Marie, mère de miséricorde
De Salve Regina
Textes de méditation | |
Auteur : | Abbé Jacques Olivier, FSSP |
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Difficulté de lecture : | ♦♦ Moyen |
Remarque particulière : | D’après des textes de saint Bernard |
Il n’est rien qui, tout à la fois, me charme et m’effraie davantage que de parler des gloires de la Vierge Mère. Car pour passer sous silence l’impossibilité où l’on se trouve d’exprimer le privilège de ses mérites et sa prérogative unique, tous ont pour Marie une dévotion si ardente, un tel culte, une telle estime, qu’en dépit de leurs efforts, il n’est rien qu’on dise de son indicible gloire qui, par le fait même qu’on a pu le dire, satisfasse pleinement les auditeurs et réponde à leur attente.[1]
Qu’on ne parle plus de votre miséricorde, ô bienheureuse Vierge, s’il est un seul homme qui se rappelle « vous avoir invoquée en vain dans ses besoins »[2]. Nous, vos petits serviteurs, nous vous félicitons de vos autres vertus, mais nous nous félicitons nous-mêmes de votre miséricorde. Nous louons votre virginité, nous admirons votre humilité, mais pour les malheureux que nous sommes, votre miséricorde a plus douce saveur, plus précieuse valeur, elle revient plus souvent à notre mémoire, plus fréquemment dans nos invocations. C’est elle qui obtint la régénération du monde, le salut de tous. Il est, en effet, évident que la sollicitude de Marie s’étendait au genre humain tout entier, lorsque l’ange lui dit : « Ne craignez pas, Marie, vous avez trouvé grâce (Luc, I, 30), la grâce que vous attendiez. » Qui donc, ô Vierge bénie, pourra mesurer la longueur et la largeur, la hauteur et la profondeur de votre miséricorde ? (Cf. Eph., III, 18). Car, par sa longueur, votre miséricorde atteint jusqu’au dernier jour tous ceux qui l’invoquent ; par sa largeur, elle recouvre toute la surface du globe et remplit la terre ; par sa hauteur, elle contribue à la restauration de la cité céleste ; par sa profondeur, elle obtient la rédemption de ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort (Luc I, 79). Par vous, en effet, le ciel est peuplé, l’enfer vidé, la céleste Jérusalem relevée de ses ruines, la vie rendue aux malheureux qui l’avaient perdue.
C’est ainsi que votre toute-puissante et très miséricordieuse charité se montre aussi magnifique dans sa compassion que dans son pouvoir secourable.
Que notre âme altérée courre donc à cette source, que notre misère puise avec ardeur à ce trésor de miséricorde. Voici, Vierge bénie, que nous vous avons accompagnée de nos vœux et suivie, au moins de loin, tandis que vous montiez vers votre Fils. Que désormais votre miséricorde fasse connaître au monde la grâce que vous avez trouvée auprès de Dieu, en obtenant, par vos saintes prières, le pardon aux pécheurs, la santé aux malades, le courage aux pusillanimes, la consolation aux affligés, secours et délivrance à ceux qui sont en danger. Et pour nous, vos petits serviteurs, qui, en ce jour de fête et de liesse, invoquons et louons le nom très doux de Marie, obtenez, Reine de clémence, les grâces de votre Fils, Notre Seigneur, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement (Rom., (IX, 5). Ainsi soit-il.
« Le nom de la Vierge était Marie ». Parlons un peu de ce nom qui signifie « étoile de mer » et qui convient admirablement à la Vierge Mère. La comparaison avec l’astre est parfaite : l’astre émet ses rayons sans subir d’altération, la Vierge enfante son Fils sans subir aucune lésion ; le rayon ne diminue en rien la clarté de l’astre, son Fils a gardé intacte l’intégrité de la Vierge. Elle est bien cette noble étoile de Jacob dont les rayons illuminent l’univers entier, dont l’éclat resplendit au plus haut des cieux et pénètre jusqu’aux abîmes. Rayonnant aussi sur toutes les terres et réchauffant les âmes plutôt que les corps, elle fait croître les vertus et consume les vices. Elle est cette splendide étoile qui se lève sur l’immensité de la mer, brillant par ses mérites, éclairant par ses exemples. A toi qui te sens, loin de la terre ferme, emporté sur les flots de ce monde au milieu des orages et des tempêtes, ne quitte pas des yeux la lumière de cet astre si tu ne veux pas sombrer. Si le vent des tentations s’élève, si l’écueil des tribulations se dresse sur ta route, regarde l’étoile, appelle Marie. Si tu es ballotté par les vagues de l’orgueil, de l’ambition, de la médisance, de la jalousie, regarde l’étoile, appelle Marie. Si la colère, l’avarice, les désirs impurs secouent la nacelle de ton âme, regarde vers Marie. Si, troublé par l’énormité de tes crimes, honteux des turpitudes de ta conscience, effrayé par la crainte du juge ment, tu commences à te laisser aller à la tristesse, à glisser dans le désespoir, pense à Marie. Dans les périls, les angoisses, les doutes, pense à Marie, invoque Marie. Que son nom ne s’éloigne jamais de tes lèvres, qu’il ne s’éloigne pas de ton cœur ; et, pour obtenir le secours de sa prière, ne néglige pas l’exemple de sa vie. En la suivant, tu es sûr de ne pas dévier ; en la priant, de ne pas désespérer ; en la consultant, de ne pas te tromper. Si elle te soutient, tu ne tomberas pas ; si elle te protège, tu n’auras pas à craindre ; si elle te conduit, tu ne te fatigueras pas ; si elle t’est favorable, tu parviendras au but ; tu constateras ainsi, par ton expérience personnelle, combien justement il a été dit : « Et le nom de la Vierge était Marie. »
Alors, arrêtons-nous un peu et ne nous contentons pas de regarder en passant cette clarté si lumineuse. Mais, suivons les paroles de l’apôtre : « Il est bon d’être ici » (Matth., XVII, 4) et de contempler dans un doux silence ce qu’un laborieux discours ne saurait exprimer.