Commentaire de l'article 7 : Différence entre versions

De Salve Regina

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Loi et principes
Auteur : P. Réginald Héret, O.P.
Source : Extrait du livre La Loi scoute
Date de publication originale : 1922

Difficulté de lecture : ♦ Facile

Le Scout obéit sans réplique et ne fait rien à moitié

L'OBEISSANCE

Obéir à la Volonté suprême, c'est la seule façon pour l'homme d'être vraiment grand. Cette volonté nous est exprimée, manifestée dans les détails par tous ceux qui ont sur nous une autorité légitime.

Le Scout obéit librement. Il fait sienne la volonté de ses chefs. Puisqu'il est meilleur que nous, plus grand, le chef nous fait grandir et c'est notre intérêt de lui obéir. En refusant, nous ne ferions jamais de progrès.

Nous ne ferions rien du tout, d'ailleurs. La vie scoute ne peut être efficace et heureuse que si chacun remplit bien son rôle. L'esprit de désobéissance amène le désordre, les querelles, une foule de maux.

En réalité, ce n'est qu'à Dieu que nous obéissons en obéissant à notre chef. Si notre chef cessait lui-même de s'accorder avec la Volonté souveraine de Dieu, il ne pourrait plus réclamer notre obéissance. Mais cela n'arrivera jamais et il ne doit pas nous être si difficile de reconnaître dans sa volonté une volonté plus sage que la nôtre et par conséquent plus divine.

Un Scout fait du travail fini. Pour éviter la légèreté, la nonchalance, la lassitude devant certaines tâches, il faut une fois de plus comprendre l'importance de l'effort courageux sous forme de patience pour supporter les peines, de persévérance pour aller jusqu'au bout de sa tâche, de longanimité pour savoir attendre longtemps les résultats, de constance pour tenir tant qu'il faudra.

"Que Dieu laisse l'homme aux mains de son propre conseil, ce n'est pas à dire qu'il lui soit loisible de faire tout ce qu'il veut. Cela signifie qu'il n'est pas contraint à faire ce qu'il doit par une nécessité aveugle, comme le sont les êtres sans raison, mais qu'il s'y détermine par son libre choix, en être intelligent, et tout de même qu'il ne doit prendre une décision quelconque qu'après une délibération de sa raison à lui, de son propre conseil, ainsi doit-il procéder pour obéir à ses chefs."

Docilité n'est pas sottise, docilité n'est pas veulerie. Nous avons déjà dit que les chefs doivent se souvenir qu'ils s'adressent à des personnes qui ont leur légitime dignité. Pour elles comme pour tous, obéir c'est tout le contraire d'annihiler sa volonté personnelle. C'est l'employer, cette volonté, à accueillir la volonté d'un autre et finalement à "se mouvoir soi‑même", selon l'expression de Saint Thomas. Sous prétexte de discipline, supprimerions-nous ce qui fait toute notre noblesse humaine ?

Personne n'en est plus éloigné que notre Maître qui voit dans notre liberté le point par où nous sommes esprit et proches de Dieu, Il nous répète que toute soumission, toute humiliation n'est pas louable. "L'humilité, pour être vertueuse, doit être discrète. Si, sous prétexte d'humilité, vous faites n'importe quoi, tout ce qu'on vous demande d'abject, uniquement parce qu'on vous le demande, c'est de la sottise. jamais un homme ne doit déchoir de cette altitude d'âme qui est d'un magnanime!'

Mais il y a obéissance et obéissance. Celle du Christ, notre Chef, était grandement vertueuse. N'a-t-il pas été obéissant à son Père jusqu'à la mort, la mort de la croix, et en même temps éminemment libre ?

Et justement la grandeur d'une pareille obéissance ne venait-elle pas de sa souveraine liberté ?

"C'est qu'il y a deux espèces de contrainte : l'une qui est violente, qui s'impose sans ménagement et comme du dehors à une volonté récalcitrante. C'est le cas d'une obéissance forcée, de quelqu'un qu'on fouette et qui agit comme un esclave, sans comprendre, sans accepter et sans vouloir." Il est évident que tel n'est pas notre idéal et qu'au contraire une telle contrainte diminue beaucoup la valeur morale des actes qu'elle provoque.

"Une autre espèce de contrainte provient non plus d'un principe étranger et hostile, mais d'une inclination intérieure, et celle-là, loin de diminuer la valeur d'un acte de vertu, l'accroît au contraire parce qu'elle pousse la volonté à tendre avec plus d'intensité vers cet acte. Il est en effet manifeste qu'une vertu est d'autant plus parfaite qu'elle applique avec plus de véhémence la volonté au bien, et qu'elle l'y retient plus fortement. A la limite, il y aura une espèce de nécessité de bien agir, comme c'est le cas des bienheureux qui ne peuvent plus pécher. Ils n'ont pas pour cela moins de liberté, au contraire."

Nous demandons à nos Scouts cette vertu d'obéissance. Qu'ils accueillent la volonté de leurs chefs comme une volonté amie dont le désir est de les faire grandir, de les amener plus haut qu'ils ne pourraient jamais monter s'ils étaient seuls. Puisqu'au jour de leur Promesse ils se sont donnés au Bien, qu'ils aient donc pour tout ce qui peut les rapprocher du Bien cette inclination spontanée qui est le principe de toute docilité et de tout loyalisme. "L'obéissance rend la volonté prompte et toujours prête à accomplir la volonté du chef."

Évidemment, qui obéit ainsi, vertueusement, le fait sans réplique.

D'autant que cette volonté du chef, si elle est correcte, n'est elle-même qu'un intermédiaire. Il n'est, le chef, que le remplaçant, le porte-parole, de la volonté suprême à qui seule va notre soumission. Nous n'obéirions pas à un homme s'il n'était le représentant de Dieu et nous ne voulons reconnaître son autorité que pour autant que nous voyons en elle l'autorité même de notre créateur. "Nous voyons dans l'univers que les agents les plus élevés, ceux dont l'influence est la plus vaste, sont à l'égard des autres comme les représentants de la Providence qui, par eux, régit tout. Ainsi, dans le monde humain, les plus élevés meuvent les inférieurs à leur fin par une autorité qui est dans le plan divin. Ce qui est dans un cas loi de la nature, propriétés physiques, est dans l'autre cas raison et volonté, et ce qui s'appelle id mouvoir s'appelle là commander. Pas plus que la terre ne peut se passer du soleil, l'enfant ne peut davantage se passer de l'éducateur et s'il refuse de lui obéir, c'est à lui-même qu'il porte préjudice."

"On obéit à son chef par une nécessité de justice comme un corps physique obéit à son moteur par une nécessité de nature. Deux raisons peuvent cependant s'opposer à ce qu'un agent naturel suive l'impulsion d'un autre. Premièrement, l'empêchement apporté par un agent contraire et plus efficace, comme l'eau éteint le feu qui allait consumer la paille. Deuxièmement, le manque de lien entre le moteur et le mobile qui ne lui est soumis que par rapport à certains effets, comme le sang à la chaleur interne, à un certain degré seulement et en vue de certains résultats."

De même un chef peut être récusé à cause d'une autorité prééminente, comme par exemple le chef de patrouille par l'autorité du chef de troupe ou le chef mauvais par l'autorité du chef suprême, ce qui faisait dire aux martyrs : "Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes", ou bien il peut encore être récusé parce qu'il donne un ordre qui n'est pas de sa compétence. On obéit au chef en matière de scoutisme et non en matière de conscience ou de famille.

"L'homme est soumis à Dieu en toutes choses intérieures et extérieures, et ainsi il doit lui obéir en tout. Mais il n'est pas soumis en toutes choses à ses chefs humains, il ne l'est qu'en certaines matières déterminées. Quand à celles-là, oui, notre chef est le représentant, l'intermédiaire de Dieu pour nous, mais quant aux autres, il ne l'est point et nous relevons alors soit d'un autre chef, soit immédiatement de Dieu qui nous instruit par la loi naturelle ou la loi écrite."

On voit si nous sommes loin de la passivité et d'une soumission aveugle. Les créatures raisonnables sont gouvernées pour elles-mêmes et les créatures sans raison, au contraire, pour les raisonnables. "A aucun moment la raison, l'Intelligence, la prudence humaine ne doivent abdiquer." Un Scout obéit, mais comme un homme libre qui ne se soumet en réalité qu'à Dieu et qui, s'il accepte l'autorité d'un autre homme le fait ayant réfléchi que cet homme est pour lui l'organe de la divine volonté et l'intermédiaire de son progrès. Dès lors il obéit avec empressement, car quoi de plus pressé que de devenir meilleur; avec joie, car quel bonheur plus doux que de grandir; avec abnégation, car quel sacrifice refuserait-on pour avoir une vie plus belle ? La discipline est la condition de la vraie liberté. Quand on s'est une fois soumis à ces lois inéluctables de la vie humaine, humblement, en hommage à notre Créateur très aimant, on est libre pour secouer toutes les autres servitudes. Ce qui fait que beaucoup ne sont pas libres ou ne le sont que dans les mots, c'est qu'ils acceptent une foule d'esclavages, de conventions, de tyrannies qui portent un nom plus ou moins élégant, mais qui sont autant de chaînes qu'ils n'osent pas ou ne savent pas ou ne veulent pas briser.

Notre liberté est en nous. Soyons assez fiers pour la revendiquer comme notre bien sacré, une fois faite notre soumission nécessaire à Celui qui seul est digne que nous lui fassions hommage.

Ce n'est pas l'usage, aujourd'hui, de faire du travail fini. Nous sommes gens pressés, trépidants et nous voudrions déjà avoir achevé quand notre œuvre vient seulement de commencer. Nous manquons de patience. Nous ne sommes pas cet homme qui possède son âme, selon la parole de l'Écriture.

Cet article ramène nos Scouts à plus de maîtrise d'eux-mêmes. Les vertus qui sont requises pour qu'ils ne fassent rien à moitié sont toutes dépendantes de la force d'âme.

C'est d'abord la patience proprement dite qui nous met en mesure de supporter les maux sans nous laisser accabler par la tristesse. On voit tout de suite son importance, étant donné que la tristesse est particulièrement efficace contre la raison, puissante pour déprimer et comme anéantir nos forces.

C'est ensuite la longanimité, c'est-à-dire patience à longue échéance, patience qui est faite d'expectative, soutenant des maux présents, en faveur des résultats lointains, absents et problématiques. Ce n'est pas facile.

C'est la persévérance. Quand le travail demandé est difficile ou important, la volonté se fatigue vite, surtout si elle est jeune. Une âme forte tient le coup, si j'ose dire, jusqu'au bout. S'arrêter, c'est témoigner d'une âme légère qui ne tient pas beaucoup à ce qu'elle fait et par conséquent d'une âme vulgaire. Un Scout achève ce qu'il a entrepris "Le Chevalier tient jusqu'à la victoire complète et le généreux ne quitte point son œuvre à moitié faite."

C'est enfin la constance, courage particulier qui supporte les accidents survenus dans les cours de l'action. Ce n'est pas tout que de tenir jusqu'à la fin, encore faut-il ne pas se décourager quand surviennent les difficultés imprévues, les abandons, les oublis, les fautes de ceux qui travaillent avec nous. Contre cela aussi, nos Scouts doivent se cuirasser.

Faute de ces quatre vertus, sûrement ils feront tout à moitié. Ne les laissons point, nos chers enfants, tomber dans ce vice qui est, au fond, la cause de tous les lâchages : la mollesse. Saint Thomas entend par là une lâcheté en face du Bien par un goût, une habitude excessive des plaisirs dont on ne peut se passer. L'habitude des voluptés ou une complexion particulièrement faible sont la cause d'une telle mollesse. Un être viril sait renoncer au jeu, renoncer au repos, renoncer aux douceurs quand il le faut. Un chevalier sait se priver. Et l'on voit ainsi l'importance du dixième article pour soutenir l'effort vertueux que requiert une obéissance complète et sans réplique.

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