux-mêmes. Notre 1er article en est déjà la parfaite illustration.

Nous n’avons pas voulu commencer par retracer la vie de Mahomet, mais l’histoire et la formation du Coran. En effet, avant d’étudier la doctrine et la vie du prophète, il nous a parut intéressant de nous pencher sur la façon dont ce livre a été écrit, de voir comment il a été classé, ainsi que les différents éléments qui ont influencé sa rédaction.

I. La rédaction du Coran : Les recensions.

C’est par l’étude des traditionnistes et historiens arabes, qui nous donnent les éléments qui suivent, que nous pouvons arriver à reconstituer la manière dont s’est formé le Coran.

De leur étude il apparaît que ce n’est pas Mahomet qui a écrit le Coran à proprement parler. Celui-ci n’a fait que prêcher et de son vivant ses prédications ont été conservées sur des feuilles de palmiers, des morceaux de cuir, des omoplates, des tablettes de pierres. La mémoire était cependant le moyen le plus utilisé pour conserver la doctrine du prophète en sorte que ceux qui en savaient de longues parties, étaient appelés « les porteurs du Coran ». Lors de la bataille dite du « Jardin de la mort » contre le faux prophète Moseïlimah, en l’an 11 de l’hégire, beaucoup de porteurs de coran périrent, et la peur de perdre les textes sacrés mena Omar, futur calife, à conseiller au calife Abou Bekr, premier successeur de Mahomet, d’en faire faire une recension, c’est à dire de rassembler les prédications du prophète en un seul livre. Celle-ci fut achevée dans les premières années du règne d’Omar, le deuxième calife. On confia la recension à Zéïd, fils de Tâbit, qui avait servi de secrétaire au prophète. Zéïd réunit tous les fragments qu’il put recueillir, puis il donna son manuscrit au calife. Après la mort d’Omar, ce livre vint à son successeur, Otmân, et de là passa aux mains de Hafsah, fille d’Omar, veuve du prophète. Cette première rédaction, faite sous la surveillance d’Omar, qui en est surtout responsable, ne fut pas revêtue d’un caractère officiel.

D’autres rédactions continuèrent de subsister à côté de celle de Zéïd, et ces rédactions présentaient entre elles des différences de quelque importance. On pouvait craindre qu’il n’y eut dans ces divergences matière à conflit et à schisme. En effet plusieurs villes telles que Damas ou Emesse et quelques-unes unes encore, possédaient d’autres recensions qui dans leur territoire faisaient autorité. Otmân jugea utile d’unifier le texte sacré. Il s’adressa encore à Zéïd, fils de Tâbit, et lui donna d’autres collaborateurs. Ils prirent pour base le texte d’Omar auquel Zéïd avait travaillé et le fondirent avec d’autres recensions. Lorsque le travail fut achevé, Otmân commanda de détruire tous les textes coraniques alors existants, en épargnant seulement l’exemplaire d’Hafsah, la veuve du prophète, qui périt peu après. Puis il fit faire des copies de sa recension, et les envoya officiellement dans les provinces.

C’est ainsi que fut fixé le texte du Coran.

Cependant, comme le coran était à l’origine gardé dans la mémoire des croyants, il subsista quelques variantes du coran malgré la destruction des versions autres que celle d’Otmân. On pouvait détruire des écrits, pas la mémoire des croyants. De plus, d’autres versions survécurent à la destruction. C’est le cas de la version d’Obay. Dans tous les cas, les variations ne sont pas très importantes. Il ne s’agit en fait, bien souvent, que d’un mot qui change par rapport à la version d’Otmân.

En plus des petites variantes, se rajoute la possibilité que des parties du coran aient été perdues. Ce qui est compréhensibles vu le mode de transmission du livre. Une tradition représente Otmân recherchant les parties perdues du coran. C’est sur cette possibilité de la perte de certains passages, que les Chiites[1], dont le fondateur est Ali ibn Abi Taleb, se sont appuyés pour prétendre que le texte du coran avait été altéré.

II. l’ordonnancement du coran.

Avant tout, il faut affirmer que le coran est bien un recueil des prédications de Mahomet ; il est composé de paroles du prophète écoutées avec attention, et conservées avec soin par ses adeptes. Il ne s’agit donc pas ici de remettre en cause une authenticité reconnue par tous.

Mais quand nous regardons le coran, nous nous apercevons qu’il n’est en fait qu’une suite décousue de textes divers apparemment sans ordre. Toutefois cela n’est qu’une vue occidentale de l’ordre. En effet, Zéïd a rangé les sourates (chapitres) selon la tradition orientale, ce qui est compréhensible, les classant selon leur taille. De ce fait, nous retrouvons les sourates les plus longues au début, et les plus courtes à la fin du coran. Cela n’est pas un absolu, mais d’une façon générale, plus nous avançons dans le coran, plus les sourates sont courtes. Cette classification a le désavantage de ne pas donner une vision ordonnée de la pensée du prophète. Or, celle-ci s’est développée tout au long  sa vie, et elle a parfois changé du tout au tout entre le début et la fin de sa prédication au point que deux sourates se faisant suite peuvent se contredire ; de plus, les sujets abordés entre deux sourates sont parfaitement sans lien logique d’où cette impression de désordre qui se dégage de la lecture du livre. On aura, par exemple un chapitre sur Abraham (Ibrahim) et ensuite un autre sur le jugement dernier (sourates 14 et 15). Devant ce manque d’ordre logique, les spécialistes ont cherché à rétablir un certain ordre chronologique dans l’écriture du livre, cela pour mieux comprendre l’évolution de la pensée du prophète.

Deux moyens ont été utilisés pour arriver à un résultat probable : l’étude du style et celle de l’histoire.

Pour le style, nous pouvons remarquer que l’éloquence de Mahomet « est plus ardente, plus enflammée au début de sa prédication, qu’elle va ensuite se refroidissant, et que peu à peu l’apôtre chez Mahomet fait place au politique et au législateur ; (…) Ces critères tirés du style sont assez sûrs en principe, mais peu précis dans les détails. »[2]

L’histoire nous fournis de nombreux indices et nous permet une étude approfondie du  Coran. En effet nous connaissons très bien la vie de Mahomet par la tradition, ce qui nous permet une exactitude historique sérieuse. Cette tradition est conservée par les écrits des historiens, des traditionniste et des commentateurs musulmans qui indiquent souvent les circonstances de la promulgation de tel ou tel chapitre ou verset. Le nombre important de ses indications permettent de contrôler de façon certaine leur véracité. En outre, le texte du coran mentionne toujours en tête de sourate la période de la vie de Mahomet à laquelle elle se rattache. En effet, on distingue deux périodes dans sa vie : celle qui a précédé l’hégire, c’est-à-dire l’émigration du prophète de La Mecque à Médine (622), et celle qui l’a suivie. Ce qui permet de classer avec précision les sourates et de remarquer que ce que nous avons déjà dit, à savoir que le style change avec les années, se vérifie.

Les sourates de la Mecque montrent un style éclatant et animé par l’enthousiasme. Cependant on remarque que le style se refroidi là aussi peu à peu. Ce qui permet encore d’affiner la classification.

« L’époque médinoise est celle où le prophète combat ses ennemis par les armes et organise l’islam. Les sourates de cette période renferment des préceptes législatifs et de nombreuses allusions relatives à des événements dont le détail nous est fourni par les historiens. Le prophète y attaque ses ennemis divers, «hypocrites » ou mauvais croyants, juifs, chrétiens, païens de La Mecque et d’ailleurs. »[1][3]

III. Les influences subies par le coran.

Du temps de Mahomet, c’est le paganisme qui régnait en Arabie. D’où une certaine influence des diverses religions païennes sur celle du prophète. Cependant, il ne s’agit pas d’une évolution spontanée du paganisme, une sorte de suite logique des pratiques religieuses en cours, mais d’une réaction violente à des religions existantes. A cette influence païenne s’ajoute celle de la religion perse, le mazdéisme, et aussi de sectes judéo-chrétiennes d’esprit syncrétique.

Le Coran se trouve être donc une adaptation de certains usages de l’antiquité païenne à la religion de Mahomet, parfois la condamnation de ces usages ou simplement la mention de coutumes, de faits historiques, d’idoles, de légendes. Ainsi, le culte rendu à la Kaaba, lieu saint par excellence, comportant des pèlerinages, des visites à certains lieux environnant celle-ci, des sacrifices, est adapté pour passer à l’Islam. Mais si le culte de la pierre noire est intégré, certains usages païens sont interdits. Ainsi, Mahomet défend aux pèlerins de tourner nus autour de la pierre sacrée. De plus le culte des idoles est renversé, l’année n’est plus solaire mais lunaire, les filles ne doivent plus être enterrées vives ni accueillies avec tristesse lors de leur naissance, le meurtre des enfants est interdit pour cause de disette ou de pauvreté. D’autres pratiques comme le culte des morts ou l’exaltation des origines contre celle d’autrui sont cause de violentes réactions. Enfin on retrouve des légendes, des divinités païennes tels les djinns.

Les influences judéo-chrétiennes ne sont pas non plus négligeables. Il y avait des communautés chrétiennes au Yémen, en Abyssinie et un peu partout dans la péninsule arabique. Par ailleurs, certaines tribus nomades étaient chrétiennes. Le judaïsme était présent au Yémen, à La Mecque, à Médine et sa région. Le mazdéisme était aussi connu en Arabie à cause des rapports avec la Perse. Cependant, ces trois religions n’ont pas eu d’influence directe sur l’Islam pour le simple fait que Mahomet ne les connaissait que très imparfaitement. Une légende raconte cependant que Mahomet avait été instruit dans son enfance par un moine chrétien lors d’un voyage en Syrie. Ce qui est certain, c’est que la Syrie chrétienne avait des relations avec La Mecque, que Mahomet a toujours eu de l’estime pour les moines et qu’on retrouve dans l’Islam des pratiques chrétiennes telles que la prière des heures canoniques, le jeune, l’aumône. Cela ne l’empêche pas de critiquer violemment les dogmes chrétiens de la Trinité et de la filiation divine du Christ (IX, 30-31) qu’il ne connaît que par des intermédiaires tout comme l’Evangile et la Bible. C’est la raison pour laquelle on voit apparaître dans le coran de personnages bibliques tels que Noé, Abraham, Joseph, Moïse, Salomon ou encore des personnages de l’Évangile tels que Zacharie, Marie dont la légende est mentionnée la sourate XIX et dont le titre est « Marie (Mariam). » Cependant les dogmes de la fin du monde, de la résurrection, du jugement dernier sont sans cesse répétés et semble être le centre de la révélation du prophète. Mahomet se considère d’ailleurs comme partisan de la religion d’Abraham qu’il regarde comme trahie par les juifs et les chrétiens.

Enfin, c’est aux Sabéens, secte détachée du déisme, que l’on doit une grande partie de l’influence exercée sur la religion de Mahomet qui les compte parmi les « gens du livre » possédant une partie de la révélation. Il leur a pris la doctrine du prophétisme, les légendes des prophètes et la coutume des ablutions ainsi que la description du paradis et l’importance des anges et des génies.

Conclusion.

Ainsi, le coran n’est pas l’œuvre d’un homme, mais celle de tout un peuple. Cependant la pensée de Mahomet transparaît bien à travers ce livre et on doit bien avouer que c’est bien cet enseignement qu’il a laissé. Cela ne fait d’ailleurs de doute pour personne.

Deux choses se détachent : L’Islam, du fait de la situation géographique du lieu de naissance de son fondateur, se trouve avoir été fondé dans un carrefour culturel. L’Arabie regorgeait au 6ème siècle de toutes sortes de religions, sectes, croyances qui ont toutes plus ou moins influencé Mahomet. L’Islam se trouve donc être une sorte de savant mélange de toutes les religions.

La question que l’on se pose alors, est la suivante : Comment faire confiance à une religion qui n’a finalement puisé son inspiration qu’à la source des autres religions ?


Notes et références

  1. Chia : « être partisan de » Ali revendiquait la succession au califat à cause de son lien de parenté avec Mahomet dont il était le gendre et le cousin. Il devint calife après avoir été complice, pense-t-on, de l’assassinat du troisième calife Otmân. Destitué de son califat en 657, il est assassiné en 661. cf. Annie Laurent, Vivre avec l’islam ? ed. Saint Paul
  2. DTC tome 3 volume 2 colonne 1774. article Coran
  3. DTC tome 3 volume 2 colonne 1775. article Coran
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