XVe JOUR DE DÉCEMBRE

De Salve Regina

Vies de saints
Auteur : Mgr Paul Guérin, camérier de S.S. Pie IX
Source : D'après les Bollandistes, le Père Giry, Surius, Ribadeneira, Godescard, les propres des diocèses et les travaux hagiographiques publiés à l'époque.
Date de publication originale : 1878

Résumé : Tome XIV
Difficulté de lecture : ♦ Facile
Remarque particulière : 7ème édition, revue et corrigée

XVe JOUR DE DÉCEMBRE

MARTYROLOGE ROMAIN.

L'Octave de la Conception de la glorieuse Vierge Marie, — A Verceil, l'Ordination de saint EUSÈBE, dont le décès est marqué au 1er août ; Benoît XIII a fixé sa fête au 16 décembre. Vers 370. — A Rome, les saints martyrs Irénée, Antoine, Théodore, Saturnin, Victor, et dix-sept autres, qui souffrirent la mort pour Jésus-Christ, durant la persécution de Valérien. IIIe s. — En Afrique, le martyre des saints Faustin, Lucius, Candide, Célien, Marc, Janvier et Fortunat. — Dans la même contrée, saint Valérien, évêque, qui, durant la persécution des Vandales, sous le roi arien Genséric, étant pressé, à l'âge de plus de quatre-vingts ans, de livrer les vases et les ornements de l'église, refusa de le faire, et fut condamné à sortir seul de la ville, avec défense que personne le reçût dans aucune maison, ni même dans aucun champ, au point qu'il fut contraint d'errer longtemps sur les grands chemins, exposé aux injures de l'air, et acheva ainsi le cours de sa sainte vie en confessant et défendant la vérité catholique 1. 457. — Au territoire d'Orléans, saint MAXIMIN on MESMIN, confesseur. VIe s. — Au pays des Ibériens, au-delà du Pont-Euxin, sainte CHRÉTIENNE, servante, qui, par la vertu de ses miracles, détermina cette nation à embrasser la foi de Jésus-Christ, au temps de l'empereur Constantin. IIIe s.

MARTYROLOGE DE FRANCE, REVU ET AUGMENTE.

Aux diocèses d'Albi, Autun, Bayeux, Beauvais, Cambrai, Carcassonne, Chartres, Le Puy, Meaux, Pamiers, Poitiers, Rouen, Soissons, Verdun et Versailles, fête de l'Octave de l'Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie. Au diocèse de Paris, saint Maximin, abbé de Micy, cité au martyrologe romain de ce jour. VIe s. — A Metz, le bienheureux ADALBÉRON II, évêque de ce siège et confesseur. 1005. — Dans plusieurs contrées de France, saint Urbice de Bordeaux, confesseur. Il quitta sa patrie pour aller mener la vie érémitique près de la ville d’Huesca (Aragon), où il s'endormit dans le Seigneur, âgé de cent ans et orné du précieux don de la virginité. Vers 805. — A Quimper, le bienheureux JEAN LE DÉCHAUSSÉ, prêtre, religieux de l’Ordre de Saint-François. 1349.

MARTYROLOGES DES ORDRES RELIGIEUX.

Martyrologe de l'Ordre des Cisterciens.

L'Octave de la Conception Immaculée de la Vierge Marie, Mère de Dieu.

Martyrologe de l'Ordre des Frères Prêcheurs

L'Ordination de saint Eusèbe de Verceil, évêque et martyr. Vers 370. — En Afrique, saint Valérien évêque, qui, durant la persécution des Vandales, sous le roi arien Genséric, étant pressé, à l'âge de plus de quatre-vingts ans, de livrer vases et les ornements de l'église, refusa de le faire, et fut condamné à sortir seul de la ville, avec défense que personne le reçût dans aucune maison, ni même dans aucun champ, au point qu'il fut contraint d'errer longtemps sur les grands chemins, exposé aux injures de l'air, et acheva ainsi le cours de sa sainte vie en confessant et défendant la vérité catholique. 457. L'Octave de la Conception Immaculée de la Vierge Marie, Mère de Dieu. Martyrologe des trois Ordres de Saint-François. — De même que chez les Cisterciens. Martyrologe de l'Ordre des Frères Mineurs. — De même que chez les Cisterciens. Martyrologe de l'Ordre de la bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel. — L'octave de la Conception de la bienheureuse Vierge Marie. — Le même jour, l'Ordination de saint Eusèbe, évoque de Verceil, dont la naissance au ciel se célèbre le 1er août, et dont la fête, par ordre du pape Benoît XIII, reste fixée au 16 décembre, et se fait dans notre Ordre le 20 du même mois. 370. Martyrologe de l'Ordre des Servites de la bienheureuse Vierge Marie. — De même que chez les Cisterciens. Martyrologe de l'Ordre des Carmes déchaussés. — de même que chez les religieux du Mont-Carmel.

1. On croit que le corps de saint Valérien, évêque d'Abbenze, fut apporté d'Afrique en Italie, presque en même temps que celui de saint Augustin, au VIIIe siècle. D'après certains hagiographes, ce serait lui que l'on conserverait à Retorbio, près de Voghera (province d'Alexandrie de la Paille), dans le Milanais. — cf. Baillet.

SAINTE CHRÉTIENNE, VIERGE ET ESCLAVE, APÔTRE DES IBÉRIENS. IIIe siècle.

Multa est virtus orationis. Étonnante est la puissance de la prière. Saint Bonaventure.

Parmi les industries dont la sagesse divine s'est servie pour convertir les peuples les plus barbares qui étaient hors les bornes de l'empire romain, une des plus merveilleuses a été d'y envoyer des bannis, des fugitifs, des captifs et des esclaves chrétiens, lesquels, par la pureté de leurs mœurs, par l'éclat de leurs miracles et par la lumière de leurs exhortations, ont converti leurs propres maîtres et leur ont fait ouvrir les yeux pour connaître la vérité de l'Évangile. Nous en avons un grand nombre d’exemples dans toute l'Histoire ecclésiastique ; mais un des principaux et des plus illustres est celui de sainte Chrétienne, qui se trouva captive et esclave chez les Ibériens, au-delà du Pont-Euxin, du temps de l'empereur Constantin le Grand. On ne dit point de quel pays elle était, ni par quel malheur elle tomba entre les mains de ces barbares ; son nom même n'a pu être connu, et celui de Chrétienne est plutôt le nom de la religion qu'elle professait et qu'elle fit recevoir dans l'Ibérie, que celui de son baptême. Dans la servitude, son esprit ne fut point captif ; elle y servait Dieu avec une innocence et une pureté admirables. L'oraison était sa vie et le jeûne sa nourriture. Elle obéissait à son maître et à sa maîtresse avec une douceur, une patience et une modestie qui les ravissaient ; elle méprisait l'or, l'argent et les ornements du corps, et ne se mettait en peine que de parer son âme des plus nobles vertus ; on la voyait, après avoir fait le devoir de sa condition, se retirer dans un coin de la maison et y passer des heures entières, tant de jour que de nuit, les larmes aux yeux, et dans une prière très fervente. Cette conduite étonna d'abord les femmes du pays. Elles ne pouvaient assez admirer qu'elle vécût chaste dans un corps corruptible, et qu'elle fût joyeuse et contente dans une condition si misérable. Ses prières et ses abstinences, si longues et si constantes, les effrayaient, et elles ne comprenaient pas pourquoi elle refusait tous les plaisirs de la vie, lors même qu'elle en pouvait jouir et qu'ils lui étaient offerts. Elles l'interrogèrent sur toutes ces choses, et elle leur dit que le Dieu qu'elle adorait était un Dieu d'une pureté infinie ; que Jésus-Christ, son Fils, étant descendu sur la terre pour le salut des hommes, leur avait donné, par son exemple et par sa parole, des leçons de mortification et de pénitence qu'elle était obligée de pratiquer, et qu'elle attendait après cette vie de misère un bonheur éternel, qui récompenserait abondamment toutes ses bonnes actions. Cette réponse les étonna encore davantage, mais elles n'y comprenaient rien. Comme elles avaient coutume, lorsqu'un enfant était malade, de le porter à leurs voisines pour savoir si elles n'avaient point quelque remède à son mal, une de ces barbares lui apporta un jour son fils et lui demanda si elle ne savait point un moyen pour le guérir. Elle lui dit qu'elle n'en savait point de naturel, mais que Jésus-Christ, son Seigneur et son Dieu, le pouvait faire, et qu'elle espérait qu'il ne lui refuserait point cette grâce. En effet, elle le prit, le mit sur le cilice qui lui servait de lit, et par une fervente prière, elle lui rendit la santé. Ce miracle fit grand bruit dans la ville ; la reine, qui était extrêmement malade, en fut avertie, et elle envoya aussitôt chercher la captive pour recevoir d'elle le même bienfait ; mais cette sage chrétienne refusant d'y aller, par modestie et par humilité, la reine se fit porter dans sa chambre, où, s'étant couchée sur son cilice, elle guérit semblablement par sa prière. Notre Sainte lui dit aussitôt que Jésus-Christ l'ayant guérie, elle devait croire en lui si elle voulait éviter les peines éternelles préparées aux idolâtres et aux infidèles. Dès qu'elle fut retournée au palais, elle raconta au roi ce qui s'était passé, et ce prince, voulant envoyer de grands présents à Chrétienne, en reconnaissance d'une grâce si considérable, la reine lui dit que la captive ne voulait ni or, ni argent, ni habits précieux, parce qu'elle aimait la pauvreté et les souffrances ; mais qu'elle demandait seulement que l'on reconnût Jésus-Christ pour vrai Dieu, et que l'on quittât la superstition de l'idolâtrie, qui n'est qu'un culte abominable des démons. Le roi fit d'abord la sourde oreille à ces propositions ; mais étant allé à la chasse et s'y trouvant en grand danger de mort, il fit vœu, s'il en était délivré, d'embrasser la religion de la captive et de croire en Jésus-Christ. Sa délivrance suivit aussitôt son vœu ; ainsi, étant retourné sain et sauf dans son palais, il fit appeler notre Sainte et lui demanda les avis nécessaires pour embrasser cette nouvelle religion. Elle lui expliqua nos mystères, selon les instructions qu'elle avait reçues dans l'Église et les lumières surnaturelles qui lui avaient été données dans l'oraison, et le pria de faire bâtir une église dont elle lui donna le plan. Il se rendit à tout ce qu'elle voulut, assembla son peuple avec les seigneurs de son État, leur fit la proposition de tout ce qu'il avait appris d'une si sainte femme, leur rapporta les miracles que Jésus-Christ avait déjà faits par son moyen, et les exhorta comme un apôtre à quitter les erreurs où ils avaient vécu jusqu'alors, pour reconnaître la vérité d'un seul Dieu. La reine, de son côté, et notre Sainte, prêchèrent les femmes d'une manière très forte et très touchante. Ainsi, tout le monde convint qu'il fallait embrasser le Christianisme, détruire les idoles et leurs temples et bâtir une église où on adorerait Jésus-Christ. Le roi et la reine s'appliquèrent avec un grand zèle à cette construction, où il arriva que l'enceinte des murs étant faite et deux colonnes déjà placées sur leur base et leur piédestal, la troisième devint tellement immobile, que ni les hommes, ni les bœufs ne la purent jamais remuer ; mais la nuit, à la prière de la captive, elle s'éleva d'elle-même au-dessus de sa base, de telle sorte, néanmoins, qu'elle était suspendue en l'air à un pied au-dessus de son assiette. Le matin, tout le monde fut témoin de cette merveille, et l'on vit la colonne descendre peu à peu au lieu où elle devait être placée. Les Ibériens ayant vu ce nouveau miracle, furent parfaitement confirmés dans la foi. Le roi, par le conseil de Chrétienne, envoya des ambassadeurs à Constantin pour avoir un évêque et des prêtres, et il obtint ce qu'il demandait, avec de grands honneurs que l'empereur lui fit de son propre mouvement. Il se fit baptiser avec tout son peuple, et se maintint toute sa vie dans le zèle ardent qu'il avait pour la religion chrétienne. Quant notre bienheureuse captive, elle continua jusqu'à la mort la vie sainte qu'elle avait menée parmi ces peuples, et elle les confirma toujours de plus en plus dans la foi par ses paroles et par ses miracles. Enfin, le grand Père de famille l'appela dans le ciel pour la récompenser des services qu'elle lui avait rendus sur la terre, et tout le pays l'honora depuis comme une Sainte. Mgr Jauffret, évêque de Metz, fonda en 1807 une Congrégation enseignante, dite de Sainte-Chrétienne. Il lui avait d'abord donné le nom de Congrégation de la Sainte-Enfance de Jésus et de Marie. Mais comme plusieurs Congrégations religieuses étaient déjà reconnues en France sous ce beau titre, il parut convenable de distinguer par un nom particulier celle qui allait se former, tout en lui laissant les divins protecteurs qu'elle s'était choisie dès sa première origine. Le pieux évêque cherchait dans ses pensées un Saint qui pût devenir, avec Jésus et Marie, le patron de la société naissante. Dans son embarras, il ouvrit le martyrologe romain, et le premier nom qui frappa ses regards fut celui de cette humble esclave, à qui la nation des Ibériens dut la connaissance de l'Évangile, et qui n'est connue parmi les hommes que par son titre de Chrétienne. Le prélat crut que c'était en effet une bonne protectrice à offrir dans le ciel à des religieuses qui, sur la terre, ne doivent aspirer à autre chose qu'à faire ce que, la première, elle avait fait, c'est-à-dire à mener une vie toute cachée, à n'ambitionner que l'obéissance, à pratiquer dans le silence les conseils évangéliques, et à contribuer au salut des âmes par des exemples bien plus que par des paroles. La Congrégation de Sainte-Chrétienne, dont le siège est à Metz, a de nombreuses et importantes maisons d'éducation dans ce diocèse, dans ceux de Reims, de Châlons-sur-Marne et en Allemagne.

Cette biographie est tirée de Rufin, livre 1er de son Histoire, et complétée par des Notes dues à l’obligeance de M. l'abbé Noël, du diocèse de Metz.

LE BIENHEUREUX ADALBÉRON II

ÉVÊQUE DE METZ 1005. — Pape : Jean XVIII. — Roi de France : Robert II

Martyrio majus quidquam est charitas proximi. La charité envers le prochain est quelque chose de plus grand que le martyre. Saint Jean Chrysostome.

Adalbéron était fils de Frédéric, duc de la Basse-Lorraine, et de Béatrix, sœur d’Hugues-Capet. Élevé dans l'abbaye de Gorze (Moselle), où il fit de très grands progrès dans les sciences et dans la piété, il se destina à l'état ecclésiastique. La duchesse Béatrix, sa mère, et l'impératrice sainte Adélaïde, son aïeule, veuve d'Othon le Grand, secondées par le choix du clergé et du peuple, le firent nommer à l'évêché de Metz en 984. Adalbéron fit son entrée dans cette ville au milieu des acclamations du peuple. La douceur et les manières affables du nouveau prélat lui gagnèrent bientôt l'affection de son troupeau. L'auteur de sa vie, Constantin, abbé de Saint Symphorien, le représente comme un évêque digne des plus beaux siècles de l'Église. Il était d'une aménité si grande, qu'il avait coutume de dire qu'il ne concevait pas comment les hommes pouvaient se mettre en colère. Il recevait dans son palais tous les pauvres et les pèlerins qui se présentaient, leur lavait les pieds et les servait lui-même à table. Imitateur fidèle des vertus du vénérable Adalbéron 1er, son oncle, que son affection pour les religieux et son zèle pour le rétablissement de l'observance régulière avaient fait surnommer le Père des Moines, il s'appliqua surtout à faire refleurir la discipline religieuse dans son vaste diocèse. Un des premiers soins du saint évêque fut de restaurer l'abbaye des Saints-Innocents, connue depuis sous le nom de Saint-Symphorien, qui avait beaucoup souffert des dernières guerres. Il en répara les édifices, lui fit restituer ses biens, lui en donna de nouveaux, et y mit pour abbé le bienheureux Fingénius, écossais d'origine, qui avait succédé à saint Cadroël, dans le gouvernement de l'abbaye de Saint-Clément, et était en même temps abbé de Saint-Vannes, de Verdun. Adalbéron rebâtit dans le même temps l'abbaye de Saint-Pierre. Il fonda aussi, dans le voisinage de Saint-Pierre, une autre abbaye de religieuses qui prit le nom de l'auguste Mère de Dieu. Il établit à Épinal (Vosges) une communauté de religieuses dans le lieu où le bienheureux Thierry 1er, son prédécesseur, avait déposé les reliques de saint Goëric. Vers le même temps régnait, surtout du côté de la Bourgogne, la terrible maladie connue sous le nom de feu sacré et de mal des ardents. Les malheureux qui en étaient atteints, ayant ouï parler des guérisons qui s'opéraient à Épinal par l'intercession de saint Goëric, y accouraient en foule. Adalbéron, qui faisait souvent sa résidence dans le château situé au-dessus du monastère, en prit le plus tendre soin. Non content de leur procurer ce qui était nécessaire à la vie, et de les consoler par ses discours, il pansait lui-même leurs ulcères, et souvent il rendait cet humble service à quatre-vingts ou même cent personnes dans un jour, s'estimant heureux de voir ainsi sa maison changée en hôpital. L'auteur de sa vie assure l'avoir assisté durant sept jours consécutifs dans cet exercice si héroïque de charité. Cette action ne pouvait manquer d'avoir pour cortège toutes les vertus chrétiennes. En effet, Adalbéron, qui aimait et soignait si tendrement les membres souffrants de Jésus-Christ dans la personne des pauvres, était pénétré du plus profond respect et de la plus affectueuse piété pour nos saints mystères. Il n'offrait jamais l'auguste sacrifice de la messe sans s'être auparavant revêtu d'un cilice, et ne pouvait tenir entre ses mains le sacré corps et le précieux sang de la divine victime sans les arroser de ses larmes. Il passait la veille des principales fêtes sans prendre aucune nourriture ; et pour mieux sanctifier par la prière et le recueillement le jeûne du Carême, il le passait tout entier dans une sainte retraite. Toutes les provinces de l'empire étaient alors comme au pillage ; les seigneurs, pour subvenir aux frais de contributions qu'ils devaient à l'armée que l'empereur entretenait presque continuellement en Italie, pillaient, étaient obligés de ruiner leurs terres et de fouler leurs sujets. Adalbéron sut par sa sagesse éviter ces extrémités, et satisfaire à ses devoirs envers son souverain, sans manquer à ce qu'il devait aux peuples qui lui étaient confiés. Pour diminuer autant qu'il était en lui la dépense, il ne fit point de campagnes, et prit sur ses propres revenus la plus grande partie des subsides que devait fournir son troupeau. Quoique le saint prélat fût naturellement porté à la douceur, il savait quand les circonstances l'exigeaient user de sévérité. On le vit faire la guerre aux seigneurs qui vexaient son peuple, ruiner leurs châteaux et leurs forteresses. Il n'en venait à ces extrémités qu'après avoir employé les voies de la douceur. Quant aux biens dont il s'était rendu maître, il ne se les appropriait jamais, mais il les distribuait aux pauvres, ou les employait à la réparation des églises. Adalbéron alla deux fois à Rome pour satisfaire sa dévotion envers les saints Apôtres. Dans un premier voyage qu'il fit en 994, il fut très bien reçu du pape Jean XVI, qui lui fit présent de quelques reliques précieuses. Dans le second voyage il accompagna l'empereur Othon III, qu'il engagea à faire de grands biens à son église. Toujours occupé de la réforme des monastères de son diocèse, il fit venir saint Guillaume, abbé de Saint-Bénigne de Dijon, et le chargea de rétablir la discipline régulière dans les célèbres abbayes de Gorze et de Saint-Arnould. Il y faisait régulièrement les ordinations deux fois l'année, à Noël et à Pâques, et elles étaient si nombreuses pour le temps, que l'on compte plus de mille prêtres et d'autres ministres à qui il avait imposé les mains. En 1005, le saint évêque fut attaqué de paralysie. Lorsqu'il vit que sa fin approchait, il distribua tout son bien aux pauvres et aux églises. Il envoya des présents jusqu'à Saint-Martin de Tours, à Saint-Denis, à Saint-Rémi de Reims, à Notre-Dame de Verdun, à Saint-Pierre de Cologne, et à plusieurs autres lieux célèbres de dévotion. Il mourut le 15 décembre, extrêmement regretté de tout son peuple, des Juifs mêmes qui lui donnèrent des larmes. Le duc Thierry, son frère, et Bertaut, évêque de Toul, son élève ; assistèrent à ses funérailles au milieu d'un immense concours des populations. Le saint prélat fut inhumé dans l'abbaye de Saint-Symphorien, où il avait choisi sa sépulture. On y conserva jusqu'à la Révolution ses précieux restes avec le cilice dont il se servait dans l’ardeur de sa pénitence.

Nous devons cette biographie à M. l’abbé Noël, du diocèse de Metz. — Cf, Saint Symphorien et son culte par M. abbé Dinet.

LE BIENHEUREUX JEAN LE DÉCHAUSSÉ, RELIGIEUX DE SAINT-FRANÇOIS

AU DIOCÈSE DE QUIMPER 1349. — Pape : Clément VI. — Roi de France : Philippe de Valois.

Ad veram perfectionem integra mortificatione pervenitur. Le chemin de la mortification parfaite est aussi celai de la véritable perfection. Le vénérable Louis de Blois.

Ce saint homme, dont la mémoire est en vénération à Quimper, naquit sur la fin du XIIIe siècle, dans le diocèse de Léon, de parents peu aisés, mais qui avaient la crainte de Dieu. Il fut appelé Jean en recevant le sacrement de la régénération, et par un principe d'humilité, il voulut depuis être toujours appelé Jeannie, c'est-à-dire Petit Jean. Il avait un parent, artisan habile, auprès duquel il se fixa au sortir de l'enfance, et travailla assidûment avec lui. Son inclination le portait par prédilection aux ouvrages qui pouvaient servir à la piété ou au soulagement du prochain. C'est pourquoi, lorsqu'il y avait quelques croix à faire ou à dresser sur les chemins, ou des ponts et des arches à jeter sur des ruisseaux, des gués et des torrents, Jeannie y employait avec joie toute son industrie. Il fit un gain considérable dans sa profession, et aurait pu vivre à son aise dans le siècle ; mais Dieu l'appelait à un état plus saint, et, fidèle à sa vocation, il résolut d'entrer dans la cléricature. Son parent le railla d'un pareil dessein, et l'empêcha, autant qu'il put, de l'exécuter. Ce nouveau Satan fut puni : il perdit ses biens, devint lépreux, mourut excommunié, et fut privé de la sépulture ecclésiastique, pendant que Jeannie, méprisant les menaces, les persécutions et les moqueries de ce tentateur dangereux, quitta son pays et s'en alla à Rennes pour tâcher de s'y rendre capable de recevoir les ordres sacrés. Il y réussit, et fut enfin ordonné prêtre. Il commença dès lors à vivre d'une manière très austère. Il jeûnait trois fois la semaine au pain et à l'eau ; ses habits étaient pauvres, quoique propres ; il visitait et assistait les malades avec beaucoup d'affection et d'assiduité ; en un mot, ses vertus et sa sainteté étaient l'objet de l'admiration de toute la ville. L'humilité dont il faisait une profession sincère n'empêcha pas Yves, évêque de Rennes, de découvrir les mérites d'un homme qui ne cherchait qu'à se cacher. Il le fit venir dans son palais, et lui confia le soin d'une cure de son diocèse. Le saint prêtre fit tout ce qu'il put pour éviter un emploi qui donne quelque distinction ; mais les ordres précis de son évêque lui imposèrent la nécessité de se soumettre à ce qu'on souhaitait de lui. Pourvu de cette cure, il en prit possession, et y fit de grands fruits par son exemple et par les soins paternels qu'il donnait à son peuple. Il gouverna cette paroisse pendant treize ans, sous trois évêques de Rennes, Yves, Gilles et Alain de Châteaugiron, qu'il assista dans leurs visites, et dont il était comme le précurseur, en allant devant eux à pied, pour disposer les peuples, par ses prédications et par le sacrement de pénitence, à recevoir de lui la confirmation. Il ne se servit jamais de cheval ni de litière ; mais il allait toujours à pied et sans chaussure, ce qu'il pratiqua toute sa vie ; d'où lui est demeuré le surnom de Discalceat ou Déchausse. Un homme aussi austère et d'aussi peu de dépense que lui aurait pu mettre de l'argent en réserve, si l'avarice avait exercé sur lui le même empire qu'elle a eu quelquefois sur d’autres ecclésiastiques d'une vie dure et d'un extérieur réglé ; mais il se regardait comme le moindre d'entre ses pauvres ; persuadé que le bien de son église était à eux, il le leur donnait tout entier, et ; généreux envers les indigents, il s'oubliait souvent lui-même. Après avoir gouverné sa paroisse jusqu'en 1316, il se sentit si fortement attiré à l'Ordre de Saint-François, que, résolu au sacrifice que Dieu lui inspirait, il alla remettre sa cure entre les mains de son évêque, et lui demander la permission d'embrasser l'institut des Frères. L'évêque ne put recevoir sans larmes une démission qui le privait d'un sujet d'un mérite si extraordinaire. Ayant inutilement cherché à détourner Jean de sa résolution, il voulut au moins lui marquer sa considération, en conférant la cure à son frère. Mais Jean, entièrement détaché des liens de la chair et du sang, et qui connaissait d'ailleurs l'indignité du sujet, se fit un devoir d'en découvrir les défauts à l'évêque, et de le prier de choisir un autre Pasteur. Muni de la bénédiction de son Prélat, il entra, en 1316, dans l'Ordre de Saint-François, au couvent de Quimper. S'il avait aimé la pauvreté avant que d'en faire une profession publique, il s'y livra avec ardeur quand elle fut devenue une obligation pour lui. Ses habits étaient toujours les plus mauvais ; et, si on lui en demandait la raison, il répondait que c'était parce qu'il était le plus imparfait de tous, et par conséquent indigne d'être vêtu décemment et de neuf. Persuadé que sa Règle promettait quelque bénédiction particulière à ceux qui ne dédaignaient pas de raccommoder eux-mêmes leurs habits, il se faisait un plaisir de coudre des pièces au sien ; et plus ces pièces paraissaient désagréables et mal placées, plus son humilité y trouvait son compte. Frère Jean, plus pauvre encore que les pauvres volontaires, ses confrères, ne voyait pas dans son propre dénuement des raisons pour fermer son cœur à la miséricorde, et ses mains au penchant qui le portait à faire l'aumône. Sa charité industrieuse trouvait des ressources pour soulager les misérables ; il en était sans cesse environné, et il les consolait tous, efficacement. Il leur donnait quelquefois son propre manteau et son capuchon, et ne craignait pas pour cela que son Père saint François méconnût, par le défaut de quelque livrée de pénitence, un des siens revêtu intérieurement de l'homme nouveau. La charité de cet excellent religieux ne trouvait point que l'impuissance fût un prétexte suffisant pour le dispenser de faire du bien aux pauvres, surtout quand les misères publiques augmentaient les besoins des particuliers. Alors son zèle, prenant de nouvelles forces, le portait à faire de douces violences aux personnes riches ; il leur insinuait si vivement les grands avantages que la religion promet à l'aumône, et la nécessité que l'Évangile impose de la faire, que le même feu dont il était brûlé s'allumait aussi dans leurs cœurs. Le temps lui était cher et précieux ; il n'en donnait pas un seul instant à l'oisiveté ; ses jours étaient pleins, et on le trouvait sans cesse occupé au travail, à la prière, ou à quelque exercice de piété. Il se levait toutes les nuits longtemps avant les autres : ses yeux ouverts à Dieu devançaient toujours les vigiles de la nuit, et, les Matines finies, il avait peine à s'éloigner du sanctuaire ; le jour l'y surprenait souvent dans la continuation de son oraison. Aussitôt qu'il avait dit la messe, il entrait au confessionnal, ou allait visiter les malades de la ville. Le reste du jour, avec une bonne partie de la nuit, il le passait en prière. Ce n'était pas assez pour sa fervente piété de dire l'office canonial au chœur avec la communauté, il le disait encore en particulier, le plus souvent seul, quelquefois avec quelqu'un de ses confrères, toujours la tête nue, avec un respect profond et une attention affectueuse. Outre le grand Office, il récitait de plus celui de la Croix, celui du Saint-Esprit, les Psaumes graduels et ceux de la pénitence, l'Office des morts, un grand nombre de litanies, d'hymnes et de cantiques à l'honneur de la sainte Vierge. On rapporte quelques effets miraculeux de ses prières pour la guérison des corps et des esprits ; et il n'est point étonnant qu'un homme aussi plein de foi ait été exaucé. Sa vertu fut éprouvée, comme celle de Job, par les attaques intérieures et extérieures du démon, qui tantôt le voulait jeter dans le découragement et la tiédeur, et tantôt s'en prenait à son corps même, déjà exténué par les rigueurs de la pénitence. Le bouclier de la foi, et le glaive de l'esprit, qui est la parole de Dieu, étaient les armes dont, à l'exemple de son Sauveur, il se servait pour vaincre et chasser ce dangereux ennemi. Les divins cantiques du fils de Jessé avaient autrefois amorti les efforts du mauvais esprit qui tourmentait Saül : ils fournissaient aussi à ce saint religieux de quoi remporter de pareilles victoires. Quelquefois il disait : « O Dieu ! Délivrez mon âme du glaive, délivrez de ces furieux cette âme désolée » ; et, pour marquer le mépris qu'il faisait de son tentateur, il se servait souvent du terme de chien. D'autres fois il disait : « Ne touchez pas mes oints, et ne faites point de mal à mes prophètes. » ; ou bien : « Retirez-vous de moi, vous tous qui commettez l'iniquité, car le Seigneur a entendu la voix de mes larmes » ; ou ces autres paroles : « Que tous mes ennemis soient entièrement confondus ». Mais, de peur que l'ennemi extérieur n'entretint des intelligences avec l'ennemi domestique, le bienheureux Jean s'appliqua particulièrement à mâter celui-ci par des austérités extraordinaires. Il passa seize années entières sans boire de vin, excepté à l'autel, et sans manger de chair, à moins d'y être forcé par la maladie, par les ordonnances des médecins et les commandements de ses supérieurs. Il mangeait même fort rarement du poisson. Il se nourrissait de gros pain d'orge ou de fèves, qu'il laissait moisir exprès, afin de le trouver moins agréable. Il évitait le plaisir jusque dans l'eau qu'il buvait, et en corrompait la saveur en y mêlant quelque liqueur aigre ou amère, en mémoire du vinaigre et du fiel dont on avait abreuvé son Sauveur sur le Calvaire. Il ne mangeait qu'une fois le jour, à moins qu'il ne fût malade et actuellement alité ; à la réserve de quarante jours, il jeûnait tout le reste de l'année, qu'il avait partagée en huit Carêmes, dont le premier commençait le lendemain de l'Épiphanie et durait quarante jours, pendant lesquels il ne vivait que de pain le plus souvent tout sec, et quelquefois trempé dans du bouillon, et ne buvait que de l'eau. Le second Carême était celui de l'Église ; il l'observait en entier, jeûnant au pain et à l'eau. Le troisième, qu'il appelait le Carême de Moïse, durait aussi quarante jours, et, à la réserve de trois jours par semaine qu'il prenait du potage, tout le reste, aussi bien que les dix jours avant la Pentecôte, il jeûnait au pain et à l'eau. Le quatrième Carême, qui était en l'honneur des apôtres saint Pierre et saint Paul, commençait quarante jours avant leur fête, et il y jeûnait souvent au pain et à l'eau. Le cinquième était celui de Notre-Dame, qui durait jusqu'à son Assomption, et celui-là était aussi rude que le grand Carême. Il observait la même austérité pendant le sixième, en l'honneur des saints Anges, qui, finissait à la Saint-Michel. Le septième durait jusqu'à la Toussaint, avec les austérités de troisième. Le dernier, qui est celui de la Règle des Frères Mineurs, il le commençait le jour des Morts, et le continuait jusqu'au jour de Noël, toujours au pain et à l'eau. Il avait trois sortes de cilices, dont l'un était tissu de grosses étoupes de chanvre, qu'on appelle en Bretagne reparon, et qui font une toile plus propre à écorcher la peau la plus dure qu'à servir de vêtement. L'autre était de crin de cheval ; et le troisième, que ce saint homme ingénieux à se tourmenter avait inventé lui-même, était de cuir de porc, dont le poil était coupé à deux ou trois lignes de surface ; ce qui lui causait des douleurs auxquelles on ne peut penser sans frémir. Mais que dirons-nous de la constance avec laquelle il laissait dans ses pieds toujours nus les clous qui s'y enfonçaient par hasard en marchant ? On lui a vu souvent les pieds prêts à pourrir, par suite d'accidents de cette nature, sans qu'il se plaignît de ce qu'il souffrait, et sans qu'il se mit en peine d'ôter la cause du mal, si les ordres exprès de ses supérieurs ne l'y eussent contraint. La vermine est une espèce de fléau qui fait souvent échouer la patience des plus parfaits, qui croient ne satisfaire qu'à ce que demande l'honnêteté publique, quand il n'est peut-être que trop vrai qu'ils se soustraient avec plaisir à une pénitence importune qui n'est pas de leur choix. De grands Saints ont vu plus de mérite dans cette pénitence involontaire que dans celles où l'amour-propre peut se flatter de l'invention. Le bienheureux Jean, à leur exemple, respectait le doigt de Dieu dans ces petits bourreaux domestiques, et bien loin de les détruire, il s'en regardait comme le berger, et remettait dans le bercail ceux qui étaient en danger de s'égarer et de se perdre. Les maîtres de la vie spirituelle estiment beaucoup le don des larmes et de componction ; et en effet, si l'un des caractères des impies, selon saint Paul, est de n'avoir point d'affection, pourquoi ne regarderait-on pas comme une faveur que Dieu fait à ses élus de leur donner un cœur de chair, une âme sensible aux choses de l'autre vie, et un tendre et facile épanchement de larmes, à la considération des objets dignes de piété? C'était par ces principes d'une tendresse sainte et surnaturelle que le bienheureux Jean répandait de si abondantes larmes dans la prière, dans l'exercice de sa fonction de confesseur, et sur les maux publics que l'esprit prophétique lui faisait prévoir. Ce fut ainsi que, prévoyant un jour, pendant la réfection commune où les viandes n'avaient aucune part à l'attention de son esprit, les maux qu'allait causer la guerre civile en Bretagne après la mort du duc Jean III, il trempa non seulement son pain de ses larmes, mais il passa le reste du jour à pleurer avec une si grande effusion, qu'on dit que ses yeux étaient devenus deux fontaines. Il prévit et annonça le siège et la prise de Quimper, et la famine cruelle qui devait les suivre, avant que Charles de Blois eût formé le dessein de ce siège. La ville fut prise en 1344 ; les vainqueurs y commirent de grandes cruautés, et la famine ne manqua point de venir à la suite de la guerre, en 1346. Alors le bon religieux, qui avait prédit l'une et l'autre, n'ayant pu détourner les effets de la première, rendit ceux de la seconde tolérables aux pauvres par le soin et le bonheur qu'il eut de persuader efficacement aux riches qu'ils n'étaient, en ces occasions, que les dispensateurs de leurs propres biens, Dieu lui révéla de même la peste qui désola la ville et, le pays de Quimper en 1349. Il en eut connaissance dès l'année précédente pendant qu'il était au chœur avec ses confrères. Les autres religieux, le voyant pleurer amèrement, lui demandèrent le sujet d'une si vive douleur. Il ne leur dit autre chose, sinon que la ville serait affligée dans peu d'une nouvelle calamité. En effet, dès l'été suivant, la contagion enleva un grand nombre de personnes. Le bienheureux Jean, dans cette circonstance, offrit à Dieu sa vie en sacrifice, et l'exposa charitablement par l'assiduité qu'il rendit aux personnes attaquées de la peste, auxquelles il administra les sacrements et les consolations spirituelles et corporelles, avec un zèle et une affection qui furent récompensés d'une sainte mort, causée par le même mal qui en enlevait tous les jours tant d'autres. Ainsi le bienheureux Jean termina, dans les exercices de la charité, une vie qu'il avait passée dans ceux de la pénitence et de la prière. Il mourut âgé d'environ soixante-neuf ans, après avoir porté longtemps l'habit de Saint-François et en avoir observé constamment toutes les règles jusqu'au moindre iota, comme s'exprime l'auteur de sa vie ; ce qui, au sentiment d'un grand Pape, tient lieu des plus insignes miracles, et suffit pour canonisai un enfant de Saint-François. Le corps de ce saint religieux fut inhumé dans l'église du couvent de son Ordre, à Quimper, et dans la chapelle qui était près de la porte du chœur, sous le jubé, du côté de l'évangile. On le tira depuis de la bière, qui avait servi à sa sépulture, et on le mit dans une châsse plus honorable qui, pendant quelque temps, fut conservée sous un petit dôme en forme de chapelle, composée de treillis et de grilles de fer. Enfin, on l'ôta encore de là pour le placer dans la chapelle qui faisait l'aile droite du chœur. Quoique ce saint corps soit aujourd'hui perdu, la ville de Quimper a toujours une grande confiance au bienheureux Jean, et l'on assure que plusieurs malades ont été guéris par son intercession. On voit dans la cathédrale sa statue, devant laquelle les fidèles font des vœux et des offrandes. On invoque surtout ce serviteur de Dieu pour retrouver les objets perdus.

Extrait des Saints de Bretagne, par Dom Lobineau et l'abbé Tresvaux.

SAINT EUSÈBE, ÉVÊQUE DE VERCEIL (vers 370).

Né en Sardaigne, d'une famille noble, Eusèbe, après la mort de son père, se retira en Italie et fit ses études à Verceil (Intendance de Novare). Il se distingua tellement dans le clergé de cette ville, que, le siège épiscopal étant venu à vaquer, il fut élu à l'unanimité pour le remplir. Le nouvel évêque s'appliqua de tout son pouvoir à former de dignes ministres de Jésus-Christ. Sa conduite fut justifiée par le succès : plusieurs églises voulurent être gouvernées par ses disciples, et l'on vit sortir de son clergé un grand nombre de saints prélats aussi recommandables par leurs vertus que par leurs lumières. Eusèbe s'était acquis déjà une haute réputation de sainteté : celle-ci allait être éprouvée par les persécutions. En 355 se tint à Milan un concile où plusieurs catholiques, intimidés par les menaces de l'empereur Constance et les fureurs des Ariens, signèrent la sentence qui fut prononcée par les hérétiques contre saint Athanase d'Alexandrie. Eusèbe résista ouvertement à l'empereur et lui reprocha hautement son impiété. Constance répondit par les violences : Eusèbe fut exilé à Scythopolis, en Palestine ; plus tard, on le transféra en Cappadoce, et quelque temps après, il fut conduit dans la Haute-Thébaïde. En ces différents endroits, les Ariens l'accablèrent d'outrages et lui firent souffrir les plus cruels traitements. Cependant l'heure de la délivrance vint à sonner. Constance étant mort (361), Julien l'Apostat permit à l'illustre exilé de retourner dans son diocèse : il revint, en effet, et l'Italie quitta ses habits de deuil. Eusèbe ne resta pas inactif : de concert avec saint Hilaire de Poitiers, il dépensa tout son zèle à combattre l'Arianisme dans ses derniers retranchements. Enfin, rempli de jours et de mérites, il s'endormit plein d'espérance dans le Seigneur, le 1er août, vers l'an 370. On garde dans la cathédrale de Verceil la châsse qui renferme ses précieuses reliques. Il ne nous reste des écrits de saint Eusèbe que deux lettres, adressées, l'une à son Église, pendant son exil à Scythopolis ; l'autre à Grégoire, évêque d'Elvire. Eusèbe la rédigea durant son exil dans la Haute-Thébaïde. Il y exhorte Grégoire à s'opposer courageusement à Osius, qui avait eu le malheur de tomber dans l'hérésie, ainsi qu'à tous ceux qui avaient abandonné la foi de l'Église, et de ne point craindre la puissance des princes. Ces deux lettres se trouvent dans les Annales de Baronius, et dans le tome XII de la Patrologie de M. l'abbé Migne.

Godescard et Dom Ceillier.

SAINT MAXIMIN OU MESMIN DE VERDUN, DEUXIÈME ABBÉ DE MICY, AU DIOCÈSE D'ORLÉANS

(vers 520).

Saint Euspice, prêtre et archidiacre de l'église de Verdun, après avoir porté le roi Clovis à pardonner à cette ville rebelle, qu'il tenait assiégée (498) et qu'il avait dessein de saccager, gagna tellement les bonnes grâces de ce prince, qu'il obtint aisément tout ce qu'il voulut lui demander. Clovis le mena avec lui à Orléans, où il lui céda le territoire de Micy pour y bâtir un monastère. Mesmin, neveu de saint Euspice, suivit son bienheureux oncle à Orléans : il y fut ordonné diacre et ensuite élevé à la dignité sacerdotale par Eusèbe, évêque de cette ville. Notre jeune prêtre sut assembler en fort peu de temps, conjointement avec saint Euspice, un grand nombre de religieux d'une piété et d'une ferveur admirables : le monastère de Micy fut fondé. Deux ans après cette fondation, le bienheureux Euspice s'endormit dans le Seigneur : Mesmin en eut tant de douleur, que l'évêque Eusèbe fut obligé d'aller exprès à Micy, de l'emmener même dans son palais et de l'y retenir plusieurs jours pour le consoler de cette perte. Étant retourné dans son abbaye, ses vertus y parurent avec encore plus d'éclat qu'auparavant. Il était un parfait modèle d'humilité, de patience, de douceur, d'affabilité et de toutes les autres perfections religieuses ; il joignait tellement l'étude de la contemplation avec la sollicitude pastorale, que l'une ne nuisait point à l'autre, et que, sans perdre l'esprit d'oraison ni la présence de Dieu, il pourvoyait sagement à tous les besoins de ses religieux. Sa communauté grossissait de jour en jour, parce que chacun s'empressait de se mettre sous sa conduite, que les solitaires mène quittaient leurs déserts, et les moines leurs abbayes, pour venir se soumettre à la direction d'un homme si éclairé. Sa charité envers les pauvres n'avait point de bornes, et son monastère s'étant extrêmement enrichi par le soin qu'il prenait de faire cultiver les terres que le roi lui avait données, il répandait abondamment sur les nécessiteux les biens qu'il recevait de la main libérale de Dieu. Le don des miracles lui fut conféré d'une manière très excellente. Il apaisa, par sa seule parole, une tempête qui allait faire périr des bateaux de blé qu'il avait sur la Loire. Il multiplia du vin et du froment dans une famine, afin d'avoir de quoi continuer ses aumônes envers le peuple affligé et presque consumé de la faim. Il fit mourir un horrible dragon qui empestait, par son haleine, tout l'Orléanais, en lui dressant un bûcher où il le contraignit de se brûler. Il délivra un possédé qui ne méritait pas cette grâce, parce qu'il était fort libertin. Il rendit la vue à deux aveugles, dont un l'avait perdue pour avoir coupé malicieusement un arbre qui appartenait à son monastère. Enfin, il fit quantité d'autres prodiges qui le firent respecter comme le thaumaturge de son siècle. Sa vie ne fut pas fort longue, parce qu'il fut bientôt mûr pour l'éternité. Il mourut entre les bras de ses enfants, plein de mérites et de gloire, vers l'année 520. Son corps fut enterré, ainsi qu'il l'avait ordonné, au même endroit où il avait vaincu le monstre dont nous venons de parler : c'est le lieu où est à présent l'église paroissiale de Saint-Mesmin (Loiret, arrondissement et canton d'Orléans). Plus tard, on le transporta dans une église plus proche de la ville, que saint Avit avait fait bâtir en son honneur ; mais dans la suite, sous Jonas, évêque d'Orléans (821-843), il fut rendu à son abbaye de Micy, qui a pris son nom 1. La simple lecture de la vie de saint Mesmin suggérera facilement ses caractéristiques principales.

Ce récit est du Père Giry.

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