3ème concile du Latran 1179 : Différence entre versions

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Histoire de l'Eglise
Auteur : Chanoine Adolphe-Charles Peltier
Source : Dictionnaire universel et complet des conciles
Date de publication originale : 1847

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen
Remarque particulière : Publié dans l'Encyclopédie théologique de l'abbé Jacques-Paul Migne, tomes 13 et 14.

Concile de Latran III - 1179 - onzième concile œcuménique

Le pape Alexandre III, s'étant réconcilié avec l'empereur Frédéric, convoqua ce XIe concile général pour trois raisons importantes : la première, de détruire les restes du schisme ; la seconde, de condamner l'hérésie des Vaudois ; la troisième, de rétablir la discipline ecclésiastique, qui avait beaucoup souffert pendant un si long schisme. Il s'y trouva en tout, tant de l'Orient que de l'Occident, trois cent deux évêques avec un nombre proportionné d'abbés et d'autres prélats. Il y avait dans ce nombre dix-neuf évêques d'Espagne, six d'Irlande, un d'Écosse, sept d'Angleterre, cinquante-neuf de France, dix-sept d'Allemagne, dont trois de la province de Magdebourg et un de celle de Brême, un évêque de Danemark, un de Hongrie, et huit des diocèses latins d'Orient, parmi lesquels le plus illustre était Guillaume, archevêque de Tyr. Les évêques d'Irlande avaient à leur tête saint Laurent, archevêque de Dublin. Dans le concile même le pape sacra deux évêques anglais et deux écossais, dont l'un était venu à Rome avec un seul cheval, l'autre à pied avec un seul compagnon. Il s'y trouva aussi un évêque irlandais, qui n'avait d'autre revenu que le lait de trois vaches, et quand elles manquaient de lait, ses diocésains lui en fournissaient trois autres. Parmi les prélats de France on distinguait Guillaume, archevêque de Reims, beau-frère du roi, et Henri, abbé ; le pape les fit tous deux cardinaux : Guillaume, de Sainte-Sabine, et Henri, cardinal-évêque d'Albane.

Le concile eut trois sessions : la première, le 5 mars ; la seconde, le 14, et la troisième, le 19 du même mois. On s'occupa, dans ces trois sessions, à régler les choses qui en avaient occasionné la convocation ; et ce fut la matière de vingt-sept canons. La chronique de Gervais n'en compte que vingt-six ; mais c'est que de deux elle n'en fait qu'un.

1. Si, dans l'élection d'un pape, les cardinaux ne se trouvent pas d'un sentiment unanime, on reconnaîtra pour pape celui qui aura les deux tiers des voix ; et si celui qui n'en a obtenu que le tiers ou au-dessous prend le nom de pape, il sera privé de tout ordre et excommunié, de même que ceux qui le reconnaîtront pour pape.

C'est ici le premier canon qui déroge à la forme ordinaire des élections, selon laquelle celui qui avait été choisi par la plus grande et la plus saine partie des électeurs était véritablement élu.

2. Le concile déclare nulles les ordinations faites par les antipapes Octavien, Gui de Crême et Jean de Strum, et veut que ceux qui ont reçu d'eux des dignités ecclésiastiques ou des bénéfices, en soient privés.

3. Aucun ne sera élu évêque, qu'il n'ait trente ans accomplis, qu'il ne soit né en légitime mariage, et recommandable par ses mœurs et sa doctrine. Aussitôt que son élection aura été confirmée et qu'il aura l'administration des biens de l'Église, les bénéfices qu'il possédait pourront être librement conférés par celui à qui la collation en appartient. A l'égard des dignités inférieures, comme doyenné, archidiaconé et autres bénéfices à charge d'âmes, personne ne pourra en être pourvu, qu'il n'ait atteint l'âge de vingt-cinq ans ; et il en sera privé si, dans le temps marqué par les canons, il n'est promu aux ordres convenables : savoir, le diaconat pour les archidiacres, la prêtrise pour les autres. Les clercs qui auront fait une élection contre cette règle seront privés du droit d'élire, et suspens de leurs bénéfices pour trois ans : l'évêque qui y aura consenti perdra le droit de conférer ces dignités.

4. Le concile ordonne, que les archevêques, dans leurs visites, auront tout au plus quarante ou cinquante chevaux ; les cardinaux, vingt-cinq ; les évêques, vingt ou trente ; les archidiacres, sept ; les doyens et leurs inférieurs, deux ; qu'ils ne mèneront point de chiens ni d'oiseaux pour la chasse, et se contenteront pour leur table d'être servis suffisamment et modestement. Il leur défend aussi d'imposer ni tailles ni exactions sur leur clergé ; mais il leur permet de lui demander en cas de besoin un secours charitable.

Ce règlement fut fait à l'occasion des dépenses énormes que plusieurs évêques faisaient dans leurs visites, ce qui obligeait souvent leurs inférieurs de vendre jusqu'aux ornements de l'Église pour y subvenir. Au reste, ce grand train de chevaux n'est qu'une simple tolérance de la part du concile ; et, s'il en tolère un plus grand nombre dans les archevêques et les évêques que dans les cardinaux, c'est que la dignité de cardinal n'était pas encore ce qu'elle a été depuis.

5. Si un évêque ordonne un prêtre ou un diacre, sans lui assigner un titre certain dont il puisse subsister, il lui donnera de quoi vivre jusqu'à ce qu'il lui assigne un revenu ecclésiastique, à moins que le clerc ne puisse vivre de son patrimoine. C'est le premier canon qui parle de patrimoine ou de titre patrimonial, comme on a dit depuis, au lieu de titre ecclésiastique.

6. Les évêques et les archidiacres ne prononceront point de sentences de suspense ou d'excommunication sans trois monitions canoniques préalables, si ce n'est pour les fautes qui de leur nature emportent excommunication ; et les inférieurs n'appelleront pas sans griefs ni avant l'entrée en la cause. Si l'appelant ne vient poursuivre son appel, il sera condamné aux dépens envers l'intimé qui se sera présenté. Il est défendu en particulier aux moines et aux autres religieux d'appeler des corrections de discipline imposées par leur supérieurs ou leurs chapitres.

7. Défense de rien exiger pour l'intronisation des évêques ou des abbés, pour l'installation des autres ecclésiastiques ou la prise de possession des curés, pour les sépultures, les mariages et les autres sacrements, en sorte qu'on les refuse à ceux qui n'ont pas de quoi donner. On défend aussi aux évêques et aux abbés d'imposer aux églises de nouveaux cens, ou de s'approprier une partie de leurs revenus, sous peine de cassation des actes qu'ils auront faits à cet égard.

8. Défense de conférer ou de promettre les bénéfices avant qu'ils vaquent, pour ne pas donner lieu de souhaiter la mort du titulaire. Les bénéfices vacants seront conférés dans six mois ; autrement, le chapitre suppléera à la négligence de l'évêque, l'évêque à celle du chapitre, et le métropolitain à celle de l'un et de l'autre.

9. Sur les plaintes formées par les évêques que les nouveaux ordres militaires des templiers et des hospitaliers recevaient des églises de la main des laïques ; que dans les leurs ils instituaient et destituaient des prêtres à l'insu des évêques ; qu'ils admettaient aux sacrements les excommuniés et les interdits, et leur donnaient la sépulture ; qu'ils abusaient de la permission donnée à leurs frères envoyés pour quêter, de faire ouvrir, une fois l'an, les églises interdites, et d'y faire célébrer l'office divin, d'où plusieurs de ces quêteurs prenaient occasion d'aller eux-mêmes aux lieux interdits, et de s'associer des confrères en plusieurs de ces lieux, à qui ils communiquaient leurs privilèges ; le concile condamne tous ces abus, non seulement à l'égard des ordres militaires, mais de tous les autres religieux.

10. Les moines, ou tous autres religieux, ne seront point reçus pour de l'argent, sous peine au supérieur de privation de sa charge, et au particulier, de n'être jamais promu aux ordres sacrés. On ne permettra pas à un religieux d'avoir du pécule, si ce n'est pour l'exercice de son obédience. Celui qui sera trouvé avoir un pécule sera excommunié et privé de la sépulture commune, et on ne fera point d'oblation pour lui. L'abbé trouvé négligent sur ce point sera déposé. On ne donnera point pour de l'argent les prieurés ou les obédiences ; et on ne changera point les prieurs conventuels, sinon pour des causes graves, ou pour les élever à un plus haut rang.

11. Les clercs constitués dans les ordres sacrés, qui ont chez eux des femmes notées d'incontinence, les chasseront et vivront chastement, sous peine de privation de leur bénéfice ecclésiastique et de leur office. Même peine pour le clerc qui, sans une cause manifeste et nécessaire, fréquentera les monastères des filles, après la défense de l'évêque. Un laïque coupable d'un crime contre nature sera excommunié et chassé de l'assemblée des fidèles. Si c'est un clerc, il sera ou chassé du clergé, ou enfermé dans un monastère pour y faire pénitence.

12. Défense à tous les clercs sans exception de se charger d'affaires temporelles, comme d'intendance de terres, de juridiction séculière, ou de la fonction d'avocat devant les juges laïques.

13. et 14. Défense aux ecclésiastiques de posséder plusieurs bénéfices, et aux laïques d'instituer ou de destituer des clercs dans les églises, sans l'autorité de l'évêque, ou d'obliger les ecclésiastiques à comparaître en jugement devant eux. Le concile défend ces choses aux laïques sous peine d'être privés de la communion des fidèles. Il prive aussi de la sépulture ecclésiastique ceux des laïques qui transfèrent à d'autres laïques les dîmes qu'ils possèdent au péril de leurs âmes. C'est sur ce fondement que l'on conservait aux laïques jusqu'à l'époque de la révolution les dîmes dont on jugeait qu'ils étaient en possession dès le temps de ce concile, et que l'on nommait dîmes inféodées.

15. Les biens que les clercs ont acquis par le service de l'Église lui demeureront après leur mort, soit qu'ils en aient disposé par testament ou non. Défense d'établir à certain prix des doyens pour exercer leur juridiction, sous peine de privation d'offices aux doyens, et, à l'évêque, sous peine de privation du pouvoir de conférer l'office de doyen.

16. Dans la disposition des affaires communes, on suivra toujours la conclusion de la plus grande et de la plus saine partie du chapitre, nonobstant tout serment et coutume contraire ; si ce n'est que l'autre partie propose quelque chose qu'elle fasse voir être raisonnable.

17. Lorsqu'il y a plusieurs patrons pour présenter à un bénéfice, et qu'ils s'accordent tous dans leur présentation, celui-là aura le bénéfice, qui sera présenté par tous ; sinon celui-là sera préféré, qui aura la pluralité des suffrages ; autrement, l'évêque y pourvoira ; comme aussi, en cas de question pour le droit de patronage, qui ne soit pas terminée dans trois mois.

18. L'Église étant obligée, comme une bonne mère, de pourvoir aux besoins corporels et spirituels des pauvres, le concile ordonne qu'il y aura, pour l'instruction des pauvres clercs, en chaque église cathédrale, un maître à qui l'on assignera un bénéfice suffisant, et qui enseignera gratuitement ; que l'on rétablira les écoles dans les autres églises et dans les monastères, où il y a eu autrefois quelque fonds destiné à cet effet ; qu'on n'exigera rien pour la permission d'enseigner, et qu'on ne la refusera pas à celui qui en sera capable, parce que ce serait empêcher l'utilité de l'Église.

19. Défense, sous peine d'anathème, aux recteurs, consuls ou autres magistrats des villes, d'obliger les églises à aucune charge publique, soit pour fournir aux fortifications ou expéditions de guerre, soit autrement ; et de diminuer la juridiction (temporelle) des évêques et des autres prélats sur leurs sujets. On permet néanmoins au clergé d'accorder quelque subside volontaire, pour subvenir aux nécessités publiques, quand les facultés des laïques n'y suffisent pas.

20. On défend, sous peine de privation de la sépulture ecclésiastique, les tournois ou foires, auxquels se trouvaient des soldats qui, pour montre de leur force et de leur bravoure, se battaient avec d'autres, au péril de leur âme et de leur corps.

21. On ordonne d'observer la trêve de Dieu, qui consistait à n'attaquer personne depuis le coucher du soleil le mercredi jusqu'au lever du soleil le lundi, depuis l'Avent jusqu'à l'octave de l'Épiphanie, et depuis la Septuagésime jusqu'à l'octave de Pâques : le tout sous peine d'excommunication.

22. Défense d'inquiéter, de maltraiter les moines, les clercs, les pèlerins, les marchands, les paysans allant en voyage, ou occupés à l'agriculture, les animaux employés au labourage. On défend aussi d'établir de nouveaux péages ou d'autres exactions sans l'autorité des souverains. C'est que chaque petit seigneur s'en donnait l'autorité.

23. Partout où les lépreux seront en assez grand nombre, vivant en commun, pour avoir une église, un cimetière et un prêtre particulier, on ne fera aucune difficulté de le leur permettre ; et ils seront exempts de donner la dîme des fruits de leurs jardins et des bestiaux qu'ils nourrissent.

24. Défense aux chrétiens, sous peine d'excommunication, de porter aux Sarrasins des armes, du fer ou du bois pour la construction des galères ; comme aussi d'être patrons ou pilotes sur leurs bâtiments. On excommuniera aussi ceux qui prendront ou dépouilleront les chrétiens allant sur mer pour le commerce ou pour d'autres causes légitimes, ou qui pilleront ceux qui ont fait naufrage, s'ils ne restituent.

25. On renouvelle l'excommunication si souvent prononcée contre les usuriers, avec défense de recevoir les offrandes des usuriers manifestes, de les admettre à la communion et de leur donner la sépulture ; renvoyant au jugement de l'évêque le prêtre qui aura contrevenu à ce décret.

26. On défend aux juifs et aux sarrasins d'avoir chez eux des esclaves chrétiens sous quelque prétexte que ce soit. On permet néanmoins de recevoir en témoignage les chrétiens contre les juifs, et les juifs contre les chrétiens. On ordonne de conserver les biens aux juifs convertis, avec défense, sous peine d'excommunication, aux seigneurs et aux magistrats de leur en rien ôter.

27. Quoique l'Église, suivant que le dit saint Léon, rejette les exécutions sanglantes, elle ne laisse pas d'être aidée par les lois des princes chrétiens, en ce que la crainte du supplice corporel fait quelquefois recourir au remède spirituel ; c'est pourquoi nous anathématisons les hérétiques nommés cathares, patarins ou publicains, les albigeois et autres qui enseignent publiquement leurs erreurs, et ceux qui leur donnent protection ou retraite, défendant, en cas qu'ils viennent à mourir dans leur péché, de faire des oblations pour eux, et de leur donner la sépulture entre les chrétiens. Le concile ordonne de dénoncer excommuniés, dans les églises, les jours de dimanches et de fêtes, les brabançons, les cotteraux, etc., qui portaient la désolation partout. Il permet même de prendre les armes contre eux, et reçoit ceux qui les attaqueront sous la protection de l'Église, comme ceux qui visitent le saint sépulcre. Ces cotteraux ou roturiers étaient des troupes ramassées dont les seigneurs se servaient pour leurs guerres particulières, et qui vivaient sans discipline et sans religion. Labb. X ; Anal. des conc.

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