Le jeûne catholique d'après la liturgie des premiers jours de carême : Différence entre versions
De Salve Regina
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Mais quelles sont les conditions qui donneront au jeûne sa valeur satisfactoire ? On peut les ramener à quatre. | Mais quelles sont les conditions qui donneront au jeûne sa valeur satisfactoire ? On peut les ramener à quatre. | ||
− | == La sincérité de la pénitence | + | == La sincérité de la pénitence == |
L'épître du jour des Cendres pose en termes singulièrement forts, empruntés au prophète Joël (ch. II), les qualités d'une pénitence sincère : « Voici ce que dit le Seigneur : Revenez à moi de tout votre cœur, avec des jeûnes, avec des larmes et des lamentations. Déchirez vos cœurs, et non vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté... » | L'épître du jour des Cendres pose en termes singulièrement forts, empruntés au prophète Joël (ch. II), les qualités d'une pénitence sincère : « Voici ce que dit le Seigneur : Revenez à moi de tout votre cœur, avec des jeûnes, avec des larmes et des lamentations. Déchirez vos cœurs, et non vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté... » | ||
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Pénitence intérieure, mais dont les manifestations publiques elles-mêmes ne doivent pas révéler ce qu'elle a d'afflictif pour le corps : pénitence modeste et sans ostentation, suivant la recommandation (le l'évangile du même jour : « Lorsque vous jeûnez ne faites pas comme les hypocrites, qui prennent une mine défaite, pour faire voir aux hommes qu'ils jeûnent... Vous, lorsque vous jeûnez, parfumez-vous la tête. Lavez-vous le visage, pour ne pas faire voir aux hommes que vous jeûnez, mais à votre Père qui voit ce qui est » Et l'évangile conclut que c'est au ciel qu'il faut amasser des trésors que rien ne pourra nous enlever (Matth., VI). Or notre trésor est là où nous mettons notre cour : si nous nous attachons à la vanité, au désir de paraître, à la louange des hommes, nous nous faisons une richesse périssable; si nous tournons vers Dieu toutes nos intentions, nous amassons un trésor incorruptible. Et quel plus beau trésor que celui venant d'une pénitence cachée aux hommes, visible à Dieu seul? | Pénitence intérieure, mais dont les manifestations publiques elles-mêmes ne doivent pas révéler ce qu'elle a d'afflictif pour le corps : pénitence modeste et sans ostentation, suivant la recommandation (le l'évangile du même jour : « Lorsque vous jeûnez ne faites pas comme les hypocrites, qui prennent une mine défaite, pour faire voir aux hommes qu'ils jeûnent... Vous, lorsque vous jeûnez, parfumez-vous la tête. Lavez-vous le visage, pour ne pas faire voir aux hommes que vous jeûnez, mais à votre Père qui voit ce qui est » Et l'évangile conclut que c'est au ciel qu'il faut amasser des trésors que rien ne pourra nous enlever (Matth., VI). Or notre trésor est là où nous mettons notre cour : si nous nous attachons à la vanité, au désir de paraître, à la louange des hommes, nous nous faisons une richesse périssable; si nous tournons vers Dieu toutes nos intentions, nous amassons un trésor incorruptible. Et quel plus beau trésor que celui venant d'une pénitence cachée aux hommes, visible à Dieu seul? | ||
− | == La prière | + | == La prière == |
Le jeûne a la prière comme compagne habituelle. Le Sauveur nous avertit que le démon ne peut être chassé que par la prière et le jeûne. Les Actes des Apôtres nous montrent les disciples « priant et jeûnant » dans toutes les circonstances importantes, et l'Évangile (Luc, II) parle de la prophétesse Anne comme ne cessant jour et nuit, à quatre-vingts ans, de servir au temple en jeûnant et en priant. La messe du jeudi associe les deux actes, en particulier dans la collecte : « O Dieu que le péché offense et que la pénitence apaise, écoutez dans votre bonté les prières et les supplications de votre peuple, et daignez détourner de nous les fléaux de votre colère mérités par nos péchés. » Mais surtout, l'épître et l'évangile nous citent deux admirables traits de prière exaucée par Dieu : l'un de l'Ancien Testament (Isaïe, XXXVIII) : la supplication du roi Ezéchias mourant, qui obtient quinze ans de plus à vivre ; l'autre tiré de saint Matthieu (VIII), qui raconte la demande du centurion et la guérison de son serviteur. Pourquoi la liturgie de ce jour cesse-t-elle de parler du jeûne, pour mettre en avant, avec une sorte d'insistance, le devoir de la prière? Seigneur, exaucez ma supplication, ne la dédaignez pas : regardez-moi, exaucez-moi (introït) - Seigneur, j'ai élevé mon âme vers vous : mon Dieu, j'ai confiance en vous (offertoire). C'est parce que ma prière est nécessaire pour garder au jeûne son intention surnaturelle : celui qui fait pénitence sans y ajouter une humble prière, et très constante, risque de se complaire lui-même et de tomber dans l'orgueil; les exemples sait innombrables de grands pénitents qui, faute de prier, n'ont pas su rester dans l'humilité. | Le jeûne a la prière comme compagne habituelle. Le Sauveur nous avertit que le démon ne peut être chassé que par la prière et le jeûne. Les Actes des Apôtres nous montrent les disciples « priant et jeûnant » dans toutes les circonstances importantes, et l'Évangile (Luc, II) parle de la prophétesse Anne comme ne cessant jour et nuit, à quatre-vingts ans, de servir au temple en jeûnant et en priant. La messe du jeudi associe les deux actes, en particulier dans la collecte : « O Dieu que le péché offense et que la pénitence apaise, écoutez dans votre bonté les prières et les supplications de votre peuple, et daignez détourner de nous les fléaux de votre colère mérités par nos péchés. » Mais surtout, l'épître et l'évangile nous citent deux admirables traits de prière exaucée par Dieu : l'un de l'Ancien Testament (Isaïe, XXXVIII) : la supplication du roi Ezéchias mourant, qui obtient quinze ans de plus à vivre ; l'autre tiré de saint Matthieu (VIII), qui raconte la demande du centurion et la guérison de son serviteur. Pourquoi la liturgie de ce jour cesse-t-elle de parler du jeûne, pour mettre en avant, avec une sorte d'insistance, le devoir de la prière? Seigneur, exaucez ma supplication, ne la dédaignez pas : regardez-moi, exaucez-moi (introït) - Seigneur, j'ai élevé mon âme vers vous : mon Dieu, j'ai confiance en vous (offertoire). C'est parce que ma prière est nécessaire pour garder au jeûne son intention surnaturelle : celui qui fait pénitence sans y ajouter une humble prière, et très constante, risque de se complaire lui-même et de tomber dans l'orgueil; les exemples sait innombrables de grands pénitents qui, faute de prier, n'ont pas su rester dans l'humilité. | ||
− | == Les bonnes œuvres | + | == Les bonnes œuvres == |
La prière, dit saint Augustin, a deux ailes qui la font voler tout droit au ciel : le jeûne et l'aumône. L'épître du vendredi nous révèle l'insuffisance du jeûne qui n'est pas accompagné de bonnes œuvres; elle est tirée du chapitre LVII d'Isaïe, et voici les paroles que le prophète met dans la bouche de Jéhovah répondant à son peuple qui se plaint de n'être pas exaucé malgré ses jeûnes : « Le jeûne que j'aime consiste à détacher les chaînes injustes, à délier les nœuds du joug, à renvoyer libres les opprimés ... à rompre ton pain à celui qui a faim, à recueillir chez toi les malheureux sans asile, à couvrir un homme que tu vois nu. » - Et l'évangile, confirmant ces conseils, rappelle que les vrais enfants du Père qui est aux cieux doivent surpasser en vertu et en bonnes oeuvres les publicains et les incroyants, et tendre à être parfaits comme le Père l'est lui-même, en aimant jusqu'à leurs ennemis, en leur rendant le bien pour le mal, en priant pour leurs persécuteurs (Matth., V). « Voulez-vous, dit saint Cyrille d'Alexandrie, présenter à Jésus-Christ un jeûne véritable, un jeûne pur ? Regardez d'un oeil favorable ceux qui luttent contre la pauvreté. » L'aumône doit être, elle aussi, une compagne très fidèle du jeûne. Jeûnez, priez, donnez, et vous aurez parfaitement employé votre Carême. | La prière, dit saint Augustin, a deux ailes qui la font voler tout droit au ciel : le jeûne et l'aumône. L'épître du vendredi nous révèle l'insuffisance du jeûne qui n'est pas accompagné de bonnes œuvres; elle est tirée du chapitre LVII d'Isaïe, et voici les paroles que le prophète met dans la bouche de Jéhovah répondant à son peuple qui se plaint de n'être pas exaucé malgré ses jeûnes : « Le jeûne que j'aime consiste à détacher les chaînes injustes, à délier les nœuds du joug, à renvoyer libres les opprimés ... à rompre ton pain à celui qui a faim, à recueillir chez toi les malheureux sans asile, à couvrir un homme que tu vois nu. » - Et l'évangile, confirmant ces conseils, rappelle que les vrais enfants du Père qui est aux cieux doivent surpasser en vertu et en bonnes oeuvres les publicains et les incroyants, et tendre à être parfaits comme le Père l'est lui-même, en aimant jusqu'à leurs ennemis, en leur rendant le bien pour le mal, en priant pour leurs persécuteurs (Matth., V). « Voulez-vous, dit saint Cyrille d'Alexandrie, présenter à Jésus-Christ un jeûne véritable, un jeûne pur ? Regardez d'un oeil favorable ceux qui luttent contre la pauvreté. » L'aumône doit être, elle aussi, une compagne très fidèle du jeûne. Jeûnez, priez, donnez, et vous aurez parfaitement employé votre Carême. | ||
− | == S'abstenir du péché | + | == S'abstenir du péché == |
Lorsque le prophète nous conseille de déchirer nos cœurs, il veut dire que la pénitence doit tendre à détruire ce qu'elle déteste, le péché, et par suite à nous faire un cœur nouveau : cor mundum crea in me, Deus. L'épître du samedi est la suite de celle de la veille, et elle ajoute au conseil de pratiquer les bonnes œuvres celui de cesser de mal faire. « Si tu t'abstiens de faire peser ton joug, et du geste menaçant, et des discours injurieux,... et de fouler aux pieds le sabbat en t'occupant de tes affaires en mon saint jour... et de ne suivre que tes voies et ta volonté..., alors tu trouveras tes délices dans le Seigneur. » La destruction de nos vices, l'amendement de notre vie, c'est là la grande affaire du Carême : le jeûne corporel n'est qu'un moyen, commandé, donc obligatoire ; mais il faut d'abord jeûner du péché, faire abstinence de ses fautes habituelles, redresser sa volonté mauvaise, engager, avec l'aide de Dieu, une lutte acharnée contre l'esclavage du mal, contre la paresse, contre l'indifférence spirituelle, contre la sensualité, coutre tout ce qui nous entraîne à offenser Dieu, contre nous-mêmes. Suivant les termes de la Préface : que le jeûne corporel réprime nos vices, élève notre âme, accroisse notre vertu. | Lorsque le prophète nous conseille de déchirer nos cœurs, il veut dire que la pénitence doit tendre à détruire ce qu'elle déteste, le péché, et par suite à nous faire un cœur nouveau : cor mundum crea in me, Deus. L'épître du samedi est la suite de celle de la veille, et elle ajoute au conseil de pratiquer les bonnes œuvres celui de cesser de mal faire. « Si tu t'abstiens de faire peser ton joug, et du geste menaçant, et des discours injurieux,... et de fouler aux pieds le sabbat en t'occupant de tes affaires en mon saint jour... et de ne suivre que tes voies et ta volonté..., alors tu trouveras tes délices dans le Seigneur. » La destruction de nos vices, l'amendement de notre vie, c'est là la grande affaire du Carême : le jeûne corporel n'est qu'un moyen, commandé, donc obligatoire ; mais il faut d'abord jeûner du péché, faire abstinence de ses fautes habituelles, redresser sa volonté mauvaise, engager, avec l'aide de Dieu, une lutte acharnée contre l'esclavage du mal, contre la paresse, contre l'indifférence spirituelle, contre la sensualité, coutre tout ce qui nous entraîne à offenser Dieu, contre nous-mêmes. Suivant les termes de la Préface : que le jeûne corporel réprime nos vices, élève notre âme, accroisse notre vertu. |
Version du 9 mars 2011 à 12:14
Vie spirituelle | |
Auteur : | A. de Boissieu, O. P. |
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Source : | In La Vie Spirituelle n°113 |
Date de publication originale : | février 1929 |
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Difficulté de lecture : | ♦♦ Moyen |