Commentaire de l'article 10

De Salve Regina

Loi et principes
Auteur : P. Réginald Héret, O.P.
Source : Extrait du livre La Loi scoute
Date de publication originale : 1922

Difficulté de lecture : ♦ Facile

Le Scout est pur dans ses pensée ses paroles et ses actes

LA PURETÉ

Notre corps nous a été donné par Dieu, nous ne pouvons en faire ce que nous voulons.

Notre corps appartient au Christ par le baptême et la communion, nous ne devons pas le souiller.

La pureté, dans les conditions de vie présente, est difficile et rare, mais un Scout sera vigilant pour éviter :

- les délices corporels, c'est-à-dire une vie trop molle par la fermeté, l'hygiène un peu rude, les exercices virils et tonifiants qui sont dans nos coutumes scoutes ;

- le cours malsain des pensées en ne se complaisant pas volontairement en des images, des conversations, des lectures, des rêveries qui amèneraient inévitablement des fautes ;

- les fréquentations imprudentes, c'est-à-dire des amitiés qui ne sont pas élevées, des gestes ou des manières d'être indignes d'un Scout.

Nous pouvons compter sur le secours du Christ qui nous le donne par les sacrements et par la prière ; mais c'est dans ce domaine particulier que nous devons exercer tout notre effort et toute notre fierté.

Se contenir pendant la tentation, se maîtriser, c'est la vraie grandeur, la vraie virilité. Il faut chercher à n'avoir plus de tentation et à devenir le maître tranquille et incontesté de ses sens.

On n'estime pas la chasteté autour de nous; pourtant, ce qui fait la puissance, l'influence, le rayonnement et la beauté d'un jeune homme, c'est son indépendance vis-à-vis de ces puissances vulgaires.

Cette liberté, cette paix, des Scouts ne doivent reculer devant aucun obstacle pour les conquérir, puisque c'est le triomphe de l'esprit sur le corps, l'honneur, la belle vie.

Etre pur, on sait ce que cela signifie. Mener une vie sans souillures, alors que "le sens dépravé", comme l'appelait le Père Lacordaire, est si véhément en nous, alors que l'empire sur la chair révoltée demande tant de courage et de persévérance, c'est le fait de bien peu. L'issue la plus habituelle de cette bataille entre la chair et la raison, c'est la défaite de la raison. Beaucoup de jeunes, qui se montrent ailleurs énergiques et tenaces, succombent ici.

Les effets pernicieux d'une vie impure sont connus. Intellectuellement, c'est l'esprit aveuglé, la réflexion précipitée ou nulle, le jugement perverti moralement, c'est le cœur desséché, l'égoïsme triomphant, les grandes choses sans attrait, le respect perdu, l'esprit de dissimulation, l'obscurcissement de la conscience ; physiquement, c'est la décrépitude précoce, les nerfs en désordre, un terrain tout prêt pour accueillir tous les germes morbides. C'est la vie, toute la vie qui est atteinte.

Si tous ne se gaspillent pas jusqu'à exténuer ainsi leur vie, la plupart cependant ne sont que trop livrés à cette prodigieuse "indiscipline des mœurs" dont un livre fameux nous a signalé les ravages. Si bien que les jeunes gens chastes et purs aujourd'hui sont pareils à ces trois adolescents dans la fournaise dont nous parle l'Ecriture. Autour d'eux, on brûle et ils ne peuvent se préserver de la contagion que par un recours à Celui "qui sème les chastes propos".

Ceci à la lettre, car il faut ici plus qu'ailleurs avoir foi dans le secours de la grâce. Oui, la vertu qu'on nous demande est difficile ; oui, elle est, si vous voulez, au-dessus de nos forces. Mais quoi ? Dieu n'y a-t-il pas pourvu ? Les vrais chrétiens ont toujours vaincu la tentation. "Personne, dit Dieu dans le Dialogue de Sainte Catherine de Sienne, ne doit avoir peur d'aucune bataille parce que j'ai fait de tous des forts ; je leur ai donné une volonté intrépide en la trempant dans le sang de mon Fils."

"Il nous faut, pour vaincre nos funestes habitudes, il nous faut, dit Saint Thomas, une grâce divine intérieure, c'est bien certain Mais nous pouvons compter sur elle. Dieu est notre ami et notre allié dans cette lutte, et ce que nous pouvons à l'aide de nos amis, autant dire que nous le pouvons par nous-mêmes."

Comprenons donc bien notre vraie situation. On nous jette dans la tentation. Autour de nous, une civilisation païenne multiplie ses excitations perfides. En nous, des instincts déréglés et puissants nous embrassent. Et l'on veut que nous restions chastes. C'est que le chrétien ne doit pas compter que sur soi. Le chrétien n'est pas seul; de même que l'état de notre être physique dépend d'une foule de forces obscures et étrangères: la chaleur, les fluides, la pesanteur de l'atmosphère…, de même notre force morale dépend d'une foule d'influences invisibles, des anges et des Saints et, avant toutes, de l'influence de Dieu. "Ma grâce te suffit, disait-il à Saint Paul." Elle nous suffit donc aussi . Elle est le supplément de forces prévu pour que nous puissions tenir contre toutes attaques. Mais il ne faut pas non plus compter que sur Dieu. Il faut préparer notre résistance par une prévoyance, une vigilance appropriée. Saint Thomas cite trois obstacles à la pureté de la vie : "les délices corporels, le cours malsain de nos pensées, les aspects, colloques et fréquentations imprudentes".

On voit que notre vie scoute offre d'elle-même des préservatifs contre ces dangers. Les yeux qui errent sur tout ce qui s'exhibe dans la rue, les oreilles qui se prêtent aux mauvais propos, l'odorat qui reçoit des griseries perverses; le goût dont les excès nous alourdissent ; le toucher surtout, le toucher qui se complaît dans les mollesses, les paresses, les délicatesses, voilà donc contre quoi il faut exercer une sage rigueur. Et notre vie scoute, il n'est pas besoin d'y insister, ne nous apporte pas beaucoup de délices corporels. Fermeté, hygiène un peu rude, exercices virils et tonifiants, coucher sur la dure…, telles sont nos méthodes.

Le cours malsain des pensées est évidemment propice à toutes les chutes. Un cerveau troublé résistera mal à une tentation vive. Détournons donc nos Scouts des rêveries, à plus forte raison des lectures, des conversations qui entretiennent la fièvre. Qu'ils installent en eux la méditation habituelle des grandes vertus que la Loi leur demande, le souvenir de nos héros, de nos Saints, de nos frères scouts ; de telles pensées seront autrement fortifiantes.

Pas de fréquentations imprudentes. Entre Scouts, point de familiarités troublantes, de caresses équivoques, de causeries indignes. Que les plus grands, surtout, soient vigilants, réserve austère. Nous sommes des chevaliers.

Cependant voici l'orage. La tempête est déchaînée sur notre mer intérieure. C'est le moment de pratiquer cette vertu que Saint Thomas a si bien appelée la continence, parce qu'elle consiste à se contenir pour sauvegarder le règne en nous de ce qui est esprit. c'est une question de volonté et l'occasion de montrer qui tient le gouvernail d'une âme scoute. C'est une raison solide et non pas la première passion qui se lève. Ouf, qu'on discerne bien ici où est la vraie virilité. Vous diriez, à voir certains sourires, que l'homme qui compte, c'est le fêtard. Les jeunes gens purs sont tenus pour hypocrites, sournois, ou encore empotés, ratés, niais, anormaux. L'homme intègre, l'homme chaste ne compte pas aux yeux des prétendus vrais vivants et ils en rient.

Et C'est eux, au contraire, eux qui cèdent toujours, eux qui capitulent toujours, c'est eux qui sont les dégénérés, les avariés, les ratés. Us prétendent que nous ne pouvons pas résister et que la chute est fatale et normale. Excuse trop facile : "La concupiscence de la chair n'est pas victorieuse de la volonté d'une façon fatale, si ce n'est chez les déments, mais parce que la volonté est négligente et résiste sans fermeté." Où puiser d'ailleurs cette fermeté qui nous manque ? Nous l'avons dit. Mais il est bon qu'on sache que la valeur d'un homme se mesure à sa manière d'agir devant les révoltes de ses sens. C'est la victoire suprême ; les Romains, on le sait, appelaient Vénus la Victorieuse des Vainqueurs.

Le mieux serait, d'ailleurs, que nos garçons arrivent à un état de maîtrise d'eux-mêmes qui leur assure une paix moins précaire. Refréner la passion en pleine révolte, c'est bien ; mais ne serait-il pas meilleur d'avoir rendu la révolte impossible ? La passion a une âme d'esclave : commandez-lui en maître, elle se range ; laissez-lui du large, elle abuse. Si la continence est un effort violent pour la faire céder devant l'empire de la raison, la tempérance est la raison pacificatrice qui règne par sa puissance même. "Les sens sont domptés et bien en main, tandis qu'ils sont en rébellion ardente chez celui qui ne peut les contenir."

Que d'ailleurs ont ait une sensibilité calme, cela peut provenir de diverses causes : "ou bien d'un tempérament froid ou du manque d'occasions et ces cas ne sont pas intéressants ; ou bien de causes morales. C'est le cas de l'homme à la charité fervente, à la raison forte; son âme, habituellement étrangère au désordre des passions, les voit diminuer d'autant. Un tel calme passionnel, bien loin de diminuer le mérite, l'augmente, et c'est là le cas normal".

Comprenez-vous l'équilibre harmonieux d'une âme aussi puissante ? Le reconnaissez-vous ? C'est l'honneur dont nous avons tant parlé. "L'honneur, c'est la beauté d'un esprit qui vit et qui règne. Le beau est opposé au laid, c'est clair. Or, ce que les hommes estiment de plus honteux, de plus indécent, c'est de se livrer aux jouissances des brutes. C'est pourquoi le nom même de tempérance signifie le vrai rôle de la raison qui est de tempérer, de modérer nos sens dépravés." Et cet heureux état d'une âme qui est pure, non par faiblesse, mais par puissance de vie, c'est l'honneur.

"On ne peut vivre sans plaisir. Qui se prive de plaisirs supérieurs en vient aux charnels." Une âme vouée au culte de l'honneur goûte en soi des joies si pures et si hautes qu'elle fait bon marché des jouissances misérables et au fond si décevantes de la passion.

"Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, a dit le Seigneur, car ils verront Dieu. "Cela peut s'entendre d'une pureté générale qui se garde des pensées étrangères et qui fait de notre cœur le temple du Dieu Saint. Mais cela s'entend plus spécialement de la pureté de la chair, car rien n'empêche autant la vie supérieure qu'une chair sans retenue. Toutes les vertus morales favorisent le commerce avec les réalités divines, mais surtout la chasteté. Ceci pour nous qui vivons sur la terre. Car les Saints qui ont le cœur rempli de justice voient Dieu plus parfaitement que nous autres qui ne le voyons que par des effets corporels. La justice, la charité et les autres grandes vertus sont plus semblables à Dieu que les créatures que nos sens perçoivent, c'est quand on les possède en soi qu'on est plus proche de lui et qu'on le connaît mieux. "Goûtez, dit le Psaume, et voyez comme le Seigneur est doux."

Restons-en là, car c'est Lui qui cherche le cœur de nos chers Scouts. On voit qu'ils le trouveront quand ils auront fidèlement pratiqué les vertus que nous avons dites en commentant chaque article, mais plus spécialement la Pureté. Puisqu'il y faut la grâce divine, qu'ils la demandent en récitant cette belle prière de Saint Thomas d'Aquin que leurs frères de ses Troupes disent chaque soir avant de s'endormir : "Donnez-moi, Seigneur Dieu, un cœur toujours en éveil que nulle curieuse pensée n'entraîne loin de Vous ; un cœur noble que nulle indigne affection n'abaisse ; un cœur droit que nulle intention équivoque ne dévie ; un cœur ferme que nulle adversité ne brise ; un cœur libre que nulle violente passion ne subjugue. Ainsi soit-il."

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