De l'utilité des sports chez l'enfant

De Salve Regina

L'éducation des enfants
Auteur : Dr. Minh Dung Louis Nghiem
Source : Extrait du Cahier Saint Raphaël n° 72 - Le sport, pour le meilleur et pour le pire.
Date de publication originale : septembre 2003

Difficulté de lecture : ♦ Facile


De nos jours, lorsque nous parlons de sorts, il faut aussitôt préci­ser s’il s’agit de la pratique des sports ou du spectacle des sports. Car le show-biz, en dominant la vie publique (l’homme politique n’existe que par la télévision) et la vie privée (l’écran de télé a remplacé le foyer successeur de l’autel des ancêtres), a développé le voyeurisme, manie (folie) consistant à éprouver du plaisir à regarder faire ce qu’on aimerait faire soi-même tout en étant conscient (sans regret) de son impotence. En ce qui nous concerne, le sport, c’est bien sûr, sa pratique.

Pour beaucoup de gens, les sports ne sont que les vestiges des activités liées à la chasse ou la guerre de nos ancêtres à l’âge des cavernes. La chasse n’é­tait que la guerre faite aux animaux. Du reste, à cette époque comme de nos jours chez les primitifs, la différence entre l’homme chasseur et les animaux chassés ne semblait pas évidente puisque l’homme pouvait se transformer en bête et réciproquement (chamanisme). Plus tard, la notion même de l’humanité fut étendue d’abord à l’ethnie (groupe humain de même culture, donc de même langue) et ensuite aux voisins de plus en plus lointains. Nous avons, en effet, conservé le souvenir écrit que les Chinois chassaient et mangeaient des "barbares", assimilés aux animaux (X ou XXème siècle avant J.-C.) avant d’être reconnus enfin comme des humains.

La pratique traditionnelle du sport et son évolution.

Les plus anciennement connus des sports étaient soit de véritables manœuvres militaires, sous la forme de chasse en battue (à pied, à cheval ou en char), soit la pratique des techniques pouvant servir directement à la guerre : course de char, démonstration des arts martiaux bien codifiés (tir à l’arc, escrime, joute, boxe, lutte etc.). C’étaient encore des exercices de gymnastique utiles à la guerre (lancer, saut, natation et surtout les différents modes de courir). Car, depuis la bataille de Marathon (490 avant J.-C.), a été gardé (grâce à Hérodote) le souvenir que la charge des hoplites, au pas de course, a dislo­qué les rangs perses et entraîné la défaite immédiate du Grand Roi !

L’éducation des élites de tous les peuples du monde servait d’abord à fabri­quer des hommes aptes à la guerre. En latin, langue de l’Europe civilisée, le terme "homme" (vir) désignait aussi bien un soldat, un citoyen, voire un magistrat qu’un simple mâle. Au temps de Charlemagne, c’était un homme libre, donc armé (franc) ; les esclaves étaient "inermes", des sous-hommes, des "exclus". Aux États-Unis, le port d’arme demeure constitutionnellement un attribut de la liberté. Et, en Europe jusqu’au XIXème siècle, c’était une pré­somption de noblesse, d’appartenance à la caste militaire, donc les privilèges se mesuraient à la puissance des armes.

Par la suite, par dérision contre cette prétention de confondre la force phy­sique avec le droit de la première noblesse décrépite et émasculée, les intel­lectuels, qui formaient une sorte de seconde noblesse, aspiraient à la domina­tion par la simple intelligence (aidée par la fortune, il est vrai) ; ils réservaient la pratique des sports à une caste de professionnels, certes très bien payés mais en général considérés comme peu honorables (comme tout ce qui n’est pas intellectuel). Cette mutation des "valeurs", bien connue chez les Romains et les Chinois, conduit à la naissance du show-biz, véritable clergé du culte du Veau d’Or moderne.

A ce sujet, on raconte au début du XXème siècle, qu’en voyant des Anglais suer à grosses gouttes sous un soleil tropical pour disputer un match de tennis, un honorable commerçant chinois (en Chine, le commerce était honorable) leur demanda avec commisération : « Ne pouvez-vous pas payer des coolies pour taper sur la balle à votre placeô nobles étrangers ! ». Et c’est ce qu’on ne cesse de faire depuis, dans le monde entier, bien que les gentlemen anglais eussent répliqué que l’usage de l’intellect seul favorise la couardise, donc la ruse, la traîtrise et la cruauté. Voyez donc ces cruels mandarins chinois qui ne bougent jamais et qui laissent pousser leurs immenses ongles comme preuve de leur oisiveté ("otium" recherché des Romains) aussi distinguée que futile.

Il convient de noter que, malgré l’adage "Togae arma cedant" (que les armes cèdent à la toge, le militaire au civil), les Romains, sans doute grâce aux influences grecques, utilisaient leur oisiveté, non pas pour laisser pousser leurs ongles, mais pour se cultiver, c’est-à-dire pour apprendre l’art de bien parler et la sagesse tirée de l’histoire et de la philosophie grecque, et encore pour faire du sport (course de char, combat de gladiateurs !) ou pour se produire dans l’arène sur les planches. L'empereur Néron s’il aimait les cruels spectacles du cirque n’hésitait pas non plus à se produire en public. Il en fut de même pour bien d’autres hommes et femmes de la haute aristocratie. De plus, comme ils étaient, avant tout, des gens pratiques, les plus empiriques de tous les Indo-européens, ils avaient une juste idée de l’emploi de la force : ils ne dédaignaient jamais les arts martiaux tout en ayant une forte inclination pour la culture (humanitas). L'Empereur Dioclétien (245-313) inventa même la dictature militarisée pour éviter l’effondrement de la société civile. Et cet esprit empirique, en recherchant le juste milieu entre l’emploi de la force physique et celui de l’intellect, finit par fixer un idéal de civilisation : "mens sana incorpore sano", avoir un esprit sain dans un corps en bonne santé, tel que l’exprima Juvenal (60-123 av. J.-C.). L’Europe de la Renaissance, en découvrant l’humanisme gréco-latin crut que cet idéal serait réalisable grâce à un programme éducatif associant l’étude des arts libéraux (lettres classiques, mathématiques et musique), la pratique des sports guerriers (équitation, escrime) et les divertissements de la bonne société (danse, poésie, chant), cf. les romans de Rabelais (1494-1553). Le culte de la beauté du corps différencie l’Europe du reste du monde.

Cette idéologie du développement présumé équilibré de l’intellect, du tempérament (personnalité) et du corps (des muscles), a régné dans les élites depuis l’Antiquité jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. Même les bourgeois se battaient en duel à la Belle Époque pour un mot lancé de travers ! Que le journalisme était joyeux quand le courage physique permettait l’hon­nêteté !

Au lendemain de la Grande Guerre, les idées progressistes gagnèrent du ter­rain pour prédominer bientôt dans tous les domaines, même dans l'Église catholique. C’est la victoire totale de la Déesse Raison. Les élites françaises n’ont plus qu’une seule ambition : être du camp de l’intellect, de plus en plus pur, à la chinoise ! Sans se laisser pousser les ongles (on laisse plutôt pous­ser les cheveux tout comme les gens du show-biz, dont les rockers, les foot­balleurs et autres penseurs). Le matérialisme, par son refus de la transcendan­ce, détruit la sensibilité et par conséquent les arts. Comme l’homme raisonne normalement avec sa raison (cerveau gauche) mais aussi avec son cœur (cerveau droit), l’inhibition de la fonction irrationnelle cérébrale mène à la restriction intellectuelle, et finalement à une certaine déficience menta­le. Voilà sans doute la cause de l’échec de nos philosophes du XXème siècle : la spiritualité n’est pas à la hauteur des progrès fantastiques de la science. Bref, la Raison des idéologues, qui gouverne les foules et qui a tué des cen­taines de millions d’hommes, ne vaut pas la raison scientifique. Elle tend à s’abaisser vers le niveau des primitifs.

Pour ces hommes qui ratiocinent du matin au soir, à propos de tout et de rien, dont l’organe de communication est prolongé par le "portable", et qui sont dépourvus de sensibilité, le sport n’a aucun sens. Tout juste peut-il constituer un spectacle. Et puis tout est affaire de spécialistes. Dans la société moder­ne, chacun de nous ne devra assumer qu’une et une seule fonction. Il sera nécessaire d’apprendre aux enfants à vivre en groupe plurifonctionnel et pluridisciplinaire. Celui qui ne craint pas la solitude est un hérétique, politiquement incorrect. C’est un "fasciste" !

Réévaluation du rôle des sports dans l’éducation.

À mesure que le sport-spectacle (show-biz) se développe pour atteindre son apogée nécessairement sous les gouvernements socialistes (nazi, communis­te ou social-démocrate), la vraie pratique des sports dépérit, accablée de l’indifférence ou du mépris des nouvelles élites à prétention intellectuelle (gens du show-biz, des médias, de la "culture" etc). Cette nouvelle noblesse, fon­dée sur l’argent, semble craindre surtout l’esprit des sports, parfois clairement exprimé dans le code des armes, à savoir la loyauté, la fidélité, la ténacité, la fierté, la responsabilité, l’auto-discipline, la capacité d’initiative etc., toutes les vertus antidémocratiques. Car, pour l’homme de gauche, le peuple ne peut être qu’un ramassis de vauriens, de pervers et même de délinquants. Le peuple ne déteste que les siens, qui ont réussi. Car l’envie et la jalousie qui engendrent la haine en stimulant le cerveau reptilien forment le fondement de la République : l’Égalité.

Il conviendrait donc de revoir et de " réévaluer " (c’est la mode) le rôle et les effets de la pratique des sports sur le développement et la maturation de l’en­fant, de savoir si le sport mérite encore d’avoir sa place dans l’éducation. Il semble utile d’abord de rappeler ce que nos prédécesseurs savaient à ce sujet.

La notion de période critique.

Nos ancêtres savaient sans doute depuis l’âge des cavernes que l’apprentissa­ge n’était possible que chez les jeunes individus, humains ou animaux (dres­sage). L’éthologie (observation du comportement animal), surtout grâce à Konrad Lorenz, prix Nobel de médecine, et ses élèves, a même précisé qu’il existe, pour chaque espèce, une "période critique" pour un apprentissage donné, où celui-ci atteint une efficacité maximale.

Et, de fait, un enfant abandonné ou négligé (enfant-loup ou enfant placé dans une institution caritative) ne pourra plus apprendre à parler ou à marcher debout après l’âge de trois ans. De même, l’attachement d’un enfant pour ses parents ou éducateurs sera médiocre en cas d’adoption trop tardive, après l’âge de trois ans.

Dans les contes et légendes de tous les peuples de la terre, l’enfant n’était séparé "des femmes" qu’à l’âge de sept ans pour être confié à un précepteur, pour apprendre le métier des armes, de commandement etc. Car il est sous-entendu que la personnalité de l’homme est achevée à cet âge fatidique, donc que, après avoir passé celui-ci, l’individu est formé et ne risquera plus aucune altération fâcheuse de son caractère quelles que soient les futures vicissitudes de la vie ou même du dur dressage qu’il subira.

La notion du don

Lorsque plusieurs individus subissent le même dressage ou entraînement et que l’un d’eux obtient de loin la meilleure performance, on dit qu’il est doué, qu’il a reçu de la nature un don, c’est-à-dire gratuitement une aptitude qui le distingue des autres (sous-entendus concurrents). Ainsi, par exemple, pen­dant longtemps on a considéré que 1’ "oreille absolue", qui est la faculté de reconnaître un ton (note de musique) dans l’absolu sans la nécessité de recou­rir à un diapason, est un don. Mais, grâce au suivi quasiment scientifique (sta­tistique) de nombreux élèves des écoles de musique, on sait maintenant que les très jeunes enfants ont une grande sensibilité artistique et un haut pouvoir de discrimination tonale (bien supérieur à celui de l’adulte) ; c’est la précoci­té de l’apprentissage de la musique qui crée l’oreille absolue. Il existe donc une période critique pour l’apprentissage de la musique. Le fœtus entend dès le 6ème mois de vie. La formation du goût musical peut commencer avant la naissance.

De même, en Europe du temps de Charlemagne, on savait qu’un enfant ne pourrait devenir chevalier que s’il pratiquait l’équitation très tôt, bien avant la puberté. Car, pour pouvoir se battre à cheval, il fallait savoir rester bien accroché sur sa monture, tout en la dirigeant avec les jambes seules, et en gardant les mains libres afin de manier le bouclier, l’épieu ou le sabre. En Asie, on savait que les femmes pouvaient manier la dague ou l’épée avec la même rapidité et dextérité que les hommes, si elles pratiquaient les arts martiaux depuis l’enfance. De nos jours, nous apprenons que la puberté est une épreuve impitoyable pour la pratique de certains sports, dont le patinage surtout chez les filles. Les entraîneurs pensent que la poussée pubertaire de la croissance, en modifiant la géométrie du corps, déplace l’emplacement du centre de gravité, et oblige ainsi l’enfant à se réadapter à ses nouvelles conditions corporelles pour éviter le déséquilibre, surtout dans les sauts. Pour ma part, je pense plutôt que la perte de puissance musculaire (ralentissement relatif des gestes) rend le rattrapage des "fautes techniques" moins efficace. Autrement dit, le problème du nouvel équilibre du corps semble d’autant plus difficile à résoudre que les méthodes d’entraînement ont été plus imparfaites. Quoiqu’il en soit, il est certain que la puberté est une période difficile, perturbant pro­fondément le comportement et les performances musculaires de l’adolescent. Ce phénomène, parfois dramatique, est plus marqué chez les filles que chez les garçons. Il s’ensuit que, pour éviter de devenir "empoté " à l’âge adulte, il est recommandé aux enfants, et surtout aux filles, de pratiquer dès l’enfance et au-delà de la puberté un sport développant la rapidité et la précision des réflexes (patinage, danse classique, arts martiaux, etc.). De nos jours, avec le progrès et le développement du sentiment démocratique et égalitaire, il n’est nullement choquant pour une fille de faire les arts martiaux pour être en mesure d’étendre dans les caniveaux un citoyen qui cherche à lui faire subir quelques "incivilités". Depuis Mai 68 : "Il est interdit d’interdire".

Les mécanismes de l’acquisition d’un comportement.

Les faits précédemment cités peuvent se comprendre de la manière suivante : les fonctions cérébrales sont héréditaires (et ne se créent pas selon le lamarc­kisme) et programmées dans le génome. Elles existent donc à la naissance à l’état potentiel, mais n’apparaîtront et ne se développeront que s’il y a des incitations venant d’un comportement approprié. Ainsi, par exemple, selon le fameux linguiste américain Noam Chomsky, l’homme parlerait par hérédité et prédestination ; de même les oiseaux voleraient pour les mêmes raisons. C’est donc l’apprentissage qui permettrait à la fonction héréditaire de se manifester avec efficacité, du moins si celui-ci se déroulait dans des condi­tions convenables. Mais si l’apprentissage se développe à contretemps, en dehors de la période critique qui lui est attribuée par la programmation géné­tique, ses résultats seront incomplets, et même nuls et ce, malgré les dons éventuels.

En effet, à la naissance, il existe une redondance de neurones dans le cerveau. À un certain âge (correspondant à une période critique pour une fonction donnée), des populations de neurones, en croissant, ont atteint un certain degré de maturité suffisant pour pouvoir fonctionner ; et, sous la stimulation venant d’un certain comportement, ils se connectent (par des synapses) et forment des circuits où se propagent des trains d’ondes électriques en résonan­ce (on a pu mesurer leur période qui est de 40 Hz). La répétition du compor­tement tonifie les neurones en marche, tout en renforçant leurs synapses. Et les circuits formés deviennent stables, pendant que les neurones non-utilisés, non excités, s’atrophient, meurent et disparaissent. Ainsi, avec l’âge et les dif­férents entraînements appropriés des comportements, la densité des neurones dans le système nerveux diminue à mesure que se mettent en place des struc­tures (circuits neuronaux) formant le câblage de l’ordinateur cerveau. Ce schéma fonctionnel peut être illustré par l’observation clinique suivante. Dans la prime enfance, la fonction vocale est redondante ; les nouveau-nés de toutes les races humaines disposent de tous les phonèmes. Mais, dans l’ap­prentissage d’une langue quelconque, la non-utilisation de certains sons les fera disparaître à l’âge adulte. Ainsi, par exemple, le nourrisson japonais peut émettre le son "r" alors que l’adulte ne le peut et se trouve dans l’obligation de le remplacer par le son "l". C’est pourquoi il est souhaitable de faire apprendre une langue étrangère aux enfants avant l’âge de cinq ans.

L’association et la coordination des fonctions cérébrales

En pédiatrie, on a remarqué l’existence d’une liaison entre l’intellect, les fonc­tions sensorielles et la motricité. En effet, l’apprentissage de la parole passe par celui du langage, qui associe la parole à la mimique et la gesticulation. De plus, les enfants affligés d’un déficit sensoriel (cécité, surdité) ou muscu­laire (paralysie) résultant d’un accident obstétrical par exemple, ou d’un défaut congénital, ont en général des problèmes d’apprentissage, donc des retards difficilement compensés par la patience, la ténacité et l’affection des parents. Soigner la motricité améliore l’intellect ! (les Grecs élevaient l’esprit en développant le corps par le sport).

D’autre part l’anatomie comparée nous donne l’idée que l’évolution de la vie, tout en réduisant relativement les aires sensorielles cérébrales (les "cartes" des différentes perceptions par les sens) accroît les "aires de coordination". Les neurones de celles-ci, en connectant les fonctions cérébrales (par exem­ple, la vue et la motricité) permettent des comportements de plus en plus complexes, de plus en plus précis, adaptés à la mémoire (apprentissage), à l’i­magination (programmation), à l’environnement (correction en fonction des résultats observés), et mémé au désir et à l’attente du plaisir. Cette dernière faculté met en jeu toute l’activité mentale de l’homme (intellect, imagination, passions, mémoire etc.) et permet l’accès à la satisfaction, au bonheur (sécré­tion d’endorphines) ou aux états contraires, l’insatisfaction, la frustration. La dépendance entre les différentes facultés cérébrales est si évidente et si forte que certains pédiatres scandinaves recourent à la méthode d’apprentissage de la musique mise au point par Carl Orff (dans les années 1930), qui associe un son à l’exécution d’un geste, afin de soigner certains déficits intellectuels. Car on pense que normalement il existe une liaison entre le son et son rythme et le mouvement du corps, donc que "se mouvoir en mesure" est un phénomène naturel chez l’homme. C’est la civilisation, avec son besoin de discipline, de hiérarchie et de conventions (étiquette), qui aurait détruit cette rythmicité du comportement de l’homme. Et, si l’on croyait à cette théorie, il faudrait non pas supprimer la civilisation pour retomber dans la barbarie avec la redécouverte du rythme corporel par le "tam-tam", mais aussi celle de bien d’autres désagréments (la violence, la cruauté, l’"hyperactivité", le retard sco­laire entre autres), mais faire rapprendre une rythmicité civilisée par la danse classique par exemple.

Quoi qu’il en soit, grâce à la civilisation (transmission des acquis de nos pré­décesseurs), il devient possible de contrôler l’association des différentes facultés cérébrales et de remplacer un comportement purement réflexe et instinctif par un comportement qu’on dit "technique", c’est-à-dire pensé et recréé en fonction des connaissances scientifiques du corps humain. Il en existe de nombreux exemples dans les sports élevés au rang des arts : arts martiaux, équitation, danse classique, patinage, tir à l’arc etc. Ici il convient de noter qu’il existe dans toutes les sociétés une "querelle des anciens et des modernes". Les anciens admettent que l’homme naturel est mauvais et imparfait qu’il conviendrait de rééduquer, de refaire, en conservant ce qu’il a de bon et en neutralisant, ou au moins en maîtrisant, ce qu’il a de mauvais (sa tendance à la vio­lence, à la haine et la jalousie du cerveau reptilien par exemple). Les modernes nient que l’homme puisse être mau­vais ; il faudrait donc laisser toute sa nature (instincts, pas­sions, désirs, etc.) s’exprimer librement. Il est évident que le modernisme mène à la sup­pression des arts et de la morale, des conventions sociales, de la civilisation.

Le sport : source de la perfection et du bonheur ?

Le sport développe la musculature sous l’effet de l’hormone de croissance, de l’enfance jusqu’à l’âge de 25-30 ans environ. On sait que les adeptes (adultes) du "body building" s’injectent cette hormone afin de se créer une musculatu­re monstrueuse !

Chez l’enfant, il est inutile de forcer le développement musculaire. Mais la pratique des sports est recommandée pour d’autres raisons. D’abord pour améliorer l’association et la coordination des facultés cérébrales, ensuite pour former le caractère, et enfin pour créer un certain équilibre mental.

Pour améliorer l’association et la coordination des fonctions cérébrales, il convient de pratiquer des sports de précision et d’adresse tels que l’escrime, la danse classique ou le patinage, etc. J’ai connu des enfants "malvoyants" dont la vue s’est améliorée par la pratique des "figures impo­sées" de patinage, car l’homme voit plus avec son cer­veau qu’avec ses yeux. Et la vue est une fonction complexe où l’in­terprétation de la perception des sens est très im­portante. La mé­moire et la per­ception des mou­vements musculaires (proprio­ceptive) contri­buent à orienter le patineur ! Du reste, il existe des méthodes permettant de voir sans les yeux (cf. méthodes de pilotage d’avion de combat, de rééducation des aveugles partiels, la "vision aveugle") ou plutôt sans le cerveau visuel. Les sports d’adresse augmentent l’aisance des mouvements de l’enfant et l’aident à passer la période pubertaire sans encombre.

Les sports ont la réputation de former le caractère. Mais, en fait, leur fonction éducative n’a jamais été scientifiquement prouvée. Il est donc d’usage de répéter que les sports individuels développent le sens de la responsabilité et de l’initiative, voire de la volonté. De plus, les sports d’équipe favorisent le sens de la discipline et de l’abnégation puisqu’ils ont été inventés dans les écoles aristocratiques de la vieille Angleterre justement pour équilibrer les gentlemen trop orgueilleux, trop individua­listes, donc portés à l’anarchie.

Quant à la notion de l’équilibre mental par le sport, elle est fort ancienne. Mais il semble qu’on vient seulement d’en trouver l’explication. En effet, l’éthologue Btühler (1922), selon Konrad Lorenz, a remarqué que la pratique du ski et du patinage produit du plaisir, en particulier si les mouvements effectués, reposant sur des "habiletés", tendent vers la perfection (gestes précis tendant vers un but avec effort minimum). C’est le "Funktionslust" ou plaisir d’exercer une fonction. Il semble qu’on puisse identifier ce Funktionslust à la satisfaction, voire au bonheur qui naît du fait qu’on pense avoir réalisé une certaine performance, s’être surpas­sé. De nos jours, on sait qu’une telle situation provoque la sécrétion d’en­dorphines. Mais on sait aussi que le sport ne pourra donner du bonheur que s’il est pratiqué à un très haut niveau. Il parait qu’il y a moins de dix mille sportifs de cette espèce en France. Il est donc plus facile de chercher à atteindre le bonheur par d’autres voies, par une bonne éduca­tion permettant la jouissance des arts, de la civilisation par exemple. Mais la difficulté accroît le plaisir de la réussite. Le bonheur consiste dans la conscience d’avoir exercé plusieurs fonctions cérébrales motri­ces, sensorielles et/ou intellectuelles à un niveau exceptionnel, enfin d’ê­tre doué par ses propres efforts (le contraire du bonheur, c’est la dépres­sion ou sentiment de sa propre dévalorisation, d’être sans mérite, d’où la fuite vers les "paradis artificiels" par la drogue, et même par le suicide). Le moindre des hommes a besoin d’être convaincu d’avoir quelques mérites ! À cause du cerveau droit, la satisfaction matérielle ne suffit pas à créer le bonheur. L’homme a besoin aussi de satisfactions spirituelles et selon les mots de l'Évangile "de toute parole qui sort de la bouche de Dieu".

Docteur Minh Dung Louis Nghiem, a.i.h.P., Pédiatre. Cardiologue.

Outils personnels
Récemment sur Salve Regina