Introibo ad altare Dei

De Salve Regina

La réforme de 1969
Auteur : Luc Lefèvre
Date de publication originale : Inconnue

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen

A PROPOS DE LA MESSE DITE « FACE AU PEUPLE »

« Messe face au peuple », « messe à l'envers », comme disait Paul Claudel. De plus en plus, depuis une vingtaine d'années et surtout depuis le Concile, ‑ très souvent en souvenir des messes des maquis et des camps ‑, les maîtres‑autels sont démolis et remplacés par de simples tables, que l'on dit provisoires. Et, par suite, logique ou non, les messes sont obligatoirement célébrées « face au peuple » ou «Vers le peuple », même quand il n'y a aucun assistant, aucun participant ni actif ni même passif. Ces habitudes nouvelles ont pu déplaire et peuvent déplaire encore au prêtre célébrant ainsi qu'à l'assistance, ou, tout au moins, à une très grande partie de l'assistance. Elles peuvent, par ailleurs, assure‑t‑on, donner satisfaction à tous. « On aime ou on n'aime pas... ». D es goûts et des couleurs on ne discute point. Nous ne nous permettrons pas ici de présenter des réactions personnelles. Stériles seraient les discussions, et les « polémiques », comme on dit, ne doivent jamais être engagées lorsqu'il s'agit de l'Eglise, de la vie de l'Eglise et des prescriptions du Concile dans le domaine de la Liturgie.


Mais la question, nous a‑t‑il semblé, peut être posée : Quelles sont les prescriptions conciliaires et post ‑conciliaires auxquelles on se réfère pour rendre obligatoire la « messe face au peuple », non seulement dans les paroisses des grandes villes, mais dans les plus humbles églises de nos campagnes et non seulement chez nous en France, mais dans toutes les parties du monde ?


A ceux qui interrogent, s'ils sont laïcs ou prêtres, la réponse est toujours la même : « LES ORDRES VIENNENT DE HAUT ».


Les « ordres » sont‑ils écrits ? sont‑ils publiés ? sont‑ils à l'usage de tous, qui sont, sans exception aucune, membres du Peuple de Dieu ?


Il n'est que de recourir aux TEXTES, aux textes connus de nous, parce qu'ils sont officiels.

1 ‑ LA CONSTITUTION SUR LA LITURGIE, promulguée le 4 décembre 1963: pas un mot, ni dans le chapitre II : Le mystère de l'Eucharistie; ni dans le chapitre VII : L'Art sacré et le matériel du culte. Pourtant, au no 124, nous devons relever ces quelques lignes : « Dans la construction des édifices sacrés, on veillera soigneusement à ce que ceux‑ci se prêtent à l'accomplissement des actions liturgiques et favorisent la participation active des fidèles ». Ces lignes sont peut‑être lourdes de sens pour les interprétations à venir, mais elles sont brèves et ne concernent nullement nos églises et nos oratoires dans le présent.


2. ‑ Le Motu proprio SACRAM LITURGIAM du 25 janvier 1964. Pas un mot.


3. ‑ L'Instruction INTER OECUMENICI du 26 septembre 1964. Au chapitre V, no 91 : L'autel majeur :


« Il est bien de construire l'autel majeur séparé du mur, pour qu'on puisse en faire facilement le tour et qu'on puisse y célébrer vers le peuple, et il sera placé dans l'édifice sacré, de façon à être véritablement le centre vers lequel l'attention de l'assemblée des fidèles se tournera spontanément.


« Dans le choix des matériaux destinés à sa construction et à sa décoration, on observera les règles du droit.


« En outre, le sanctuaire qui entoure l'autel sera assez vaste pour permettre d'accomplir commodément les rites sacrés ».


No 92. « Le siège pour le célébrant et les ministres, selon la structure de chaque église, sera placé de telle façon que les fidèles puissent bien le voir et que le célébrant lui‑même apparaisse véritablement comme présidant toute l'assemblée des fldèles.


« Cependant si le siège est placé derrière l'autel, on évitera la forme d'un trône qui convient uniquement à l'évêque».


Dans ces numéros 91 et 92, nous relevons l'expression « qu'on puisse y célébrer vers le peuple ». L'Instruction de 1964 prévoit donc le cas où la messe sera célébrée versus populum. Mais elle ne dit nullement que TOUTES LES MESSES doivent être célébrées « face au peuple ».


Au no 95, où il est parlé de la conservation de la Sainte Eucharistie, nous lisons :


« Il est PERMIS de célébrer la messe face au peuple, même s'il y a sur l'autel un tabernacle, petit sans doute, mais convenable».


La permission est donc ici, une fois encore formulée. Mais nous devons noter que, dans ce cas, le prêtre célèbre non seulement « face au peuple », mais aussi « face à Notre‑Seigneur présent dans le tabernacle ». Le texte parle d'un authentique tabernacle « solide et inviolable, placé au milieu de l'autel ». Il ressort donc de ce texte que l'es caissettes en bois blanc mobiles doivent être interdites.


4. ‑ DOCUMENTS DE L'EPISCOPAT FRANÇAIS


a) Lettre pastorale de l'épiscopat français sur la sainte liturgie (14 janvier 1964). Pas un mot, ni la moindre allusion.


b) Première Ordonnance de l'épiscopat français réglant les premières applications de la Constitution « De sacra liturgia » (D. C. 16 février 1964). Il n'en est rien dit.


c) Deuxième Ordonnance de l'épiscopat français (D.C. ler novembre 1964). Rien.


d) Troisième Ordonnance de l'épiscopat français sur la liturgie (24 novembre 1964). Rien.


e) Directives pratiques de la Commission épiscopale française de liturgie (20 juillet 1965. D. C. 19 septembre 1965). Sur le renouveau liturgique et la disposition des églises. Le texte distingue nettement deux cas : 1) l'aménagement d'une église EXISTANTE ; 2) l'aménagement des églises À CONSTRUIRE.


Dans la première partie, la Commission dit le devoir de respecter la propriété d'autrui: le curé, on le rappelle, n'est pas propriétaire de son église ; il n'a donc pas le droit d'agir comme s'il en était le maitre unique et définitif. « Leur destruction [des éléments précieux du patrimoine religieux et national], leur aliénation, leur transformation inconsidérées et indues peuvent constituer de véritables actes de vandalisme... Il serait regrettable que de pareilles fautes individuelles soient attribuées à linfluence de la réforme liturgique et servent à la déconsidérer »[1].


La commission dit aussi qu'il faut respecter des ensembles existants, même médiocres « qui peuvent réaliser une certaine harmonie, une justesse de proportions, d'éclairage et de couleurs que nous risquons d'endommager par des suppressions partielles ou hâtives »[2]. Il est bon de connaÎtre tous ces textes : n'y voyons‑nous pas que les fidèles sont en plein accord avec l'Episcopat français, quand ils déplorent les scandaleuses transformations de leurs églises ? Et c'est pourtant eux que l'on ose présenter comme des « révoltés » ! Révoltés, peut‑être... Mais contre qui ? mais contre quoi ? Contre le Concile et sa Constitution ? Contre les ordonnances épiscopales ?--Certainement pas.


Dans la deuxième partie, dans laquelle il est question des ENSEMBLES À CRÉER, il est parlé, d'une manière explicite de l'implantation de l'autel. La référence à l'Instruction (v. no 3) est d'abord rappelée et de sages « directives » sont alors données


« L'Instruction ne se contente pas de PERMETTRE l'adaptation de l'autel en vue de la célébration FACE AU PEUPLE, elle déclare explicitement qu'il est préférable (PRAESTAT) de le construire séparé du mur, afin de faciliter une telle célébration. Et pour lever l'obstacle posé par les décrets de la Sacrée Congrégation des Rites en date du ler juin 1957, elle PERMET (LICET) d'adopter l'autel à cette célébration, même si on doit y placer un tabernacle, « petit sans doute, mais convenable » (Art. 95).


« Si le prêtre doit POUVOIR célébrer FACE AU PEUPLE, IL NEST PAS INDISPENSABLE QU'IL LE FASSE TOUS LES JOURS. Quand il célèbre en semaine, sans assemblée, IL PEUT LÉGITIMEMENT SOUHAITER CÉLÉBRER SANS AVOIR SOUS LES YEUX UNE NEF VIDE. Aussi convient‑il de prévoir des deux côtés de l'autel un marchepied assez vaste pour qu'on puisse célébrer dans les deux positions ».


On retiendra qu'il est toujours parlé de PERMISSION et non d'obligation; et qu'il est explicitement dit que la célébration FACE AU PEUPLE N'EST PAS INDISPENSABLE. Combien nombreux sont les prêtres qui seraient heureux de savoir que la Commission leur donne entièrement raison, quand ils refusent. d'aller chaque matin à une table tournée vers la nef que ne remplit aucune assemblée de fidèles...


« Les ordres viennent de haut, de très haut », nous a‑t‑on répété. Ces ordres, nous ne les avons trouvés nulle part dans les textes officiels, qui sont mis à la disposition de tous. Nous nous refusons à les chercher ailleurs.


Par contre, d'autres textes sont multipliés depuis quelques mois, qui émanent, eux, des plus hautes autorités, soucieuses de faire respecter, par tous, les prescriptions conciliaires et post ‑conciliaires et d'apaiser les inquiétudes d'un nombre grandissant de fidèles... qui ne comprennent plus rien ... ! Nous en donnerons quelques‑uns, qui tiennent un langage fort différent du langage tenu ‑ dans la pratique quotidienne ‑ par les « pilotes », comme on dit, qui font la loi et l'imposent brutalement en usant de moyens, merveilleusement et mystérieusement efficaces.


S. EM. LE CARDINAL LIÉNART Allocution adressée au clergé de Lille, le 18 mai 1965 (Semaine Religieuse du diocèse de Lille, 30 mai 1965. cf. D. C. no 1451, 4 juillet 1965, col. 1183‑1184). Il commence par les applications qui doivent être faites en liturgie puis il traite de l'aménagement des églises, «mettant en garde contre un danger d'excès »


« La nouvelle liturgie invite à modifier la disposition des lieux. Cependant, il faut voir les différents aspects de la question. D'abord, je rappelle un principe il n'est pas obligatoire de dire la messe face au peuple. Ce qui est obligatoire, c'est de dire la partie de la messe qui est le ministère de la Parole face au peuple. Quant à l'autre partie de la messe, on peut la dire face au peuple, mais on n'y est pas obligé, et il ne faut pas, sous prétexte de le faire quand même, tout saccager dans une église. Il y a des églises qui s'y prêtent ; d'autres qui ne s'y prêtent pas. Si elles s'y prêtent, on le fera, mais là encore, ATTENTION ! Il ne faut pas, tout d'un coup, SACRIFIER LES MAITRES‑AUTELS qui peuvent avoir leur valeur, supprimer inconsidérément ce qui existe pour le remplacer par des improvisations qui n'ont pas été étudiées.


« ‑Poser un autel portatif ou un autel secondaire sur lequel on dira la messe face au peuple, ce peut être très bien ; ce peut être aussi une faute au point de vue de l’art et du goût. Il ne faut pas qu'un zèle intempestif, une précipitation irréfléchie, nous mènent à saccager nos églises. Je vous demande d'agir posément, comme l'Eglise le demande, pour que nous ne sacrifions rien de ce qui avait une valeur, soit artistique, soit religieuse. Cela suppose une certaine modération ».


S. EH. LE CARDINAL LEFEBVRE : un communiqué paru dans « La vie catholique du Berry », 23 juillet 1966.


« S. Em. le Cardinal fait siennes les directives suivantes adressées par le CARDINAL LERCARO, présidant le Consilium pour l'application de la Constitution sur la Liturgie, aux Evêques d'Afrique du Nord (D. C. no 1470, ler mai 1966, col. 805). Ces directives valent pour toutes les paroisses et communautés du diocèse.


(Il est certain que l'autel face au peuple rend plus vraie et plus communautaire la célébration eucharistique et facilite la participation. Mais même ici, il est nécessaire que la prudence guide le renouveau.


(D'abord, pour une liturgie vivante et participée, IL N'EST PAS NÉCESSAIRE [souligné dans le texte] QUE L'AUTEL SOIT FACE AU PEUPLE. Toute la liturgie de la parole, dans la messe, se célèbre au siège ou à l'ambon, face au peuple par conséquent. Pour la liturgie eucharistique, les installations de microphone, désormais courantes, aident suffisamment à la participation.


(De plus, il faut tenir compte de la situation architecturale et artistique, laquelle, en bien des pays, est d'ailleurs protégée par de sévères lois civiles. Et qu'on n'oublie pas que bien d'autres facteurs, tant de la part du célébrant que des ministres et de l'ambiance, doivent jouer leur rôle POUR UNE CÉLÉBRATION VRAIMENT DIGNE.


(D'autre part, les autels provisoires, construits en avant de l'autel majeur, en vue de la célébration face au peuple, devraient petit à petit disparaître, pour laisser place à une organisation fixe convenable du sanctuaire)[3]».


Le Cardinal Lercaro n'a pas précisé quels sont ces « autres facteurs », à propos de la messe face au peuple, qui « doivent jouer leur rôle pour une célébration vraiment digne ». Il est peut‑être permis de penser que le Cardinal envisage ici ‑ entre beaucoup d'autres ‑ le cas du célébrant qui n'est point « photogénique », comme on dit, qui, atteint par les misères de la maladie ou de l'âge, exhibe ses grimaces et ses tics...[4] Il y a aussi le célébrant de très petite taille dont seule la tête apparaît derrière la table... Est‑il bien certain que l'officiant doive alors s'imposer à la vue de ceux qui, n'ayant plus de livre en mains et ne devant plus s'agenouiller pour se recueillir la tête dans les mains, demeurent debout, les yeux fixés sur lui, l'observant, le dévisageant et se... distrayant…


Est‑ce vraiment favorable à une célébration digne ? On comprend que le Consilium, instruit par les expériences de tous les diocèses du monde, et tenant compte des réactions saines et saintes des fidèles, rappelle que ce qui importe principalement, c'est la DIGNITÉ DE LA CÉLÉBRATION.


Pour terminer, nous donnerons, entre beaucoup d'autres témoignages de théologiens, celui d'un des plus célèbres représentants des Universités allemandes, le Professeur Dr JOSEF RATZINGER, de Tübingen. Il ne s'agit pas d'un article de Revue, ni d'un extrait d'un cours. Au Katholikentag, réuni à Bamberg au mois de juillet 1966, c'est le Dr Ratzinger qui a donné le cours magistral sur « Le Catholicisme après le Concile » : 1) Le renouveau liturgique; 2) L'Eglise et le monde; 3) L'ouverture à l'oecuménisme. Sans faire totalement' nôtres les réflexions du théologien allemand, nous retenons quelques remarques qui ont trait à notre sujet.


L'auteur a commencé par dénoncer, à propos du renouveau liturgique, les deux excès dans lesquels beaucoup ont pu tomber : l'archaïsme et la modernisation outrancière.


« Chez les théologiens, il y a un certain archaïsme qui voudrait restaurer la forme classique de la liturgie romaine telle qu'elle était avant les proliférations de l'époque carolingienne et du Moyen Age. On ne se demande pas ‑ comment la liturgie doit‑elle être ? Mais: comment était‑elle autrefois ? Bien que le passé nous apporte une aide indispensable pour résoudre les problèmes d'aujourd'hui, il n'est pas purement et simplement le critère qui doit fonder la réforme. Savoir comment a fait Grégoire le Grand, c'est bien, mais cela n'oblige pas à faire de même. Avec cet archaïsme, on s'était souvent coupé la route vers ce qui est légitime... »


Nous sommes en train de créer un nouveau ritualisme, remarque J. Ratzinger. Un ritualisme fait de nouvelles formes ingénieuses qui cachent l'essence des choses. Il y a aujourd'hui, déclare‑t‑il des exagérations et des étroitesses qui sont irritantes et déplacées :


« Toute messe doit‑elle vraiment être célébrée en se tournant vers le peuple ? Est‑il si important de pouvoir voir la figure du prêtre ? N'est‑il pas souvent bon de penser qu'il est un chrétien avec les autres et que, par conséquent, il a tous les motifs de se tourner avec eux vers Dieu et de dire ainsi Notre Père avec eux tous P. Le tabernacle est séparé du maître‑autel, et il y a pour cela de bonnes raisons [l’auteur ne les précisé pas ...]. Mais on peut se sentir indisposé de voir sa place prise maintenant par le siège du célébrant, et s'exprimer ainsi dans la liturgie un cléricalisme qui peut être pire que celui d'autrefois. Le développement liturgique qui a fait écarter le siège du célébrant et signifier par la place du tabernacle que le Seigneur présidait lui‑même la liturgie, n'avait‑il pas quelque chose de bon qu'aujourd'hui nous commençons à redécouvrir progressivement ? Le fait d'abaisser le siège du célébrant et d'élever le tabernacle n'était‑il pas aussi le signe que l'on prenait davantage conscience que la maison de Dieu est polarisée sur le Christ et que la liturgie chrétienne ne connaît qu'un président: le Christ ? »


Beaucoup de prêtres et de fidèles ont regretté une recherche exagérée de la simplicité et ils souffrent de voir l'autel du saint sacriflee réduit à une table, trop souvent misérable. Le Dr Josef Ratzinger, expert remarqué du Concile, se fait ici l'écho de ces regrets et de ces souffrances


« ... L'aspiration radicale à la simplicité conduit à écarter toute somptuosité esthétique, afln de mieux sentir la puissance originelle de la parole et de la réalité qui nous saisissent ; cela est juste et même nécessaire. En ce domaine, l'Eglise doit toujours revenir à la simplicité des origines pour faire l'expérience de ce qui est l'essentiel derrière toutes les structures et le communiquer. Mais en même temps, il ne faut pas oublier que célébrer la Cène du Seigneur est de sa nature une fête, et qu'à la fête convient également la beauté festive. Le « praeclarus calix » remonte à l'heure de la Cène et si toute la liturgie s'efforce d'être un beau calice, un vase précieux et étincelant qui évoque pour nous la magnificence de l'autel, elle ne doit être gênée par aucun purisme, par aucun archaïsme. Cette beauté ne peut‑elle pas être un service plus désintéressé que cette passion des structures qui se complaît dans des idées liturgiques toujours nouvelles » (D. C. no 1478, 18 septembre 1966, col. 1564, 1565).


Nous avons posé la question : quels sont les textes conciliaires et postconciliaires qui prescrivent la messe face au peuple ? et la destruction des autels ?


Après l'examen des textes publiés, force nous est de conclure qu'il n'y a aucune prescription officielle qui intéresse l'Eglise universelle.


Et pourtant l'affirmation est de plus en plus clamée : « Les ordres viennent de haut. Respectons le Concile ».


Que d'absurdités, que de contre‑vérités sont chaque jour attribuées au Concile depuis des années... même avant la première Session d'octobre 1962 ! L'Eglise, par la voix du Souverain Pontife, par celle des Congrégations Romaines et par celle de nos Evêques, ne cesse de protester, sans réussir hélas 1 à faire taire des « autorités parallèles » qui se manifestent, ouvertement ou non, dans la plupart des nations…


Nous devons insister dans notre conclusion sur tant d'actes insensés, auxquels ont été conduits, comme malgré eux, ceux qui ont décidé de transformer, à tout prix, leur église pour la célébration face au peuple.


Encore une fois, ce n'est pas le bon peuple qui juge. On l'a vu dans les textes que nous avons reproduits : le reproche sévère est adressé aux uns et aux autres, plus ou moins responsables, de mettre à sac leur église, de la saccager, et de se livrer à des actes de vandalisme.


Retenons qu'il ne s'agit pas ici des interventions, si légitimes en pays civilisé, des Beaux‑Arts ou des représentants de la Loi... fort nombreuses il est vrai, mais des cris d'alarme qui viennent des chefs de l'Eglise.


C'est aussi les chefs de l'Eglise qui ont reproché à tant et tant de zelanti la transformation de leurs églises en salles de conférence, en temples vides et morts, sous prétexte de pauvreté... et de simplicité !


Que les terribles « inquisiteurs » des milieux paroissiaux n'accablent donc pas les fidèles, s'ils se font, à leur rang de plus en plus modeste, les fidèles échos de la Hiérarchie dans leur plainte, dans leur souffrance.


Le peuple souhaite de voir entretenir la beauté de la Maison de Dieu et respecter la beauté de l'Autel du Sacrifice de Notre‑Seigneur, quand il entend son prêtre proclamer avec tremblement : INTROIBO AD ALTARE DEI.

Luc J. LEFÈVRE.




  1. Les prêtres et les fidèles qui se sont permis d’élever des protestations en face de si nombreux “actes de vandalismes”, ne sont-ils pas autorisés à le faire par la commission épiscopale! Pourquoi les accabler de reproches sévères et les dénoncer comme hostiles au renouveau de la liturgie et opposés – par principe!—au concile?
  2. La Commission apporte aussi de forts précieuses remarques qui intéressent tant et tant de paroisses et de paroissiens des villes et des campagnes: “A plus forte raison, l’enlèvement de nombreuses statues créera, dans un ensemble de style baroque, une impression pénible de vide, de nudité, d’indigence”. On ne saurait trop mettre en garde contre une hantise de nudité, ou contre une volonté intempérante de pauvreté évangélique. Surtout dans les églises anciennes, une certaine exhubérance décorative contribue au bien être et à la joie des fidèles, sans insulter nécessairement à leur pauvreté. Certaines églises finissent à force de simplifications, par ressembler à des salles de conférences et par perdre complètement cette chaleur, cette ambiance de splendeur et de gloire aui évoque la Jérusalem céleste, préfigurée par nos églises.”
  3. La référence, dans la D. C., est donnée à Ensemble (lettre mensuelle de Mgr l'Archevêque de Rabat) : ce qui permet de penser que les directives du Cansilium. sont adressées aux évêques de l'Afrique du Nord. Les Notitiae du Consilium donnent le même texte adressé à TOUS LES PRÉSIDENTS des Conférences épiscopales. C'est dans ces " Directives du Consilium » qu'il est question des messes en latin : 41 L'usage de la langue vivante dans la liturgie doit se faire non seulement dans l'esprit de la Constitution liturgique, mais aussi en tenant compte des situations concrètes locales. Avec l'adoption de la langue vivante dans la messe, des signes d'inquiétude se sont manifestés ici et là. Il serait bien que les Ordinaires prennent en considération l'éventuelle opportunité de conserver, dans certaines églises, surtout des grandes villes ou des lieux de circulation touristique, une ou si c'est nécessaire, plusieurs messes en latin, à célébrer selon un horaire préfixé et annoncé, tant que dure la nécessité ou la convenance » (D. C. col. 805‑806).
  4. Le curé d'une grande paroisse, relativement jeune, nous disait récemment sa joie de pouvoir célébrer,« face au peuple ". " J'ai besoin d'avoir mon peuple sous mes yeux pour bien célébrer communautairement. » L'argument peut valoir, partiellement du moins. Mais le cher homme oubliait de dire que " son peuple », quand il est fait de sept ou huit grandes personnes, pieuses et recueillies, a grand peine à garder son sérieux et que, quand il est fait d'une centaine de garçons et de filles, est pris de fou‑rire... en raison de ses grimaces et de ses grognements. L'attention devient impossible. Est‑ce une célébration digne.? Est‑ce une célébration communautaire ? Peut‑on parler dans ce cas de " participation active », même si l'assemblée hurle les réponses ?
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