Concile de Chalcédoine 451 : Différence entre versions
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Histoire de l'Eglise | |
Auteur : | Chanoine Adolphe-Charles Peltier |
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Source : | Dictionnaire universel et complet des conciles |
Date de publication originale : | 1847 |
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Difficulté de lecture : | ♦♦ Moyen |
Remarque particulière : | Publié dans l'Encyclopédie théologique de l'abbé Jacques-Paul Migne, tomes 13 et 14. |
Concile de Chalcédoine - 451 - quatrième concile œcuménique
Saint Léon, regardant la tenue d'un concile général comme la suite nécessaire de l'appel interjeté par saint Flavien, et comme le véritable remède aux troubles qui agitaient l'Église, l'avait fait demander à l'empereur Théodose par Valentinien III et par les impératrices Placidie et Eudoxie. Les évêques déposés dans le conciliabule d'Éphèse le demandèrent avec instance à Marcien, successeur de Théodose, et ils employèrent pour l'obtenir les personnes les plus puissantes de la cour. Soit que Marcien eût égard à leurs remontrances, soit qu'il jugeât lui-même qu'un concile général était le seul moyen de faire cesser les maux de l'Église, il forma le dessein d'en assembler un presqu'aussitôt qu'il fut parvenu à l'empire. Il en écrivit à saint Léon en lui faisant part de son élection, et l'impératrice Pulchérie, sa femme, pria aussi ce saint pape de contribuer de son côté à la convocation de ce concile. Par une seconde lettre du 22 novembre de l'an 450, Marcien invita saint Léon à venir lui-même en Orient pour y tenir le concile. Que si ce n'est pas, ajoutait-il, votre commodité, faites-le nous savoir par vos lettres, afin que nous envoyions les nôtres par tout l'Orient, la Thrace et l'Illyrie, pour convoquer tous les évêques en un lieu certain, tel qu'il nous plaira, et régler ce qui regarde la paix de l'Église et la foi catholique, comme vous l'avez défini suivant les canons. Saint Léon répondit à l'empereur par une lettre du 7 juin 451, qu'il avait lui-même demandé ce concile ; mais que l'état présent des affaires ne permettait point d'assembler les évêques de toutes les provinces, parce que celles dont on devait principalement les appeler, c'est-à-dire, celles d'Occident, étaient tellement troublées par les guerres, qu'ils ne pouvaient quitter leurs Églises ; il priait donc ce prince de remettre le concile à un temps plus propre, quand, par la miséricorde de Dieu, la sûreté publique serait rétablie. Dans une autre lettre du 19 juillet, il témoignait souhaiter que ce concile se tînt en Italie, afin que tous les évêques d'Occident pussent s'y trouver. Mais l'empereur, persistant dans la résolution de convoquer au plus tôt un concile, qu'il regardait comme également nécessaire au bien de l'Église et de l'État, et de le convoquer même en Orient, adressa à Anatolius et à tous les métropolitains, une lettre du 17 mai 451, où, après leur avoir témoigné sa douleur de voir l'Église agitée de divers troubles, il leur déclarait que son intention était qu'ils se rendissent à Nicée en Bithynie, avec autant d'évêques de leur dépendance qu'ils jugeraient à propos, pour le premier de septembre, afin d'y terminer tous ces troubles. Ce prince promettait, dans la même lettre, de se trouver en personne au concile, si les affaires de l'empire le lui permettaient. Saint Léon qui ne voyait rien que de louable dans le dessein de Marcien, crut qu'il devait le seconder : c'est pourquoi, outre Lucentius, évêque d'Ascoli, et Basile, prêtre, qu'il avait envoyés depuis peu pour travailler avec Anatolius à la réunion et à la paix, il choisit encore deux autres légats, Pascasin, évêque de Lilybée, et Boniface, prêtre de l'Église romaine. Il chargea ce dernier d'un mémoire instructif, qui réglait la manière dont ses légats se devaient conduire dans le concile, et envoya à Pascasin la lettre à Flavien, avec quelques passages choisis des Pères sur le mystère de l'Incarnation, dont ses premiers légats à Constantinople avaient déjà fait usage. Les lettres de la légation sont datées du vingt-six juin 451. Il y en a deux à l'empereur Marcien, une à Anatolius, et une quatrième au concile. Il recommanda à ses légats de se comporter avec tant de sagesse et de prudence, que la paix fût rétablie dans les Églises d'Orient, toutes les disputes sur la foi assoupies, et les erreurs de Nestorius et d'Eutychès entièrement détruites ; d'admettre à la réconciliation tous ceux qui la demanderaient sincèrement ; de condamner et de déposer ceux qui s'obstineraient dans l'hérésie ; de s'opposer à l'ambition de ceux qui, s'appuyant sur les privilèges de leurs villes, voudraient s'attribuer de nouveaux droits ; de demander le rétablissement des évêques chassés de leurs sièges pour la foi catholique, et de ne point souffrir que Dioscore parût dans le concile comme juge, mais seulement comme accusé. Saint Léon voulut aussi que ses légats présidassent au concile en son nom, particulièrement Pascasin. Il écrivit sur ce sujet à l'empereur, le 26 juin, une lettre différente de celles dont il chargea le même jour le prêtre Boniface, apparemment par quelqu'un qui devait arriver avant lui à Constantinople. Comme Julien de Cos était depuis longtemps en Orient, qu'il avait assisté au concile d'Éphèse, et qu'il était très instruit de l'affaire qu'on devait traiter dans celui de Calcédoine, saint Léon le joignit à ses autres légats, afin de les aider de ses conseils. Julien n'eut pas néanmoins le même rang que les légats ; on se contenta de le placer entre les premiers métropolitains, et il n'est nommé qu'après le prêtre Boniface.
Pendant que les évêques s'assemblaient à Nicée suivant l'ordre de l'empereur, l'Illyrie se trouva agitée de divers troubles, qui obligèrent ce prince à donner les soins nécessaires pour les faire cesser ; en sorte que, ne pouvant se rendre à Nicée au temps marqué pour le concile, c'est-à-dire au premier de septembre, il écrivit aux évêques qui y étaient déjà invités, pour les prier de l'attendre. Ce délai leur causa de l'ennui, et il y en eut plusieurs qui tombèrent malades : ils en écrivirent à Marcien, qui leur répondit que les légats du pape jugeaient sa présence si nécessaire au concile, qu'ils ne voulaient point s'y trouver en son absence ; que, d'ailleurs, la situation des affaires de l'État ne lui permettait point de s'éloigner du lieu où il était ; mais comme il souhaitait autant que les évêques que le concile se tînt au plus tôt, il les pria de passer à Calcédoine, disant qu'il lui serait plus facile d'y venir de Constantinople, qui n'en est séparé que par le Bosphore, large en cet endroit d'un mille, et qu'eux-mêmes seraient beaucoup mieux à Calcédoine qu'à Nicée, ville trop petite pour un si grand nombre d'évêques. Ils eurent peine à se rendre aux raisons de l'empereur ; c'est pourquoi ils lui députèrent Atticus, archidiacre de Constantinople, pour lui représenter que Calcédoine étant si proche de Constantinople, ils craignaient que ce ne fût aux eutychiens ou à d'autres, une occasion d'exciter du trouble. Marcien, par une troisième lettre datée d'Héraclée le 22 de septembre, leur manda de ne rien craindre et de venir sans délai à Calcédoine, afin qu'après avoir terminé les affaires de l'Église, ils pussent s'en retourner dans leurs villes épiscopales, et qu'il pût aussi aller lui-même où les besoins de l'empire l'appelleraient. Ce prince, pour prévenir tous les troubles, avait donné une loi datée du 18 de juillet, portant défense d'exciter aucun trouble dans les Églises par des acclamations ou par un concours affecté, et de faire aucune assemblée ou conventicule à Constantinople, sous peine du dernier supplice contre les séditieux. L'impératrice Pulchérie avait aussi ordonné au gouverneur de Bithynie de chasser de Nicée et des environs les moines, les laïques et même les ecclésiastiques, que rien n'obligeait d'être au concile.
Les évêques vinrent donc de Nicée à Calcédoine sur la fin de septembre, et ils s'y trouvèrent en plus grand nombre que dans aucun concile précédent. Selon la lettre du concile à saint Léon, ils étaient cinq cent vingt. Lucentius dit dans le concile même qu'il y en avait six cents, et saint Léon met le même nombre dans sa lettre aux évêques des Gaules. Tous les évêques du concile étaient de l'empire d'Orient, excepté les légats du saint-siège et deux évêques d'Afrique, Aurèle d'Adrumet et Resticien ou Rufin, dont le siège épiscopal n'est pas marqué. Ces deux évêques souscrivirent les derniers dans la première session ; elle se tint dans l'église de Sainte-Euphémie, martyre, située hors de la ville de Calcédoine, à cent cinquante pas du Bosphore, le huitième jour d'octobre 451. Il y avait dix-neuf des premiers officiers de l'empire, savoir, Anatholius, maître de la milice ; Pallade, préfet du prétoire ; Tatien, préfet de Constantinople ; Dincomale, maître des offices ; Sporatius, comte des gardes ; Généthélius, intendant du domaine du prince, et plusieurs autres qui, après avoir rempli les premières dignités de l'empire, composaient alors le sénat. Il n'est pas dit que l'empereur se soit trouvé au commencement de cette première session ; mais on ne peut douter qu'il n'ait été présent aux délibérations qui la précédèrent, puisqu'il est marqué que Théodoret lui présenta une requête sur les injustices et les violences qu'il avait souffertes ; et que ce prince ordonna qu'il assisterait au concile. Il paraît même qu'il était présent lorsqu'on lut la remontrance d'Eustathe de Béryte. Nous verrons dans la suite qu'il assista à la sixième session. Les évêques nommés dans les actes de la première sont au nombre de cent soixante, dont les premiers sont les légats du pape, Pascasin, Lucentius et le prêtre Boniface ; ensuite Anatolius de Constantinople, Dioscore d'Alexandrie, Maxime d'Antioche, et Juvénal de Jérusalem. Eusèbe de Dorylée y est nommé parmi les évêques, sans qu'on voie qu'il ait été rétabli dans le concile ; il y paraît même comme accusateur de Dioscore. Peut-être avait-il obtenu son rétablissement dans les conférences préliminaires entre les évêques et l'empereur. Il fut réglé qu'avant les séances les diacres Domnin et Cyriaque iraient avertir les évêques de se trouver au concile. Les officiers de l'empereur se placèrent au milieu de l'église, devant la balustrade de l'autel, ayant à leur gauche les légats du pape, puis Anatolius de Constantinople, Maxime d'Antioche, Thalassius de Césarée, Étienne d'Éphèse, et les autres évêques des diocèses de l'Orient, du Pont, de l'Asie et de la Thrace, à la réserve de ceux de la Palestine ; à la droite étaient assis Dioscore d'Alexandrie, Juvénal de Jérusalem, Quintillus d'Héraclée en Macédoine, qui tenait la place d'Anastase de Thessalonique, et les autres évêques de l'Égypte, de la Palestine et de l'Illyrie ; on eut égard dans cette disposition à la différence des sentiments ; le parti de Dioscore, comme suspect d'erreur, eut le côté qui était le moins honorable. Le saint Évangile fut placé au milieu de l'assemblée ; mais il semble qu'on ne l'y mettait pas toujours, puisque dans une séance il fut apporté à la demande des magistrats. Outre les évêques il y avait plusieurs autres ecclésiastiques, parmi lesquels l'archidiacre Aétius parut avec éclat ; il y avait aussi des notaires.
Tous les évêques s'étant assis, Pascasin, légat du pape, se leva et, s'avançant vers le milieu, dit aux magistrats que lui et les autres légats avaient ordre du bienheureux évêque de Rome, chef de toutes les Églises, de ne point rester dans le concile, si l'on n'en faisait sortir Dioscore. Pascasin parla en latin, et son discours fut expliqué par Béronicien, secrétaire du consistoire. Les magistrats demandèrent s'il y avait quelque plainte particulière contre Dioscore. Il doit, répondirent les légats, rendre raison du jugement qu'il a prononcé à Éphèse, où il a usurpé la qualité de juge, et osé tenir un concile sans l'autorité du saint-siège, ce qui ne s'est jamais fait, et n'a jamais été permis.
Pascasin ajouta : Nous ne pouvons contrevenir aux ordres du pape, ni aux canons de l'Église. Les magistrats, après quelques contestations, ordonnèrent à Dioscore de s'asseoir au milieu en qualité d'accusé. Alors Eusèbe de Dorylée, s'avançant, demanda qu'on lût la requête qu'il avait présentée à l'empereur contre Dioscore. Ce prince l'avait renvoyée au concile. Les magistrats en ordonnèrent la lecture, et firent asseoir Eusèbe au milieu de l'assemblée avec Dioscore. Cette requête chargeait Dioscore d'avoir violé la foi pour établir l'hérésie d'Eutychès, et d'avoir condamné Eusèbe injustement. Celui-ci demanda pour le prouver, qu'on lût les actes du faux concile d'Éphèse ; ce que Dioscore demanda aussi. Mais quand les magistrats en eurent ordonné la lecture, Dioscore s'y opposa, demandant qu'on traitât d'abord la question de la foi. Les magistrats, sans avoir égard à sa demande, firent lire les actes. On en commença la lecture par la lettre de l'empereur Théodose, pour la convocation du concile. Comme il y était fait défense à Théodoret de s'y trouver, les magistrats le firent entrer suivant l'ordre de l'empereur Marcien. Aussitôt qu'il parut dans l'assemblée, les Égyptiens et tous ceux qui étaient du côté de Dioscore crièrent que c'était violer les canons, renverser la foi, chasser saint Cyrille, qu'il fallait mettre Théodoret dehors. Les évêques de l'autre côté, criaient au contraire qu'il fallait chasser Dioscore avec tous ses homicides et ses manichéens, comme étant tous ennemis de la foi et de Flavien. Les magistrats, ne voulant point forcer la répugnance du parti de Dioscore, demandèrent que Théodoret demeurât en qualité d'accusateur, disant que sa présence ne porterait aucun préjudice aux droits des parties. Théodoret prit donc place au milieu des évêques avec Eusèbe de Dorylée ; il se fit des clameurs des deux côtés ; les Orientaux s'écriant que Théodoret était digne de s'asseoir parmi eux, qu'il était orthodoxe ; les Égyptiens ne voulant pas le reconnaître pour évêque, en criant qu'il fallait le chasser comme l'ennemi de Dieu. Les magistrats, ayant fait sentir aux évêques l'indécence de ces sortes de cris populaires, firent continuer la lecture des actes du faux concile d'Éphèse. Dioscore fit remarquer sur la lettre de convocation, que le jugement prononcé dans ce concile lui était commun avec Juvénal de Jérusalem et Thalassius de Césarée, à qui l'empereur avait écrit comme à lui. Les Orientaux, peu en peine de le réfuter sur cela, ne se plaignirent que des violences qu'ils avaient souffertes. On nous a, disaient-ils, forcés, on nous a frappés, nous avons souscrit sur un papier blanc. On nous a menacés d'exil ; des soldats nous ont pressés avec des bâtons et des épées ; les soldats ont déposé Flavien. Étienne d'Éphèse se plaignit que tout s'était passé par force et par violence à Éphèse, et qu'on ne l'avait pas laissé sortir de l'église, qu'il n'eût souscrit à la sentence rendue par Dioscore, Juvénal et Thalassius, et par les autres évêques à qui les lettres de l'empereur étaient adressées. Théodore de Claudiopolis ajouta que ces mêmes évêques avaient concerté entre eux pour l'engager, lui et les autres qui n'étaient point de leur parti, à signer sans connaissance de cause. Tous les Orientaux ayant dit la même chose qu'Étienne et Théodore, Dioscore leur dit comme en se raillant, qu'ils ne devaient pas souscrire, sans être bien informés de ce qu'avait fait le concile. Les Orientaux se plaignirent ensuite qu'on avait chassé du concile Jules de Pouzzoles, légat du pape ; qu'on n'y avait donné à Flavien que la cinquième place ; qu'on n'y avait pas lu la lettre de saint Léon au concile, et que Dioscore l'avait retenue sans la faire lire, quoiqu'il eût juré sept fois devant tout le monde qu'il en ferait faire lecture. Les magistrats, après avoir examiné pourquoi on n'avait pas lu les lettres de saint Léon, trouvèrent que Dioscore ne l'avait pas voulu, quoiqu'il l'eût promis plusieurs fois avec serment. Eusèbe de Dorylée se plaignit en particulier, de ce qu'étant accusateur d'Eutychès, on lui avait refusé l'entrée dans le concile, quoique Flavien l'eût demandé. Dioscore, interrogé sur ce fait par les magistrats, s'excusa sur le comte Elpide, qui avait empêché par ordre de l'empereur, de laisser entrer Eusèbe. Cette excuse leur parut insuffisante, parce qu'il s'agissait de la foi. Dioscore reprocha aux magistrats qu'ils avaient violé eux-mêmes les canons, en faisant entrer Théodoret. Ils répondirent : L'évêque Eusèbe et l'évêque Théodoret sont assis au rang des accusateurs ; vous êtes assis au rang des accusés. Il y eut des contestations sur la manière dont la profession de foi qu'Eutychès présenta à Éphèse était conçue, et sur ce qu'il avait dit dans sa requête que le concile œcuménique d'Éphèse défendait de rien ajouter au symbole de Nicée. Voy. ÉPHÈSE, l'an 431 et 449.
Après la lecture des actes du faux concile d'Éphèse, on lut ceux du concile de Constantinople. Quand on eut lu la seconde lettre de saint Cyrille à Nestorius, et celle qu'il avait écrite aux Orientaux, tous les évêques en général s'écrièrent : Anathème à qui ne croit pas ainsi ! Théodoret dit en particulier : Anathème à qui reconnaît deux Fils : Nous n'en adorons qu'un, Notre-Seigneur Jésus-Christ le Fils unique. Les Orientaux ajoutèrent : Flavien croyait ainsi. C'est ce qu'il a défendu ; c'est pour cela qu'il a été déposé. Les Égyptiens se trouvent d'accord sur la foi contenue dans ces lettres avec les Orientaux, les magistrats dirent aux premiers : Comment donc avez-vous reçu Eutychès, qui disait le contraire, et déposé Flavien et Eusèbe qui soutenaient cette vérité ? Dioscore dit : Les actes le feront voir. On lut la remontrance d'Eustathe, évêque de Béryte, où il disait, qu'on ne doit point croire deux natures en Jésus-Christ, mais une seule nature incarnée. Tout le concile s'écria, que c'est ce que disaient Eutychès et Dioscore. Les magistrats demandèrent si cette doctrine était conforme aux lettres de saint Cyrille qu'on avait lues. Eustathe prévint la réponse du concile, en lisant dans un livre de saint Cyrille les paroles dont il s'était servi, puis il ajouta : Anathème à qui dit une nature, pour nier que la chair de Jésus-Christ nous soit consubstantielle ; et anathème à qui dit deux natures, pour diviser le Fils de Dieu. Il prétendit que Flavien avait parlé comme lui. Pourquoi donc, lui dirent les magistrats, avez-vous déposé Flavien ? Eustathe répondit : J'ai failli. On fit la lecture de la déclaration que Flavien avait faite de sa foi dans le concile de Constantinople. Les magistrats demandèrent aux évêques ce qu'ils en pensaient, si Flavien leur paraissait catholique ou non ? Le légat Pascasin dit : Il a exposé la foi purement et entièrement, et cette exposition est d'accord avec la lettre de l'évêque de Rome. Anatolius, Lucentius, Maxime d'Antioche, Thalassius de Césarée, Eustathe de Béryte et Eusèbe d'Ancyre, déclarèrent tous la doctrine de Flavien orthodoxe et parfaitement conforme aux règles de la foi et aux lettres de saint Cyrille. Les Orientaux en dirent autant, et Juvénal de Jérusalem ayant opiné de même, passa du côté droit, où était Dioscore, au côté gauche, où étaient les légats du pape et les Orientaux, qui le reçurent avec joie. Pierre, évêque de Corinthe, avec les évêques de l'Achaïe, de la Macédoine, de l'ancienne Épire, et un grand nombre d'autres passèrent aussi du côté des Orientaux ; de sorte que Dioscore se trouvant seul de son parti, se plaignit qu'on le chassait avec les Pères ; il voulait dire saint Athanase, saint Grégoire et saint Cyrille, qui ont, disait-il, enseigné qu'il ne faut pas dire après l'union deux natures, mais une nature incarnée du Verbe. La suite des actes du faux concile d'Éphèse fit voir clairement de quelle violence Dioscore s'était servi pour établir le dogme d'Eutychès, et pour déposer saint Flavien. Les magistrats croyant donc avoir suffisamment vérifié l'innocence de ce saint martyr et celle d'Eusèbe, remirent au lendemain à examiner ce qui regardait la foi, en priant les évêques de mettre chacun leur croyance par écrit, et leur déclarant que l'empereur était résolu de ne se séparer jamais de celle qui est contenue dans les symboles de Nicée, de Constantinople et dans les écrits des saints Pères de l'Église, Grégoire, Basile, Athanase, Hilaire, Ambroise, Cyrille. Ils ajoutèrent que, puisque par la lecture des actes et l'aveu de quelques-uns des chefs du concile, il paraissait que Flavien de sainte mémoire et le très pieux évêque Eusèbe avaient été injustement condamnés, il était juste que sous le bon plaisir de Dieu et de l'empereur, l'évêque d'Alexandrie, Juvénal de Jérusalem, Thalassius de Césarée, Eusèbe d'Ancyre, Eustathe de Bérythe, et Basile de Séleucie, qui présidaient à ce concile, subissent la même peine et fussent privés de la dignité épiscopale, selon les canons, à la charge néanmoins que tout ce qui s'était passé serait rapporté à l'empereur. Les Orientaux s'écrièrent : Ce jugement est juste : Jésus-Christ a déposé Dioscore, il a déposé l'homicide. Mais ils ne dirent rien des autres. Les Illyriens demandèrent, qu'ayant tous failli, le pardon fût aussi général pour tous. Tous les évêques souhaitèrent de longues années au sénat, et mêlèrent à leurs acclamations le trisagion. Ensuite l'archidiacre Aétius ayant déclaré que la séance était finie, chacun se retira, parce qu'il était tard.
La seconde session se tint le mercredi 10 octobre dans l'église de Sainte-Euphémie. On ne voit point que Dioscore, Juvénal, Thalassius, Eusèbe d'Ancyre et Basile de Séleucie y aient assisté. Les magistrats, après avoir répété en peu de mots ce qui s'était passé dans la première au sujet de la justification de saint Flavien et d'Eusèbe de Dorylée, proposèrent aux évêques d'établir la vérité de la foi. Les évêques répondirent qu'elle l'était suffisamment par les expositions de foi des Pères de Nicée, qu'il fallait s'en tenir à ce qu'eux et les autres Pères en avaient dit ; que s'il y avait quelque chose à éclaircir au sujet de l'hérésie d'Eutychès, l'archevêque de Rome l'avait fait dans sa lettre à Flavien, à laquelle ils avaient tous souscrit, et qu'il ne leur était pas permis de faire de nouvelles expositions de foi. Cécropius, évêque de Sébastopolis, fut celui qui s'opposa le plus à une nouvelle formule de foi ; mais il demanda qu'on lût le symbole de Nicée et les écrits des saints Pères Athanase, Cyrille, Célestin, Hilaire, Basile, Grégoire, et la lettre de saint Léon. Eunomius, évêque de Nicomédie, lut le symbole de Nicée ; l'archidiacre Aétius, celui de Constantinople et les deux lettres de saint Cyrille, l'une à Nestorius, l'autre aux Orientaux ; et le secrétaire Béronicien lut la lettre de saint Léon à Flavien, traduite en grec, avec les passages des Pères qui y étaient joints. Les évêques, après la lecture de chacune de ces pièces, témoignèrent à haute voix, qu'ils croyaient ainsi. Il n'y eut que ceux de Palestine et d'Illyrie qui trouvèrent quelque difficulté sur trois endroits de la lettre de saint Léon. Mais Aétius et Théodoret ayant justifié tous ces endroits par des passages tout semblables de saint Cyrille, ils en parurent satisfaits, de sorte que tous les évêques s'écrièrent : C'est la foi des Pères et des apôtres ; nous croyons ainsi. Anathème à qui ne le croit pas. Pierre a parlé ainsi par Léon ; les apôtres ont ainsi enseigné. La doctrine de Léon est sainte et vraie ; Cyrille a ainsi enseigné. Aétius de Nicopolis, qui trouvait apparemment de la difficulté dans la troisième lettre de saint Cyrille qui contient les douze anathématismes, demanda du temps pour l'examiner. Tous les évêques ayant appuyé sa demande, les magistrats différèrent de cinq jours la session suivante ; en même temps ils ordonnèrent qu'Anatolius choisirait entre les évêques qui avaient souscrit, ceux qu'il croirait les plus propres pour instruire ceux à qui il restait quelque doute, et qu'il s'assemblerait avec eux. Les évêques d'Illyrie et de Palestine demandèrent avec instance qu'on pardonnât aux chefs du faux concile d'Éphèse, et qu'on leur permît de venir au concile. Les magistrats ne répondirent autre chose, sinon que ce qui avait été réglé pour les cinq jours de délai et les conférences chez Anatolius serait exécuté.
La troisième session fut tenue le samedi 13 octobre, trois jours avant le terme marqué par les magistrats ; aussi n'y assistèrent-ils point, et on ne la tint que pour juger l'affaire de Dioscore, ce qui n'était pas de leur ressort, n'étant pas convenable que des laïques jugeassent des crimes canoniques. Aétius, qui y faisait les fonctions de promoteur, remontra qu'Eusèbe de Dorylée avait présenté une requête au concile contre Dioscore. Eusèbe y parlait aussi pour l'intérêt de la foi catholique, pour la défense de Flavien et pour la sienne propre. Pascasin de Lilybée, président du concile à la place de saint Léon, ordonna de la lire. Elle tendait à faire casser tout ce qui avait été fait contre lui et contre Flavien dans le faux concile d'Éphèse ; à faire confirmer la véritable doctrine ; à faire anathématiser l'hérésie d'Eutychès, et à faire souffrir à Dioscore la juste punition des crimes dont il avait été convaincu par la lecture des actes de ce conciliabule. Après qu'on eut lu sa requête, Eusèbe demanda que Dioscore fût appelé pour lui répondre en sa présence. Pascasin l'ordonna ainsi. Épiphane et Elpide, prêtres, chargés de le chercher dans les environs de l'église, déclarèrent qu'ils ne l'avaient pas trouvé. On députa trois évêques pour aller à son logis, Constantin de Bostres, Acace d'Ariarathie, et Acticus de Zèle, avec Himérius, lecteur et notaire. Ils avaient un ordre par écrit. Dioscore s'excusa de venir au concile, sur ce qu'il était gardé par les magistrats. Eleusinius qui était, ce semble, commandant de ces gardes, dit à Dioscore qu'il pouvait aller au concile. Mais il s'en défendit, disant que les officiers de l'empereur n'étant point à cette séance, il ne pouvait y assister, s'ils n'y venaient eux-mêmes ; à quoi il ajouta qu'il demandait que la requête présentée contre lui par Eusèbe fût examinée devant les magistrats et le sénat. Le notaire Himérius dressa un acte de ce qui se passa dans cette première citation, dont il fit lecture dans le concile, au retour des députés. Amphilogue, évêque de Side en Pamphylie, aurait souhaité qu'on différât d'un jour ou deux la seconde citation. Un autre évêque s'y opposa, disant qu'on ne devait pas demeurer à Chalcédoine trois mois pour un seul homme qui avait troublé toute la terre : ainsi, l'on envoya pour faire la seconde citation, Pergamius, métropolitain d'Antioche de Pisidie, Cécropius de Sébastopolis et Rufin de Samosate, avec Hypatius, lecteur et notaire. Dioscore répondit qu'il avait déjà fait déclarer au concile, qu'il était retenu dans sa maison par maladie ; qu'au surplus il demandait que les magistrats fussent présents à l'audience. Il demanda aux députés si Juvénal et les autres évêques que l'on avait exclus avec lui étaient au concile. Pergamius lui dit qu'il n'était point chargé de la part du concile de lui répondre sur cette question ; mais que la requête d'Eusèbe étant contre lui seul, il ne pouvait, sans trahir sa cause et contrevenir aux canons, manquer de comparaître. Le notaire Hypatius ayant lu dans le concile le procès-verbal qu'il avait fait de cette seconde citation, Eusèbe de Dorylée déclara qu'il ne se plaignait que de Dioscore, et non des autres qui ne lui avaient fait aucun tort, et conclut à ce qu'il fût cité pour une troisième fois. On en était là, lorsque plusieurs clercs et laïques d'Alexandrie donnèrent des requêtes au concile contre Dioscore. Dans l'une Théodore, diacre de cette église, se plaignait qu'après l'avoir servi louablement pendant quinze ans, Dioscore l'avait chassé du clergé, sans qu'il eût contre lui ni accusation ni plainte, et uniquement pour l'amour qu'il portait à saint Cyrille, et fait retomber ensuite sa haine sur ses parents et ses amis, jusqu'à vouloir attenter à leur vie, comme étant ennemis de la doctrine. Il disait encore dans sa requête, que Dioscore avait commis des homicides, coupé des arbres, brûlé et abattu des maisons, et mené habituellement une vie infâme. Il s'offrait de vérifier tous ces faits par cinq témoins, priant qu'on les mît en sûreté. Ischirion, diacre de la même église, accusait Dioscore de n'avoir pas permis aux évêques de recevoir le blé que les empereurs fournissaient aux églises de Lybie, tant pour le sacrifice non sanglant que pour les étrangers et les pauvres, et de l'avoir acheté pour le revendre bien cher en temps de disette, en sorte que depuis on n'avait plus offert le terrible sacrifice, ni soulagé les pauvres du pays, ni les étrangers ; de s'être fait donner et d'avoir distribué à des danseuses et à d'autres gens de théâtre, une grande quantité d'or qu'une dame de piété avait laissée par son testament, pour être distribuée aux pauvres et aux hôpitaux ; d'admettre continuellement dans son évêché et dans son bain des femmes déshonnêtes, nommément Pansophie, surnommée la Montagnarde ; de l'avoir, lui Ischirion, réduit à la mendicité, en lui faisant brûler ses maisons et ravager ses héritages ; de l'avoir ensuite enfermé dans un hôpital d'estropiés, où par les ordres de Dioscore on avait attenté à sa vie. Il citait pour témoins de la plupart de ces faits, des domestiques de Dioscore même. La troisième requête était d'Athanase, prêtre d'Alexandrie, neveu de saint Cyrille. Il y disait : Dioscore, dès le commencement de son épiscopat, nous menaça de mort, mon frère et moi, et nous fit quitter Alexandrie pour venir à Constantinople, où nous espérions trouver de la protection ; mais il écrivit à Chrysaphe et à Nomus, qui gouvernaient alors toutes les affaires de l'empire, de nous faire périr. On nous mit en prison et on nous maltraita jusqu'à ce que nous eussions donné tous nos meubles : il nous fallut même emprunter de grosses sommes à usure. Mon frère est mort dans ces mauvais traitements, laissant une femme et des enfants chargés de ses dettes ; et afin qu'il ne nous restât aucun lieu de retraite, Dioscore a fait convertir nos maisons en églises ; il m'a de plus déposé de la prêtrise sans aucun sujet, sans me permettre de demeurer dans aucune église ou dans quelque monastère, en sorte que je suis réduit à mendier mon pain. Sophronius, laïque, en présenta une quatrième, où il accusait Dioscore de blasphèmes contre la Trinité, d'adultères et d'entreprises contre le service de l'empereur. Ces quatre requêtes ayant été lues et insérées aux actes, le concile fit citer Dioscore pour la troisième fois, non pas pour répondre à Eusèbe seul, mais aux quatre accusateurs qui venaient de se déclarer contre lui. Les députés pour cette dernière citation furent Francion, évêque de Philippopolis, Lucien de Dize, et Jean de Germanicie, avec Pallade, diacre et notaire. Par le billet dont ils étaient chargés, le concile déclarait à Dioscore qu'il ne recevait point ses excuses ; que s'il eût demandé à l'empereur que Juvénal et les autres évêques de son parti fussent présents, ce prince le lui aurait refusé, puisqu'il laissait au concile une liberté entière de décider cette affaire ; qu'ainsi, il ne pouvait refuser de venir se défendre, sans s'exposer après cette dernière citation, à être jugé par contumace. Toute la réponse que les députés purent tirer de lui, fut qu'il n'avait rien à ajouter à celles qu'il avait déjà faites. Sur le rapport que l'on en fit au concile, Pascasin demanda plusieurs fois aux évêques ce qu'il y avait à faire. Tous ayant répondu que Dioscore témoignant un si grand mépris pour les canons, il méritait d'en éprouver la rigueur, les trois légats, Pascasin, Lucentius et Boniface, prononcèrent la sentence en ces termes : Les excès commis contre les canons par Dioscore, ci-devant évêque d'Alexandrie, sont manifestes, tant par la séance précédente que par celle-ci, il a reçu à sa communion Eutychès condamné par son évêque. Il persiste à soutenir ce qu'il a fait à Éphèse, dont il devrait demander pardon comme les autres. Il n'a pas permis de lire la lettre du pape Léon à Flavien ; il a même excommunié le pape. On a présenté contre lui plusieurs plaintes au concile ; il a été cité jusqu'à trois fois et n'a pas voulu obéir ; c'est pourquoi le très saint archevêque de Rome Léon, par nous et par le présent concile avec l'apôtre saint Pierre, qui est la pierre et la base de l'Église catholique et de la foi orthodoxe, l'a dépouillé de la dignité épiscopale et de tout ministère sacerdotal. Anatolius de Constantinople, Maxime d'Antioche, Étienne d'Éphèse et les autres évêques, consentirent au jugement rendu par les légats et y souscrivirent, les trois légats les premiers, puis Anatolius et les autres au nombre de trois cents. Il y eut un évêque de Perse qui souscrivit en Persan. Le concile fit ensuite un acte adressé à Dioscore pour lui signifier sa sentence. Il portait qu'on l'avait déposé pour ses crimes et pour sa désobéissance formelle aux trois citations que le concile lui avait fait faire. On la signifia aussi le dimanche 14 d'octobre à Charmosine, prêtre et économe, à Euthalius, archidiacre, et aux autres clercs d'Alexandrie, qui se trouvaient à Calcédoine, en leur recommandant de conserver avec soin les biens de l'Église, pour en rendre compte à celui qui en serait choisi évêque par l'ordre de Dieu et avec le consentement de l'empereur. Afin que le jugement du concile ne fût ignoré de personne, on le publia par une affiche adressée à tout le peuple de Constantinople et de Calcédoine, où il était dit qu'il ne restait à Dioscore aucune espérance d'être rétabli, comme il en faisait courir le bruit ; il fut relégué à Gangres en Paphlagonie, où il mourut en 454. Le concile écrivit à l'empereur Marcien les raisons qu'on avait eues de déposer Dioscore, en priant ce prince d'agréer cette déposition, et en le remerciant du soin qu'il prenait des intérêts de l'Église. Il écrivit aussi à l'impératrice Pulchérie sur le même sujet. Nous avons encore ces deux lettres, mais seulement en latin ; tous les évêques souscrivirent à la première.
Les magistrats assistèrent à la quatrième session, tenue le 17 octobre : on la commença par la lecture de la conclusion de la seconde session, où ils avaient donné aux évêques un délai de cinq jours pour l'examen de la question de la foi ; ensuite ils prièrent les légats de dire ce que l'on avait résolu sur cette matière dans le concile. Pascasin dit que le concile suivait le symbole de Nicée et celui de Constantinople, avec l'exposition de foi donnée à Éphèse par saint Cyrille, et les écrits de saint Léon contre l'hérésie de Nestorius et d'Eutychès, c'est-à-dire sa lettre à Flavien, sans vouloir en retrancher ni ajouter quoi que ce fût. La déclaration de Pascasin ayant été expliquée en grec, les évêques dirent à haute voix qu'ils étaient dans les mêmes sentiments ; en sorte que les magistrats voyant qu'ils persistaient à ne point vouloir de nouvelles expositions de foi, se contentèrent de leur demander s'ils reconnaissaient que la lettre de saint Léon à Flavien fût conforme aux symboles de Nicée et de Constantinople. Anatolius, et après lui tous les évêques du concile déclarèrent qu'ils recevaient cette lettre comme conforme aux décrets de ces deux conciles et à la foi des Pères. Cent cinquante évêques firent leur déclaration par écrit, les autres la firent de vive voix. Cette unanimité de sentiments leur donna lieu de croire qu'ils pouvaient obtenir le rétablissement de Juvénal de Jérusalem, de Thalassius de Césarée, d'Eusèbe d'Ancyre, de Basile de Séleucie, et d'Eustathe de Béryte, qui avaient été les chefs du concile d'Éphèse avec Dioscore, et jugés dignes de déposition dans la première session de celui de Calcédoine. Les magistrats leur répondirent qu'ils en avaient fait leur rapport à l'empereur, et qu'ils attendaient sa réponse. Au reste, ajoutèrent-ils, vous rendrez compte à Dieu d'avoir déposé Dioscore à l'insu de l'empereur et de nous, de ces cinq évêques dont vous demandez le rétablissement, et de tout ce qui s'est passé dans le concile. Les évêques s'écrièrent que Dioscore avait été justement déposé. L'empereur leur fit savoir qu'il laissait à leur jugement ce qui regardait ces cinq évêques, sur quoi ils prièrent les magistrats de leur accorder l'entrée dans le concile ; ils l'accordèrent, et alors on les fit asseoir au rang des évêques et on les déclara orthodoxes. Ils firent aussi entrer treize évêques qui avaient présenté une requête à l'empereur, dans laquelle ils disaient au nom de tous les évêques d'Égypte, qu'ils suivaient la foi catholique, et qu'ils condamnaient tous les hérétiques, particulièrement ceux qui enseignent que la chair de Notre-Seigneur est venue du ciel, et non de la sainte Vierge. Les évêques du concile à qui Marcien avait renvoyé cette requête, remarquèrent qu'on n'y condamnait point Eutychès, ni l'erreur d'une seule nature, ce qui leur fit dire que ceux qui l'avaient présentée étaient des imposteurs. On voulut les obliger de condamner Eutychès et son erreur, et de souscrire à la lettre de saint Léon à Flavien ; mais ils répondirent qu'ils ne le pouvaient jusqu'à ce qu'ils eussent un patriarche, sans lequel il ne leur était pas permis de faire quoi que ce fût. Ils prirent Anatolius à témoin, que tel était l'ordre de leur province, et que s'ils allaient au contraire, les autres évêques les chasseraient de leur pays. Ils alléguèrent encore l'autorité du concile de Nicée, qu'ils n'entendaient pas. Mais on n'eut aucun égard à leurs raisons, et on leur fit sentir le ridicule qu'il y avait que des évêques, dont plusieurs étaient avancés en âge, ne sussent pas encore la croyance catholique, et attendissent le sentiment d'un autre. On les pressa donc de nouveau de dire anathème à Eutychès et à ses sectateurs, et de signer la lettre de saint Léon. Ils consentirent à prononcer cet anathème ; mais ils ne purent se résoudre à souscrire à la lettre de saint Léon, ni à la déposition de Dioscore. Les magistrats obtinrent qu'on les laisserait en l'état où ils étaient à Constantinople, d'où toutefois ils ne sortiraient pas jusqu'à ce qu'on eût ordonné un évêque d'Alexandrie. En effet, ils ne retournèrent en Égypte qu'après que saint Protérius eut été ordonné à la place de Dioscore par les quatre évêques, dont celui-ci avait été abandonné dès le commencement du concile : ainsi, il y a toute apparence que ces treize évêques ne firent plus de difficulté de souscrire à la lettre de saint Léon à Flavien, et à la déposition de Dioscore ; il paraît même par une lettre de saint Léon à Protérius, que ce dernier faisait lire publiquement dans les églises la lettre à Flavien.
On fit ensuite entrer dans le concile des moines d'Égypte, dont quelques-uns étaient abbés, d'autres de simples gardiens d'églises de martyrs, et d'autres que l'on ne connaissait pas ; ils étaient dix-huit en tout. Parmi eux étaient Barsumas le Syrien et l'évêque Calépodius. On leur fit reconnaître la requête qu'ils avaient d'abord présentée à l'empereur, puis on en fit la lecture ; on lut aussi une autre requête qu'ils adressaient au concile. Dans la première, ils demandaient à l'empereur sa protection contre la persécution des clercs qui voulaient exiger d'eux des souscriptions forcées, et les chasser de leurs monastères et des autres églises où ils demeuraient. Dans la seconde, ils priaient que Dioscore et les évêques venus avec lui d'Égypte fussent présents au concile. A ces paroles, les évêques s'écrièrent : Anathème à Dioscore ; et demandèrent qu'on chassât ces moines. Comme leur requête tendait principalement au rétablissement de Dioscore, qu'ils appelaient le conservateur de la foi de Nicée, et qu'ils menaçaient de renoncer à la communion du concile, si on leur refusait leur demande ; l'archidiacre Aétius lut le cinquième canon d'Antioche, qui ordonne que le prêtre ou le diacre, qui se sépare de la communion de son évêque pour tenir à part des assemblées, doit être déposé et ensuite chassé comme séditieux par la puissance séculière, s'il persiste dans son schisme. Les évêques dirent : Le canon est juste. Les magistrats demandèrent à ces moines s'ils se soumettaient aux décisions du concile ? Ils répondirent qu'ils connaissaient la foi de Nicée, dans laquelle ils avaient été baptisés. Aétius les pressa de la part du concile de condamner Eutychès ; ils le refusèrent, disant que l'Évangile leur défendait de juger. L'un d'eux nommé Dorothée voulut même soutenir qu'Eutychès était catholique et qu'il suffisait de dire que celui qui a souffert est de la Trinité. Les évêques voulurent les obliger de souscrire à la lettre de saint Léon à Flavien ; ils répondirent qu'ils n'en feraient rien. Les magistrats prièrent qu'on leur donnât un délai de deux ou trois jours. Dorothée et Carose répondirent qu'ils n'en avaient pas besoin, et que le concile pouvait dès lors ordonner ce qu'il voudrait ; que pour eux, ils ne changeraient pas de sentiment. Mais leur affaire fut renvoyée à la session suivante : elle n'est point marquée dans les anciens exemplaires, et on ne la regarde aujourd'hui que comme une suite de la précédente, quoiqu'elle se soit tenue trois jours après, c'est-à-dire le 20 d'octobre. On y accorda à Dorothée et aux autres, un mois de délai pour se déterminer à obéir au concile, avec menace d'être privés, eux et leurs moines, de toutes les fonctions et de toutes les dignités ecclésiastiques, de la conduite de leurs monastères et de la communion de l'Église, si, dans ce temps, ils ne se soumettaient au concile. On ajouta, qu'en cas d'opiniâtreté de leur part, le concile demanderait le secours de l'autorité séculière, pour exécuter ce qui aurait été statué contre eux, et que cela regarderait aussi ceux qui, pour ne pas obéir, auraient pris le parti de la fuite. Le même jour le concile jugea le différend qui était entre Photius de Tyr, et Eustathe de Béryte. Photius, qui prétendait être seul métropolitain de la première Phénicie, se plaignait qu'Eustathe, par le crédit qu'il avait sous le pontificat de Dioscore, avait obtenu de Théodose II une loi pour ériger Béryte en métropole ; et qu'en conséquence, il s'attribuait la juridiction et les ordinations sur les églises de Biblos, de Botrys, de Tripoli, d'Orthosiade, d'Arcas et d'Antarade, qui appartenaient auparavant à la métropole de Tyr. L'empereur Théodose, dans sa loi (Cod. 9, 11, tit. 21), n'avait point parlé de ce démembrement ; il avait été fait par les évêques du concile de Constantinople en 449. Eustathe, voulant éloigner le jugement de cette affaire, représenta qu'il fallait avant toutes choses signer la définition de foi dont nous parlerons dans la suite. Il ajouta néanmoins qu'il était prêt à répondre. Après qu'on eut lu la requête de Photius, Eustathe lui demanda comment il voulait que leur différend fût jugé, selon les canons, ou selon les lois impériales ? Selon les canons, dit Photius. Les magistrats déclarèrent que l'empereur Marcien voulait qu'ils servissent de règle dans les affaires des évêques, sans avoir aucun égard aux rescrits de la cour. Eustathe ne pouvait alléguer en sa faveur que le décret du concile de Constantinople de 449 ; voyant qu'il n'avait pas assez d'autorité, il avoua que les plaintes de Photius étaient fondées. Seulement il pria les évêques de ne pas croire qu'il eût sollicité le démembrement qu'on avait fait de sa métropole de Tyr. On lut le quatrième canon de Nicée, qui donne au métropolitain les ordinations avec les évêques de la province : sur quoi les magistrats demandèrent s'il pouvait y avoir deux métropolitains dans une même province : le concile ayant répondu que non, ils déclarèrent que, suivant les canons de Nicée et le jugement du concile, Photius aurait tout le pouvoir d'ordonner dans toutes les villes de la province de la première Phénicie, et que l'évêque Eustathe n'aurait rien, en vertu de la loi de Théodose, au-dessus des autres évêques de la province. Ce jugement fut approuvé unanimement. Quant aux évêques ordonnés par Photius et déposés par Eustathe, il fut décidé qu'ils seraient rétablis dans leur dignité et même dans leurs sièges, comme ayant été ordonnés légitimement par le métropolitain. On ne parla point des évêques ordonnés par Eustathe. Cécropius de Sébastopolis demanda qu'on fît un règlement pour faire observer partout les canons sans égard aux lois impériales ; et il fut ainsi ordonné de l'avis du concile. Evagre et Libérat ne disent rien de ces deux affaires, ni des sessions particulières, où elles furent réglées, parce qu'elles ne sont pas décrites dans plusieurs exemplaires du concile ; mais il est parlé de celle de Photius dans la dixième session.
Celle que l'on compte pour la cinquième est du 22 octobre. On y lut, à la requête des magistrats, une définition de foi dressée par les principaux évêques du concile. Elle avait déjà été lue le 21, qui était un dimanche, devant les évêques, qui l'avaient approuvée. Mais dans le concile elle souffrit des difficultés, surtout de la part des légats, parce qu'elle disait seulement que Jésus-Christ est de deux natures, et non en deux natures, comme saint Léon l'avait dit dans sa lettre à Flavien. Ils demandèrent qu'on s'arrêtât uniquement à la lettre de ce saint pape, ou qu'on leur fît donner un rescrit pour s'en retourner et pour célébrer un concile en Occident. Il était connu que Dioscore n'avait condamné Flavien que parce que ce saint évêque disait qu'il y a deux natures en Jésus-Christ. Ainsi ç'aurait été autoriser la condamnation de saint Flavien, que de ne pas se servir de ce terme, que Dioscore rejetait, tandis qu'il admettait lui-même celui de deux natures. Il s'éleva là-dessus de grands débats entre les évêques. Pour les terminer, les magistrats firent aux évêques cette question : " A qui voulez-vous adhérer ? Est-ce à Léon, ou bien à Dioscore ? " Nous croyons comme Léon, répondirent aussitôt les évêques ; l'exposition que l'on a faite de la foi est la seule orthodoxe. " Ajoutez donc à votre définition, répliquèrent les magistrats, en vous soumettant au jugement de notre très-saint Père Léon, qu'il y a en Jésus-Christ deux natures, distinctes quoique non séparées, et inconvertibles l'une dans l'autre. " Les magistrats proposèrent ensuite, d'après l'avis de l'empereur, d'assembler six évêques d'Orient, trois d'Asie, trois du Pont, trois d'Illyrie et trois de Thrace, l'archevêque Anatolius et les Romains, dans l'oratoire de l'église, pour convenir d'une définition de foi qui plût à tout le monde. L'empereur ordonna que la proposition fût exécutée ou que le concile fût transféré en Occident. Après quelque résistance, les évêques convinrent que la chose se traiterait par commissaires. On les choisit au nombre de vingt-deux ; mais on n'en prit point des évêques d'Égypte, peut-être parce qu'on craignait qu'ils ne fussent trop favorables à Dioscore. Les vingt-deux commissaires étant entrés avec les magistrats dans la chapelle de Sainte-Euphémie, examinèrent le décret de la foi qui avait d'abord été proposé, et le mirent dans la forme que nous l'avons aujourd'hui. C'est le seul qui fut inséré aux actes, après qu'Aétius en eut fait la lecture en présence du concile. C'est plutôt un discours qu'un symbole. Celui de Nicée et celui de Constantinople y sont rapportés tout au long ; puis on ajoute : Ce symbole suffisait pour la connaissance parfaite de la religion ; mais les ennemis de la vérité ont inventé de nouvelles expressions ; les uns voulant anéantir le mystère de l'Incarnation, et refusant à la Vierge le titre de Mère de Dieu ; les autres introduisant une confusion et un mélange, et forgeant une opinion insensée et monstrueuse, qu'il n'y a qu'une nature de la chair et de la divinité, et que la nature divine du Fils de Dieu est passible. C'est pourquoi le saint concile œcuménique, voulant obvier à toutes leurs entreprises et montrer que la doctrine de l'Église est toujours inébranlable, a défini premièrement, que la foi des trois cent dix-huit Pères demeurera inviolable. De plus, il confirme la doctrine que les 150 Pères assemblés à Constantinople ont enseigné, touchant la personne du Saint-Esprit, à cause de ceux qui l'attaquaient, mais non qu'ils crussent que quelque chose manquât à l'exposition précédente ; et à cause de ceux qui veulent détruire le mystère de l'Incarnation, le concile reçoit les lettres synodales du bienheureux Cyrille, tant à Nestorius qu'aux Orientaux, comme propres à réfuter l'erreur de Nestorius, et à expliquer le sens du symbole. Le concile y joint avec raison la lettre du très-saint archevêque Léon à Flavien contre l'erreur d'Eutychès, comme conforme à la confession de saint Pierre, et également propre à détruire les erreurs et à affermir la vérité. Suivant donc les saints Pères, nous déclarons tout d'une voix que l'on doit confesser un seul et même Jésus-Christ notre Seigneur, le même parfait dans la Divinité, et parfait dans l'humanité ; vraiment Dieu et vraiment homme ; le même composé d'une âme raisonnable et d'un corps ; consubstantiel au Père, selon la Divinité, et consubstantiel à nous, selon l'humanité ; en tout semblable à nous hormis le péché ; engendré du Père avant les siècles selon la Divinité ; dans les derniers temps né de la Vierge Marie, Mère de Dieu, selon l'humanité, pour nous et pour notre salut ; un seul et même Jésus-Christ Fils unique, Seigneur en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation ; sans que l'union ôte la différence des natures ; au contraire la propriété de chacune est conservée et concourt en une seule personne et une seule hypostase ; en sorte qu'il n'est pas divisé ou séparé en deux personnes ; mais que c'est un seul et même Fils unique, Dieu Verbe Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le concile défend à qui que ce soit d'enseigner ou de penser autrement, sous peine, aux évêques et aux clercs, de déposition ; aux moines et aux laïques d'anathème. Il défend encore de composer ni de suivre aucune autre foi, ni aucun autre symbole que celui de Nicée. Ce décret fut lu et ensuite approuvé de tous les évêques. Le texte grec, au lieu de dire que Jésus-Christ est en deux natures, dit de deux natures. Mais on ne peut douter que ce ne soit une faute, sans qu'on puisse dire de quelle manière elle s'est glissée dans le texte. Evagre, qui le rapporte entier, lit en deux natures. On convint, dans la dispute entre les catholiques et les sévériens, en 533, que le concile avait mis en deux natures. On lit de même dans Euthymius et dans Léon de Bysance. Ce dernier assure même que le concile de Calcédoine ne parle point du terme de deux natures, parce qu'il ne voulait ni le rejeter ni s'en contenter ; aussi les anciennes versions latines disent sans variation, en deux natures.
Le 25 octobre, les évêques étant assemblés, l'empereur Marcien vint au concile accompagné des magistrats qui avaient coutume de s'y trouver, et de plusieurs autres officiers. Il harangua les évêques en latin, qui était la langue de l'empire, puis en grec, pour leur témoigner que son intention en les convoquant avait été de conserver la pureté de la foi, altérée depuis quelque temps par l'avarice et l'ambition de quelques personnes. Il ajouta que l'on ne devait tenir d'autre doctrine sur le mystère de l'incarnation, que celle que les Pères de Nicée ont enseignée dans leur symbole, et saint Léon dans sa lettre à Flavien ; que s'il avait voulu, à l'exemple de Constantin, assister au concile, ce n'était que pour confirmer la foi, et non pour exercer sa puissance. Son discours fini, on fit les acclamations ordinaires, après quoi on lut, par ordre de ce prince, la définition de foi faite le jour précédent. Elle fut souscrite par trois cent cinquante évêques, les légats à la tête. Diogène de Cyzique et quatorze autres métropolitains souscrivirent pour ceux de leurs suffragants qui étaient absents. Marcien demanda si la confession de foi qu'on venait de signer avait été faite d'un consentement unanime. Tous les évêques répondirent qu'ils l'avaient signée, parce qu'ils y reconnaissaient la foi des apôtres ; ce qu'ils accompagnèrent de grands éloges pour l'empereur et pour l'impératrice Pulchérie. Marcien dit ensuite : Pour ôter à l'avenir tout prétexte de division, quiconque fera du tumulte en public en parlant de la foi, sera banni de Constantinople, au cas qu'il soit simple particulier ; mais s'il est officier, il sera cassé ; et déposé si c'est un clerc. Tout le concile fut de cet avis. L'empereur déclara qu'il avait quelques articles à proposer, et qu'il souhaitait les voir réglés plutôt par l'autorité de l'Église que par la sienne : le premier, que personne ne bâtirait un monastère sans le consentement de l'évêque de la ville, et du propriétaire de la terre ; que les moines tant des villes que de la campagne seraient soumis à l'évêque, qu'ils vivraient en repos, ne s'appliquant qu'au jeûne et à la prière, sans s'embarrasser d'affaires ecclésiastiques ou séculières, s'ils n'en étaient chargés par l'évêque pour quelque nécessité, et qu'ils ne pourraient recevoir dans leurs monastères des esclaves sans la volonté de leurs maîtres ; le second, qu'il serait défendu aux clercs de prendre à ferme des terres, ou de se charger de quelque intendance et recette, si ce n'est des biens de l'église, et par commission de l'évêque, sous peine aux contrevenants d'être dépouillés de leur dignité, en cas d'opiniâtreté ; le troisième, que les clercs qui servent une église ne pourront être envoyés à l'église d'une autre ville, mais qu'ils se contenteront de celle à laquelle ils ont été premièrement destinés, hormis ceux qui, étant chassés de leur pays, ont passé dans une autre église par nécessité. Il devait y avoir peine d'excommunication, tant pour le clerc qui passait d'une église à une autre, que pour celui qui l'y recevait. Ces trois articles ayant été lus par le secrétaire Béronicien, l'empereur les donna à Anatolius, et on en fit ensuite le troisième, le quatrième, le cinquième, et le vingtième canon, en y changeant quelque chose. Ce prince ordonna, avec l'approbation du concile, que la ville de Calcédoine, en considération, tant de Sainte-Euphémie que parce que le concile y avait été assemblé, aurait à l'avenir les privilèges de métropole, mais pour le nom seulement, sauf la dignité de la métropole de Nicomédie. Les évêques le supplièrent de leur permettre de retourner à leurs églises ; mais Marcien les pria de patienter encore trois ou quatre jours pour terminer en présence des magistrats les affaires dont on leur demandait la décision. C'est ainsi que finit la sixième session, que quelques-uns ont regardée comme la dernière du concile, parce qu'on y acheva de régler ce qui regardait la foi et les affaires générales de l'Église. On remarque que beaucoup d'églises n'avaient dans leurs copies que six sessions avec les canons, que le pape Pélage considérait comme faisant partie de la sixième session. Evagre, qui s'étend beaucoup sur les six premières, passe légèrement sur les suivantes. Ce qui n'empêche pas qu'on ne doive regarder les choses qui y furent traitées, comme appartenant au concile.
La septième, la huitième et la neuvième session sont datées du 26 octobre, parce qu'elles furent tenues toutes les trois dans ce jour. Dans la septième, le concile confirma l'accord fait entre Maxime d'Antioche et Juvénal de Jérusalem, par lequel la Phénicie et l'Arabie demeurèrent sous la juridiction de l'Église d'Antioche, et les trois Palestines sous la juridiction de l'Église de Jérusalem. On traita dans la huitième l'affaire de Théodoret. Il avait déjà été rétabli dans son siège par le pape saint Léon. Il anathématisa, en présence du concile, Nestorius, et quiconque ne disait pas que la Vierge est Mère de Dieu, et quiconque divisait en deux le Fils unique. Il souscrivit à la définition de foi qui y fut dressée ; il avait dès auparavant souscrit à la lettre de saint Léon à Flavien. Les magistrats ne trouvant donc aucune difficulté sur son rétablissement, demandèrent qu'il rentrât dans son siège, comme saint Léon l'avait jugé : ce que tous les évêques accordèrent. Ibas demanda dans la neuvième session que l'on cassât tout ce qui avait été fait à Éphèse en son absence, et qu'on le rendît à son église. On lut d'abord la sentence arbitrale de Photius de Tyr et d'Eustathe de Béryte, rendue à Tyr, le 25 février 448, par laquelle il paraissait qu'Ibas avait déclaré sa foi et pardonné à ses accusateurs ; et comme il y avait beaucoup d'autres pièces à lire, on remit l'affaire à la session suivante, qui se tint le lendemain 27 octobre. On y lut les actes du synode tenu à Béryte, le 1 septembre 448, où Ibas avait été renvoyé absous. Les magistrats proposèrent ensuite la lecture de ce qui avait été fait contre lui dans le faux concile d'Éphèse. Mais les légats s'y opposèrent, disant que l'évêque de Rome avait rejeté et déclaré nul tout ce qui avait été fait dans ce concile, excepté l'ordination de Maxime d'Antioche, que ce pape avait reçu à sa communion, et qu'il fallait demander une loi à l'empereur qui défendît même de donner le nom de concile à cette assemblée. Sans faire donc lecture des actes d'Éphèse, Pascasin et les autres légats opinèrent que, suivant les pièces qui avaient été lues, Ibas devait être reconnu pour orthodoxe et recouvrer l'honneur de l'épiscopat et son église dont il avait été chassé injustement ; qu'à l'égard de Nonnus, ordonné évêque d'Édesse à la place d'Ibas, c'était à l'évêque d'Antioche de statuer sur ce qu'il jugerait plus à propos. Son avis fut que Nonnus conserverait les honneurs de l'épiscopat jusqu'à ce qu'on eût examiné son ordination dans une assemblée des évêques de la province : ce qui fut approuvé du concile et des magistrats. On demanda seulement qu'Ibas anathématisât Nestorius et Eutychès ; ce qu'il fit à l'instant. Dans la même session, Maxime, qui avait été élu évêque d'Antioche en la place de Domnus déposé dans le faux concile d'Éphèse, demanda que l'on accordât à son prédécesseur une pension sur les revenus de l'Église d'Antioche ; les magistrats et les évêques du concile y consentirent, mais en laissant à la discrétion de Maxime la quantité de la pension.
La onzième et la douzième session, quoique tenues en différents jours, l'une le 29 octobre, l'autre le 30 du même mois, ne traitèrent que d'une seule affaire, qui était celle de Bassien et d'Étienne d'Éphèse. Bassien, ordonné par force évêque d'Evazes, ville de la province d'Asie, ne voulut pas aller à l'Église pour laquelle on l'avait ordonné ; mais celle d'Éphèse étant devenue vacante par la mort de Basile, en 444, Bassien en prit le gouvernement, contraint, disait-il, de l'accepter par les évêques, le clergé et le peuple. Il fut maintenu dans ce siège par l'empereur Théodose II et par saint Procle, qui n'avait pas d'abord approuvé sou intronisation. Après quatre ans d'épiscopat, c'est-à-dire en 448, comme il offrait le sacrifice avec tout son peuple et son clergé, ceux qui avaient accoutumé de recevoir de sa main les saints mystères, se saisirent de lui, lui arrachèrent son habit sacerdotal, et le traînèrent en prison, où ils le retinrent pendant trois mois. Durant ce temps-là, les mêmes évêques qui avaient ordonné Bassien, ordonnèrent à sa place Étienne, prêtre d'Éphèse, qui en fut évêque jusqu'en 451, que Bassien demanda à être rétabli dans son siège. A cet effet, il présenta sa requête dans la session du 29 octobre. Il l'avait présentée auparavant à l'empereur Marcien, et ce prince l'avait renvoyée au concile. Elle y fut lue. Comme il se plaignait qu'Étienne, alors évêque d'Éphèse, lui retenait son siège et son bien, les magistrats ordonnèrent à Étienne de répondre. Étienne dit que Bassien n'avait point été ordonné évêque d'Éphèse ; mais que cette église étant devenue vacante, il y était entré de force et s'y était assis, à la faveur d'une troupe de gladiateurs et d'autres gens armés ; qu'après qu'on l'en avait chassé, suivant les canons, quarante évêques d'Asie l'avaient ordonné à la place de Bassien, par le suffrage des nobles, du peuple, du clergé et de la ville, dont il était bien connu, puisqu'il y avait quarante ans qu'il était dans le clergé d'Éphèse. Bassien, de son côté, fit au concile le détail de ses bonnes œuvres depuis sa jeunesse, disant qu'il avait fait bâtir un hôpital, où il avait mis soixante et dix lits, qu'il y recevait tous les malades et les étrangers ; que l'évêque Memnon, jaloux de sa vertu, l'avait ordonné malgré lui évêque d'Evazes, pour l'obliger par là à sortir d'Éphèse ; que Basile, successeur de Memnon, étant mort, on lui fit violence pour le mettre lui-même sur le siège d'Éphèse ; que son intronisation fut confirmée par l'empereur Théodose et par saint Procle de Constantinople ; qu'il était demeuré paisible dans cette église, pendant quatre ans ; en sorte qu'il avait ordonné dix évêques et plusieurs clercs. Il déclara ensuite de quelle manière on l'avait maltraité, en lui ôtant ses habits sacerdotaux, en l'enfermant en prison, et en lui prenant tout son bien ; il rejeta toutes ces violences en partie sur Étienne. Après quelques autres contestations de part et d'autre, les magistrats, voyant qu'aucun des deux n'avait été ordonné par le concile de la province, qu'au contraire, ils avaient été l'un et l'autre faits évêques par violence, opinèrent qu'il fallait les déposer tous deux, et élire un autre évêque d'Éphèse. Ce jugement parut juste ; mais, sur la remontrance des évêques d'Asie, on suspendit pour quelque temps cette nouvelle élection, dans la crainte que si l'on envoyait à Éphèse un évêque élu à Calcédoine, cela n'occasionnât quelque sédition. Cette affaire fut encore discutée dans la douzième session, qui se tint le lendemain. On convint qu'Étienne et Bassien seraient déposés et qu'on élirait un autre évêque à leur place ; mais qu'ils garderaient l'un et l'autre la dignité d'évêque, avec une pension de deux cents pièces d'or par an, sur les revenus de l'Église d'Éphèse. On accorda encore à Bassien la permission de poursuivre, suivant les formes des lois, Étienne ou tout autre qu'il voudrait, pour se faire rendre ce qu'on lui avait enlevé de son bien.
La treizième session fut tenue le même jour que la précédente, le 30 octobre, Eunomius de Nicomédie y présenta une requête en plainte de ce qu'Anastase de Nicée, entreprenant sur les droits de métropolitain, avait excommunié des clercs de l'église de Basilinople, qui était de la dépendance de Nicomédie. Anastase soutenait au contraire que Basilinople ayant été autrefois tirée de l'Église de Nicée, par Julien qui en fit une ville à qui il donna le nom de sa mère, Basiline, elle devait dépendre de Nicée, et la reconnaître comme sa métropole. Les parties alléguèrent diverses raisons pour appuyer leurs prétentions ; mais les magistrats voulant aller au fond de l'affaire, demandèrent ce que portaient les canons. On lut le quatrième de Nicée, où il est dit que les ordinations de chaque province se doivent faire par l'autorité du métropolitain. Anastase répondit que l'empereur Valens avait par une loi attribué à Nicée le droit de métropole. Eunomius cita une loi de Valentinien, postérieure à la précédente, qui portait que le titre de métropole, donné par honneur à Nicée, ne préjudicierait en rien aux privilèges de Nicomédie. Sur quoi les magistrats, de l'avis de tout le concile, déclarèrent que le canon de Nicée ne voulant qu'un métropolitain dans chaque province, l'évêque de Nicomédie, qui était de toute antiquité métropolitain dans la Bithynie, serait reconnu en cette qualité par l'évêque de Basilinople et même par celui de Nicée, qui conserverait toutefois le titre de métropolitain, par honneur seulement. Aétius, archidiacre de Constantinople, prétendit que l'évêque de cette ville était en possession d'ordonner celui de Basilinople, et demanda que ce droit lui fût conservé. Le concile répondit qu'il fallait s'en tenir aux canons. A quoi les magistrats ajoutèrent que l'évêque de Nicomédie devait être métropolitain de toute la province ; et qu'à l'égard des privilèges de l'Église de Constantinople, on les examinerait en un autre temps.
Dans la quatorzième session, qui se tint le 31 octobre, on lut deux requêtes de Sabinien, évêque de Perrha en Syrie, l'une adressée à l'empereur, l'autre aux archevêques Léon, Anatolius et Maxime, portant qu'ayant été ordonné évêque de Perrha par les évêques de la province, à la place d'Athanase, chassé de son siège, parce qu'accusé de crimes atroces, il n'avait pas voulu comparaître, néanmoins le concile d'Éphèse, sous Dioscore, avait renvoyé Athanase à Perrha, et l'en avait chassé lui-même, contre le gré des habitants de cette ville. Athanase se défendit, en disant que sa cause avait été jugée par saint Cyrille et saint Procle ; mais qu'après la mort de saint Cyrille, Domnus d'Antioche l'ayant fait citer en jugement, il lui avait répondu que si l'on voulait s'en tenir aux lettres de saint Cyrille et de saint Procle, il était prêt à comparaître et à répondre à la citation. Il demanda qu'on lût ces lettres. Elles portaient qu'Athanase s'était plaint à un concile de Constantinople de quelques-uns de ses ecclésiastiques qui avaient voulu mettre les économes de l'église à leur choix, et ôter son nom des diptyques. Sur quoi saint Cyrille et saint Procle avaient prié Domnus d'Antioche de nommer des commissaires pour juger Athanase sur les lieux, s'il ne pouvait y aller lui-même, à cause que cette ville était trop éloignée d'Antioche. Suivant les canons, c'était au métropolitain d'Athanase à le juger ; mais il l'avait récusé comme suspect. Domnus nomma pour commissaire Panolbius, évêque d'Hiéraple, ami d'Athanase. Néanmoins celui-ci ne voulut pas comparaître ; il offrit même de se défaire de son évêché. Jean, successeur de Panolbius, cita aussi Athanase, et enfin Domnus le cita à son concile. Athanase fit défaut partout. Au contraire, les clercs de Perrha ayant comparu pour l'accuser, les évêques du concile d'Antioche le condamnèrent, comme ayant exposé faux à saint Cyrille et à saint Procle. Sabinien demanda qu'on lût les actes de ce concile. Après qu'on en eut fait la lecture, les magistrats demandèrent si quelques-uns de ceux qui avaient déposé Athanase avec Domnus étaient présents au concile. Théodore de Damas et six autres évêques s'étant avancés, dirent que les clercs de Perrha avaient formé des plaintes contre Athanase ; qu'étant appelé jusqu'à trois fois, et ne s'étant pas présenté, on avait prononcé contre lui la sentence de déposition. Les magistrats demandèrent à Athanase pourquoi il n'avait pas comparu au concile d'Antioche ? Il répondit : Parce que l'évêque d'Antioche, qui y présidait, était mon ennemi. Les magistrats jugèrent qu'Athanase ayant été déposé pour sa contumace, Sabinien devait demeurer possesseur de l'église de Perrha, puisqu'il avait été ordonné par le concile de la province. Ils déclarèrent qu'Athanase avait été mal rétabli par Dioscore dans le faux concile d'Éphèse, et Sabinien mal déposé ; que toutefois Maxime d'Antioche avec son concile prendrait connaissance de l'affaire, en sorte qu'elle fût terminée dans huit mois ; que si Athanase se trouvait convaincu, ne fût-ce que d'un seul crime digne de déposition, il serait non seulement déchu de l'épiscopat, mais encore soumis aux peines des lois ; et que si, dans cet espace de temps, il n'était ni poursuivi, ni convaincu, on le remettrait dans son siège, dont Sabinien serait coadjuteur, avec une pension proportionnée aux revenus de l'église de Perrha. Le concile approuva ce jugement.
Le même jour, 31 octobre, après qu'on eut réglé toutes les affaires particulières portées au concile, l'archidiacre Aétius représenta qu'il y en avait aussi une à régler, par rapport à l'Église de Constantinople. Il avait proposé la même chose dès la veille, et les magistrats en avaient renvoyé l'examen à un autre moment. Il pria donc les légats et les magistrats d'être présents aux délibérations qui devaient être prises à ce sujet. Les légats s'y refusèrent, disant qu'ils n'en avaient point reçu d'ordre du pape ; les magistrats s'en excusèrent aussi et dirent que le concile pouvait examiner la chose sans leur concours. Les légats s'étant retirés avec les magistrats, les évêques d'Orient, qui composaient le reste du concile, firent un canon en faveur de l'Église de Constantinople, portant que l'évêque de cette ville appelée la nouvelle Rome aurait non seulement la préséance d'honneur sur tous les autres évêques après celui de l'ancienne Rome, mais encore un droit étendu de juridiction sur les trois métropoles du Pont, de l'Asie et de la Thrace. Ce canon, contre lequel l'Église romaine a toujours réclamé, jusqu'à l'époque du quatrième concile de Latran, où le second rang parmi les patriarches a été enfin accordé par le pape Innocent III à celui de Constantinople, est compté pour le vingt-huitième des canons de Calcédoine, que nous allons rapporter ici, quoique les vingt-sept premiers appartiennent plutôt aux précédentes sessions du concile.
Le 1er confirme tous les canons faits dans les conciles précédents, et en ordonne l'observation.
Ce canon doit s'entendre de tous les conciles tant généraux que particuliers qui ont précédé celui de Calcédoine, et, par conséquent, du code de l'Église grecque donné par Justel, qui contient cent soixante-dix canons tirés des conciles de Nicée, d'Ancyre, de Néocésarée, de Gangres, d'Antioche, de Laodicée et de Constantinople ; car il y avait dès lors un recueil de canons, comme on le voit par divers endroits des actes du concile de Calcédoine. Il est attribué, dans un ancien manuscrit, à Étienne d'Éphèse ; mais peut-être celui-ci n'y ajouta-t-il que les canons des conciles d'Éphèse et de Calcédoine.
Le 2e porte que, si un évêque a mis en commerce la grâce, qui n'est point vénale, et ordonné pour de l'argent un évêque, un chorévêque, un prêtre, un diacre ou quelque autre clerc ; ou s'il a établi pour de l'argent un économe, un défenseur, un concierge, ou quelque autre de ceux qui sont désignés dans le canon, l'ordinateur sera en danger de perdre son rang ; et celui qui sera ordonné ou pourvu ne profitera point de la place qu'il aura voulu acheter : l'entremetteur même de cet infâme trafic, s'il est clerc, sera déposé ; s'il est laïque ou moine, il sera anathématisé.
Ce canon condamne et punit toute espèce de simonie commise, non seulement dans l'ordination, mais aussi dans la nomination des officiers de l'Église, quels qu'ils puissent être, tels que les économes, ses défenseurs ou avocats, ses concierges, etc. Ce canon se trouve dans la lettre encyclique du concile de Constantinople, de l'an 459, et dans les actes du concile de Paris, de l'an 829. On le trouve aussi dans les actes de l'assemblée du clergé de France, de l'an 1655 ; et les prélats de cette assemblée en firent usage contre les secrétaires des évêques, qui exigent des salaires excessifs pour le sceau et les autres droits de l'évêque ; d'où vient que Michel Amelot, archevêque de Tours, défendit, par un mandement de l'an 1675, de rien donner et de rien recevoir pour les lettres d'ordres, ni pour toute autre expédition.
Le 3e canon défend aux évêques, aux clercs et aux moines, de prendre à ferme des terres, ou de se charger des affaires temporelles, si ce n'est que les lois les appellent à une tutelle dont ils ne puissent s'excuser, ou que l'évêque les charge du soin des affaires de l'Église ou de personnes misérables comme les veuves et les orphelins.
Les tutelles et les curatelles étaient défendues aux clercs, dès le temps de saint Cyprien. Dans la suite, les clercs et les moines en ont été déchargés par les empereurs. Justinian. in l. LI, Cod. de Episcopis et Clericis.
Le 4e déclare que, quoiqu'on doive honorer ceux qui mènent une vie vraiment solitaire, néanmoins, parce qu'il y a des personnes qui, sous prétexte d'embrasser la profession monastique, troublent l'Église et l'État, en parcourant les villes pour se bâtir des monastères, il sera défendu de bâtir un monastère ou un oratoire, c'est-à-dire une chapelle, un petit monastère, sans le consentement de l'évêque de la ville et du propriétaire de la terre. Il veut aussi que les moines, tant des villes que de la campagne, soient soumis à l'évêque et vivent en repos, ne s'appliquant qu'au jeûne et à la prière, sans s'embarrasser d'affaires séculières, s'ils n'en sont chargés par l'évêque pour quelque nécessité. Il leur défend en même temps de recevoir des esclaves dans leurs monastères, sans la volonté des maîtres.
Le 5e ordonne l'observation des anciens canons, à l'égard des évêques et des clercs qui passent d'une église à une autre.
Le 6e défend d'ordonner aucun ecclésiastique, soit prêtre, soit diacre, sans l'attacher à une église de la ville ou de la campagne, ou à un monastère, et déclare nulles les ordinations absolues, en défendant à ceux qui les ont reçues d'en faire aucune fonction, à la honte de ceux qui les auront ordonnés.
Il y a deux choses surtout dignes de remarque dans ce canon : la première, qu'on ordonnait des prêtres qu'on attachait aux monastères, qui n'étaient pour l'ordinaire composés que de laïques, afin d'y dire la messe et d'y faire les autres fonctions sacerdotales ; et ces prêtres étaient différents des supérieurs de ces mêmes monastères, comme on le voit par la règle et par les lettres de saint Augustin ; la seconde, que les ordinations réprouvées par ce canon n'étaient pas seulement illicites, mais encore nulles et invalides, selon plusieurs anciens scolastiques cités par le P. Morin, De SS. Ordinat. part. III, excercit. 5, cap. 49.
Le septième défend, sous peine d'anathème, à ceux qui sont entrés une fois dans le clergé ou dans l'état monastique, de quitter l'un et l'autre de ces états qu'ils ont embrassés à cause de Dieu, pour s'engager dans la milice ou dans une dignité séculière.
Pour bien prendre le sens de ce canon, il est nécessaire d'observer que, quoique le mariage ne fût pas interdit aux clercs inférieurs, les anciens étaient néanmoins persuadés que ni les clercs, quels qu'ils fussent, ni les moines, ne pouvaient, sans une sorte d'apostasie, quitter la vie cléricale ou monastique, pour s'engager dans la milice ou dans une dignité séculière, parce qu'ils regardaient ces sortes d'états comme essentiellement contraires à la vie cléricale et monastique : tel est le sens de ce canon, qui était encore en vigueur dans le treizième siècle, comme l'assure le P. Thomassin, De Disciplin. eccl. part. IV, lib. II, cap. 4.
Le 8e ordonne que tous les clercs des hôpitaux, des monastères et des églises ou chapelles des martyrs, de même que tous ceux qui demeurent en ces lieux, seront sous la puissance de l'évêque de chaque ville, suivant la tradition des Pères, sous peine de correction canonique pour les clercs, et d'excommunication pour les moines et les laïques.
Il y avait autrefois des clercs et des moines destinés à desservir des hôpitaux et des églises des martyrs, qui se prétendaient exempts de la juridiction de l'évêque diocésain : le concile de Calcédoine les y soumet, selon la tradition des PP. et des canons.
Le 9e défend aux clercs, qui ont des affaires avec d'autres clercs, de quitter leur évêque pour s'adresser aux tribunaux séculiers, et leur ordonne de poursuivre leurs causes premièrement devant leur évêque ou, par son ordre, devant celui dont les parties seront convenues ; le tout sous les peines canoniques. Le canon ajoute que les différends que les clercs auront avec leurs évêques, seront jugés par le concile de la province ; mais que si un évêque ou un clerc a une affaire avec le métropolitain, elle sera jugée par l'exarque du département ou par le siège de la ville royale de Constantinople.
Ce canon, qui traite du juge qui doit terminer les causes des clercs, renferme trois cas. Ou bien un clerc a une affaire avec un autre clerc, ou avec son évêque, ou avec son métropolitain. Dans le premier cas, l'affaire, soit civile, soit ecclésiastique, doit être portée, en première instance, au tribunal de l'évêque ; ce qui est confirmé par le chapitre 21 de la 123e novelle de Justinien, non seulement pour les causes que les clercs ont entre eux, mais encore pour celles que les laïques intentent aux clercs. Dans le deuxième cas, qui est celui d'un clerc qui a un différend avec son évêque, l'affaire sera portée au concile de la province. Dans le troisième cas, où un clerc, ou bien un évêque, aurait quelque différend avec son métropolitain, il faudra recourir à l'exarque du département ou au siège de Constantinople. Par l'exarque du département, on n'entend pas le simple métropolitain d'une province, comme l'observe Balsamon ; mais celui qui présidait à tout un diocèse, selon l'ancienne signification de ce terme, c'est-à-dire à un district ou département ecclésiastique qui renfermait plusieurs provinces : c'est là ce qu'on appelait anciennement diocèse, ainsi que l'observe encore Balsamon. Les exarques ou, comme traduit Denys le Petit, les primats d'un diocèse étaient donc ceux qui avaient sous eux plusieurs métropolitains de provinces. C'est ainsi que, dans les actes mêmes du concile de Calcédoine, Domnus, évêque d'Antioche, est nommé exarque du diocèse oriental. L'empereur Justinien, continuant ce canon dans le chapitre 22 de sa 123e novelle, a substitué le mot de patriarche à celui d'exarque ; mais le sens est le même. Enfin le canon veut qu'on puisse, dans le troisième cas, s'adresser directement à l'évêque de Constantinople, que la cause puisse indifféremment être jugée, soit par l'exarque du diocèse, soit par l'évêque de la ville impériale, à cause sans doute des facilités que présentait ce siège pour la discussion des affaires.
Le 10e canon : " Il n'est pas permis à un clerc d'être inscrit en même temps et compté dans le clergé de deux villes, savoir de celle où il a été ordonné d'abord et de celle où il a passé, comme plus grande, par ambition : ceux qui l'auront fait, seront rendus à la première église. Que si quelqu'un est déjà transféré à une autre église, il n'aura plus aucune part aux affaires de la première, ou des oratoires, ou des hôpitaux qui en dépendent ; le tout, sous peine de déposition pour ceux qui, à l'avenir, retomberont dans cette faute. "
Le 11e veut que l'on ne donne que des lettres de paix et de communion aux pauvres qui voyagent, si l'on sait qu'ils sont effectivement catholiques, afin de leur procurer par ces lettres les secours dont ils ont besoin. Il réserve les lettres de recommandation pour les personnes d'une condition plus relevée, parce qu'on les accompagnait ordinairement de quelques éloges de la piété et de la vertu de ceux qui en étaient les porteurs.
Les lettres de paix, qu'on donnait anciennement aux pauvres qui voyageaient, sont fort bien décrites par Sozomène, au chapitre 16 du 6e livre de son Histoire ecclésiastique, où il rapporte que Julien l'Apostat admirait les lettres de paix que les évêques donnaient aux pauvres voyageurs, pour leur procurer des secours, en quelque lieu qu'ils pussent aller. Quant aux lettres de recommandation, dont il est parlé dans ce canon, Balsamon, Zonare, Aristhène et les autres Grecs, suivis par Gentien Hervet, disent qu'on ne les donnait qu'aux personnes suspectes, et lisent ainsi les dernières paroles du canon : Quoniam litteras commendatitias iis solis personis quæ sunt suspectæ, præberi oportet. Les personnes suspectes, disent ces commentateurs, parce qu'elles avaient été liées de quelque censure, avaient besoin de lettres de recommandation, qui prouvassent qu'elles avaient été relevées de ces censures, puisque sans cela les évêques, dans les diocèses desquels elles devaient voyager, n'auraient pas voulu les recevoir à la paix et à la communion. Mais M. de l'Aubespine réfute solidement cette explication des commentateurs grecs, et fait voir que les lettres pacifiques étaient différentes des lettres de recommandation, en ce que les premières se donnaient aux pauvres ordinaires, et les autres aux personnes d'une condition plus relevée, soit clercs, soit laïques.
Le 12e canon fut fait à l'occasion des différends entre les évêques de Tyr et de Béryte, de Nicomédie et de Nicée. Il porte que les évêques ne pourront, sous peine de déposition, s'adresser aux puissances, ni obtenir des lettres du prince pour diviser une province en deux, et y faire deux métropolitains, et que, quant aux villes qui ont déjà été honorées du nom de métropoles, elles n'en jouiront que par honneur, sans préjudice des droits de la véritable métropole.
Le 13e défend aux clercs étrangers et inconnus d'exercer aucune fonction dans une autre ville, sans lettres de recommandation de leur évêque, qui portent témoignage de leurs ordres et de leurs mœurs.
Le mot de lecteurs, qui se trouve chez Isidore, chez Denys le Petit, et même dans le code de l'Église romaine, rend ce canon obscur ; mais la leçon grecque, qui porte ignotos, au lieu de lectores, et qui est la meilleure, lève la difficulté. La discipline contenue dans ce canon a été renouvelée par le concile de Trente, sess. 22.
Le 14e déclare que, puisqu'il est accordé en quelques provinces aux lecteurs et aux chantres de se marier, il ne leur sera point permis de prendre des femmes qui ne soient point catholiques, ou de faire baptiser leurs enfants chez les hérétiques. Il ne veut pas non plus qu'ils les marient à des hérétiques, à des Juifs, ou à des païens, s'ils ne promettent de se convertir ; et, à l'égard de ceux qui avaient reçu le baptême chez les hérétiques, il ordonne à leurs parents de les faire entrer dans la communion de l'Église.
On voit par ce canon, que la discipline de l'Église n'était point partout la même, touchant la continence de ses ministres. En quelques provinces d'Orient, il était permis aux lecteurs et aux chantres de se marier ; et cet usage est reçu partout aujourd'hui, tant en Orient qu'en Occident. On voit aussi l'horreur que l'Église a eue, dans tous les temps, des mariages des catholiques avec les hérétiques, à cause du danger de séduction, tant pour la partie catholique, que pour les enfants.
Le 15e défend d'ordonner, par l'imposition des mains, une diaconesse, qu'elle n'ait l'âge de quarante ans, et qu'on ne l'ait beaucoup éprouvée. Que si, après l'imposition des mains, et après avoir passé quelque temps dans le service, elle vient à se marier, au mépris de la grâce de Dieu, elle sera anathématisée avec son mari.
Le 16e défend aussi aux vierges consacrées à Dieu, et aux moines, de se marier, sous peine d'être privés de la communion, pendant autant de temps qu'il plaira à l'évêque.
Il paraît par ce canon, que, du temps du concile de Calcédoine, les vœux des vierges consacrées à Dieu, non plus que ceux des moines, n'étaient point encore regardés comme des empêchements dirimants du mariage, puisque le concile n'ordonne pas de séparer les vierges ou les moines qui s'étaient mariés après leurs vœux, mais seulement de les priver de la communion, c'est-à-dire de les excommunier, pour autant de temps qu'il plaira à l'évêque. Gratien, qui rapporte ce canon, caus. 27, quæst. 1, can. 22 de la version d'Isidore, et qui l'avait déjà rapporté, ibid. can. 12 de la version de Denys le Petit, l'attribue au concile de Tribur ; et il paraît par là, comme par beaucoup d'autres endroits, combien Gratien est peu exact à indiquer les véritables sources des canons qu'il rapporte.
Le 17e adjuge les paroisses de la campagne aux évêques qui en sont en possession paisible depuis trente ans ; mais on ajoute que si, dans les trente ans, il se forme quelque difficulté, elle pourra être poursuivie au concile de la province. Que, si le métropolitain est partie, on ira à l'exarque du département ou à l'évêque de Constantinople, et que, si quelque nouvelle ville est établie par la puissance de l'empereur, l'ordre des paroisses ecclésiastiques suivra la forme du gouvernement politique.
La disposition adoptée à la fin de ce canon ne doit être considérée que comme une mesure purement arbitraire, et ne saurait contredire le principe proclamé par l'évêque Cécropius, dans la 4e session, aux applaudissements de tout le concile.
Le 18e punit de déposition et d'excommunication les ecclésiastiques et les moines qui font des conjurations et des cabales contre leurs évêques ou leurs confrères, ce crime étant défendu même par les lois civiles.
Le 19e ordonne que, pour obvier au préjudice que causait aux affaires de l'Église le défaut des conciles, on en assemble deux chaque année, suivant les décrets de Nicée, au lieu choisi par le métropolitain, et que les évêques qui manqueront de s'y trouver sans empêchement légitime en soient repris par leurs confrères.
Le 20e déclare que, si un évêque reçoit un clerc d'un autre diocèse, lui et le clerc seront séparés de la communion jusqu'à ce que le clerc soit retourné à son évêque, si ce n'est que ce clerc soit contraint de changer d'église à cause de la ruine de son pays.
La séparation de la communion, dont il est parlé dans ce canon, ne doit pas s'entendre de l'anathème ou de l'excommunication, mais seulement de l'exclusion pour un temps de la communion avec les autres évêques, ou de la suspension des fonctions des ordres ; et c'est dans ce dernier sens que le code de l'Église romaine et les conciles postérieurs, notamment celui de Trente, l'ont entendue, lorsqu'ils ont prononcé la peine de suspense contre l'évêque qui ordonne un sujet étranger sans la permission de son propre évêque, et contre le sujet ordonné de cette sorte.
Le 21e défend d'admettre indifféremment les clercs ou les laïques à accuser des évêques ou des clercs, sans avoir auparavant examiné la réputation des accusateurs.
Le 22e défend aux clercs, sous peine de déposition, ainsi qu'il leur avait été déjà défendu par les anciens canons, de piller les biens de leur évêque après sa mort.
Le 23e ordonne au défenseur de l'Église de Constantinople de chasser de la ville les clercs et les moines étrangers qui y venaient sans y être envoyés par leur évêque, et qui y troublaient souvent le repos de l'Église et des maisons particulières.
Le 24e porte que les monastères, une fois consacrés par l'autorité de l'évêque, et les biens qui leur appartiennent, ne changeront point d'état : en sorte qu'il ne soit plus permis d'en faire des habitations séculières, ni d'usurper les biens qui leur appartiennent.
Le 25e dit que les ordinations des évêques se feront dans trois mois, s'il n'y a une nécessité absolue qui oblige le métropolitain à différer, et que le revenu de l'église vacante sera conservé par l'économe.
Le 26e veut que chaque église cathédrale ait un économe pris du corps de son clergé, pour administrer ses biens, suivant l'ordre de l'évêque, afin que l'on voie clair en cette administration, et que les biens de l'église ne soient pas dissipés ni le sacerdoce décrié.
Ce canon, dont le but est d'empêcher qu'on n'accuse les évêques d'infidélité dans l'administration des biens de l'église, a été renouvelé par le deuxième concile de Séville, tenu l'an 619, can. 9.
Le 27e anathématise celui qui enlève une femme, même sous prétexte de mariage, ses complices et ses fauteurs : si c'est un clerc, il doit être déposé.
Le 28e accorde le second rang à l'Église de Constantinople, en ces termes : " Les Pères ont eu raison de donner au siège de l'ancienne Rome ses privilèges, parce qu'elle était la ville régnante ; et, par le même motif, les cent cinquante évêques du concile de Constantinople ont jugé que la nouvelle Rome, qui est honorée de l'empire, et du sénat, doit avoir les mêmes avantages dans l'ordre ecclésiastique et être la seconde après : en sorte que les métropolitains des trois départements du Pont, de l'Asie et de la Thrace, et les évêques, leurs suffragants, qui sont chez les Barbares, soient ordonnés par l'évêque de Constantinople, après qu'ils auront été élus canoniquement dans leurs églises. Mais chacun de ces métropolitains ordonnera les évêques de sa province, assisté de ses suffragants, selon les canons. "
Ce canon ne se trouve point dans la collection de Denys le Petit, ni dans les autres collecteurs latins, ni même dans les anciennes collections grecques, comme l'a prouvé P. de Marca (De veter. can. Collect., c. 3, § 17, 18), et après lui N. Alexandre (Hist. eccl., sæc. V, c. 1, art. 13). On le dressa furtivement, par les intrigues d'Anatole de Constantinople, à la suite de la quinzième session du concile ; il devint le sujet d'une grande contestation entre les évêques orientaux et les légats du pape, qui s'en plaignirent dans la seizième session, du 1er novembre, qui fut la dernière. Saint Léon ne voulut jamais l'approuver. Outre ces vingt-huit canons, on en trouve deux autres dans Balsamon, Zonare, Aristhène et les autres commentateurs grecs ; mais il paraît qu'ils sont d'une main plus récente.
Le 1er déclare qu'un évêque ne doit jamais être réduit au rang des prêtres.
Le 2e accorde un délai aux évêques d'Égypte pour souscrire à la lettre de saint Léon à Flavien, jusqu'à l'élection d'un évêque d'Alexandrie à la place de Dioscore.
Il y a une grande différence entre les divers exemplaires du concile de Calcédoine. Les collections ordinaires ont seize sessions ; mais plusieurs églises n'en avaient que six avec les canons. La session qui est marquée pour la dernière, et la seizième dans ces collections, Libérat la compte pour la douzième, d'autres pour la treizième. Le savant P. Mansi, depuis évêque de Lucques, dit qu'il a trouvé dans un manuscrit de neuf cents ans, de la même ville, une très ancienne version des canons de Calcédoine, qui n'a point encore vu le jour, et qui ne cède à aucune ancienne version pour la fidélité. Elle ne contient que vingt-sept canons, et met le concile de Calcédoine à l'an 450, quoiqu'il se soit tenu l'an 451, et cela selon l'usage ancien, qui négligeait l'exactitude dans la supputation des années, en faveur du nombre rond. Cette variété des exemplaires vient de ce que, dans les conciles généraux, les évêques des grands sièges avaient chacun leurs notaires par lesquels ils faisaient rédiger ou copier les actes, suivant le besoin qu'ils en avaient. Tous étaient soigneux d'emporter avec eux et de publier dans leurs provinces les définitions de la foi et les canons. Mais, pour les actes relatifs aux affaires particulières, ceux qui n'y étaient pas intéressés n'en prenaient pas le même soin. Les uns les négligeaient tout à fait ; d'autres n'en recueillaient qu'une partie ; et ceux qui les recueillaient les plaçaient différemment, suivant l'ordre des dates ou le mérite des matières.
Les légats, informés que, dans la quinzième session, il s'était fait quelque chose contre les canons, s'en plaignirent dans la session suivante, qui fut tenue le 1er novembre, les magistrats présents. Nous vous prions, leur dit Pascasin, de faire lire ce qu'on a fait écrire, afin que tous nos frères voient s'il est juste ou non. On lut le canon vingt-huitième avec les signatures des évêques. Lucentius, l'un des légats, dit qu'on avait surpris les évêques, et qu'on les avait contraints de signer ce canon avant qu'on l'eût écrit. Sur ce reproche, les évêques s'écrièrent qu'on n'avait contraint personne. Comme les légats continuaient de s'opposer au vingt-huitième canon, Aétius, archidiacre de Constantinople, demanda s'ils en avaient reçu quelque ordre du pape Léon. Le prêtre Boniface, qui l'avait par écrit, le lut en ces termes : " Ne souffrez point que l'ordonnance des Pères soit enfreinte ou diminuée par aucune entreprise ; gardez en tout la dignité de notre personne que vous représentez ; et si quelques-uns, se confiant en la splendeur de leurs villes, veulent s'attribuer quelque chose, repoussez-les avec fermeté. " L'application de ces belles paroles ne pouvait être faite plus à propos.
Les magistrats dirent : Qu'on propose les canons de part et d'autre. Le légat Pascasin lut le sixième canon de Nicée, en ces termes : " L'Église romaine a toujours eu la primauté. Que les anciennes coutumes soient maintenues en vigueur dans l'Égypte, la Libye et la Pentapole, en sorte que tous y soient soumis à l'évêque d'Alexandrie, parce que telle est la coutume du pontife romain. Qu'il en soit de même pour ce qui concerne l'évêque d'Antioche, et que, dans les autres provinces les églises conservent également leurs anciens privilèges. " Le légat lut encore de suite le canon septième : " Puisque, suivant la coutume et la tradition ancienne, l'évêque de Jérusalem est en possession d'être honoré, il continuera à jouir de cet honneur, sans préjudice de la dignité du métropolitain. " Ce métropolitain était l'évêque de Césarée en Palestine, dont il n'avait pas été seulement question dans l'arrangement fait en faveur de Juvénal de Jérusalem. Le secrétaire Constantin ne fit lecture que du sixième canon de Nicée, et encore sans ce préambule : L'Église romaine a toujours eu la primauté. Mais il fit lire ensuite le décret du premier concile général de Constantinople, contre lequel les souverains pontifes avaient également protesté, et où il était dit que l'évêque de cette ville aurait la prérogative d'honneur après l'évêque de Rome, mais sans lui attribuer de juridiction, comme le canon de Calcédoine, sur aucune province.
Les magistrats, sans demander de plus grands éclaircissements, conclurent, après avoir su des évêques qu'ils avaient souscrit volontairement, que le vingt-huitième canon de Calcédoine aurait son exécution, avec cette réserve, que quand un des métropolitains des diocèses d'Asie, de Pont et de Thrace serait élu, et qu'on aurait apporté à Constantinople le décret de son élection, il serait au choix de l'évêque de Constantinople d'y faire venir l'élu, pour l'ordonner, ou de donner une permission pour le faire ordonner dans la province. Les évêques déclarèrent que tel était leur sentiment, et demandèrent qu'on leur permît de s'en retourner. Mais les légats ne pouvant souffrir que le siège apostolique fût abaissé en leur présence, demandèrent ou que l'on révoquât tout ce qui s'était fait la veille au préjudice des canons, ou que leur opposition fût insérée dans les actes, afin que le pape pût porter son jugement sur le mépris de son siège et le renversement des canons. Leur remontrance fut sans effet. Les magistrats finirent la session, qui fut la dernière, en disant que le concile avait approuvé tout ce qu'ils avaient proposé.
Les évêques, avant de se séparer, adressèrent un discours à l'empereur Marcien. Le titre l'attribue à tout le concile, qui y est qualifié de saint et d'universel ; mais on croit qu'il fut composé par les légats ; ce qui paraît, non seulement en ce que le style du texte latin est plus élégant et plus naturel que le grec ; mais surtout parce que ce discours est uniquement pour justifier la lettre de saint Léon à Flavien, ce qui regardait particulièrement les légats. Ils y font voir que saint Léon, dont ils relèvent le zèle, la foi et le savoir, n'avait point contrevenu, en écrivant cette lettre, au décret du concile d'Éphèse, qui semble défendre d'écrire sur la foi, et de proposer d'autre règle sur cette matière que le symbole de Nicée ; puisque cette défense n'a été faite que pour ceux qui combattent la foi, et non pour ceux qui en prennent la défense ; qu'il est bien vrai que nous devons reconnaître pour unique symbole de notre foi celui de Nicée ; qu'on n'en doit pas proposer d'autre à ceux que l'on admet au baptême, et qu'il contient tout ce que doivent croire ceux qui reçoivent avec simplicité et avec soumission tout ce que l'Église leur enseigne ; mais qu'à l'égard de ceux qui, abandonnant cette simplicité, ont inventé de nouvelles erreurs, et combattu les vérités de la foi par des raisonnements captieux, ç'a toujours été l'usage, même depuis le concile de Nicée, de les réfuter par des écrits plus étendus, et de se servir même contre eux de nouvelles expressions, qui, n'exprimant que les vérités contenues dans le symbole de ce concile, les mettaient néanmoins dans un plus grand jour, et ôtaient toutes les équivoques dont les hérétiques couvraient leurs mauvais sentiments. C'était assez pour détruire l'hérésie arienne dans l'esprit des vrais fidèles, de déclarer que le Fils est consubstantiel au Père ; mais parce que Photin et Marcel d'Ancyre ont avancé que les trois personnes de la Trinité n'étaient distinguées que de nom, les Pères qui ont combattu les hérétiques ont été obligés d'établir la foi de trois subsistances, ou de personnes réellement distinctes l'une de l'autre. On s'était contenté de dire dans le symbole de Nicée : Je crois au Saint-Esprit ; et c'était assez pour marquer aux fidèles qu'il est véritablement Dieu ; puisqu'on ne peut croire au Saint-Esprit comme au Père et au Fils, qu'en les supposant d'une même nature. Mais la nécessité où l'on s'est vu dans la suite de combattre ceux qui ont nié la divinité du Saint-Esprit, a obligé les évêques du concile de Constantinople d'ajouter au symbole que le Saint-Esprit procède du Père. Le symbole de Nicée avait suffisamment établi la foi de l'incarnation en disant que le Fils de Dieu est descendu du ciel, et qu'il s'est fait chair. Mais les hérétiques qui ont attaqué la vérité de ce mystère, soit en refusant à la sainte Vierge le titre de Mère de Dieu, soit en niant que le Fils de Dieu ait pris une âme raisonnable, soit en confondant les deux natures en Jésus-Christ, soit en distinguant en lui le Fils de Dieu d'avec le Fils de l'homme, ont engagé les docteurs de l'Église à montrer qu'il est Dieu parfait et homme parfait ; qu'en lui les deux natures, la divine et l'humaine, sont unies en une seule personne sans confusion, et qu'en conséquence on peut dire de lui qu'il est né dans le temps, et qu'il est de toute éternité ; qu'il est consubstantiel au Père selon sa divinité, et consubstantiel à sa mère selon son humanité, et qu'à ces deux égards il est passible et impassible ; impassible en tant que Dieu, passible en tant qu'homme. La fin de toute cette discussion est de montrer que ce que saint Basile, le pape Damase et plusieurs autres ont fait autrefois contre les ariens, les macédoniens et les apollinaristes, saint Léon a été contraint de le faire contre les nouvelles erreurs d'Eutychès. Sur la fin du discours le concile s'adresse aux deux empereurs Marcien et Valentinien, quoiqu'il n'y ait que le premier de nommé dans le titre ; et pour prouver que l'on ne pouvait accuser de nouveauté la doctrine que saint Léon établit dans sa lettre à Flavien, le concile joint à son discours divers passages tirés des écrits de saint Basile, de saint Ambroise, de saint Grégoire de Nazianze, de saint Athanase, de saint Amphiloque, d'Antiochus de Ptolémaïde, de saint Flavien d'Antioche, de saint Chrysostome, d'Atticus, de saint Procle et de saint Cyrille, qui tous ont cru que Jésus-Christ a deux natures, et qu'étant consubstantiel au Père, selon sa divinité, il s'est fait consubstantiel à nous, selon son humanité.
Les évêques du concile, en envoyant au pape les actes de tout ce qui s'était passé, lui écrivirent une lettre synodale par laquelle ils le reconnaissent pour interprète de saint Pierre, pour leur chef et leur guide, et pour celui à qui le soin de la vigne du Seigneur, qui est son Église, a été confié par lui-même. Ils lui donnent avis qu'ils ont retranché de l'Église Dioscore, qui, outre la protection qu'il avait donnée à Eutychès, avait osé condamner et déposer saint Flavien et Eusèbe de Dorylée, contre les canons. Ensuite ils prient saint Léon d'approuver et de confirmer la sentence synodale par laquelle ils avaient maintenu l'Église de Constantinople dans l'ancien usage d'ordonner les métropolitains des départements d'Asie, de Pont et de Thrace, moins pour l'avantage du siège de Constantinople que pour le repos des métropoles, où il arrivait souvent du tumulte parmi le clergé et le peuple après la mort de l'évêque, parce qu'ils étaient sans chef. Ils conviennent que les légats s'étaient opposés fortement à ce décret ; mais ils ont voulu sans doute, ajoutent les évêques, vous en laisser l'honneur, afin que l'on vous attribue la conservation de la paix comme de la foi. En honorant notre jugement par votre suffrage, vous ferez plaisir aux empereurs, et le siège de Constantinople vous en témoignera une reconnaissance éternelle en toute occasion, par son union et par son zèle. Cette lettre était souscrite par les évêques du concile, qui se disent au nombre de cinq cent vingt. On n'y lit point ce que dit saint Grégoire le Grand, que le concile offrit au pape le titre d'évêque œcuménique ou universel. Saint Léon, peu sensible à un titre que ses successeurs ont regardé comme profane et téméraire, approuva tout ce qui s'était fait dans le concile de Calcédoine pour la cause de la foi ; mais il s'opposa avec vigueur au vingt-huitième canon qui regarde les prérogatives de l'Église de Constantinople, disant que ce canon était contraire à ceux de Nicée. Il chargea Julien de Cos de faire traduire en latin les actes du concile de Calcédoine, et d'en réunir toutes les sessions en un seul corps. On croit que c'est cette traduction que nous avons aujourd'hui.