La contrition parfaite

De Salve Regina

Morale
Auteur : R.P. Desurmont

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen

Voilà un sujet dont on entend peu ou pas parler. Probablement à cause de cela, Dieu a mis entre mes mains un petit volume parlant exclusivement de la contrition parfaite. Dieu ne fait rien pour rien, alors je me suis dit que, peut-être, Dieu désire que je vous livre l’enseignement contenu dans ce petit livre. Écrit par le R.P.J.S. Garant (Rédemptoriste), le livre reçut l’imprimatur en septembre 1922 du Cardinal Bégin, archevêque de Québec. En 1924, on en était à la quatrième édition, avec plus de 21,000 exemplaires vendus et une traduction anglaise sous presse. Est-ce à dire qu’en un temps où l’on pouvait, somme toute, se confesser aisément, les gens sentaient le besoin d’entendre parler de cette vérité de la Foi si peu connue ? Que dire, alors, de nous qui vivons dans la privation complète des sacrements ?

L’auteur, dans son introduction, nous rappelle que, sans la pénitence, il n’y a pas de pardon possible pour nos fautes : « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous… » (Luc, XIII, v. 3). Cette pénitence s’exerce de deux façons : par le sacrement de pénitence ou par la contrition parfaite qui renferme au moins implicitement le désir de se confesser. Ces deux manières de faire pénitence remettent infailliblement le péché commis. C’est l’enseignement formel de l’Église et de ses Docteurs.

"Après le péché, il n’y a que deux moyens pour une âme d’obtenir le pardon : la confession ou le repentir. Qu’elle se confesse avec au moins la contrition imparfaite ou qu’elle tire de son cœur un acte de contrition parfaite." Saint Alphonse de Liguori.


La contrition parfaite est l’une des doctrines les plus méconnues chez les catholiques. Dans les années 20, Mgr. de Ségur disait qu’il mourait 150 personnes par minute et que les 3/5 de ces morts étaient des morts imprévues. Combien, sur ce nombre, sont surpris dans la disgrâce de Dieu ? Dans un temps de tradition, la plupart mourait sans l’assistance d’un prêtre et sans les derniers sacrements ! Que dire aujourd’hui ! ! !

"La contrition parfaite intéresse au plus haut point la vie pratique ; elle est donc d’une extrême importance pour les fidèles puisque le bonheur et le salut éternels d’un grand nombre d’âmes en dépendent. Aussi le pasteur a-t-il le devoir rigoureux, dans les classes et en chaire, au confessionnal et auprès du lit des malades, d’expliquer avec soin ce que l’Église enseigne sur ce moyen de salut qui, souvent, est le dernier et unique moyen ; il doit soigneusement apprendre au peuple chrétien tout ce qui est nécessaire pour la véritable contrition et quels sont les moyens de l’obtenir." Dr. Nicolas Gihr, Les Sacrements de l’Église catholique.


Comme on peut voir, plus on lit, plus on constate la légèreté et le peu d’amour des âmes qui caractérisaient le clergé de jadis : comme Notre-Seigneur devait souffrir devant tout cela ! Que le Saint-Esprit éclaire donc nos cœurs et ouvre notre intelligence afin que nous comprenions ensemble ce qu’est la contrition parfaite.

"Il y a beaucoup de choses que nous savons mal et qu’il est très bon qu’on redise" (Vauvenargues). La contrition semble faire partie de ces choses. Avant de parler de la contrition parfaite, revoyons les notions générales de la contrition.


1. - NATURE

Le saint Concile de Trente définit la contrition :"Une douleur de l’âme et une détestation du péché commis avec le propos de ne plus le commettre à l’avenir." La douleur et la détestation du péché impliquent la résolution ferme de ne plus le commettre à l’avenir. Celui-là ne déteste pas sincèrement ses péchés qui n’est pas déterminé à ne plus les renouveler. Un vrai regret suppose nécessairement la volonté de ne plus pécher. Il serait indigne du pardon celui qui ne voudrait pas se corriger.


2. - NÉCESSITÉ

Sans la contrition, dit Saint Alphonse, Dieu ne peut nous accorder le pardon de nos fautes. Elle est une condition essentielle et indispensable et une nécessité absolue ; une nécessité de moyen et de précepte.

Nécessité de moyen : c’est-à-dire que rien ne peut y suppléer, pas même la confession. Sans elle, Dieu ne peut nous pardonner.

Nécessité de précepte : c’est Dieu lui-même qui veut et ordonne la contrition. Les Saintes Écritures sont un appel constant à la pénitence, or toute conversion réelle et toute pénitence impliquent la contrition, donc la contrition est un précepte divin. Personne n’a obtenu le pardon sans contrition, ni avant, ni après Jésus-Christ. C’est un article de Foi, comme l’a affirmé le Concile de Trente dans sa Session 14, chapitre 4.


3. - QUALITÉS

La contrition, pour être véritable, exige deux choses : la douleur et la détestation du péché, et la résolution de ne plus le commettre à l’avenir. La première regarde le passé, c’est la contrition proprement dite ; la seconde regarde l’avenir, c’est le bon propos.


Qualités de la contrition.

Intérieure : Cela veut dire que la douleur doit être au dedans, dans l’âme et non pas seulement dans les paroles, sur le bout des lèvres. En vain réciterait-on l’acte de contrition ; pousserait-on des gémissements ; verserait-on des larmes, si on n’avait pas, au fond du cœur, un regret sincère d’avoir offensé Dieu.

Surnaturelle : Au-dessus de la nature, parce qu’elle est un don de Dieu et que ses motifs proviennent exclusivement de la Foi.

Universelle : Elle doit s’appliquer à tous les péchés mortels commis, sans exception. Celui qui en exclurait, ne fut-ce qu’un seul de son repentir, serait indigne de pardon. Son cœur restant attaché au péché, Dieu en peut lui pardonner.

Souveraine : Une douleur souveraine est celle qui l’emporte sur toutes les autres douleurs. Pourquoi ? Parce que le péché est le plus grand de tous les maux ; il offense et outrage une Majesté Infinie et fait perdre le ciel et mériter l’enfer.


Qualités du bon propos.

Ferme : Saint Thomas définit le propos : un acte déterminé de la volonté de faire une action future. Ce n’est pas un désir vague, une pensée quelconque. Il ne suffit pas de dire : je voudrais bien, je ferai mon possible ; car l’enfer est rempli de gens qui ont bien voulu, mais qui n’ont rien fait. Seuls ceux qui disent : c’est fini, je veux me corriger, sont dignes du royaume des cieux.

Universel : Cette volonté doit s’étendre à tous les péchés mortels : en omettre un, c’est se condamner à l’enfer.

Efficace : Il importe de prouver, par des actes, notre bonne volonté. Un amendement sérieux de la vie, montre que l’âme est déterminée à ne plus offenser Dieu et à prendre tous les moyens pour ne plus retomber. Saint Ambroise raconte qu’un jeune homme qui vivait une vie complètement dissolue, touché par la grâce, se convertit et fit une sincère pénitence. Revenu dans son pays, une complice de ses anciennes débauches se trouva devant lui. Il ne la regarda pas. Étonnée de tant de froideur, elle lui dit : "C’est moi." Le jeune homme de lui répondre : "C’est vous ! et bien ! moi, ce n’est plus moi."

Il y a deux sortes de contrition : parfaite et imparfaite. La seule différence qui existe entre ces deux contritions est le motif : l’un étant parfait (regret d’avoir offensé Dieu parce qu’Il est infiniment Bon et Aimable) ; l’autre imparfait (regret d’avoir offensé Dieu à cause des châtiments dont Il peut nous punir) ; l’un provient de l’amour, l’autre de la crainte. Dans le Saint Évangile, Saint Pierre et Marie-Madeleine sont deux modèles de contrition parfaite. Est-ce à dire que les larmes sont un gage de contrition parfaite ? Non. La contrition parfaite doit se trouver, avant tout, dans la volonté.


Les effets de la contrition parfaite.

La contrition parfaite justifie immédiatement le pécheur avant même la réception du sacrement de Pénitence. En d’autres termes, à l’instant même où le pénitent la conçoit dans son cœur, ses péchés lui sont pardonnés ; il redevient l’enfant de Dieu. La contrition parfaite est un acte qui provient de l’amour ; or, il est dit dans les Saintes Écritures que l’amour justifie le pécheur : "J’aime ceux qui m’aiment" (Prov. VIII, v. 7) ; "Celui qui m’aime sera aimé de mon Père et je l’aimerai moi aussi" (Jean XIV, v. 21). Comme Dieu est bon envers nous ! et comme il suffit de peu pour toucher son Cœur et être son ami ; car, quoi de plus facile et de plus naturel pour l’âme que d’aimer tendrement Celui qui l’a créée et qui la comble de bienfaits.

Voyons un peu ce qu’enseigne l’Église :


"La contrition perfectionnée par la charité réconcilie l’homme avec Dieu, avant même la réception du sacrement de Pénitence."

Concile de Trente, Session 14, chapitre 4.


"Tous les maux sont enlevés quand la charité règne dans un cœur."

Saint Jean Chrysostome.


"La véritable conversion ne souffre pas de retard, puisque l’Esprit-Saint a dit : Quand le repentir gémissant te tournera vers Dieu, tu seras sauvé."

Saint Léon.


"La charité ne peut exister avec le péché mortel."

Saint Thomas d’Aquin.


Sous la loi ancienne, la contrition opérait cet effet (rémission du péché mortel) absolument et sans condition. Sous la loi nouvelle, elle ne l’opère qu’avec le vœu ou le désir de recevoir le sacrement de Pénitence. Ce point est expressément enseigné par le Concile de Trente. Procédant de l’amour, il est évident que celui qui aime est nécessairement dans la disposition d’accomplir toute la loi or la loi de Dieu veut que, contrition parfaite ou non, nous accusions en confession tous péchés mortels. On peut dire que celui qui fait un acte de contrition parfaite, a, en même temps, la volonté, au moins implicite, de recourir au sacrement de Pénitence dès qu’il le pourra.


Les degrés de la contrition parfaite.

1.- L’âme se repent de ses fautes par pur amour de Dieu et elle est fermement résolue à éviter tous péchés mortels.

2.-L’âme se repent de ses fautes par pur amour de Dieu et elle est résolue à éviter tous péchés mortels et véniels.

3.-L’âme se repent de ses fautes et elle est fermement résolue à éviter toutes fautes quelle qu’elle soit, même toute imperfection et à embrasser les souffrances, les croix, que la Providence pourrait lui envoyer, dans le seul but de plaire à Dieu.

Quel degré est requis pour le pardon d’une faute mortelle ? Saint Thomas enseigne : "Quelle que petite que soit la contrition, elle remet tout péché". Il enseigne aussi que Dieu peut remettre en partie ou complètement la peine due au péché, selon le degré de ferveur de la contrition qui se trouve dans l’âme et il cite, comme exemple, le bon Larron qui eut une telle contrition qu’elle lui obtint le paradis aussitôt après sa mort. Il est donc bon de faire souvent des actes de contrition parfaite et cela avec le plus de ferveur possible.


Est-ce difficile de faire un acte de contrition parfaite ?

"Par suite d’un préjugé trop répandu, on croit que l’acquisition de la contrition parfaite est d’une difficulté désespérante. Erreur pernicieuse : pourquoi enlever ainsi aux pauvres âmes qu’une surprise, une tentation violente trouve faibles, l’espoir de se relever sans retard ; pourquoi refuser à celui qu’un accident subit jette dans les bras de la mort, la consolation de pouvoir se repentir assez pour trouver miséricorde auprès de son Juge ?"

Abbé F. Maucourant,Le Sacrement de Pénitence.


"Même après l’institution des sacrements chrétiens, la contrition parfaite est, pratiquement pour le grand nombre, l’unique voie de salut. Les erreurs sur ce point et surtout les exagérations du rigorisme peuvent être fort dangereuses pour les âmes."

Dr. Gihr, Les Sacrements de l’Église catholique.


La dernière raison est que beaucoup confondent la contrition parfaite véhémente, ou à un haut degré d’intensité, avec la contrition parfaite elle-même. La sensibilité et l’intensité de la contrition ne sont pas requises. On peut les désirer et y tendre mais elles ne sont pas nécessaires. Dieu n’exige pas de nous la contrition véhémente et intense de certains saints. Tout ce qu’il demande, c’est que la volonté regrette ses fautes, parce qu’elles ont offensé un Dieu infiniment bon et aimable, c’est à dire qu’on se repente pour un motif d’amour.

Comme l’amour appelle l’amour et qu’il est naturel au cœur de l’homme d’aimer, il est donc facile pour l’homme d’aimer Dieu, car, en Lui, il trouve manifesté à son égard, le plus grand, pur, infini et sans retour amour que le cœur de l’homme, en quête d’amour, puisse concevoir ; or, quand il est facile d’aimer, il est aussi facile de se repentir par amour.

La contrition, de par la bonté de Dieu, est facile d’accès, car elle ne requiert aucun sentiment, mais un acte de la volonté. Pour dire vrai, il est plus facile à une âme, vivant de façon habituelle dans la grâce de Dieu, de faire un acte de contrition parfaite qu’imparfaite, car il est plus facile d’aimer Dieu que de le craindre.


Moyens d’obtenir la contrition parfaite.

1. - La prière. Dieu est toujours prêt à donner à qui lui demande. Saint Bernard disait : "Comment Dieu pourrait-il refuser nos demandes, lui qui, quand nous ne demandons rien, nous provoque lui-même à demander ?" Demandons lui souvent, avec ardeur, la grâce de la contrition parfaite.


2. - Méditation des motifs de contrition. On en trouve 6 :

  • laideur du péché ;
  • ciel perdu, enfer mérité ;
  • Majesté de Dieu outragée ;
  • Bonté méprisée ;
  • Passion et mort de Jésus.

Les trois premiers ne produiront que la contrition imparfaite ; il est donc mieux de s’appliquer à méditer sur les trois derniers.


Majesté de Dieu outragée

"Eh ! qu’est-ce que cela, ô mon Dieu, mon amour, ma gloire ? Non, ce n’est point là ce que vous êtes : nous ne faisons que bégayer quand nous voulons parler de vous." (Saint Augustin). Les Anges, saisis de respect, l’adorent avec crainte et tremblement, et l’homme, ce misérable ver de terre, ose lui résister en face. Il pousse l’insolence jusqu’à se révolter audacieusement contre Lui en violant ses commandements. Ah ! comme il est facile de détester le péché, et de s’en repentir avec amour.


Bonté de Dieu méprisée

Il serait bien plus facile de compter les étoiles du firmament que les bienfaits dont Dieu nous a comblé et nous avons osé mépriser cette bonté en nous révoltant contre ses ordres.


Passion et mort de Jésus

"Dieu nous a aimés jusqu’à sacrifier son Fils unique." (Jean III, v. 16). Cette seule phrase devrait blesser notre cœur d’une douleur inconsolable. Le seul coupable de la Passion du Christ, c’est le péché. Saint Paul est formel : ceux qui se livrent au péché, attachent de nouveau Jésus-Christ à la Croix sur le Calvaire de leur cœur. Ils le crucifient et le font mourir de nouveau (Hébreux VI, v. 6). Ne pas se repentir d’amour équivaut à avoir une pierre à la place du cœur.


Quand faire des actes de contrition parfaite ?

  • Quand on est en état de péché mortel (celui qui, en état de péché mortel, voudrait réciter l’acte de charité doit, auparavant, s’il ne peut se confesser, faire un acte de contrition parfaite) ;
  • en danger de mort ;
  • dans les tentations ;
  • enfin, plusieurs fois par jour : c’est une sainte habitude que nous devons prendre.

La contrition parfaite est très utile aux chrétiens qui vivent en état de grâce, car nul, en effet, ne sait s’il est digne d’amour ou de réprobation. Si vous êtes en état de grâce, chaque acte de contrition parfaite vous obtiendra une rémission complète ou partielle des peines dues à vos péchés, selon votre degré de ferveur ; il vous procurera le pardon de vos péchés véniels dont vous vous repentirez et enfin il augmentera constamment en vous la grâce sanctifiante et assurera votre persévérance.

La contrition parfaite est donc souverainement importante. On peut affirmer, en toute vérité, que l’acte de contrition parfaite est, de tous les moyens de rentrer en grâce avec Dieu et d’échapper à l’enfer, le premier, le plus universel et parfois le dernier.


Conclusion

Je pense que cela est suffisant pour développer en nous la pratique de l’acte de contrition parfaite. Dans la privation actuelle des sacrements, cette pratique ne pourra être que salutaire pour nos âmes. Une dernière chose : l’auteur recommande, si jamais nous nous trouvions sur les lieux d’un accident et que nous pouvions approcher la victime, de réciter, à haute voix, pour elle ou avec elle, l’acte de contrition et ce, même si la personne appartient à une autre religion ; c’est peut être la grâce de conversion qui fera la différence entre le ciel ou l’enfer pour elle. Il va s’en dire que si nous devons assister un malade en danger de mort, la même pratique est recommandée.

"La contrition parfaite est une faveur si grande qu’elle suffit pour faire d’un homme diabolique un homme divin. Sur le bord de la tombe, un seul mouvement de ce repentir complet transporte le pécheur du vestibule de l’enfer dans le ciel."

"Saint Alphonse attache une importance particulière à l’acte de contrition parfaite. Même tout ordinaire, cet acte est déjà un trésor et une merveille. C’est quelque chose du Cœur de Jésus tombant dans le cœur de l’homme."

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