Encyclique Firmissimam Constantiam

De Salve Regina

Révision datée du 14 mai 2014 à 18:41 par Abbé Olivier (discussion | contributions) (Page créée avec « {{Infobox Texte | thème = Histoire de l'Eglise | auteur = Pie XI | source = | source web ... »)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)

Histoire de l'Eglise
Auteur : Pie XI
Date de publication originale : 28 mars 1937

Résumé : Encyclique sur la situation de la religion catholique au Mexique, dans le contexte de la persécution qui a suivi les "Arreglos" de 1929 et l'épisode de la révolte des Cristeros.
Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen
Remarque particulière : Cette encyclique manifeste la position officielle des évêques, et montre le fossé qui la sépare de la réalité du martyre vécu par des milliers de catholiques... et sans doute aussi la pauvreté de l'information dont disposait Pie XI à l'époque !

Firmissimam Constantiam

Lettre encyclique[1] de Pie XI


Aux vénérables archevêques, évêques et autres ordi­naires des lieux des Etats Fédérés du Mexique, en paix et en communion avec le Saint-Siège :


Sur la situation de la religion catholique au Mexique[2]


PIE XI, PAPE


VÉNÉRABLES FRÈRES, SALUT ET BÉNÉDICTION APOSTOLIQUE.


Nous savons très bien, Vénérables Frères, et c’est pour Notre cœur paternel un grand motif de consolation, avec quelle cons­tance vous, vos prêtres et la majeure partie de vos fidèles mexicains, vous professez ardemment la foi catholique et résistez aux injonctions de ceux qui, ignorant l’excellence divine de la religion de Jésus-Christ ou ne la connaissant qu’à travers les calomnies de ses ennemis, croient faussement ne pouvoir réaliser des réformes favorables au peuple qu’en combattant la religion de la grande majorité des citoyens.

Cependant, les ennemis de Dieu et de Jésus-Christ sont malheureusement parvenus à attirer aussi un grand nombre de tièdes et de peureux qui, tout en adorant Dieu dans le fond de leur conscience, coopèrent toutefois, au moins matériellement, soit par respect humain, soit par crainte des maux terrestres, à la déchristianisation d’un peuple qui doit à la religion ses plus belles gloires.

En face de telles apostasies et de telles faiblesses qui Nous affligent profondément, Nous apparaissent d’autant plus louables et méritoires la résistance au mal, la pratique de la vertu chré­tienne et la franche profession de foi de ces très nombreux fidèles que vous, Vénérables Frères, et avec vous votre clergé, éclairez et guidez avec une sollicitude pastorale qui n’a d’égal que le magnifique exemple de votre vie. Tout cela Nous réconforte au milieu de Nos amertumes et Nous fait espérer des jours meil­leurs pour l’avenir de l’Eglise mexicaine, laquelle, revigorée par tant d’héroïsme et soutenue par les prières et les sacrifices de tant d’âmes choisies, ne peut périr ; bien mieux, doit refleurir avec l’aide de Dieu plus vigoureuse et plus prospère.

C’est précisément pour raviver votre confiance en l’aide divine et pour vous encourager à persévérer dans la pratique d’une vie chrétienne et fervente que Nous vous adressons la présente lettre, et profitons de celte occasion pour vous rappeler que, dans les circonstances et difficultés actuelles, les moyens les plus efficaces pour une restauration chrétienne sont, même parmi vous, avant tout la sainteté des prêtres, et en second lieu la formation des laïques, formation si appropriée et si soignée qu’elle les rende capables de coopérer fructueusement à l’apostolat hiérarchique, choses si nécessaires au Mexique, en raison de l’étendue de son territoire et des autres conditions, bien connues de vous tous, dans lesquelles se trouve ce pays.


Formation à la sainteté des futurs prêtres.

C’est pourquoi Notre pensée se porte tout d’abord sur ceux qui doivent être la lumière qui éclaire, le sel qui conserve, le bon ferment qui pénètre la masse entière des fidèles, c’est-à-dire sur vos prêtres.

En vérité, Nous savons déjà avec quelle ténacité et au prix de quels sacrifices vous veillez au choix et au développement des vocations sacerdotales, au milieu de toutes sortes de difficultés, intimement persuadés que vous résolvez ainsi un problème vital — bien plus, le plus vital de tous les problèmes relatifs à l’avenir de cette Église. Etant donné l’impossibilité quasi absolue d’avoir actuellement dans votre patrie des Séminaires bien organisés et tranquilles, vous avez trouvé pour vos clercs, en cette Ville Eter­nelle, un refuge ample et affectueux dans le Collegio Pio Latino-Americano, lequel a formé et continue de former à la science et à la vertu tant de dignes prêtres et qui, en considération de son inappréciable activité, Nous est particulièrement cher. Cependant, comme il vous, est presque impossible en de très nombreux cas d’envoyer des élèves à Rome, vous vous êtes vivement préoccupés de leur procurer un refuge en recourant à l’hospitalité d’une grande nation voisine.

En vous félicitant d’une si louable initiative qui s’est convertie déjà en consolante réalité, Nous exprimons à nouveau Notre gratitude à tous ceux qui vous ont si généreusement donné aide et hospitalité.

A ce propos, Nous rappelons avec une paternelle insistance Notre volonté expresse que l’on fasse connaître et que l’on explique comme il convient, non seulement aux clercs, mais à tous les prêtres, Notre Encyclique Ad Catholici Sacerdotii, laquelle expose Notre pensée en cette matière, la plus grave et la plus transcendante de toutes les matières graves et transcen­dantes traitées par Nous.


Formation des laïques à l’apostolat dans l’Action catholique.

Ainsi formés suivant le Cœur de Jésus-Christ, les prêtres mexi­cains comprendront que dans les conditions actuelles où se trouve leur patrie — conditions dont Nous avons déjà parlé en Notre lettre apostolique Paterna sane sollicitudo, en date du 2 février 1926, et qui sont si semblables à celles des premiers temps de l’Eglise, alors que les apôtres recouraient à la colla­boration des laïques, — il serait très difficile de reconquérir à Dieu tant d’âmes égarées sans le secours providentiel qu’ap­portent les laïques, grâce à l’Action catholique. D’autant plus que, parmi ces laïques, la grâce prépare parfois des âmes géné­reuses prêtes à déployer la plus fructueuse activité, s’ils ren­contrent un clergé savant et saint qui sache les comprendre et les guider.

Nous adressons donc aux prêtres mexicains qui ont voué toute leur vie au service de Jésus-Christ, de l’Eglise et des âmes, ce premier et plus chaleureux appel, afin qu’ils consacrent leur acti­vité à seconder Notre sollicitude et la vôtre pour le dévelop­pement de l’Action catholique, en y employant leurs meilleures énergies et leur zèle le plus avisé.

Les méthodes d’une efficace collaboration des laïques à votre action dans l’apostolat ne failliront pas si les prêtres s’appliquent avec empressement à cultiver le peuple chrétien suivant une sage direction spirituelle, en lui donnant une instruction religieuse soignée non diluée en de vains discours, mais nourrie de saine doctrine puisée dans les Saintes Ecritures et pleine d’onction et de force.

Il est vrai que tous ne comprennent pas tout à fait la néces­sité de ce saint apostolat des laïques, bien que, dès Notre pre­mière Encyclique Urbi Arcano Dei, Nous ayons déclaré qu’il fait partie indiscutablement du ministère pastoral et de la vie chrétienne.

Mais parce que, ainsi que Nous l’avons déjà signalé, Nous Nous adressons à des pasteurs qui doivent reconquérir un troupeau si éprouvé et parfois si dispersé, Nous, vous recommandons plus que jamais de vous servir de ces laïques auxquels, comme à la pierre vive de la sainte Maison de Dieu, saint Pierre attribuait une dignité secrète, qui les fait participer d’une certaine manière à un sacerdoce saint et royal.

En effet, tout chrétien conscient de sa dignité et de sa respon­sabilité en tant qu’enfant de l’Eglise et membre du Corps mys­tique de Jésus-Christ — multi unum corpus sumus in Christo, singuli autem alter alterius membra — ne peut pas ne pas recon­naître qu’entre tous les membres de ce corps il doit exister une communication réciproque de vie et la solidarité des intérêts.

De là les obligations de chacun de nous dans l’ordre de la vie et du développement de tout l’organisme, in ædificationem Cor­poris Christi ; de là aussi l’efficace contribution de chaque membre à la glorification de la tête et de son Corps mystique.


Application aux œuvres sociales.

Quelles consolantes conséquences, quelles lumineuses orienta­tions découlent de ces principes clairs et simples pour tant d’âmes, indécises il est vrai et vacillantes, mais désireuses d’orienter leurs ardentes activités ! Quelles impulsions eu vue de contribuer à la diffusion du Royaume du Christ et au salut des âmes !

D’autre part, il est évident que l’apostolat ainsi entendu ne provient pas d’une tendance purement naturelle à l’action, mais qu’il est le fruit d’une solide formation intérieure, l’expansion, nécessaire d’un amour intense pour Jésus-Christ el les âmes, rachetées au prix de son précieux sang, qui les porte à imiter sa vie de prière, de sacrifice, de zèle inlassable.

Cette imitation de Jésus-Christ suscitera une multitude de formes d’apostolat dans les différents domaines où les âmes sont en danger et où périclitent les droits du divin Roi ; elle s’étendra à toutes les formes d’apostolat qui, d’une façon quelconque, cadrent avec la mission divine de l’Eglise, et par conséquent pénétrera non seulement dans l’âme de chaque individu, mais encore dans le sanctuaire de la famille, dans l’école et même dans la vie publique.

Cependant la grandeur de l’œuvre ne doit pas faire que vous vous préoccupiez davantage du nombre que de la qualité des collaborateurs. Conformément à l’exemple du divin Maître qui voulut qu’une large préparation précédât ses quelques années seulement de labeur apostolique, et qui se borna à ne former au sein du Collège apostolique que peu de membres, mais dont il fît des instruments choisis pour la future conquête du monde, vous devez, vous aussi, Vénérables Frères, rechercher avant tout la formation surnaturelle de vos directeurs et propagandistes, sans trop vous préoccuper ni vous affliger de ce qu’ils constituent dans le commencement un pusillus grex.

Et parce que Nous savons que vous travaillez animés de ce sentiment, Nous vous exprimons Notre satisfaction de ce que vous avez déjà scrupuleusement choisi et diligemment formé de bons collaborateurs qui, à la fois par la parole et par l’exemple, apporteront le ferment de la vie et de l’apostolat chrétien dans les diocèses et les paroisses.

Ce travail, le vôtre, s’accomplira solide et profond, loin de la publicité et du bruit, ennemi des méthodes tapageuses, sachant se dérouler actif et silencieux, bien que le fruit se fasse attendre et ne soit pas très brillant, à la façon de la semence qui, au sein de la terre, prépare dans un repos apparent la nouvelle plante vigoureuse.

Par ailleurs, la formation spirituelle et la vie intérieure que vous suscitez en vos collaborateurs les mettront en garde contre les dangers et les égarements possibles. En ayant devant les yeux la fin dernière de l’Action catholique qui est la sanctification des âmes, suivant le précepte évangélique Quaerite primum regnum Dei, on ne courra pas le danger de sacrifier les principes aux buts immédiats et secondaires et l’on n’oubliera jamais que l’on doit aussi subordonner à cette fin dernière les œuvres sociales et économiques et les initiatives charitables.

Notre-Seigneur Jésus-Christ nous l’a enseigné par son exemple, car même lorsque dans l’ineffable tendresse de son divin Cœur qui lui faisait crier : Misereor super turbam si dimiscro ieiunos in domum suam, deficient in via, il guérissait les infirmités du corps et remédiait aux nécessités temporelles, jamais il ne perdait de vue la fin ultime de sa mission, c’est-à-dire la gloire de son Père et le salut éternel des âmes.

C’est pourquoi elles ne sont pas en dehors de l’activité de l’Action catholique, les œuvres dites sociales, en tant qu’elles visent à la réalisation des principes de la justice et de la charité et en tant qu’elles sont des moyens de gagner les multitudes, car bien souvent l’on n’arrive aux âmes qu’en soulageant les misères corporelles et les nécessités d’ordre économique. C’est pourquoi Nous-même, ainsi que l’avait déjà fait Notre prédécesseur de sainte mémoire Léon XIII, Nous les avons recommandées bien des fois. Cependant, même si l’Action catholique a le devoir de préparer des personnes aptes à diriger de telles œuvres, de signaler les principes qui doivent les orienter et de donner des ­directives et des règles puisées dans les enseignements mêmes de Nos Encycliques, elle ne doit pas, cependant, assumer la res­ponsabilité de la partie purement technique, financière ou éco­nomique, qui est en dehors de sa compétence et de sa fin.

En face des fréquentes accusations lancées contre l’Eglise à qui on reproche de se désintéresser des problèmes sociaux ou d’être incapable de les résoudre, ne cessez de proclamer que seules la doctrine et l’action de l’Eglise, qui est assistée par son divin Fondateur, peuvent apporter le remède aux maux très graves qui affligent l’humanité.

A vous, par conséquent, il incombe d’appliquer — ainsi que vous le faites déjà — ces principes féconds, afin de résoudre les graves questions sociales qui troublent aujourd’hui votre patrie, comme par exemple le problème agraire, la réduction des grandes propriétés, l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et de leurs familles.

Rappelez-vous que tout en voulant toujours sauvegarder l’es­sence des droits primordiaux et fondamentaux, tel le droit de propriété, le bien commun impose parfois des restrictions à ces droits et un recours plus fréquent que dans le passé à l’appli­cation de la justice sociale. Dans certaines circonstances, pour protéger la dignité de la personne humaine, il faut dénoncer hardiment des conditions de vie injustes et indignes, mais en même temps il sera nécessaire de se garder aussi bien de légi­timer la violence sous prétexte de porter remède aux maux des masses, que d’admettre et de favoriser certains changements des conditions séculières de la société, qui peuvent provoquer des effets plus funestes que le mal même auquel on voulait remédier.


en faveur de l’ouvrier,

Cette intervention dans la question sociale vous fournira l’oc­casion de vous occuper avec un zèle particulier du sort de tant de pauvres ouvriers, si facilement victimes de la propagande de déchristianisation, trompés par le mirage des avantages écono­miques que l’on met devant leurs yeux comme prix de leur apos­tasie de Dieu et de la Sainte Eglise.

Si vous aimez véritablement l’ouvrier — et vous devez l’aimer, puisque, par sa condition, il ressemble plus que tout autre au divin Maître, — il vous faut lui prêter assistance matérielle et religieuse. Assistance matérielle en faisant en sorte que s’accom­plisse en sa faveur non seulement la justice commutative, mais aussi la justice sociale, c’est-à-dire qu’il bénéficie de toutes ces institutions qui visent à améliorer la condition du prolétariat ; et assistance religieuse, en lui assurant les secours de la religion sans lesquels il vivra plongé dans un matérialisme qui l’abrutit et le dégrade.


du paysan,

Non moins grave et non moins urgent est l’autre devoir, celui de l’assistance religieuse et économique aux paysans et, en général, à cette partie considérable de Mexicains, vos fils, la plu­part cultivateurs, qui forment la population indigène. Ce sont des millions d’âmes rachetées par le Christ, confiées par lui à vos soins et dont, un jour, il vous demandera compte ; ce sont des millions d’êtres humains qui, fréquemment, vivent dans une con­dition si triste et si misérable qu’ils ne jouissent même pas de ce minimum de bien-être indispensable pour conserver la dignité humaine. Nous vous conjurons, Vénérables Frères, par les entrailles de, Jésus-Christ, d’avoir un soin particulier de ces fils, d’exhorter votre clergé à s’y consacrer avec un zèle toujours plus ardent, et de faire que toute l’Action catholique mexicaine s’in­téresse à cette œuvre de rédemption morale et matérielle.


des émigrés mexicains,

Nous ne pouvons négliger de rappeler ici un devoir dont l’im­portance va toujours croissant en ces dernières années : le soin des Mexicains émigrés qui, arrachés à leurs terres et à leurs traditions, deviennent plus facilement la proie de l’insidieuse pro­pagande de ces émissaires qui veulent les amener à apostasier leur foi.

Un accord avec vos frères zélés des Etats-Unis d’Amérique aura pour résultat une assistance plus diligente et mieux organisée de la part du clergé local, et assurera aux émigrés mexicains les bienfaits de ces institutions économiques et sociales tant déve­loppées parmi les catholiques des Etats-Unis.


des étudiants : instruction religieuse sérieuse,

Si l’Action catholique ne peut manquer de se préoccuper des classes plus humbles et plus nécessiteuses, des ouvriers, des pay­sans, des émigrés, elle a aussi dans d’autres domaines des devoirs non moins imprescriptibles : elle doit, entre autres, s’occuper avec une sollicitude toute particulière des étudiants qui un jour, leurs études terminées, exerceront une grande influence dans la société et peut-être rempliront aussi des fonctions publiques. A la pratique de la religion chrétienne, à la formation du caractère, qui sont des principes fondamentaux pour les fidèles, il faut ajouter pour les étudiants une éducation spéciale et soignée, ainsi qu’une préparation intellectuelle basée sur la philosophie chré­tienne, c’est-à-dire sur la philosophie qui, avec tant de vérité, porte le nom de « philosophie éternelle ». Aujourd’hui, en effet — étant donné la tendance toujours plus généralisée de la vie moderne à l’extériorité, la répugnance et la difficulté pour la réflexion et le recueillement, et la propension, dans les pratiques religieuses elles-mêmes, à se laisser guider par le sentiment plus que par la raison, — l’instruction religieuse, solide et complète, est plus nécessaire que jamais.

Nous désirons ardemment que se réalise parmi vous, au moins dans la mesure du possible et en adaptant l’instruction aux con­ditions particulières, aux nécessités et aux possibilités de votre patrie, ce qu’accomplit d’une façon si louable l’Action catholique dans d’autres pays pour la formation culturelle, afin que l’ins­truction religieuse ait la primauté intellectuelle parmi les étu­diants et les professeurs catholiques.

Les jeunes universitaires qui travaillent à l’Action catholique Nous font concevoir de grandes espérances pour un avenir meil­leur du Mexique, et Nous sommes sûr qu’ils ne décevront pas Nos espérances. Il est évident qu’ils font partie, et c’est une partie importante, de cette Action catholique qui Nous tient tant à cœur, quelles que soient leurs formes d’organisations, lesquelles dépendent la plupart du temps de conditions et de circonstances locales et varient de région à région. Ces universitaires non seu­lement forment, ainsi que Nous venons de le dire, la plus ferme espérance en un lendemain meilleur, mais des maintenant ils peuvent rendre des services effectifs à l’Eglise et à la patrie, soit par l’apostolat qu’ils exercent parmi leurs camarades, soit en fournissant aux diverses branches de l’Action catholique des directeurs capables et bien formés.


des enfants : devoirs négatifs et positifs.

Les conditions particulières de votre patrie Nous obligent d’ap­peler votre attention sur les soins nécessaires, impérieux, impres­criptibles, à donner aux enfants dont l’innocence est attaquée et dont l’éducation et la formation chrétienne sont mises à si dure épreuve. A tous les catholiques mexicains incombent les deux graves obligations suivantes : la première, négative, d’éloigner dans la mesure du possible les enfants de l’école impie et cor­ruptrice ; la seconde, positive, leur procurer une instruction reli­gieuse convenable et l’assistance requise en vue de maintenir leur vie spirituelle. Sur le premier point, si grave et si délicat, Nous avons eu récemment l’occasion de manifester Notre pensée. En ce qui concerne l’instruction religieuse, bien que Nous sachions avec quelle insistance vous l’avez vous-mêmes recommandée à vos prêtres et à vos fidèles, Nous vous répétons cependant que puis­qu’il s’agit actuellement d’un des problèmes les plus importants et les plus capitaux pour l’Eglise mexicaine, il est nécessaire que ce qui se pratique d’une manière si louable dans quelques dio­cèses s’étende à tous les autres, de sorte, que les prêtres et les membres de l’Action catholique s’appliquent avec toute leur ardeur, et sans hésiter devant aucun sacrifice, à conserver pour Dieu et pour l’Eglise ces petits pour lesquels le divin Sauveur a montré une si grande prédilection.

L’avenir des nouvelles générations — Nous le redisons avec toute l’angoisse de Notre cœur paternel — éveille en Nous la plus affectueuse sollicitude et l’anxiété la plus vive. Nous savons à quels dangers l’enfance et la jeunesse se voient exposées aujour­d’hui plus que jamais, mais d’une façon particulière au Mexique, où une presse immorale et antireligieuse dépose dans leurs cœurs la semence de l’apostasie. Pour remédier à un mal si grave et pour préserver votre jeunesse de ces périls, il est nécessaire d’employer tous les moyens légaux et de mettre en œuvre toutes les formes d’organisation, comme par exemple les Ligues des pères de famille, les Comités de moralité et de vigilance relatifs aux publications et les Comités de censure des cinématographes.

Quant à la défense individuelle des enfants et des jeunes gens, Nous savons, par les témoignages qui Nous arrivent du monde entier, que le fait de militer dans les rangs de l’Action catholique constitue la meilleure protection contre les embûches du mal, la plus belle école de vertu et de pureté, l’exercice le plus efficace de force chrétienne. Ces jeunes gens, enthousiasmés par la beauté de l’idéal chrétien, soutenus par l’aide qu’ils puisent dans la prière et les sacrements, se consacreront avec ardeur et allégresse à la conquête des âmes de leurs camarades, recueillant ainsi une con­solante moisson de grands biens.


Activité civile des catholiques mexicains.

Il y a là aussi une nouvelle preuve que devant les graves pro­blèmes du Mexique on ne peut dire que l’Action catholique soit une œuvre d’une importance secondaire. C’est pourquoi, si cette institution, éducatrice des consciences et formatrice des qualités morales, était d’une façon quelconque subordonnée à une autre œuvre extrinsèque, quelle qu’en soit la nature, même s’il s’agissait de défendre les libertés religieuses et civiles, on commettrait une douloureuse erreur, car le salut du Mexique, comme celui de la société humaine tout entière, réside avant tout dans l’éternelle et immuable doctrine évangélique et dans la pratique sincère de la morale chrétienne.

Par ailleurs, urne fois établie cette gradation des valeurs et des activités, il faut admettre que la vie chrétienne a besoin de s’ap­puyer, pour son développement, sur des moyens externes et sen­sibles ; que l’Eglise, pour être une société d’hommes, ne peut exister ni s’étendre si elle ne jouit pas de la liberté d’action et si ses enfants n’ont pas le droit de trouver dans la société civile des possibilités de vivre conformément aux dictamen de leurs consciences.

Il est donc bien naturel que lorsque même les libertés religieuses et civiques les plus élémentaires sont attaquées, les citoyens catholiques ne se résignent pas passivement à renoncer à ces libertés. Cependant, la revendication de ces droits et libertés peut être, suivant les circonstances, plus ou moins opportune, plus ou moins énergique.


Enoncé des principes.

Vous avez rappelé à vos fils plus d’une fois que l’Eglise pré­conise la paix et l’ordre, même au prix de lourds sacrifices, et qu’elle condamne toute insurrection ou violence injuste contre les pouvoirs constitués. D’autre part, vous avez aussi affirmé que si le cas se produit où ces pouvoirs constitués s’insurgent contre la justice et la vérité au point de détruire jusqu’aux fondements mêmes de l’autorité, on ne voit pas comment on pourrait con­damner alors le fait que les citoyens s’unissent pour défendre la nation et se défendre eux-mêmes, par des moyens licites et appropriés, contre ceux qui se prévalent du pouvoir public pour entraîner le pays à sa ruine.

S’il est vrai que la solution pratique dépend des circonstances concrètes, Nous avons toutefois le devoir de vous rappeler quelques principes généraux qu’il faut toujours garder présents à la mémoire ; les voici :

1° Que ces revendications ont un caractère de moyen, de fin relative, non de fin dernière et absolue ;

2° Que leur caractère de moyen ne justifie que des actions licites et non des actions intrinsèquement mauvaises ;

3° Que si les moyens doivent être proportionnés à la fin, il faut en user seulement dans la mesure où ils servent à l’obtenir ou à la rendre possible en tout ou en partie, et de telle manière qu’ils ne causent pas à la communauté des dommages supérieurs à ceux qu’on veut réparer ;

4° Que l’usage de ces moyens et l’exercice des droits civiques et politiques dans toute leur extension, englobant aussi les problèmes d’ordre purement matériel et technique ou de défense violente, ne comptent d’aucune manière parmi les tâches du clergé et de l’Action catholique comme tels, bien qu’il incombe au clergé et à l’Action catholique de préparer les laïques à faire un bon usage de leurs droits et à les défendre par tous les moyens légi­times, suivant que l’exige le bien commun ;

5° Le clergé et l’Action catholique étant, en vertu de leur mission de paix et d’amour, destinés à unir tous les hommes in vinculo pacis, doivent contribuer à la prospérité de la nation, principalement en favorisant l’union des citoyens et des classes sociales et en collaborant à toutes les initiatives sociales qui ne s’opposent pas au dogme ou aux lois de la morale chrétienne.

D’ailleurs, l’activité civique des catholiques mexicains, déployée avec un esprit noble et élevé, obtiendra des résultats d’autant plus efficaces que les catholiques auront davantage cette vision de la vie surnaturelle, cette éducation religieuse et morale et ce zèle ardent pour l’extension du règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que l’Action catholique s’efforce de donner à ses membres.


Fautes à éviter.

En face d’une heureuse coalition de consciences qui ne sont pas disposées à renoncer à la liberté que le Christ a reconquise pour eux, quel pouvoir ou quelle force humaine pourra les assujettir au péché ? Quels périls, quelles persécutions pour­ront séparer les âmes ainsi trempées de la charité du Christ ?

Cette droite formation du parfait chrétien et citoyen dont toutes les bonnes qualités et actions sont ennoblies et sublimisées par l’élément surnaturel, contribue beaucoup — on le comprend aisément — à l’accomplissement des devoirs civiques et sociaux. Saint Augustin, visant les ennemis de l’Eglise, leur lançait ce défi : « Ceux qui disent que la doctrine du Christ nuit à l’Etat, qu’ils, montrent des citoyens, des maris, des époux, des parents, des fils, des maîtres, des serviteurs, des rois, des juges tels qu’en veut former la religion chrétienne, et qu’ils osent dire qu’elle est l’ennemie de l’Etat ; plutôt qu’ils n’hésitent pas à confesser que cette doctrine, quand on la suit, est le grand salut de l’Etat. » C’est ainsi qu’un catholique se gardera bien de négliger, par exemple, l’exercice du droit de vote, alors que sont en jeu le bien de l’Eglise ou celui de la patrie ; on ne courra pas le danger de voir des catho­liques qui, pour exercer leur activité civique et politique, s’or­ganisent en groupements particuliers parfois opposés entre eux ou encore contraires aux directives énoncées de l’autorité ecclésias­tique. Ce serait favoriser l’accroissement de la confusion et la déperdition d’énergies au détriment du développement de l’Action catholique et de la cause même que l’on prétend défendre.


Nous avons déjà signalé quelques activités qui, bien que non contraires à l’Action catholique, sont cependant en dehors de son domaine, comme le seraient les activités de partis politiques et celles d’ordre purement économico-social. Il existe pourtant beau­coup d’autres activités bienfaisantes que l’on peut grouper autour du noyau central de l’Action catholique, telles sont les Asso­ciations de pères de famille pour la défense des libertés scolaires et de l’enseignement religieux ; l’Union de citoyens pour la défense de la famille, de la sainteté du mariage et de la mora­lité publique. L’Action catholique, en effet, ne se cristallise pas d’une façon rigide dans des schémas fixes, elle sait au contraire coordonner, comme autour d’un centre irradiant la lumière et la chaleur, d’autres initiatives et institutions auxiliaires, qui, tout en conservant une juste autonomie et une convenable liberté d’action, nécessaires pour l’obtention de leurs fins spécifiques, sentent néanmoins le besoin de suivre les directives communes et les règles générales de l’Action catholique…

Ceci s’applique spécialement au vaste territoire de votre nation, où la variété des besoins et des conditions locales peut exiger que, tout en conservant une base de principes communs, on emploie des méthodes différentes d’organisation et qu’on trouve aussi des solutions pratiques, différentes entre elles, mais éga­lement justes et aptes, pour la solution d’un même problème.


Obéissance et discipline.

Il vous incombera à vous, Vénérables Frères, placés par l’Es­prit-Saint pour gouverner l’Eglise de Dieu, de prendre l’ultime décision pratique en pareil cas, décision à laquelle obéiront les fidèles avec docilité et exactitude. C’est là une chose que Nous désirons de tout Notre cœur, car la droite intention et l’obéis­sance sont toujours et partout des conditions indispensables pour attirer les bénédictions divines sur le ministère pastoral et sur l’Action catholique, et pour fixer cette unité de direction et cette fusion d’énergies, condition indispensable de la fécondité de l’apostolat. Nous conjurons donc de toute Notre âme les bons catholiques mexicains d’avoir en grande estime et d’aimer l’obéis­sance et la discipline. Oboedite praepositis vestris et subjacete eis. Ipsi enim pervigilant, quasi rationem pro animabus vestris reddituri. Que cette obéissance soit pleine de joie et stimulatrice des meilleures énergies. Celui qui n’obéit qu’à contre-cœur et comme par force, exhalant son ressentiment intérieur en critiques amères contre ses supérieurs et compagnons de travail, contre tout ce qui n’est pas suivant sa façon de voir, éloigne les bénédictions divines, affaiblit le nerf de la discipline et détruit là où il faudrait construire.

Avec l’obéissance et la discipline, il Nous plaît de rappeler les autres devoirs de charité universelle que nous suggère saint Paul, en ce même chapitre IV de l’épître aux Ephésiens, que nous avons déjà citée et qui devrait être la règle fondamentale pour tous ceux qui travaillent à l’Action catholique : Obsecro itaque vos ego vinctus in Domino ut digne ambuletis cum omni humilitate et mansuetudine, cum patientia, supportantes invicem in caritate, solliciti servare unitatem spiritus in vinculo pacis. Unum corpus et unus spiritus.

A Nos très chers fils du Mexique, qui entrent pour une si grande part dans les soucis et les sollicitudes de Notre Pontificat, Nous renouvelons l’exhortation à l’unité, à la charité, à la paix, dans le travail apostolique de l’Action catholique, destiné à redonner le Christ au Mexique et à restituer à ce pays la paix et même la prospérité temporelle.

Nous déposons Nos vœux et Nos prières aux pieds de votre céleste patronne, Notre-Dame de Guadalupe, qui, en son sanc­tuaire, suscite toujours l’amour et la vénération de tous les Mexi­cains. C’est elle, honorée et bénie sous ce titre également dans la Ville Eternelle où Nous avons érigé une paroisse en son honneur, que Nous prions ardemment d’appuyer dans son amour maternel Nos vœux et les vôtres pour obtenir du Dieu tout puissant, en faveur du Mexique, tous les biens souhaitables et la prospérité avec la paix du Christ dans le règne du Christ. Dans cette inten­tion et cette confiance réconfortante, avec une affection surnatu­relle particulière, Nous donnons à vous, vénérables Frères, à vos prêtres, aux membres de l’Action catholique, à tous les fidèles et à toute la noble nation mexicaine la Bénédiction apostolique.

Puisse la présente Lettre, que Nous avons voulu vous envoyer en la fête de Pâques, être pour votre pays un gage de résurrection spirituelle ; et de même que vous avez si intimement participé aux souffrances du Christ, de même puissiez-vous participer à la gloire de sa Résurrection. C’est l’unique désir de votre Père.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, en la fête de Pâques, le 28 mars 1937, la seizième année de Notre Pontificat.


PIE XI, PAPE.


  1. A. A. S. T. XXIX, 1937, pp. 189-211. — A la suite du texte latin de cette Lettre encyclique (Epistula Encyclica) les Acta Apostolicae Sedis donnent le texte espagnol, le texte original, sous le titre de Carta Apostoltca de su Santidad el Papa Pio XI al Episcopado Mejicano : sobre la situacion religiosa.
  2. La traduction ainsi que les titres et sous-titres de ce document sont de La Documentation Catholique, t. XXXVII, col. 985. — On a, suivant qu’on traduisait le titre latin ou le titre espagnol, qualifié cette Lettre pon­tificale de Lettre Encyclique (titre correspondant au texte latin, cf. A. A. S., t. XXIX, p. 189) ou bien de Lettre Apostolique (titre corres­pondant au texte espagnol) ou encore d’Encyclique tout court. (Voir D. C., loc. cit., col. 1001.)
Outils personnels
Récemment sur Salve Regina