L'indult de 1984, les accords du 5 Mai 1988 et le Motu Proprio "Ecclesia Dei"

De Salve Regina

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La réforme de 1969
Date de publication originale : 1984-1988

Difficulté de lecture : ♦ Facile
Remarque particulière : Ces documents magistériels permettent de comprendre l'évolution des positions des différents acteurs, autour de la question liturgique. Ces textes ont été mis à la suite par nos soins.

Indult pour l’utilisation du Missel Romain de 1962 au jugement de l’évêque du diocèse

Traduction de la lettre circulaire datée au Vatican du 3 Octobre 1984 et adressée par la congrégation pour le culte divin aux Présidents des conférences épiscopales.


Excellence,

Il y a quatre ans, à la demande du Souverain Pontife Jean Paul II, les évêques de toutes l’Eglise furent invités à présenter une relation :

sur la façon dont les prêtres et les fidèles de leurs diocèses avaient accueilli le Missel promulgué en 1970 par le pape Paul VI, obéissant ainsi aux décisions du concile Vatican II ;

sur le difficultés rencontrées dans la réalisation de la réforme liturgique ;

sur les éventuelles résistances qu’il a peut-être fallu vaincre.


Le résultat de cette consultation a été envoyé à tous les évêques (cf. notitiae n.185, décembre 1981). D’après leurs réponses, il semblait que le problème des prêtres et des fidèles attachés à ce que l’on appelle le « rite tridentin » était pour ainsi réglé.


Mais comme ce problème subsiste, le Souverain Pontife, désirant donner satisfaction à ces groupes, offre aux évêques diocésains la faculté d’user d’un Indult pour permettre aux prêtres et aux fidèles , énumérés explicitement dans la requête présentée à leur évêque, de célébrer la Messe en utilisant le Missel Romain édité officiellement en 1962, tout en observant les normes suivantes :


  1. Qu’il soit bien clair que ces prêtres et ces fidèles n’ont rien à voir avec ceux qui mettent en doute la légitimité et la rectitude doctrinale du Missel Romain promulgué par le Pape Paul VI en 1970 et que leur position soit sans aucune ambiguïté et publiquement reconnue.
  1. Que cette célébration ne soit faite que pour les groupes qui la demandent ; qu’elle ait lieu dans les églises et les chapelles que l’évêque du diocèse indiquera (et pas dans les églises paroissiales, à moins que l’évêque ne le permette pour des cas extraordinaires) ; et qu’elle se fasse aux jours et dans les conditions approuvées par l’évêque, qu’il s’agisse des célébrations habituelles ou exceptionnelles.
  1. Cette célébration devra se faire en suivant le Missel Romain de 1962 et en latin.
  1. On ne devra faire aucun mélange entre les textes et les rites des deux missels.

Chaque évêque informera cette Congrégation des autorisations accordées par lui et, un an après la concession de cet Indult, des résultats de son application.

Cette concession, qui montre le souci du Père commun pour tous ses enfants, devra être utilisée sans préjudice de l’observance de la réforme liturgique dans la vie des communautés ecclésiales.

Je profite de cette occasion pour me dire dans le Seigneur, votre très dévoué.


+ AUGUSTIN MAYER
Archevêque tit. de Satrianum


L'INDULT DU 3 OCTOBRE 1984. COMMENTAIRE

Avant tout, remarquons que l'indult « Quattuor abhinc annos » n'est pas un indult au sens propre du terme, mais un texte destiné à réglementer la célébration de la Messe selon le Missel de 1962 (la dénomination d'un texte ou d'une loi n'a pas grande importance en droit canonique). Cela dit, considérons le prétendu indult en lui‑même.


Il est évident que les phrases‑clés autour desquelles tourne tout le document, et qui commanderont son interprétation, sont les suivantes : « Après examen de leurs (= des évêques) réponses, il a semblé que le problème de ces prêtres et fidèles qui demeuraient attachés au rite qualifié de « tridentin » se trouvait presque entièrement résolu.


« Mais, comme le problème subsiste, le Souverain Pontife lui‑même, désireux d'aller au devant de ces groupes, concède aux évêques diocésains... »


Il est donc clair que le problème de ceux qui restent attachés à la Messe « tridentine », « avait paru être résolu », à s'en tenir aux réponses données par les évêques ; mais, ayant découvert l'erreur (celle des évêques, et, par conséquent, celle du Saint Siège), puisque « le problème subsiste », le Souverain Pontife lui‑même, désirant satisfaire ces groupes, concède aux évêques diocésains la faculté d'user de l'indult. Ces expressions sont encore renforcées par l'allusion à la « sollicitude pastorale » du « Père commun » dans le dernier paragraphe du document.


Ces phrases‑clés de l'indult soulignent une fois de plus que l'Eglise n'existe qu'en vue du salut (ou, plutôt, de la sanctification) des âmes, et que rien ne doit y faire obstacle ou s'y opposer, mais qu'au contraire tous les pasteurs, les vrais pasteurs, doivent, comme le Seigneur, aimer leurs brebis jusqu'à donner leur vie pour elles.


L'indult, par conséquent, doit être rapproché du canon 383 § 1 du nouveau Code, et surtout du canon 387, qui souligne la mission pastorale de l'évêque. Le canon 387 dit explicitement que l'évêque « se souvenant qu'il est tenu par l'obligation de donner l'exemple de la sainteté dans la charité, l'humilité et la simplicité de vie, s'appliquera à promouvoir de toutes ses forces la sainteté des fidèles, selon la vocation propre à chacun », cette tâche de sanctification « dans la charité, l'humilité », et qui doit tenir compte de la vocation particulière de chacun des fidèles, incombe donc personnellement à l’évêque, et non à une assemblée, conférence épiscopale, synode ou concile. Ce devoir particulier de l'évêque est souligné dans l'indult, qui donne un poids tout spécial aux prescriptions du canon 387, et qui, en ce qui concerne son application, exclut tout autre prélat ou toute' assemblée (à l'exception, bien entendu, du Saint Siège).


Sur ces bases, et avant toute autre considération, il est évident que la décision que les évêques d’Angleterre ont prise d'un commun accord au sujet de l'application de l'indult n'est ni juridiquement ni moralement contraignante.


Il est évident que l'intention du législateur telle qu'elle est exprimée dans la première partie du document, est contredite par la seconde partie, dans laquelle prolifèrent les règles restrictives. Mais les contradictions ne doivent pas arrêter l'interprète : le Code lui fournit des instruments pour résoudre le problème, unifier le texte et en faire un tout cohérent.


La contradiction rend la loi obscure ou douteuse ; il faut donc recourir au canon 17 sur l'interprétation des lois ecclésiastiques, selon lequel si une loi « demeure douteuse et obscure, il faut recourir aux lieux parallèles, s'il y en a, à la fin et aux circonstances de la loi, et à l'esprit du législateur ». Dans notre espèce, il faut aussi appliquer le canon 18 qui dit : « Les lois qui établissent une peine, ou qui restreignent le libre exercice des droits, ou qui comportent une exception à la loi, sont d'interprétation stricte ».


Nous avons vu que l'esprit du législateur et la fin de la loi sont dans le sens du maximum de charité et de souci pastoral ; si nous tenons compte également du canon 18, nous voyons que toutes les restrictions supplémentaires qu'imposent les évêques lorsqu'ils accordent l'indult, violent de façon flagrante l'esprit de la loi, et que même les règles énoncées par la loi elle‑même, comme elles « restreignent le libre exercice des droits », doivent recevoir l'interprétation la plus bienveillante, toujours dans le but de ne pas s'opposer à la fin de la loi et de ne pas frustrer l'intention du législateur.


Il est important d'examiner ici de plus près les « droits » dont l'indult limite « le libre exercice ». Indépendamment de la question de l'abrogation (très douteuse) de la bulle de saint Pie V « Quo primum », le fait est que c'est sur la coutume immémoriale, universelle et non abrogée que repose le droit de célébrer l'ancienne Messe ; et la bulle « Quo primurn » a encore renforcé cette coutume, bien loin de s'y substituer. De toute manière, on peut appliquer le canon 21 à la bulle « Quo primum » : « En cas de doute, la révocation d'une loi en vigueur n'est pas présumée, mais les lois nouvelles doivent être rapprochées des lois antérieures et, autant que possible, conciliées avec elles » (c'est ce que l'indult s'efforce de faire, mais il n'y parvient qu'à demi)[1].


Dans cet examen des « droits » dont il est question, il faut également se souvenir du canon 387 déjà cité, ainsi que du canon 214 qui dit : « Les fidèles ont le droit de rendre le culte à Dieu selon les dispositions de leur rite propre approuvé par les Pasteurs légitimes de l'Eglise, et de suivre leur forme propre de vie spirituelle, qui soit toutefois conforme à la doctrine de l'Eglise ». Par conséquent, les restrictions imposées à l'emploi du Missel de 1962 doivent être considérées comme n'ayant pas d'autre but que d'éviter le désordre dans la célébration de l'Eucharistie.


Les seules limites sérieuses posées par l'indult à l'usage du Missel de 1962 sont les suivantes :


1) que les bénéficiaires de l'indult ne soient en aucune manière associés formellement avec, ou ne soutiennent ouvertement, ceux qui :


a) mettent en doute la « légitimité » du Missel promulgué par Paul VI en 1970 ; c'est‑à‑dire, ceux qui mettent en doute que ce Missel a été promulgué par un législateur légitime dans l'exercice légitime de ses pouvoirs (et par conséquent qu'il est valide) ;


b) prétendent que ce Missel ne serait pas orthodoxe (« rectitude doctrinale »), c’est‑à‑dire qu'il contiendrait explicitement des doctrines contraires à la foi[2].


Cette reconnaissance de la « légitimité » et de la « rectitude doctrinale » du Missel de 1970 doit, d'une manière ou d'une autre, être rendue publique.


Nous soulignons « associés formellement »,‑ « soutiennent ouvertement »


en effet, comme « de internis non iudicat Ecclesia », une sympathie ou des doutes intérieurs ne tombent pas sous la compétence du législateur.


A noter encore le grossier contresens dans la traduction de l'Osservatore Romano : « doctrinalis rectitudo » y est traduit par « exactitude doctrinale » (ce qui serait en latin : « doctrinalis accuratio ») ; cela est contraire à l'esprit même de la liturgie, qui s'exprime dans un langage poétique et imagé ‑ exactement le contraire de ce qu'on attendrait d'un manuel de théologie !


Comme le contenu de cette « déclaration de fidélité » a été explicitement défini et délimité par le Saint Siège, aucun évêque ne peut y ajouter quoi que ce soit, l'inférieur n'ayant aucun pouvoir sur la législation du supérieur.


2) L'indult, accordé « en signe de la sollicitude pastorale » du Père commun, ne doit en aucun ‑cas porter préjudice à l'observation de la réforme liturgique (« liturgicae instaurationis observandae ») : ce qui veut dire que le nouveau rite doit demeurer le rite prédominant et officiel du diocèse.


3) L'indult s'applique aux groupes (organisés ou non) qui en demandent l'application, qu'il s'agisse de prêtres ou de laïcs. Ce qui signifie qu'il est illégal d'exiger que les demandes proviennent exclusivement soit de prêtres, soit de laïcs. Ce doit être un groupe, et non une personne individuelle, mais l'indult n'est en aucune manière restreint au groupe qui l'a demandé, puisque le texte ne s'y oppose pas : une telle interprétation serait trop restrictive, non seulement compte tenu de l'esprit général de l'indult, mais encore en raison des canons 17 et 18 déjà cités[3]. Cela signifie que, dès lors que l'indult a été accordé, n'importe qui peut suivre la' célébration sans autre formalité ; on présume alors en effet que cette personne s'est adjointe implicitement au groupe et, par conséquent, qu'elle a implicitement signé la demande. Deux ou trois personnes peuvent déjà être considérées comme un groupe (Mt. 18, 20).


Etudions maintenant les autres dispositions de l'indult.


Si l'évêque désire participer à la « sollicitude pastorale » du Père commun, et ne pas relâcher son lien de communion « avec le Souverain Pontife lui‑même » qui a personnellement voulu l'indult comme mesure de réconciliation et de charité, il doit normalement accorder une réponse favorable à toute demande présentée par un groupe qui sollicite la célébration de la Messe selon le Missel de 1962, dès lors qu'il est assuré que le groupe n'a aucun lien formel avec ceux qui mettent en doute la « légitimité » ou la « rectitude doctrinale » du Missel de 1970 ; s'il n'en est pas convaincu, il peut demander une déclaration publique à cet effet. Etant donné la fin de la loi et l'esprit du législateur, nous pensons que, s'il s'agit d'un groupe organisé ou d'une association, il suffit que cette déclaration soit faite par les responsables légitimes de l'association. Etant donné ce que nous avons dit jusqu'à maintenant (fin de la loi, esprit du législateur, canons 17 et 18), nous pensons que si les heures, dates et lieu de Messe sont mentionnés dans la demande, l'évêque ne peut pas légalement les limiter, à moins que le refus ou la limitation ne soit fondé sur des motifs particulièrement importants et convaincants (il y a évidemment possibilité de faire appel de cette décision). Les mêmes principes s'appliquent également au refus d'accorder l'indult « de manière habîtuelle » (« per modum consuetudinis »), ainsi qu'à toute autre restriction ou condition imposée par l'évêque[4].


Nous en arrivons maintenant à l'irritante question des églises paroissiales. Selon le texte de l'indult, on ne peut pas célébrer des Messes selon l'ancien rite « dans les églises paroissiales, à moins que l'évêque ne l'ait concédé dans des cas extraordinaires ». Cette clause a évidemment été introduite de crainte que les fidèles ne soient étonnés de la variété des calendriers liturgiques suivis (et par conséquent des couleurs liturgiques utilisées) dans ces centres officiels du culte liturgique que sont les églises paroissiales . mais on aurait pu arranger les choses autrement sans mettre en échec le but même de l'indult, comme la lettre de la loi semble le faire ! C'est un problème bien réel quand les églises paroissiales sont les seuls lieux de culte utilisables, comme c'est le cas dans les pays non catholiques. C'est à juste titre que les évêques anglais ont considéré que les circonstances en Angleterre sont un « cas extraordinaire », et qu'ils ont concédé l'usage de l'indult dans les églises paroissiales.


Nous pensons qu'en règle générale l'application des canons 17 et 18 résout le problème. Puisque la fin de la loi et l'esprit du législateur exigent que l'indult soit effectivement accordé à ceux qui en font la demande ; puisque d'autre part il est évident que la clause en question « restreint » le « droit » des fidèles ; par conséquent, l'interprétation du terme « extraordinaire » doit être de la plus grande bienveillance possible : autrement dit, la célébration dans les églises paroissiales doit être autorisée, toutes les fois qu'il n'est pas possible de trouver un autre lieu commode et facilement accessible, et cela non seulement « pour des cas précis », mais même « de manière habituelle ».


La clause qui concerne l'usage du latin dans ces Messes selon l'ancien rite, ainsi que celle qui interdit le mélange des deux rites, sont parfaitement compréhensibles et sont bien accordées avec la fin de la loi et l'esprit du législateur. De même encore la clause qui demande aux évêques de faire un rapport après une année d'application de l'indult.


Pr NERI CAPPONI


L'auteur : le Professeur Neri Capponi est Docteur en Droit Canonique de l'Université du Latran à Rome, Docteur en Droit Civil de l'Université de Florence, Avocat auprès de la Sainte Rote Romaine, expert en droit canonique matrimonial. Il est actuellement professeur de Droit Canonique à lUniversité de Florence. M. le Professeur Capponi a publié de nombreux articles sur des questions canoniques.


(*) Article publié dans « Homiletic & Pastoral Review », 86 Riverside Drive, New York, N. Y. 10024, Vol. LXXXVI, N' 10 (July 1986), pages 64‑68.

Les extraits de l'INDULT du 3 octobre 1984 sont donnés dans la traduction de la Documentation Catholique, 1984, p. 1124 s. Les canons du nouveau Code de Droit Canonique, selon la traduction de la Société Internationale de Droit Canonique, éd. Cen turion‑ Cerf‑ Tardy 1984.

(N. d. T.)


Nous remercions le R.P. directeur de la Revue de nous avoir autorisés à reproduire l'article du Professeur Neri Capponi dont nos lecteurs n'ont pas oublié ses « considérations juridiques à propos de la Réforme liturgique » dans le n' 170 de la Pensée Catholique.

(N.D.L.R.)


Le protocole d'accord entre le Vatican et Mgr Lefebvre

A la suite d'une réunion d'experts qui a eu lieu du 13 au 15 avril 19M et qui avait abouti à un projet d'accord, Mgr Lefebvre a eu avec le cardinal Ratzinger les 3 et 4 moi, une nouvelle rencontre au tonne de laquelle a été mis au point le texte de l'accord ci‑après, signé le 5 mai


I. Texte de la déclaration doctrinale

Moi, Marcel Lefebvre, archevêque‑évêque émérite de Tulle, ainsi que les membres de la Fraternité sacerdotale Saint‑Pie X par moi fondée :


1. Nous promettons d'être toujours fidèles à l'Église catholique et au Pontife romain, son Pasteur suprême, Vicaire du Christ, successeur du Bienheureux Pierre dans sa primauté et chef du Corps des évêques.


2. Nous déclarons accepter la doctrine contenue dans le numéro 25 de la Constitution dogmatique Lumen gentium du Concile Vatican II sur le Magistère ecclésiastique et l'adhésion qui lui est due.


3. A propos de certains points enseignés par le Concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui paraissent difficilement conciliables avec la Tradition, nous nous engageons à avoir une attitude positive d'étude et de communication avec le Siège apostolique, en évitant toute polémique.


4. Nous déclarons en outre reconnaître la validité du Sacrifice de la messe et des sacrements célébrés avec l'intention de faire ce que fait l'Église et selon les rites indiqués dans les éditions typiques du missel et des rituels des sacrements promulgués par les Papes Paul VI et Jean‑Paul II.


5. Enfin, nous promettons de respecter la discipline commune de l'Église et les lois ecclésiastiques, spécialement contenues dans le Code de droit canonique promulgué par le Pape Jean‑Paul II, restant sauve la discipline spéciale concédée à la Fraternité par une loi particulière


II. Questions juridiques

Tenant compte du fait que la Fraternité sacerdotale Saint Pie X a été conçue depuis dix‑huit ans comme une société de vie commune ‑ et à partir de l'étude des propositions formulées par S. Exc. Mgr Lefebvre et des conclusions de la visite effectuée par son Eminence le cardinal Gagnon, la figure canonique la mieux adaptée est celle d'une Société de vie apostolique.


1. Société de vie apostolique


C'est une solution canoniquement possible, avec l'avantage d'insérer éventuellement dans la Société cléricale de vie apostolique également des laïcs (par exemple des frères coadjuteurs).


Selon le Code de droit canonique promulgué en 1983, canons 731‑746, cette Société jouit d'une pleine autonomie, peut former ses membres, peut incardiner les clercs, et assure la vie commune de ses membres.


Dans les statuts propres, avec flexibilité et possibilité inventive par rapport aux modèles connus de ces Sociétés de vie apostolique, on prévoit une certaine exemption par rapport aux évêques diocésains (cf. can. 591) pour ce qui concerne le culte publie, la « cura animarum » et les autres activités apostoliques, compte tenu des canons 679‑683. Quant à la juridiction à l'égard des fidèles qui s'adressent aux prêtres de la Fraternité, elle sera conférée à ceux‑ci soit par les Ordinaires des lieux, soit par le Siège apostolique.


2. Commission romaine


Une Commission pour coordonner les rapports avec les divers dicastères et les évêques diocésains, ainsi que pour résoudre les problèmes éventuels et les contentieux, sera constituée par les soins du Saint‑Siège, et pourvue des facultés nécessaires pour traiter les questions indiquées ci‑dessus 'par exemple l'implantation à la demande des fidèles d'un lieu de culte là où il n'y a pas de maison de la Fraternité, « ad mentem » can. 383, par. 2).


Cette Commission serait composée d'un président, d'un vice‑président et de cinq membres, dont deux de la Fraternité.


3. Conditions des personnes liées à la Fraternité


3.1. Les membres de la Société cléricale de vie apostolique (prêtres et frères coadjuteurs laïcs) : ils sont régis par les statuts de la Société de droit pontifical.


3.2. Les oblats et oblates, avec ou sans vœux privés, et les membres du Tiers‑Ordre liés à la Fraternité : ils appartiennent à une association de fidèles liés à la Fraternité aux termes du canon 303, et collaborent avec elle.


3.3. Les Sœurs (c'est‑à‑dire la Congrégation fondée par Mgr Lefebvre) qui font des vœux publics : elles constitueront un véritable Institut de vie consacrée avec sa structure et son autonomie propres, même si on peut prévoir une certaine forme de lien pour l'unité de la spiritualité avec le supérieur de la Fraternité. Cette Congrégation ‑ au moins au début ‑dépendrait de la Commission romaine,, au lieu de la Congrégation pour les religieux.


3.4. Les membres des communautés vivant selon la Règle de divers instituts religieux (carmélites, bénédictins, dominicains, etc.) et qui sont liés moralement à la Fraternité : il convient de leur accorder cas par cas un statut particulier réglant leurs rapports avec leur Ordre respectif.


3.5. Les prêtres qui, à titre individuel, sont liés moralement à la Fraternité, recevront un statut personnel tenant compte de leurs aspirations et en même temps des obligations découlant de leur incardination. Les autres cas particuliers du même genre seront examinés et résolus par la Commission romaine.


En ce qui concerne les laïcs qui demandent l'assistance pastorale aux communautés de la Fraternité : ils demeurent soumis à la juridiction de l'évêque diocésain, mais ‑ en raison notamment des rites liturgiques des communautés de la Fraternité ‑ ils peuvent s'adresser à elles pour l'administration des sacrements (pour les sacrements de baptême, confirmation et mariage, demeurent nécessaires les notifications d'usage à leur propre paroisse; cf. can. 878, 896, 1122).


NOTE

Il y a lieu de considérer la complexité particulière


1. De la question de la réception par les laïcs des sacrements de baptême, confirmation, mariage, dans les communautés de la Fraternité;


2. De la question des communautés pratiquant ‑ sans leur appartenir ‑ la Règle de tel ou tel Institut religieux.


Il appartiendra à la Commission romaine de résoudre ces problèmes.


4. Ordinations


Pour les ordinations, il faut distinguer deux phases


4.1. Dans l’immédiat :


Pour les ordinations prévues à brève échéance, Mgr Lefebvre serait autorisé à les conférer ou, s'il ne le pouvait, un autre évêque accepté par lui.


4.2. Une fois érigée la Société de vie apostolique :


4.2.1. Autant que possible, et au jugement du supérieur général, suivre la voie normale : remettre les lettres dimissoriales à un évêque qui accepte d'ordonner les membres de la société.


4.2.2. En raison de la situation particulière de la Fraternité (cf. infra) : ordination d'un évêque de la Fraternité qui, entre autres tâches, aurait aussi celle de procéder aux ordinations.


5. Problème de l'évéque


5.1. Au niveau doctrinal (ecclésiologique), la garantie de stabilité et le maintien de la vie et de l’activité de la Fraternité est assurée par son érection en Société de vie apostolique de droit pontifical et l'approbation des statuts par le Saint‑Père.


5.2. Mais, pour des raisons pratiques et psychologiques, apparaît l'utilité de la consécration d'un évêque membre de la Fraternité. C'est pourquoi, dans le cadre de la solution doctrinale et canonique de la réconciliation, nous suggérons au Saint‑Père de nommer un évêque choisi dans la Fraternité sur présentation de Mgr Lefebvre. En conséquence du principe indiqué ci‑dessus (5. 1.), cet évêque n'est pas normalement supérieur général de la Fraternité. Mais il paraît opportun qu'il soit membre de la Commission romaine


6. Problèmes particuliers (à résoudre par décret ou déclaration)


‑ Levée de la « suspensio a divinis » de Mgr Lefebvre et dispense des irrégularités encourues du fait des ordinations.


‑ Prévision d'une « amnistie » et d'un accord pour les maisons et les lieux de culte de la Fraternité érigés ‑ ou utilisés ‑jusqu'à maintenant sans autorisation des évêques.


Joseph card. RATZINGER

+ Marcel LEFEBVRE


Le schisme de Mgr Lefebvre

Motu proprio « Ecclesia Dei adflicta »

1. C'est avec beaucoup de tristesse que l'Église de Dieu a appris l'ordination épiscopale illégitime conférée le 30 juin dernier par Mgr Marcel Lefebvre, qui a rendu vains tous les efforts que le Saint‑Siège a déployés ces dernières années pour assurer la pleine communion avec l'Église de la Fraternité sacerdotale Saint‑Pie‑X fondée par le même Mgr Lefebvre. Tous ces efforts, spécialement ceux de ces derniers mois particulièrement intenses, n'ont servi à rien alors que le Siège apostolique a fait preuve de patience et d'indulgence jusqu'à la limite du possible[5].


2. Cette tristesse est particulièrement ressentie par le successeur de Pierre à qui revient en premier de veiller à l'unité de l'Église[6], même si le nombre des personnes concernées directement par ces évènements est relativement réduit. Car chaque personne est aimée de Dieu pour elle-même et a été rachetée par le sang du Christ versé sur la Croix pour le salut de tous les hommes.


Les circonstances particulières, objectives et subjectives, qui entourent l'acte accompli par Mgr Lefebvre offrent à tous l'occasion d'une réflexion profonde et d'un engagement renouvelé de fidélité au Christ et à son Église.


La gravité du schisme

3. En lui‑même, cet acte a été une désobéissance au Souverain Pontife en une matière très grave et d'une importance capitale pour l'unité de l’Église, puisqu'il s'agit de l'ordination d'évêques par laquelle se perpétue sacramentellement la succession apostolique. C'est pourquoi une telle désobéissance, qui constitue en elle‑même un véritable refus de la primauté de l'évêque de Rome, constitue un acte schismatique[7]. En accomplissant un tel acte malgré la monition formelle qui lui a été envoyée par le cardinal préfet de la


Congrégation pour les Évêques le 17 juin dernier (DC 1988, n°1966, p. 740 ‑ NDLR), Mgr Lefebvre a encouru avec les prêtres Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galarreta, la grave peine de l'excommunication prévue par la discipline ecclésiastique[8].


4. A la racine de cet acte schismatique, on trouve une notion incomplète et contradictoire de la Tradition. Incomplète parce qu'elle ne tient pas suffisamment compte du caractère vivant de la Tradition qui, comme l'a enseigné clairement le Concile Vatican 11, « tire son origine des apôtres, se poursuit dans l'Église sous l'assistance de l'Esprit Saint : en effet, la perception des choses aussi bien que des paroles transmises s'accroît, soit par la contemplation et l'étude des croyants qui les méditent en leur cœur, soit par l'intelligence intérieure qu'ils éprouvent des choses spirituelles, soit par la prédication de ceux qui, avec la succession épiscopale, reçurent un charisme certain de vérité[9] ».


Mais c'est surtout une notion de la Tradition, qui s'oppose au Magistère universel de l'Église lequel appartient à l'évêque de Rome et au corps des évêques, qui est contradictoire. Personne ne peut rester fidèle à la Tradition en rompant le lien ecclésial avec celui à qui le Christ, en la personne de l'apôtre Pierre, a confié le ministère de l'unité dans son Église[10].


Appel à tous les catholiques

5. Devant une telle situation, j'ai le devoir d'attirer l'attention de tous les fidèles catholiques sur quelques points que cette triste circonstance met en lumière.


a) Le résultat auquel a abouti le mouvement promu par Mgr Lefebvre peut et doit être une occasion pour tous les fidèles catholiques de réfléchir sincèrement sur leur propre fidélité à la Tradition de l’Église, authentiquement interprétée par le Magistère ecclésiastique, ordinaire et extraordinaire, spécialement dans les Conciles œcuméniques, depuis Nicée jusqu'à Vatican Il. De cette réflexion, tous doivent retirer une conviction renouvelée et effective de la nécessité d'approfondir encore leur fidélité à cette Tradition en refusant toutes les interprétations erronées et les applications arbitraires et abusives en matière doctrinale, liturgique et disciplinaire.


C'est en premier lieu aux évêques, à cause de leur mission pastorale propre, que revient le grave devoir d'exercer une vigilance clairvoyante, pleine de charité et de fermeté, afin qu'une telle fidélité soit partout sauvegardée[11].


Mais tous les pasteurs et les autres fidèles doivent aussi avoir une conscience nouvelle non seulement de la légitimité mais aussi de la richesse que représente pour l'Église la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d'apostolat. Cette diversité constitue aussi la beauté et l’unité dans la variété : telle est la symphonie que, sou l'action de l'Esprit Saint, l'Église terrestre fait monter ver le ciel.


b) Je voudrais en outre attirer l'attention des théologiens e des autres experts en science ecclésiastique afin qu'ils s sentent interpellés eux aussi par les circonstances présentes En effet, l'ampleur et la profondeur des enseignements d Concile Vatican II requièrent un effort renouvelé d'approfondissement qui permettra de mettre en lumière la continuité du Concile avec la Tradition, spécialement sur de points de doctrine qui, peut‑être à cause de leur nouveauté n'ont pas encore été bien compris dans certains secteurs d l'Église.


Directives pastorales

c) Dans les circonstances présentes, je désire avant tout lancer un appel à la fois solennel et ému, paternel et fraternel, à tous ceux qui, jusqu'à présent, ont été, de diverses manières, liés au mouvement issu de Mgr Lefebvre pour qu'ils réalisent le grave devoir qui est le leur de rester unis au Vicaire du Christ dans l'unité de l'Église catholique et de ne pas continuer à soutenir de quelque façon que ce soit ce mouvement. Nul ne doit ignorer que l'adhésion formelle au schisme constitue une grave offense à Dieu et comporte l'excommunication prévue par le droit de l'Église[12].


A tous ces fidèles catholiques qui se sentent attachés à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine, je désire aussi manifester ma volonté ‑ à laquelle je demande que s'associent les évêques et tous ceux qui ont un ministère pastoral dans l'Église ‑ de leur faciliter la communion ecclésiale grâce à des mesures nécessaires pour garantir le respect de leurs aspirations.


Création d'une nouvelle commission

6. Compte tenu de l'importance et de la complexité des problèmes évoqués dans ce document, je décrète:


a) Une Commission est instituée, qui aura pour mission de collaborer avec les évêques, les dicastères de la Curie romaine et les milieux intéressés, dans le but de faciliter la pleine communion ecclésiale des prêtres, des séminaristes. des communautés religieuses ou des religieux individuels ayant eu jusqu'à présent des liens avec la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre et qui désirent rester unis au successeur de Pierre dans l'Église catholique en conservant leurs traditions spirituelles et liturgiques, à la lumière du protocole signé le 5 mai par le cardinal Ratzinger et Mgr Lefebvre (DC 1988, n' 1966, p. 734‑736 ‑ NDLR).


b) Cette Commission est composée d'un cardinal président et d'autres membres de la Curie romaine dont le nombre sera fixé selon les circonstances (**).


c) On devra partout respecter les dispositions intérieures de tous ceux qui se sentent liés à la tradition liturgique latine, et cela par une application large et généreuse des directives données en leur temps par le Siège apostolique pour l'usage du missel romain selon l’édition typique de 1962[13].


7. Alors que 1’on approche de la fin de cette année tout particulièrement consacrée à la Très Sainte Vierge, je désire exhorter chacun à s'unir à la prière incessante que le Vicaire du Christ, par l'intercession de la Mère de l'Église, adresse avec les paroles mêmes du Fils : « Que tous soient un ! »


Donné à Rome, près de Saint‑Pierre, le 2 juillet 1988, dixième année de mon pontificat.


IOANNES PAULUS PP. II


(*) Texte latin dans l’Osservatore Romano du 3 juillet. Traduction, titre et sous‑titres de la DC. Les références à la DC sont de notre rédaction.

(**) Constituée le 9 juillet, cette Commission est présidée par le cardinal Augustin Mayer, ancien préfet de la Congrégation pour les Sacrements et le Culte divin, et elle est composée de Mgr Pere Tena Garriga, sous‑secrétaire de la Congrégation pour le Culte divin; Mgr Milan Simcic, sous‑secrétaire pour la Congrégation pour le Clergé; du P. Jesus Torres Llorente, sous‑secrétaire pour les religieux à la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers; de Mgr Frantisek Rypar, chef du bureau des séminaires à la Congrégation pour l'Éducation catholique; des PP. Tarcisio Bertone et Fernando Ocariz, consulteurs à la Congrégation pour la Doctrine de la foi; du P. Benoît Duroux, professeur à l'Université pontificale Saint‑Thomas‑d'Aquin. Le Pape a nommé secrétaire de cette Commission Mgr Camille Perl, de la Congrégation pour le Culte divin (NDLR).




  1. C'est d'ailleurs là la raison pour laquelle on ne peut pas dire que l'indult est une « exception à la toi » au sens du canon 18. C'en serait certainement une si la seule loi existante sur laquelle reposât la célébration de la Messe était la Constitution Missale Romanum de 1970 : mais nous avons vu que tel n'est pas le cas. Et d'autre part l'indult ne représente assurément pas une exception à la bulle Quo primum, ni à la coutume immémoriale qui précède et suit cette bulle.
  2. Une traduction semi‑officielle publiée à Rome rend « doctrinalis rectitudo » par « le caractère non hérétique du nouveau Missel ».
  3. Il faut noter en outre que le mot latin « tantummodo » du texte de l'indult (petit b) signifie « seulement » et non pas « exclusivement » ; il faut le comprendre en tenant compte du contexte du paragraphe, qui concerne les heures et lieux où ces groupes se réunissent pour le culte : l'intention du législateur est que l'ancien rite ne doit en aucun cas causer trouble et confusion, mais qu'il doit être « seulement » pour les groupes qui désirent y assister.
  4. Il est bon de rappeler ici que la célébration de la Messe selon l'ancien rite est « pour l'utilité de ces groupes qui la demandent », selon les termes mêmes de l'indult ; ce qui implique, de la part de l'évêque, une stricte obligation morale de rendre cette Messe accessible.
  5. Cf Note d'information du 16 juin 1988 : lOsservatore Romano, 17 juin 1988, p. 1‑2 (DC 1988, n' 1966, p. 737‑739).
  6. Cf. Conc. Vatican I, Constitution Pastor aeternus : DS 3060
  7. Cf. Code de droit canon, canon 751.
  8. Cf. Code de droit canon, canon 1382.
  9. Conc. Vatican 11, Constitution Dei' Verbum, n° 8; cf. Conc. Vatican 1, Constitution Dei' Fi . Il . us, ch. 4 : DS 3020.
  10. Cf. Mt 16, 18, Le 10, 16; Conc. Vatican I, Constitution Pastor aeternus chap. 3 : DS 3060.
  11. Cf. Code de droit canon, can. 386; Paul VI, Exh. apost. Quinque iam anni, 8 décembre 1970 : AAS 63 (1971), p. 97‑106 (DC 1971, n' 1578, p. 52‑56).
  12. Cf. Code de droit canon, can 1364.
  13. Cf. Congrégation pour le Culte divin, Lettre Quattor abhinc c annos, 3 octobre 1984 : AAS 76 (1984), p. 1088‑1089 (DC 1984, n° 1885, P. 1124‑1125).
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