Deux formes d'examen de conscience
De Salve Regina
La confession | ||||
Auteur : | le P. Reg. Garrigou-Lagrange, O. P. | |||
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Source : | La Vie Spirituelle n° 79 | |||
Date de publication originale : | avril 1926 | |||
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Difficulté de lecture : | ♦♦ Moyen |
Sommaire
Comme application pratique de la doctrine que nous avons développée en plusieurs articles sur la mortification, nous exposerons deux formes d’examen de conscience, qui nous permettent de mieux voir ce qui en nous doit être mortifié et qui montrent aussi, en partie du moins, les obstacles à l’union divine, que devront faire disparaître les purifications passives des sens et de l’esprit dont nous aurons ensuite à parler, purifications qui configurent progressivement le chrétien fervent et généreux à Jésus crucifié.
On fait généralement son examen de conscience en suivant l’ordre des préceptes du décalogue ou de nos devoirs envers Dieu, envers le prochain et vis-à-vis de nous-mêmes. Pour mieux nous connaîtra. Il est utile de varier quelquefois cet examen et les questions qu’il comporte. En se rappelant qu’il ne faut pas séparer le regard sur nous-mêmes du regard sur Dieu, exemplaire de toute vertu, il convient de s’examiner parfois en suivant l’énumération des sept péchés capitaux et des fautes qui en dérivent, et d’autres fois au contraire en considérant surtout la hiérarchie des vertus qui constituent les différentes fonctions de notre organisme spirituel. Il importe aussi de ne pas négliger les rapports de l’intérieur et de l’extérieur.
I. Examen de conscience selon la classification des péchés capitaux et des péchés qui en procèdent.
L’examen de conscience, qui porte sur les péchés capitaux et leurs suites, peut se faire facilement en suivant l’énumération qu’en donne saint Thomas (Ia IIae, q. 77), après saint Grégoire le Grand. Elle peut se ramener à la division suivante, où l’on voit vite comment des trois concupiscences, dont parle l’apôtre saint Jean, dérivent les péchés appelés capitaux, parce qu’ils sont comme la tête ou le principe des autres. Ils ne sont pas les péchés les plus graves de tous, mais ceux vers lesquels nous sommes inclinés tout d’abord et qui conduisent à un éloignement de Dieu et à des fautes encore plus graves. C’est ainsi que la vaine gloire conduit à la désobéissance, à l’hypocrisie, à l’animosité, principe de la discorde, à la pertinacité dans l’hérésie. L’homme n’arrive pas du premier coup à la complète perversité, il y est conduit progressivement.
Tous les péchés, dit saint Thomas (Ia IIae, q. 77, a. 4 et 5), dérivent de l’amour désordonné de nous-mêmes ou égoïsme qui nous empêche d’aimer Dieu par-dessus tout et nous porte à nous détourner de lui. De cet amour désordonné de nous-mêmes procèdent les trois concupiscences : celles de la chair, des yeux et l’orgueil de la vie. De ces trois concupiscences dérivent les péchés capitaux, principes des autres.
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VAINE GLOIRE, d’où dérivent : la désobéissance, la jactance, l’hypocrisie, la contention par rivalité, la discorde, l’amour des nouveautés, la pertinacité. – Cette vaine gloire a aussi pour conséquence le péché suivant.
ACEDIA, DEGOUT DES CHOSES SPIRITUELLES et du travail de la sanctification ; de ce dégoût, contraire à l’amour de Dieu, naissent la malice, la rancœur, la pusillanimité, le découragement, la torpeur spirituelle, oubli des préceptes, la recherche des choses défendues. |
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ENVIE, ou tristesse du bien d’autrui comme s’il nous empêchait de nous élever ; de là dérivent la haine, la médisance, la calomnie, la joie du mal d’autrui et la tristesse de ses succès.
COLERE, opposée à la mansuétude, d’où naissent les disputes, les emportements, les injures, les vociférations, le blasphème. | ||
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AVARICE, contraire à la libéralité, et souvent aussi à la charité et à la justice, d’où dérivent : la perfidie, la fraude, la fourberie, le parjure, la perturbation, la dureté et l’endurcissement. | |
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GOURMANDISE, qui engendre les plaisanteries déplacées, la bouffonnerie, l’impureté, les discours insensés, la stupidité.
LUXURE, contraire à la chasteté, d’où procèdent : l’aveuglement de l’esprit, l’inconsidération, la précipitation, l’inconstance, l’amour de soi jusqu’à la haine de Dieu, l’attachement à la vie présente qui détruit l’espoir de la vie future. |
On voit par là comment les péchés capitaux sont le principe des autres, et comment eux-mêmes dérivent de l’orgueil, qui nous détourne de Dieu et de la concupiscence, qui nous porte à chercher la béatitude suprême dans les biens terrestres.
On voit aussi par là l’importance de l’humilité, qui mérite bien d’être appelée vertu fondamentale, en tant qu’elle réprime l’orgueil. Ce péché est en effet le principe de tous les autres, en ce sens que le fait de se détourner de Dieu, qui se retrouve en tout péché mortel, appartient plus directement à la superbe, à l’amour désordonné de notre propre excellence, qui nous fait refuser de nous soumettre à Dieu et de lui obéir (Ia IIae, q. 162, a. 7).
En lisant attentivement le début de la classification qui précède, on verra comment la vaine gloire peut conduire progressivement aux chutes les plus lamentables et jusqu’à l’apostasie. Elle mène d’abord à la désobéissance, à la jactance, à l’hypocrisie pour cacher le mauvais fond qui est en nous, puis à la contention par rivalité, à la discorde ; en matière de doctrine ou de pratiques religieuses, elle porte à l’amour des nouveautés, qui peut conduire jusqu’à la pertinacité dans l’erreur ou même dans l’hérésie. – La vaine gloire a aussi pour conséquence le vice capital suivant l’acedia, le dégoût des choses spirituelles, du travail de la sanctification ; c’est là un péché directement contraire à l’amour de Dieu, et à la sainte joie qui en résulte. Lorsque la vie ne s’élève pas vers Dieu, elle descend, on tombe dans cette mauvaise tristesse qui appesantit l’âme, dans ce dégoût des choses saintes, d’où naissent la malice et non plus seulement la faiblesse, la rancœur à l’égard du prochain, la pusillanimité devant le devoir à accomplir, la lâcheté et la paresse spirituelle sous toutes ses formes, le découragement, la torpeur spirituelle qui va jusqu’à l’oubli des préceptes et finalement la recherche des choses défendues. C’est en glissant sur cette pente de l’orgueil, de la vaine gloire et de l’acedia que beaucoup, hélas ! ont perdu leur vocation, oublié leurs promesses faites à Dieu et se sont engagés sur la voie de la damnation.
En considérant ainsi les principes des péchés, on peut éviter dans l’examen de conscience deux défauts opposés. D’une part on se prémunit contre la négligence des quiétistes, qui déclaraient l’examen de conscience inutile, sous prétexte que notre propre cœur est inscrutable et ne peut nous être connu que très superficiellement. Ils disaient même, ce qui a été condamné, que « toute réflexion sur nous-mêmes est nuisible, même l’examen de nos fautes », et ils ajoutaient que le fait de ne pouvoir plus réfléchir sur nos péchés est une grâce de Dieu (cf. Denzinger, n° 1230 sq.). – Il est aisé de répondre : précisément parce que la vraie nature de nos sentiments intérieurs est difficile à connaître, il faut les bien examiner et aussi demander la lumière divine pour discerner s’ils ont la rectitude voulue.
D’autre part on évite ainsi la recherche minutieuse des moindres fautes prises dans leur matérialité, recherche qui conduirait au scrupule et parfois à l’oubli des choses vraiment importantes. Il ne s’agit pas ici d’établir une statistique : Un médecin qui veut guérir une éruption ne se met pas à compter tous les petits boutons qui apparaissent à la surface de la peau, il cherche le principe de cette éruption et comment assainir le sang. De même l’âme ne doit pas trop s’arrêter à la considération d’elle-même et cesser de regarder vers Dieu ; elle n’a pas non plus à s’agiter pour prévenir la grâce divine prévenante, mais à la suivre fidèlement quand le devoir le demande.
Si elle fait bien l’examen dont nous venons de parler, et surtout si elle considère les péchés capitaux dans leur rapport avec les choses spirituelles, comme le fait saint Jean de la Croix, Nuit obscure 1. I, là où il parle de la sensualité spirituelle et de l’orgueil spirituel, elle découvrira sans trop de peine son défaut dominant, celui d’où les autres naissent en elle. Certaines personnes sont plus spécialement portées à l’orgueil, d’autres à la paresse spirituelle, d’autres à la sensualité, d’autres à l’impatience, à la colère, ou encore à une trop grande activité naturelle qui n’est pas assez ordonnée à Dieu, à une agitation stérile où l’on oublie la fin dernière, l’unique nécessaire, Dieu à aimer par-dessus tout.
Ceux qui vivent avec nous connaissent généralement assez bien notre défaut dominant qui est souvent un obstacle au bien commun. Puissions-nous le connaître nous-même et supporter qu’on nous le fasse remarquer, si notre examen de conscience trop superficiel ne nous le manifeste pas encore.
Mais passons à l’autre forme d’examen qui complète celle-ci.
II. Examen de conscience selon la hiérarchie des vertus.
Il ne suffit pas de connaître son défaut dominant, il convient aussi de s’examiner sur la fidélité à l’inspiration principale par laquelle Dieu nous attire vers lui. Dans l’ordre du salut, nous ne pouvons rien sans sa grâce
« Sans moi, vous ne pouvez rien faire », dit Notre Seigneur. Il faut donc être attentif à l’inspiration divine qui nous est donnée, soit inspiration au sens large, c’est-à-dire toute grâce actuelle prévenante, soit inspiration proprement dite qui procède des dons du Saint-Esprit. Non seulement il faut y être attentif, mais demander qu’elle devienne plus lumineuse et plus pressante pour triompher par elle de toute attache au péché et progresser généreusement dans la pratique des vertus.
Comme toute âme a son défaut dominant, elle a aussi un attrait spirituel particulier, qui répond au nom que Dieu lui a donné de toute éternité. Il est dit dans la parabole du bon pasteur : « il appelle ses brebis chacune par leur nom et les mène aux pâturages ; – proprias oves vocat nominatim et educit eas » (Jean., X, 3). Ce nom spirituel correspond à la grâce particulière que leur donne le Seigneur, comme il donne à chaque fleur sa beauté spéciale. Il y a des âmes en qui domine naturellement l’intelligence et qui reçoivent surtout des grâces de lumière ; si elles y sont fidèles, elles recevront aussi et de plus en plus des grâces de force qui les conduiront à la perfection. D’autres s’élèvent vers le même sommet par un autre versant, en elles c’est la volonté qui se manifeste le plus ; elles reçoivent des grâces qui les portent à se dépenser sans compter au service de Dieu ; les grâces de lumière, peu sensibles au début, ne se manifesteront que plus tard. D’autres enfin, en qui dominent la mémoire et l’activité pratique, reçoivent surtout des grâces de fidélité au devoir quotidien, mais peuvent être conduites par là à une très haute perfection, à l’exercice supérieur des vertus théologales et des dons correspondants. En chaque âme il y a, dans l’ordre naturel, une aptitude plus vigoureuse, que la grâce se plaît à perfectionner pour rayonner ensuite sur les parties plus faibles et les fortifier à leur tour. Certains sont plus portés à l’oraison, d’autres aux austérités, d’autres à l’apostolat sous des formes variées.
Cette inclination surnaturelle spéciale, il ne faut certes pas la combattre, elle doit grandir, et c’est par elle que nous travaillerons à mourir au péché et que nous pourrons parvenir à la perfection. L’action de la grâce ne doit pas détruire ce qu’il y a de bon dans notre personnalité, mais au contraire le parfaire par la voie de l’abnégation et de la croix, comme on le voit dans la vie des saints. « Soyons surnaturellement nous-mêmes, moins nos défauts », disait un excellent directeur. N’allons pas maladroitement imiter ce qui ne saurait pas plus nous convenir que l’armure de Goliath ne convenait à David, qui se contenta de sa fronde.
Mais pour arriver à être surnaturellement soi-même moins ses défauts, il convient de s’examiner souvent en considérant la hiérarchie des vertus, qui sont comme les différentes fonctions de notre organisme spirituel ; nous verrons mieux ainsi tout ce qui s’oppose en nous à la perfection de ses vertus. Cette hiérarchie peut s’exprimer comme il suit, en mettant au sommet la charité envers Dieu, qui est la plus haute des vertus théologales, et sitôt après celles-ci la prudence, supérieure à toutes les vertus morales qu’elle dirige. On voit mieux ainsi la gravité des fautes qui s’opposent à ces vertus.
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CHARITÉ envers Dieu, et don de sagesse envers le prochain et miséricorde
ESPERANCE, confiance, abandon et don de crainte opposé à la présomption FOI et esprit de foi et dons d’intelligence et de science |
dégoût des choses spirituelles,
envie, discorde, scandale. présomption, désespoir. infidélité, blasphème, aveuglement, ignorance coupable. |
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PRUDENCE, docilité aux bons conseils et don de conseil
JUSTICE et vertus annexes de religion (don de piété), de pénitence, de piété filiale, d’obéissance, de gratitude, de véracité, de fidélité, de libéralité FORCE et don de force, avec les vertus annexes de magnanimité, patience, persévérance TEMPÉRANCE (sobriété et chasteté) et vertus annexes de douceur, d’humilité |
imprudence et négligence, prudence de la chair, ruse.
injustice, impiété, superstition, hypocrisie, mensonge.
audace téméraire, lâcheté, pusillanimité.
intempérance, luxure. colère, orgueil, curiosité. |
On peut aussi selon le symbolisme traditionnel se représenter la hiérarchie des vertus en pensant à un édifice spirituel. L’excavation qu’il faut creuser pour le construire représente l’humilité ; mais cette excavation n’est pas à creuser seulement une fois pour toutes, comme on le fait pour bâtir une maison, elle doit être creusée jusqu’à la fin de la vie ; au fur et à mesure en effet que l’édifice spirituel s’élève, il doit avoir des fondements plus profonds. L’humilité doit croître avec l’amour de Dieu. – De cette excavation s’élèvent deux colonnes ou deux portiques, qui symbolisent la foi et l’espérance, et ces deux colonnes soutiennent le dôme dont la clef de voûte figure la charité envers Dieu, la plus haute des vertus qui vivifie toutes les autres.
Pour entrer dans cet édifice spirituel, il y a une porte à deux battants, dont les quatre gonds, en latin cardines, représentent les quatre vertus cardinales ; les gonds supérieurs la prudence et la justice, les autres la force et la tempérance. Les ferrures qui s’accrochent à ces gonds symbolisent les vertus annexes de religion, pénitence, obéissance, véracité, rattachées à la justice, celles de magnanimité, patience et persévérance rattachées à la force ou encore celles de virginité, douceur et humilité.
À chaque vertu cardinale correspond un don du Saint-Esprit, symbolisé par une pierre précieuse enchâssée dans la porte. – A la colonne de la foi est fixé le lampadaire du don d’intelligence, et à la clef de voûte de la charité est suspendue la lampe du don de sagesse, qui éclaire intérieurement tout l’édifice.
Il importe enfin dans cet examen de ne pas négliger les rapports de l’intérieur avec l’extérieur.
Certains directeurs attirent beaucoup l’attention des commençants sur l’attitude extérieure à observer dans la prière, dans l’assistance à la sainte messe, dans la réception des sacrements, dans nos rapports avec nos supérieurs et avec nos égaux, dans toute la conduite de la vie. C’est fort juste, mais l’excès de cette méthode conduirait à une certaine hypocrisie, qui négligerait la vie intérieure en sauvegardant les apparences. Notre-Seigneur disait : « Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre, comme font les hypocrites, qui exténuent leur visage pour faire paraître aux hommes qu’ils jeûnent. En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense » (Matth. VI, 16).
Par réaction contre cet excès, d’autres ne considèrent plus assez l’extérieur et, comme leur âme n’est pas assez unie à Dieu, cet extérieur laisse beaucoup à désirer. Ils veulent brûler les étapes et, par un orgueil inconscient, ils ne tiennent pas assez compte de ce qui est utile et nécessaire aux commençants et aux progressants. L’homme, composé d’esprit et de corps, ne connaît les choses spirituelles et intérieures que dans le miroir des choses sensibles et extérieures, in speculo sensibilium ; ces dernières, tout en étant très secondaires, doivent donc entrer en ligne de compte. Cf. IIa IIae, q. 81, a.7.
La vérité ici encore s’élève comme un sommet au milieu et au-dessus de ces deux tendances contraires. Elle repose sur ce principe : La fin à poursuivre, qui est première dans l’ordre d’intention, est dernière dans l’ordre d’exécution. On contemple d’abord l’édifice à construire, son élévation et sa beauté dans l’idée qu’on s’en fait, puis on détermine les moyens nécessaires sans négliger les plus inférieurs, qui dans l’ordre d’exécution devront être employés les premiers ; il faudra faire d’abord les fondements. En toutes choses il faut d’abord considérer la fin ; mais pour l’exécution il faut commencer par les moyens inférieurs et s’élever progressivement à la réalisation ou à l’obtention de la fin voulue. Avant d’être reçu docteur ès lettres, il faut suivre les cours d’une faculté, et pour cela s’y faire inscrire.
De même lorsqu’il s’agit de marcher vers la perfection. Si la fin de la vie intérieure n’a pas été première dans l’ordre d’intention, si elle n’a pas été avec le secours de la grâce efficacement voulue, elle ne sera pas obtenue au terme de l’exécution ; ceci contre la tendance de ceux qui se préoccupent trop de l’extérieur.
Mais, par contre, au début de l’exécution il ne faut pas négliger les petits moyens par lesquels il faut nécessairement commencer. Ici il faut avoir une réelle attention à l’extérieur qui est comme le cadre de notre vie spirituelle ; sans le recueillement extérieur, l’union à Dieu n’est pas possible, et sans la pratique extérieure de l’humilité on n’arrivera jamais à posséder vraiment l’humilité du cœur[1]. Il y a des rapports mutuels entre l’extérieur et l’intérieur, comme entre le physique et le moral, le sensible et l’intelligible, l’image et l’idée, les passions et la volonté. L’image précède l’idée qui en est abstraite et ensuite elle sert à l’exprimer. Le culte extérieur, la prière vocale dispose à l’oraison mentale, qui anime ensuite la psalmodie ou le chant liturgique.
Si l’intérieur prime tout, l’extérieur ne saurait être négligé sans perte réelle pour nous et souvent sans scandale pour le prochain.
On voit, par ce double examen de conscience, la nécessité de la mortification et aussi celle des purifications passives ou des croix que le Seigneur nous envoie pour nous purifier de toute attache au monde et à nous-mêmes, pour que vraiment la charité envers Lui prenne la première place en notre âme et rayonne sur tous nos actes.
Pour bien faire cet examen, sous l’une ou l’autre forme, il importe, comme nous le disions au début, de ne pas séparer le regard sur nous-mêmes de celui qui doit toujours se porter vers Dieu, exemplaire de toute perfection. Ce regard sur Dieu est un regard de la foi, perfectionnée par le don de sagesse, qui nous fait juger de tout par rapport à Dieu cause première du salut et fin dernière. En pensant aux perfections divines de Vérité, de Bonté, d’Amour, de Justice, de Miséricorde, on voit beaucoup mieux par contraste la misère de l’homme et la désordre du péché. En pensant au livre de vie où toute l’histoire de notre âme est écrite selon l’absolue vérité, on peut mieux voir, et comme d’en haut, en quoi dans le cours d’une semaine ou d’une année nous avons été de nous-mêmes, par orgueil, vanité, jalousie, concupiscence, au lieu d’avoir été de Dieu, ex Deo nati, par humilité, douceur, esprit de foi, confiance et charité.
Ainsi fait, l’examen de conscience tend à se transformer en oraison, en cette oraison qui implore la grâce efficace, pour rentrer dans l’intimité de Dieu.
Notes et références
- ↑ IIa IIae, q. 161, a. 6, ad 2m : « Homo ad humilitatem pervenit per duo. Primo quidem et principaliter per gratiae donum, et quantum ad hoc interiora praecedunt exteriora. Aliud autem est humanum studium, per quod homo prius exteriora cohibet, postmodum pertingit ad extirpandum interiorem radicem, et secundum hunc ordinem assignantur humilitatis gradus. »