Les sept péchés capitaux de l'enfance - L'égoïsme
De Salve Regina
Les vertus | |
Auteur : | R.P. Ch. De Maillardoz s.j. |
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Source : | Les sept péchés capitaux de l’Enfance |
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Difficulté de lecture : | ♦ Facile |
Sommaire
- 1 I ‑ L'EGOISME
- 1.1 1. ‑ Amour naturel. Concupiscence. Égoïsme
- 1.2 2. ‑ Égoïsme matériel et égoïsme formel
- 1.3 3. ‑ L'égoïsme dans le jeune enfant
- 1.4 4. ‑ L'origine de l'égoïsme dans l'enfant
- 1.5 5. ‑ Précaution préalable. Prévenir le mal
- 1.6 6. ‑ Premier remède : Instruire
- 1.7 7. ‑ Second remède: Former à la pratique
- 1.8 8. ‑ Troisième remède : Compatir à autrui
- 1.9 9. ‑ Quatrième remède: Le surnaturel
- 2 Notes et références
I ‑ L'EGOISME
L’égoïsme est le culte du " moi ". Le nom même en est l'expression. Ego, on le sait, est le pronom possessif latin que le français traduit par « je » ou « moi ».
Plus que simple culte de soi‑même, l'égoïsme est le soin que l'on prend de se satisfaire soi‑même au détriment de son prochain.
Ce vice implique donc une faute contre la justice ou contre la charité, ajoutée au simple dérèglement de l'amour de soi-même mal entendu[1]
1. ‑ Amour naturel. Concupiscence. Égoïsme
Ne confondons pas ces trois termes :
L’amour naturel est le zèle légitime de l'être à l'égard de son propre bien. Saint Thomas a de belles lignes sur ce sujet[2].
La concupiscence, au sens théologique du mot, est principe d'excès dans l'amour de soi‑même. Faux principe de bien, il est, en réalité, cause de mal pour l'individu.
Mais ce zèle désordonné peut préjudicier à son seul auteur ; tel est le cas de certains défauts : la paresse, la gourmandise, la vanité.
S'il porte tort à autrui, l'amour‑propre se nomme égoïsme. Amour illégitime de soi‑même, au détriment du prochain.,
2. ‑ Égoïsme matériel et égoïsme formel
Nouvelle distinction formulée par la morale.
L'égoïsme matériel est la pratique inconsciente et involontaire de ce vice.
L'égoïsme formel est la recherche consciente, volontaire, de notre bien‑être aux dépens de nos semblables. Le premier ne constitue pas une faute : l'acte moral mauvais exigeant triple condition : la matière, la connaissance et le consentement.
Conclusion. ‑ L'enfant ne peut se rendre coupable d'égoïsme véritable, au sens moral, ou coupable, avant l'usage de sa raison.
3. ‑ L'égoïsme dans le jeune enfant
Pas d'égoïsme " matériel " plus manifeste que celui dont le nouveau‑né nous rend témoins.
Il asservit à ses besoins et à ses fantaisies toutes les personnes attachées à son service, sans tenir compte de l'excès de ses exigences. Il n'a aucune connaissance réfléchie de cette tyrannie, la volonté y demeure complètement étrangère. Il ne peut donc pas être taxé d'égoïsme formel.
Précisons la situation. Le nouveau‑né est‑il susceptible de contracter l'habitude de l'égoïsme matériel ? Oui, sans doute. Il n'est pas nécessaire que l'habitude soit revêtue de la condition morale pour être habitude. L'animal est susceptible d'habitude : il est incapable d'habitude morale, en aucun temps de sa vie.
L'habitude morale est la coutume connue par l'intelligence et consentie par la volonté. Or, la bête n'est douée ni d'intelligence ni de volonté. Ses habitudes sont d'ordre sensible, corporel, matériel seulement.
Le nouveau‑né, il est vrai, est en possession de son intelligence et de sa volonté; mais il ne jouit pas encore de leur usage. Il se trouve, durant quelque temps, réduit à la condition de l'animal. Il contracte des habitudes, mais de nature purement sensible, corporelle, matérielle. Vient le jour où son intelligence s'illumine et sa volonté se détermine librement. A ce moment, consent‑il à l'habitude bonne, c'est vertu; consent‑il à l'habitude mauvaise, c'est vice. Heure grave sur laquelle doit veiller une mère. Elle transfigurera l'habitude sensible, bonne, en habitude morale ou spirituelle. Elle apprendra à l'enfant à se libérer de l'habitude mauvaise, qu'il aurait jusqu'alors inconsciemment pratiquée.
4. ‑ L'origine de l'égoïsme dans l'enfant
Qu'elle le veuille ou non, et quelques précautions qu'elle prenne, toute mère est fauteur d'égoïsme matériel dans son enfant.
Première cause. ‑ Le nouveau‑né a besoin de tant de soins ; sa fragilité exige tant de délicatesse ; son état de souffrance nécessite de si impérieux empressements, que la charité même de cet ange qu'est la mère chrétienne déterminera, dans le nourrisson, l'habitude de l'égoïsme.
Seconde cause. ‑ L'impuissance où se trouve le bébé de se rendre compte de l'excès de ses exigences est la seconde porte par où l'égoïsme s'introduit dans ses mœurs. L'enfant est désarmé ; il ne peut l'expulser. Son intelligence sommeille. Sa volonté est en léthargie.
5. ‑ Précaution préalable. Prévenir le mal
Au mal involontaire créé par sa charité elle‑même, une mère avisée emploiera un premier remède ‑ Réduire le mal, le plus possible, fidèle en cela au principe si connu
Prévenir plutôt que guérir.
Deux moyens à mettre en œuvre :
1° Suppression de toute superfluité.
2° Réduction du nécessaire.
S'abstenir de faire contracter au nouveau‑né des habitudes superflues telles que le bercer à l'excès, le prendre dans les bras au moindre pleurs, lui prodiguer toutes dorloteries plus qu'il n'est nécessaire. Réduire le nécessaire à une certaine austérité.
Là se reconnaîtront, et l'intelligence d'une mère, et son amour. Faut‑il une forte dose d'esprit pour comprendre que les mauvaises habitudes sont pour l'enfant autant de tyrans, autant de terrains de lutte, autant de principes de souffrances, contre lesquelles on le condamne à réagir, un jour ou l'autre, peut‑être pendant des mois et des années ?
S'il en est ainsi, de quel côté est l'amour ? ‑ Du côté de la gâterie, principe d'égoïsme, de sensualité, de révolte, de violences et de tous les vices ? Ou du côté d'une austérité qui affranchit l'enfant d'un véritable fourmillement d'infirmités morales ?
Le milieu n'existant pas entre bien et mal, toute mauvaise habitude dont vous préservez votre enfant est une bonne habitude contraire, dont vous ornez sa petite âme.
Quelle parure !
Pourquoi ces bébés calmes, tranquilles, silencieux, faciles à soigner gracieux à tous ? Parce qu'ils ont une mère digne de ce nom. Ils en sont l'honneur. Témoins vivants de sa haute intelligence, de son énergie, de son empire sur elle‑même et d'un amour tout d'abnégation. Il serait plus agréable de jouer à la poupée avec cet objet vivant. Mais ce serait le profaner, le sacrifier, le rabaisser en place de « l'élever » : ce serait faire passer dans son cœur d'enfant la frivolité de l'âme maternelle.
Combien nombreuses les mères égoïstes, qui sacrifient leurs enfants à leur plaisir personnel ! Se soucient‑elles de purger d'égoïsme l'enfant de Dieu ?... Elles le contaminent.
Grandes enfants, bien plus que mères !
6. ‑ Premier remède : Instruire
Aussitôt qu'il fait usage de sa raison, que l'enfant, avons nous dit, soit pénétré par sa mère d'aversion contre l'égoïsme matériel, dont il a abusé jusqu'alors, sans le savoir.
Notez que je dis « usage de la raison », et non « âge de raison ». La différence est énorme entre l'un et l'autre. « Age de raison » est un terme de convention sur lequel on peut disserter longtemps. Je m'en suis acquitté longuement au cours de la seconde partie de la pédagogie rationnelle. Je n'y reviens pas.
L'usage de la raison est simplement l'exercice des facultés intellectuelles. A quel moment le bébé commence‑t‑il à user de son intelligence ? De quand date sa première pensée ? Qui le dira jamais ?
Aussi bien la question est‑elle oiseuse. Rapportons‑nous en aux mères. Nul œil n'a la vue plus sûre à l'intérieur de l'enfant.
Ce que la science peut affirmer, c'est que le développement de l'intelligence va de pair avec l'exercice du langage. L'usage de la parole développe l'usage de la raison. L'enfant pose une question, puis raisonne ; son raisonnement intérieur amène sur ses lèvres une nouvelle interrogation ; il réfléchit sur la seconde réponse qui lui est faite, et étend plus loin le champ de ses explorations mentales. En peu de temps, sa pensée a conquis un terrain considérable. Aussi, un auteur a‑t‑il pu dire qu'en quelques mois, le nouvel interlocuteur apprend plus que tout le reste de sa vie. Il ne s'agit pas ici de science, mais d'idées. Il forme, dans son esprit, un plus grand nombre d'idées nouvelles qu'il ne les multipliera plus tard[3].
Quelle est‑elle la grande idée à implanter à cette grave époque, dans le jeune cerveau ? ‑ L'idée de dévouement. D'après le principe capital: " Les contraires sont guéris par leurs contraires. "
Le dévouement est le contraire de l'égoïsme.
Autre principe : La vérité pénètre dans l'intelligence enfantine par les yeux avec plus de clarté que par l'oreille. Soyez donc pratique, et lorsque vous prenez votre petit enfant pour compagnon de vos courses, ne manquez pas de lui inculquer que le service d'autrui, à quelque titre que ce soit, est le mobile presque universel de l'activité humaine. Service intéressé ou désintéressé, service gratuit ou rétribué, service libre ou obligé, service naturel ou surnaturel, peu importe, c'est toujours activité en faveur d'autrui,
Tu vois ce facteur, qui dépose des lettres dans les boîtes, à l'entrée des maisons. Deux fois par jour, il fait le tour du quartier pour rendre ce service à toutes les personnes de son rayon postal.
Et ce jeune garçon qui a un nom imprimé en or sur sa casquette, c'est un jeune homme qui, toute la journée, dépose à domicile les objets achetés par les clients de son magasin.
Ce soldat ? Il a quitté son village pour s'exercer à la guerre. Il est prêt à donner sa vie pour défendre son pays.
Ce prêtre qui va si vite, il se rend chez un malade pour le confesser, le consoler, peut‑être lui porter le bon Dieu.
Tu le vois, tout le monde se rend utile au prochain. Servir, c'est vivre ! La règle est universelle. On méprise ceux qui ne veulent que se faire servir, s'amuser et non travailler.
Mais il n'est pas besoin de parcourir les rues pour jouir du spectacle d'un constant dévouement à autrui. Ne remarques tu pas les soins que prodigue, jour et nuit, ta maman à ta petite sœur de six mois ? J'en ai fait autant pour toi.
Et ton papa ? Quand tu te réveilles, il est déjà parti pour son bureau. Ne le vois‑tu pas rentrer, à midi, bien fatigué, repartir bien vite, et revenir épuisé le soir ? Pour qui travaille‑t‑il ? Pour toi. S'il ne se soumettait pas à une existence si dure, tu n'habiterais pas ce bel appartement, tu ne serais pas si bien vêtu, tu n'aurais pas une table si agréablement servie.
Ta bonne, qui, du matin au soir, t'assiste dans tous tes besoins, elle a tout quitté pour venir te servir. Elle a laissé son papa, sa maman, ses frères et sœurs, sa maison, son pays, pour s'attacher à ton service. Si tu es trop petit pour nous rendre service, n'as‑tu rien à faire ? Mais oui, tu n'es pas exempt du devoir de réciprocité. Tu dois faire plaisir à tous ceux qui t'entourent et témoigner au moins ta reconnaissance par ton empressement à obéir, ton courage à corriger tes défauts et ta gracieuseté constante envers tous.
Dépouillés de toute rhétorique, semblables discours constituent, le premier remède à opposer à l'égoïsme. Plus simple leur forme, plus efficace leur effet.
7. ‑ Second remède: Former à la pratique
Toujours dans l'ordre des leçons par le moyen des sens, ainsi que par l'emploi des contraires, il est une industrie de rendement meilleure encore.
Obtenez de l'enfant qu'il prenne plaisir à s'associer au service de la maison. La bonne met le couvert. Que les cuillères, objet le plus inoffensif et le moins fragile, soient confiées à l'enfant. C'est lui qui les disposera à côté de chaque assiette. Les serviettes, c'est lui qui les portera à la place de chacun des convives. Les chaises, il les approchera de la table. On fait les chambres, on fait le salon. Il aura quelque petit emploi. Ainsi d'autres détails d'intérieur.
Qu'estimez‑vous le plus profitable en éducation ? De l'enfant qui traîne derrière une bonne, d'une pièce à l'autre de l'appartement, étranger à toute idée de service à rendre ? Elle va se renforçant, au contraire, dans sa pensée, l'idée qu'il n'est sur terre que pour être servi. Ou le jeune enfant prenant intérêt à ce qu'il voit accomplir sous ses yeux et en tirant le profit qui vient d'être indiqué, grâce à une association discrète et fort modérée au service des siens ?
Une certaine aristocratie se révoltera peut‑être à l'idée de jeux semblables ? Elle criera à l'avilissement de ses rejetons ? Elle qualifiera de " grooms " des enfants à particule ? Qu'elle ne suive pas notre conseil ! Et que son ire se calme.
En bien des ménages actuels, des dames font elles mêmes leur cuisine. Se prennent‑elles pour des cuisinières à gages ? Nombreuses les jeunes filles de distinction qui ne s'estiment nullement perdues d'honneur, parce qu'elles mettent la table de famille et rendent, dans leur intérieur, d'autres services à leurs parents.
8. ‑ Troisième remède : Compatir à autrui
Nul spectacle n'est plus déconcertant pour l'égoïsme que la vue du dévouement d'autrui. Transportez l'enfant riche dans le taudis du pauvre ; ses yeux lui en diront plus long que tous vos discours. Dans vos visites à l'indigent, que le jeune enfant vous accompagne. A la sortie des galetas, que de sujets de conversation ! En reprenant le chemin du logis, faites avec votre petit compagnon l'inventaire de tous les objets qui manquent aux enfants de son âge, s'il se reporte à l'abondance dont il est doté sous le toit paternel. A un âge où les impressions sont aussi vives que tendres sont les sentiments, vous créerez, par cette industrie, pour toute sa vie, l'homme de charité, en même temps que le chrétien aux mœurs austères.
Faites mieux encore. Que l'enfant soit le distributeur de vos aumônes. Qu'il prenne plaisir au contact de sa main avec celle de l'indigent.
Et enfin, dernier trait de perfection : que les friandises dont il réjouit ses petits pauvres soient le fruit de sa mortification ; que les jouets dont il fait offrande laissent un joyeux vide parmi les siens.
Le Saint‑Esprit ne manquera pas d'assaisonner pareilles largesses de joies si savoureuses que l'âme enfantine ne se passionne pour la charité.
Cette éducation a été le noviciat de tous les saints.
9. ‑ Quatrième remède: Le surnaturel
Enfin, dans la lutte contre l'égoïsme, comme dans la poursuite de toute autre passion malsaine, que le surnaturel soit le moyen d'élection. Réagissons contre certaine pédagogie qui fait de l'éducation une œuvre d'ordre seulement naturel. De tels auteurs se montrent semblables à un distributeur d'aumônes, dont les tiroirs sont remplis de monnaie. Dans le tiroir de gauche, monnaie de cuivre ; dans le tiroir de droite, pièces d'or. Le second reste clos ; le premier seul se vide... Piètre aubaine ! Deux leçons surnaturelles sont ici de saison. L’Évangile préconise au plus haut degré les deux vertus de mortification et de charité. ‑ Se priver ! ‑ Et donner !
De bonne heure, le disciple de Jésus‑Christ sera instruit de la doctrine du Maître et modelé sur ses exemples. Mortification du corps, abnégation de l'esprit : vraie caractéristique du chrétien. Mais ce qui l'est bien plus encore : générosité à l'égard d'autrui. La charité est le dernier lustre de l'enfant de Dieu, la splendeur du visage paternel sur un front d'innocence.
Trois industries compléteront l’œuvre éducative.
1° La première est la " causerie " quotidienne. Trois livres illustrés ouvriront la conversation entre mère et enfant. Je les rappelle :
a) La Bible, qui nous raconte les merveilles de la libéralité divine dans l'ordre de la nature ;
b) L’Évangile, qui déploie à nos yeux ce que la grâce nous offre de plus touchant dans la personne de Dieu fait homme ;
c) La Vie des Saints, glorieux vainqueurs de l'égoïsme et héros de la charité.
2° La seconde industrie sera la privation, sage, modérée, mais courageuse, de ce qui flatte la nature. De sa propre initiative, l'enfant ne se mortifiera pas. D'où la nécessité pour les parents de limiter la jouissance, et dût leur cœur en saigner quelques gouttes, le devoir s'impose de ne point accorder à l'enfant tout ce qu'il réclame de plaisir. Pas d'éducation chrétienne sans austérité évangélique !
3° Le troisième degré de la formation surnaturelle, dans la matière dont nous parlons, sera toujours, pour l'âme enfantine, l'emploi de l'industrie, par elle‑même la plus délicieuse : Donner à Jésus‑Christ dans la personne du pauvre.
Avivez, mère chrétienne, dans l'intelligence du " petit ", la flamme de l'esprit de foi. Notre‑Seigneur Jésus‑Christ ne pouvait nous rendre plus attrayante la charité, qu'en se posant comme le bénéficiaire même de nos largesses. Si immense est la gratitude dont nous lui sommes débiteurs ! Si irrésistible est la sympathie de sa personne ! Que lui refuserions‑nous ? De quoi ne nous priverions‑nous pas, s'il venait frapper à notre porte et nous tendre la main ? C'est lui ! C'est lui qui frappe, quand nous entendons le pauvre heurter à notre huis ! Cette main tendue, c'est celle qui fut percée de clous sur le Calvaire ! Ce cœur, d'où s'exhalent des gémissements, c'est celui qui fut transpercé sur la croix ! Ce cœur qui déverse ses douleurs, c'est le Cœur adorable qu'ouvrit la lame du centurion !
Ce n'est pas vrai, vous repartira l'enfant.
Alors, prenant en main l’Évangile, vous lirez
« Quand le Fils de l'homme viendra, en sa majesté, et avec lui tous les anges, il s'assiéra sur son trône de gloire. Toutes les générations humaines seront assemblées à ses pieds; la séparation s'opérera entre brebis et boucs: à droite les premières, à gauche les seconds. Le roi élèvera la voix. A ceux de sa droite, il dira :
« Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé dès l'origine du monde ; parce que j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; sans abri, vous m'avez logé; nu, vous m'avez couvert ; malade, vous êtes venu me faire visite »[4]…
« Alors, d'une seule voix, les justes me répondront Seigneur, quand donc vous avons‑nous vu souffrir de la faim, de la soif, du froid, de la nudité, de la maladie ? Ce n'est point à vous que nous avons fourni aliment, boisson, logement, vêtement, compagnie ! Et le roi leur répondra : je vous l'affirme, en vérité, tout ce que vous avez fait aux derniers des miens, c'est à moi‑même que vous l'avez fait ».
Racontez à votre enfant les belles surprises par lesquelles jésus s'est plu à confirmer ces paroles envers nombre de saints.
Saint Pierre Pascal, évêque de Jaën, en Espagne, n'ayant plus d'argent pour délivrer les chrétiens captifs, se vend lui même pour en libérer un de plus. Le voilà enfermé dans la citadelle, les fers aux mains et aux pieds. Liberté lui est laissée cependant d'offrir chaque jour le Saint Sacrifice de la Messe. Un matin, pas de servant. Après un long moment d'attente, il descend, rencontre, assis sur le pas de la porte, un jeune esclave en guenille.
‑ Veux‑tu me servir à l'autel ? lui demande le Saint.
‑ Volontiers.
Il remonte avec son servant. Durant la cérémonie, l'évêque se sent embrasé d'une ferveur inaccoutumée. Elle semble émaner de son servant. La sainte Messe achevée
‑ Qui es‑tu ? lui demande le pontife.
‑ Pierre, je suis Jésus‑Christ. Dans huit jours, tu régneras avec moi dans le paradis.
Combien d'autres traits réjouiront l'enfant et le convaincront de la substitution du pauvre à Jésus‑Christ, telle que nous l'a affirmée le Sauveur. Le pauvre est la personne morale du Christ. J'ai toujours admiré ces petits enfants courant à leur mère dès l'apparition du mendiant:
‑ Maman, donnez‑moi un sou pour ce pauvre.
Triomphe surnaturel de la charité sur l'égoïsme vaincu.