Commentaire de l'article 8
De Salve Regina
Loi et principes | |
Auteur : | P. Réginald Héret, O.P. |
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Source : | Extrait du livre La Loi scoute |
Date de publication originale : | 1922 |
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Difficulté de lecture : | ♦ Facile |
Le Scout est maître de soi : il sourit et chante dans ses difficultés
LA FORCE
Le Scout n'est pas mené, il est maître de sa vie. C'est un fort, également capable d'attaquer quand il faut, et de tenir, de résister sans se lasser tant que c'est nécessaire.
Il ne se laisse pas accabler par les peines, car ce serait un déshonneur.
Les difficultés, les souffrances sont aux mains de Dieu un procédé d'éducation. Notre persévérance et notre patience d'endurer attestent la puissance de notre amour ; souffrir pour un bien l'enracine en nous et nous le rend plus cher.
Sans doute, il peut y avoir des épreuves cruelles, mais le Scout ne cherche qu'à faire le plaisir, la volonté de Dieu. Il n'est donc jamais déçu. Il n'y a pas de déceptions pour ceux qui sont assurés de la tendresse de Dieu.
La vie scoute n'est qu'un grand jeu, une fête, une joie perpétuelle.
Rechercher avec audace, avec courage, les occasions d'efforts pour tirer de soi-même, de sa vie, tout ce qu'on peut tirer. La difficulté, les choses qui craquent, les obstacles, c'est un besoin pour une âme noble. Alors on donne sa mesure.
Se sentir grandir, c'est la meilleure des joies. On se purifie aux rudes besognes, à l'action virile, aux généreux sacrifices. Qui ne connaît pas cette haute jouissance ne sait ce que c'est vivre.
Goûter aussi les joies les plus modestes à portée de sa main, la lumière, la nature, l'art, le caractère de nos frères, tout !
Partager son bonheur, il y en a tant qui ne savent qu'attrister ou décourager ! Un Scout dans une compagnie, c'est de la joie, de la chanson et du soleil.
Comment ne pas penser tout de suite à l'exhortation si belle de Saint Paul : "Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur, oui, je vous le répète, réjouissez-vous ! Que votre modération soit manifeste à tous, car le Seigneur est proche."
Voici comment le Docteur Angélique commente ce conseil : "Mais oui, la joie doit être l'état d'âme constant du chrétien puisqu'il a trouvé le trésor caché, la perle précieuse, le secret de la vie humaine. Qui peut être heureux, sinon celui qui se sent en possession d'une vie qui va sans cesse en s'épanouissant ? Le fruit de la vie humaine, c'est le bonheur. De la vie humaine, disons-nous, car l'homme ne peut pas goûter de joie véritable que si elle est le contentement d'avoir trouvé l'authentique bien humain, qui n'est rien de créé, mais Dieu même. C'est pourquoi l'Apôtre dit : dans le Seigneur. Elle est donc le fruit d'une existence vertueuse. Elle sera continuelle si le péché ne vient pas l'interrompre. Je sais bien que les déceptions sont là pour contrarier nos désirs et entraver nos projets. Ce sont des peines réelles. Mais elles n'atteignent pourtant que la superficie de notre être et on n'a pas à se soucier outre mesure d'événements qui ne sont qu'accessoires. Notre joie est en Dieu. Elle est donc indépendante des événements. D'autant que nous avons bien des sources de bonne humeur chrétienne : joies de l'action, joies de la pensée, joie du bien d'autrui, joie de savoir le Christ incarné, et le reste. L'Apôtre ajoute que notre modération doit être manifeste à tous, parce que la joie Chrétienne n'est pas une effervescence sans retenue, comme celle du monde. Mais notre vie doit être tellement réglée, si harmonieusement, que personne n'en soit choqué, et tous, au contraire, charmés."
Sait-on que la bonne humeur est un précepte chrétien ? Agir sans tristesse est un commandement de la loi divine parce que celui qui accomplit tristement un acte de vertu prouve qu'il ne veut pas vraiment ce qu'il accomplit. "Il le fait, oui, parce qu'il ne veut pas vraiment ce qu'il accomplit. "Il le fait, oui, parce qu'il est bien obligé, mais à contrecœur Et nous savons que le but de la Loi c'est de nous amener à le faire volontiers. Donc, agir sans tristesse. Mais de même agir avec joie, avec bonne humeur tombe aussi d'une certaine manière sous le précepte divin Qu'est-ce que c'est, en effet, que Dieu ? C'est le grand Rémunérateur, c'est le juge qui estime à leur prix les actions des hommes. il ne peut récompenser que ce qui en est digne et c'est seulement les actes de vertu qui sont dignes de récompense."
"Or, il y a deux choses dans un acte de vertu : l'acte lui-même et la volonté d'où il part. Si, dans un acte donné, vous ne trouvez pas que ces deux éléments soient corrects, ne me dites pas que c'est un acte de vertu. Par exemple, celui-là n'est pas un juste véritable qui rend bien, à la vérité, aux autres ce qu'il leur doit, mais qui ne le fait que malgré lui et par contrainte. Pour les hommes qui ne jugent que d'après les apparences, il suffit que justice soit ainsi faite, mais, pour Dieu qui juge les cœurs, il faut encore qu'on agisse de la manière vertueuse, c'est-à-dire volontiers et avec entrain. Ainsi, ce n'est pas seulement celui qui donne que Dieu approuve et récompense, mais celui qui donne en souriant, hilarem datorem, non avec tristesse et à regret."
Qui n'est pas épanoui dans le bonheur n'a pas sa pleine vie ; il n'en a que l'embryon plus ou moins éclos. Quelle est notre tâche, sinon de cultiver ces précieux germes ? " Le but de l'éducation, dit Baden‑Powell est apparemment de former des citoyens craignant Dieu, bien portants, prospères et, par conséquent, heureux… Nous voulons enseigner à nos garçons non seulement à gagner leur vie, mais à vivre, c'est-à-dire, dans le sens le plus élevé du mot, à jouir de la vie."
Rien n'est plus thomiste. L'avons-nous assez dit ? La vertu, c'est une activité heureuse, ferme et décidée qui nous amène non seulement à "être", mais à "être bien", à exister comme un homme dont toutes les tendances profondes sont satisfaites.
Pour favoriser ce progrès, il est bon d'enseigner la valeur tonifiante de la bonne humeur voulue et maintenue au moment même où l'on aurait plutôt envie de pleurer. C'est de la meilleure tradition chrétienne. "Un cœur joyeux, dit le Livre des Proverbes (Ch. XVII), fait la vie en fleurs, tandis qu'une âme triste dessèche les os."
Oui, bonne humeur quand même ! Quand même relever ses coins ! Ne venons-nous pas de dire quelles en sont les raisons ? Il peut y avoir dans une vie scoute des jours cruels. Mais quoi ? Le Scout n'est-il pas un chevalier ? Se pourrait-il que l'héroïsme ne coûtât rien ? Faites votre devoir et remettez à plus tard le succès, à plus tard la louange, non pas celle des hommes peut-être, mais celle de Dieu assurément. Et cela n'est-il pas suffisant à un cœur de Scout ?
Si vous ne le comprenez pas et si vous ne souriez pas, c'est donc que vous n'avez ni but élevé, ni âme grande, c'est donc que vous cherchez la gloriole ou le profit et alors retirez-vous, vous vous êtes trompé. Les nobles âmes vivent une belle vie et attendent le succès, j'entends celui d'ici-bas, par surcroît. Elles travaillent pour que leur vie soit pure, droite et virile, selon le programme des dix Articles, pour que leur vie soit semblable à celle de Jésus, le Chef. Et cela est toujours en leur pouvoir; et cela ne dépend ni des événements ni des hommes. Aussi n'ont-elles point de déceptions. L'amour est au-dessus des déceptions. Vous vous dépensez, vous vous donnez et l'on vous méconnaît et vous ne recevez ni avancement, ni médaille, ni aucun encouragement: ce n'est point une déception pour vous si vous aimez, car l'amour se prouve bien mieux quand on peine uniquement pour le plaisir, le plaisir de l'ami
Du reste, il n'y a pas dans la vie de votre troupe que des contrariétés, il y a aussi des joies. Il faut les savourer. Les combattants savent bien que, pendant la guerre, ils découvraient tout le prix d'humbles choses que la vie courante n'apprécie point, légère et frivole comme elle est. Soyons plus sages. Ne gaspillons point les trésors qui sont à notre portée et que nous ne savons point regarder. Nos frères nous aiment, quoique peut-être ils ne nous le prouvent que bien mal. Nos jeux, nos randonnées, nos camps sont bien amusants. Notre Q.G. est joli et bien décoré.
Pourquoi, oui, pourquoi ne pas jouir de tout cela ?
Mais ce qui est plus que tout joyeux, c'est cet épanouissement magnifique que donne à nos âmes la vie scoute de France. Le sentiment de l'altitude dans la montagne, celui de l'immensité en mer excitent dans l'âme une bienfaisante ivresse. Ainsi notre grand dessein.
Comment ne serions-nous pas dans un état permanent de joie ? Un Scout s'en prend aux grandes forces de la nature pour se mesurer avec elles et les vaincre. Son âme virile s'entraîne à braver les dangers. Le Scout est de la race du dernier de nos chevaliers qui, dans sa vie courte et vibrante de jeunesse, les guide vers les hauteurs du sacrifice total à une cause. Comme Guynemer, il est celui qui "fait face". Son esprit est un esprit de guerre qui ne marchande pas le don de soi qui prétend tenir et avancer constamment. Son âme est une âme enthousiaste, à la fois libre et heureuse, d'une liberté et d'un bonheur que ne savent ni les timides ni les prudents.
De là à une autre et suprême source de joie, il n'y a pas loin. Le Scout a choisi de porter sa croix, comme son Maître. Mais ce renoncement l'enrichit plus que la poursuite effrénée du plaisir.
Il perd le confort d'une vie mondaine et capricieuse, mais c'est pour trouver combien plus ! Quand on ne poursuit que l'honneur ; quand on travaille bien, qu'on obéit bien, qu'on fait chaque jour sa B.A., qu'on est pur, qu'on se tient en la présence de Dieu, on est comme cette mère dont parlait N.S., qui est tellement heureuse de ce qu'un homme est né qu'elle ne se souvient plus de sa douleur. Avoir grandi, être devenu plus homme, s'être rapproché de Dieu, de "qui on accède non par des pas du corps, mais par un progrès d'âme", voilà la récompense de l'effort. Pas de vertu sans accroissement et pas d'accroissement sans joie.
Cette joie, enfin, partageons-la avec les autres. "Le cœur du sage est dans la maison de deuil", dit l'Ecclésiaste. Cela ne veut pas dire qu'il apporte la tristesse avec lui, puisqu'au contraire l'Apôtre nous dit : "Su tu contristes ton frère, tu n'es pas dans la charité", mais cela signifie qu'il apporte la consolation. C'est, en effet, le rôle du sage qui goûte une joie trop haute pour que le vulgaire la soupçonne seulement, qui n'est pas à la portée de beaucoup ; c'est son rôle d'apporter du plaisir à ses compagnons, du plaisir, dis-je, non pas impertinent, que la vertu réprouve, mais de l'agrément selon l'honneur. "Voyez, dit le Psaume, comme il est bon et agréable pour des frères d'habiter ensemble."