La vérité des rites

De Salve Regina

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Par Mgr Michel Andrieu
Extrait de l’introduction du « pontifical Romain au Moyen-âge », T. IV, 1941.

[…]
Au cours de chaque grand office pontifical nous parvien­nent donc, si nous savons en discerner les accents, les voix distinctes de tous les anciens âges chrétiens. Une phrase, une expression, un simple mot peut éveiller de lointaines résonances et transporter notre imagination vers le moment précis du passé où cette parole a d’abord retenti. En écou­tant l’évêque qui redit les formules sacrées, nous oublions le temps où nous sommes et nous rejoignons, à travers les siècles, la communauté de fidèles qui, la première fois, entendit le pontife prier ainsi. Les rubriques elles-mêmes gardent une puissance évocatrice. Elles décrivent des rites dont la signification primitive n’est pas toujours apparente : si on veut la découvrir et ne pas se contenter d’un symbo­lisme complaisant ; il faut ressusciter les circonstances dans lesquelles ils furent créés, faire revivre les pensées et les intentions qui les inspirèrent. Les objets employés par le célébrant et ses ministres, les vases sacrés, les vêtements liturgiques, tout cela aussi a une histoire. Des détails en apparence insignifiants peuvent être des vestiges chargés de souvenirs.

En suivant avec intelligence l’accomplissement d’une cérémonie que règle le Pontifical, nous prenons conscience d’être rattachés par mille liens spirituels à chacune des générations qui nous ont précédés. C’est pour garder ce contact que l’Église maintient son patrimoine liturgique au-dessus des fluctuations dit goût littéraire et, lorsque tout change autour de nous, ne l’expose pas au danger des adaptations éphémères[1]. Une condamnation unanime pèse aujourd’hui, non seulement sur les mutilations brutales, mais aussi sur les restaurations et embellissements « à l’anti­que » qui ont défiguré, depuis la Renaissance, tant de véné­rables basiliques, de cathédrales, d’églises des « âges gothi­ques ». Cependant les pierres seules ont souffert. La liturgie qui continue à vivre dans ces édifices cruellement rajeunis est toujours celle des temps anciens. Tout en ajoutant les quelques compléments exigés par des besoins nouveaux, on a respecté les textes consacrés par la tradition. Aucune grave retouche ne les a altérés. Il y a certes des prières dont la latinité pourrait être améliorée par les grammairiens, des rites dont la raison primitive a disparu : mais ces témoins d’un lointain passé, que tant de générations de fidèles ont entendus, l’Église veut qu’ils continuent à être écoutés, aujourd’hui et dans les siècles à venir, parce qu’ils sont le signe d’une continuité de vie spirituelle sur laquelle le temps n’a pas de prise.

Il est donc juste de dire que l’antiquité de la liturgie catholique lui confère noblesse et autorité.
[…]

[1] Le texte est écrit en 1941… (NDLR)

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