Concile de Vienne 1312 : Différence entre versions
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Histoire de l'Eglise | |
Auteur : | Chanoine Adolphe-Charles Peltier |
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Source : | Dictionnaire universel et complet des conciles |
Date de publication originale : | 1847 |
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Difficulté de lecture : | ♦♦ Moyen |
Remarque particulière : | Publié dans l'Encyclopédie théologique de l'abbé Jacques-Paul Migne, tomes 13 et 14. |
Concile de Vienne - 1311 - quinzième concile œcuménique
Ce concile, qui est le quinzième général, fut assemblé par le pape Clément V, l'an 1311, pour quatre causes principales ; savoir : l'affaire de l'ordre des Templiers, qui y fut aboli ; les erreurs des Fratricelles, des Dulcinistes, des Béguards et des Béguines ; le secours de la terre sainte et le rétablissement de la discipline ecclésiastique, comme il paraît par les Clémentines et par la bulle de convocation qui commence par ces mots : Regnans in cœlis.
La première session se tint le 16 octobre. Le pape l'ouvrit par un discours dont le texte était : Les œuvres du Seigneur sont grandes dans l'assemblée des justes, et où il proposa les objets principaux du concile. Tout l'hiver se passa en diverses conférences sur les motifs que le pape avait proposés, et spécialement sur l'affaire des Templiers. On attendait l'arrivée du roi Philippe, qui avait été l'auteur de la découverte, et qui passait pour le principal zélateur de toute l'affaire. En l'attendant, le pape, au commencement de décembre, assembla les cardinaux et les prélats, à qui on lut les actes faits contre les chevaliers du Temple. Chacun d'eux étant requis en particulier par le pape de dire son avis, ils convinrent qu'il devait écouter les accusés dans leurs défenses. Ce fut l'avis de tous les évêques d'Italie, excepté d'un seul, et de tous ceux d'Espagne, d'Allemagne, de Danemarck, d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande. Ceux de France en jugèrent de même, excepté les trois archevêques de Reims, de Sens et de Rouen.
Il y eut d'autres conférences sur cela ; et nous apprenons des auteurs contemporains qu'il s'en tint durant plusieurs mois. Enfin, le mercredi 22 mars de l'année suivante 1312, le pape, ayant appelé en conseil secret les cardinaux avec plusieurs prélats, cassa par provision, plutôt que par voie de condamnation, l'ordre des Templiers, réservant leurs personnes et leurs biens à sa disposition et à celle de l'Église.
La seconde session se tint le troisième jour d'avril. Le roi de France étant arrivé avec le comte de Valois son frère, et les trois fils de France, Louis, roi de Navarre, Philippe et Charles, entra au concile, et prit place à la droite du pape sur un trône un peu plus bas. Clément V, ayant pris pour texte ces paroles : Les impies ne se relèveront point dans le jugement, ni les pécheurs dans l'assemblée des justes, s'adressa par manière de sermon aux Templiers, en citant cet ordre militaire. Ensuite il publia contre eux la sentence provisionnelle qu'il avait déjà portée dans le consistoire, et il déclara, de l'agrément du concile, cet institut proscrit et aboli, jusqu'au nom et à l'habit, tant parce qu'il devenait inutile (nul honnête homme ne pouvant désormais vouloir y entrer), que pour éteindre d'autres maux et prévenir les scandales. Enfin il fit lire la constitution qu'il avait faite contre ceux qui retiendraient ou qui reprendraient de nouveau l'habit, ou qui en choisiraient un autre pour faire profession de cet ordre ; le tout sous peine d'excommunication qui serait encourue par les recevants et les reçus. La bulle ne fut promulguée dans les formes que le sixième jour de mai. Quant aux personnes et aux biens, le pape en réserva au saint-siège la destination dès le sixième d'avril, pour y pourvoir avant la fin du concile.
Il fut souvent question des biens de l'ordre dans la suite de l'assemblée ; et les avis se trouvèrent partagés. Quelques-uns voulaient qu'on créât un nouvel ordre. Le pape eut une autre pensée, qui fut approuvée universellement.
Il considéra que les biens des Templiers leur ayant été donnés pour le secours de la terre sainte, il était juste de suivre cette destination, et de les transporter pour le même usage aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, depuis chevaliers de Rhodes et enfin de Malte. Les circonstances étaient favorables : on ne parlait dans tout le monde chrétien qu'avec admiration des Hospitaliers, qui venaient de consommer une des plus glorieuses entreprises qu'on fit jamais contre les Turcs, nous voulons dire la conquête de Rhodes, commencée l'année 1308, et terminée le jour de l'Assomption, quinzième d'août de l'an 1310. Le roi Philippe consentit à ce transport, comme il paraît par sa lettre au pape du 24 d'août 1312. Il dit que " les biens dont il s'agit pour la France étant sous sa garde, le droit de patronage lui appartenant, et le pape avec le concile lui ayant demandé son consentement pour cette destination, il le donne volontiers, déduction faite des sommes employées à la garde et à l'administration de ces biens. " Enfin les chevaliers de l'Hôpital en furent mis en possession la même année 1312, par arrêt du parlement, après la bulle de translation, datée du second mai.
L'emploi de ces biens ne fut pas le même partout. Le pape et le concile exceptèrent les biens situés dans les royaumes d'Espagne, de Castille, de Portugal, d'Aragon, de Majorque ; et parce que les Templiers s'y trouvaient obligés de défendre l'État contre les entreprises des Sarrasins et des Mores de Grenade (ainsi qu'on l'exposa), ces biens y furent appliqués à la même défense. Dans la suite les possessions des Templiers en Aragon et à Majorque furent mises entre les mains des Hospitaliers, comme ailleurs, à quelques réserves près.
L'exception que fit le concile fut faite à la sollicitation des souverains d'Espagne, qui alléguèrent, pour être saisis des biens, la nécessité indispensable de se défendre contre les Mores, serpents dangereux, qui vivaient dans le sein de la domination espagnole, pour la déchirer et se conserver leurs anciennes conquêtes. Jacques II, roi d'Aragon, eut pour sa part dix-sept places fortes des Templiers. Il les demandait pour établir l'ordre de Calatrava qui se forma depuis. Ferdinand IV, roi de Castille, ne s'étant point présenté au jour que le pape avait marqué, pour décider sur ce qui le concernait quant à l'emploi de ces biens, le pape unit ceux qui se trouvaient en Castille aux chevaliers de l'Hôpital. Mais Ferdinand ne tint aucun compte de cette union. Par voie de fait, il mit en ses mains les biens et les nombreuses places des Templiers de son royaume. Le roi de Portugal, Denys, par le conseil du pape, fonda de ces biens abandonnés l'ordre des chevaliers du Christ, dont le principal emploi était alors de combattre contre les Mores. En Angleterre, comme en France, et dans tous les autres pays chrétiens, ces biens furent remis fidèlement aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, devenus chevaliers de Rhodes.
Pour les personnes des Templiers, le concile général régla qu'à l'exception de quelques-uns, dont le pape se réserva nommément la destinée, tous les autres qui restaient en très grand nombre seraient renvoyés au jugement des conciles de leurs provinces, lesquels procéderaient en cette manière : " Ceux qu'on trouvera être innocents ou avoir mérité l'absolution, seront entretenus honnêtement suivant leur condition sur les revenus de l'ordre. Ceux qui auront confessé leurs erreurs seront traités avec indulgence. Pour les impénitents et les relaps, on les traitera à la rigueur. Ceux qui après la question même ont persisté à nier qu'ils soient coupables, seront mis à part ou logés séparément, ou dans les maisons de l'ordre, ou dans des monastères aux dépens de l'ordre. " Voilà pour ceux qui avaient déjà été examinés par les évêques et les inquisiteurs, ou qui étaient en état de l'être par leur détention. Quant aux autres qui étaient en fuite ou cachés, on les cita par un acte public du concile pour se sister dans terme d'une année devant leurs évêques, afin d'être jugés par les conciles provinciaux, sous peine, s'ils différaient à comparaître, d'être d'abord excommuniés, puis, au delà du terme prescrit, d'être regardés et traités comme hérétiques.
Outre l'affaire des Templiers, le concile de Vienne termina celle des poursuites contre la mémoire de Boniface VIII, poursuites poussées avec vigueur durant plusieurs années, et dont le roi s'était désisté au commencement de l'an 1311. Comme le concile n'avait été résolu d'abord que pour cela, le pape, malgré le désistement du roi, ne laissa pas de mettre encore cette affaire en délibération dans l'assemblée des prélats en présence du roi même. Trois savants cardinaux, savoir Richard de Sienne, Jean de Namur, et Gentil de Montfiore, se chargèrent de justifier la mémoire de Boniface du crime d'hérésie par des preuves tirées de la théologie, du droit civil et du droit canon. On ne daigna pas renouveler le souvenir des autres accusations. Le concile déclara que Boniface VIII avait été catholique, et saint Antonin ajoute, vrai et légitime pape. Deux Catalans qui se trouvèrent à cette assemblée s'offrirent brusquement à soutenir la même chose par un défi de duel. On n'alla pas plus loin. Le pape, pour contenter le roi, fit un décret portant qu'on ne pourrait jamais inquiéter ce prince ni ses successeurs, sur ce qu'il avait fait au sujet du pape Boniface. Telle avait été auparavant la décision de Clément V durant le cours de la poursuite : on dit même que tout ce que nous venons de raconter comme un règlement ou une décision du concile de Vienne, avait été conclu avant le concile dans un consistoire public, tenu par le pape et les cardinaux. Ce qu'il y a de certain, c'est que Clément ne proposa point cette affaire parmi les motifs qu'il allégua d'assembler le concile de Vienne, et qu'il n'en reste aucune trace dans les décrets qui furent publiés depuis.
Quoi qu'il en soit, Clément lui-même, le 21 de mars de l'an 1313, promulgua les constitutions approuvées par le concile de Vienne avec quelques autres qu'il avait fait ranger en un corps d'ouvrage, qu'il prétendait nommer le septième des décrétales, pour servir de suite au sexte de Boniface VIII ; mais la mort empêcha qu'il n'envoyât cet ouvrage aux écoles, suivant l'usage, c'est-à-dire, qu'il ne le publiât authentiquement. Ce ne fut qu'en 1317 que Jean XXII, son successeur, rendit public et autorisa, par une bulle adressée aux universités, ce recueil et les constitutions promulguées, partie dans le concile de Vienne, partie avant et après. On l'appelle le volume des Clémentines : il est inséré dans le corps du droit. C'est de cet ouvrage que nous tirerons les principaux articles réglés au concile. Il est divisé en cinq livres, dont le premier contient onze titres, le second douze, le troisième dix-sept, le quatrième un seul sur la parenté et l'affinité par rapport au mariage, le cinquième onze. Ces livres ont plusieurs chapitres, ou quelquefois un seul. Parmi ces constitutions, les unes sont de doctrine, et regardent la foi ; d'autres sont de discipline ; d'autres des règlements sur des affaires, ou de clercs, ou de réguliers. Il y en a quantité qui ont été publiées dans le concile de Vienne, et que l'on reconnaît à cette clause, avec l'approbation du concile.
Le premier capitule du concile de Vienne est une profession de foi qui dit : " Le Fils de Dieu existe de toute éternité avec le Père, et de la même substance que le Père : il s'est revêtu de toute notre nature qu'il a prise entièrement, savoir le corps passible et l'âme raisonnable. Celle-ci est essentiellement la forme du corps humain. Le Fils de Dieu, revêtu de la nature humaine, a voulu opérer le salut de tous les hommes, et pour cela être crucifié, mourir sur la croix et ensuite être percé au côté d'une lance ; tel est le récit de l'évangéliste saint Jean, où nous déclarons avec l'approbation du concile que saint Jean a suivi l'arrangement des faits. Le concile décide ensuite qu'on doit regarder comme hérétiques ceux qui soutiendront que l'âme n'est pas essentiellement la forme du corps humain ; qu'il faut reconnaître un seul baptême, qui est le moyen de parvenir au salut, tant pour les adultes que pour les enfants ; que l'opinion de ceux qui croient que, par ce sacrement la grâce sanctifiante et l'habitude des vertus sont infuses dans l'âme des enfants est la plus probable, et qu'il faut la suivre. "
Les erreurs de ceux qu'on appelait béguards et béguines, fratricelles ou bizoques, sont condamnées dans la constitution qui est au chapitre III du tit. 3 du cinquième livre. Ces erreurs sont : 1° que l'homme peut acquérir en cette vie un tel degré de perfection, qu'il devienne impeccable et hors d'état de croître en grâce ; 2° que ceux qui sont parvenus à cette perfection ne doivent plus jeûner ni prier, parce qu'en cet état les sens sont tellement assujettis à l'esprit et à la raison, que l'homme peut librement accorder à son corps tout ce qu'il lui plaît ; 3° que ceux qui sont parvenus à cet esprit de liberté ne sont plus sujets à obéir, ni tenus de pratiquer les préceptes de l'Église ; 4° que l'homme peut parvenir à la béatitude finale en cette vie, et obtenir le même degré de perfection qu'il aura dans l'autre ; 5° que toute créature intellectuelle est naturellement bienheureuse, et que l'âme n'a pas besoin de la lumière de gloire pour s'élever à la vision et à la jouissance de Dieu ; 6° que la pratique de la vertu est pour les hommes imparfaits, mais que l'âme parfaite se dispense de les pratiquer ; 7° que le simple baiser d'une femme est un péché mortel, mais que l'action de la chair avec elle n'est pas un péché ; 8° que, pendant l'élévation du corps de Jésus-Christ, il n'est pas nécessaire aux parfaits de se lever, ni de lui rendre aucun respect, parce que ce serait une imperfection pour eux de descendre de la pureté et de la hauteur de leur contemplation pour penser au sacrement de l'eucharistie ou à la passion de Jésus-Christ.
Il ne faut pas confondre les béguines condamnées comme hérétiques par le concile avec les béguines qui subsistent peut-être encore à Liège et en Flandre, et qui reconnaissent pour leur instituteur Lambert le Bègue, antérieur d'un siècle et demi au concile de Vienne.
On traita aussi beaucoup d'autres articles dans le concile de Vienne, et en particulier des exemptions des religieux, que l'on modéra sans les abolir. On fit un règlement sur les moines noirs et sur les religieuses. On défend aux premiers l'abus de leurs richesses, la superfluité, la mondanité, la chasse, les voyages chez les princes : on les exhorte à la retraite, à l'étude et à la paix avec leurs supérieurs. A l'égard des religieuses, on leur défend d'être curieuses, de se parer, d'assister aux fêtes du monde et de sortir de leurs monastères. On veut qu'elles aient des visiteurs, sans excepter celles mêmes qui se disaient chanoinesses non-religieuses.
Le règlement sur les hôpitaux est remarquable en ce qu'il a donné lieu aux administrations laïques de ces maisons. Il y est dit que ceux de qui dépend la fondation et, à leur défaut, les ordinaires empêcheront que les directeurs ne détournent à leur profit les revenus destinés aux pauvres ; et qu'aucun hôpital ne sera désormais donné comme bénéfice à des clercs séculiers, sous peine de nullité, à moins que cela ne soit ainsi ordonné par le titre de la fondation ; et que, hors de ce cas, le soin des hôpitaux sera mis entre les mains de personnes sages, intelligentes, sensibles aux misères des pauvres, et capables de se comporter en vrais tuteurs, obligées au reste à prêter serment, à faire leur inventaire et à rendre des comptes annuels aux ordinaires.
Les règlements sur le clergé consistent entre autres dans la défense de pratiquer des métiers ou de vaquer à des commerces peu convenables aux clercs même mariés ; celle de porter des habits de couleur ou indécents ; l'âge nécessaire pour les ordres : dix-huit ans pour le sous-diaconat, vingt pour le diaconat et vingt-cinq pour la prêtrise. Point de voix au chapitre pour les chanoines, s'ils ne prennent l'ordre attaché à leur prébende.
Dans le titre 5 du cinquième livre touchant les usures, Clément V condamne comme coupables d'hérésie ceux qui assureraient avec opiniâtreté que l'usure n'est point péché.
Dans le premier chapitre du titre 9, au livre cinq des Clémentines, on enjoint aux ordinaires d'avertir les juges de ne pas refuser les sacrements de pénitence et d'eucharistie aux coupables condamnés à mort, et même de les contraindre, s'il le faut, par les censures à les accorder.
Le second chapitre du titre 3 dans le premier livre règle la juridiction des cardinaux, le saint-siège vacant. Ils n'ont pas celle du pape ; mais ils peuvent pourvoir aux charges de camérier et de pénitencier en cas de mort.
Le chapitre unique du titre 16 dans le livre troisième contient la bulle de l'institution de la fête du Saint-Sacrement par Urbain IV, confirmée par Clément V.
La Clémentine Inter sollicitudines, l. IV, tit. 1 de Magist. c. 1, ordonne qu'on enseigne publiquement les langues orientales ; qu'on établisse deux maîtres pour l'hébreu, deux pour l'arabe, et autant pour le chaldéen ; et cela à Bologne, à Paris, à Salamanque, à Oxford et dans les lieux où résiderait la cour romaine. Ce règlement fut fait à la sollicitation du célèbre Raimond Lulle. Hist. de l'Egl. gall. ; Anal. des Conciles.