Le testament de Saint Louis : Différence entre versions

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Histoire de France
Auteur : Louis IX, roi de France
Date de publication originale : 1270

Difficulté de lecture : ♦ Facile

Testament de saint Louis

« Beau Fils, la première chose que je t’enseigne est que tu mettes tout ton cœur à aimer Dieu. Car sans cela nul ne peut se sauver.

« Garde-toi de faire chose qui à Dieu déplaise, c’est-à-dire mortel péché. Tu devrais même souffrir toutes manières de tourment plutôt que de pécher mortellement.

« Si Dieu t’envoie adversité, souffre-la en bonne grâce et en bonne patience, et rends-Lui en grâce et pense que tu l’as bien desservi et qu’il tournera tout à ton profit.

« S’il te donne prospérité, L’en remercie humblement, en sorte que tu n’en sois pas pire ou par orgueil ou par autre manière, de ce dont tu dois mieux valoir. Car l’on ne doit pas Dieu de ses dons guerroyer.

« Confesse-toi souvent, et élis confesseurs prud’hommes qui te sachent enseigner ce que tu dois faire et de quoi tu dois te garder…

« Le service de Sainte Eglise écoute dévotement sans bourder et rire, regarder çà et là ; mais prie Dieu de bouche et de cœur en pensant à Lui dévotement et spécialement à la Messe à l’heure que la Consécration est faite.

« Le cœur aie doux et pitoyable aux pauvres et à ceux qui souffrent de cœur et de corps, et les conforte et leur aide selon ce que tu pourras.

« Maintiens les bonnes coutumes du royaume et les mauvaises abaisse.

« Ne convoite pas sur ton peuple, ne le charge pas de toltes (impôts) ni de taille, et si ce n’est par trop grand besoin.

« Si tu as quelque affliction de cœur, dis-la aussitôt à ton confesseur ou à quelque prud’homme. Ainsi tu la porteras plus légèrement.

« Gardes que tu aies en ta compagnie tous prud’hommes, soit religieux, soit séculiers ; aie souvent parlement avec eux et fuis la compagnie des mauvais.

« Et écoute volontiers les semons ou publics ou privés ; et recherche volontiers prières et pardons.

« Aime tout bien et hais tout mal en quoi que ce soit.

« Nul ne soit si hardi qu’il dise devant toi parole qui attire ou pousse à pécher, ou qu’il médise par détraction.

« Ne souffre que l’on dise devant toi nulle vilenie de Dieu ni de ses saints, que tu n’en fasses tantôt vengeance.

« Rends souvent grâces à Dieu de tous les biens qu’Il t’a faits, afin que tu sois digne d’en plus avoir.

« Pour justice et droiture garder, sois raide et loyal envers tes sujets, sans tourner ni à droite ni à gauche, mais toujours droit.

« Et si un pauvre a querelle contre un riche, soutiens le pauvre plus que le riche jusques à temps que la vérité soit éclaircie.

« Si quelqu’un a querelle contre toi, sois toujours pour lui et contre toi jusque l’on sache la vérité. Car ainsi jugeront les conseillers plus hardiment selon droiture et selon vérité.

« Si tu retiens rien d’autrui, ou par toi ou par tes devanciers, si c’est chose certaine, rends sans tarder. Si c’est chose douteuse, fais enquérir par sages hommes en hâte et diligemment.

« À cela tu dois mettre toute ton attention que tes gens et tes sujets vivent en paix et en droiture sous toi, mêmement les bonnes villes et les bonnes cités de ton royaume ; et les garde en l’état et en la franchise où tes devanciers les ont gardées. Et s’il y a choses à amender, amende-les et les redresse, et les tiens en faveur et amour.

Car par la force et la richesse de tes bonnes villes, les particuliers et étrangers redouteront de se mal conduire envers toi, spécialement les pairs et les barons. Il me souvient de Paris et des bonnes villes de mon royaume, qui m’aidèrent contre les barons quand je fus nouvellement couronné.

« Honore et aime particulièrement les religieux et toutes personnes de sainte Eglise.

« L’on raconte du roi Philippe, mon aïeul, qu’une fois un de ses conseillers lui dit que la sainte Eglise lui faisait grands torts et forfaits, en ce que les clercs lui ôtaient de son droit et empiétaient sur sa justice ; que c’était grande merveille qu’il le souffrît. Et le bon roi répondit qu’il le croyait bien. Mais quand il regardait les bontés et les courtoisies que Dieu lui avaient faites, il aimait mieux laisser son droit aller que susciter contestation ou scandale à la Sainte Eglise.

« À ton père et à ta mère tu dois honneur et révérence porter, et garder leurs commandements.

« Aime tes frères et veuille toujours leur bien et leur avancement, et tiens leur lieu de père pour les enseigner sur tout bien. Garde-toi que, par amour pour eux, tu te détournes de faire droit et que tu ne fasses à autrui chose que tu ne dois.

« Donne les bénéfices de sainte Eglise à personnes bonnes et dignes, et sur le conseil de prud’hommes. Et donne à ceux qui n’ont rien de sainte Eglise.

« Garde-toi d’exciter guerre sans très grande délibération et surtout contre tout homme chrétien. S’il faut la faire, garde sainte Eglise et ceux qui n’ont en rien méfait, de tout dommage.

« Apaise au plus tôt que tu pourras guerres et conflits soit tiens, soit de tes sujets comme Saint Martin faisait ; car, au temps que par Notre Seigneur il savait qu’il devait mourir, il alla pour mettre la paix entre les clercs de son archevêché ; et lui fut avis que, ce faisant, il faisait bonne fin.

« Sois diligent d’avoir bons prévôts et bons baillis et enquiers souvent d’eux et de ceux de ta maison, comme ils se conduisent.

« Cher Fils, je t’enseigne que tu sois toujours dévot à l’Eglise de Rome et au souverain pontife, notre père, et que tu lui portes révérence et honneur comme tu dois à ton père spirituel. Travaille-toi à empêcher tout péché et principalement vilain sermon et fais détruire les hérésies suivant ton pouvoir.

« Encore je te requiers que tu reconnaisses les bienfaits de Notre-Seigneur et que tu lui rendes grâces et merci.

« Prends garde que les dépenses de ton hôtel soient raisonnables et mesurées.

« Enfin, doux fils, je te conjure et requiers que, si je meurs avant toi, tu fasses secourir mon âme en messes et oraisons, par tout le royaume de France, et que tu m’accordes une part spéciale et plénière dans tout le bien que tu feras.

« En dernier, cher fils, je te donne toutes bénédictions que bon père et pieux peut donner à son fils, et que benoîte Trinité et tous les saints te gardent et te défendent de tout mal ; et que Dieu te donne sa grâce de faire sa volonté toujours, de sorte qu’il soit honoré par toi.

« Et que nous puissions après cette mortelle vie être ensemble avec Lui et Le louer sans fin. Amen. »

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