La réforme de Pie XII

De Salve Regina

Réforme des rites avant 1969
Auteur : Mgr Léon Gromier (1879 - 1965)
Source : Revue "Opus Dei"
Date de publication originale : avril 1962

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen
Remarque particulière : Notice historique sur l'auteur sur http://www.ceremoniaire.net/office_divin/caer_ep_3/mgr_gromier.html

Remarque préliminaire

Dans les lignes qui suivent, Monseigneur GROMIER exprime ses regrets au sujet des nouvelles rubriques concernant la Semaine Sainte ; il y donne des raisons que les lecteurs de la revue sauront sûrement apprécier. Il y a là un exposé qui a sa valeur. Cet article a été donné en conférence à Paris en juillet 1960 ; si les raisons invoquées vous paraissent fondées, il ne s’ensuit pas évidemment que, sous prétexte d’une meilleure pastorale, vous deviez changer quoi que ce soit à l’ordonnance des offices de la Semaine Sainte. N.D.L.R.

Texte de la Conférence

La Semaine Sainte restaurée fût en premier lieu une question d’horaire. Il s’agissait de remettre en usage la veillée pascale, basée sur le dogme pastoral de la Résurrection à minuit sonnant. Ce dogme ne se soutient pas facilement ; car pourquoi s’y soumettre quand les messes vespérales, pratiquement, admettent la célébration à toute heure du jour et de la nuit, même après le chant des vêpres ; quand la messe conventuelle se célèbre indifféremment après tierce ou sexte ou none ? Autre opposition les règles du culte ont pour fondement, outre le cours du soleil, la discipline du jeûne, qui s’est fortement adoucie ; d’où il suit que l’édifice restauré a l’air d’un château de cartes. Le zèle pastoral s’est étendu, depuis le samedi, point culminant, à toute la semaine partant des rameaux.

L’anticipation progressive des trois derniers jours, puis le renvoi au soir originaire nous ouvre un débat. Le décret général préambule affirme que, vers la fin du moyen-âge, on avait avancé au matin les solennités susdites. Or la bulle de Saint Pie V, Ad cujus notitiam, du 29 Mars 1566, donc 113 ans après la fin du moyen-âge, prohibe ce qu’on faisait encore, par permission ou par coutume, dans les église cathédrales, collégiales, conventuelles et autres, c’est-à-dire célébrer, le soir ou vers le coucher du soleil, le samedi saint et les autres solennités. Le but est évident la pastorale doit restaurer, réparer les dégâts ; plus graves ils étaient, plus sera bien venue la restauration ; Dieu sait si la restauration à faire avant toute autre n’était pas d’abolir la bulle de Saint Pie V, en laissant aux évêques la liberté tant désirée, de choisir l’heure de l’après-midi la plus avantageuse pour les offices de la Semaine Sainte : en permettant aussi, à qui voulait, de faire la communion ; laquelle avait été abolie par crainte qu’on ne fût plus à jeun aux heures de l’après-midi où le célébrant la faisait encore.

Sa terminologie mérite attention ; car un apologiste, patenté pour le reste, nous maintient ici dans l’obscurité. Jusqu’à présent on connaissait le dimanche de la Passion, le dimanche des Rameaux, les lundi, mardi et mercredi de la Semaine Sainte, le Jeudi Saint, in Coena Domini en latin, le Vendredi Saint, in Parasceve en latin et le Samedi Saint. Puisqu’on veut amplifier la solennité de la procession des Rameaux, pourquoi mettre ce dimanche en dépendance de la Passion ; et ne pas lui laisser son vieux nom de dimanche des Rameaux, que tout le monde comprend et qui ne trompe personne ? Si le Samedi Saint s’appelle ainsi, le vendredi peut bien s’appeler de même, chez tous les chrétiens du monde. Il y aura bientôt 2000 ans qu’on l’appelle in Paravesce ; le nom seul en démontre l’antiquité. Alors pourquoi le remplacer par Passion ou Mort du Seigneur ; locution inutile, non traditionnelle, inconnue au canon de la messe ? En style ecclésiastique passion signifie souffrances jusqu’à la mort inclusivement. Si le substantif mort était si nécessaire, le bon sens voulait surtout qu’il fut ajouté au mot passion dans le titre de l’Evangile : Passio D.N.J.C. appelé maintenant histoire de la Passion.

L’occasion s’offre d’examiner les capacités juridiques de la pastorale. Il ne suffit pas de parler d’une chose pour la créer. Office in choro veut dire un lieu liturgique ou des ecclésiastiques se comportent suivant des règles liturgiques. Office in communi ne désigne ni lieu ni personne ; c’est un groupe de gens réunis sans mandats sans entité légale, et auxquelles il plaît de dire collectivement l’office privé. Le bréviaire distingue in choro et extra chorum ; il n’y a pas de moyens termes.

Que les vêpres du jeudi et du vendredi saint soient omises, supprimées, voilà qui atteint le comble de l’arbitraire, surtout quand on allègue ce motif : la messe tient lieu de vêpres, car elle est le principal. Or, entre messe et vêpres, il n’y a aucune rivalité ; les vêpres ont la même principalité que les autres fonctions liturgiques. Suivant les temps et les lieux, les vêpres ont été écourtées après la messe du samedi ; elles le furent aussi après la messe du jeudi et du vendredi ; jamais on ne pensa à les abolir. L’horaire rétabli par les pastoraux s’accorde en plein avec le fait historique, c’est à dire jeûne jusqu’aux vêpres, qui sont précédées de la messe et de la communion. Les vêpres du samedi sont dans l’après-midi, avant la messe qui est nocturne ; mais quelle raison peut interdire les vêpres du jeudi et du vendredi, après la messe qui n’est pas nocturne par définition ? Le samedi saint sans complies est inexplicable ; le jeudi et vendredi saints, avec complies mais sans vêpres, défient le raisonnement ; car on a beau se coucher tard, le coucher n’en a pas moins lieu et exige sa prière.

Pour qualifier la procession des Rameaux, la fonction du vendredi saint et la veillée pascale, les pastoraux emploient l’adjectif solennel, tandis qu’ils s’en privent pour tout le reste. Or la solennité des fonctions liturgiques n’est pas une décoration facultative ; elle tient à la nature de la fonction ; elle résulte de tous ses éléments constitutifs, non seulement de quelques uns. Tous les manuels expliquent quelles sont les fonctions solennelles et les non-solennelles. En dehors de là une sois disant solennité n’est qu’un appât amplificatif, pour faire impression et mieux frapper au but. Il faut savoir que, par habitude assez récente, on fait un usage prodigieux du mot solennel, même pour des actes nécessairement solennels, inséparables de solennité. On se paye de mots en croyant mettre plus de solennité dans la procession des Rameaux que dans celle de la Chandeleur, plus de solennité dans la procession du jeudi saint que dans celle du vendredi (abolie comme nous verrons). Toujours sur la même pente, nous apprenons que la Passion du vendredi saint est chantée solennellement comme si elle pouvait l’être d’autre façon.

Digne d’admiration est la puissance des pastoraux qui se manifeste par l’annulation du malheureux et triste canon 1252 §4, sur le jeûne du samedi saint.

Ce jour-là on nous dit que, sous le symbole du cierge pascal, est représenté notre Rédempteur, lumière du monde, qui, par la grâce de sa lumière, a chassé les ténèbres de nos péchés, etc… Là-dessus planait jadis un peu de mystère, sans risque pour l’enseignement. Maintenant on tient à mettre les points sur les i, ce qui suscite un peu d’incertitude. Les différents temps et lieux nous fournissent un amas chaotique de rites, où il faut chercher le fil conducteur. Comme suite du primitif lucernaire quotidien, le feu produit, soit retiré d’une cachette qui le conservait, soit allumé par les rayons de soleil et la loupe, soit transmis par le briquet, allume un moyen d’éclairage pour la nuit pascale ; c’est le cierge pascal, accompagné de la proclamation du mystère pascal. La présence simultanée, et historique, de deux cierges pascaux ne cadre nullement avec la thèse des pastoraux. L’allumage du cierge est l’acte de première nécessité contre les ténèbres ; par cela même, s’il doit évoquer le Christ vivant, il est fort anticipé, il devance trop l’annonce de la Résurrection. L’amplification reçue des pastoraux par le cierge le fait ressembler plus à un but qu’à un moyen. Jadis censé bénit, et même consacré selon les auteurs, aujourd’hui bénit, le cierge pascal devient un objet qui tient un milieu entre une croix, un évangéliaire et une relique. Tout cela se verra mieux quand nous arriverons au jour du samedi saint.


Pendant toute la semaine sainte, tous les textes chantés par le diacre, le sous-diacre et les chantres sont omis par le célébrant, qui n’a pas à les lire. Peu importe comment chantent les officiants (souvent mal), s’ils se font entendre et comprendre, si les haut-parleurs sont intelligibles. On doit écouter. Voilà une victoire ! On s’en délecte comme d’un retour à l’antiquité, d’un gage pour le futur, d’un avant goût des réformes à venir. Si cela peut intéresser les fidèles habitués à se servir d’un livre, qui, le nez dans leur paroissien, s’isolent de la communauté, sic ! On distingue la lecture seulement oculaire et la lecture labiale. Lire des lèvres ce qu’un autre chante ne se soutient pas. Mais la lecture oculaire peut se soutenir ; elle a un âge respectable ; elle a commencé par nécessité, continuée par utilité, abouti en marque de dignité ; elle fait partie de l’assistance pontificale du Pape et de l’Evêque.

Pour ne rien oublier, on nous apprend qu’est solennel même le reposoir du jeudi saint ; ce que n’a jamais dit le Missel, mieux rédigé que certaines rubriques. Celles-ci expriment deux désirs et une interdiction : le clergé fera bien d’abord de tenir les cierges allumés pendant le chant de l’Exultet, ensuite pendant un dialogue entre le célébrant et les fidèles avant la messe. Défense de tenir les palmes pendant le chant de la Passion. Au total, elles prétendent créer deux obligations pour deux nouveautés ; elles abolissent une pratique ancienne, qui trouve son explication dans saint Augustin (homélie à Matines avant les Rameaux) : " les rameaux de palmier sont des louanges signifiant la victoire, car le Seigneur était sur le point de vaincre la mort en mourant, et de triompher du diable par le trophé de sa croix. "

La vigile de la Pentecôte n’a plus rien de baptismal, devenue un jour comme un autre, et faisant mentir le missel dans le canon. Cette vigile était un voisin gênant, un rival redoutable ! La postérité instruite sera probablement plus sévère que ne l’est l’opinion actuelle à l’égard des pastoraux.

Bon gré ou mal gré, la communion du clergé, souhaitée à la messe du jeudi saint, sera toujours en lutte avec les permission données de célébrer la messe privée.

Les pastoraux appellent le Christ Roi en renfort de leur solennelle procession des Rameaux ; comme si on les attendait pour perfectionner une situation à laquelle l’auteur du Gloria laus et honor a pourvu suffisamment, mais pas à leur manière. Certaines retouches à le tradition, qu’on invoque tant par ailleurs sont aussi mesquines qu’audacieuses.

L’aspersion de l’eau bénite est un rite pascal devenu dominical. Le Dimanche des Rameaux n’est pas moins dominical que les autres. Quand la Chandeleur arrive un Dimanche elle n’empêche pas l’aspersion. Celle-ci n’a jamais consisté à jeter de l’eau sur une table placée quelque part et portant rameaux et autres objets. Elle consiste à asperger l’autel , le célébrant, le clergé, l’église et les fidèles. Exception faite pour l’évêque, et sauf impossibilité, le lieu propre des bénédictions, comme de la consécration, est l’autel, ou encore son voisinage, comme par exemple la crédence.

Pendant des siècles la consécration des huiles se faisait à l’autel, avant de se faire sur une table comme aujourd’hui, et non in conspectu populi. Qu’est-ce que les pastoraux ont ici à montrer au peuple, eux qui de pléthorique qu’elle était, ont rendu squelettique la bénédictions des rameaux ? Une oraison, un signe de croix, un jet d’eau bénite et un encensement ; spectacle peu attrayant. Eux qui suppriment l’aspersion dominicale, véritable méfait liturgique, admettent volontiers que le célébrant parcours l’église pour asperger les rameaux tenus par les fidèles, puis refasse le même chemin pour les encenser.

Un pastoral professeur de séminaire suisse, proclame un jour que le rouge est la couleur du triomphe. On devait lui répondre : vous vous trompez beaucoup, tant que le blanc sera la couleur de Pâques, de l’Ascension, de la Fête-Dieu. Mais non aussitôt dit aussitôt fait ; la couleur pour les rameaux sera le rouge, le violet restant pour la messe. Tout le monde ne pense pas comme le professeur. Le rite romain employait le violet depuis qu’il s’en sert. Le rite parisien et celui de maints diocèses, employait le noir jusqu’au milieu du XIX siècle. Quelques rites employaient le rouge pour les rameaux et la messe. Les uns insistaient sur le deuil les autres sur le sacrifice sanglant. Mais chacun gardait la même couleur : personne n’eût jamais l’idée d’en changer. Car tout l’office du dimanche des rameaux est un mélange de pièces triomphales et passionnelles. Depuis mâtines jusqu’à vêpres incluses, y compris la messe, on trouve que le nombres de pièces passionnelles surpasse de peu celui des pièces triomphales. Quand deux choses sont ainsi mélangées, aucune séparation ne s’impose. le professeur suisse a cru s’illustrer en imitant le raisonnable changement de couleur qui se fait à la chandeleur ; mais son pastiche n’est qu’une chétive succursale de la moderne fête du Christ Roi.

La distribution des rameaux, lisons-nous, se fait suivant la coutume. N’en déplaise aux pastoraux, avant la coutume, il y des règles à observer. Comme le célébrant s’il n’est pas l’unique prêtres, reçoit les cendres et son cierge des mains du plus digne du clergé, ainsi doit-il recevoir son rameau. S’il ne le reçoit pas il sera sans rameau à la procession. Là-dessus de graves rubricistes se sont demandés si les pastoraux voulait que le célébrant ne portât pas de rameaux à la procession, parce qu’il aurait représenté le Christ qui n’en portait pas. L’hypothèse, en tout logique, conduisait à faire monter le célébrant sur une ânesse. Heureusement la pastorale s’est reprise en consentant au rameau oublié.

Elle, qui réduit à sa plus simple expression la bénédiction des rameaux, ne s’est pas privé d’en allonger la distribution, attendu la surabondance des chants destinés à cette action. Tandis que la longueur que la longueur de la bénédiction paraissait énorme, cette pléthore ajoutée est censée pourvoir ne pas suffire au besoin.

Le porteur normal de la croix de procession est le sous diacre, toutes les fois que le célébrant n’a pas besoin de lui, en portant le Saint Sacrement, ou pour les fonts baptismaux. Un sous-diacre supplémentaire en qualité de porte croix n’a de raison que si le sous-diacre est empêché comme ci-dessus.

Pendant deux semaines, la croix de l’autel reste voilée ; bien que voilée on l’encense, on la révère par génuflexion ou inclination profonde. Il est défendu de la dévoiler sous aucun prétexte. Au contraire la croix de procession, succédanée de la croix d’autel, se porte dévoilée à la procession ; au départ et au retour de celle-ci on voit deux croix, l’une voilée, l’autre dévoilée. Que peut-on y comprendre ?

Le désordre augmente au retour de la procession. Aller au devant d’un grand personnage, l’accompagner aux portes de la ville qui sont fermées, s’y arrêter pour le complimenter et l’acclamer, enfin ouvrir pompeusement les portes en son honneur, voilà qui a toujours été un des plus grands hommages possibles ; mais il ne convient pas au génie créateur des pastoraux.

On ne peut qualifier que de vandalisme le fait d’arracher le Gloria laus et honor de sa place à la porte de l’église, pour le mêler à tout le bagage musical processionnel presque triplé de longueur, car lésinerie et gaspillage du temps vont de pair. Donc point d’arrêt devant la porte, fermée puis ouverte ; la croix de procession dévoilée pour la magnifier, on la galvaude en lui refusant la vertu de faire ouvrir la porte. Tout cela en dépit du cérémonial ancien et moderne et puis avec quel profit ? Les rubriques pastorales affectionnent l’expression : rien n’empêche que, nihil impedit quominus. Ici elles s’en servent pour lâcher la bride aux fidèles qui pourront chanter l’hymne Christus vincit, ou autre chant en l’honneur du Christ Roi. Tolérance qui aura naturellement ses suites ; les fidèles dament le pion du clergé, ils ont le choix des chants et de langue ; s’ils chantent au Christ Roi, ils aimeront à chanter à sa mère qui est reine. Autant de désirs, de souhaits éminemment pastoraux.

La rubrique romaine disait : quand la procession entre dans l’église, on chante Ingrediente Domino, la rubrique pastorale dit : quand la procession entre dans l’église, au moment où le célébrant franchit la porte, on chante Ingrediente Domino. On ne fait nul cas de la porte au retour de la procession ; maintenant on guette le passage de la porte par le célébrant qui semble identifié avec le Christ entrant à Jérusalem.

Entre la procession et la messe on nous enrichit d’une oraison finale et récapitulative, avec des modalités défectueuses ; le célébrant n’a pas besoin de monter à l’autel, surtout en lui tournant le dos, exprès pour chanter une oraison et redescendre aussitôt. A-t-on jamais vu cela après les processions des rogations ? Enfin dans le cas présent, tenir le livre devant le célébrant appartient au diacre et sous diacre, non à un clerc.

Autrefois on appelait Passion le chant évangélique de la Passion, et évangile la fin de la Passion chantée à la manière de l’Evangile. Aujourd’hui les deux parties réunies s’appellent histoire de la Passion, ou encore Evangile de la Passion et de la mort. Un tel progrès pastoral en vaut la peine ! Les chasubles pliées sont une des caractéristiques les plus anciennes du rite romain ; elles remontent au temps où tout le clergé portait la chasuble, et furent conservées […] la plus austère pénitence. Leur abandon fait mentir les peintures des catacombes : c’est une perte immense, un outrage à l’histoire et à […] toraux, dit-on, on aurait donné cette explication proportionnée au méfait : on ne trouve pas facilement des chasubles pliées. Or c’est juste le contraire : on trouve partout des chasubles violettes, qui peuvent se plier, tandis que les dalmatiques violettes sont beaucoup moins répandues. En outre on a toujours la ressource de servir en aube.


Les pastoraux aiment retrancher quelque chose au début ou à la fin de la messe. Leurs coupures outre le peu d’instants qu’elles font gagner, sont plutôt insignifiantes, mais surtout elles leur servent de tremplin pour de nouveaux bonds sur leur voie réformatrice. Ainsi donc ni le psaume Judica me, ni confession avant la messe des Rameaux et du samedi saint, parce que précédée d’une autre cérémonie ; mais on voudra autant la messe de la Chandeleur, des Cendres, une messe de mariage, de funérailles, une messe précédée de communion. Du début passons à la fin. Aux Rameaux, aux jeudi et samedi saints, l’indésirable dernier Evangile est omis ; parfait, mais en vertu de quel principe ? Au jeudi saint la bénédiction est omise, parce que la cérémonie n’est pas achevée ; on voudra autant la Fête Dieu, et chaque messe suivie d’une procession du Saint Sacrement.

Lorsque s’introduit l’usage de faire chanter la Passion dialoguée par trois diacres supplémentaires, plutôt en forme de leçon qu’en forme d’Evangile, on réservera la fin de la Passion pour être chantée, sous forme d’Evangile, par le diacre du célébrant, afin de ne pas tomber dans l’absurdité du diacre qui ne chante pas l’Evangile. Les trois diacres commençaient et terminaient la Passion sans cérémonies, comme aux leçons ; le seul diacre au contraire faisait les cérémonies habituelles de l’Evangile. Cela tenait debout, venait de la chapelle papale. Ainsi le diacre est évincé par les trois de la Passion, laquelle ne fait plus qu’un avec l’Evangile ; le munda cor meum et la bénédiction d’avant l’Evangile passent avant la Passion ; encensement du livre, baiser du livre, encensement du célébrant disparaissent. Ces trois gestes succombent à la mentalité pastorale ; car pour elle il n’y a pas d’Evangile, il y a seulement une histoire, histoire de la Passion ; or à défaut d’Evangile, il n’y a pas d’évangéliaire ; par conséquent on n’encense pas le livre d’histoire, on ne le fait pas baiser, on n’encense pas qui ne l’a pas baisé.

Continuons à glaner. Les livres de la passion-évangile viennent comme ils peuvent ; on n’en parlera que le vendredi saint. Les pastoraux ignorent comment se porte l’évangéliaire ; pourquoi il doit y avoir trois acolytes d’accompagnement, au lieu de deux ; que le diacre agenouillé pour dire le Munda cor meum n’a pas à s’incliner ; ils nous répètent à satiété que la passion-évangile est chantée ou lue. Du reste toutes leurs rubriques sont rédigées de manière à faire croire que, à volonté, on peut lire dans un office chanté ou chanté dans un office lu, on peut choisir ce qu’on veut chanter et laisser ce qu’on ne veut pas, on peut faire des offices à moitié chantés, à moitié lus, on peut amalgamer chant et lecture. Tel est un des fléaux redoutables en ce moment, avec celui de la langue vulgaire. Il n’est pas très nouveau et reçu même un appui par les décisions prise ces dernières années, que dans les ordinations chantées, l’évêque ordinant interrompe le chant des préfaces pour dire sans chanter les paroles essentielles ; car, paraît-il, le chant nuit à l’attention requise.

La Passion selon les quatre évangélistes englobait l’institution de l’Eucharistie, tant parce qu’elle y sert d’introduction, tant parce qu’elle ne peut trouver sa meilleure place que dans la messe. Les pastoraux pressés quand ils veulent, pensent autrement, ils expulsent l’institution de l’Eucharistie. Celle-ci par conséquent, est toute l’année exclue de la liturgie dans l’Eglise romaine, sans doute pour meilleure instruction des fidèles.

L’omission du psaume miserere à la fin des heures soulage le pauvre clergé et les malheureux fidèles. Ce psaume pouvait rester après laudes ou vêpres seulement ou même au chœur seulement, ou même facultatif seulement. Les pastoraux auraient lus avec profit ce que le cardinal Wisemann, premier archevêque de Westminster, écrivit sur le chant de ce psaume à l’office des ténèbres dans la chapelle papale.

La Missa Chrismatis, messe pontificale célébrée avec 26 parés rappelant la concélébration, célébrée sans aucun rapport avec le jeûne, dans laquelle il n’est pas permis de donner la communion, forme un curieux problème difficile à résoudre. Sa préface propre sur le ton férial, se range parmi d’autres curiosités.

Dans le rite romain l’emploie de l’étole est limité par des règles ; personne ne peut la porter sans motif ; elle se met au moment voulu, ni avant ni après ; elle est un vêtement sacré, n’a aucun rapport avec le vêtement choral, soit pour les individus, soit pour un corps du clergé. Les prêtres n’ont pas plus le droit de porter l’étole pendant une messe, où ils communieront, que pendant une messe d’ordination, où ils imposeront les mains. En disant l’inverse les pastoraux abusent de leur latitude imméritée.

A la messe du jeudi saint le célébrant commence solennellement le Gloria in excelsis ; comment ferait-il pour le commencer autrement ? Ici nous trouvons une transposition, sinon de grande importance, du moins de haute signification pastorale. Jusqu’à présent après le chant de la passion du vendredi saint, la liturgie donnait place à un sermon sur la Passion ; on s’apitoyait sur le Christ mort en croix, avant d’adorer l’un et l’autre. Maintenant il n’est plus question de cela, on n’en parle plus. En revanche après l’évangile du jeudi saint une homélie est fort conseillée pour qu’on s’émerveille du Christ lavant les pieds.

Des documents anciens il ressort que la messe ne fut jamais ni le lieu ni le temps du Mandatum. Celui-ci en était séparé, était généralement suivi d’une réfection du clergé. Le roi ou empereur participait au mandatum, non pas à la messe. Le Ceremoniale Episcoporum situe le Mandatum dans un local convenable, ou dans la salle capitulaire, ou dans l’église mais pas dans le chœur. Le missel ne spécifie aucun lieu, ne suppose ni chœur ni autel. Du moment que la réconciliation des pénitents se faisait dans la nef, le bon sens ne pouvait admettre dans le chœur des hommes du laïcat. Les pastoraux veulent le Mandatum dans la messe, ne font que le tolérer en dehors ; ils s’aperçoivent à peine qu’on peut laver les pieds à des clercs, véritables ou tenus pour tels.

Une remarque s’impose sur la distribution des rôles. Le diacre et le sous-diacre sont chargés d’introduire les douze hommes choisis (non plus treize) dans le chœur, puis de les reconduire à leur place d’auparavant. Ce service est celui d’un bedeau ou d’un sacristain ; mais il exprime bien la mentalité pastorale imprégnée de démagogie peu avantageuse au clergé. Il fut un temps où chaque candidat au pédil[…] était porté, à force de bras, par des hommes idoines, devant le pape assis pour laver les pieds. Les pastoraux, n’osant pas pousser à ce point la " charité fraternelle ", se contentent d’employer le diacre et le sous-diacre à introduire les candidats, puis à les reconduire dehors. Certains regretteront l’antique usage signalé, car non seulement le sport mais aussi l’activité sociale et pastorale du clergé en aurait profité.

Nous rencontrons un gros obstacle sans dissimulation possible. Par décret du 4 Décembre 1952 la Sacré Congrégation des Rites censurait l’incongruité du fait que l’évêque se chausse et se déchausse, prend et quitte chausse et sandales dans l’église ; par suite elle prohibait un tel emploi des chaussures liturgiques, lequel devait toujours se faire hors de l’église, malgré les règles jusqu’alors en vigueur. Ce décret est excessivement discutable, car il se base sur l’inexactitude, en attribuant au Ceremoniale Episcoparum des choses qu’il n’a jamais dites. Ne le discutons pas, et limitons nous à sa prohibition. L’évêque, hors de la messe, reçoit chausse et sandales sur jambes et pieds non dénudés, puisque couverts des bas. Ces chaussures sont des vêtements sacrés, autant qu’une mitre et une paire de gants, bénits, reçus simultanément avec l’épiscopat, accompagnés d’une prière, mis en œuvre avec toute la bienséance possible ; la pratique existant depuis des siècles. Au contraire 12 hommes dans le chœur, pendant la messe, se déchaussent, mettent à nu leur pied droit, et se rechaussent avant de se retirer ; la pratique étant d’invention moderne. En résumé douze pieds nus sont moins incongrus que les deux de l’évêque chaussés, sans compter les autres différences.

Le souci d’éliminer le mot pax de la messe du jeudi saint, parce que le baiser de la paix ne se donne pas, s’étend à une oraison, au Confiteor, etc…, au baiser de la main de l’évêque, a l’Ite missa est, à la bénédiction et au dernier évangile. Mais on ne sait pas si ils tolèrent les autres baisers, de main et d’objet ; car ils pourraient les proscrire aussi machinalement. La science des pastoraux en est encore au point de prendre le baiser de la main pour le baiser de l’anneau.

L’épargne d’un Confiteor à la communion du jeudi saint, c’est à dire un échange qui prend le Confiteor inaperçu dit privatim par le célébrant au début de la messe, pour qu’il tienne lieu du Confiteor collectif, chanté par le diacre avant la communion, est peut-on dire, tirée par les cheveux. La subtilité du troc ne suffit pas à masquer l’énorme dissemblance de deux emplois du Confiteor. Trop de finesse peut nuire.

Le départ et l’arrivée de la procession au reposoir donnent une preuve patente de la dextérité cérémoniale des pastoraux. Au départ le célébrant prend le ciboire avec l’aide du diacre, et maladroitement ; à l’arrivée il le dépose avec ou sans l’aide du diacre, et mal également. Les réformes exigent de ceux qui les font une formation que beaucoup n’ont pas. Depuis le Dimanche des Rameaux, nous sommes sans nouvelles tant de la croix de procession que celle de l’autel. Furent-elles découvertes ou voilées, et de quelle couleur ? Personne n’en sait rien.



Le culte du vendredi saint comporte communion […] tout en ayant les grandes lignes extérieures d’une messe. Ce culte appris […] fut de bonne heure emprunté par le rite romain aux orientaux, qui en font large emploi toujours en vigueur. La messe des présanctifiés avait ainsi de qui et de quoi s’autoriser, surtout si l’on observe que le rite romain eut pendant des siècles la messe sèche ; une véritable parodie. Malgré tout un crime d’alarme éclata parmi les pastoraux ; c’était un arrêt d’extermination. L’alarme fut donnée par un abbé bénédictin belge s’écriant : " la cérémonie du vendredi saint a pris des allures de messe insupportables ". Il n’en fallait pas plus aux pastoraux. Avec un acharnement digne d’un meilleur but, ils ont rempli ce programme : retrancher des éléments foncièrement romains ; adopter des éléments étrangers ; reprendre des éléments romains inférieurs et désuets ; exclure tout ce qui peut, de près ou de loin, faire penser à une messe. Sur ce point leur idéefixe est un émule du refrain Delenda est Carthago. La messe des présanctifiés a succombée sous l’incompréhension, a été victime d’une cabale. Le dictionnaire de liturgie, édition Migne, disait en 1844 : " Le rite romain nous semble, quant à l’adoration de la croix, bien plus grave et plus édifiant que le rite de divers diocèses de France ". Avis aux pastoraux pour leur construction toute entière, qui est devenue un exercice de piété, sous le nom de " Singulière et solennelle action liturgique pour la passion et la mort du Seigneur " ; action qui, malgré son qualificatif, n’ennoblit pas son objet.

Le Pontifical romain nous apprend qu’on ne salue pas un nouvel autel avant d’y avoir placé sa croix. Car on salue non pas l’autel lui-même, mais bien la croix qui le domine, et à laquelle s'adressent toutes les prières. Il fut un temps où l’on apportait la croix et les chandeliers à l’autel en y arrivant, et on les remportait en partant. Cela aujourd’hui, n’est pas plus permis que de tenir l’autel découvert en permanence. C’est pourquoi je m’adresse aux pastoraux : " Le dimanche des Rameaux vous avez découvert la croix de procession sous prétexte de la magnifier ; le vendredi saint où elle est couverte vous enlevez la croix de l’autel, l’envoyez à la sacristie, où vous l’enverrez chercher ensuite ; comment expliquez-vous pareille contradiction ? " Renions tout génie créateur ou organisateur. Notons enfin que la croix sur l’autel rappelle une messe.

Les pastoraux divisent la solennelle action en quatre parties sous-titrées, dont la deuxième et la troisième sont solennelles, mais la première et la quatrième non. Ces dosages sont aussi savants et admirables que leur auteurs.

De chasuble il n’en est pas question ; elles sentiraient la messe. Alors le pauvre célébrant doit se contenter d’être en aube, comme dans une église de campagne, malgré la solennité ultra proclamée ; c’est un affront que le rite romain lui épargnait.

L’autel sans croix, s’il mérite toujours d’être baisé, pour lui-même, n’a pas le droit d’être salué, et encore moins d’être prié ; car on n’invoque pas l’autel. Dans le rite romain lorsqu’on se trouve à genoux, ou qu’on fait la génuflexion à deux genoux, et que l’on s’incline, l’inclination doit être médiocre, non profonde. Cette règle ancienne a été confirmée il y aura un demi siècle environ. On s’effraye en voyant la liturgie entre deux pouvoirs, ou seulement deux conduites, qui s’ignorent réciproquement.

Les pastoraux enrichissent le vendredi saint d’une oraison d’introduction et de trois oraisons de conclusion ; ils abrègent d’une main et allongent de l’autre, ayant le monopole du juste milieu ; on verra qu’ils sont pris entre deux feux, […] , dans leur propre filet. Le célébrant chante l’oraison d’introduction au pied de l’autel parce qu’il n’y montera que pour les grandes oraisons. Puisque, à l’autel, le célébrant ne tient les mains écartées qu’étant en chasuble dans la messe et que Delenda est Carthago, les mains écartées devraient faire place aux mains jointes ; mais la pastorale abdique. On se demande pourquoi la deuxième leçon tenant lieu d’épître est chantée par le sous diacre, vu que le nom de messe est rejeté, et que le diacre ne chante pas l’évangile.

Avec les pastoraux les trois diacres disent le Munda cor meum et demandent la bénédiction, cela aux Rameaux ; le vendredi saint les trois ne disent pas Munda cor meum, et ne demandent pas la bénédiction, mais vont devant le célébrant, qui leur adresse à haute voix un souhait. Jusqu’à maintenant le Munda cor meum a toujours précédé l’évangile, aux quatre passions. Même les pastoraux l’ont conservé avant leur évangile histoire de la Passion ; mais, ils l’ont exclu le vendredi ; pourquoi ? Peut-être que ce jour là et pour eux, la Passion est moins un évangile qu’une histoire. A la perte du Munda cor meum supplée une acquisition : une formule de bonne augure ou l’évangile n’est pas nommé. De plus, en donnant la bénédiction le célébrant parle media voce ; mais en disant la formule il parle clara voce ; la nouvelle formule est sans doute meilleure que l’ancienne. Enfin les trois diacres de la Passion qui s’agenouillent pour demander et recevoir la bénédiction, n’ont pas motif de s’incliner pour entendre le souhait du célébrant ; on ne s’incline pas pour répondre à Dominus vobiscum.

Ici commence la deuxième période vestimentaire, suivie de deux autres, quatre en tout. C’est la punition des puritains qui blâmaient le rite romain de faire trop souvent changer de vêtements. Les pastoraux mitigeant leurs préjugés contre-messe, ils font habiller le célébrant et le font monter à l’autel. pourtant sans capituler, il lui mettent un pluvial ; le place au milieu de l’autel, non au coin de l’épître ; avec les ministres à ses côtés, non derrière lui ; lui font tenir les mains écartées malgré le pluvial.

On ne s’occupe plus des dimensions de la croix que de sa complexion ; une croix reliquaire, le bois de la vraie croix ne les intéresse pas ; en dépit de l’origine du rite. On connaît mal et on n’a pas compris le rite romain. On a copié ailleurs le transport de la croix depuis la sacristie jusqu’à l’autel, où elle manque, où elle a sa place fixe, aussi bien sans messe qu’avec messe. Tenir la croix voilée ne signifie pas la cacher, la reléguer à la sacristie, en priver l’autel où elle doit, plus que jamais trôner ce vendredi. Sache la pastorale que le voile doit couvrir toute la croix, non seulement le crucifix ; car on montre la croix principalement.

D’autres nouveautés nous attendent. Notions des pastoraux sur les processions : le diacre entre deux chandeliers ramène la croix exilée à la sacristie, c’est une procession ; les fidèles défilent pour adorer la croix, c’est une procession ; le diacre entre deux chandeliers apporte du reposoir le Saint Sacrement, ce n’est plus une procession. Comprenne qui pourra. On n’employait pas de lumière avant le transport du Saint Sacrement, dont la croix n’est pas jalouse ; maintenant les pastoraux emploient la lumière pour la croix. Il en résulte, entre autres, que le célébrant, en découvrant la croix, se trouve au milieu de quatre personnes ; beaucoup de monde pour peu de place ! La croix, apportée par le diacre puis découverte pas le célébrant, reste désormais livrée aux mains des acolytes dont ce n’est pas le rôle, surtout à l’autel où il n’ont jamais place.

Depuis des siècles et justement, on a voulu, en plus de la croix, adorer le corps du Christ mort, gisant sur sa croix couchée. Voilà pourquoi on l’étendait sur un tapis, un coussin, un voile blanc et violet en fonction de linceul. Cela dépassait la conception des pastoraux, qui font tenir debout un mort suspendu par les bras. Ils ont également écarté l’ostension-adoration de la croix, qui n’est qu’une exaltation c’est sa mise à la portée d’adorateurs qui se prosternent. Non moins incomprise est l’adoration de la croix ; elle se faisait comme celle due au pape, par trois génuflexions espacées, avant le baiser de la croix ou du papier ; sauf que, ce vendredi, les trois génuflexions étaient changées en trois agenouillements d’adoration. C’est en passant par le pape que la génuflexion est entrée dans le rite romain.

Au découvrement de la croix, après chacun des trois Ecce lignum crucis, on joignait l’action à l’invitation, on s’agenouillait, et on adorait en répondant Venite adoremus. L’adoration en silence avait lieu durant les trois agenouillements préalables au baiser. Le génie pastoral déplace l’adoration silencieuse des trois agenouillements détruits, il le transporte après chaque Venite adoremus. De cette manière il fait plutôt perdre que gagner du temps ; ce qu’il réitère en envoyant les adorateurs un à un au lieu de deux à deux. Il croit probablement, et n’est pas le seul, que le chant nuit à l’adoration, à l’attention, au recueillement.

Le problème de l’adoration collective de la croix était depuis longtemps résolu par l’emploi de plusieurs croix, soit présentées au baiser des fidèles, soit exposées à leur adoration en plusieurs places. Après son adoration la croix de l’autel récupère sa place normale, d’où elle était partie à la sacristie. Son retour donne lieu à une rubrique étrange.

Alors on change de couleur. Le blanc et le noir sont les deux couleurs originaires du rite romain, mais les pastoraux préfèrent au noir le violet, couleur la plus récente. Eux qui renforcent le deuil du vendredi saint en l’appelant jour de la mort du Seigneur, ils rejettent le noir couleur de la mort. Eux qui exterminent la messe des présanctifiés, qui jusqu’à présent ont mis un pluvial noir au célébrant, ils lui mettent une chasuble violette, n’en mettent point à ses ministres, et les déguisent avec des dalmatiques ; peut-on se contredire plus grossièrement ? Si les pastoraux voyaient un désaccord entre la communion et la couleur noire, ils auraient du considérer que la messe des morts se dit en noir, qu’on y donne la communion, même avec des hosties consacrées précédemment, qu’on donne la communion en noir aussitôt après ou avant la messe en noir.

Je demande aux pastoraux : quel besoin, quelle opportunité sentez-vous de mettre une chasuble au célébrant seulement pour donner la communion ? La distribution de celle-ci n’a jamais comporté la chasuble hors de la messe. Vous exterminez la messe des présanctifiés, vous éliminez obstinément le moindre détail qui puisse la remémorer, et vous osez mettre une chasuble au célébrant quand vous la refusez à ses ministres. Rien n’autorise le célébrant à être vêtu pour l’acte numéro 4 de votre représentation puisque vous le laissez dévêtu, en aube, pour votre acte numéro 1. Vos pouvoirs discrétionnaires sont vastes ; l’abus ne l’est pas moins.


La procession du jeudi saint, instituée définitivement par Sixte IV (E 1484), et celle du vendredi saint, instituée par Jean XXII (E 1334), donc par la même autorité, ont même objet, même but, même solennité, sauf que la première a caractère de fête, la deuxième caractère de deuil. Pourquoi donc abolir l’une en conservant l’autre ? L’arrivée du Saint Sacrement est accompagnée par le chant des trois antiennes en l’honneur de la croix, à la place de l’hymne Vexilla regis ayant même objet, mais sans doute non pastorale.

Dans le rite romain le célébrant chante seul partout le Pater noster, soit en entier, soit au début et à la fin, avec le milieu à voix basse. La meilleure preuve en est que l’assistance n’ayant rien dit, répond sed libera nos a malo. Néanmoins la pastorale doit réformer, et voici le bilan de ses prouesses : le Pater noster récité au lieu de chanté ; récité par tout le monde ; récité dans un office chanté ; funeste mélange de rite latin et oriental ; récité solennellement (sic), mais dépouillé de la solennité du chant ; récité les mains jointes, tandis que le libera nos est récité les mains écartées. Pitoyable explication suivant laquelle le Pater, parce que prière pour la communion doit être récité par tout le monde à la fois. Deux demandent surgissent : ce vendredi, le Pater est-il plus pour la communion que les autres jours de l’année ? Le Pater est-il plus pour la communion que les autres prières avant la communion ?

La rédaction des rubriques se trouve naturellement à la même hauteur. Ainsi nous lisons que le célébrant prend une hostie avec la main droite ; alors se frappera-t-il la poitrine avec la main gauche ? On ignore si la main gauche s’appuie sur le corporal ou sur le ciboire. Nous lisons qu’en se frappant la poitrine, au lieu d’une inclination médiocre, parum inclinatus, le célébrant s’incline profondément ; posture empêchée par la hauteur de l’autel.

C’est manquer de respect à la liturgie et au célébrant de supprimer le calice et la grande hostie ; une petite le rapetisse. Le calice a servi de ciboire autrefois, et peut encore continuer. Il fut des temps et des lieux ou la communion du vendredi se faisait sous les deux espèces réservées, donc avec le calice ; précieux souvenir à conserver. Le calice servait à la purification du célébrant, et ouvrait la voie à celle du clergé ; rite vénérable non aboli ; on ne mangeait pas sans boire. Tout cela imitait convenablement une messe, ne trompait personne, ne s’opposait pas à la communion générale ; peu importe.

La pastorale introduit trois postcommunions, chantées par le célébrant les mains jointes, au milieu de l’autel, entre ses ministres, et pendant lesquelles on est debout. Autre curiosité : pendant complies les cierges sont éteints ; donc la croix après son découvrement peu se passer de lumière ; alors pourquoi lui en donner avant son découvrement et pendant son adoration ? Jeu de compensation ; on donne à la croix des lumières qu’elle n’avait pas ; on ôte au Saint Sacrement, à la Croix et à l’autel l’encensement qu’ils avaient.

L’Eglise pleure et gémit pendant les trois jours que le Seigneur resta au tombeau ; pendant ces trois jours de funérailles du Christ mort, toutes les heures de l’office se terminent par l’oraison Respice quaesumus, qui est justement l’oraison super populum à la messe du mercredi saint. Les pastoraux rompent cette continuité et unité par un remplacement ; à la fin des heures du samedi ils mettent une oraison qui leur donne l’aspect d’une banale vigile, qui jure avec le reste, surtout avec l’antienne Christus factus est. Si la pastorale était logique, elle verrait que son oraison, n’étant plus dans le ton des trois jours, n’a plus de motifs d’être dite à genoux et avec conclusion silencieuse. Sa manière de terminer les vêpres n’est pas moins étrange.

Comme la messe, finissant tard dans la soirée, fut cause qu’on abrégea les vêpres, ainsi à une autre époque la messe, finissant tard dans la nuit, fit abréger les matines de Pâques, réduire les trois nocturnes à un seul, et cela durant toute l’octave. Avec beaucoup moins de raison les pastoraux prennent goût à l’expédient, et le perfectionnent en supprimant les matines pascales ; mais ils n’osent pas l’étendre aux jours de l’octave. Quand au samedi de la Pentecôte, massacré sous le rapport baptismal, son octave continue à jouir de l’unique nocturne.


Comme déjà vu les pastoraux continuent l’ensevelissement des chasubles pliées avec celui du Christ ; par contre avec la même facilité, ils ressuscitent quelques minime cérémonie bien moins ancienne et abandonnée. En outre ils tranchent une question jamais résolue. Car le célébrant bénissait du feu nouveau pour avoir une lumière bénite, avec quoi le diacre allumait le cierge pascal dont il chantait le panégyrique ; cet allumage et le chant passait pour être la bénédiction du cierge pascal, sans grand mal à cela. Maintenant plus le moindre doute à tout cela, tout est clair comme du feu ; le célébrant bénit cierge et feu ; le diacre n’a qu’à le porter et à chanter. Le cierge apporté on ne sait d’où, sous les yeux scrutateurs du public, est soumis à des incisions et inscriptions, avec formules explicatives, en plus de l’enfoncement des cinq clous d’encens dans cinq trous du cierge, qui seraient les cinq plaies du Christ. Voilà qui nous reporte à la symbolique de Guillaume Durand, qui eut son temps de vogue puis de désuétude. Les grains d’encens eurent plus de chance à cause du quiproquo entre chose allumée et résine d’encens. Du reste les inscriptions avaient dégénérées en une volumineuse tablette, qu’on suspendait au cierge ou à son chandelier, peut-être à l’imitation de la tablette INRI de la croix, puisque le cierge devait symboliser le Christ.

Ici le cierge pascal étant allumé et bénit, les pastoraux font éteindre les luminaires de l’église. Le bréviaire l’avait déjà fait à la fin des Laudes du jeudi saint ; mais il s’agissait des lampes, du luminaire liturgique, éteint jusqu’au samedi. On veut probablement, mais sans le dire clairement, éteindre toutes les lumières, mettre l’église dans l’obscurité, qui sera chassée par les cierges du clergé et du peuple, venus on ne sait comment ; cela fait ressortir le cierge pascal ; cela a un air oriental, a l’air d’une Chandeleur autour du cierge principal.

Tandis qu’on transportait la lumière pour allumer le cierge déjà mis en place, maintenant on transporte le cierge allumé pour le mettre en place. Un des promoteurs de la vigile pascale s’enthousiasmait des proportions imposantes du cierge massif, et de la majesté des chandeliers pascals, soutien du cierge ; il ne soupçonnait pas que ses sectateurs auraient réduit le tout au proportions d’une église de village. Lorsque cierge et chandelier prirent un développement monumental, et que le premier ne fut plus transportable, il disparut de la procession ; on dut lui porter la lumière au moyen d’une canne à trois flammes. Ainsi arriva que le héros du cortège triomphal n’y fut pas porté. Notons que, même alors, avec la canne, la lumière du Christ n’était point acclamée, le Christ lumière n’était point adoré.

En passant par les mains des pastoraux, leur solennelle procession pour le transport du cierge est devenue la négation de principes raisonnés, un monstre liturgique. Leur caprice de faire marcher, dans une soi-disant procession le diacre et le célébrant directement derrière le sous-diacre et la croix, c’est à dire en tête du clergé, équivaut à mettre la charrue avant les bœufs. Un de leur porte voix a taché d’excuser leur malfaçon avec deux maladresses. La première en marchant comme il faut le clergé tournerait le dos au cierge porté en arrière. Réponse : dans toute procession où l’on porte un relique ou le Saint Sacrement, on lui tourne le dos quoiqu’on chante ses louanges ; on n’a jamais fait le contraire. La seconde : si l’on marchait comme l’on doit le clergé chanterait Lumen christi en tournant le dos au cierge. Réponse : aucun mal à cela ; car la génuflexion ne se fait pas au cierge qui est derrière mais au christ qui est partout. Il faut distinguer Christ lumière et lumière du Christ. Lumen Christi signifie que la lumière du Christ est dans le cierge allumé, non pas que le christ lumière y soit.

En lisant les rubriques pastorales, on a lieu de croire que tout le monde, clergé et peuple, se précipite sur le cierge pascal pour y allumer son propre cierge ; également que chacun tient son cierge allumé pendant le chant de l’Exsultet. On se rappellera avec stupeur l’interdiction de tenir son rameau pendant le chant de la Passion.

La bonne place pour chanter l’Exsultet et situer le cierge pascal a toujours été celle où se chante l’Evangile, c’est à dire au lieu accoutumé dans le chœur, ou bien à l’ambon ou au jubé, où se trouvait habituellement le chandelier pascal. La position de celui-ci au milieu du chœur, sur un petit support est purement arbitraire ; elle tient à de fausses interprétations passagères ; elle donne congé au majestueux chandeliers pascals.

Le diacre, tenant le livre, demande la bénédiction, puis encense le livre, comme pour l’évangile. Pourquoi cela ? Une raison en est que l’Exsultet a toujours été mis dans l’évangéliaire ; l’autre, que le diacre encense le livre qui contient l’éloge du cierge qu’il va chanter. Le but direct n’est pas d’encenser le cierge, qui vaut moins que l’évangéliaire. Par l’encensement du livre le diacre encensait, per modum unius, le cierge placé contre le pupitre. La pastorale pouvait se dispenser d’un nouvel encensement, surtout pratiqué en tournant le dos au cierge.

Les pastoraux ont officié devant un autel sans croix le vendredi ; mais le samedi, l’autel et sa croix ne leur suffisent plus ; ils veulent un centre vers lequel on se tourne, qui sera le cierge pascal en rivalité avec l’autel. Le lieu pour le chant de l’évangile a son symbolisme, jadis très discuté ; leur lieu du cierge pascal, au centre du chœur, en manque absolument. La façon dont sont tournés le pupitre, et par suite le diacre chantant l’exsultet, le lecteur chantant les leçons, avec l’autel à sa droite et la nef à sa gauche, montre le charme que la position de profil exerce sur les pastoraux.

Suivant les pastoraux le célébrant s’habille de quatre manières le vendredi ; mais le samedi, un habillement lui est épargné ; on le laisse en pluvial au lieu de lui mettre la chasuble. Il leur échappe que les prophéties, traits et oraisons font parties de la messe, et que anciennement le pape baptisait en chasuble.


Le baptistaire était un édifice annexe de l’église, sorte de vestibule, de terrain neutre, où l’on entrait païen, d’où l’on sortait chrétien. D’un emploi particulier, il n’était pas fait pour contenir toute l’assemblée des fidèles. Au baptistère ont succédé les fonts baptismaux, souvent mal situés et mal construits ; mais à qui la faute ? Que l’autorité y pourvoie ! Leurs défauts ne seront jamais une raison de les désaffecter. Fonts baptismaux, eau baptismale et baptême forment un tout ; une innovation spectaculaire qui les sépare délibérément, qui installe dans le chœur des fonts postiche et y baptise, qui transporte aux fonts baptismaux l’eau baptismale faite ailleurs, ayant déjà servi ailleurs, est une insulte à l’histoire et à la discipline, à la liturgie, au bon sens. Ainsi on baptisera dans le chœur, enceinte du clergé, un païen venu avec ses accompagnateurs. Ainsi l’eau baptismale ressemble à une personne ramenée pompeusement chez elle, d’où elle était expulsée. En faveur de l’eau baptismale, et dont la quantité doit durer toute l’année, furent érigés de somptueux baptistères, des fonts baptismaux artistiques et majestueux. Aujourd’hui la pastorale fait l’eau baptismale et baptise dans une cuvette, un baquet, puis, dans cet appareil elle porte l’eau à la fontaine, en chantant le cantique d’un cerf assoiffé, qui a déjà bu, et qui se dirige vers une fontaine à sec.

La litanie, jadis répétée à profusion, est une imploration pour les catéchumènes, soit avant, soit après le baptême ; on la chante normalement en allant aux fonts et en en revenant. Comme la pastorale introduit dans le chœur une contrefaçon de fonts baptismaux, elle y fait chanter une première moitié de la litanie, ensuite la bénédiction de l’eau, toujours sous la protection du cierge pascal, mais cette fois le célébrant montre sa face au peuple, non plus son profil. Quelle subtilité ! Non pas le retour, mais le transport de l’eau à son domicile soulève une épineuse question : à qui incombe le rôle de réservoir ambulant, au diacre, ou à des acolytes, et à combien ? Noble tâche qui mérite de faire des jaloux, surtout pendant le chant périmé du Sicut cervus. Supposé que l’église ait son baptistère, les pastoraux ont encore l’audace de donner le choix entre la seule méthode liturgique et leur triste invention.

Les rénovations des promesses du baptême, puisée à la première communion des enfants, est un acte de paraliturgie la plus massive, création d’autant plus pastorale que moins liturgique, excellente occasion tant recherchée, d’insérer la langue vulgaire dans la liturgie ; elle est une répétition oiseuse de ce que l’on vient de faire si l’on a baptisé ; elle pourra mener à la rénovation des promesses conjugales parmi les personnes réunies pour un mariage. Enfin elle cause un vide entre le transport de l’eau et la seconde moitié de la litanie ; donc perte de temps pour un retour en silence.

Le cierge pascal finit par quitter son petit support provisoire, et par gagner son chandelier du côté de l’évangile, tenu ignoré jusqu’à présent. Des fleurs n’ont jamais été prescrites sur l’autel, maintenant la pastorale en a besoin pour se rendre plus agréable.

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